CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. NIILO JÄÄSKINEN
présentées le 17 décembre 2009 ( 1 )
Affaire C-446/08
Solgar Vitamin’s France e.a.
contre
Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi e.a.
«Directive 2002/46/CE — Rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires — Vitamines et minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires — Quantités maximales — Harmonisation au niveau de l’Union — Absence — Compétence des États membres — Modalités à respecter et critères à prendre en compte pour la fixation de ces quantités — Réglementation nationale fixant lesdites quantités — Fixation d’une quantité nulle»
1. Dans le cadre de la présente procédure, il est demandé à la Cour de se prononcer sur plusieurs questions relatives à l’existence et, le cas échéant, à l’étendue des compétences des États membres en matière de compléments alimentaires, dans l’hypothèse d’un défaut d’adoption par la Commission des mesures d’exécution ayant pour objet de fixer les quantités maximales de nutriments présentes dans les compléments alimentaires.
2. À cet égard, j’observe que le législateur a visé une harmonisation totale, en ce qui concerne les vitamines et minéraux susceptibles d’être utilisés dans la fabrication de compléments alimentaires. Cependant, cette harmonisation reste inachevée en pratique, eu égard à l’absence d’adoption par la Commission des mesures d’exécution nécessaires. Cette situation est source d’incertitude juridique pour les entreprises concernées et génère des difficultés dans le processus d’application et de
transposition pour les autorités compétentes des États membres. Il revient donc à la Cour de rechercher un point d’équilibre entre l’exigence de libre circulation des marchandises en question et la nécessité de protéger la santé publique dans ce contexte juridique inédit.
3. Le Conseil d’État français a saisi la Cour d’une série de questions portant sur l’interprétation des articles 5, 11, paragraphe 2, et 12 de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires ( 2 ), ainsi que des articles 28 CE et 30 CE.
4. Cette demande trouve son origine dans les recours pour excès de pouvoir introduits auprès de la juridiction de renvoi entre le 11 juillet 2006 et le par la société Solgar Vitamin’s France et sept autres requérantes, toutes actives dans le secteur des compléments alimentaires (ci-après «Solgar e.a.»), ainsi que dans le recours introduit le par le Syndicat de la Diététique et des Compléments Alimentaires (ci-après le «Syndicat») à l’encontre de l’arrêté interministériel du relatif aux nutriments
pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires (ci-après l’«arrêté du »).
I — Cadre juridique
A — Droit de l’Union européenne
5. Ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2002/46, celle-ci concerne les compléments alimentaires commercialisés comme des denrées alimentaires et présentés comme tels.
6. Les premier, deuxième, cinquième, treizième, quatorzième et seizième considérants de la directive 2002/46 sont rédigés comme suit:
«(1) Un nombre croissant de produits sont placés sur le marché de la Communauté sous la forme d’aliments constituant une source concentrée de nutriments et conçus pour compléter l’apport en nutriments d’un régime alimentaire normal.
(2) Ces produits sont régis dans les États membres par des règles nationales diverses susceptibles d’entraver leur libre circulation, de créer des conditions de concurrence inégales et d’avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur. Il importe dès lors d’adopter des règles communautaires applicables à ces produits commercialisés comme des denrées alimentaires.
[…]
(5) Afin de garantir un niveau élevé de protection des consommateurs et de faciliter leur choix, il est nécessaire que les produits qui sont mis sur le marché soient sans danger et portent un étiquetage adéquat et approprié.
[…]
(13) Les apports en quantités excessives de vitamines et de minéraux peuvent avoir des effets néfastes pour la santé et ce risque justifie la fixation, selon le cas, de limites maximales de sécurité pour ces substances dans les compléments alimentaires. Ces limites devraient garantir que l’utilisation normale des produits selon les instructions fournies par le fabricant est sans danger pour le consommateur.
(14) À cet effet, il est nécessaire que la fixation des quantités maximales tienne compte des limites supérieures de sécurité établies pour les vitamines et les minéraux après une évaluation scientifique des risques réalisée à partir de données scientifiques généralement acceptables et des apports de ces nutriments provenant de l’alimentation courante. Il est également dûment tenu compte des apports de référence pour la fixation des quantités maximales.
[…]
(16) L’adoption, sur la base des critères établis par la présente directive et des indications scientifiques appropriées, des valeurs spécifiques correspondant aux limites maximales et minimales des vitamines et des minéraux présents dans les compléments alimentaires constituerait une mesure d’application qu’il y a lieu de confier à la Commission.»
7. Aux termes de l’article 2 de la directive 2002/46:
«Aux fins de la présente directive, on entend par:
a) ‘compléments alimentaires’, les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis
d’un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité;
b) ‘nutriments’, les substances suivantes:
i) vitamines;
ii) minéraux.»
8. L’article 3 de la directive 2002/46 est ainsi rédigé:
«Les États membres veillent à ce que les compléments alimentaires ne puissent être commercialisés dans la Communauté que s’ils sont conformes aux règles énoncées dans la présente directive.»
9. L’article 4, paragraphes 1, 2 et 4, de la directive 2002/46 dispose:
«1. En ce qui concerne les vitamines et minéraux, sous réserve du paragraphe 6, seuls ceux énumérés à l’annexe I, sous les formes visées à l’annexe II, peuvent être utilisés dans la fabrication de compléments alimentaires.
2. Les critères de pureté des substances énumérées à l’annexe II sont arrêtés selon la procédure visée à l’article 13, paragraphe 2, sauf lorsqu’ils sont appliqués conformément au paragraphe 3.
[…]
4. Pour les substances énumérées à l’annexe II pour lesquelles les critères de pureté ne sont pas spécifiés dans la législation communautaire et jusqu’à l’adoption de telles spécifications, des critères de pureté généralement acceptables, recommandés par des organismes internationaux, sont applicables et les règles nationales fixant des critères de pureté plus stricts peuvent être maintenues.
[…]»
10. L’article 5 de la directive 2002/46 est ainsi rédigé:
«1. Les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires sont fixées en fonction de la portion journalière recommandée par le fabricant en tenant compte des éléments suivants:
a) les limites supérieures de sécurité établies pour les vitamines et les minéraux après une évaluation scientifique des risques fondée sur des données scientifiques généralement admises, compte tenu, le cas échéant, de la différence des niveaux de sensibilité de différents groupes de consommateurs;
b) les apports en vitamines et en minéraux provenant d’autres sources alimentaires.
2. Lors de la fixation des quantités maximales visée au paragraphe 1, il est également dûment tenu compte des apports de référence en vitamines et en minéraux pour la population.
3. Pour garantir la présence en quantités suffisantes de vitamines et de minéraux dans les compléments alimentaires, des quantités minimales sont fixées, de façon appropriée, en fonction de la portion journalière recommandée par le fabricant.
4. Les quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux mentionnées aux paragraphes 1, 2 et 3 sont arrêtées selon la procédure visée à l’article 13, paragraphe 2.»
11. L’article 11 de la directive 2002/46 énonce:
«1. Sans préjudice de l’article 4, paragraphe 7, les États membres ne peuvent interdire ou entraver le commerce des produits visés à l’article 1er qui sont conformes à la présente directive et, le cas échéant, aux actes communautaires arrêtés pour sa mise en œuvre pour des motifs liés à la composition, aux caractéristiques de fabrication, de présentation ou à l’étiquetage de ces produits.
2. Sans préjudice du traité CE, et notamment de ses articles 28 et 30, le paragraphe 1 n’affecte pas les dispositions nationales qui sont applicables en l’absence d’actes communautaires arrêtés au titre de la présente directive.»
12. Aux termes de l’article 12 de la directive 2002/46:
«1. Si un État membre constate, sur la base d’une motivation circonstanciée, en raison de nouvelles données ou d’une nouvelle évaluation des données existantes intervenues depuis l’adoption de la présente directive ou d’un des actes communautaires arrêtés pour sa mise en œuvre, que l’emploi d’un des produits visés à l’article 1er présente un danger pour la santé humaine bien que le produit soit conforme à ladite directive ou auxdits actes communautaires, cet État membre peut, provisoirement,
suspendre ou restreindre sur son territoire l’application des dispositions en question. Il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission en précisant les motifs de sa décision.
2. La Commission examine dans les meilleurs délais les motifs invoqués par l’État membre intéressé et procède à la consultation des États membres au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, puis elle émet sans tarder son avis et prend les mesures appropriées.
3. Si la Commission estime qu’il est nécessaire de modifier la présente directive ou les actes communautaires arrêtés pour sa mise en œuvre afin de remédier aux difficultés évoquées au paragraphe 1 et d’assurer la protection de la santé humaine, elle engage la procédure visée à l’article 13, paragraphe 2, en vue d’adopter ces modifications. Dans ce cas, l’État membre qui a adopté des mesures de sauvegarde peut les maintenir jusqu’à ce que les modifications aient été arrêtées.»
13. L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2002/46 prévoit que la Commission est assistée par le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale institué par le règlement (CE) no 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ( 3 )
(ci-après le «comité»).
14. Dans le cas où il est fait référence à l’article 13, paragraphe 2, de la directive 2002/46, les articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission ( 4 ) (ci-après la «décision sur la comitologie») s’appliquent. L’article 5 de la décision sur la comitologie régit la procédure de réglementation.
15. Le seizième considérant du règlement no 178/2002 indique:
«Les mesures régissant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux adoptées par les États membres et la Communauté doivent généralement reposer sur une analyse des risques, sauf si les circonstances ou la nature des mesures rendent ce recours inutile. Le recours à une analyse des risques avant l’adoption de ces mesures doit faciliter la prévention des entraves injustifiées à la libre circulation des denrées alimentaires.»
