La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2009 | CJUE | N°C-321/07

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Procédure pénale contre Karl Schwarz., 19/02/2009, C-321/07


ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 février 2009 ( *1 )

«Directive 91/439/CEE — Détention de permis de conduire de différents États membres — Validité d’un permis de conduire délivré avant l’adhésion d’un État — Retrait d’un second permis de conduire délivré par l’État membre de résidence — Reconnaissance du permis de conduire délivré avant la délivrance du second permis ultérieurement retiré pour cause d’inaptitude de son titulaire — Expiration de la période d’interdiction temporaire de solliciter un nouveau permis de cond

uire assortissant une mesure de
retrait d’un permis de conduire»

Dans l’affaire C-321/07,

ayant...

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

19 février 2009 ( *1 )

«Directive 91/439/CEE — Détention de permis de conduire de différents États membres — Validité d’un permis de conduire délivré avant l’adhésion d’un État — Retrait d’un second permis de conduire délivré par l’État membre de résidence — Reconnaissance du permis de conduire délivré avant la délivrance du second permis ultérieurement retiré pour cause d’inaptitude de son titulaire — Expiration de la période d’interdiction temporaire de solliciter un nouveau permis de conduire assortissant une mesure de
retrait d’un permis de conduire»

Dans l’affaire C-321/07,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Landgericht Mannheim (Allemagne), par décision du 28 juin 2007, parvenue à la Cour le 12 juillet 2007, dans la procédure pénale contre

Karl Schwarz,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas (rapporteur), président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, J. Klučka, Mme P. Lindh et M. A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

— pour M. Schwarz, par Me W. Säftel, Rechtsanwalt,

— pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

— pour le gouvernement portugais, par M. L. Fernandes et Mme M. Ribes, en qualité d’agents,

— pour la Commission des Communautés européennes, par M. G. Braun et Mme N. Yerrell, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire (JO L 237, p. 1), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003 (JO L 284, p. 1, ci-après la «directive 91/439»).

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure opposant M. Schwarz au Staatsanwaltschaft Mannheim au sujet du permis de conduire que M. Schwarz a obtenu en Autriche avant l’adhésion de cet État à l’Union européenne et antérieurement à la délivrance d’un permis allemand qui a fait l’objet, en Allemagne, d’une mesure de retrait pour cause de consommation d’alcool.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 Les permis de conduire ont fait l’objet d’une harmonisation par l’adoption de la première directive 80/1263/CEE du Conseil, du 4 décembre 1980, relative à l’instauration d’un permis de conduire communautaire (JO L 375, p. 1), laquelle, ainsi que l’indique son premier considérant, vise notamment à contribuer à l’amélioration de la sécurité routière et à faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite ou
qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté européenne.

4 Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 80/1263, le permis de conduire national établi d’après le modèle communautaire est, en principe, valable pour la conduite, aussi bien en circulation nationale qu’internationale.

5 En vertu de l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive, si le titulaire d’un permis de conduire national ou d’un permis de modèle communautaire en cours de validité, délivré par un État membre, acquiert une résidence normale dans un autre État membre, son permis y reste valable au maximum pendant l’année qui suit l’acquisition. Dans ce délai, sur demande du titulaire et contre remise de son permis, l’État membre peut lui délivrer un permis de conduire de modèle communautaire.

6 À l’article 8, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 80/1263, il est précisé que l’État membre qui procède à l’échange de permis de conduire doit renvoyer l’ancien permis aux autorités de l’État membre de délivrance.

7 Dans le cas d’un échange d’un permis délivré par un État tiers, l’article 8, paragraphe 3, de la directive 80/1263 dispose, notamment, qu’un permis de conduire de modèle communautaire ne peut être délivré que si le permis délivré par un État tiers a été remis aux autorités compétentes de l’État membre qui délivre le permis.

