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02/04/2009 | CJUE | N°C-322/07

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Bot présentées le 2 avril 2009., Papierfabrik August Koehler AG (C-322/07 P), Bolloré SA (C-327/07 P) et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C-338/07 P) contre Commission des Communautés européennes., 02/04/2009, C-322/07


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 2 avril 2009 ( 1 )

Affaires jointes C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P

Papierfabrik August Koehler AG e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvois — Ententes — Marché du papier autocopiant — Défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse — Violation des droits de la défense — Conséquences — Dénaturation des éléments de preuve — Participation à l’infraction — Durée de l’infra

ction — Règlement n o  17 — Article 15, paragraphe 2 — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Principe d’égalit...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 2 avril 2009 ( 1 )

Affaires jointes C-322/07 P, C-327/07 P et C-338/07 P

Papierfabrik August Koehler AG e.a.

contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvois — Ententes — Marché du papier autocopiant — Défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse — Violation des droits de la défense — Conséquences — Dénaturation des éléments de preuve — Participation à l’infraction — Durée de l’infraction — Règlement n o  17 — Article 15, paragraphe 2 — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes — Principe d’égalité de traitement — Principe de proportionnalité — Obligation de motivation — Durée raisonnable de
la procédure devant le Tribunal»

1.  La présente affaire a pour objet les pourvois formés par trois producteurs de papier autocopiant, Papierfabrik August Koehler AG (C-322/07 P, ci-après « Koehler » ), Bolloré SA (C-327/07 P, ci-après « Bolloré » ) et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C-338/07 P, ci-après « Divipa » ), à l’encontre de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 avril 2007 , Bolloré e.a./Commission  ( 2 ) .

2.  Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les recours en annulation introduits par les requérantes à l’encontre de la décision 2004/337/CE de la Commission  ( 3 ) par laquelle celle-ci a constaté leur participation à un ensemble d’accords et de pratiques concertées sur le marché du papier autocopiant, contraires à l’article 81 CE.

3.  Dans les présents pourvois, les requérantes remettent tout d’abord en cause la légalité de la procédure devant le Tribunal. En particulier, Bolloré reproche au Tribunal de ne pas avoir tiré toutes les conséquences qui s’imposaient quant à la légalité de la décision litigieuse compte tenu de la violation commise par la Commission des Communautés européennes de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

4.  Les requérantes reprochent, ensuite, au Tribunal d’avoir violé l’article 81, paragraphe 1, CE, en dénaturant certains éléments de preuve relatifs à leur participation à l’infraction et à la durée de celle-ci. Elles contestent également son appréciation relative au calcul du montant des amendes infligées par la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 du Conseil  ( 4 ) en faisant notamment valoir une violation des principes d’égalité de traitement et de
proportionnalité. Enfin, l’une des requérantes critique l’arrêt attaqué en tant qu’il serait entaché d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes.

5.  Dans les présentes conclusions, nous proposerons à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué en tant que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tirant pas toutes les conséquences qui s’imposaient de la violation par la Commission des droits de la défense de Bolloré. En effet, nous soutiendrons que, dans la mesure où Bolloré n’a pas pu se défendre concernant le grief tiré de son implication personnelle et directe dans les activités du cartel, le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse
en tant qu’elle était fondée sur ce grief.

6.  En revanche, nous proposerons à la Cour de rejeter les pourvois introduits par Koehler et Divipa.

7.  Dans la mesure où le litige est, selon nous, en état d’être jugé, nous proposerons à la Cour de statuer elle-même définitivement sur le moyen soulevé par Bolloré, tiré d’une violation des droits de la défense. À l’issue de cette évocation, nous inviterons la Cour à annuler la décision litigieuse en tant qu’elle est fondée sur des éléments mettant personnellement et directement en cause Bolloré dans la commission de l’infraction.

I — Le cadre juridique

8. L’article 81 CE interdit « tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun » .

9. En cas de violation de cette disposition, la Commission peut, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, « infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de [ 1000  euros] au moins et de [1 million d’euros] au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction » .

10. En vue d’assurer la transparence et le caractère objectif de ses décisions tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard du juge communautaire, la Commission a publié, en 1998, des lignes directrices dans lesquelles elle énonce la méthode de calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17  ( 5 ) .

11. Les lignes directrices disposent, à leur point 1, que, pour le calcul du montant des amendes, le montant de base est déterminé en fonction des critères retenus à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17, à savoir la gravité et la durée de l’infraction.

12. En premier lieu, l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné (point 1, A, premier alinéa, des lignes directrices). Dans ce cadre, les infractions sont classées en trois catégories, à savoir les « infractions peu graves » , pour lesquelles le montant des amendes envisageable est compris entre 1000  euros et 1 million d’euros, les «
infractions graves » , pour lesquelles ce montant peut varier entre 1 million d’euros et 20 millions d’euros, ainsi que les « infractions très graves » , pour lesquelles ledit montant va au-delà de 20 millions d’euros (point 1, A, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, des lignes directrices).

13. En deuxième lieu, la gravité de l’infraction est analysée par rapport aux caractéristiques de chaque entreprise concernée. À l’intérieur de chacune de ces catégories, l’échelle des sanctions retenues permet de différencier le traitement appliqué aux entreprises selon la nature des infractions commises. La Commission prend alors en considération la capacité économique effective des entreprises concernées à créer un dommage et détermine le montant de l’amende à un niveau qui doit lui assurer un
caractère dissuasif (point 1, A, quatrième alinéa, des lignes directrices). C’est à ce stade que la Commission peut classer les entreprises dans différentes catégories et pondérer le montant de départ de l’amende pour chaque entreprise.

14. En troisième lieu, la Commission prend en compte la durée de l’infraction.

15. En vertu des points 2 et 3 des lignes directrices, la Commission peut, ensuite, prendre en considération certaines circonstances aggravantes ou atténuantes pour augmenter ou diminuer le montant de base.

16. En outre, conformément au point 4 desdites lignes, la Commission peut appliquer sa communication du 18 juillet 1996 concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes  ( 6 ) .

17. En tant que remarque générale, le point 5, sous a), premier alinéa, des lignes directrices précise que le montant final de l’amende ne peut en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d’affaires mondial des entreprises, conformé ment à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17.

II — Le cadre factuel

18. Les faits, tels qu’ils ressortent de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

19. Les faits à l’origine du présent litige, tels qu’ils sont exposés aux points 1 à 21 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés comme suit.

20. Informée de la prétendue existence d’une entente occulte entre entreprises dans le secteur du papier autocopiant, la Commission a effectué des vérifications auprès de plusieurs producteurs, au titre de l’article 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n o  17. En 1999, la Commission a également adressé des demandes de renseignements, conformément à l’article 11 du règlement n o  17, à plusieurs sociétés qui, pour certaines d’entre elles, ont reconnu leur participation à des réunions multilatérales
d’entente.

21. Mougeot SA (ci-après « Mougeot » ), qui avait accepté de coopérer à l’enquête en application de la communication sur la coopération, a reconnu l’existence d’une entente ayant pour objet la fixation des prix du papier autocopiant et a fourni à la Commission des renseignements sur la structure du cartel, et notamment sur les différentes réunions auxquelles ses représentants ont assisté.

22. Le 26 juillet 2000 , la Commission a engagé la procédure dans les présentes affaires et a adopté une communication des griefs qu’elle a adressée à 17 entreprises, dont Bolloré et sa filiale Copigraph SA (ci-après « Copigraph » ), Divipa et Koehler. La majorité des entreprises ont présenté des observations écrites en réponse aux griefs soulevés par la Commission. Une audition s’est tenue les 8 et 9 mars 2001 et la Commission a adopté, le 20 décembre 2001 , la décision litigieuse.

23. À l’article 1 er , premier alinéa, de cette décision, la Commission constate que onze entreprises ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, signé le 2 mai 1992 ( 7 ) , en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur du papier autocopiant.

24. À l’article 1 er , second alinéa, de la même décision, la Commission constate, notamment , que Arjo Wiggins Appelton plc (ci-après « AWA » ), Bolloré, Koehler, Sappi Ltd (ci-après « Sappi » ) et trois autres entreprises ont participé à l’infraction du mois de janvier 1992 au mois de septembre 1995, Divipa du mois de mars 1992 au mois de janvier 1995 et Mougeot du mois de mai 1992 au mois de septembre 1995.

25. Aux termes de l’article 3, premier alinéa, de la décision litigieuse, la Commission a infligé une amende de 33,07  millions d’euros à Koehler, de 22,68  millions d’euros à Bolloré et de 1,75  million d’euros à Divipa.

III — Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

26. Par requêtes séparées déposées au greffe du Tribunal au mois d’avril 2002, Bolloré, Koehler et Divipa ainsi que six autres entreprises destinataires de la décision litigieuse ont introduit des recours en annulation à l’encontre de cette dernière.

27. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, notamment, les recours introduits par Bolloré, Koehler et Divipa.

IV — La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

28. En application de l’article 56 du statut de la Cour de justice, Koehler, Bolloré et Divipa, par requêtes déposées au greffe de la Cour respectivement les 12 , 13 et 20 juillet 2007 , ont formé des pourvois contre l’arrêt attaqué.

29. Dans l’affaire C-322/07 P, Koehler demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué; d’annuler la décision litigieuse; à titre subsidiaire, de réduire l’amende qui lui a été infligée; à titre très subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue conformément aux points de droit tranchés par l’arrêt de la Cour, et, en toute hypothèse, de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.

30. Dans l’affaire C-327/07 P, Bolloré demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué; de statuer définitivement et d’annuler la décision litigieuse ou, en tout état de cause, de réduire l’amende qui lui a été infligée; dans le cas où la Cour ne statuerait pas dans la présente affaire, de réserver les dépens et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen, conformément à l’arrêt de la Cour, et de condamner la Commission aux dépens des deux instances.

31. Dans l’affaire C-338/07 P, Divipa demande à la Cour de déclarer le pourvoi recevable et fondé; d’annuler en tout ou en partie l’arrêt attaqué et de statuer expressément au fond ou de renvoyer l’affaire devant le Tribunal; de supprimer ou de réduire l’amende infligée dans la décision litigieuse, et de condamner la Commission aux dépens de la procédure devant le Tribunal et devant la Cour.

32. Dans les affaires C-322/07 P et C-338/07 P, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

33. Dans l’affaire C-327/07 P, la Commission demande à la Cour, à titre principal, de rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et non fondé; à titre subsidiaire, de rejeter le recours comme étant non fondé, et, en tout état de cause, de condamner la requérante aux dépens.

V — Les moyens des pourvois

A — Les moyens soulevés par Koehler (C-322/07 P)

34. Koehler soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi.

35. Dans le cadre de son premier moyen, elle conteste l’appréciation du Tribunal relative à la durée de l’infraction qu’elle a commise. À cet égard, elle lui reproche d’avoir dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis, d’avoir également manqué à son devoir de motivation et d’avoir, enfin, violé ses droits de la défense.

36. Au soutien de son second moyen, Koehler fait valoir que le Tribunal a violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité dans le cadre de son appréciation du montant de l’amende infligée par la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17.

B — Les moyens soulevés par Bolloré (C-327/07 P)

37. Bolloré soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi.

38. Au soutien de son premier moyen, Bolloré reproche au Tribunal de ne pas avoir correctement apprécié les conséquences qu’il convenait de tirer de la violation commise par la Commission de ses droits de la défense au cours de la procédure administrative.

39. Au soutien de son second moyen, Bolloré fait valoir que le Tribunal a violé l’article 81, paragraphe 1, CE en dénaturant les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour apprécier la durée de l’infraction et en manquant à son devoir de motivation.

C — Les moyens soulevés par Divipa (C-338/07 P)

40. Divipa soulève, quant à elle, quatre moyens à l’appui de son pourvoi.

41. Au soutien de son premier moyen, elle reproche au Tribunal d’avoir statué dans un délai excessif, violant ainsi le principe du délai raisonnable de la procédure.

42. Par son deuxième moyen, Divipa soutient que le Tribunal a violé l’article 81, paragraphe 1, CE en dénaturant certains éléments de preuve dans le cadre de son appréciation relative à la participation à l’infraction.

43. Au soutien de son troisième moyen, Divipa reproche, en outre, au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité dans le cadre de son appréciation du montant de l’amende infligée par la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17.

44. Enfin, dans le cadre de son quatrième moyen, Divipa fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes.

VI — La jonction des pourvois et leur traitement dans le cadre des présentes conclusions

45. En raison de leur connexité, les présentes affaires ont été jointes aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 43 du règlement de procédure. Dans la mesure où certains des moyens soulevés par les requérantes se recoupent, nous avons fait le choix de les traiter conjointement, et ce pour des raisons de clarté.

46. Aux fins de notre analyse, nous examinerons, dans un premier temps, les moyens portant sur de prétendus vices de procédure dont pourrait être entaché l’arrêt attaqué. À cet égard, nous analyserons le moyen soulevé par Bolloré, tiré d’une violation de ses droits de la défense avant d’examiner le moyen soulevé par Divipa, tiré d’une durée excessive de la procédure.

47. Nous examinerons, dans un deuxième temps, les moyens tirés d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en tant que le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour apprécier la participation des requérantes à l’infraction et la durée de celle-ci.

48. Dans un troisième temps, nous analyserons les moyens tirés d’une violation par le Tribunal des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité dans le cadre de son appréciation du montant des amendes infligées par la Commission.

49. Enfin, dans un quatrième temps, nous examinerons si l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes.

50. Avant d’entamer notre analyse, nous souhaitons formuler, à titre liminaire, quelques observations sur l’étendue du contrôle juridictionnel opéré par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

VII — Observations liminaires quant à l’étendue du contrôle exercé par la Cour dans le cadre des présents pourvois

51. Dans le cadre d’un pourvoi, la tâche de la Cour se limite à examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit à l’occasion de l’exercice de son contrôle juridictionnel.

52. Aux termes des articles 225, paragraphe 1, second alinéa, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi doit être limité aux questions de droit et peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal ou de la violation du droit communautaire par ce dernier. En outre, conformément à l’article 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi doit spécifier les moyens et les
arguments de droit invoqués.

53. Sur la base de ces dispositions, la Cour a précisé les conditions de recevabilité des pourvois engagés à l’encontre des arrêts du Tribunal.

54. Premièrement, la Cour juge qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande  ( 8 ) .

55. Deuxièmement, la Cour considère qu’un requérant ne peut pas soulever pour la première fois devant elle des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal. En effet, cela reviendrait à autoriser une partie à saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal, alors même que la compétence de celle-ci en matière de pourvoi est limitée  ( 9 ) .