B — Droit national
16. Le décret no 2006-352, du 20 mars 2006, relatif aux compléments alimentaires (ci-après le «décret»), a notamment pour objet d’assurer la transposition en droit français de la directive 2002/46.
17. L’article 2 du décret précise que la notion de «nutriments» au sens du décret comprend les vitamines et les minéraux.
18. Aux termes de l’article 5 du décret:
«Les nutriments définis au 2o de l’article 2 ne peuvent être employés dans la fabrication des compléments alimentaires que dans les conditions fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation, de l’agriculture et de la santé. Cet arrêté fixe:
1o La liste des nutriments dont l’emploi est autorisé;
2o Les critères d’identité et de pureté auxquels ils doivent répondre;
3o Les teneurs maximales admissibles et, le cas échéant, les teneurs minimales requises;
4o La liste des nutriments dont l’emploi est autorisé jusqu’au 31 décembre 2009».
19. Selon l’article 15 de ce même décret:
«Le responsable de la première mise sur le marché d’un complément alimentaire ne relevant pas de la procédure prévue à l’article 16 informe la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la mise sur le marché du produit en lui transmettant un modèle de son étiquetage.
La composition du produit telle qu’elle est mentionnée sur l’étiquetage doit satisfaire aux conditions prévues par les dispositions du premier alinéa de l’article 3.
Un arrêté des ministres chargés de la consommation, de l’agriculture et de la santé précisera les modalités de transmission de cette déclaration.»
20. Aux termes de l’article 16 dudit décret:
«La première mise sur le marché français d’un complément alimentaire contenant une substance à but nutritionnel ou physiologique, une plante ou une préparation de plante, ne figurant pas dans les arrêtés prévus aux articles 6 et 7, mais légalement fabriqué ou commercialisé dans un autre État membre de la Communauté européenne ou un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen donne lieu à la procédure suivante:
1o L’importateur ou le fabricant établi sur le territoire d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doit faire une déclaration à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
[…]
5o Le refus d’autorisation de commercialisation est motivé:
[…]
b) […] par des éléments scientifiques, délivrés notamment par l’Agence française de sécurité des aliments, démontrant que le produit présente un risque pour la santé.
[…]»
21. Adopté en application de ce même décret, l’arrêté du 9 mai 2006 fixe, notamment, une liste des vitamines et des minéraux pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires, ainsi que les doses journalières maximales dans le cadre de cette utilisation.
22. Aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 9 mai 2006:
«L’utilisation des substances vitaminiques et minérales énumérées à l’annexe II ne doit pas conduire à un dépassement des doses journalières mentionnées à l’annexe III du présent arrêté, compte tenu de la portion journalière de produit recommandée par le fabricant telle qu’elle est indiquée dans l’étiquetage».
23. S’agissant du fluor, l’annexe III de l’arrêté du 9 mai 2006 fixe la dose journalière maximale de ce minéral à 0 mg.
II — Les faits de la procédure au principal et les questions préjudicielles
24. Dans le cadre de la procédure pendante devant le Conseil d’État, les requérantes ont contesté la légalité de l’arrêté du 9 mai 2006 en faisant notamment valoir qu’il ne serait pas conforme au droit de l’Union et, plus précisément, aux articles 28 CE et 30 CE, ainsi qu’à la directive 2002/46.
25. Solgar e.a. et le Syndicat ont notamment soutenu devant la juridiction de renvoi que la directive 2002/46 s’opposait à toute mesure nationale ayant pour objet de fixer des quantités maximales et minimales de vitamines et minéraux présentes dans les compléments alimentaires.
26. En outre, les parties requérantes au principal reprochent aux autorités françaises d’avoir fixé les doses journalières maximales, d’une part, indépendamment de la portion journalière recommandée par le fabricant et, d’autre part, sans tenir compte des limites supérieures de sécurité établies après une évaluation scientifique du risque ainsi que des différences de niveaux de sensibilité entre les différents groupes des consommateurs.
27. C’est dans ce contexte que le Conseil d’État a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) La directive 2002/46/CE du 10 juin 2002, en particulier ses articles 5, paragraphe 4, et 11, paragraphe 2, doit-elle être interprétée en ce sens que, s’il appartient en principe à la Commission de définir les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires, les États membres demeurent compétents pour adopter une réglementation en la matière tant que la Commission n’a pas adopté l’acte communautaire requis?
2) En cas de réponse affirmative à cette question:
a) Les États membres, s’ils sont tenus, pour fixer ces quantités maximales, de respecter les stipulations des articles 28 [CE] et 30 [CE], doivent-ils aussi s’inspirer des critères définis à l’article 5 de la directive [2002/46], y compris l’exigence d’une évaluation des risques fondée sur des données scientifiques généralement admises dans un secteur caractérisé encore par une relative incertitude?
b) Un État membre peut-il fixer des maxima lorsqu’il est impossible, comme dans le cas du fluor, de chiffrer avec précision les apports en vitamines et minéraux provenant d’autres sources alimentaires, notamment de l’eau de distribution, pour chaque groupe de consommateurs et territoire par territoire? Peut-il, dans ce cas, fixer un taux nul en présence de risques avérés sans recourir à la procédure de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive [2002/46]?
c) Dans la fixation des teneurs maximales, s’il est possible de tenir compte des différences de niveaux de sensibilité de différents groupes de consommateurs aux termes mêmes de l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive [2002/46], un État membre peut-il aussi se fonder sur ce qu’une mesure visant le seul public particulièrement exposé au risque, par exemple un étiquetage adapté, pourrait dissuader ce groupe de recourir à un nutriment bénéfique pour lui à faibles doses? La prise en
compte de cette différence de sensibilité peut-elle conduire à appliquer à l’ensemble de la population la teneur maximale adaptée à un public fragile, notamment les enfants?
d) Dans quelle mesure des maxima peuvent-ils être fixés en l’absence de limites de sécurité faute de danger établi pour la santé? Plus généralement, dans quelle mesure et à quelles conditions la pondération des critères à prendre en compte pourrait-elle conduire à fixer des maxima sensiblement inférieurs aux limites de sécurité admises pour ces nutriments?»
III — Sur l’existence d’une compétence normative des États membres
A — Observations liminaires
28. Avant d’examiner les questions posées par la juridiction de renvoi, je souhaiterais relever que, dans ses observations écrites, Solgar e.a. fait valoir que l’illégalité de l’arrêté du 9 mai 2006 résulterait notamment de l’absence de procédure de reconnaissance mutuelle en ce qui concerne les compléments alimentaires à base de vitamines et minéraux provenant d’un autre État membre. Il me semble, en effet, que l’article 16 du décret exclut du champ d’application de la procédure «allégée» prévue
par cet article les compléments alimentaires légalement commercialisés dans un autre État membre à base de nutriments dont les valeurs dépassent les limites fixées par l’arrêté du .
29. Toutefois, dans la décision de renvoi, le Conseil d’État a considéré que la problématique de la reconnaissance mutuelle des nutriments ne faisait pas l’objet de la procédure pendante devant lui. Par conséquent, si la portée exacte du terme «utilisation» figurant à l’article 3 dudit arrêté m’apparaît incertaine ( 5 ), je ne me pencherai pas pour autant sur cette question.
B — Sur l’absence de mesures d’exécution de la directive 2002/46
30. En ce qui concerne la première question, les opinions exprimées par les parties ayant présenté des observations écrites dans le cadre de la présente procédure se divisent en deux groupes.
31. D’une part, Solgar e.a. et le Syndicat proposent à la Cour de répondre en ce sens que les États membres ne sont pas compétents pour adopter une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal, quand bien même la Commission n’aurait pas adopté l’acte requis.
32. D’autre part, la Commission ainsi que les gouvernements français et polonais considèrent qu’il convient d’interpréter la directive 2002/46 en ce sens que, à défaut de l’adoption de mesures fixant les quantités visées à l’article 5, paragraphe 4, de cette directive, les États membres demeurent compétents pour fixer les seuils de vitamines et de minéraux.
33. Après avoir rappelé les principes régissant la procédure prévue aux fins de l’adoption des mesures en question, il conviendra de s’interroger sur les effets d’un défaut d’adoption des mesures en cause par la Commission.
34. Il ressort de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46 que les quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux devraient être arrêtées selon la procédure de réglementation définie à l’article 5 de la décision sur la comitologie.
35. Dans le cadre de cette procédure, la Commission soumet au comité visé à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2002/46 un projet des mesures à prendre, sur lequel le comité émet son avis. En l’espèce, le comité en question n’a même pas encore été saisi ( 6 ). Dans ses observations, la Commission fait très brièvement état des travaux à cet égard. Malgré l’adoption d’un «Discussion paper» en 2006 ( 7 ) et des discussions menées avec les États membres et les parties intéressées en 2007 et en
2008, il semble qu’aucun projet de mesure n’ait été adopté à ce jour ( 8 ).
36. Certes, lors de l’adoption de la directive 2002/46, le législateur n’a pas fixé le délai pour l’adoption des mesures d’exécution au titre de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46. Cette approche me semble opportune eu égard à la difficulté que présentait la fixation de quantités minimales et maximales de vitamines et de minéraux et dont l’élaboration nécessitait, par conséquent, un temps considérable.
37. En tout état de cause, j’observe que la directive 2002/46 a été adoptée le 10 juin 2002. Les États membres étaient tenus de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires au plus tard le et de les appliquer de manière, d’une part, à autoriser, au plus tard le , le commerce des produits conformes à la directive 2002/46 et, d’autre part, à interdire, au plus tard le , le commerce des produits non conformes à la directive 2002/46 ( 9 ).