8 Aux termes du premier considérant de la directive 91/439, qui a abrogé la directive 80/1263 à partir du 1er juillet 1996:

«[…] il est souhaitable, aux fins de la politique commune des transports et en vue d’une contribution à l’amélioration de la sécurité de la circulation routière ainsi que pour faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite, qu’il y ait un permis de conduire national de modèle communautaire reconnu mutuellement par les États membres sans obligation d’échange».

9 En vertu du neuvième considérant de cette directive, l’obligation d’échange des permis de conduire dans le délai d’un an en cas de changement d’État membre de résidence normale constitue un obstacle à la libre circulation des personnes et ne peut être admise compte tenu des progrès réalisés dans le cadre de l’intégration européenne.

10 Le dernier considérant de la directive 91/439 précise:

«[…] il convient pour des raisons de sécurité et de circulation routières, que les États membres puissent appliquer leurs dispositions nationales en matière de retrait, de suspension et d’annulation du permis de conduire à tout titulaire de permis ayant acquis sa résidence normale sur leur territoire».

11 L’article 1er de ladite directive 91/439 dispose:

«1.   Les États membres établissent le permis de conduire national d’après le modèle communautaire tel que décrit à l’annexe I ou I bis conformément aux dispositions de la présente directive. […]

2.   Les permis de conduire délivrés par les États membres sont mutuellement reconnus.

3.   Lorsqu’un titulaire de permis de conduire en cours de validité acquiert sa résidence normale dans un État membre autre que celui qui a délivré le permis, l’État membre d’accueil peut appliquer au titulaire du permis ses dispositions nationales en matière de durée de validité du permis, de contrôle médical, de dispositions fiscales et peut inscrire sur le permis les mentions indispensables à sa gestion.»

12 Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 91/439, la délivrance du permis de conduire est subordonnée aux conditions suivantes:

«a) la réussite d’une épreuve de contrôle des aptitudes et des comportements, d’une épreuve de contrôle des connaissances ainsi [que] la satisfaction des normes médicales, conformément aux dispositions des annexes II et III;

b) l’existence de la résidence normale ou la preuve de la qualité d’étudiant pendant une période d’au moins six mois sur le territoire de l’État membre délivrant le permis de conduire».

13 Conformément au point 14 de l’annexe III de cette directive, intitulée «Normes minimales concernant l’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur», la consommation d’alcool constitue un danger important pour la sécurité routière et une grande vigilance s’impose au plan médical, compte tenu de la gravité du problème.

14 Le point 14.1 de cette annexe précise:

«Le permis de conduire ne doit être ni délivré ni renouvelé à tout candidat ou conducteur en état de dépendance vis-à-vis de l’alcool, ou qui ne peut dissocier la conduite de la consommation d’alcool.

Le permis de conduire peut être délivré ou renouvelé à tout candidat ou conducteur ayant été en état de dépendance à l’égard de l’alcool, au terme d’une période prouvée d’abstinence et sous réserve d’un avis médical autorisé et d’un contrôle médical régulier.»

15 Aux termes de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439:

«Toute personne ne peut être titulaire que d’un seul permis de conduire délivré par un État membre.»

16 L’article 8 de cette directive prévoit:

«1.   Dans le cas où le titulaire d’un permis de conduire en cours de validité délivré par un État membre a établi sa résidence normale dans un autre État membre, il peut demander l’échange de son permis contre un permis équivalent; il appartient à l’État membre qui procède à l’échange de vérifier, le cas échéant, si le permis présenté est effectivement en cours de validité.

2.   Sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire et, si nécessaire, procéder à ces fins à l’échange de ce permis.

[…]

4.   Un État membre peut refuser de reconnaître, à une personne faisant l’objet sur son territoire d’une des mesures visées au paragraphe 2, la validité de tout permis de conduire établi par un autre État membre.

[…]

6.   Lorsqu’un État membre échange un permis de conduire délivré par un pays tiers contre un permis de conduire de modèle communautaire, mention en est faite sur ce dernier ainsi que lors de tout renouvellement ou remplacement ultérieur.

