ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
21 octobre 2009
Affaire F‑74/08
Dominique Ramaekers-Jørgensen
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonction publique – Fonctionnaires – Impôt communautaire – Calcul – Cumul du montant de la rémunération personnelle et de la pension de survie – Modalités de perception de l’impôt – Date du prélèvement »
Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel M^me Ramaekers-Jørgensen demande, en premier lieu, l’annulation de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination, du 20 mai 2008, rejetant sa réclamation contre les modalités de calcul et de perception de l’impôt communautaire dû sur sa pension de survie ainsi que, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision de la Commission, du 16 octobre 2007, lui allouant cette pension dans la mesure où cette
dernière décision arrête les modalités susmentionnées ; en deuxième lieu, la constatation de l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n^o 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes (JO L 56, p. 8), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE, Euratom) n^o 420/2008 du Conseil, du 14 mai 2008, adaptant, à compter du 1^er juillet 2007, les
rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes (JO L 127, p. 1), en ce que ces dispositions prévoient le cumul de la pension de survie allouée à un fonctionnaire avec le traitement de celui-ci pour le calcul de l’impôt communautaire.
Décision : Le recours est rejeté. La requérante supporte ses propres dépens et les dépens de la Commission. Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante au soutien des conclusions de la Commission, supporte ses propres dépens.
Sommaire
1. Recours en annulation – Compétence du juge communautaire – Demande d’annulation d’un acte individuel faisant grief – Incompétence du juge communautaire pour constater l’illégalité d’une disposition de portée générale dans le dispositif de ses arrêts
(Art. 230 CE)
2. Fonctionnaires – Pensions – Pension de survie
(Statut des fonctionnaires, art. 79 ; annexe VIII, art. 17 ; règlement du Conseil n^o 260/68, art. 2, 3, § 1, 4 et 8)
3. Fonctionnaires – Impôt sur les traitements – Application de taux différents aux différentes tranches de revenus
(Règlement du Conseil n^o 260/68, art. 4)
4. Fonctionnaires – Pensions – Pension de survie
(Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, art. 13 ; règlement du Conseil n^o 260/68, art. 3 et 4)
1. Si, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un acte individuel faisant grief, le juge communautaire est effectivement compétent pour constater incidemment l’illégalité d’une disposition de portée générale sur laquelle l’acte attaqué est fondé, le Tribunal n’est, en revanche, pas compétent pour opérer de telles constatations dans le dispositif de ses arrêts.
(voir point 37)
2. Le système fiscal communautaire prévoit une imposition progressive qui tient compte de tous les émoluments de chaque bénéficiaire pour calculer l’assiette imposable. Ainsi, l’article 4 du règlement n^o 260/68, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes, établit que l’impôt est calculé sur le montant imposable obtenu en application de l’article 3, lequel prévoit, dans son paragraphe 1, que « [l]’impôt est dû chaque
mois, à raison des traitements, salaires et émoluments de toute nature versés par les Communautés à chaque assujetti ». La base imposable soumise à l’impôt communautaire est donc constituée par la somme des traitements, salaires et autres émoluments d’origine communautaire versés à chaque assujetti.
L’article 79 du statut et l’article 17 de son annexe VIII relatifs à la pension de survie ne contiennent aucune dérogation à la règle générale du cumul des émoluments pour le calcul de l’impôt communautaire. En effet, même si ces dispositions établissent le montant, avant impôt, de la pension de survie en fonction de la carrière du conjoint prédécédé, cette pension représente, au bénéfice du conjoint survivant, un revenu de remplacement destiné à compenser la perte des revenus de son conjoint
décédé. Aussi constitue-t-elle un émolument versé par les Communautés, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n^o 260/68, dont le conjoint survivant est directement bénéficiaire selon l’article 2 du même règlement. Dans la mesure où ledit conjoint est également fonctionnaire, il est également assujetti à l’impôt communautaire sur son traitement en vertu des mêmes dispositions. En conséquence, l’impôt dû par ce dernier est bien celui qui est calculé conformément à l’article 3, paragraphe
1, et à l’article 4 du règlement n^o 260/68, la base imposable représentant la somme dudit traitement et dudit émolument versés chaque mois.
À défaut de disposition dérogatoire expresse relative aux pensions de survie, la règle du cumul doit s’appliquer au versement simultané d’un traitement et d’une telle pension. Cette conclusion ne saurait être remise en cause au motif que les versements audit fonctionnaire de son traitement, le 15 de chaque mois, et de sa pension de survie, à terme échu, ne sont pas simultanés, le règlement n^o 260/68 ne subordonnant pas l’application de la règle du cumul au versement en une seule fois de l’ensemble
des émoluments. En particulier, son article 3, paragraphe 1, dispose que « [l]’impôt est dû chaque mois, à raison des traitements, salaires et émoluments », de sorte que l’impôt est calculé en fonction de l’ensemble des sommes versées durant cette période. Enfin, l’article 8 du règlement n^o 260/68, selon lequel « [l]’impôt est perçu par voie de retenue à la source », fixe seulement une modalité de perception de l’impôt.
(voir points 48, 49 et 52 à 56)
Référence à :
Tribunal de première instance : 1^er décembre 1994, Coen-Porisini/Commission, T‑502/93, RecFP p. I‑A‑303 et II‑949, points 22, 28 et 29
3. L’application de taux différents aux différentes tranches de revenus prévues par l’article 4 du règlement n^o 260/68, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes, n’empêche pas que soit perçue une seule cotisation d’impôt grevant les revenus globaux, sans distinction, le pourcentage de ladite cotisation augmentant dans la mesure où les revenus globaux du contribuable atteignent une tranche plus élevée.