38. Force est de constater que, en l’absence d’un acte de la Commission fixant des quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires, l’ordonnancement juridique de l’Union en matière de compléments alimentaires comporte, en l’état, une véritable lacune. En n’ayant pas adopté les mesures requises, la Commission n’a pas exercé ses compétences d’exécution des dispositions de la directive 2002/46, alors même que le délai de transposition de ladite
directive pour les États membres est expiré depuis plusieurs années.
39. Il ne fait pas de doute que l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46, tout en habilitant la Commission à définir les quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux, met également à sa charge une obligation de préciser la portée de ladite directive. En effet, en l’absence d’une telle précision, la notion de «produit conforme à la présente directive» reste, en pratique, impossible à appliquer, tout au moins d’une façon uniforme. Il n’est pas exclu que l’absence, à
l’article 5 de la directive 2002/46, d’une disposition comparable à celle figurant à l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2002/46 est l’expression indirecte de la volonté du législateur d’imposer à la Commission d’adopter sa décision, au plus tard, à l’expiration du délai de transposition, c’est-à-dire en août 2003.
40. Dès lors que les États membres se trouvent dans l’impossibilité d’achever le processus de transposition, cette situation me paraît inacceptable du point de vue juridique. En effet, l’absence des mesures d’exécution rend le rapprochement des législations nationales en cause inefficace et peu transparent tant pour les États membres que pour les producteurs, ainsi que pour les consommateurs. Aussi, les dispositions concernées de la directive 2002/46 se trouvent-elles privées de leur effet utile.
41. En conséquence, la thèse soutenue par Solgar e.a. et le Syndicat, selon laquelle les États membres ne seraient pas compétents pour adopter une réglementation nationale telle que celle en cause dans l’affaire au principal ( 10 ) alors même que la Commission n’a pas adopté l’acte requis, ne saurait être retenue. Cette interprétation se heurte tant aux articles 152, premier alinéa, et 95, paragraphe 3, CE ( 11 ) qu’au treizième considérant de la directive 2002/46. Il s’agit, en effet, des
substances dont la consommation excessive peut avoir des effets néfastes pour la santé humaine, certaines substances figurant dans la liste «positive» de l’annexe I de la directive 2002/46, comme le fluor ou le chrome, pouvant même s’avérer toxiques en cas de dépassement de leur limite de sécurité.
42. Par conséquent, dans ce contexte particulier de la législation alimentaire et dans l’attente d’une action de la Commission, je considère que cette lacune de la réglementation de l’Union peut, voire doit, être comblée par les destinataires de la directive 2002/46, à savoir les États membres.
43. Je considère qu’il existe deux voies juridiques susceptibles de justifier cette conclusion. La première consiste à se référer à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46. La seconde peut être fondée sur la jurisprudence relative à l’application des articles 28 CE et 30 CE.
C — Sur l’applicabilité de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46
44. Dans leurs observations écrites soumises à la Cour, la Commission et le gouvernement français ont souligné que, en ce qui concerne la fixation des seuils de vitamines et de minéraux, la directive 2002/46 ne prévoyait pas, contrairement à son article 4, paragraphe 4, relatif aux critères de pureté pour les substances énumérées à l’annexe II, l’application des règles nationales tant que les spécifications communautaires n’auront pas été adoptées.
45. À cet égard, il convient de relever que la directive 2002/46 prévoit, d’une part, dans son article 3, que seuls les compléments alimentaires conformes à la directive 2002/46 peuvent être commercialisés dans l’Union. D’autre part, il découle de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2002/46 que les États membres ne peuvent interdire ou entraver le commerce des produits conformes à ladite directive et aux actes de l’Union arrêtés pour sa mise en œuvre. Cette disposition se réfère à tous les
produits visés à l’article 1er de la directive 2002/46, c’est-à-dire aux compléments alimentaires commercialisés comme des denrées alimentaires et présentés comme telles.
46. Aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46, cette interdiction faite aux États membres d’entraver le commerce des produits conformes à la directive 2002/46 n’affecte pas les dispositions nationales qui sont applicables en l’absence d’actes de l’Union arrêtés au titre de la directive 2002/46.
47. Il découle également dudit article 11, paragraphe 2, que la faculté reconnue aux États d’édicter des dispositions nationales en l’absence d’actes de l’Union est encadrée, notamment par l’obligation de se conformer aux principes de la libre circulation des marchandises.
48. Certes, la Cour a déjà jugé, s’agissant de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46, que la lecture combinée de cette disposition et du huitième considérant de cette même directive faisait ressortir que l’objet de ladite disposition était de préserver, dans l’attente d’une réglementation spécifique de l’Union, l’application, dans le respect du traité, des règles nationales relatives aux nutriments autres que les vitamines et les minéraux, ou à d’autres substances ayant un effet
nutritionnel ou physiologique, utilisés comme ingrédients dans les compléments alimentaires ( 12 ).
49. La Cour a également précisé que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46 visait ainsi uniquement les compléments alimentaires qui contiennent des nutriments ou des substances ne relevant pas du champ d’application matériel de celle-ci ( 13 ).
50. Toutefois, en l’espèce, je suis d’avis qu’il conviendrait d’étendre le champ d’application de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46 par une interprétation plus proche du sens littéral de cette disposition. Ainsi, je propose d’interpréter les termes «en l’absence d’actes communautaires arrêtés au titre de la présente directive» comme visant également l’absence des mesures à adopter par la Commission afin de préciser les quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux
conformément à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46. Il me semble, par ailleurs, que, dans l’attente des mesures d’exécution de la Commission, certains États membres ont, en pratique, suivi cette interprétation ( 14 ).
51. Par conséquent, je considère que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46 reconnaît un pouvoir aux États membres pour agir en l’absence des mesures d’exécution de l’Union. Ainsi, les États membres sont, selon moi, habilités à définir les quantités maximales de vitamines et de minéraux.
52. Cette faculté des États membres me semble également indispensable au regard des impératifs de protection de la santé humaine qui régissent la législation concernant les compléments alimentaires, ainsi que le rappelle le treizième considérant de la directive 2002/46. Par ailleurs, les États membres disposent de données scientifiques, établies au niveau national, qui peuvent être utilisées au profit de la population dans l’attente de l’adoption des mesures requises au niveau de l’Union. Enfin,
j’observe que plusieurs États membres ont d’ores et déjà adopté des mesures législatives ou ont établi des recommandations afin d’identifier les seuils de nutriments présents dans les compléments alimentaires ( 15 ).
D — Sur le recours à l’article 30 CE comme fondement juridique de la compétence résiduelle des États membres
53. Dans l’hypothèse où la Cour ne serait pas prête à se départir de l’interprétation de la portée de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2002/46 qu’elle a retenue obiter dicta dans l’arrêt Alliance for Natural Health e.a., précité ( 16 ), j’estime possible de parvenir à la même conclusion en suivant un raisonnement alternatif.
54. À cet égard, je rappellerai que, dans son arrêt Denkavit Futtermittel, la Cour a jugé que l’article 36 du traité CE (devenu, après modification, article 30 CE) n’a pas pour objet de réserver certaines matières à la compétence exclusive des États membres, mais admet seulement que les législations nationales fassent exception au principe de la libre circulation des marchandises dans la mesure où cela est et demeure justifié pour atteindre les objectifs visés par cette disposition ( 17 ).
55. Il résulte de la jurisprudence que, lorsque, en application de l’article 95 CE, des directives prévoient l’harmonisation des mesures nécessaires pour garantir la protection de la santé des personnes et des animaux, le recours à l’article 30 CE cesse d’être justifié et que c’est dans le cadre tracé par les directives d’harmonisation que les contrôles appropriés doivent être effectués et que les mesures de protection doivent être prises ( 18 ).
56. En effet, dès lors qu’une question fait l’objet d’une harmonisation au niveau de l’Union, les mesures nationales y relatives doivent être appréciées au regard des dispositions de cette mesure d’harmonisation et non pas de celles du traité ( 19 ).
57. En l’espèce, il découle, notamment, des deuxième et cinquième considérants de la directive 2002/46 que celle-ci tend à concilier les objectifs de protection de la santé humaine et de la libre circulation des compléments alimentaires comportant des substances définies dans les annexes de cette directive.
58. Ainsi, la Cour a déjà jugé que l’interdiction de commercialiser des compléments alimentaires non conformes à la directive 2002/46, complétée par l’obligation qui pèse sur les États membres, en vertu de ladite directive, d’autoriser le commerce des compléments alimentaires conformes à celle-ci, a pour finalité d’éliminer les entraves résultant des divergences entre les règles nationales en ce qui concerne les vitamines, les minéraux et les substances vitaminiques ou minérales autorisés ou
interdits dans la fabrication des compléments alimentaires, tout en assurant, en application de l’article 95, paragraphe 3, CE, un niveau de protection élevé en matière de santé des personnes ( 20 ).
59. S’agissant de la fixation des limites applicables aux vitamines et minéraux présents dans les compléments alimentaires, l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2002/46 détermine les paramètres généraux selon lesquels les quantités maximales de vitamines et de minéraux figurant à l’annexe I doivent être fixées.
60. L’adoption sur la base tant des critères établis par la directive 2002/46 que des indications scientifiques appropriées des valeurs spécifiques correspondant aux limites maximales et minimales de vitamines et de minéraux présents dans les compléments alimentaires a été confiée, en tant que mesure d’application, à la Commission.
61. Or, à défaut de fixation des limites en question par la Commission, l’harmonisation réalisée par la directive 2002/46 ne saurait être, à ce stade, considérée comme exhaustive.