Cet échange ne peut être effectué que si le permis délivré par un pays tiers a été remis aux autorités compétentes de l’État membre qui procède à l’échange. En cas de changement de résidence normale du titulaire de ce permis dans un autre État membre, ce dernier pourra ne pas appliquer l’article 1er, paragraphe 2.»

17 Selon l’article 10 de la directive 91/439, les États membres, après accord de la Commission des Communautés européennes, établissent les équivalences entre les catégories de permis délivrés avant la mise en œuvre de cette directive et celles définies à l’article 3.

18 L’article 12 de la directive 91/439 énonce:

«1.   Les États membres arrêtent, après consultation de la Commission, avant le 1er juillet 1994, les dispositions législatives, réglementaires ou administratives nécessaires pour la mise en application de la présente directive à partir du 1er juillet 1996.

[…]

3.   Les États membres s’assistent mutuellement dans l’application de la présente directive et s’échangent, en cas de besoin, les informations sur les permis qu’ils ont enregistrés.»

19 L’article 1er de la décision 2000/275/CE de la Commission, du 21 mars 2000, concernant les équivalences entre certaines catégories de permis de conduire (JO L 91, p. 1), telle que modifiée par la décision 2002/256/CE de la Commission, du 25 mars 2002 (JO L 87, p. 57) dispose qu’elle s’applique à tous les permis de conduire en cours de validité qui ont été délivrés dans les États membres et sont encore en circulation.

20 L’article 2 de ladite décision dispose que les tableaux d’équivalences entre les catégories de permis de conduire délivrés par les États membres avant la mise en œuvre de la directive 91/439 et les catégories harmonisées définies à l’article 3 de la directive 91/439 sont présentés dans l’annexe de cette décision.

La réglementation nationale

21 L’article 28, paragraphes 1, 4 et 5, du règlement relatif à l’accès des personnes à la circulation routière (règlement relatif au permis de conduire) [Verordnung über die Zulassung von Personen zum Straßenverkehr (Fahrerlaubnis-Verordnung)], du 18 août 1998 (BGBl. 1998 I, p. 2214, ci-après la «FeV»), dispose:

« (1)   Les titulaires d’un permis de conduire valide de l’[Union] ou de l’[Espace économique européen (ci-après l’«EEE»)] ayant leur résidence normale au sens de l’article 7, paragraphe 1 ou 2, en Allemagne sont autorisés — sous réserve de la restriction prévue aux paragraphes 2 à 4 — à conduire des véhicules dans ce pays dans la limite des droits qui sont les leurs. Les conditions attachées aux permis de conduire étrangers sont également respectées en Allemagne. Les dispositions du présent
règlement s’appliquent à ces permis de conduire sauf dispositions contraires.

[…]

(4)   L’autorisation visée au paragraphe 1 ne s’applique pas aux titulaires d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE,

[…]

3. dont le permis de conduire a fait l’objet, en Allemagne, d’une mesure de retrait provisoire ou définitif prise par un tribunal, ou d’une mesure de retrait immédiatement exécutoire ou définitive prise par une autorité administrative, auxquels le permis de conduire a été refusé par une décision définitive ou auxquels le permis de conduire n’a pas été retiré uniquement parce qu’ils y ont renoncé entre-temps,

[…]

(5)   Le droit de faire usage en Allemagne d’un permis de conduire de l’[Union] ou de l’EEE après l’une des décisions mentionnées au paragraphe 4, points 3 et 4, est accordé sur demande lorsque les motifs ayant justifié le retrait ou l’interdiction de solliciter le droit de conduire ont disparu. […]»

22 Selon l’article 69 du code pénal (Strafgesetzbuch), le juge pénal ordonne le retrait du permis de conduire s’il résulte des faits de la cause qu’une personne poursuivie est inapte à la conduite de véhicules. Conformément à l’article 69 bis du même code, ce retrait est assorti d’une période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire (période de blocage) qui peut varier de six mois à cinq ans et peut même, dans certaines conditions, être prononcée à vie.