(voir point 64)
4. En confiant au Conseil le soin de fixer, notamment, les conditions auxquelles les fonctionnaires européens sont soumis à un impôt, au profit des Communautés, sur tous les traitements, salaires et émoluments versés par elles et en exemptant parallèlement de tout impôt national les mêmes traitements, salaires et émoluments, l’article 13 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes a institué un régime fiscal qui concerne spécifiquement les agents des Communautés. Ce
régime tend, par son caractère uniforme et autonome au regard des législations fiscales nationales, à garantir une égalité de traitement entre les fonctionnaires des Communautés. La qualité de fonctionnaire européen est donc un critère pertinent pour distinguer la situation fiscale d’un tel fonctionnaire de celle des personnes ne bénéficiant pas d’une rémunération communautaire.
(voir points 73 et 74)
Référence à :
Cour : 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125 ; 3 juillet 1974, Brouerius van Nidek, 7/74, Rec. p. 757, point 11 ; 3 mars 1988, Commission/BEI, 85/86, Rec. p. 1281, point 23 ; 22 mars 2007, Commission/Belgique, C‑437/04, Rec. p. I‑2513, point 61
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
21 octobre 2009 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Impôt communautaire – Calcul – Cumul du montant de la rémunération personnelle et de la pension de survie – Modalités de perception de l’impôt – Date du prélèvement »
Dans l’affaire F‑74/08,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
Dominique Ramaekers-Jørgensen, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Genval (Belgique), représentée par M^e L. Vogel, avocat,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par
Conseil de l’Union européenne, représenté par M^me K. Zieleśkiewicz et M. M. Bauer, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kreppel et S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 25 mars 2009,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 août 2008, M^me Ramaekers-Jørgensen demande :
– l’annulation de la décision du 20 mai 2008 de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») rejetant sa réclamation contre les modalités de calcul et de perception de l’impôt communautaire dû sur sa pension de survie ainsi que, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision, du 16 octobre 2007, de la Commission des Communautés européennes lui allouant cette pension dans la mesure où cette dernière décision arrête les modalités susmentionnées ;
– la constatation de l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement (CEE, Euratom, CECA) n^o 260/68 du Conseil, du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d’application de l’impôt établi au profit des Communautés européennes (JO L 56, p. 8), tel que modifié, en dernier lieu, par le règlement (CE, Euratom) n^o 420/2008 du Conseil, du 14 mai 2008, adaptant, à compter du 1^er juillet 2007, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents des
Communautés européennes (JO L 127, p. 1), en ce que ces dispositions prévoient le cumul de la pension de survie allouée à un fonctionnaire avec le traitement de celui-ci pour le calcul de l’impôt communautaire.
Cadre juridique
2 L’article 13 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, annexé initialement au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 15), puis, en vertu du traité d’Amsterdam, au traité CE (ci-après le « protocole sur les privilèges et immunités ») prévoit :
« Dans les conditions et suivant la procédure fixée par le Conseil [de l’Union européenne] statuant sur proposition de la Commission, les fonctionnaires et autres agents des Communautés sont soumis au profit de celles-ci à un impôt sur les traitements, salaires et émoluments versés par elles.
Ils sont exempts d’impôts nationaux sur les traitements, salaires et émoluments versés par les Communautés. »
3 L’article 62, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :
« Dans les conditions fixées à l’annexe VII et sauf dispositions expresses contraires, le fonctionnaire a droit à la rémunération afférente à son grade et à son échelon du seul fait de sa nomination. »
4 Aux termes de l’article 64 du statut :
« La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d’un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d’affectation.
Ces coefficients sont fixés par le Conseil statuant, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue au paragraphe 2, second alinéa, premier tiret, [de l’]article[…] 205 [CE] et [de l’article] 118 [EA]. Le coefficient correcteur applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés aux sièges provisoires des Communautés est, à la date du 1^er janvier 1962, égal à 100 %. »
5 L’article 79, premier et deuxième alinéas, du statut dispose :
« Dans les conditions prévues au chapitre 4 de l’annexe VIII, le conjoint survivant d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire a droit à une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté ou de l’allocation d’invalidité dont son conjoint bénéficiait ou dont il aurait bénéficié s’il avait pu y prétendre, sans condition de durée de service ni d’âge, au moment de son décès.