62. Par conséquent, à la lumière de la jurisprudence précitée, les États membres demeurent compétents en vue d’adopter des mesures nécessaires à la protection de la santé humaine, en particulier lorsqu’ils prévoient des mesures destinées à prévenir l’utilisation de quantités excessives, voire toxiques, de vitamines et de minéraux dans les compléments alimentaires.
63. Par ailleurs, dans ce contexte, la Cour a déjà jugé qu’un tel pouvoir d’appréciation relatif à la protection de la santé publique est particulièrement important lorsqu’il est démontré que des incertitudes subsistent en l’état actuel de la recherche scientifique quant à certaines substances, telles les vitamines qui ne sont en règle générale pas nocives par elles-mêmes, mais qui peuvent produire des effets nuisibles particuliers dans le seul cas de leur consommation excessive avec l’ensemble de
la nourriture dont la composition n’est pas susceptible de prévision ni de contrôle ( 21 ).
E — Conclusion sur la première question posée
64. Eu égard à tout ce qui précède, je ne puis donc, pour ma part, que considérer que, en l’absence d’adoption par la Commission des mesures d’exécution prévues à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46, les États membres demeurent compétents pour adopter des dispositions visant à fixer les quantités maximales de vitamines et de minéraux, dans le respect des principes résultant des articles 28 CE et 30 CE.
IV — Sur l’étendue de la compétence des États membres lors de la fixation des quantités maximales et minimales de vitamines et de minéraux
A — Observations générales
65. S’il est admis que les États membres demeurent compétents, en l’espèce, pour adopter les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires, il importe de relever que, dans l’exercice de cette compétence, ceux-ci ne sont pas pour autant dispensés de respecter les principes généraux du droit de l’Union.
66. En ce qui concerne l’étendue des obligations des États membres au cours des différentes phases de la transposition d’une directive, il est de jurisprudence constante qu’avant l’expiration du délai de transposition, les États membres doivent, d’une part, prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par la directive sera atteint à l’expiration de ce délai et, d’autre part, s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par
cette directive ( 22 ).
67. La Cour s’est également prononcée au sujet des dispositions transitoires prévues par les directives et applicables après l’expiration du délai de transposition ( 23 ). Après avoir considéré qu’il n’y avait pas lieu d’interpréter les dispositions concernées comme constituant une obligation de «standstill» ( 24 ), la Cour a jugé que les principes dégagés dans le cadre de la jurisprudence Inter-Environnement Wallonie s’appliquent aux périodes transitoires au cours desquelles les États sont
autorisés à continuer d’appliquer leurs systèmes nationaux bien qu’ils ne soient pas conformes à la directive considérée ( 25 ).
68. En effet, selon la Cour, le droit des États membres de modifier leurs systèmes d’autorisation pendant la période transitoire ne saurait être considéré comme illimité ( 26 ).
69. Je considère que le même raisonnement doit s’appliquer a fortiori à une situation telle que celle en cause, résultant d’un défaut d’adoption par la Commission des mesures d’exécution de la directive, surtout dans la mesure où les effets obligatoires de la directive 2002/46 liant les États membres sont devenus complets et définitifs à la fin du délai de transposition.
70. Par conséquent, il convient, selon moi, de considérer qu’il résulte de l’application combinée des articles 10, second alinéa, et 249, troisième alinéa, CE ainsi que de la directive 2002/46 elle-même que, en l’absence d’adoption par la Commission des mesures d’exécution portant fixation des quantités minimales et maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires, les États membres doivent adopter toutes les mesures nécessaires pour préserver l’effet utile des
dispositions de la directive 2002/46 et s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre le résultat prescrit par cette directive.
71. Ensuite, je rappellerai que, dans le cadre de la législation alimentaire conçue comme une politique intersectorielle, il est nécessaire d’effectuer une mise en balance des différents intérêts, à savoir la protection des consommateurs, la protection de la santé et la protection de l’environnement.
72. En matière de compléments alimentaires, ce sont notamment les principes de protection des consommateurs et de protection de la santé qui s’enchevêtrent. Ce domaine spécifique de la législation alimentaire constitue l’expression des exigences, d’une part, de l’article 152, paragraphe 1, premier alinéa, CE, qui prévoit un niveau élevé de protection de la santé humaine dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de l’Union, et, d’autre part, de l’article 95,
paragraphe 3, CE qui exige expressément la garantie d’un niveau élevé de protection de la santé des personnes dans l’harmonisation réalisée ( 27 ).
73. En outre, ainsi que l’a relevé la Commission dans une communication de 1997, l’expérience montre «que la sûreté alimentaire ne préoccupe pas seulement le consommateur, mais qu’elle est vitale pour le bon fonctionnement du marché. La sûreté alimentaire n’est donc pas seulement une condition préalable pour la protection de la santé des consommateurs mais elle sert aussi les intérêts des producteurs et de ceux qui sont associés à la transformation et à la commercialisation des denrées
alimentaires» ( 28 ).
74. Par ailleurs, l’évaluation scientifique constitue un aspect central d’un système qui vise à concilier l’objectif de la libre circulation et celui de l’innovation technologique, dès lors que ces deux objectifs comportent des risques qu’il convient d’analyser ( 29 ).
75. C’est à la lumière des éléments susmentionnés qu’il conviendra de procéder à l’analyse des questions suivantes posées par la juridiction de renvoi.
B — Sur la seconde question, sous a)
76. Dans le cadre de cette question, la Cour sera amenée à identifier les dispositions qu’un État membre doit prendre en compte lors de la fixation des quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires. La juridiction de renvoi s’interroge, en effet, sur le point de savoir si, au-delà des articles 28 CE et 30 CE, un État membre est tenu de s’inspirer des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46.
77. Je relève que l’ensemble des parties ayant déposé des observations écrites s’accorde à considérer qu’il convient de répondre par l’affirmative à cette question.
78. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 5 de la directive 2002/46 établit trois critères pour fixer les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires:
— les limites supérieures de sécurité [article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2002/46];
— les apports en vitamines et minéraux provenant d’autres sources alimentaires [article 5, paragraphe 1, sous b), de la directive 2002/46], et
— les apports de référence ( 30 ) en vitamines et minéraux pour la population (article 5, paragraphe 2, de la directive 2002/46).
79. Il ressort de la jurisprudence ci-dessus évoquée que l’obligation faite à tout État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive a un caractère contraignant ( 31 ). Il s’ensuit qu’à l’expiration du délai de transposition, en l’absence d’adoption des mesures d’exécution par la Commission, les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer que le résultat prescrit par la directive sera atteint et s’abstenir de prendre
des dispositions de nature à compromettre ledit résultat.
80. Dans la mesure où l’article 5 de la directive 2002/46 constitue une disposition clé en ce qui concerne la fixation des quantités maximales de vitamines et de minéraux, les États membres ne sauraient, dans l’attente de l’adoption d’un acte de l’Union, ignorer les critères qui y figurent sans compromettre les objectifs visés par la directive 2002/46.
81. À cet égard, il convient également de se référer aux principes régissant la législation alimentaire et, en particulier, à l’objectif de protection de la santé humaine qui sous-tend notamment les dispositions de l’article 5 de la directive 2002/46.
82. En effet, afin de garantir que les compléments alimentaires ne présentent aucun risque pour la santé, la directive 2002/46 assure une démarche rigoureuse lors de la détermination de l’innocuité de ces produits ainsi qu’une information adéquate du consommateur. Ces deux aspects constituent les principes essentiels de toute évaluation des préparations en cause.
83. J’observe que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Stichting Zuid Hollandse Milieufederatie, précités, la Cour a relevé l’importance de la prise en compte des effets sur la santé humaine des mesures adoptées par un État membre durant la période transitoire établie par la directive 2002/46 ( 32 ).
84. De surcroît, l’article 5 de la directive 2002/46 est une disposition de portée générale qui porte sur l’appréciation scientifique du risque. Ce critère fait partie des principes énoncés également à l’article 6 du règlement no 178/2002, en vertu duquel, afin d’atteindre l’objectif général d’un niveau élevé de protection de la santé et de la vie des personnes, la législation alimentaire se fonde sur l’analyse des risques, sauf dans les cas où cette approche n’est pas adaptée aux circonstances ou à
la nature de la mesure.
85. Certes, le règlement no 178/2002, en tant que lex generalis, s’applique pour autant que la directive 2002/46, en tant que lex specialis, ne s’applique pas ( 33 ).
86. Néanmoins, ainsi que le fait valoir la Commission, l’analyse des trois critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46 constitue «une évaluation des risques» au sens du règlement no 178/2002, lequel, en vertu de son article 1er, paragraphe 2, a vocation à s’appliquer à toutes les mesures concernant la sécurité des aliments prises aussi bien au niveau de l’Union qu’au niveau des États membres.
87. Enfin, il peut être soutenu, au vu du contexte exceptionnel résultant du défaut d’adoption par la Commission de mesures d’exécution, que les États membres se substituent provisoirement à celle-ci aux fins de la fixation des quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires. Ceux-ci sont en conséquence tenus de s’inspirer des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46 et, dans ce cadre, de limiter les effets négatifs découlant de l’absence
des mesures d’exécution au niveau de l’Union aux fins de la réalisation des objectifs poursuivis par la directive 2002/46.
88. Eu égard à tout ce qui précède, je proposerai de répondre à la seconde question, sous a), en ce sens que, en adoptant les mesures visant à définir les quantités maximales de vitamines et de minéraux présentes dans les compléments alimentaires, les États sont tenus non seulement de respecter les articles 28 CE et 30 CE, mais également de s’inspirer des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46.