56. Troisièmement, la Cour juge qu’un pourvoi n’est pas recevable si le requérant se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qu’il a déjà présentés devant le Tribunal et s’il n’explique pas et n’identifie pas l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt. Dans ce cas, la Cour considère, en effet, que le pourvoi constitue en réalité une demande permettant au requérant d’obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la
compétence de la Cour  ( 10 ) . En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit communautaire faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, selon la Cour, si un requérant ne pouvait pas fonder son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, cette procédure serait privée d’une partie de son sens  ( 11 ) .

57. Il résulte également des dispositions susmentionnées que le pourvoi ne peut s’appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit. Les moyens relatifs à l’appréciation des faits sont, en principe, jugés irrecevables, sauf dans deux hypothèses expressément visées par la jurisprudence.

58. En principe, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits. Il est également seul à pouvoir apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui sont soumis, dès lors que les preuves qu’il a retenues à l’appui de ces faits ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés  ( 12 ) .

59. Dans ce cas, la Cour peut uniquement exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique desdits faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal  ( 13 ) .

60. Ainsi, dans le cadre, en particulier, de la mise en œuvre des articles 81 CE et 15 du règlement n o  17, le contrôle de la Cour a un double objet. D’une part, la Cour doit examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité du comportement de l’entreprise à la lumière des articles 81 CE et 15 du règlement n o  17. D’autre part, elle doit vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de
droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant, tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende  ( 14 ) . En revanche, il n’appartient pas à la Cour de substituer, pour des raisons d’équité, sa propre appréciation à celle du Tribunal qui statue, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées aux entreprises  ( 15 ) .

61. Ainsi que nous l’avons indiqué, il existe deux cas dans lesquels la Cour peut être saisie de griefs relatifs à la constatation et à l’appréciation des faits  ( 16 ) .

62. Le premier cas est celui dans lequel le requérant soutient que le Tribunal a effectué des constatations dont l’inexactitude matérielle résulte des pièces du dossier.

63. Le second cas est celui dans lequel le requérant allègue que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis. Dans cette hypothèse, la Cour, qui n’est en principe pas compétente pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui des faits, peut procéder à un contrôle juridictionnel. Le requérant doit alors indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient
conduit le Tribunal à cette dénaturation. Selon une jurisprudence constante, ladite dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ainsi que de recourir à de nouveaux éléments de preuve  ( 17 ) .

64. C’est sur le fondement de ces considérations que nous examinerons la recevabilité des moyens et des arguments invoqués par les requérantes aux présents pourvois.

VIII — Sur les moyens portant sur de prétendus vices de procédure

65. Conformément aux articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, la Cour est compétente pour contrôler si des irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts des requérantes ont été commises devant le Tribunal. Elle doit s’assurer, à cet égard, que les principes généraux de droit communautaire et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés  ( 18 ) .

66. La Cour considère que le droit à un procès équitable, et notamment les principes du respect des droits de la défense et du délai raisonnable de la procédure, est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission infligeant à une entreprise des amendes en raison d’une violation du droit de la concurrence  ( 19 ) .

67. Il nous appartient, à présent, d’examiner les moyens soulevés par Bolloré et Divipa, tirés de l’illégalité de la procédure devant le Tribunal.

A — Sur le premier moyen, tiré d’une appréciation erronée des conséquences attachées à la violation commise par la Commission des droits de la défense de Bolloré

68. Bolloré reproche au Tribunal d’avoir méconnu ses droits de la défense en ne tirant pas toutes les conséquences qui s’imposaient de la violation par la Commission de son droit à être entendu et à se défendre au cours de la procédure administrative en ce qui concerne son implication directe dans l’infraction.

1. L’arrêt attaqué

69. En première instance, Bolloré a soutenu que, au stade de la communication des griefs, la Commission a retenu sa participation à l’infraction uniquement en raison de sa responsabilité, en tant que société mère, pour les agissements de sa filiale Copigraph. En revanche, la décision litigieuse contenait, selon elle, un grief nouveau tiré de son implication personnelle et autonome dans l’entente. Bolloré a prétendu que, en ne lui offrant pas la possibilité de prendre position sur ce grief lors de la
procédure administrative, la Commission avait violé à son égard le principe du respect des droits de la défense.

70. Après avoir indiqué, aux points 66 à 68 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence pertinente relative à ce principe, le Tribunal a constaté, au point 79 de cet arrêt, que la communication des griefs n’avait pas permis à Bolloré de prendre connaissance du grief tiré de son implication directe dans l’infraction, ni même des faits retenus par la Commission dans la décision litigieuse au soutien de ce grief, de sorte que Bolloré n’avait pas pu utilement assurer sa défense, au cours de la procédure
administrative, sur ledit grief et sur ces faits.

71. Néanmoins, dans la suite de son analyse, le Tribunal a jugé que la violation du principe du respect des droits de la défense par la Commission ne suffisait pas à justifier l’annulation de la décision litigieuse. Selon lui, ce vice de procédure n’a eu aucune influence déterminante sur le dispositif de cette décision dans la mesure où la Commission a pu, à bon droit, tenir Bolloré pour responsable de la participation de sa filiale Copigraph à l’entente.

72. Le raisonnement du Tribunal est rédigé de la manière suivante:

« 80 Toutefois, il convient de souligner que, même si la décision [litigieuse] contient de nouvelles allégations de fait ou de droit au sujet desquelles les entreprises concernées n’ont pas été entendues, le vice constaté n’entraînera l’annulation de [cette] décision sur ce point que si les allégations concernées ne peuvent pas être établies à suffisance de droit sur la base d’autres éléments retenus par [ladite] décision et au sujet desquels les entreprises concernées ont eu l’occasion de faire
valoir leur point de vue[  ( 20 ) ]. Par ailleurs, la violation des droits de la défense de Bolloré ne serait susceptible d’affecter la validité de la décision [litigieuse] en ce qu’elle concerne Bolloré que si [cette] décision était fondée sur la seule implication directe de Bolloré dans l’infraction [  ( 21 ) ]. Dans ce cas, en effet, le grief nouveau, tiré, dans [ladite] décision d’une implication directe de Bolloré dans les activités du cartel, ne pouvant être retenu, cette dernière ne
pourrait se voir imputer la responsabilité de l’infraction.

81 En revanche, s’il devait s’avérer, lors de l’examen au fond (voir […] points 123 à 150 [de l’arrêt attaqué]), que la Commission a, à bon droit, tenu Bolloré pour responsable de la participation de sa filiale Copigraph à l’entente, l’illégalité commise par la Commission ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision [litigieuse] parce qu’elle n’aurait pas pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution [  ( 22 ) ]. En effet, selon une jurisprudence
bien établie, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont à eux seuls de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif [  ( 23 ) ]. »

73. Aux points 123 à 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a démontré que Bolloré devait répondre de l’infraction commise par sa filiale Copigraph en raison de la participation de cette dernière à l’entente. Il en a déduit, au point 150 de l’arrêt attaqué, que « [l]a responsabilité de Bolloré dans l’infraction est dès lors établie, indépendamment de son implication directe dans celle-ci, qui a été écartée (voir points 66 à 81 [de l’arrêt attaqué » ]).

74. C’est au regard de l’ensemble de ces considérations que le Tribunal a rejeté le moyen soulevé par Bolloré, tiré d’une violation des droits de la défense et du principe du contradictoire, résultant d’un défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse.

2. Arguments des parties

75. Bolloré soutient que le Tribunal a rejeté, à tort, son moyen d’annulation de la décision litigieuse tiré de ce que, après avoir adressé à Bolloré une communication des griefs dans laquelle elle devait uniquement répondre de l’infraction commise par sa filiale Copigraph, la Commission l’a également condamnée, dans la décision litigieuse, en raison de son implication personnelle directe dans les activités du cartel. Selon elle, le Tribunal a violé le principe du respect des droits de la défense,
d’une part, en refusant d’annuler la décision litigieuse à son égard et, d’autre part, en considérant que le vice constaté n’avait pas affecté le dispositif de cette décision.

76. Au soutien de son grief, Bolloré se fonde, premièrement, sur plusieurs arrêts de la Cour et du Tribunal dans le domaine des pratiques anticoncurrentielles ainsi que dans le domaine du droit des concentrations pour soutenir que, en n’annulant pas la décision litigieuse alors que la communication des griefs était incomplète, le Tribunal a violé les droits de la défense  ( 24 ) .

77. Deuxièmement, Bolloré soutient que la jurisprudence sur laquelle le Tribunal s’est fondé est inopérante. D’une part, la première série d’arrêts évoquée au point 80 de l’arrêt attaqué concernerait une hypothèse différente de celle de la présente affaire. Dans ces arrêts, le juge communautaire aurait constaté une imprécision dans la communication des griefs qui concernait non pas la détermination et l’identification précise des responsabilités, mais uniquement les faits, c’est-à-dire les
comportements reprochés. D’autre part, la seconde série d’arrêts évoquée également au point 80 de l’arrêt attaqué serait encore plus étrangère aux débats. En effet, ces arrêts concerneraient les procédures de contrôle des opérations de concentrations et des aides d’État.

78. Troisièmement, Bolloré conteste l’ « approche finaliste » des droits de la défense qui aurait été retenue par le Tribunal, selon laquelle la nullité d’un acte ne serait prononcée que si la violation de la règle en cause porte atteinte aux intérêts de la partie concernée. Une telle approche ne jouerait pas pour toutes les violations procédurales, et notamment dans la présente affaire.

79. Quatrièmement, Bolloré critique l’appréciation du Tribunal selon laquelle il n’y aurait aucune raison d’annuler le dispositif de la décision litigieuse en tant qu’il la vise, puisque cela n’aurait aucune incidence sur le montant de l’amende de 22,68  millions d’euros qui lui a été infligée. Elle soutient que ce raisonnement est entaché d’une erreur de droit, puisqu’il ne tiendrait pas compte de la manière dont a été calculé ce montant.

80. La Commission considère que les arguments ne sont pas recevables en ce qu’ils reprennent des arguments déjà utilisés devant le Tribunal et, en tout état de cause, qu’ils sont non fondés, dans la mesure où Bolloré s’est vu imputer les agissements de sa filiale Copigraph, laquelle imputation ne serait pas en débat. Elle rétorque que le fondement de la décision litigieuse, tel que l’a confirmé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, est, en ce qui concerne Bolloré, uniquement sa responsabilité pour les
agissements de sa filiale. Selon la Commission, le Tribunal n’aurait fait qu’appliquer de manière très classique la jurisprudence communautaire.

3. Appréciation

81. Nous pensons que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en tant que le Tribunal n’a pas tiré toutes les conséquences qui s’imposaient de la violation commise par la Commission des droits de la défense qui, nul ne l’ignore, constituent un principe fondamental de l’ordre juridique communautaire  ( 25 ) .

82. Le raisonnement du Tribunal ne nous paraît pas satisfaisant. En effet, alors qu’il reconnaît le caractère fondamental de ce principe ainsi que les exigences qui y sont attachées, le Tribunal juge que la violation par la Commission des droits de la défense de Bolloré ne suffit pas à justifier l’annulation de la décision litigieuse dans la mesure où l’illégalité commise par celle-ci n’a pas eu d’influence déterminante sur le dispositif de cette décision. Le Tribunal se contente donc d’écarter,
dans un point de l’arrêt attaqué, le grief tiré de l’implication personnelle et directe de Bolloré dans l’infraction.

83. Si, comme l’affirme le Tribunal, les droits de la défense constituent un « principe fondamental du droit communautaire » , la sanction n’est-elle pas nécessairement la nullité de la décision litigieuse ou, en tout état de cause, celle des éléments sur lesquels l’entreprise n’a pas pu se défendre?

84. Privilégiant l’efficacité de la procédure administrative, l’analyse du Tribunal suscite en nous quelques réserves. Elle revient à remettre en cause le caractère fondamental du principe du respect des droits de la défense dans le cadre d’une procédure que l’on peut qualifier de quasi répressive et dans laquelle la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation très large et où le contrôle juridictionnel est restreint.

85. Avant d’examiner les arguments sur lesquels nous fondons notre appréciation, nous souhaitons rappeler la jurisprudence de la Cour relative au respect des droits de la défense dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE.

a) La jurisprudence communautaire relative au respect des droits de la défense dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE

86. La Cour a expressément reconnu le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable  ( 26 ) . Ce droit s’inspire de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH » )  ( 27 ) .

87. Cette disposition précise, nous le rappelons, que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » .

88. S’agissant plus précisément des droits de la défense, ceux-ci occupent une place éminente dans le cadre du déroulement de la procédure administrative d’enquête menée par la Commission en ce qui concerne les infractions aux articles 81 CE et 82 CE  ( 28 ) . La Cour a souligné à maintes reprises que le respect de ces droits constitue à ce titre un principe fondamental du droit communautaire  ( 29 ) .

89. Le contenu desdits droits a été, au fil du temps, sans cesse précisé par la jurisprudence et concrétisé par le législateur communautaire  ( 30 ) .

90. Selon la Cour, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité CE  ( 31 ) .

91. En ce sens, l’article 19, paragraphe 1, du règlement n o  17 prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs  ( 32 ) .

92. Selon la Cour, ce document constitue une garantie procédurale essentielle  ( 33 ) , dont les exigences ont été précisées très tôt dans une jurisprudence détaillée  ( 34 ) . La communication des griefs doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure. Parmi ces éléments figurent, entre autres, les faits reprochés à l’entreprise, la qualification qui leur est donnée, les éléments de preuve sur lesquels se fonde la
Commission ainsi que les éléments qu’elle prend en considération lors de la fixation de l’amende, comme la durée de l’infraction. Dans l’arrêt ARBED/Commission, précité, la Cour a également indiqué que la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui est susceptible d’être condamnée au paiement d’une amende.

93. Toutefois, ces indications peuvent être faites de manière sommaire et la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l’exposé des griefs. Selon la Cour, la communication des griefs constitue un document préparatoire dont les appréciations de fait et de droit ont un caractère purement provisoire  ( 35 ) . La Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et
compléter tant en fait qu’en droit son argumentation à l’appui des griefs sur lesquels elle se fonde, à condition toutefois qu’elle ne retienne que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer et qu’elle ait fourni, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à la défense.

94. Selon la jurisprudence du Tribunal, rappelée au point 68 de l’arrêt attaqué, une violation des droits de la défense au cours de la procédure administrative s’apprécie à la lumière des griefs retenus par la Commission dans la communication des griefs et dans la décision.