Le montant de la pension de survie dont bénéficie le conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé dans l’une des positions visées à l’article 35 ne peut être inférieur au minimum vital ni à 35 % du dernier traitement de base du fonctionnaire. »
6 L’article 16, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut précise :
« La rémunération est versée au fonctionnaire le 15 de chaque mois pour le mois courant. Le montant de cette rémunération est arrondi au cent supérieur. »
7 L’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut prévoit :
« Le conjoint survivant d’un fonctionnaire décédé dans l’une des positions visées à l’article 35 du statut bénéficie, pour autant qu’il ait été son conjoint pendant un an au moins et sous réserve des dispositions de l’article 1^er, paragraphe 1, et de l’article 22, d’une pension de survie égale à 60 % de la pension d’ancienneté qui aurait été versée au fonctionnaire s’il avait pu, sans condition de durée de service ni d’âge, y prétendre à la date de son décès. »
8 L’article 45, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut mentionne :
« Les prestations prévues au présent régime de pensions sont payées mensuellement et à terme échu. »
9 L’article 2 du règlement n^o 260/68 dispose :
« Sont assujettis à l’impôt :
– les personnes soumises au statut […] ou au régime applicable aux autres agents des Communautés, y compris les bénéficiaires de l’indemnité prévue en cas de retrait d’emploi dans l’intérêt du service, à l’exception des agents locaux ;
– les bénéficiaires de pensions d’invalidité, de retraite et de survie versées par les Communautés ;
– […] »
10 Aux termes de l’article 3, paragraphes 1 à 3, du règlement n^o 260/68 :
« 1. L’impôt est dû chaque mois, à raison des traitements, salaires et émoluments de toute nature versés par les Communautés à chaque assujetti.
2. Sont toutefois exclues de la base imposable, les sommes et indemnités, forfaitaires ou non, représentant la compensation de charges supportées en raison des fonctions exercées.
3. Les prestations et allocations de caractère familial ou social énumérées ci-après sont déduites de la base imposable :
a) les allocations familiales :
– l’allocation de foyer ;
– l’allocation pour enfant à charge ;
– l’allocation scolaire ;
– l’allocation de naissance ;
b) les secours à caractère social ;
c) les indemnités payées en cas de maladie professionnelle ou d’accidents ;
d) la fraction des versements de toute nature représentative d’allocations familiales.
[...] »
11 L’article 4 du règlement n^o 260/68 dispose que l’impôt est calculé sur le montant imposable obtenu en application de l’article 3 du même règlement.
12 Selon l’article 8 du règlement n^o 260/68 :
« L’impôt est perçu par voie de retenue à la source. Son montant est arrondi au centième d’euro inférieur. »
Antécédents du litige
13 La requérante est fonctionnaire de la Commission. Elle était mariée à un autre fonctionnaire de cette institution, décédé en activité durant l’année 2007.
14 Par décision du 16 octobre 2007, la Commission a accordé une pension de survie à la requérante. Cette décision précise que, en application du règlement n^o 260/68, l’impôt communautaire dû par la requérante sera calculé sur la base du montant cumulé de sa pension de survie et de son traitement. Elle précise, en outre, que cet impôt sera entièrement prélevé sur la rémunération, laquelle est versée avant la pension de survie.
15 La requérante a contesté tant les modalités de calcul que de perception de l’impôt communautaire dans une réclamation introduite le 16 janvier 2008.
16 Le 20 mai 2008, l’AIPN a rejeté le premier chef de réclamation dirigé contre le cumul du traitement et de la pension de survie aux fins du calcul de l’impôt. En ce qui concerne le second chef de réclamation, relatif au prélèvement de la totalité de l’impôt sur la rémunération de la requérante, l’AIPN a « reconn[u] que le prélèvement de la tranche de l’impôt concernant la pension de survie doit être effectué à la date où cette pension est payée ». Elle a toutefois ajouté que, « à l’heure
actuelle, [l’Office ‘Gestion et liquidation des droits individuels’ (PMO)] ne dispose pas des moyens techniques pour faire le partage de l’impôt en deux tranches, [destinées] à être prélevées à deux moments différents de chaque mois[ ; n]éanmoins, il met tout en œuvre pour y parvenir au plus vite » et que « [s]i la tâche se révél[ait] finalement techniquement impossible, le PMO serait prêt à trouver une solution de compromis avec la [requérante] ». En conclusion, l’AIPN a « charg[é] le PMO de tout
mettre en œuvre afin de pallier [le] grief relatif à la perception anticipée de la tranche de l’impôt communautaire redevable au titre de la pension de survie ».
Conclusions des parties et procédure
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision, du 20 mai 2008, par laquelle l’AIPN a rejeté la réclamation du 16 janvier 2008, tendant elle-même à l’annulation partielle de la décision du 16 octobre 2007, dans la mesure où celle-ci précise les modalités de calcul et de perception de l’impôt communautaire afférent à la pension de survie qui lui a été allouée ;
– pour autant que de besoin, annuler également, de manière partielle, la décision du 16 octobre 2007, en tant qu’elle précise les modalités de calcul et de perception de l’impôt communautaire afférent à la pension de survie susmentionnée ;
– en application de l’article 241 CE, constater l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 dans la mesure où lesdites dispositions prévoient le cumul de la pension de survie allouée à un fonctionnaire, avec le traitement de celui-ci, pour le calcul de l’impôt communautaire y afférent ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
19 Par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 2 octobre 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 octobre suivant), le Conseil a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.
20 Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal, du 19 novembre 2008, le Conseil a été admis à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.
21 Par son mémoire en intervention, parvenu au greffe du Tribunal le 19 décembre 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 22 décembre suivant), le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter l’exception d’illégalité soulevée dans la requête contre les articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 comme manifestement irrecevable.
22 En vertu de l’article 110, paragraphe 5, du règlement de procédure, le président de la troisième chambre du Tribunal a décidé, le 16 janvier 2009, d’inviter la requérante et la Commission à présenter leurs observations sur le mémoire en intervention du Conseil lors de la procédure orale.