C — Sur la seconde question, sous b)
89. Par cette question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans l’hypothèse où il est impossible, comme dans le cas du fluor, de chiffrer avec précision les apports en vitamines et minéraux provenant d’autres sources alimentaires, un État membre peut, en présence de risques avérés, fixer les quantités maximales d’un minéral à une valeur nulle sans recourir à la procédure de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive 2002/46.
90. Toutes les parties ayant déposé des observations écrites, à l’exception du gouvernement français, soutiennent que la fixation d’un taux nul revient à instituer une interdiction absolue d’utilisation du fluor qui figure pourtant sur la liste positive des vitamines et minéraux pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires. Il en découle, selon elles, que l’État membre qui procéderait ainsi restreindrait le champ d’application de la directive 2002/46. Par conséquent, les
parties en question estiment qu’un État membre ne peut pas fixer une quantité maximale à une valeur nulle sans recourir à la procédure de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive 2002/46.
91. Cette position me semble cohérente et est, sans doute, aisément justifiable au regard des principes généraux applicables dans le domaine de la libre circulation des marchandises. Je m’interroge néanmoins sur le point de savoir si une telle approche ne simplifie pas excessivement les termes du débat en question. En effet, d’après cette logique, un État membre pourrait éviter d’encourir des reproches du fait de l’exclusion d’une substance du champ d’application de la directive 2002/46 en se
bornant à retenir des valeurs proches de zéro, plus ou moins fictives, comme par exemple une valeur maximale de 0,01 mg pour le fluor.
92. À mon avis, une telle pratique entrerait en conflit avec les dispositions de l’article 5 de la directive 2002/46. Or, comme je l’ai indiqué ci-dessus, les autorités nationales doivent s’inspirer des critères énoncés à cet article.
93. Il reste donc à déterminer si l’inclusion d’un nutriment dans la liste figurant à l’annexe I de la directive 2002/46 s’oppose en soi à ce qu’une application correcte des critères de l’article 5 de ladite directive conduise à retenir un taux nul dans le cadre de la fixation de la quantité maximale autorisée du minéral en question.
94. Le gouvernement français fait valoir à cet égard qu’un État membre serait en droit de fixer une valeur nulle à titre de quantité maximale lorsqu’une substance présente des risques avérés, comme le fluor, dans la mesure où il est impossible de déterminer avec précision les apports en cette substance provenant d’autres sources alimentaires. Dans cette hypothèse, l’État membre ne devrait pas recourir à la procédure de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive 2002/46.
95. À l’appui de sa position, le gouvernement français se réfère aux études menées par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) qui, d’une part, a indiqué les données relatives à la concentration en fluor des eaux de distribution en France et, d’autre part, a identifié la présence de fluor, en des quantités variables, dans les eaux minérales, les sels fluorés et les dentifrices fluorés et la supplémentation médicamenteuse en fluor pour les nourrissons et les enfants de moins de
12 ans ( 34 ).
96. Compte tenu des avis scientifiques émis par l’AFSSA ( 35 ), la Commission doute de l’impossibilité, évoquée par la juridiction de renvoi, de chiffrer avec précision les différents apports du fluor. Au contraire, elle considère qu’il en découle que les autorités françaises disposaient des données leur permettant d’évaluer les principales sources du fluor. Au niveau de l’Union, la Commission se réfère à l’avis scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui fournit des
données sur les apports issus des eaux minérales ( 36 ).
97. Tout en reconnaissant l’existence de difficultés à établir les apports chiffrés exacts en ce qui concerne le cumul de différentes sources de fluor pour chaque groupe de consommateurs et territoire par territoire ( 37 ), j’estime également que les autorités françaises disposaient des données permettant d’identifier, à tout le moins approximativement, les apports en fluor provenant d’autres sources alimentaires et, en particulier, de l’eau de distribution. J’interprète donc la position des
autorités françaises en ce sens que la marge entre la quantité de fluor provenant d’autres sources alimentaires et la limite de sécurité pour ce minéral est considérée comme étant très limitée, voire inexistante, en France et que, pour cette raison, l’application des critères mentionnés à l’article 5 de la directive 2002/46 permettrait, selon les autorités françaises, de fixer la quantité maximale à un niveau zéro.
98. S’agissant, plus généralement, de la question de savoir si les autorités françaises auraient dû recourir à la clause de sauvegarde en l’espèce, le gouvernement français explique que, dès lors que le fluor a été considéré par les autorités françaises comme relevant de la catégorie des minéraux qui présentent un risque particulièrement élevé pour certaines catégories de la population ( 38 ), l’annexe III de l’arrêté du 9 mai 2006 fixe la dose journalière maximale de ce minéral à 0 mg.
99. Par ailleurs, dans son avis, l’AFSSA a estimé qu’il existait en France, pour les enfants et les adultes, un risque de dépassement des limites de sécurité en fluor par la consommation de compléments alimentaires contenant du fluor ( 39 ).
100. À cet égard, je rappellerai, que, en vertu de l’article 3 de la directive 2002/46, seuls les compléments alimentaires conformes à ladite directive peuvent être commercialisés dans l’Union. Par ailleurs, cette même directive prévoit, à son article 11, paragraphe 1, que les États membres ne peuvent interdire ou entraver le commerce de ces produits.
101. Dans ce but, le législateur a établi une liste positive de vitamines et de minéraux ainsi que de substances vitaminiques et minérales pouvant être utilisés pour la fabrication de compléments alimentaires.
102. Il découle de l’article 12 de la directive 2002/46 qu’un État membre peut, dans les limites prévues par cette disposition, adopter des mesures provisoires afin de suspendre ou restreindre sur son territoire l’application des dispositions de la directive 2002/46 autorisant la mise sur le marché des produits conformes à celle-ci.
103. La notion de «conformité» se trouve donc au cœur de la question de l’applicabilité de la clause de sauvegarde. En effet, l’application de cette clause présuppose la conformité d’une substance en cause avec la directive 2002/46. Ladite clause n’a vocation à s’appliquer que si, au préalable, la substance concernée relevait de l’obligation incombant aux États membres d’autoriser son utilisation et sa commercialisation.
104. En l’état, la définition de la conformité d’une substance utilisée pour la fabrication de compléments alimentaires avec la directive 2002/46 n’est pas exempte de doute.
105. On pourrait, tout d’abord, considérer que le seul fait qu’une vitamine ou un minéral figure dans la liste positive induit ladite conformité.
106. Dans ce contexte, la fixation par le législateur français, aux fins de la fabrication des compléments alimentaires, d’une quantité maximale de fluor à 0 mg conduirait à une exclusion unilatérale de l’un des produits visés à l’article 1er de la directive 2002/46 et énumérés à son annexe I du champ d’application de la directive 2002/46.
107. Or, la Cour a déjà jugé que le contenu des listes positives annexées à la directive 2002/46 correspondait à la liste des substances répertoriées sous les catégories «vitamines» et «minéraux» figurant dans l’annexe de la directive 2001/15/CE ( 40 ) qui constituent les substances sélectionnées en tenant compte des critères d’innocuité et de biodisponibilité, visés au onzième considérant de la directive 2002/46 ( 41 ).
108. Toutefois, eu égard au libellé de l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46, je suis enclin à considérer que la directive 2002/46 prévoit un double degré de conformité qui se traduit, d’une part, par l’inclusion de vitamines et de minéraux sur la liste positive et, d’autre part, par la fixation ultérieure de leurs quantités maximales et minimales selon les critères figurant dans la directive 2002/46. En effet, si un complément alimentaire devait être considéré comme conforme à la
directive 2002/46 du seul fait qu’il ne contient que des substances mentionnées par l’annexe I de la directive 2002/46, sans que les quantités des substances en question ne soient prises en considération, la libre circulation visée par la directive 2002/46 risquerait de s’étendre à des préparations dangereuses, voire toxiques. Or, une telle situation serait, à mon avis, déraisonnable et irait à l’encontre de l’objectif visé par l’article 152 CE. C’est pourquoi une telle interprétation ne
saurait prospérer.
109. Par conséquent, en l’état actuel de la réglementation de l’Union relative aux compléments alimentaires, il n’est pas possible de se prononcer sur la conformité des doses de fluor avec la directive 2002/46.
110. En outre, à l’issue des consultations dans le cadre de la procédure de comitologie, la Commission pourrait adopter une approche consistant à appliquer des limites flexibles, par exemple des fourchettes, tenant compte de la situation particulière existant dans un État membre qui aurait évoqué l’existence de risques avérés ou la présence importante de certains minéraux, en raison, notamment, de facteurs géologiques ou alimentaires spécifiques propres à cet État membre ou à certaines parties de
cet État membre.
111. Il ne saurait non plus être exclu que la Commission soit obligée de fixer, d’une part, des limites générales pour toute l’Union européenne et, d’autre part, des limites spécifiques applicables, par dérogation, dans certains États membres ou certaines régions ( 42 ).
112. Il va de soi que la responsabilité politique et juridique des conséquences du caractère nécessairement discrétionnaire de la décision adoptée à cet égard incombe à la Commission.
113. Dès lors que les quantités maximales de fluor n’ont pas encore été arrêtées au niveau de l’Union, je suis d’avis que la démarche des autorités françaises ne conduit pas à une exclusion illégale du fluor du champ d’application de la directive 2002/46.
114. De surcroît, j’observe que la directive 2002/46, qui a été adoptée sur le fondement de l’article 95 CE, constitue un exemple d’harmonisation visant un niveau élevé de protection en matière de santé et de sécurité. L’évaluation scientifique en constitue une partie intrinsèque.