95. Ces garanties procédurales ont été consacrées à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n o  17 ainsi qu’aux articles 2 et 4 du règlement n o  99/63  ( 36 ) avant d’être codifiées aux articles 27 du règlement n o  1/2003 et 10 à 12 et 15 du règlement n o  773/2004.

96. C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient à présent d’examiner le bien-fondé du moyen soulevé par Bolloré.

b) L’examen du moyen soulevé par Bolloré

97. Ainsi que nous l’avons indiqué, le Tribunal a constaté une violation des droits de la défense de Bolloré dans la mesure où la communication des griefs ne lui avait pas permis de prendre connaissance du grief tiré de son implication personnelle et directe dans l’infraction, ni même des faits retenus par la Commission dans la décision litigieuse au soutien de ce grief.

98. Pour autant, le Tribunal a jugé que l’illégalité commise par la Commission ne suffisait pas à justifier l’annulation de la décision litigieuse dans la mesure où elle n’avait aucune influence déterminante sur le dispositif de celle-ci.

99. En effet, le Tribunal a jugé, au point 81 de l’arrêt attaqué, que, « selon une jurisprudence bien établie, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont à eux seuls de nature à justifier celle-ci à suffisance de droit, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif » ( 37 ) .

100. Au point 150 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a alors « écarté » ( 38 ) le grief tiré de la responsabilité propre de Bolloré dans la commission de l’infraction et, après avoir examiné l’ensemble des moyens soulevés par cette entreprise, a rejeté son recours en annulation.

101. Nous pensons que le Tribunal a commis une erreur de droit en appliquant cette jurisprudence à la présente affaire.

102. Il est vrai que les motifs sur lesquels Bolloré a été entendue sont à eux seuls de nature à justifier sa condamnation, dans la mesure où elle doit répondre du comportement de sa filiale.

103. Le dispositif de la décision litigieuse reste inchangé pour deux raisons. Premièrement, la Commission a considéré que Bolloré, en tant que société mère du groupe, devait répondre de l’infraction commise par sa filiale. Elle reste donc responsable, en tant que telle, de l’infraction commise à l’article 81 CE et le libellé de l’article 1 er de la décision litigieuse reste effectivement le même. Deuxièmement, le montant de l’amende visé à l’article 3 de cette décision n’est pas non plus modifié —
pour aussi surprenant que cela puisse paraître — en raison de la méthode de calcul retenue par la Commission. En effet, l’amende infligée aux entreprises concernées a été calculée sur la base du chiffre d’affaires tiré de la vente du papier autocopiant dans l’EEE. Or, dans le cas de Bolloré, seule la filiale disposait d’un tel chiffre d’affaires. Par conséquent, si nous considérons que Bolloré doit uniquement être tenue pour responsable des agissements commis par sa filiale, le montant de
l’amende reste le même que celui visé dans le dispositif de la décision litigieuse.

104. Néanmoins, il nous semble que la jurisprudence visée par le Tribunal, au point 81 de l’arrêt attaqué, ne pouvait pas être appliquée dans la présente affaire. En effet, nous pensons que, dans un cas tel que celui en cause, le Tribunal ne pouvait pas se contenter d’écarter le grief fondé sur l’implication personnelle et directe de Bolloré dans l’entente, en ne tirant aucune autre conséquence quant à la légalité de la décision litigieuse, et ce pour les raisons suivantes:

— premièrement, parce que cela reviendrait à méconnaître le caractère fondamental reconnu au principe du respect des droits de la défense;

— deuxièmement, parce que la jurisprudence de la Cour à ce sujet est très ferme;

— troisièmement, parce que l’analyse du Tribunal revient à méconnaître les conséquences qui s’attachent à une décision de condamnation de la Commission au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE, et

— quatrièmement, parce que nous sommes dans le cadre d’une procédure de nature quasi répressive susceptible de relever des prescriptions de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

105. Nous allons, à présent, développer chacun de ces arguments.

106. Premièrement, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal semble méconnaître la nature du droit en cause en privilégiant l’efficacité de l’action de la Commission et l’ordre public concurrentiel.

107. En effet, nous rappelons que la Commission a violé non pas une simple règle de forme, mais le droit d’une entreprise à se défendre à l’égard de sa mise en cause dans la commission d’une infraction. Nous rappelons que le principe du respect des droits de la défense, en tant qu’il constitue un principe fondamental de l’ordre juridique communautaire, est une formalité substantielle. En conséquence, la violation de ce principe devrait, selon nous, être sanctionnée en tant que telle par le juge
communautaire au titre de l’article 230 CE et devrait entraîner l’annulation de l’acte en cause ou d’une partie de celui-ci.

108. Deuxièmement, en effet, lorsque la Cour constate une violation des droits de la défense des entreprises en raison, notamment, d’un défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision, la Cour adopte une position très protectrice des droits des entreprises et très ferme à l’égard de la Commission en annulant la décision ou la partie de la décision relative aux faits ou aux griefs sur lesquels les parties n’ont pas pu faire valoir leurs observations.

109. Elle procède, à cet égard, à une application classique de l’article 230 CE, en vertu duquel la Cour peut annuler tous les actes de la Commission pris en violation des formes substantielles. La Cour fait également application des articles 4 du règlement n o  99/63 et 11, paragraphe 2, du règlement n o  773/2004, en vertu desquels, nous le rappelons, dans ses décisions, la Commission ne retient contre les entreprises et associations d’entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces
dernières ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue.

110. La Cour procède à une annulation partielle de la décision lorsque les éléments litigieux, pour important que soit leur objet, sont détachables des autres dispositions  ( 39 ) .

111. Il peut s’agir d’éléments ayant un caractère purement accessoire par rapport à l’infraction reprochée dans la décision définitive, par exemple, lorsqu’il est constaté que la Commission n’a pas communiqué aux entreprises certains documents sur la base desquels elle a pu apprécier leur comportement au regard de l’article 81 CE. Dans ce cas, la Cour a jugé qu’une telle violation ne pouvait pas affecter la validité de la décision dans son ensemble, mais qu’il y avait lieu, en revanche, de faire
abstraction du contenu de ces documents lors de l’examen du bien-fondé de la décision  ( 40 ) .

112. Il peut également s’agir d’éléments essentiels concernant l’infraction reprochée, comme la durée de celle-ci ou l’identification des entreprises responsables.

113. Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, la Commission avait omis d’indiquer aux requérantes qu’elle entendait les condamner, au titre de l’article 1 er de la décision en cause, pour la commission d’une infraction d’une durée plus longue que celle énoncée dans la communication des griefs. La Cour a annulé cette décision « pour autant qu’elle constat[ait] que les pratiques concertées [avaient] dépassé la période fin janvier/début
février 1976 » , c’est-à-dire la période sur laquelle les entreprises n’avaient pas eu l’occasion de s’expliquer  ( 41 ) .

114. Dans deux autres affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Compagnie maritime belge transports e.a./Commission et ARBED/Commission, la communication des griefs entretenait une équivoque quant aux personnes morales susceptibles de se voir infliger une amende en raison d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE.

115. Dans la première affaire, la communication des griefs se contentait d’identifier comme auteur de l’infraction une entité collective, en l’occurrence une conférence maritime. En revanche, dans sa décision, la Commission infligeait une amende individuelle à certains des membres de cette conférence. Saisi d’un recours en annulation contre cette décision, le Tribunal a rejeté le moyen introduit par ces derniers, tiré d’une violation de leurs droits procéduraux, au motif, notamment, qu’ils avaient
eu connaissance de la communication des griefs et avaient eux-mêmes répondu aux griefs soulevés par la Commission  ( 42 ) .

116. La Cour a jugé que le Tribunal avait commis une erreur de droit, entraînant l’annulation de l’arrêt. Elle a considéré que la communication des griefs adressée à la conférence maritime ne permettait pas à ses membres d’être suffisamment informés qu’ils seraient condamnés à payer une amende à titre individuel si l’infraction devait être constatée. Dans le cadre de son évocation du litige, la Cour a donc annulé les dispositions de la décision infligeant des amendes individuelles aux membres de
cette conférence  ( 43 ) .

117. Dans la seconde affaire, la communication des griefs ne mentionnait pas l’intention de la Commission d’imputer à la société mère, ARBED SA, la responsabilité du comportement de sa filiale et de la condamner, dès lors, au paiement d’une amende calculée sur la base de son propre chiffre d’affaires  ( 44 ) . Le Tribunal, bien que relevant l’atteinte portée aux droits de la défense de cette société, n’a pas sanctionné cette irrégularité de procédure au motif qu’une incertitude avait subsisté, tout
au long de la procédure administrative, quant aux rôles et responsabilités respectifs de la société mère et de sa filiale.

118. Dans le cadre du pourvoi introduit par ARBED SA, la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal. Bien que cette société ait eu connaissance de la communication des griefs adressée à sa filiale et de la poursuite de la procédure contre cette dernière, la Cour a jugé qu’il ne pouvait être déduit de cet élément que les droits de la défense de ladite société n’avaient pas été violés. Elle a considéré qu’ « une équivoque, que seule une nouvelle communication des griefs régulièrement adressée à la requérante
aurait pu dissiper, a persisté jusqu’à la fin de la procédure administrative quant à la personne juridique à laquelle seraient infligées les amendes » ( 45 ) . Par conséquent, dans le cadre de son évocation du litige, la Cour a annulé la décision en cause « pour autant qu’elle concern[ait] ARBED SA » .

119. Il est vrai que, dans ces affaires, les motifs qui étaient viciés avaient une influence directe sur le dispositif de la décision en cause. Dans l’arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, l’article 1 er de la décision était vicié en tant qu’il visait la période sur laquelle les entreprises n’avaient pas eu l’occasion de s’expliquer. Dans l’arrêt de la Cour Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, précité, l’article 6 de la décision était vicié dans la mesure où il
condamnait au paiement d’une amende individuelle certaines des entreprises qui n’avaient pas été dûment informées. Enfin, dans l’arrêt de la Cour ARBED/Commission, précité, l’article 4 de la décision en cause était vicié puisqu’il condamnait la société mère, ARBED SA, au paiement de l’amende.

120. Pour autant, nous pensons que, au-delà de l’influence que le motif vicié pouvait avoir sur le dispositif de la décision en cause, la Cour s’est attachée davantage au caractère essentiel ou accessoire des motifs litigieux. Dans ces affaires, chacun des motifs viciés constituait un élément essentiel de l’infraction reprochée.

121. Tel est également le cas dans la présente affaire s’agissant de l’identification des entreprises responsables. En effet, le grief litigieux est tiré de l’implication personnelle et directe de Bolloré dans la commission de l’infraction. Il vise cette entreprise en tant qu’auteur de l’infraction reprochée. Si un tel grief doit être écarté, dans la mesure où ladite entreprise n’a pas pu se défendre, il convient alors d’en tirer toutes les conséquences quant à la légalité de la décision litigieuse
fondée sur de tels éléments.

122. Troisièmement, en considérant que la violation des droits de la défense de Bolloré n’est pas susceptible d’affecter la validité de la décision litigieuse en ce qu’elle la concerne, le Tribunal méconnaît, selon nous, les conséquences qui s’attachent à une décision de condamnation de la Commission au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE.

123. Nous pensons, d’une part, que Bolloré dispose d’un intérêt moral à voir la décision litigieuse annulée en tant qu’elle la met en cause directement et personnellement dans la commission de l’infraction.

124. Nous considérons, d’autre part, que l’annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle est fondée sur un motif vicié, s’impose pour des raisons de clarté et de sécurité juridique, notamment au regard des conséquences en droit civil de la violation de l’article 81 CE.

125. En effet, lorsque la Commission constate une infraction à l’article 81 CE, les victimes de cette infraction peuvent introduire devant les tribunaux nationaux une action en responsabilité civile à l’égard des auteurs de la pratique anticoncurrentielle en cause afin de demander la réparation du préjudice subi  ( 46 ) . Les justiciables qui peuvent bénéficier de cette protection sont non seulement les tiers, c’est-à-dire les consommateurs et les concurrents qui sont lésés par l’accord
anticoncurrentiel, mais également, dans des circonstances exceptionnelles, une partie à cet accord  ( 47 ) .

126. À cet égard, la décision de la Commission, telle que confirmée ou infirmée par le juge communautaire, constitue la base de leur recours. Il est donc essentiel, notamment lorsqu’il s’agit d’une infraction complexe, collective et ininterrompue que cette décision définisse très clairement les responsabilités des entreprises dans la commission de l’infraction. Si ladite décision doit entraîner la responsabilité civile des entreprises en cause, c’est uniquement pour leur participation établie aux
comportements collectifs sanctionnés et correctement délimités. Cela constitue un préalable indispensable au bon exercice de l’action en dommages et intérêts, pour lequel la Commission plaide avec insistance dans son livre blanc sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante  ( 48 ) .

127. Dans la présente affaire, et compte tenu de ces éléments, il nous semble que le Tribunal ne pouvait donc pas se contenter d’écarter le grief en cause, sans « expurger » la décision litigieuse des éléments sur lesquels la Commission a fondé la responsabilité propre de Bolloré. Le fait d’écarter un grief n’équivaut en rien à son annulation par le juge communautaire et, partant, le Tribunal ne le fait pas disparaître de l’ordonnancement juridique alors qu’il est censé n’avoir jamais existé
lorsqu’il est annulé. Un tel raisonnement n’assure pas à la procédure de constatation d’infraction en cause la clarté nécessaire à l’égard du rôle et des responsabilités incombant à Bolloré, qui, aux termes de cette procédure, risque de devoir supporter la charge de cette infraction.

128. Quatrièmement, nous pensons que le contrôle du juge doit être d’autant plus strict que la violation des droits de la défense est commise par la Commission dans le cadre d’une procédure de nature quasi répressive, qui peut relever des prescriptions de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.

129. Nous rappelons que, aux termes de cette disposition, «[t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ( 49 ) .

130. Aux termes d’une jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l’homme n’exige pas que toutes les instances intervenant dans ces deux types de procédure répondent à l’ensemble des prescriptions de l’article 6 de la CEDH. Ainsi, lorsqu’une décision est adoptée par une autorité administrative, qui n’offre pas toutes les garanties d’une procédure judiciaire, cette décision doit alors pouvoir faire l’objet d’un contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction, respectant
les prescriptions de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH  ( 50 ) .

131. L’application de l’article 6 de la CEDH à la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE a soulevé de nombreuses interrogations, dans la mesure, notamment, où la Commission ne peut être qualifiée, au sens de cette disposition, de « tribunal » ( 51 ) et où la procédure ne relève pas, stricto sensu, de la matière pénale.