En droit
Quant à la recevabilité
Sur la recevabilité du premier chef de conclusions, dirigé contre la décision du 20 mai 2008
23 La requérante demande, à titre principal, l’annulation de la décision du 20 mai 2008 par laquelle l’AIPN a répondu à sa réclamation et, pour autant que de besoin seulement, l’annulation partielle de la décision initiale du 16 octobre 2007.
24 La Commission conteste la recevabilité du recours en tant qu’il est dirigé contre la décision du 20 mai 2008.
25 Il convient d’observer que, dans la décision du 20 mai 2008, l’AIPN a répondu à deux chefs de réclamation indépendants l’un de l’autre. Le premier portait sur le cumul de la rémunération et de la pension de survie aux fins du calcul de l’impôt communautaire. Le second concernait « la perception de la totalité de l’impôt communautaire avant l’échéance de la[dite] pension », indépendamment de la question de la détermination de l’assiette imposable.
26 L’AIPN a rejeté le premier chef de réclamation en considérant que la rémunération et la pension de survie de la requérante devaient être cumulées pour calculer l’impôt dû par celle-ci. En ce qui concerne cette première partie de la décision du 20 mai 2008, il y a lieu de rappeler que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles,
dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêt du Tribunal de première instance du 6 avril 2006, Camόs Grau/Commission, T‑309/03, Rec. p. II‑1173, point 43 ; arrêt du Tribunal du 11 décembre 2008, Reali/Commission, F‑136/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 37).
27 Il convient donc de considérer, même si l’on ne saurait nier l’intérêt de la requérante à demander l’annulation de la décision portant rejet de sa réclamation en même temps que celle de l’acte lui faisant grief, que le recours est censé être dirigé contre la décision du 16 octobre 2007 en ce que celle-ci précise que l’impôt dû par l’intéressée sera calculé en cumulant les montants de sa pension de survie et de son salaire.
28 S’agissant du second chef de réclamation portant sur la perception de la totalité de l’impôt communautaire par imputation sur la rémunération de la requérante, il ressort du point 16 ci-dessus, que, dans sa décision du 20 mai 2008, l’AIPN a, tout d’abord, reconnu que le prélèvement de la « tranche » de l’impôt concernant la pension de survie devait être effectué à la date où cette pension est payée et non, de manière anticipative, lors du versement de la rémunération. Elle a constaté,
ensuite, que le PMO ne disposait pas des moyens techniques pour partager l’impôt en deux « tranches », lesquelles seraient prélevées à des moments différents de chaque mois, en s’engageant néanmoins à tout mettre en oeuvre pour y parvenir au plus vite.
29 Il s’ensuit que, dans sa décision du 20 mai 2008, l’AIPN a admis le bien-fondé des objections de la requérante concernant la légalité de la décision du 16 octobre 2007 de percevoir, sur sa rémunération, l’impôt dû pour sa pension de survie. De ce point de vue, la décision du 20 mai 2008 s’est substituée à celle du 16 octobre 2007 en reconnaissant le bien-fondé de la contestation de la requérante et n’est pas, pour cette raison, de nature à lui faire grief .
30 Il découle de ce qui précède que, en ce qui concerne le prélèvement de la totalité de l’impôt sur la seule rémunération de la requérante, le litige ne porte plus, ainsi que la requérante l’a reconnu à l’audience, que sur la question de savoir si les difficultés invoquées par l’AIPN sont, ou non, de nature à empêcher le prélèvement de la part d’impôt afférente à la pension de survie au moment du paiement de celle-ci. La requérante a d’ailleurs observé, lors de l’audience, que l’objet de son
recours consistait, en l’espèce, à contester « qu’il n’y ait personne au sein de la Commission qui, tous les mois, p[uisse] passer le quart d’heure qu’il faut pour [...] faire le calcul approprié et encoder les ordres de paiement qui conviennent ».
31 À cet égard, il convient de rappeler que seuls font grief les actes ou mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier (voir arrêt du Tribunal de première instance du 8 mars 2005, D/BEI, T‑275/02, RecFP p. I‑A‑51 et II‑211, point 43, et la jurisprudence citée).
32 En l’espèce, la requérante a admis, lors de l’audience, que l’atteinte à ses intérêts d’ordre matériel, du fait de la perception de la totalité de l’impôt communautaire par imputation sur sa seule rémunération, était réduit, en ce qu’une telle atteinte n’aurait eu lieu que le premier mois d’octroi de la pension de survie, le préjudice financier au cours des mois suivants étant compensé par le versement, à la fin de chacun de ces mois, de la pension de survie dans son intégralité, sans
prélèvement fiscal. Pour reprendre les termes de l’avocat de la requérante, à l’audience, une fois « que le premier mois est vécu à crédit », « que la pompe est amorcée », « le trou est comblé » et « le processus est réalimenté normalement ». Le même avocat a, en outre, souligné que sa cliente ne l’avait pas consulté pour « demande[r, à cet effet,] le remboursement des intérêts » et qu’il n’y a, d’ailleurs, aucune demande d’indemnisation, l’intention n’ayant pas été de se « lanc[er] dans des calculs
de boutiquiers ». La requérante a, en définitive, ajouté que le litige ne se limitait pas à un « débat d’argent » et que la cause « fondamentale » de son recours, sur ce volet, avait une dimension « de principe ». Elle a, en effet le sentiment de ne pas percevoir, au quinze de chaque mois, sa pleine rémunération, celle-ci étant amputée de l’impôt dû sur la totalité de ses émoluments imposables, ce qu’elle vivrait comme une « dévalorisation » de ses fonctions.