115. En effet, les compléments alimentaires figurent parmi les produits «sensibles» auxquels sont associés des dangers et des risques particuliers ( 43 ).
116. Par conséquent, la directive 2002/46 prévoit la possibilité de l’application de la clause de sauvegarde visée à l’article 95, paragraphe 10, CE. Cette disposition prévoit que les mesures d’harmonisation comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour une ou plusieurs raisons non économiques visées à l’article 30 du traité, des mesures provisoires soumises à une procédure de contrôle de droit de l’Union.
117. Selon la jurisprudence, les clauses de sauvegarde constituent une expression particulière du principe de précaution ( 44 ). L’article 95, paragraphe 10, CE permet à un État membre, dans les conditions qu’il énonce, d’appliquer une réglementation dérogeant à une mesure d’harmonisation ( 45 ). En effet, la Cour a déjà jugé que le respect du principe de précaution trouve son expression dans la faculté de tout État membre de limiter ou d’interdire, à titre provisoire, l’utilisation et/ou la vente
sur son territoire d’un produit qui a fait l’objet d’un consentement dont il a des raisons valables de considérer qu’il présente un risque pour la santé humaine ou l’environnement ( 46 ).
118. Ces dispositions de sauvegarde figurent dans plusieurs actes de l’Union portant sur la législation alimentaire ( 47 ).
119. Étant donné que l’harmonisation opérée par la directive 2002/46 n’est pas complète en l’état actuel, je considère que la procédure de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive 2002/46 n’a pas vocation à s’appliquer dans l’hypothèse soumise à la Cour en l’espèce ( 48 ).
120. Toutefois, dès lors que dans l’exercice de leurs compétences dans l’attente de mesures de l’Union, les États membres ne peuvent adopter des dispositions nationales que dans le respect des articles 28 CE et 30 CE, il importe de s’interroger sur la conformité d’une législation nationale telle que celle du litige au principal avec les principes de la libre circulation.
121. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient aux États membres, à défaut d’harmonisation et dans la mesure où des incertitudes subsistent en l’état actuel de la recherche scientifique, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes, et de l’exigence d’une autorisation préalable à la mise sur le marché de denrées alimentaires, tout en tenant compte des impératifs liés à la libre circulation des
marchandises à l’intérieur de l’Union ( 49 ).
122. Par conséquent, il convient de confier au juge national, en application des articles 28 CE et 30 CE, l’examen de la mesure en cause. En effet, il est le mieux à même d’apprécier les spécificités des données scientifiques fournies par les organismes scientifiques nationaux à la lumière des principes susvisés. Cependant, sachant que la Commission n’a pas pu formuler sa position sur cette question au cours des années qui se sont écoulées depuis l’adoption de la directive 2002/46, il ne faut pas
s’attendre à ce qu’un juge national procède à un examen au fond qui apporterait une vérité définitive sur cette question, mais plutôt à ce qu’il assure un contrôle de l’objectivité et de la neutralité de l’évaluation des données au cours des procédures administratives nationales.
123. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose de répondre à la question posée en ce sens que, dans une situation telle que celle en cause, dans laquelle, en l’absence de mesures d’exécution de la Commission, un État membre fixe un taux maximal nul pour une substance figurant sur la liste positive de la directive 2002/46, cet État membre ne doit pas recourir à la clause de sauvegarde, mais doit néanmoins agir dans le respect des articles 28 CE et 30 CE.
D — Sur la seconde question, sous c)
124. Dans la première partie de cette question, la juridiction de renvoi demande si, à l’instar de la prise en compte des différences de niveaux de sensibilité de différents groupes de consommateurs, conformément à l’article 5 de la directive 2002/46, l’État membre peut également justifier la fixation d’une quantité maximale en se fondant sur l’hypothèse selon laquelle une mesure ne visant que les groupes de consommateurs particulièrement exposés au risque, telle que l’étiquetage adapté, pourrait
dissuader ces consommateurs de recourir à certaines vitamines et minéraux bénéfiques pour eux à faible dose.
125. La juridiction de renvoi cherche ensuite à savoir si la prise en compte de cette différence de sensibilité pourrait conduire à appliquer à l’ensemble de la population la quantité maximale adaptée à des groupes de consommateurs fragiles, notamment les enfants ( 50 ).
126. Sur ce point, les opinions des parties ayant déposé des observations écrites divergent sensiblement. Cela ne me paraît guère surprenant, compte tenu de la complexité de la présente question. J’ai moi-même éprouvé quelques difficultés à en saisir la portée exacte.
127. À titre liminaire, il convient de mettre en doute la prémisse selon laquelle une mesure dont la finalité serait la protection de la santé d’un groupe à risque et qui se traduirait par un étiquetage adapté pourrait avoir un effet dissuasif sur le groupe en question. En effet, il semble peu probable que, malgré leur effet bénéfique à faible dose, ces personnes cessent de consommer certains nutriments du fait de l’élaboration d’un étiquetage adéquat.
128. En effet, selon la jurisprudence, un étiquetage approprié, informant les consommateurs sur la nature, les ingrédients et les caractéristiques des denrées alimentaires enrichies, pourrait permettre aux consommateurs qui sont susceptibles d’être menacés par une consommation excessive d’une substance nutritive ajoutée à ces denrées de décider par eux-mêmes de l’utilisation de celles-ci ( 51 ).
129. Par ailleurs, il ressort du cinquième considérant de la directive 2002/46 qu’un étiquetage approprié contribue à garantir un niveau élevé de protection des consommateurs.
130. S’agissant de l’application généralisée, à savoir l’application à l’ensemble de la population, de la quantité maximale adaptée à des groupes de consommateurs fragiles, j’observe qu’il découle de la réponse à la deuxième question, sous a), que, en adoptant des mesures fixant les quantités de vitamines et de minéraux, les États membres sont tenus de s’inspirer des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46 ( 52 ).
131. En ce qui concerne les limites de sécurité, celles-ci signifient un seuil au-delà duquel la consommation d’un nutriment comporte un risque pour la santé humaine.
132. Une approche selon laquelle l’État membre serait tenu de fixer des quantités maximales au niveau jugé approprié pour une population à risque me semble aller à l’encontre des indications découlant de l’article 5 de la directive 2002/46.
133. Il va de soi qu’une limite de sécurité sera sensiblement différente pour les enfants et pour les adultes. Ainsi, une quantité maximale adaptée à un groupe particulier peut s’avérer insuffisante pour les autres groupes de consommateurs et, par conséquent, disproportionnée par rapport à l’objectif recherché.
134. Toutefois, ce constat ne préjuge pas de l’adoption de mesures nationales spécifiques visant à protéger efficacement un groupe particulièrement sensible, tel que les enfants, dans le respect du principe de proportionnalité et de précaution.
135. Par conséquent, je propose de répondre à cette question en ce sens que, en fixant les quantités maximales de nutriments au sens de la directive 2002/46, les États membres ne sauraient appliquer à l’ensemble de la population la quantité maximale adaptée à des groupes de consommateurs fragiles, tels que les enfants, dont les besoins nutritionnels peuvent s’avérer largement insuffisants pour les autres groupes de consommateurs. Par ailleurs, la prémisse selon laquelle l’étiquetage adapté pourrait
dissuader le groupe de consommateurs à risque de recourir à certains nutriments, bénéfiques pour eux à faible dose, doit être écartée en l’état actuel du droit de l’Union.
E — Sur la seconde question, sous d)
136. Par cette question, la juridiction de renvoi demande si un État membre est en droit de fixer des quantités maximales, alors que, en l’absence de danger établi pour la santé, des limites de sécurité n’ont pas été définies au préalable. Plus généralement, elle demande dans quelle mesure et à quelles conditions un État membre peut fixer des quantités maximales sensiblement inférieures aux limites de sécurité admises pour les nutriments ( 53 ).
137. Eu égard à la structure de la présente question, à propos de laquelle les opinions exprimées par les parties ayant déposé des observations écrites divergeaient à nouveau sensiblement, je propose de l’interpréter comme ayant trait à la question de la fixation des valeurs maximales, d’une part, sous l’angle de la nécessité de leur adoption en l’absence de limites de sécurité et, d’autre part, sous l’angle de leur nature ou de leur intensité, en présence de limites de sécurité déjà existantes.
138. En ce qui concerne la première partie de la question, ainsi que je l’ai déjà relevé ( 54 ), l’évaluation scientifique constitue un aspect central d’un système qui vise à concilier l’objectif de la libre circulation et celui de l’innovation technologique. Il va de soi que ces impératifs peuvent tous les deux comporter des risques qu’il convient d’analyser.
139. À mon avis, l’absence de limites de sécurité peut refléter l’état actuel des recherches scientifiques sans que cela implique nécessairement l’existence de risques ( 55 ).
140. Selon le seizième considérant du règlement no 178/2002, les mesures régissant les denrées alimentaires doivent généralement reposer sur une analyse des risques, sauf si les circonstances ou la nature des mesures rendent ce recours inutile. Le recours à une analyse des risques avant l’adoption de ces mesures doit faciliter la prévention des entraves injustifiées à la libre circulation des denrées alimentaires.
141. Il ressort également de la jurisprudence qu’une évaluation du risque pourrait révéler qu’une incertitude scientifique persiste quant à l’existence ou à la portée de risques réels pour la santé publique. Dans de telles circonstances, il doit être admis qu’un État membre peut, en vertu du principe de précaution, prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Toutefois, l’évaluation du risque ne peut pas se fonder
sur des considérations purement hypothétiques ( 56 ).