23 De même, l’autorité chargée de délivrer le permis de conduire doit, en vertu de l’article 46 de la FeV, retirer celui-ci s’il s’avère que son détenteur est inapte à la conduite de véhicules.

24 L’article 11 de la FeV, intitulé «Aptitude», précise:

«(1)   Les personnes sollicitant un permis de conduire doivent remplir les conditions physiques et mentales nécessaires à cet effet. Ces conditions ne sont pas remplies notamment en cas de maladies ou de carences visées à l’annexe 4 ou à l’annexe 5 qui excluent l’aptitude [à la conduite de véhicules automobiles] ou l’aptitude limitée à [celle-ci]. […]

(2)   S’il existe des faits propres à fonder des doutes sur les capacités physiques ou mentales du demandeur d’un permis de conduire, les autorités compétentes en matière de permis de conduire peuvent ordonner la présentation, par l’intéressé, d’un rapport d’expertise médicale en vue d’instruire les décisions quant à la délivrance ou à la prolongation du permis de conduire, ou quant à l’imposition de restrictions ou de conditions. […]

(3)   La présentation d’un rapport d’un centre de contrôle de l’aptitude à conduire officiellement reconnu (rapport d’expertise médico-psychologique) peut être ordonnée pour lever les doutes quant à l’aptitude à la conduite, aux fins visées au paragraphe 2 [notamment]

[…]

4. en cas d’infractions graves ou répétées au code de la route ou de délits ayant un rapport avec la circulation routière ou avec l’aptitude à conduire […]

ou

5. lors de la réattribution du permis de conduire,

[…]

b) lorsque le retrait du permis de conduire repose sur l’un des motifs visés au point 4.

[…]

(8)   Si la personne concernée refuse de se laisser examiner ou si elle ne fournit pas dans les délais à l’autorité compétente en matière de permis de conduire le rapport d’expertise dont celle-ci a exigé la production, l’autorité compétente est en droit de conclure dans sa décision à l’inaptitude de la personne concernée. […]»

25 Intitulé «Aptitude en cas de problèmes d’alcool», l’article 13 de la FeV habilite les autorités compétentes à ordonner, dans certaines circonstances, la présentation d’un rapport d’expertise médico-psychologique en vue d’instruire des décisions relatives soit à la délivrance ou à la prolongation d’un permis de conduire, soit à l’imposition de restrictions ou de conditions en ce qui concerne le droit de conduire. Tel est notamment le cas lorsque, selon un avis médical ou en raison de certains
faits, il existe des indices d’une consommation abusive d’alcool ou lorsque des infractions en matière de circulation routière ont été commises à plusieurs reprises sous l’influence de l’alcool.

26 L’article 20, paragraphe 1, de la FeV prévoit que, en cas de délivrance d’un nouveau permis de conduire après un retrait, les dispositions relatives à la première délivrance d’un permis s’appliquent. Si, selon le paragraphe 2 de cet article, l’autorité compétente peut renoncer à faire repasser les examens liés à la délivrance du permis lorsqu’il n’existe aucun indice que le demandeur n’est plus en possession des connaissances et des aptitudes nécessaires à cette fin, le paragraphe 3 du même
article prévoit qu’une telle décision n’affecte pas l’obligation de présenter un rapport d’expertise médico-psychologique prévue à l’article 11, paragraphe 3, premier alinéa, point 5, de la FeV.

27 En vertu de l’article 21, paragraphe 1, de la loi sur la circulation routière (Straßenverkehrsgesetz, ci-après le «StVG»), quiconque conduit un véhicule sans disposer du permis nécessaire à cette fin est puni d’une peine d’emprisonnement d’un an au maximum ou d’une amende.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

28 Le 28 octobre 1964, le Verkehrsamt Wien [service de la circulation de Vienne (Autriche)] a délivré un permis de conduire pour les véhicules des catégories A et B à M. Schwarz.