33 Un tel sentiment ne saurait cependant suffire à justifier la recevabilité du recours.
34 En effet, la décision du 20 mai 2008, en ce qu’elle reconnaît le bien-fondé, en droit, du second chef de réclamation de la requérante, tout en faisant état de difficultés d’ordre matériel ne permettant pas d’éviter le prélèvement total de l’impôt communautaire sur le montant de sa rémunération, n’est pas productrice, en tant que telle, d’effets juridiques obligatoires qui seraient de nature à affecter les intérêts de la requérante en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.
D’une part, la requérante a estimé elle-même que l’enjeu pécuniaire du litige était négligeable et, d’autre part, en reconnaissant le bien-fondé de la position de cette dernière, l’AIPN a rencontré la dimension de principe que celle-ci a voulu imprimer à son action.
35 En conséquence, la requérante n’est pas recevable à demander l’annulation de la décision du 20 mai 2008 en tant que celle-ci concerne la question de « la perception de la totalité de l’impôt communautaire avant l’échéance de la pension de survie ».
Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision du 16 octobre 2007
36 Il ressort des constatations opérées au point 29 ci-dessus que la décision du 20 mai 2008 s’est substituée à la décision du 16 octobre 2007 quant à la question de savoir si, en droit, il y avait lieu de prélever l’ensemble de l’impôt communautaire sur le montant de la rémunération de la requérante. Dans cette mesure, la décision du 16 octobre 2007 n’existe plus et les conclusions dirigées contre elle sont irrecevables. Conformément à ce qui a été jugé au point 27 ci-dessus, le deuxième chef
de conclusions demeure, en revanche, recevable en tant qu’il est dirigé contre la partie de cette décision qui dispose que la base imposable déterminant l’impôt dû par la requérante est calculée en additionnant sa rémunération et sa pension de survie.
Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions tendant au constat de l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68
37 Dans son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de constater l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68. Or, si, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un acte individuel faisant grief, le juge communautaire est effectivement compétent pour constater incidemment l’illégalité d’une disposition de portée générale sur laquelle l’acte attaqué est fondé, le Tribunal n’est, en revanche, pas compétent pour opérer de telles constatations dans le dispositif
de ses arrêts.
38 Sans préjudice de la question, examinée ci-dessous, de savoir si le grief tiré de l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 est recevable, le troisième chef de conclusions est irrecevable comme tel.
Sur la recevabilité du grief tiré de l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68
39 La Commission et le Conseil font valoir que, dans la partie introductive de son argumentation « en droit », la requérante se limite à demander au Tribunal « de constater l’illégalité des articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 [...] dans la mesure où [c]es dispositions [...] aboutissent à un cumul de la pension de survie avec la rémunération du fonctionnaire, pour le calcul des impôts communautaires [...], réduisant ainsi considérablement le montant net, effectivement payé, de cette pension,
au seul préjudice des conjoints survivants qui, par ailleurs, exercent une activité professionnelle au sein des Communautés ».
40 La Commission et le Conseil considèrent que cette exception d’illégalité n’explicite pas en quoi les articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 seraient illégaux et qu’elle est, par conséquent, irrecevable.
41 Il ressort, toutefois, de l’extrait de la requête cité ci-dessus que la requérante fonde son exception d’illégalité sur le constat que les dispositions litigieuses imposeraient un cumul de la rémunération et de la pension de survie aux fins du calcul de l’impôt « au seul préjudice des conjoints survivants » de fonctionnaires communautaires qui ont aussi cette qualité. Elle invoque ainsi une discrimination dont elle serait victime. Cette allégation trouve, de surcroît, un prolongement dans
une partie des développements consacrés au premier moyen que la requérante tire, notamment, de la violation du principe de non-discrimination.
42 L’exception d’illégalité est recevable dans cette mesure.
Quant au fond
43 La requérante soulève trois moyens à l’appui de son recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 79 du statut, de l’article 17 de l’annexe VIII du statut, des principes généraux de la sécurité sociale consacrés par ces dispositions et du principe de non-discrimination. Ce premier moyen comporte deux branches. La première branche est déduite des dispositions susmentionnées et des principes généraux de la sécurité sociale. La seconde branche, à laquelle se rattache
l’exception d’illégalité dirigée contre les articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68, est fondée sur le principe de non-discrimination. Le deuxième moyen est tiré de la méconnaissance des articles 62 et 64 du statut, de l’article 16 de l’annexe VII du statut, ainsi que de la décision de la Commission, du 26 avril 2006, relative à la politique en matière de protection de la dignité de la personne et de lutte contre le harcèlement moral et le harcèlement sexuel à la Commission (ci-après la « décision
du 26 avril 2006 »). Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 4 du règlement n^o 260/68.
44 Les premier et troisième moyens sont ainsi dirigés contre la décision du 16 octobre 2007 en tant que celle-ci cumule la rémunération et la pension de survie de la requérante aux fins de la fixation de la base imposable de l’impôt communautaire dont cette dernière est redevable. Dans le cadre du premier moyen, première branche, et du troisième moyen, la requérante fait valoir que les règlements en vigueur n’autorisent pas un tel cumul. Le premier moyen, seconde branche repose, en revanche,
sur la prémisse que ladite réglementation institue ce cumul, mais que celui-ci serait contraire au principe de non-discrimination. Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante conteste la décision de percevoir la totalité de l’impôt dû par imputation sur sa rémunération, indépendamment de la manière selon laquelle la base imposable est établie.