132. Il semble néanmoins que les amendes visées à l’article 15 du règlement n o  17 sont, par leur nature et leur importance, assimilables à une sanction pénale (bien qu’elles aient, au sens strict du terme, le caractère d’une sanction administrative) et que, eu égard aux fonctions d’enquête, d’instruction et de décision de la Commission, la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE revêt une nature quasi répressive. La Cour a d’ailleurs expressément relevé la spécificité de cette procédure dans
l’arrêt du 8 juillet 1999 , Hüls/Commission  ( 52 ) , et n’a pas hésité, à cette occasion, à se référer au principe de la présomption d’innocence garantie à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH. Dans cette affaire, la Cour a relevé que, « eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables
aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes » ( 53 ) .

133. Cette jurisprudence nous semble parfaitement transposable à notre cas d’espèce et la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE doit donc de la même façon respecter les exigences visées à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. On ne voit d’ailleurs pas comment le respect du principe de la présomption d’innocence pourrait s’accommoder de la violation des droits de la défense.

134. Cela signifie que, dans une procédure de nature quasi répressive, telle que celle en cause, dans laquelle la Commission exerce, à l’égard des entreprises, des fonctions d’enquête, d’instruction et de décision, le juge communautaire doit exercer un contrôle juridictionnel très poussé du respect par cette dernière des droits procéduraux des parties. En d’autres termes, nous pensons qu’il doit tirer toutes les conséquences qui s’imposent lorsque la Commission, dans l’exercice de ses prérogatives,
ne respecte pas les droits fondamentaux reconnus aux entreprises dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE.

135. Or, dans la présente affaire, l’approche du Tribunal tend à restreindre le contrôle que doit, selon nous, exercer le juge sur les décisions de la Commission, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Cette approche peut, à notre avis, s’avérer dangereuse. En effet, dans un cas tel que celui en cause, considérer que la violation par la Commission du droit d’une entreprise à être entendue n’entache pas la décision dès lors que cette entreprise doit, en tout état de cause, répondre de
l’infraction commise par autrui, revient à dire que la Commission peut impunément négliger les formes substantielles.

136. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous considérons que le Tribunal a commis une erreur de droit dans le cadre de son appréciation de la violation des droits de la défense de Bolloré, en n’annulant aucun des éléments de la décision litigieuse mettant en cause directement et personnellement cette entreprise dans la commission de l’infraction. Selon nous, le Tribunal aurait dû tirer la conséquence qui s’imposait, à savoir l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle était fondée sur
le grief tiré de l’implication personnelle et directe de Bolloré dans l’infraction.

137. Nous proposons donc à la Cour de déclarer le premier moyen soulevé par Bolloré fondé.

138. À titre de remarque finale, nous souhaitons seulement indiquer qu’il est évident que, lorsqu’une communication des griefs est entachée d’une omission aussi importante, la Commission ne peut y remédier qu’en adoptant une communication des griefs supplémentaire permettant aux parties d’en prendre connaissance et de réagir pendant la procédure administrative préalable.

B — Sur le second moyen soulevé par Divipa, tiré de la prétendue durée excessive de la procédure devant le Tribunal

1. Arguments des parties

139. Divipa rappelle que le droit à un délai raisonnable de procédure s’applique en matière de concurrence aux procédures administratives et juridictionnelles et se réfère, à cet égard, à l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité. Ce droit aurait été violé dès lors que la durée de la procédure devant le Tribunal aurait été de cinq ans entre l’introduction du recours et le prononcé de l’arrêt attaqué.

140. La Commission considère que, compte tenu des circonstances propres de l’affaire, la durée de la procédure ne serait pas excessive. En tout état de cause, elle relève qu’une irrégularité de procédure comme celle dont il est fait grief, à la supposer établie, ne saurait aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué dans son ensemble.

2. Appréciation

141. Ainsi que nous l’avons indiqué, le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable et, notamment, le droit à un procès dans un délai raisonnable, est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision de la Commission condamnant une entreprise au titre de la violation de l’article 81 CE.

142. Afin d’apprécier le caractère raisonnable d’un délai de procédure, la Cour s’est référée aux critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’application de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Elle a ainsi jugé, dans l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, que le caractère raisonnable du délai de procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de
l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes  ( 54 ) .

143. La Cour a précisé, à cet égard, que la liste de ces critères n’est pas exhaustive et que l’appréciation du caractère raisonnable du délai n’exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun d’eux lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d’un seul. Ainsi, la Cour a considéré que la complexité de l’affaire peut être retenue pour justifier un délai de prime abord trop long  ( 55 ) .

144. Dans la présente affaire, la procédure devant le Tribunal a eu comme point de départ le dépôt, le 18 avril 2002 , de la requête de Divipa introduisant le recours en annulation de la décision litigieuse et s’est achevée le 26 avril 2007 , date du prononcé de l’arrêt attaqué. La procédure devant le Tribunal a donc duré environ cinq ans.

145. Si une telle durée peut sembler considérable, il nous semble néanmoins qu’elle peut être justifiée compte tenu de la complexité particulière de l’affaire.

146. En effet, la quasi-totalité des faits qui fondaient la décision litigieuse a été contestée en première instance et a donc dû être vérifiée. La valeur probante des déclarations et des documents disponibles, relatifs, notamment, aux différentes réunions qui ont eu lieu sur les marchés nationaux et européens a du être évaluée. En outre, ainsi qu’il ressort des points 40 à 63 et 109 à 117 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a eu à connaître de différentes contestations relatives à l’accès aux documents
de la procédure administrative et à leur caractère utilisable. Par ailleurs, les mesures d’instruction ordonnées par le Tribunal dans le cadre de la préparation de cette procédure et, en particulier, les diverses questions écrites posées aux parties supposaient une analyse préalable des dossiers ou, du moins, de certaines parties d’entre elles.

147. Nous rappelons également que neuf entreprises ont introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse, dans quatre langues de procédure. L’arrêt attaqué a été rendu le même jour que les huit autres arrêts statuant sur les recours introduits à l’encontre de cette décision.

148. Au vu de ces constatations, nous pensons que la durée de la procédure ayant abouti à l’arrêt attaqué s’explique notamment par le nombre d’entreprises ayant participé à l’entente reprochée et ayant introduit un recours contre ladite décision, ce qui a nécessité un examen parallèle de ces différents recours, par l’instruction approfondie du dossier menée par le Tribunal et par les contraintes linguistiques imposées par les règles de procédure de celui-ci.

149. Au regard de ces éléments, nous sommes d’avis que la durée de la procédure devant le Tribunal est justifiée en considération de la complexité particulière de l’affaire.

150. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de rejeter le moyen soulevé par Divipa, tiré de la violation de la durée raisonnable de la procédure, comme étant non fondé.

IX — Sur les moyens tirés de la violation de l’article 81, paragraphe 1, CE, en tant que le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve relatifs à la participation des requérantes à l’infraction et à la durée de celle-ci

151. En substance, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour apprécier, au titre de l’article 81 CE, leur participation à l’infraction et la durée de celle-ci.

152. Avant d’examiner la recevabilité et le bien-fondé de ces moyens, nous souhaitons brièvement rappeler la jurisprudence de la Cour relative à l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81 CE.

153. Selon le juge communautaire, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et doit établir les éléments de preuve propres à démontrer l’existence des faits constitutifs de ces infractions  ( 56 ) . La Commission doit ainsi faire état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise. Néanmoins, le juge communautaire n’exige pas que chacune des preuves apportées par la Commission réponde à ces critères par rapport à
chaque élément de l’infraction. Il suffit, selon lui, que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, y réponde  ( 57 ) . En outre, ainsi que l’a rappelé le Tribunal au point 155 de l’arrêt attaqué, les preuves de la participation à une entente doivent être appréciées dans leur ensemble en tenant compte de toutes les circonstances factuelles pertinentes.

154. L’administration de la preuve dans les affaires de concurrence se caractérise par des problèmes particuliers que la Cour a résumés dans l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité. Les activités que comportent les pratiques anticoncurrentielles se déroulent de manière clandestine, les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et la documentation y afférente est éparse et réduite au minimum. En outre, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique
anticoncurrentielle doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence  ( 58 ) .

155. À cela, il est nécessaire d’ajouter les limitations auxquelles la Commission est soumise lorsqu’elle exerce ses compétences en matière d’enquête. Nous pensons à celles qui découlent du droit pour les entreprises concernées de ne pas témoigner contre elles-mêmes  ( 59 ) ou encore à celles résultant du fait que la Commission ne pouvait pas, sous l’empire du règlement n o  17, interroger les personnes pour obtenir les informations pertinentes pour l’enquête.

156. Par conséquent, dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE, les documents écrits jouent un rôle central dans l’administration de la preuve, quelque difficile que soit aussi leur collecte dans la pratique.

157. Dans la présente affaire, Koehler, Bolloré et Divipa contestent la valeur probante de certains faits et documents ayant amené le Tribunal à conclure à leur participation à des réunions collusoires sur les marchés nationaux et sur le marché européen et à apprécier la durée de celle-ci.

158. Conformément aux principes que nous avons dégagés aux points 56 à 58 des présentes conclusions, nous rejetterons, comme étant irrecevables, les arguments de Divipa tendant simplement à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits. Nous examinerons, en revanche, les arguments des requérantes faisant effectivement valoir une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal.

159. Pour ce faire, nous rappelons que les requérantes doivent indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation. Selon une jurisprudence constante, ladite dénaturation doit apparaître de manière manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire que la Cour procède à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ou recoure à de nouveaux
éléments de preuve.

160. Dans le cadre de notre appréciation, il conviendra donc de tenir compte de ces éléments et, notamment, des difficultés particulières que soulève l’administration de la preuve dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE.

A — Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en tant que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve en ce qui concerne la participation de Divipa à l’infraction

161. Dans le cadre de son pourvoi, Divipa reproche au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve qui lui ont été soumis lorsqu’il a confirmé la participation de celle-ci, premièrement, à la réunion du 5 mars 1992 , deuxièmement, à celle du 19 octobre 1994 et, troisièmement, à l’entente sur le marché européen. Elle vise, notamment, les points 156 à 171, 192 à 197, 205 à 207 et 216 de l’arrêt attaqué.

1.  Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs à la participation de Divipa à la réunion du 5 mars 1992

a) Arguments des parties

162. Divipa soutient, notamment, que le Tribunal a dénaturé la note de l’employé de Sappi, du 9 mars 1992 , au motif qu’il n’a pas pris en compte ni cité dans l’arrêt attaqué une partie de cette note où il y serait indiqué que c’est à travers des clients et non pas directement que Sappi a eu connaissance des prix de Divipa. Selon elle, il n’est pas logique qu’une entreprise qui a prétendument participé à une réunion de l’entente, dans laquelle la question des prix a été discutée, ne fournisse pas
elle-même ses prix directement lors de cette réunion.

163. La Commission rejette cet argument au motif, notamment, que tout document doit être examiné conjointement avec les autres éléments du dossier. Elle relève, en outre, que Divipa ne met pas en doute la valeur probatoire des déclarations de AWA et de Sappi, ni leur interprétation par le Tribunal.

b) Appréciation

164. Nous pensons que les critiques formulées par Divipa à l’égard de l’analyse du Tribunal ne sont pas fondées.

165. En effet, celle-ci ne démontre pas en quoi le Tribunal aurait dénaturé la note de l’employé de Sappi en omettant d’indiquer que les informations sur les prix fournies par celui-ci provenaient de renseignements donnés par les clients. Nous ne voyons pas en quoi cette omission traduirait une erreur d’analyse de la part du Tribunal quant à la participation de Divipa à la réunion du 5 mars 1992 . Celle-ci ne remet d’ailleurs pas en cause la valeur probatoire de cette note.

166. En tout état de cause, Divipa a été mise en mesure de prendre connaissance et position quant au contenu de ladite note, puisque, ainsi qu’il ressort du point 162 de l’arrêt attaqué, les déclarations de Sappi étaient jointes à la communication des griefs et ont été communiquées au Tribunal, de sorte que Divipa y a eu accès.

167. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de rejeter cette première branche comme étant non fondée.

2.  Sur la deuxième branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs à la participation de Divipa à la réunion du 19 octobre 1994

a) Arguments des parties

168. Divipa indique que les déclarations de Mougeot que le Tribunal a utilisées pour justifier sa prétendue participation à la réunion du 19 octobre 1994 sont postérieures aux faits et ont été effectuées afin de pouvoir invoquer la communication sur la coopération.

169. Le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve en se fondant principalement sur sa jurisprudence pour reprocher à Divipa sa participation à cette réunion, ce qui constituerait une violation manifeste du principe de procédure équitable et une erreur flagrante dans la qualification des faits.

170. La Commission rejette cet argument.

b) Appréciation

171. Nous pensons que les arguments soulevés par Divipa, concernant les déclarations de Mougeot, doivent également être rejetés.

172. En effet, le fait que ces déclarations étaient postérieures aux faits et ont été effectuées aux fins de l’application de la communication sur la coopération a expressément été relevé par le Tribunal au point 166 de l’arrêt attaqué. On ne saurait donc reprocher à celui-ci de ne pas en avoir tenu compte. Comme le relève le Tribunal, lesdites déclarations ne sauraient pour autant être dépourvues de force probante dans la mesure où, allant à l’encontre des intérêts du déclarant, elles devraient, en
principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables.

173. En outre, le Tribunal a constaté, au point 168 de l’arrêt attaqué, que les déclarations de Mougeot se recoupaient sur de nombreux points avec celles de Sappi et de AWA. Or, cette dernière a, dans sa réponse à la communication des griefs, fourni une liste de réunions sur le marché espagnol, parmi lesquelles figurait celle du 19 octobre 1994 .

174. En tout état de cause, comme le relève la Commission, il ne peut être reproché au Tribunal d’avoir interprété d’une façon incorrecte les déclarations de Mougeot.

175. Par conséquent, il nous semble que cette deuxième branche peut également être rejetée comme étant non fondée.

3. Sur la troisième branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs à la participation de Divipa à l’entente sur le marché européen

a) Arguments des parties

176. Divipa soutient que le Tribunal a dénaturé et omis certains éléments de preuve. Elle souligne qu’elle n’est pas producteur, qu’elle vendait seulement sur le marché national, qu’elle était la seule société non productrice à qui est reprochée sa prétendue participation à certaines réunions sur le marché national et qui n’appartient à aucun réseau de distribution, en Espagne, des grands producteurs européens de papier autocopiant. Aucun document ne démontrerait que, lors des réunions auxquelles
elle est censée avoir participé, il a été fait référence à l’existence d’un plan de collusion plus vaste.