142. Or, la fixation de quantités maximales en l’absence de limites de sécurité contribuerait à constituer des entraves pour des raisons hypothétiques, dès lors que le danger pour la santé n’est pas établi.
143. Une telle mesure irait également à l’encontre du principe de précaution qui exige que les mesures adoptées dans l’attente d’autres informations scientifiques en vue d’une évaluation plus complète du risque doivent être proportionnées et ne peuvent pas imposer plus de restrictions au commerce qu’il n’est nécessaire pour obtenir un niveau élevé de protection de la santé ( 57 ).
144. Eu égard aux critères prévus à l’article 5 de la directive 2002/46, il est clair que l’établissement des limites supérieures de sécurité doit être fondé sur l’analyse scientifique des risques qui s’appuie sur les données scientifiques généralement admises.
145. Par conséquent, je suis d’avis qu’il convient de répondre par la négative à la première partie de la question, sans, pour autant, vouloir exclure la possibilité d’analyses et d’évaluations régulières des substances présentes sur le marché des compléments alimentaires.
146. En ce qui concerne la seconde partie de la question, j’estime que, en l’absence des mesures d’exécution de l’Union, il ne saurait être exclu que les États membres optent, en s’inspirant des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46, pour la fixation de seuils sensiblement inférieurs aux limites de sécurité. Ainsi qu’il découle des réponses apportées aux questions précédentes, les États sont tenus, en y procédant, de respecter les principes résultant des articles 28 CE et 30 CE.
147. Dans la mesure où un tel choix des autorités nationales sera nécessairement fondé sur des analyses scientifiques, il incombe au juge national uniquement de vérifier si la pondération des intérêts ayant conduit à l’adoption de ces mesures a été guidée par une méthodologie acceptable au regard des exigences découlant de la directive 2002/46.
V — Conclusion
148. Compte tenu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles soumises par le Conseil d’État:
«En l’absence d’adoption par la Commission des mesures d’exécution prévues à l’article 5, paragraphe 4, de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires, les États membres peuvent adopter des dispositions visant à fixer les quantités maximales de vitamines et de minéraux, dans le respect des principes résultant des articles 28 CE et 30 CE.
En adoptant les mesures susvisées dans le respect des principes résultant des articles 28 CE et 30 CE, les États membres sont également tenus de s’inspirer des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46.
En l’absence des mesures d’exécution prévues par la directive 2002/46, la fixation par un État membre d’un taux maximal nul à l’égard d’une substance figurant à l’annexe I de la directive 2002/46 ne conduit pas à l’application de la clause de sauvegarde prévue à l’article 12 de la directive 2002/46. Cette mesure nationale relève toutefois du champ d’application des articles 28 CE et 30 CE ( 58 ).
En fixant les quantités maximales de nutriments au sens de la directive 2002/46, les États membres ne sauraient appliquer à l’ensemble de la population une quantité maximale adaptée à des groupes de consommateurs fragiles, tels que les enfants, dont les besoins nutritionnels peuvent s’avérer insuffisants pour les autres groupes de consommateurs. Par ailleurs, la prémisse selon laquelle l’étiquetage adapté pourrait dissuader le groupe de consommateurs à risque de recourir à certains nutriments,
bénéfiques pour eux à faible dose, doit être écartée en l’état actuel du droit de l’Union européenne.
En l’absence de limites de sécurité scientifiquement établies pour certaines substances, les États membres ne sauraient pas davantage fixer de quantités maximales pour ces nutriments présents dans les compléments alimentaires. En revanche, une fois les limites de sécurité établies sur la base des données scientifiques généralement admises, la fixation, dans le respect des critères figurant à l’article 5 de la directive 2002/46, de quantités maximales inférieures auxdites limites ne paraît pas
exclue.»
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( 1 ) Langue originale: le français.
( 2 ) JO L 183, p. 51.
( 3 ) JO L 31, p. 1.
( 4 ) JO L 184, p. 23.
( 5 ) Se pose, en effet, la question de savoir si ce terme vise à la fois la fabrication et la commercialisation ou seulement la fabrication.
( 6 ) En ce qui concerne l’état des travaux de la Commission, voir réponse de Mme Androula Vassiliou, commissaire européenne en charge de la santé, à la question écrite no E-4319/09, du 14 septembre 2009, posée par Mme Marina Yannakoudakis (ECR) à la Commission (http://www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=E-2009-4319&language=FR).
( 7 ) http://ec.europa.eu/food/food/labellingnutrition/supplements/discus_paper_amount_vitamins.pdf
( 8 ) Apparemment, la Commission n’a pas non plus fait usage de son droit d’initiative afin de proposer des modifications dans la directive en cause. Or, il me semble que, au regard des difficultés constatées, elle aurait dû agir en ce sens.
( 9 ) En outre, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, de la directive 2002/46, jusqu’au 31 décembre 2009, les États membres peuvent, à certaines conditions, autoriser, sur leur territoire, l’utilisation de vitamines et de minéraux non mentionnés à l’annexe I, ou sous des formes non mentionnées à l’annexe II de ladite directive.
( 10 ) Certains auteurs considèrent également les quantités maximales nationales contraires à la directive 2002/46: Hagenmeyer, M., «Mad about the Food Supplements, ‘Nahrungsergänzungsmittelverordnung’ — The German implementation of Directive 2002/46/EC and its national peculiarities», European Food and Feed Law Review, 1/2006, p. 25 à 32, spécialement p. 29.
( 11 ) Il découle de la jurisprudence que «[l]’article 152, paragraphe 1, premier alinéa, CE, prévoit qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté et l’article 95, paragraphe 3, CE exige de façon expresse que, dans l’harmonisation réalisée, un niveau élevé de protection de la santé des personnes soit garanti». Voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco
(Investments) et Imperial Tobacco (C-491/01, Rec. p. I-11453, point 62); du , Arnold André (C-434/02, Rec. p. I-11825, point 33), ainsi que Swedish Match (C-210/03, Rec. p. I-11893, point 32).
( 12 ) Arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a. (C-154/04 et C-155/04, Rec. p. I-6451, point 59).
( 13 ) Ibidem, point 60.
( 14 ) Hauer, C., e.a, «Country Reports», European Food and Feed Law Review, 1/2006, p. 47 à 65; Chaldoupis, C. A., et Dekleva, T., «The Implementation of the Food Supplement Directive 2002/46 in Greece», European Food and Feed Law Review, 5/2006, p. 302 à 305; Hagenmayer, M., «Mad about the Food Supplements», European Food and Feed Law Review, 1/2006, p. 25 à 32. Voir également réponses des États membres et des différents organismes au sujet de la fixation des quantités de vitamines et de minéraux:
http://ec.europa.eu/food/food/labellingnutrition/supplements/resp_discus_paper_amount_vitamins.htm. Ce phénomène a été relevé également par la Commission, qui a donné l’assurance d’entreprendre des efforts afin de tenir scrupuleusement compte de toutes les réglementations nationales existantes. Voir réponse collective de la Commission aux lettres adressées à M. Markos Kyprianou, commissaire européen en charge de la santé et de la protection des consommateurs, au sujet de la fixation de maxima pour
la composition des compléments alimentaires (http://ec.europa.eu/food/food/labellingnutrition/supplements/documents/coll_answer_fr.pdf).
( 15 ) Ibidem.
( 16 ) Point 59.
( 17 ) Arrêt du 8 novembre 1979 (251/78, Rec. p. 3369, point 14).
( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt Denkavit Futtermittel, précité, point 14.
( 19 ) Voir arrêts du 30 novembre 1983, van Bennekom (227/82, Rec. p. 3883, point 35); du , Eau de Cologne & Parfümerie-Fabrik 4711 (C-150/88, Rec. p. 3891, point 28); du , Vanacker et Lesage (C-37/92, Rec. p. I-4947, point 9); du , DaimlerChrysler (C-324/99, Rec. p. I-9897, point 32); du , HLH Warenvertrieb et Orthica (C-211/03, C-299/03 et C-316/03 à C-318/03, Rec. p. I-5141, points 58 et 59), ainsi que du , Roby Profumi (C-257/06, Rec. p. I-189, point 14).
( 20 ) Arrêt Alliance for Natural Health e.a., précité, point 105.
( 21 ) Arrêt du 23 septembre 2003, Commission/Danemark (C-192/01, Rec. p. I-9693, point 43).
( 22 ) Arrêt du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C-129/96, Rec. p. I-7411).
( 23 ) Arrêts du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie (C-316/04, Rec. p. I-9759), et du , Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie (C-138/05, Rec. p. I-8339).
( 24 ) Voir arrêts précités du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 40, et du , Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 40.
( 25 ) Voir arrêts précités du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 42, et du , Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, points 42 à 44. Dans la mesure où l’article 4, paragraphe 1, de la directive 91/414/CEE du Conseil, du , concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques (JO L 230, p. 1), soumettait l’autorisation d’un tel produit par un État membre à la condition que ses substances actives soient énumérées à l’annexe I de la directive et que les
conditions fixées à ladite annexe soient remplies, les systèmes nationaux d’autorisation ne pouvaient pas assurer la transposition complète de la directive 91/414 avant que cette annexe n’ait un contenu (voir point 33 des conclusions de M. l’avocat général Jacobs dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du , Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, précité). Lors de l’adoption de la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du , concernant la mise sur le marché des produits biocides
(JO L 123, p. 1), les annexes de celle-ci étaient vides.
( 26 ) Arrêts précités du 10 novembre 2005, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 41, et du , Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, point 41.