45 Compte tenu de leurs objets respectifs, il convient d’examiner successivement le premier moyen, première branche, le troisième moyen, le premier moyen, seconde branche, et le deuxième moyen.
Sur le premier moyen, première branche, tiré de la violation de l’article 79 du statut, de l’article 17 de l’annexe VIII du statut et des principes généraux de la sécurité sociale consacrés par ces dispositions
– Arguments des parties
46 La requérante constate que le cumul de sa rémunération avec sa pension de survie conduit à imposer cette pension plus lourdement que si elle avait été imposée distinctement. Ce cumul violerait l’économie de l’article 79 du statut et de l’article 17 de l’annexe VIII du statut, dont la requérante déduit que sa pension nette devrait être fixée en fonction des seuls revenus de son défunt mari et non en fonction de ses ressources professionnelles.
47 La Commission répond que le Tribunal de première instance a déjà rejeté ce grief dans son arrêt du 1^er décembre 1994, Coen-Porisini/Commission (T‑502/93, RecFP p. I‑A‑303 et II‑949).
– Appréciation du Tribunal
48 Il convient, en premier lieu, de rappeler que le système fiscal communautaire prévoit une imposition progressive qui tient compte de tous les émoluments de chaque bénéficiaire pour calculer l’assiette imposable.
49 Une telle exigence de cumul des émoluments, aux fins du calcul de l’impôt, découle du libellé même des dispositions du règlement n^o 260/68. En particulier, l’article 4 établit que l’impôt est calculé sur le montant imposable obtenu en application de l’article 3. Celui-ci prévoit, dans son paragraphe 1, que « [l]’impôt est dû chaque mois, à raison des traitements, salaires et émoluments de toute nature versés par les Communautés à chaque assujetti ». Il résulte clairement de la lettre de
cette disposition que la base imposable soumise à l’impôt communautaire est constituée par la somme des traitements, salaires et autres émoluments d’origine communautaire versés à chaque assujetti.
50 De plus, lorsque le législateur communautaire a voulu exclure l’application de la règle du cumul, il l’a fait par le biais de dispositions expresses en ce sens (arrêt Coen-Porisini/Commission, point 47 supra, points 18 à 20 et 22). Ainsi, l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement n^o 260/68 exclut de la base imposable diverses prestations ou allocations qu’il énumère.
51 Il convient, dès lors, d’examiner, en second lieu, si l’article 79 du statut et l’article 17 de l’annexe VIII du statut font obstacle à la règle de cumul comme le soutient la requérante.
52 Force est de constater que ces dispositions ne contiennent aucune dérogation à la règle générale du cumul des émoluments pour le calcul de l’impôt communautaire, telle que celle-ci a été exposée aux points 48 à 50 ci-dessus et à laquelle il ne peut être dérogé que par des dispositions expresses (voir, en ce sens, arrêt Coen-Porisini/Commission, point 47 supra, points 28 et 29).
53 En effet, même si ces dispositions établissent le montant, avant impôt, de la pension de survie en fonction de la carrière du conjoint prédécédé, cette pension représente, au bénéfice du conjoint survivant, un revenu de remplacement destiné à compenser la perte des revenus de son conjoint décédé. Aussi, constitue-t-elle un émolument versé par les Communautés, au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement n^o 260/68, dont le conjoint survivant est directement bénéficiaire selon l’article
2 du même règlement. Dans la mesure où ledit conjoint est également fonctionnaire, comme en l’espèce, il est également assujetti à l’impôt communautaire sur son traitement en vertu des mêmes dispositions. En conséquence, l’impôt dû par ce dernier est bien celui qui est calculé conformément à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4 du règlement n^o 260/68, la base imposable représentant la somme dudit traitement et dudit émolument versés chaque mois.
54 À défaut de disposition dérogatoire expresse relative aux pensions de survie, il y a lieu de conclure, au vu de ce qui précède, que la règle du cumul doit s’appliquer au versement simultané d’un traitement et d’une telle pension (arrêt Coen-Porisini/Commission, point 47 supra, point 22).
55 Cette conclusion ne saurait être remise en cause au motif que les versements à la requérante de son traitement, le 15 de chaque mois, et de sa pension de survie, à terme échu, ne sont pas « simultané[s] », comme le point 22 de l’arrêt Coen-Porisini/Commission semble l’exiger.
56 En effet, le caractère simultané des versements en cause concerne la période couverte par le traitement et la prestation dus, mais non le moment auquel ces versements doivent avoir lieu. L’article 16, paragraphe 1, de l’annexe VII et l’article 45, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut fixaient, d’ailleurs, déjà, à l’époque des faits à l’origine de l’arrêt précité, ces échéances pour le versement du traitement et de la pension de survie. La requérante dans cette affaire avait relevé
« que l’administration elle-même a[vait] traité séparément les deux revenus, étant donné qu’ils f[aisaien]t l’objet de deux bulletins de paiement séparés » (arrêt Coen-Porisini/Commission, point 47 supra, point 14). En toute hypothèse, le règlement n^o 260/68 ne subordonne pas l’application de la règle du cumul au versement en une seule fois de l’ensemble des émoluments. En particulier son article 3, paragraphe 1, dispose que « [l]’impôt est dû chaque mois, à raison des traitements, salaires et
émoluments », de sorte que l’impôt est calculé en fonction de l’ensemble des sommes versées durant cette période. Enfin, l’article 8 du règlement n^o 260/68, selon lequel « [l]’impôt est perçu par voie de retenue à la source », fixe seulement une modalité de perception de l’impôt.