177. La Commission rejette également cet argument. Elle relève, notamment, que Divipa ne précise pas les points de l’argumentation du Tribunal où se trouve la dénaturation des faits.

b) Appréciation

178. Nous sommes d’avis que la Cour devrait juger ces arguments comme étant irrecevables.

179. En effet, en ce qui concerne, premièrement, l’argument tiré d’une dénaturation de « certains éléments de preuve » , nous constatons à la lecture du pourvoi que Divipa n’identifie pas les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal.

180. En ce qui concerne, deuxièmement, l’argument tiré de ce que le Tribunal aurait omis de prendre en compte certains éléments de preuve relatifs à son statut de producteur, nous rappelons qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui sont soumis. Selon nous, cet argument n’est donc pas recevable. En tout état de cause, ledit argument ne nous semble pas fondé dans la mesure où, contrairement à ce que soutient Divipa, le Tribunal a apprécié à
de nombreuses reprises dans l’arrêt attaqué, et notamment aux points 203, 605 et 628 de celui-ci, la valeur qu’il convenait d’accorder au statut de distributeur de Divipa.

181. Dans ces conditions, nous sommes d’avis que cette troisième branche est irrecevable.

182. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous estimons que le Tribunal n’a procédé à aucune dénaturation des éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour constater la participation de Divipa à l’accord en cause et aux mesures de mise en œuvre de celui-ci.

183. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de rejeter le premier moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

B — Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en tant que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve, aurait manqué à son devoir de motivation et aurait violé les droits de la défense de Koehler en ce qui concerne la durée de l’infraction commise par celle-ci

184. En substance, Koehler conteste l’analyse du Tribunal relative à sa participation à l’entente au cours de la période antérieure au mois de septembre ou au mois d’octobre 1993. Elle soutient que le Tribunal a procédé à une instruction insuffisante des preuves et en a tiré des conclusions erronées quant à un système de réunions collusoires, d’une part, au sein de l’AEMCP (Association of European Manufacturers of Carbonless Paper), l’association des producteurs européens de papier autocopiant,
avant les mois de septembre ou d’octobre 1993 (première banche) et, d’autre part, au niveau national ou régional avant cette époque (seconde branche).

1. Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve quant à la participation de Koehler aux réunions qui se sont tenues à l’échelle européenne au sein de l’AEMCP avant les mois de septembre ou d’octobre 1993

a) Arguments des parties

185. Selon Koehler, la Commission se serait appuyée sur trois catégories de preuves, à savoir les déclarations de Mougeot, le témoignage de l’employé de Sappi et des preuves attestant de l’organisation de réunions nationales ou régionales du cartel.

186. Or, Koehler indique, tout d’abord, que la lettre de Mougeot du 14 avril 1999 ne contient aucun aveu de réunions du cartel pour la période antérieure au mois d’octobre 1993. Le Tribunal déclarerait, d’ailleurs, au point 279 de l’arrêt attaqué, qu’il n’est pas établi que des accords collusoires sur les prix aient été conclus à compter du mois de janvier 1992, donc avant le mois d’octobre 1993. Les développements du Tribunal concernant de prétendus accords sur les prix dans le cadre des réunions
officielles de l’AEMCP avant le mois d’octobre 1993 seraient insuffisants et comporteraient des contradictions de motivation, constitutives d’une erreur de droit. Le Tribunal n’aurait pas davantage respecté la présomption d’innocence en essayant de voir, dans les déclarations de Mougeot, l’aveu d’une infraction pour la période antérieure au mois d’octobre 1993.

187. Koehler soutient, ensuite, que, s’agissant de l’employé de Sappi, son témoignage ne dit rien sur la période au cours de laquelle les réunions du cartel ont eu lieu. Le Tribunal ne pourrait pas considérer à bon droit que, en ne fournissant pas d’ « indication en sens contraire » , cet employé a voulu confirmer implicitement que l’infraction avait débuté avant le mois de septembre 1993. Le Tribunal aurait ainsi dénaturé le contenu du témoignage. Cela contreviendrait au droit à un procès
équitable, inscrit à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, ainsi qu’à l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée à Nice le 7 décembre 2000 ( JO C 364, p. 1 ).

188. Enfin, Koehler considère qu’il ne peut être accordé un crédit aux déclarations d’un témoin de l’accusation repenti que si elles sont corroborées par d’autres preuves. Or, dans la présente affaire, il n’existerait aucune preuve confirmative.

189. Selon la Commission, cette branche ne serait pas recevable dans la mesure où Koehler cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits.

b) Appréciation

190. Les critiques de Koehler concernant la pertinence des déclarations de Mougeot et de l’employé de Sappi ne nous paraissent pas fondées.

191. En effet, Koehler semble ignorer le fait que le Tribunal s’est fondé, aux points 261 à 310 de l’arrêt attaqué, sur un faisceau d’indices quant à l’existence de réunions collusoires avant les mois de septembre ou d’octobre 1993. Si la lettre de Mougeot du 14 avril 1999 constitue effectivement, comme le reconnaît le Tribunal au point 262 de l’arrêt attaqué, l’élément central de la démonstration de la Commission sur ce point, il n’en reste pas moins qu’il faut lire et comprendre les déclarations
figurant dans cette lettre à la lumière des autres éléments de preuve examinés par le Tribunal et, notamment, des témoignages de l’employé de Sappi et de AWA. En outre, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 264 de cet arrêt, le sens de ladite lettre est effectivement particulièrement clair et le contenu de celle-ci n’est contredit par aucun élément qui soit susceptible de jeter le doute sur la valeur probante du document.

192. En ce qui concerne le témoignage de l’employé de Sappi, il nous semble que, même si celui-ci ne précise pas la période au cours de laquelle ont eu lieu les réunions collusoires en cause, il permettait au Tribunal, eu égard à l’ensemble des éléments de preuve, de considérer que ces réunions ont pu débuter à partir du mois de février 1993, date à laquelle cet employé a été embauché.

193. Enfin, nous souhaitons indiquer que, contrairement à ce que soutient Koehler, le fait qu’il n’est pas été établi que des accords collusoires sur les prix aient été conclus à compter du mois de janvier 1992 ne permet aucunement de conclure que ces accords n’ont pas été négociés avant le mois d’octobre 1993.

194. Au vu de ces éléments, il nous semble que les critiques formulées par Koehler ne nous permettent pas de considérer que le Tribunal a dénaturé, d’une façon manifeste, ces éléments de preuve. Nous considérons qu’il n’y a donc pas lieu d’examiner les autres griefs, tirés d’une violation du droit à un procès équitable.

195. Dans ces conditions, nous proposons à la Cour de rejeter cette première branche comme étant non fondée.

2. Sur la deuxième branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs à la participation de Koehler à des réunions collusoires sur le marché espagnol avant le mois d’octobre 1993

a) Arguments des parties

196. Selon Koehler, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve supposés établir sa participation à des réunions collusoires sur le marché espagnol avant le mois d’octobre 1993.

197. S’agissant de la réunion du 17 février 1992 concernant le marché espagnol, le Tribunal n’aurait pas dû conclure à la participation de Koehler à cette réunion, dans la mesure où l’employé de Sappi, dans sa note du 17 février 1992 , ne fait référence qu’à une réunion des « parties intéressées » , sans citer le nom de ces parties. Le Tribunal n’expliquerait pas de manière précise les raisons pour lesquelles Koehler était censée avoir participé à l’accord.

198. S’agissant de la réunion du 16 juillet 1992 concernant le marché espagnol, la participation de Koehler à celle-ci ne serait pas avérée, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, dès lors que, notamment, AWA n’a pas reconnu de manière expresse une telle participation.

199. La Commission considère que Koehler n’invoque pas une dénaturation des éléments de preuve, mais tente de remettre en cause l’appréciation des faits par le Tribunal. Le moyen serait donc irrecevable.

b) Appréciation

200. En ce qui concerne le premier argument de Koehler, visant sa participation à la réunion du 17 février 1992 , nous pensons qu’il n’est pas recevable.

201. En effet, il nous semble que l’analyse du Tribunal, figurant au point 321 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la Commission était autorisée à constater que Koehler figurait parmi les « parties intéressées » visées dans la note de l’employé de Sappi relève d’une appréciation des faits qui, comme nous l’avons indiqué, ne peut être contrôlée par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

202. En tout état de cause, si la Cour devait juger ce grief recevable, nous pensons qu’il n’est pas fondé. En effet, ainsi qu’il ressort clairement des points 169 et 321 de cet arrêt, le Tribunal a interprété cette indication à la lumière des autres indications données par l’employé dans cette note. Or, dans ladite note, celui-ci expose à son supérieur hiérarchique la situation dans laquelle l’entreprise se trouve en raison des incertitudes suscitées par le comportement de Koehler et de Sarriopapel
y Celulosa SA (ci-après « Sarrió » ). C’est à cet égard qu’il indique qu’une « réunion des parties intéressées » a eu lieu le même jour. Par conséquent, et au regard des termes employés dans la note, nous pensons que le Tribunal pouvait effectivement déduire que Koehler participait à cette réunion, et ce sans dénaturer d’une façon manifeste ce document. En outre, nous ne pensons pas que le Tribunal était tenu de préciser davantage les raisons pour lesquelles Koehler était censée avoir participé
à cet accord.

203. En ce qui concerne le second argument de Koehler, s’agissant de sa participation à la réunion du 16 juillet 1992 , nous pensons qu’il doit être rejeté comme étant inopérant.

204. En effet, ainsi qu’il ressort clairement du point 332 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fondé son appréciation relative à la participation de Koehler à cette réunion sur la base, notamment, des déclarations de M. B. G.  ( 60 ) et c’est uniquement pour corroborer ces déclarations que le Tribunal s’est référé aux affirmations générales de AWA. Or, Koehler ne remet pas en cause la valeur probante des déclarations de M. B. G.

205. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous proposons à la Cour de rejeter cette deuxième branche comme étant en partie irrecevable et en partie inopérante.

3. Sur la troisième branche, tirée de l’absence de preuve et d’un défaut de motivation en ce qui concerne la participation de Koehler aux réunions des printemps des années 1992 et 1993 à Paris

a) Arguments des parties

206. Au soutien de cette branche, Koehler critique l’analyse du Tribunal, exposée aux points 325 et suivants de l’arrêt attaqué, relative à sa participation aux deux réunions qui se sont tenues au cours des printemps des années 1992 et 1993 concernant le marché français. Koehler soutient qu’il n’existerait aucune preuve qu’un de ses employés se serait déplacé à Paris pour participer à une réunion du cartel au printemps de l’année 1993. Les développements du Tribunal à cet égard seraient si vagues
qu’ils seraient insusceptibles de satisfaire à l’obligation de motivation. En tout état de cause, le Tribunal ne constaterait nulle part que Koehler a participé au printemps de l’année 1992 à une réunion concernant le marché français.

b) Appréciation

207. Nous pensons que cette branche doit être rejetée comme étant inopérante. En effet, les griefs de Koehler visent des motifs surabondants de l’arrêt attaqué, ainsi que cela ressort clairement du point 320 de cet arrêt.

4. Sur la quatrième branche, tirée d’une violation des droits de la défense de Koehler en raison du défaut de communication d’un document

a) Arguments des parties

208. Koehler reproche au Tribunal d’avoir utilisé, aux fins de son appréciation, un document, en l’occurrence la réponse du 30 avril 1999 de AWA à une demande de renseignements de la Commission, alors qu’elle n’aurait pas eu communication de celui-ci. C’est sur la base de ce document que le Tribunal aurait prouvé la participation de Koehler à une réunion collusoire, à savoir celle du 5 mars 1992 concernant le marché espagnol.

b) Appréciation

209. Nous pensons que cette branche doit être rejetée comme étant irrecevable, conformément aux principes rappelés au point 56 des présentes conclusions.

210. En effet, ladite branche constitue seulement la reproduction textuelle d’un moyen que Koehler a déjà soulevé devant le Tribunal  ( 61 ) et n’identifie aucune erreur de droit.

211. Nous indiquons, à cet effet, que, au point 59 de l’arrêt attaqué  ( 62 ) , le Tribunal a considéré que Koehler n’avait pas démontré qu’elle avait expressément demandé à la Commission la communication des éléments non contenus dans le dossier d’instruction. Il a, en outre, indiqué que Koehler avait admis, à l’audience, ne pas avoir introduit de demande d’accès à ces documents. Le Tribunal a donc jugé le grief de celle-ci irrecevable.

212. Au vu de tout ce qui précède, nous sommes donc d’avis que le moyen soulevé par Koehler doit être rejeté comme étant en partie inopérant, en partie irrecevable et en partie non fondé.

C — Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE en tant que le Tribunal aurait dénaturé des éléments de preuve et aurait entaché l’arrêt attaqué d’un défaut de motivation en ce qui concerne la durée de l’infraction commise par Bolloré

213. Dans le cadre de ce troisième moyen, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir dénaturé les éléments de preuve relatifs, premièrement, à l’existence d’une entente au niveau européen à compter du mois de janvier 1992 et, deuxièmement, à l’objet des réunions officielles de l’AEMCP.

1. Sur la première branche, tirée d’une dénaturation des déclarations de AWA et d’une contradiction de motifs

a) Arguments des parties

214. Au soutien de cette première branche, Bolloré soulève quatre griefs.

215. En premier lieu, Bolloré relève que, dans ses déclarations, AWA aurait bien exclu toutes les réunions officielles de l’AEMCP de sa réponse à la demande d’informations de la Commission. L’emploi du conditionnel dans l’arrêt attaqué n’aurait donc pas lieu d’être. La dénaturation des déclarations de AWA par le Tribunal serait donc manifeste.

216. En deuxième lieu, Bolloré soutient que, l’existence d’un doute raisonnable devant bénéficier aux requérantes, selon les dires mêmes du Tribunal, il serait surprenant que les déclarations de AWA aient pu néanmoins constituer un indice « substantiel » de l’existence d’une entente au niveau européen dès le début de l’année 1992.

217. En troisième lieu, Bolloré soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction de motifs. En effet, alors que le Tribunal aurait considéré, au point 275 de l’arrêt attaqué, que les déclarations de AWA ne permettaient pas de considérer que la réunion de l’AEMCP en cause ait servi de cadre à une collusion sur les prix, il aurait néanmoins jugé que ces déclarations constituaient un indice substantiel de l’existence d’une entente au niveau européen dès le début de l’année 1992.

218. En quatrième lieu, Bolloré reproche au Tribunal d’avoir cherché à créer, au point 274 de l’arrêt attaqué, un amalgame entre les réunions nationales et régionales et les réunions européennes de l’AEMCP organisées entre les années 1992 et 1995, en relevant seulement que Zurich figurait dans la liste des villes citées par AWA dans ses déclarations.

b) Appréciation

219. En ce qui concerne le premier grief, il doit, à l’évidence, être rejeté comme étant non fondé dans la mesure où l’emploi du conditionnel par le Tribunal ne saurait traduire une appréciation manifestement erronée des déclarations de AWA par celui-ci.