29 En 1968, M. Schwarz a fait transcrire son permis de conduire autrichien en un permis de conduire allemand pour les véhicules de catégories 1 et 3. Le permis de conduire autrichien lui a été laissé.

30 Le 9 mai 1988, M. Schwarz a renoncé au permis de conduire allemand et l’a rendu.

31 Le 3 mai 1994, après que M. Schwarz eut subi avec succès un examen médico-psychologique, l’Ordnungsamt Mannheim (Allemagne) lui a délivré un nouveau permis de conduire allemand. Son permis de conduire autrichien lui a été laissé.

32 Le 1er décembre 1997, l’Amtsgericht Mannheim a condamné M. Schwarz à une peine de 40 jours-amende, à raison de 50 DEM par jour, pour avoir volontairement conduit en état d’ivresse. Il a été privé du droit de conduire, son permis de conduire lui a été retiré et il lui a été fixé une période de six mois d’interdiction de solliciter un nouveau permis.

33 Le 24 juillet 2000, M. Schwarz a sollicité un nouveau permis de conduire pour les véhicules de catégorie 3 auprès de l’Ordnungsamt Mannheim. Cette demande a été rejetée, le 2 avril 2001, au motif que l’intéressé n’avait pas présenté le rapport d’aptitude requis.

34 Le 11 avril 2005, il a été constaté que M. Schwarz conduisait sans être en possession du permis de conduire nécessaire à cette fin. L’Amtsgericht Mannheim l’a en conséquence condamné, le 30 janvier 2006, à une peine de 30 jours-amende, à raison de 25 euros par jour. M. Schwarz a payé l’amende fixée pour éviter la peine d’emprisonnement substitutive.

35 À cet égard, M. Schwarz a fait valoir qu’il n’avait pas pu former opposition contre cette ordonnance pénale parce qu’elle avait été expédiée à Vienne et qu’il l’avait reçue tardivement.

36 Le 23 décembre 2005, lors d’un contrôle routier, M. Schwarz a présenté son permis de conduire autrichien. Par la suite, l’Amtsgericht Mannheim l’a, par jugement du 22 juin 2006, acquitté du chef de conduite d’un véhicule sans permis de conduire valable, délit réprimé par l’article 21, paragraphe 1, du StVG.

37 Souhaitant obtenir la condamnation de M. Schwarz pour conduite sans permis de conduire, la Staatsanwaltschaft Mannheim a fait appel de ce jugement devant le Landgericht Mannheim.

38 C’est dans ces circonstances que le Landgericht Mannheim a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

«1) Le droit communautaire permet-il — contrairement à l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439/CEE — qu’un citoyen de l’Union […] soit en possession d’un permis de conduire allemand valide et d’un autre permis délivré par un autre État membre, lesquels permis ont tous deux été obtenus avant l’adhésion de l’État [tiers] à l’Union européenne, et, le cas échéant,

2) le retrait, pour délit de conduite en état d’ivresse, dont a fait l’objet — avant l’entrée en vigueur de la [FeV] le 1er janvier 1999 — le deuxième permis allemand, qui a été délivré ultérieurement, a-t-il juridiquement pour conséquence qu’il n’y a plus lieu non plus, après l’adhésion de l’État [tiers] de reconnaître en Allemagne la validité du premier permis étranger, qui a été délivré antérieurement, même si la période d’interdiction imposée en Allemagne a déjà expiré?»

Sur les questions préjudicielles

Sur la première question

39 Par sa première question, le juge de renvoi demande, en substance, si l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’un ressortissant d’un État membre, titulaire d’un permis de conduire communautaire délivré par cet État membre, soit, en outre, en possession d’un autre permis délivré antérieurement par un autre État membre, lorsqu’ils ont tous les deux été obtenus avant l’adhésion de ce dernier État à l’Union.