57 Il s’ensuit que l’interprétation que la requérante déduit de l’article 79 du statut et de l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut ne peut être retenue.
58 Enfin, ainsi que la Commission l’a à juste titre relevé, le premier moyen, première branche, est irrecevable en ce qu’il soulève une violation des « principes généraux de la sécurité sociale consacrés par » les deux dispositions susmentionnées. En effet, cet argument n’est nullement développé dans le corps de la requête, en méconnaissance de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure.
59 Le premier moyen, première branche, doit, dès lors, être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4 du règlement n^o 260/68
– Arguments des parties
60 La requérante met en cause l’affirmation contenue dans la décision du 20 mai 2008, rejetant sa réclamation, selon laquelle un taux moyen d’imposition de 18,36 % frapperait sa pension de survie, alors que ce taux méconnaîtrait le principe de la progressivité de l’impôt par tranches et qu’il s’avérerait nettement inférieur à la réalité. En effet, il résulterait du cumul de la rémunération et de la pension de survie que celle-ci serait soumise au taux d’imposition afférent aux tranches les plus
« fiscalisées ». Selon la requérante, sa pension de survie serait, en pratique, soumise à un impôt de 40,29 %.
61 La Commission rétorque que la requérante invoque une violation de l’article 4 du règlement n^o 260/68 sans expliquer en quoi cette disposition serait méconnue. Elle observe, également, que le règlement n^o 260/68 prévoit un cumul des différents revenus communautaires et que le taux d’imposition ne tient pas compte des différentes composantes de ce revenu global.
– Appréciation du Tribunal
62 Contrairement à ce que soutient la Commission, la requérante explique en quoi l’article 4 du règlement n^o 260/68 serait violé. Il ressort des développements du moyen que la requérante invoque la violation de cette disposition en ce qu’elle instaure une progressivité de l’impôt par tranches que l’AIPN aurait méconnue, dans sa décision du 20 mai 2008, en calculant un taux moyen d’imposition affectant tant sa rémunération que sa pension de survie.
63 L’AIPN fait valoir, dans la décision du 20 mai 2008, que le montant de l’impôt dû sur le total de la rémunération et de la pension de survie allouées avant impôt à la requérante correspond, globalement, à un taux d’imposition de 18,36 %. Cette affirmation avait pour seul objet de répondre à un argument, figurant dans la réclamation de la requérante qui soutenait que le cumul de sa rémunération et de sa pension de survie avait pour effet de soumettre cette dernière à un « taux moyen de 40 %
de son montant ».
64 Il convient d’ajouter que l’application de taux différents aux différentes tranches de revenus prévues par l’article 4 du règlement n^o 260/68 n’empêche évidemment pas que soit perçue une seule cotisation d’impôt grevant les revenus globaux, sans distinction, le pourcentage de ladite cotisation augmentant dans la mesure où les revenus globaux du contribuable atteignent une tranche plus élevée. Par conséquent, la requérante ne peut valablement prétendre qu’un revenu déterminé, telle que la
pension de survie en l’espèce, serait affecté par les tranches les plus élevées fixées par l’article 4 susmentionné, en violation de la progressivité de l’impôt communautaire que cette disposition institue.
65 Le troisième moyen est ainsi mal fondé.
Sur le premier moyen, seconde branche, tiré de la violation du principe de non-discrimination
– Arguments des parties
66 La requérante prétend que les articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 violent le principe d’égalité et de non-discrimination s’ils doivent être interprétés comme autorisant le cumul de sa pension de survie avec sa rémunération aux fins du calcul de l’impôt dont elle est redevable. En effet, le taux de l’impôt frappant la pension de survie serait moins élevé quand le conjoint survivant n’est pas lui-même un fonctionnaire des Communautés percevant une rémunération soumise à l’impôt
communautaire.
67 La Commission répond que la requérante ne peut revendiquer le traitement appliqué à des personnes qui ne sont pas dans une situation comparable à la sienne.
– Appréciation du Tribunal
68 Il ressort de l’examen du premier moyen, première branche, et du troisième moyen que les articles 3 et 4 du règlement n^o 260/68 exigent d’additionner la rémunération et la pension de survie de la requérante pour calculer l’impôt communautaire dont elle est redevable. Il convient, par conséquent, d’examiner l’allégation de cette dernière selon laquelle ces deux articles seraient discriminatoires en ce qu’ils imposent ce cumul à un fonctionnaire, conjoint d’un fonctionnaire prédécédé.
69 Selon une jurisprudence constante, le principe général d’égalité de traitement impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié. Il en va de même du principe de non-discrimination invoqué par la requérante, celui-ci n’étant que l’expression spécifique du principe général d’égalité (arrêt du Tribunal du 23 janvier 2007,
Chassagne/Commission, F‑43/05, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑139, points 58 et 59, ainsi que la jurisprudence citée).
70 En l’espèce, la pension de survie a pour objet de compenser partiellement la perte de la rémunération du conjoint prédécédé lorsque ce dernier avait la qualité de fonctionnaire des Communautés. La requérante ne conteste pas que cette pension puisse faire l’objet d’un prélèvement fiscal par les Communautés. La requérante critique seulement les modalités de fixation de l’impôt communautaire dû sur sa rémunération et sur sa pension de survie.