220. En ce qui concerne le deuxième grief, il convient, selon nous, de le rejeter comme étant irrecevable. En effet, conformément aux principes dégagés au point 57 des présentes conclusions, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui sont soumis à moins, effectivement, que le requérant n’allègue une dénaturation de cet élément par le Tribunal. En l’occurrence, en qualifiant cette déclaration d’ « indice substantiel » , le Tribunal a
simplement apprécié la valeur qu’il convenait, selon lui, d’attribuer aux déclarations de AWA et de Bolloré ne nous a pas démontré en quoi cette appréciation serait manifestement erronée.

221. En ce qui concerne le troisième grief, tiré d’une contradiction de motifs, nous estimons qu’il n’est pas fondé. Si les déclarations de AWA ne permettaient pas, à elles seules, de prouver l’objet poursuivi par la réunion de l’AEMCP du 23 janvier 1992 , il n’en reste pas moins qu’elles pouvaient effectivement constituer un indice. Ainsi que nous l’avons indiqué, le fait que cet indice ait été qualifié de « substantiel » par le Tribunal ne peut faire l’objet d’un contrôle de la Cour dans le cadre
d’un pourvoi.

222. En ce qui concerne le quatrième grief, il doit à l’évidence être rejeté comme étant non fondé. En effet, à la lecture du point 274 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a nullement procédé à un « amalgame » entre les réunions nationales et les réunions européennes en relevant que Zurich figurait dans la liste des villes visées au tableau A de l’annexe I de la décision litigieuse. Le Tribunal a simplement constaté ce fait, ce que Bolloré ne remet pas en cause dans son pourvoi.

223. Au regard de l’ensemble de ces éléments, nous proposons à la Cour de rejeter cette première branche du troisième moyen comme étant en partie irrecevable et en partie non fondée.

2.  Sur la seconde branche, tirée d’une dénaturation des éléments de preuve relatifs au prétendu objet anticoncurrentiel de la réunion officielle de l’AEMCP du 23 janvier 1992

a) Arguments des parties

224. Au soutien de cette seconde branche, Bolloré soulève trois griefs.

225. En premier lieu, Bolloré reproche au Tribunal de ne pas avoir indiqué, aux points 295 et 304 de l’arrêt attaqué, les éléments lui permettant d’attester que des accords de hausses de prix ont été conclus au niveau européen depuis le mois de janvier 1992.

226. En deuxième lieu, Bolloré indique, notamment, que le Tribunal ne précise à aucun moment quelles sont les entreprises qui ont fait des aveux concernant leur participation à une entente européenne à compter du mois de janvier 1992. Aucune des déclarations de Mougeot, de Sappi et de AWA ne permettrait de démontrer, sans dénaturation, que des réunions collusoires ont eu lieu au niveau européen à compter du mois de janvier 1992.

227. En troisième lieu, aucun élément n’établirait que Copigraph a participé aux réunions collusoires qui se seraient tenues en Espagne à partir du mois de février 1992. Ce serait sans démonstration et par dénaturation des preuves que le Tribunal serait parvenu à faire un amalgame des réunions européennes de l’AEMCP et des réunions nationales ou régionales.

228. La Commission soulève l’irrecevabilité du moyen, pris en ses deux premières branches, en ce qu’il tend à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal.

b) Appréciation

229. En ce qui concerne les deux premiers griefs, nous sommes d’avis qu’ils ne sont pas fondés. En effet, les prétendues omissions dont souffrirait la motivation du Tribunal aux points 295, 304 et 308 de l’arrêt attaqué s’expliquent par le fait que celui-ci se réfère à des éléments qu’il a déjà exposés et décrits dans le cadre de son analyse des réunions officielles de l’AEMCP avant les mois de septembre ou d’octobre 1993.

230. Ainsi, les « éléments » sur lesquels le Tribunal se fonde aux points 295 et 304 de l’arrêt attaqué se réfèrent à ceux qu’il vient d’exposer aux points 261 à 280 de cet arrêt. En outre, les « entreprises » qui auraient fait des aveux et auxquelles le Tribunal se réfère au point 308 dudit arrêt sont, selon nous, celles dont il est fait état aux points 272 à 279 de l’arrêt attaqué, notamment, AWA et Sappi.

231. En ce qui concerne le troisième grief, nous proposons à la Cour de le juger inopérant dans la mesure où il vise des motifs surabondants de l’arrêt attaqué.

232. Dans ces conditions, nous sommes d’avis que la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée comme étant en partie inopérante et en partie non fondée.

233. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous pensons que le troisième moyen soulevé par Bolloré est en partie inopérant, en partie irrecevable et en partie non fondé.

X —  Sur les moyens tirés d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 en tant que le Tribunal aurait apprécié d’une manière erronée le montant de l’amende

234. Sous réserve des spécificités liées à leur situation respective, Koehler et Divipa reprochent, en substance, au Tribunal d’avoir apprécié d’une manière incorrecte le montant de l’amende qui leur a été infligée par la Commission en ne tenant aucunement compte des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

235. Dans la décision litigieuse, la Commission a qualifié l’infraction commise par les requérantes de très grave. Compte tenu des différences de taille existant entre les entreprises en cause, la Commission a procédé à un traitement différencié entre les entreprises et les a ainsi classées en cinq catégories. À cet effet, la Commission s’est fondée sur leur chiffre d’affaires tiré de la vente du produit dans l’EEE ainsi que sur les parts de marché dans le secteur du papier autocopiant. En ce qui
concerne Koehler, elle a considéré que, en tant qu’opérateur de taille moyenne sur ce marché, il convenait de la classer dans la deuxième catégorie, comme Mitsubishi HiTech Paper Bielefeld GmbH (ci-après « MHTP » ) et Zanders Feinpapiere AG devenant M-real Zanders GmbH (ci-après « Zanders » ). En ce qui concerne Divipa, la Commission a estimé qu’il convenait de la classer dans la cinquième catégorie dans la mesure où elle réalisait essentiellement ses ventes dans un seul ou dans quelques pays
de l’EEE.

236. Aux points 486 à 497 et 500 à 522 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait apprécié le montant de l’amende infligée à Koehler et à Divipa conformément aux principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

237. Dans le cadre des présents pourvois, l’analyse de la Cour se limite à la question de savoir si, en confirmant les critères utilisés par la Commission aux fins du calcul des amendes infligées à Koehler et à Divipa au titre de l’article 3 de la décision litigieuse et en contrôlant leur application, le Tribunal a commis une erreur manifeste ou a manqué aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité qui régissent l’infliction des amendes.

A — Sur le moyen soulevé par Koehler, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

1. Arguments de Koehler

238. Au soutien de ce moyen, Koehler procède à une comparaison de l’amende qui lui a été imposée par rapport à celle infligée à Zanders, à MHTP et à AWA. Elle reproche, en substance, au Tribunal de l’avoir traitée de la même façon que ces entreprises, en la classant comme Zanders et MHTP, dans la deuxième catégorie, alors qu’il existait d’importantes différences structurelles et financières entre elle et lesdites entreprises.

239. Premièrement, elle reproche au Tribunal d’avoir jugé sans pertinence, aux fins de l’appréciation du montant de l’amende, le fait qu’elle soit une entreprise familiale qui n’a pas d’accès au marché des capitaux, contrairement aux entreprises cotées en bourse.

240. Deuxièmement, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue de prendre en compte le chiffre d’affaires du groupe auquel MHTP et Zanders appartiennent, alors qu’elle aurait procédé ainsi dans son cas.

241. Troisièmement, Koehler soutient qu’elle est punie plus lourdement que AWA, alors que cette dernière avait le rôle de meneur dans l’entente et appartient à un groupe de sorte qu’elle peut faire appel aux ressources financières de l’ensemble de ce groupe.

2. Appréciation

242. Nous pensons que les critiques formulées par Koehler ne sont pas fondées. Il nous semble, en effet, que le Tribunal a correctement apprécié l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation au regard des exigences découlant pour elle du respect du principe d’égalité de traitement.

243. Il convient de rappeler que la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation quant à la méthode de calcul retenue pour fixer le montant de l’amende  ( 63 ) . Les lignes directrices, qui fixent la méthodologie de la Commission en ce domaine, contiennent des éléments de flexibilité qui lui permettent de tenir compte d’éléments multiples dans l’appréciation de la gravité de l’infraction, et ce dans les limites énoncées à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17  ( 64 ) .

244. Parmi ces éléments, visés au point 1, A, des lignes directrices, figurent non seulement ceux qui sont liés à la nature de l’infraction, à son impact et à son étendue géographique, mais également les éléments qui sont liés aux caractéristiques mêmes des entreprises et aux nécessités d’assurer une action dissuasive  ( 65 ) .

245. Lorsque l’infraction est qualifiée de grave ou de très grave, et lorsqu’elle implique, notamment, une pluralité d’entreprises, les lignes directrices permettent à la Commission de pondérer le montant de base de l’amende retenue au titre de la gravité de l’infraction afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises
concernées.

246. Ainsi, comme l’indique le point 1, A, des lignes directrices, le « principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation n’obéisse à un calcul arithmétique » .

247. Si ces lignes directrices ne constituent pas une règle de droit à l’observation de laquelle l’institution est tenue, la Cour considère toutefois que la Commission ne saurait s’en départir sous peine de se voir sanctionnée au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou, encore, la protection de la confiance légitime  ( 66 ) .

248. Ainsi que le Tribunal l’a rappelé au point 501 de l’arrêt attaqué, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

249. L’application de ce principe à la procédure de mise en œuvre de l’article 81 CE, dans le cadre d’une infraction impliquant une pluralité d’entreprises, a donné lieu à une jurisprudence abondante.

250. Nous rappelons que, dans ce type de procédure, la Commission bénéficie d’une marge d’appréciation importante quant à la détermination du montant de l’amende qui sera infligée aux entreprises concernées. Les lignes directrices permettent à la Commission de tenir compte d’éléments multiples dans le calcul de l’amende et ainsi d’individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres aux entreprises, ce qui permet de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine
efficacité des règles communautaires de la concurrence  ( 67 ) .

251. Ainsi, le juge communautaire reconnaît expressément qu’un « certain traitement différencié » entre les entreprises concernées est inhérent à l’application de la méthode choisie par les lignes directrices et à l’exercice, par la Commission, des pouvoirs que lui reconnaît le règlement n o  17  ( 68 ) .

252. Dans le cadre de son pourvoi, Koehler considère, en substance, que la répartition en groupes à laquelle a procédé la Commission enfreint le principe d’égalité de traitement dans la mesure où elle est traitée de manière identique à des entreprises se trouvant dans une situation différente, comme Zanders ou MHTP.

253. La répartition en groupes pourrait effectivement enfreindre le principe d’égalité de traitement dans la mesure où une telle méthode entraîne une forfaitisation du montant de départ de l’amende et conduit à ignorer les différences de taille entre les entreprises relevant d’un même groupe.

254. Le juge communautaire admet néanmoins cette méthode si la détermination des seuils pour chacune des catégories identifiées est cohérente et objectivement justifiée. Il considère, en effet, que la Commission n’est pas tenue d’assurer que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit traduisent toute différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global ou leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause  ( 69 ) .

255. C’est aux points 506 à 513 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a examiné si le classement en catégories auquel la Commission avait procédé était effectivement cohérent et objectivement justifié.

256. Le Tribunal a tout d’abord relevé, aux points 506 et 507 de l’arrêt attaqué, que le classement en catégories auquel a procédé la Commission était, en l’occurrence, fondé sur deux critères, à savoir le chiffre d’affaires tiré de la vente du produit dans l’EEE et les parts de marché de chacune des entreprises. Le Tribunal a jugé que l’utilisation de ces critères était parfaitement justifiée dans la mesure où ils permettaient effectivement d’apprécier l’importance relative des entreprises
concernées sur le marché, ce qui n’est pas contesté dans le cadre du recours de Koehler. En outre, après avoir constaté la fiabilité des chiffres sur lesquels s’est fondée la Commission, le Tribunal a, au point 513 de l’arrêt attaqué, jugé ce système cohérent et non discriminatoire à l’égard de Koehler.

257. Cette analyse nous semble parfaitement claire et dépourvue d’erreurs de droit.

258. En ce qui concerne le premier argument de Koehler, nous pensons qu’il n’est pas fondé. En effet, le Tribunal rejette cet argument, tiré du caractère d’entreprise familiale de Koehler, dans la mesure où les critères pris en compte par la Commission aux fins du classement en catégories des entreprises se fondent uniquement sur les chiffres d’affaires tirés de la vente du papier autocopiant ainsi que sur les parts de marché des entreprises concernées. Or, ces critères, dont le caractère justifié
n’est pas remis en cause dans le cadre du recours de Koehler, ne permettent pas de prendre en compte les différences structurelles existant entre les entreprises concernées. Par conséquent, et même si Koehler est une entreprise familiale, son classement n’a pu se faire qu’au regard de son chiffre d’affaires afférant au papier autocopiant, ce qui, et ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 495 de l’arrêt attaqué, ne permettait pas de la classer parmi les petites entreprises du secteur.

259. En ce qui concerne le deuxième argument soulevé par Koehler, nous proposons également à la Cour de le rejeter. En effet, il est évident, selon nous, que le Tribunal ne pouvait pas exiger de la Commission qu’elle prenne en compte, aux fins du classement en catégories de MHTP et de Zanders, le chiffre d’affaires total du groupe auquel ils appartiennent dans la mesure où, ainsi qu’il ressort clairement du point 478 de l’arrêt attaqué, la Commission n’a pas trouvé d’indices suffisants pour imputer
l’infraction commise par ces entreprises auxdits groupes.

260. En ce qui concerne, enfin, le troisième argument, nous considérons qu’il est également dépourvu de fondement. En effet, ainsi que nous l’avons indiqué, le classement en catégories opéré par la Commission a uniquement été effectué compte tenu de l’importance relative des entreprises sur le marché en cause, indépendamment des différences structurelles ou comportementales existant entre celles-ci. Dans ces conditions, le fait que AWA était le principal chef de file de l’entente et appartenait à un
groupe ne pouvait pas être pris en compte à ce stade. Cela ne veut pas dire pour autant que cette méthode a conduit la Commission à fixer le montant de l’amende sur la base d’un calcul fondé sur le seul chiffre d’affaires des entreprises sans tenir compte des circonstances individuelles propres à chacune des entreprises concernées. En effet, comme l’a relevé le Tribunal au point 493 de l’arrêt attaqué, c’est au stade de la majoration de l’amende à des fins dissuasives que la Commission a pris
en compte la différence de taille et de ressources globales existant entre Koehler et AWA. En outre, ainsi qu’il ressort des points 418 à 424 des motifs de la décision litigieuse, c’est au stade de l’appréciation de l’existence de circonstances aggravantes que la Commission a tenu compte du rôle d’instigateur de AWA.