( 27 ) Aux termes du huitième considérant du règlement no 178/2002, la Communauté a choisi un niveau élevé de protection de la santé comme principe pour l’élaboration de la législation alimentaire qu’elle applique de manière non discriminatoire aux échanges tant nationaux qu’internationaux de denrées alimentaires. Voir, également, arrêt Alliance for Natural Health e.a., précité, point 31.
( 28 ) Communication de la Commission du 30 avril 1997, intitulée «Santé des consommateurs et sûreté alimentaire» [COM(97) 183 final, p. 6].
( 29 ) L’analyse de risque comporte trois volets: l’évaluation, la gestion et la communication (voir article 6 du règlement no 178/2002).
( 30 ) Il découle des observations de la Commission que «les apports de référence» en vitamines et minéraux peuvent être également appelés «apports journaliers recommandés». La Commission indique qu’ils sont établis en fonction des besoins d’une population ou d’une catégorie de population. En général, afin que ces apports puissent couvrir les besoins nutritionnels de la majeure partie de la population, ils sont fixés de manière à dépasser les besoins moyens de deux déviations standard. Autrement
dit, ils tiennent compte de la variation individuelle des besoins et se situent en deçà de la moyenne de manière à couvrir les besoins des individus qui se situent à plus de deux déviations standard du besoin moyen. Ainsi, avec ces apports, les besoins de 97,5% de la population sont couverts et le risque de ne pas couvrir les besoins est limité à 2,5% de la population.
( 31 ) Arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113, point 22); du , Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48); du , Kraaijeveld e.a. (C-72/95, Rec. p. I-5403, point 55), ainsi que Inter-Environnement Wallonie, précité, point 40.
( 32 ) Arrêt du 14 septembre 2006, Stichting Zuid-Hollandse Milieufederatie, précité, point 48.
( 33 ) Voir point 76 des conclusions de M. l’avocat général Geelhoed dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt HLH Warenvertrieb et Orthica, précité.
( 34 ) Voir avis de l’AFSSA du 12 octobre 2004 (saisine no 2004-SA-0210).
( 35 ) Avis de l’AFSSA du 28 mars 2003 (saisine no 2003-SA-0032) et avis susmentionné du (saisine no 2004-SA-0210).
( 36 ) Opinion of the Scientific Panel of EFSA on Contaminants in the Food Chain on a request of the Commission related to concentration limits for boron and fluoride in natural waters (question no EFSA-Q-2003-21, publiée le 22 juin 2005).
( 37 ) Voir, à cet égard, «Opinion of the Scientific Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies on a request from the Commission related to the Tolerable Upper Intake Level of Fluoride» (Request no EFSA-Q-2003-018), faisant partie d’un rapport: Tolerable upper intake levels for vitamins and minerals, European Food Safety Authority, février 2006.
( 38 ) À la lecture de l’avis de l’AFSSA (avis du 12 octobre 2004, saisine no 2004-SA-0210), on constate, notamment, que, eu égard à la multiplication des sources potentielles de fluor susceptible de conduire à des surdosages et à la fluorose, l’AFSSA a relevé l’importance de la maîtrise des apports fluorés chez les enfants.
( 39 ) Selon les études de l’AFSSA (avis du 12 octobre 2004, saisine no 2004-SA-0210), 15% de la population française consomme des eaux de distribution dont la teneur en fluor est supérieure ou égale à 0,3 mg/l et 3% de la population dispose d’une eau dont la teneur en fluor est supérieure ou égale à 0,7 mg/l. La dose prophylactique optimale de fluor recommandée par l’AFSSA, dans les régions où l’eau de distribution contient un taux inférieur ou égal à 0,3 mg/l est de 0,05 mg de fluor/kg par jour
sans dépasser 1 mg par jour tous apports fluorés confondus. L’AFSSA indique également que 85% des enfants en France vivent dans les régions où la teneur en fluor de l’eau de distribution est inférieure à 0,3 mg/l. Ainsi, elle recommande de supplémenter les enfants par voie médicamenteuse. En revanche, selon l’AFSSA, le fluor absorbé en grande quantité chez l’adulte, à savoir à des doses supérieures à 8 mg par jour, et de façon chronique peut être responsable d’une fluorose osseuse.
( 40 ) Directive de la Commission du 15 février 2001 relative aux substances qui peuvent être ajoutées dans un but nutritionnel spécifique aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière (JO L 52, p. 19).
( 41 ) Arrêt Alliance for Natural Health e.a., précité, points 64 et 65.
( 42 ) Voir, à cet égard, la question écrite E-2841/09 posée à la Commission par les membres du Parlement européen, Mmes Eija-Riitta Korhola et Dorette Corbey, évoquant un besoin particulier d’apport en vitamine D3 de la population scandinave (http://www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=E-2009-2841&language=FR).
( 43 ) Points 38 et 45 des conclusions de M. l’avocat général Geelhoed dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt HLH Warenvertrieb et Orthica, précité.
( 44 ) Arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a. (C-236/01, Rec. p. I-8105, point 110).
( 45 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 1994, France/Commission (C-41/93, Rec. p. I-1829, point 23).
( 46 ) Voir, en ce sens, arrêt du 21 mars 2000, Greenpeace France e.a. (C-6/99, Rec. p. I-1651, point 44).
( 47 ) Article 12 du règlement (CE) no 258/97 du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997, relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires (JO L 43, p. 1); article 53 du règlement no 178/2002 auquel se réfère l’article 34 du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du , concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO L 268, p. 1); article 23 de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du
Conseil, du , relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO L 106, p. 1).
( 48 ) Si, toutefois, la Cour devait considérer que la clause de sauvegarde trouvait à s’appliquer en l’espèce, il conviendrait d’identifier le fait générateur conduisant à l’application de la clause. Ainsi, il y aura lieu de déterminer s’il convient de l’appliquer du seul fait de la fixation de maxima par un État membre ou si la clause a vocation à s’appliquer à la suite de la fixation de maxima à un taux nul.
( 49 ) Arrêt du 5 mars 2009, Commission/Espagne (C-88/07, Rec. p. I-1353, point 86).
( 50 ) Dans ses observations, le gouvernement français fait valoir que la première partie de cette question vise, plus particulièrement, la quantité maximale retenue par les autorités françaises pour la vitamine K. La seconde partie de cette question vise les quantités maximales retenues dans la législation française pour la vitamine B6. S’agissant, en particulier, de la vitamine K, ledit gouvernement français explique qu’une telle substance présente des risques particuliers pour les patients sous
traitement anticoagulant, qui, étant le plus souvent des personnes âgées, ont des difficultés à déchiffrer les étiquettes. En ce qui concerne la vitamine B6, le gouvernement français rappelle que le comité scientifique de l’alimentation humaine, qui a été remplacé par l’EFSA, a défini des limites de sécurité en fonction du poids corporel de l’individu et donc de son âge dans un avis du 19 octobre 2000 (disponible sur le site Internet: http://ec.europa.eu/food/fs/sc/scf/out80c_en.pdf). La limite de
sécurité a été définie à 25 mg par jour pour les adultes et à 7 mg par jour pour les enfants de 4 à 6 ans.
( 51 ) Arrêt du 5 février 2004, Commission/France (C-24/00, Rec. p. I-1277, point 75).
( 52 ) Voir point 78 des présentes conclusions.
( 53 ) Le gouvernement français explique, à cet égard, que la question concerne deux types des substances: d’une part, celles pour lesquelles aucune limite de sécurité n’a été établie et, d’autre part, celles pour lesquelles cela a été le cas. Selon le gouvernement français, dans la première partie de sa question, la juridiction nationale vise les quantités maximales retenues par la législation nationale pour les vitamines B1, B2, B5, B8 et B12. Dans la seconde partie de sa question, la juridiction
de renvoi vise le cas des vitamines B3, C et E, ainsi que celui des minéraux tels que le phosphore, le cuivre, le manganèse, le potassium, le sélénium, le chrome et le molybdène.
( 54 ) Voir point 74 des présentes conclusions.
( 55 ) À cet égard, j’estime utile de souligner que la problématique des vitamines et minéraux présente une originalité par rapport aux démarches classiques en toxicologie du fait de la nature essentielle de ces éléments. L’analyse des risques dans ce domaine pose de nombreuses difficultés qui ont été relevées dans le cadre des observations du ministre français de l’Économie, des Finances et de l’Industrie devant le Conseil d’État. Le ministre a notamment fait référence à une publication de Barlow
S. M. e.a., «Hazard identification by methods of animal-based toxicology», Food and Chemical Toxicology no 40, 2002, p. 145 à 191, ainsi rédigée: «Conventional toxicity studies may often be applicable to the testing of micronutrients, such as vitamins and minerals, but such studies may require unique considerations, particularly with respect to nutritional imbalance. For example, disturbances in calcium and phosphorus levels can affect bone formation […]. Thus any effects seen from administration of
high doses of one micronutrient might not be attributable to that substance per se but to consequential changes in related micronutrients. Interpretation of the outcome of such studies requires good nutritional as well as toxicological knowledge and the possible extension of conventional endpoints to include others might identify nutritional changes. There are also important study design considerations in relation to micronutrient dosing and the likelihood of detecting thresholds for adverse
effects. This is because the margin between desirable beneficial effects and the onset of adverse effects may be very small, so smaller dose intervals may be required».
( 56 ) Arrêt Commission/France, précité, point 56.
( 57 ) Voir article 7 du règlement no 178/2002.
( 58 ) Compte tenu du fait que le litige au principal concerne la légalité d’un arrêté du 9 mai 2006, les références aux dispositions du traité CE suivent la numérotation applicable avant l’entrée en vigueur du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.