71 Il convient, dès lors, d’avoir égard aux principes et objectifs qui constituent le fondement de la fiscalité des revenus, professionnels ou de remplacement, versés par la Communauté pour apprécier si la différence de traitement affectant les conjoints de fonctionnaires européens prédécédés selon qu’ils ont, ou non, eux-mêmes cette qualité est objectivement justifiée.
72 Il ressort, à ce propos, du préambule du règlement n^o 260/68 que celui-ci a, notamment, pour objectif de fixer les conditions dans lesquelles les fonctionnaires et agents des Communautés sont soumis à l’impôt sur les traitements, salaires et émoluments institué par l’article 13 du protocole sur les privilèges et immunités.
73 Or, en confiant au Conseil le soin de fixer, notamment, les conditions auxquelles les fonctionnaires européens sont soumis à un impôt, au profit des Communautés, sur tous les traitements, salaires et émoluments versés par elles et en exemptant parallèlement de tout impôt national les mêmes traitements, salaires et émoluments, l’article 13 du protocole susmentionné a institué un régime fiscal qui concerne spécifiquement les agents des Communautés (arrêt de la Cour du 22 mars 2007,
Commission/Belgique, C‑437/04, Rec. p. I‑2513, point 61).
74 Ce régime tend, par son caractère uniforme et autonome au regard des législations fiscales nationales, à garantir une égalité de traitement entre les fonctionnaires des Communautés (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 décembre 1960, Humblet/État belge, 6/60, Rec. p. 1125 ; du 3 juillet 1974, Brouerius van Nidek, 7/74, Rec. p. 757, point 11, et du 3 mars 1988, Commission/BEI, 85/86, Rec. p. 1281, point 23). Par conséquent, la qualité de fonctionnaire européen de la requérante est un
critère pertinent pour distinguer sa situation fiscale de celle des personnes ne bénéficiant pas d’une rémunération communautaire.
75 Enfin, la requérante observe, certes à juste titre, que l’article 79 du statut prend pour base de calcul de la pension de survie, la pension d’ancienneté ou l’allocation d’invalidité dont le fonctionnaire prédécédé bénéficiait, ou dont il aurait bénéficié s’il avait pu y prétendre, pour compenser partiellement la perte de l’apport financier que constituait sa rémunération. Il n’en demeure pas moins que la requérante est personnellement bénéficiaire de la pension de survie et qu’elle a la
qualité de contribuable au sens de l’article 2 du règlement n^o 260/68.
76 Le premier moyen, seconde branche, doit, dès lors, être rejeté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la méconnaissance des articles 62 et 64 du statut, de l’article 16 de l’annexe VII du statut, ainsi que de la décision de la Commission du 26 avril 2006
– Arguments des parties
77 La requérante fait valoir que, dans sa décision du 20 mai 2008, l’AIPN a maintenu l’amputation récurrente de sa rémunération par un impôt qui ne s’y rapporte pas, mais qui devrait frapper sa pension de survie, laquelle est versée quinze jours après le versement de sa rémunération. Or, sa rémunération ne pourrait faire l’objet de retenues anticipées, afférentes à un impôt qui n’est pas encore exigible.
78 La Commission répond que l’AIPN a reconnu dans la décision susmentionnée que le prélèvement de la « tranche » d’impôt communautaire concernant la pension de survie de la requérante devrait être effectué à la date où celle-ci est effectivement payée. Elle excipe cependant de difficultés techniques.
– Appréciation du Tribunal
79 Le deuxième moyen critique la décision d’imputer la totalité de l’impôt communautaire dû sur la rémunération.
80 Il ressort des points 29 et 36 ci-dessus que ce moyen se rattache au chef de conclusions tendant à l’annulation de la décision du 20 mai 2008 par laquelle l’AIPN a répondu à la réclamation de la requérante et, plus précisément, en ce qu’elle a statué sur son second chef de réclamation concernant la perception de la totalité de l’impôt communautaire avant l’échéance de la pension de survie.
81 Or, il ressort du point 35 ci-dessus que le recours est irrecevable dans cette mesure. Par conséquent, le deuxième moyen doit être écarté.
82 Enfin, le deuxième moyen serait dépourvu d’objet même si, malgré les propres déclarations de la requérante à l’audience (voir point 30 ci-dessus), il était interprété comme contestant la légalité de la décision du 16 octobre 2007. En effet, le Tribunal a déjà constaté (voir point 29 ci-dessus) que la décision du 20 mai 2008, susmentionnée, s’y est substituée sur le point litigieux.
83 Le deuxième moyen doit, par conséquent, être rejeté.
84 L’ensemble des moyens devant être rejeté, le recours doit l’être dans son ensemble.
Sur les dépens
85 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est que partiellement condamnée aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.
86 Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante est la partie qui succombe. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que la requérante soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, il y a donc lieu de condamner la requérante aux dépens.
87 Par ailleurs, en application de l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil, partie intervenante, supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) M^me Ramaekers-Jørgensen supporte ses propres dépens et les dépens de la Commission des Communautés européennes.
3) Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens.
Mahoney Kreppel Van Raepenbusch
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 octobre 2009.
Le greffier Le président
W. Hakenberg P. Mahoney
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* Langue de procédure : le français.