261. Au vu de l’ensemble de ces éléments, nous pensons que le Tribunal a pu à bon droit considérer que la Commission n’avait pas violé le principe d’égalité de traitement lors de son appréciation relative au montant de l’amende infligée à Koehler.

262. Par conséquent, nous proposons à la Cour de rejeter le moyen soulevé par Koehler, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement comme étant non fondé.

B — Sur le moyen soulevé par Divipa et Koehler, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

1. Arguments des parties

263. À la lecture de son pourvoi, nous comprenons que Divipa soutient que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de la gravité de l’infraction, de sa participation à celle-ci, de sa capacité financière et de son statut de petit distributeur.

264. Premièrement, selon Divipa, le Tribunal aurait violé le principe de proportionnalité en qualifiant l’infraction de très grave, alors qu’elle n’aurait pas participé à une entente européenne et que sa participation, qui n’aurait pas couvert l’ensemble des réunions concernant le marché espagnol, aurait duré moins d’un an.

265. Deuxièmement, Divipa reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte d’un élément qui la distingue des autres entreprises, à savoir son statut de distributeur.

266. Troisièmement, elle considère que le Tribunal ne peut pas approuver la démarche de la Commission tendant à ne pas apprécier la capacité économique de l’entreprise concernée aux fins de la détermination du montant de l’amende. Dans son cas, les conséquences financières entraînées par le paiement de l’amende ressortiraient clairement des données indiquées dans sa requête.

267. Koehler reproche, quant à elle, au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité en ignorant, aux fins de son appréciation du calcul de l’amende, les différences de traitement qu’elle a dénoncées. À cet égard, Koehler met en cause l’analyse du Tribunal figurant aux points 486 à 497 de l’arrêt attaqué. Elle relève que ce qui peut être approprié s’agissant d’une entreprise cotée en bourse excède très largement ce qui est nécessaire pour garantir un effet de dissuasion s’agissant d’une
entreprise familiale sans accès direct au marché des capitaux.

2. Appréciation

a) Sur les arguments soulevés par Divipa

268. Aux termes d’une jurisprudence constante, le caractère proportionné d’une amende doit s’apprécier au regard de l’ensemble des circonstances de l’infraction et, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci, de l’ampleur de ses effets anticoncurrentiels sur le marché, des intérêts des consommateurs ou des concurrents lésés, ainsi que de la capacité financière des entreprises concernées  ( 70 ) .

269. Au soutien de son pourvoi, Divipa considère que l’amende qui lui a été infligée est disproportionnée au regard de la gravité et de la durée de l’infraction, de sa participation à celle-ci, de sa capacité financière et de son statut de distributeur.

270. En premier lieu, malgré le manque de clarté de l’arrêt attaqué sur ce point, nous pensons que les deux premiers arguments de Divipa doivent être rejetés.

271. En effet, nous avons constaté que le Tribunal avait pu, à bon droit, jugé que Divipa a bien participé à une entente de portée européenne ainsi qu’à des réunions collusoires sur le marché espagnol pour la période comprise entre le mois de mars 1992 et le mois de janvier 1995. Il ne saurait donc être reproché au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité en reprochant à tort à Divipa d’avoir participé à une entente européenne, ce qui aurait conduit à qualifier l’infraction de très
grave au lieu de grave. Ces éléments, liés à la qualification de l’infraction, sur lesquels Divipa se fonde pour se prévaloir d’une violation du principe de proportionnalité ne peuvent donc pas prospérer.

272. En outre, l’argumentation de Divipa ne tient pas compte des considérations que la Commission a prises en compte lors de la détermination du montant de l’amende et qui ont conduit au prononcé d’une amende proportionnellement moins importante que celle infligée aux autres entreprises. Nous renvoyons, à cet égard, au point 408 de la décision litigieuse, où la Commission a estimé qu’il convenait de classer Divipa dans la cinquième catégorie, compte tenu du fait qu’elle ne réalise ses ventes que
dans un seul ou dans quelques pays de l’EEE et au point 416 de cette décision, où la Commission a tenu compte de la durée de la participation de Divipa à l’infraction en majorant l’amende de 25 %, contrairement aux autres entreprises.

273. Enfin, nous ne voyons pas en quoi la qualité de distributrice de Divipa pourrait influencer le montant de l’amende qui lui a été infligée.

274. En second lieu, nous pensons que le troisième argument de Divipa tiré de l’absence de prise en compte de ses capacités financières n’est pas recevable. En effet, au regard des principes que nous avons dégagés au point 55 des présentes conclusions, Divipa ne peut pas soulever pour la première fois devant la Cour un argument qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal.

275. Au vu de ces éléments, nous proposons donc à la Cour de rejeter les arguments soulevés par Divipa comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.

b) Sur les arguments soulevés par Koehler

276. En ce qui concerne les arguments soulevés par Koehler, nous pensons qu’il convient également de les rejeter.

277. En effet, contrairement a ce que soutient Koehler, le Tribunal n’a pas « ignoré » les différences structurelles et financières existant entre elle et les autres entreprises pour apprécier l’existence d’une violation du principe de proportionnalité. Devant le Tribunal, Koehler faisait valoir que l’amende qui lui était infligée était disproportionnée par rapport à sa puissance économique  ( 71 ) . À cet égard, elle a procédé à une comparaison du pourcentage que représentent les amendes infligées
par la Commission par rapport au chiffre d’affaires global des entreprises concernées  ( 72 ) .

278. Au point 494 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté à bon droit qu’une telle comparaison ne suffisait pas à établir le caractère disproportionné de l’amende infligée à Koehler. En effet, conformément à une jurisprudence constante que le Tribunal a rappelée au point 468 de cet arrêt, la fixation d’une amende appropriée ne peut pas être le résultat d’un simple calcul fondé sur le chiffre d’affaires global des entreprises. Ainsi que nous l’avons indiqué, la proportionnalité d’une amende doit
être appréciée compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’infraction et, notamment, de la gravité et de la durée de celle-ci, de l’ampleur de ses effets anticoncurrentiels, des intérêts des consommateurs ou des concurrents lésés, ainsi que de la capacité financière des entreprises concernées.

279. En tout état de cause, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité, alors même que Koehler, ainsi qu’il le relève au point 495 de l’arrêt attaqué, n’a fournit aucun élément de nature à prouver que le montant de base de l’amende qui lui a été infligée était excessif par rapport à son poids spécifique.

280. Dans ces conditions, nous sommes d’avis que les arguments soulevés par Koehler doivent être rejetés comme étant non fondés.

281. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous proposons donc à la Cour de rejeter ce moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

XI — Sur le moyen tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’appréciation des circonstances atténuantes

282. Dans la décision litigieuse, la Commission n’a reconnu aucune circonstance atténuante au profit des entreprises concernées.

283. Devant le Tribunal, Divipa a soutenu que la Commission aurait dû lui accorder une circonstance atténuante, tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles. Le Tribunal a rejeté cet argument pour les motifs exposés aux points 618 à 626, 628, 629 et 635 de l’arrêt attaqué.

284. Dans le cadre de son pourvoi, Divipa soutient que le Tribunal a violé son obligation de motivation.

A — Arguments des parties

285. Divipa soutient que le Tribunal a violé son obligation de motivation en ne démontrant pas l’un des éléments sur lequel il se fonde pour rejeter son grief. Elle vise la mention du « profit » qu’elle aurait réalisé, figurant dans la dernière phrase du point 629 de l’arrêt attaqué.

286. Divipa reproduit le texte suivant:

« [Du reste,] le seul fait qu’elle ait pu ne pas avoir un comportement pleinement conforme aux accords convenus, s’il était avéré, ne suffirait pas à obliger la Commission à lui accorder des circonstances atténuantes. En effet, [Divipa] pourrait, à travers sa politique plus ou moins indépendante sur le marché, simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit» ( 73 ) .

B — Appréciation

287. Comme la Commission, nous pensons que le moyen soulevé par Divipa est inopérant. En effet, le motif visé par celle-ci n’est autre qu’un motif surabondant, comme le témoigne l’expression « du reste » utilisée par le Tribunal et l’usage du conditionnel.

288. En tout état de cause, les deux premiers motifs exposés par le Tribunal, au point 629 de l’arrêt attaqué, suffisent largement à répondre et à rejeter l’argument soulevé par Divipa dans son recours.

XII — Sur les conséquences de l’annulation de l’arrêt attaqué

289. Ainsi que nous l’avons indiqué, nous proposons à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal n’a pas annulé la décision litigieuse en tant qu’elle est fondée sur des éléments mettant en cause directement et personnellement Bolloré dans la commission de l’infraction.

290. Dans la mesure où le litige est, selon nous, en état d’être jugé, nous proposons à la Cour, conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, de statuer elle-même définitivement sur le moyen d’annulation soulevé par Bolloré devant le Tribunal, tiré d’une violation de ses droits de la défense.

291. Conformément à l’analyse que nous avons exposée aux points 81 à 137 des présentes conclusions, nous proposons à la Cour d’annuler la décision litigieuse en tant qu’elle est fondée sur des éléments mettant en cause personnellement et directement Bolloré dans la commission de l’infraction.

XIII — Sur les dépens

292. Nous proposons à la Cour de statuer sur les dépens conformément aux articles 122, premier alinéa, et 69, paragraphes 2 et 3, du règlement de procédure de la Cour.

293. En ce qui concerne Koehler et Divipa, celles-ci ont succombé sur l’ensemble de leurs prétentions. Nous proposons donc à la Cour de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

294. En ce qui concerne Bolloré, celle-ci a succombé sur un chef. Nous proposons donc à la Cour de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que 50 % des dépens exposés par la Commission.

XIV — Conclusion

295. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de déclarer:

« 1) L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 26 avril 2007 , Bolloré e.a./Commission (T-109/02, T-118/02, T-122/02, T-125/02, T-126/02, T-128/02, T-129/02, T-132/02 et T-136/02), est annulé en tant qu’il est entaché d’une erreur de droit, dans la mesure où le Tribunal de première instance a jugé que la violation par la Commission des Communautés européennes des droits de la défense de Bolloré SA n’était pas de nature à entraîner l’annulation de la décision
2004/337/CE de la Commission, du 20 décembre 2001 , relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (dans l’affaire COMP/E-1/36.212 — Papier autocopiant), en ce qui concerne l’implication personnelle et directe de Bolloré SA dans la commission de l’infraction.

2) La décision 2004/337/CE est annulée en tant qu’elle met directement et personnellement en cause Bolloré SA dans la commission de l’infraction.

3) Les pourvois introduits dans les affaires Papierfabrik August Koehler/Commission (C-322/07 P) et Distribuidora Vizcaína de Papeles/Commission (C-338/07 P) sont rejetés dans leur intégralité.

4) Dans l’affaire C-327/07 P, Bolloré SA est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que 50 % des dépens exposés par la Commission des Communautés européennes. Cette dernière supporte 50 % de ses propres dépens.

5) Dans les affaires C-322/07 P et C-338/07 P, Papierfabrik August Koehler AG et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL sont chacune condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission des Communautés européennes. »

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) T-109/02, T-118/02, T-122/02, T-125/02, T-126/02, T-128/02, T-129/02, T-132/02 et T-136/02, Rec. p. II-947 (ci-après l’ « arrêt attaqué » ).

( 3 ) Décision du 20 décembre 2001 relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE (dans l’affaire COMP/E-1/36.212 — Papier autocopiant) ( JO 2004, L 115, p. 1 , ci-après la « décision litigieuse » ).

( 4 ) Règlement du 6 février 1962 , premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité ( JO 1962, 13, p. 204 ), tel que modifié par le règlement (CE) n o  1216/1999 du Conseil, du 10 juin 1999 ( JO L 148, p. 5 , ci-après le « règlement n o  17 » ). Il convient d’indiquer que ce règlement a été remplacé par le règlement (CE) n o  1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002 , relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité ( JO 2003, L 1, p. 1
).

( 5 ) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n o  17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA ( JO 1998, C 9, p. 3 , ci-après les « lignes directrices » ).

( 6 ) JO C 207, p. 4 , ci-après la « communication sur la coopération » .

( 7 ) JO 1994, L 1, p. 3 , ci-après l’ « accord EEE » .

( 8 ) Arrêt du 28 mai 1998 , Deere/Commission ( C-7/95 P, Rec. p. I-3111 , point 19 et jurisprudence citée).

( 9 ) Arrêt du 21 septembre 2006 , JCB Service/Commission ( C-167/04 P, Rec. p. I-8935 , point 114 et jurisprudence citée).

( 10 ) Voir, notamment, arrêt du 7 janvier 2004 , Aalborg Portland e.a./Commission ( C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123 , point 51 et jurisprudence citée).

( 11 ) Arrêt du 18 janvier 2007 , PKK et KNK/Conseil ( C-229/05 P, Rec. p. I-439 , point 32 et jurisprudence citée).

( 12 ) Arrêts JCB Service/Commission, précité (points 106 et 107 ainsi que jurisprudence citée), et du 10 mai 2007 , SGL Carbon/Commission ( C-328/05 P, Rec. p. I-3921 , point 41 et jurisprudence citée).

( 13 ) Voir, notamment, arrêts précités JCB Service/Commission (point 106 et jurisprudence citée) ainsi que SGL Carbon/Commission (point 41 et jurisprudence citée).

( 14 ) Voir arrêts du 17 décembre 1998 , Baustahlgewebe/Commission ( C-185/95 P, Rec. p. I-8417 , point 128); du 29 avril 2004 , British Sugar/Commission ( C-359/01 P, Rec. p. I-4933 , point 47); du 28 juin 2005 , Dansk Rørindustri e.a./Commission ( C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425 , point 244), et du 8 février 2007 , Groupe Danone/Commission ( C-3/06 P, Rec. p. I-1331 , point 69).

( 15 ) Voir, notamment, arrêts précités Baustahlgewebe/Commission (point 129); British Sugar/Commission (point 48), et Dansk Rørindustri e.a./Commission (point 245).

( 16 ) Voir arrêt PKK et KNK/Conseil, précité (point 35).

( 17 ) Voir, notamment, arrêts précités JCB Service/Commission (point 108 et jurisprudence citée) ainsi que PKK et KNK/Conseil (point 37 et jurisprudence citée).