Observations des parties

40 M. Schwarz et la Commission estiment que la possession de deux permis de conduire délivrés, l’un par l’État membre de résidence et l’autre par un autre État membre, antérieurement à l’adhésion de ce dernier État à l’Union, est possible, même si une telle possession est contraire à l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439. En effet, une telle situation, bien qu’elle ne soit pas souhaitée par cette directive, ne pourrait disparaître qu’après la création d’une gestion centralisée des permis
de conduire pour l’ensemble des États membres.

41 De même, le gouvernement allemand est d’avis qu’il est, en principe, possible d’être titulaire de deux permis de conduire délivrés par deux États membres, ces deux permis ayant été obtenus avant l’adhésion d’un de ces États à l’Union.

42 Toutefois, ce gouvernement fait observer qu’il se peut que, selon le droit national, un permis de conduire délivré par un État tiers soit devenu invalide sur le territoire national avant l’adhésion de ce dernier État à l’Union. Tel serait le cas dans une situation telle que celle au principal selon le droit allemand applicable, en vertu duquel un conducteur, titulaire d’un permis de conduire valide délivré par un État tiers, perd le droit de faire usage de ce permis si une période de plus de
douze mois s’est écoulée depuis qu’il a établi sa résidence principale en Allemagne.

43 En tout état de cause, une éventuelle renaissance du permis de conduire accordé en 1964 irait à l’encontre de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 qui a pour but d’empêcher la détention de deux permis valides.

44 Le gouvernement italien, tout en observant que la durée de validité du permis de conduire autrichien n’était vraisemblablement pas limitée, laisse à la Cour le soin de déterminer si, en cas de possession de deux permis de conduire, l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 doit être interprété en ce sens qu’il impose à l’État membre concerné, le cas échéant en faisant appel à la procédure d’assistance mutuelle, d’admettre soit la perte automatique du permis délivré antérieurement, soit la
nullité ex novo du permis délivré ultérieurement.

45 Le gouvernement portugais fait observer que, en vertu de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439, le droit de conduire dans un État membre ne peut être exercé qu’en vertu d’un seul et unique permis de conduire communautaire. D’éventuelles mesures restrictives se répercuteraient, dès lors, sur cet unique permis. Du point de vue administratif, un permis de conduire unique permettrait de contrôler et d’exécuter d’éventuelles sanctions. Afin de correctement transposer la directive 91/439,
la République fédérale d’Allemagne aurait, dès lors, dû garantir que chaque conducteur résidant sur son territoire ne possède qu’un seul titre de conduite communautaire.

Réponse de la Cour

— Remarques liminaires

46 La question d’interprétation de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439, telle qu’elle est posée par la juridiction de renvoi postule que les deux permis de conduire sont simultanément valides.

47 Le gouvernement allemand fait valoir que, en vertu du droit allemand, M. Schwarz aurait dû perdre le droit de faire usage de son permis de conduire autrichien, délivré en 1964 et transcrit en 1968, douze mois après avoir établi sa résidence principale en Allemagne.

48 À cet égard, il convient de répondre que la compétence de la Cour est limitée à l’examen des seules dispositions du droit communautaire sans qu’elle ait vocation à statuer sur le droit national (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, innoventif, C-453/04, Rec. p. I-4929, point 29).

49 En tout état de cause, dans le cadre d’une procédure visée à l’article 234 CE, la Cour est uniquement habilitée à se prononcer sur l’interprétation ou la validité d’un acte communautaire à partir des faits qui lui sont indiqués par la juridiction nationale (voir arrêts du 16 mars 1978, Oehlschläger, 104/77, Rec. p. 791, point 4, et du 11 septembre 2008, Eckelkamp, C-11/07, Rec. p. I-6845, point 52).

50 Or, il ressort de la décision de renvoi que le permis de conduire autrichien a été laissé à M. Schwarz lors de sa transcription en un permis de conduire allemand en 1968, ainsi que lors de la délivrance du permis de conduire allemand en 1994, et que ce permis autrichien est resté valide.