( 18 ) Voir, notamment, arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité (point 19 et jurisprudence citée).

( 19 ) Ibidem (point 21 et jurisprudence citée).

( 20 ) Arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003 , Atlantic Container Line e.a./Commission ( T-191/98 et T-212/98 à T-214/98, Rec. p. II-3275 , point 196). Voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 28 février 2002 , Compagnie générale maritime e.a./Commission ( T-86/95, Rec. p. II-1011 , point 447).

( 21 ) Voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998 , Mo och Domsjö/Commission ( T-352/94, Rec. p. II-1989 , point 74).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 2002 , Graphischer Maschinenbau/Commission ( T-126/99, Rec. p. II-2427 , point 49), et du 14 décembre 2005 , Honeywell/Commission ( T-209/01, Rec. p. II-5527 , point 49).

( 23 ) Voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 juillet 2001 , Commission et France/TF1 ( C-302/99 P et C-308/99 P, Rec. p. I-5603 , points 26 à 29), et du Tribunal du 21 septembre 2005 , EDP/Commission ( T-87/05, Rec. p. II-3745 , point 144).

( 24 ) À cet égard, Bolloré vise les arrêts de la Cour rendus dans les affaires Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (arrêt du 31 mars 1993 , C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85 et C-125/85 à C-129/85, Rec. p. I-1307 ); Compagnie maritime belge transports e.a./Commission (arrêt du 16 mars 2000 , C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365 ), et ARBED/Commission (arrêt du 2 octobre 2003 , C-176/99 P, Rec. p. I-10687 ), ainsi que les arrêts du Tribunal rendus dans les affaires CB et
Europay/Commission (arrêt du 23 février 1994 , T-39/92 et T-40/92, Rec. p. II-49 ), et Schneider Electric/Commission (arrêt du 22 octobre 2002 , T-310/01, Rec. p. II-4071 ).

( 25 ) Arrêt du 28 mars 2000 , Krombach ( C-7/98, Rec. p. I-1935 , points 25 et 26).

( 26 ) Voir, notamment, arrêt du 25 janvier 2007 , Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission ( C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I-729 , point 115 et jurisprudence citée).

( 27 ) L’article 6, paragraphe 2, UE a consacré cette jurisprudence puisque, aux termes de cette disposition, l’ « Union respecte les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la [CEDH], et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit communautaire » .

( 28 ) La Cour a jugé que la nécessité d’assurer le respect des droits de la défense doit être observée par la Commission dans l’accomplissement de ses fonctions et, notamment, dans le cadre des procédures administratives susceptibles d’aboutir à des sanctions, en particulier à des amendes ou à des astreintes [voir, notamment, arrêts du 13 février 1979 , Hoffman-La Roche/Commission ( 85/76, Rec. p. 461 , point 9); du 9 novembre 1983 , Nederlandsche-Industrie-Michelin ( 322/81, Rec. p. 3461 ,
point 7); du 21 septembre 1989 , Hoechst/Commission ( 46/87 et 227/88, Rec. p. 2859 , point 15); du 18 octobre 1989 , Orkem/Commission ( 374/87, Rec. p. 3283 , points 32 et 33); Krombach, précité (points 25 et 26), et ARBED/Commission, précité (point 19)]. Ces droits doivent être respectés tout au long de la procédure administrative et dès le stade de l’enquête préalable, puisque celle-ci peut avoir un caractère déterminant pour l’établissement des preuves du caractère illégal du comportement d’une
entreprise [voir, notamment, arrêts précités Hoechst/Commission (point 15) et Orkem/Commission (point 33)].

( 29 ) Voir, notamment, arrêt Groupe Danone/Commission, précité (point 68 et jurisprudence citée).

( 30 ) Voir, à cet égard, règlement n o  99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963 , relatif aux auditions prévues à l’article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n o  17 du Conseil ( JO 1963, 127, p. 2268 ), qui a été remplacé à la suite de l’adoption du règlement n o  1/2003 par le règlement (CE) n o  773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004 , relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 et 82 du traité CE ( JO L 123, p. 18 ).

( 31 ) Voir, notamment, arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité (point 66 et jurisprudence citée).

( 32 ) Aux termes de cette disposition, « avant de prendre les décisions prévues aux articles 2, 3, 6, 7, 8, 15 et 16 [dudit règlement], la Commission donne aux entreprises et associations d’entreprises intéressées l’occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission » .

( 33 ) Arrêt du 7 juin 1983 , Musique Diffusion française e.a./Commission ( 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825 , points 10 et 14).

( 34 ) Voir, notamment, arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission (points 14 et 15); ARBED/Commission (points 20 et 21 ainsi que jurisprudence citée), et Aalborg Portland e.a./Commission (points 142 à 146).

( 35 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 novembre 1987 , British American Tobacco et Reynolds Industries/Commission ( 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487 , point 70).

( 36 ) L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement précise que « [l]a Commission communique par écrit aux entreprises et associations d’entreprises les griefs retenus contre elles. La communication est adressée à chacune d’elles ou au mandataire commun qu’elles ont désigné » . Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, dudit règlement, [u]ne amende ou une astreinte ne peut être infligée à une entreprise ou à une association d’entreprises que si la communication des griefs a été effectuée dans la forme
prévue au paragraphe 1. L’article 4 du règlement n o  99/63 dispose, quant à lui, que « [d]ans ses décisions la Commission ne retient contre les entreprises et associations d’entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l’occasion de faire connaître leur point de vue » .

( 37 ) Le Tribunal se réfère aux arrêts précités de la Cour Commission et France/TF1 (points 26 à 29) et du Tribunal EDP/Commission (point 144).

( 38 ) Souligné par nos soins.

( 39 ) Voir, notamment, arrêt du 23 octobre 1974 , Transocean Marine Paint Association/Commission ( 17/74, Rec. p. 1063 , point 21).

( 40 ) Arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité (point 30). Voir, également, arrêt du 25 octobre 1983 , AEG-Telefunken/Commission ( 107/82, Rec. p. 3151 , point 30).

( 41 ) Points 15 et 16.

( 42 ) Arrêt du Tribunal du 8 octobre 1996 , Compagnie maritime belge transports e.a./Commission ( T-24/93 à T-26/93 et T-28/93, Rec. p. II-1201 , point 35).

( 43 ) Arrêt de la Cour Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, précité (points 141 à 150).

( 44 ) Arrêt du Tribunal du 11 mars 1999 , ARBED/Commission ( T-137/94, Rec. p. II-303 ).

( 45 ) Arrêt de la Cour ARBED/Commission, précité (points 22 à 25).

( 46 ) Arrêts du 20 septembre 2001 , Courage et Crehan ( C-453/99, Rec. p. I-6297 , points 24 à 28), et du 13 juillet 2006 , Manfredi e.a. ( C-295/04 à C-298/04, Rec. p. I-6619 , points 39, 58 à 61 et jurisprudence citée). Dans ces arrêts, la Cour a rappelé que l’article 81, paragraphe 1, CE, comme l’article 82 CE, produit des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendre des droits dans le chef des justiciables que les juridictions nationales doivent sauvegarder. Selon la
Cour, cela inclut le droit pour les justiciables d’être protégés contre des effets préjudiciables qu’une entente nulle de plein droit a pu engendrer.

( 47 ) Ces hypothèses seront, à notre avis, assez rares et viseront seulement le cas des ententes verticales, dans le cadre desquelles l’entreprise qui a le rôle de meneur adopte des pratiques unilatérales telles que la diffusion d’une circulaire imposant un prix minimal de revente par le fournisseur.

( 48 ) COM(2008) 165 final. Ce livre blanc fait suite au livre vert sur les actions en dommages et intérêts pour infraction aux règles communautaires sur les ententes et les abus de position dominante [COM(2005) 672 final], ainsi qu’à une résolution du Parlement européen du 25 avril 2007 sur ce livre vert.

( 49 ) Souligné par nos soins.

( 50 ) Voir Cour eur. D. H., arrêt Grecu c. Roumanie du 28 février 2007 , § 62 et jurisprudence citée. Ces enseignements découlent de la Cour eur. D. H., arrêts König c. Allemagne du 28 juin 1978 , série A n o  27; Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 18 octobre 1982 , série A n o  54, ainsi que Albert et Le Compte c. Belgique du 24 octobre 1983 , série A n o  68. Cela vaut a fortiori en matière pénale, l’article 6 de la CEDH se révélant moins exigeant pour les contestations relatives à des droits
de caractère civil que pour les accusations en matière pénale.

( 51 ) Arrêt du 29 octobre 1980 , van Landewyck e.a./Commission ( 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125 ). Dans cet arrêt, la Cour a jugé que la « Commission, tout en étant tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire […] ne saurait être qualifiée, pour autant, de ‘ Tribunal ’ au sens de l’article 6 de la [CEDH] » .

( 52 ) C-199/92 P, Rec. p. I-4287 .

( 53 ) Point 150. La Cour européenne des droits de l’homme retient trois critères afin de déterminer si une accusation relève de la matière pénale, à savoir la qualification donnée par le droit interne de l’État en cause, la nature répressive et dissuasive de la sanction ainsi que la gravité de la sanction encourue (voir Cour eur. D. H., arrêts Engel e.a. c. Pays-Bas du 23 novembre 1976 , série A n o  22). Plus spécifiquement, la Cour a adopté ce raisonnement pour les sanctions administratives au
nombre desquelles figurent les sanctions infligées par les autorités nationales de concurrence (voir Cour eur. D.H., arrêt société Stenuit c. France du 27 février 1992 , série A n o  232-A).

( 54 ) Point 29. Voir, également, arrêts Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, précité (point 116 et jurisprudence citée), ainsi que du 9 septembre 2008 , FIAMM e.a./Conseil et Commission ( C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513 , point 212 et jurisprudence citée).

( 55 ) Voir arrêts du 15 octobre 2002 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission ( C-238/99 P, C-244/99 P, C-245/99 P, C-247/99 P, C-250/99 P à C-252/99 P et C-254/99 P, Rec. p. I-8375 , point 188); du 2 octobre 2003 , Thyssen Stahl/Commission ( C-194/99 P, Rec. p. I-10821 , point 156), et Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, précité (points 117 à 122).

( 56 ) Voir arrêts Baustahlgewebe/Commission, précité (point 58), et du 8 juillet 1999 , Commission/Anic Partecipazioni ( C-49/92 P, Rec. p. I-4125 , point 86).

( 57 ) Voir arrêts Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité (points 513 à 523), et du Tribunal du 8 juillet 2004 , JFE Engineering e.a./Commission ( T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00, Rec. p. II-2501 , points 179 et 180 ainsi que jurisprudence citée).

( 58 ) Points 55 à 57.

( 59 ) Voir arrêt Orkem/Commission, précité.

( 60 ) Il ressort du point 181 de l’arrêt attaqué que M. B. G., travaillant pour le compte d’Unipapel, était l’agent de Sappi au Portugal.

( 61 ) Points 83 à 89 de la requête introductive d’instance de Koehler.

( 62 ) Ce point est examiné dans le cadre du deuxième moyen, fondé sur une violation du droit d’accès au dossier en raison du défaut de communication de documents non contenus dans le dossier d’instruction communiqué sur CD-ROM.

( 63 ) Arrêt du 29 juin 2006 , SGL Carbon/Commission ( C-308/04 P, Rec. p. I-5977 , point 46 et jurisprudence citée).

( 64 ) Idem.

( 65 ) La Commission peut se fonder sur les nombreux facteurs que la Cour a elle-même identifiés dans sa jurisprudence. Elle peut évaluer la gravité de l’infraction en fonction des circonstances particulières de l’affaire et du contexte réglementaire et économique du comportement incriminé. En examinant la nature des restrictions apportées à la concurrence, la Commission peut prendre en compte le contenu, la durée, le nombre, l’intensité et l’étendue géographique de l’accord ainsi que la valeur des
marchandises concernées par celui-ci. Elle peut également prendre en considération le nombre et l’importance relative des parties à l’accord sur le marché en examinant, notamment, leur part de marché, leur taille, leur comportement et leur rôle dans l’établissement de l’accord. La Commission peut aussi examiner la situation du marché à l’époque où l’infraction a été commise et tenir compte de la détérioration subie par l’ordre public économique. Enfin, elle peut tenir compte du risque que l’accord
en cause représente pour les objectifs de la Communauté [voir arrêts du 15 juillet 1970 , ACF Chemiefarma/Commission ( 41/69, Rec. p. 661 , point 176); du 16 décembre 1975 , Suiker Unie e.a./Commission ( 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663 , point 612); du 17 juillet 1997 , Ferriere Nord/Commission ( C-219/95 P, Rec. p. I-4411 , point 38) ainsi que arrêts précités Aalborg Portland e.a./Commission (points 90 et 91 ainsi que jurisprudence citée) et Dansk
Rørindustri e.a./Commission (points 241 et 242 ainsi que jurisprudence citée)].

( 66 ) Arrêt JCB Service/Commission, précité (points 207 et 208 ainsi que jurisprudence citée).

( 67 ) Arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006 , Jungbunzlauer/Commission ( T-43/02, Rec. p. II-3435 , point 238).

( 68 ) Idem.

( 69 ) Voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002 , LR AF 1998/Commission ( T-23/99, Rec. p. II-1705 , point 278).

( 70 ) Voir, notamment, arrêts du Tribunal du 6 octobre 1994 , Tetra Pak/Commission ( T-83/91, Rec. p. II-755 , point 240 et jurisprudence citée), ainsi que du 20 avril 1999 , Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission ( T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931 , point 1215).

( 71 ) Voir point 48 de sa requête introductive d’instance.

( 72 ) Voir tableaux figurant aux points 56 et 57 de sa requête introductive d’instance.

( 73 ) Souligné par nos soins.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-322/07
Date de la décision : 02/04/2009
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé, Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours en annulation, Recours en annulation - fondé, Recours contre une sanction

Analyses

Pourvois - Ententes - Marché du papier autocopiant - Défaut de concordance entre la communication des griefs et la décision litigieuse - Violation des droits de la défense - Conséquences - Dénaturation des éléments de preuve - Participation à l'infraction - Durée de l'infraction - Règlement nº 17 - Article 15, paragraphe 2 - Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes - Principe d'égalité de traitement - Principe de proportionnalité - Obligation de motivation - Durée raisonnable de la procédure devant le Tribunal.

Ententes

Concurrence

Pratiques concertées


Parties
Demandeurs : Papierfabrik August Koehler AG (C-322/07 P), Bolloré SA (C-327/07 P) et Distribuidora Vizcaína de Papeles SL (C-338/07 P)
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Klučka

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:216

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