51 En ce qui concerne la validité du permis de conduire allemand, délivré en 1994, il se pose, d’une part, la question de l’application de la directive 80/1263 et, en particulier, de son article 8, paragraphe 3, en ce que celui-ci prévoit que, lorsqu’un État membre échange un permis de conduire délivré par un État tiers contre un permis de conduire de modèle communautaire, cet échange ne peut être effectué que si le permis délivré par un État tiers a été remis aux autorités compétentes de l’État
membre qui procède à l’échange.

52 Dans une situation telle que celle de l’affaire au principal, dans la mesure où la délivrance du permis de conduire allemand en 1994 ne constituait pas une transcription ou un échange du permis de conduire autrichien, mais la délivrance d’un nouveau permis de conduire en vertu du droit allemand, ainsi que le soutient le gouvernement allemand, les dispositions relatives à l’échange du permis de conduire ne s’appliqueraient pas.

53 D’autre part, l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439, selon lequel toute personne ne peut être titulaire que d’un seul permis de conduire délivré par un État membre, était dénué de pertinence lors de la délivrance du permis de conduire allemand en 1994, dès lors que ladite directive ne devait être mise en application que le 1er juillet 1996, date à laquelle la directive 80/1263 a été abrogée (voir arrêt du 29 octobre 1998, Awoyemi, C-230/97, Rec. p. I-6781, point 33).

54 À supposer même que la délivrance du permis de conduire allemand au mois de mai 1994 ne devait, autrement de ce que soutient le gouvernement allemand, pas être considérée comme la délivrance d’un nouveau permis de conduire, mais comme étant en réalité l’échange d’un permis existant, il convient de constater qu’un ressortissant d’un État membre ne saurait subir de préjudice du fait d’être titulaire de deux permis de conduire, quand bien même la délivrance du second permis serait le résultat d’une
irrégularité, en ce que l’État membre de délivrance n’aurait pas respecté le droit communautaire en omettant de remettre le permis délivré antérieurement par un autre État membre aux autorités de celui-ci. En effet, le titulaire d’un tel permis ne peut pas être sanctionné par un État membre pour non-respect des obligations que le droit communautaire impose audit État.

— Sur l’application de l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439

55 L’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 dispose que toute personne ne peut être titulaire que d’un seul permis de conduire délivré par un État membre. Il en ressort qu’il est interdit aux États membres de délivrer un permis communautaire lorsque la personne qui sollicite un tel permis est déjà en possession d’un autre permis de conduire délivré dans un autre État membre.

56 S’il est vrai que l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 consacre l’unicité du permis de conduire communautaire (voir arrêts du 26 juin 2008, Wiedemann et Funk, C-329/06 et C-343/06, Rec. p. I-4635, point 70, ainsi que Zerche e.a., C-334/06 à C-336/06, Rec. p. I-4691, point 67), il n’en reste pas moins que cette disposition a pour seul effet de s’opposer à la délivrance d’un second permis de conduire communautaire à partir de la mise en application de ladite disposition, à savoir le
1er juillet 1996, date à laquelle la directive 80/1263 a été abrogée.

57 L’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 ne s’oppose toutefois pas à ce qu’un ressortissant d’un État membre continue à disposer de plus d’un permis valide lorsqu’un desdits permis a été délivré dans un État membre avant son adhésion dans la mesure où un tel permis n’a pas perdu sa validité.

58 Dans une telle situation, ladite disposition n’affecte donc pas, en cas de coexistence de deux permis valides, la validité d’un de ces permis. Elle n’instaure pas, dans un pareil cas, d’ordre de priorité d’application et n’impose ni la perte automatique du premier permis ni la nullité du second permis.

59 Lorsque le premier permis de conduire a été délivré par un État avant son adhésion à l’Union, l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439, en cas de possession de deux permis de conduire valides, n’exige dès lors ni la perte automatique du permis délivré antérieurement par cet État avant son adhésion, ni la nullité du permis postérieur délivré dans un autre État membre également avant ladite adhésion.

60 Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de répondre à la première question que l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un ressortissant d’un État membre soit simultanément en possession de deux permis de conduire valides, dont l’un est un permis communautaire et l’autre un permis de conduire délivré par un autre État membre, lorsqu’ils ont tous les deux été obtenus avant l’adhésion de ce dernier État à l’Union.

Sur la deuxième question

61 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 1er et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 s’opposent à ce qu’un État membre refuse de reconnaître le droit de conduire résultant d’un permis de conduire délivré par un autre État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union, si ce permis a été délivré antérieurement à un permis de conduire délivré par le premier État membre dans lequel ce second permis a fait l’objet d’un retrait pour cause d’inaptitude
de son titulaire à la conduite et que la période d’interdiction assortissant ledit retrait a expiré.

Observations des parties

62 M. Schwarz fait observer que le refus d’un État membre de reconnaître un permis de conduire délivré dans un autre État membre est subordonné à une décision émanant de l’office national compétent en matière de circulation routière, ce qui ne serait pas le cas dans l’affaire au principal.

63 Dans celle-ci, le juge de renvoi ne serait pas compétent et ne pourrait donc pas sanctionner M. Schwarz pour conduite sans permis. Le retrait de son permis de conduire allemand en 1997, accompagné d’une période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire, ne pourrait, d’ailleurs, justifier, après ladite période d’interdiction, un refus indéfini de reconnaissance de son permis de conduire autrichien délivré en 1964.

64 La Commission relève qu’un permis de conduire délivré dans un État membre postérieurement au retrait d’un premier permis dans un autre État membre ne doit pas être reconnu par ce dernier État membre si le second permis a été délivré pendant une période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire dans l’État membre qui a retiré le premier permis.

65 En revanche, il serait possible de conduire à nouveau un véhicule, en vertu d’un deuxième permis de conduire délivré par un État membre après l’expiration de la période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire. S’agissant d’un permis de conduire délivré avant la période d’interdiction de solliciter un nouveau permis, et non pas au cours de cette période, la Commission fait observer que le titulaire d’un tel permis n’a normalement pas encore d’antécédents judiciaires à l’époque
de la délivrance et que ledit permis devrait, dès lors, être reconnu, à moins que des circonstances particulières ne s’y opposent.

66 Dans une affaire telle que celle au principal, ni le fait que la République d’Autriche n’avait pas encore adhéré à l’Union ni le fait qu’il y ait eu retrait d’un permis de conduire délivré ultérieurement en Allemagne n’auraient d’incidence sur l’obligation de reconnaissance d’un permis de conduire valide délivré par la République d’Autriche, après la période d’interdiction dont était assortie la mesure de retrait.

67 Eu égard à la réponse qu’il propose à la première question, ce n’est qu’à titre subsidiaire que le gouvernement allemand fait valoir que la directive 91/439 ne s’oppose pas à la règle de l’article 28 de la FeV, sur le fondement de laquelle M. Schwarz n’est pas autorisé à conduire en faisant valoir son permis de conduire autrichien tant qu’il n’est pas démontré, par la production d’un rapport médico-psychologique, que les motifs ayant justifié le retrait d’un permis de conduire allemand délivré
ultérieurement ont disparu. L’efficacité du retrait d’un permis de conduire allemand serait privée de tout effet si les autorités étaient tenues de reconnaître le permis étranger délivré antérieurement.

68 En outre, l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439 autoriserait l’adoption de mesures sanctionnant un comportement intervenu postérieurement à l’obtention du permis étranger.

69 Par ailleurs, l’intéressé, contrairement à une personne qui aurait obtenu un nouveau permis de conduire dans un autre État membre après le retrait du permis de conduire allemand, n’aurait nullement démontré deux fois son aptitude à conduire des véhicules. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 80/1263 et l’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439 témoigneraient, précisément, du souhait du législateur communautaire d’éviter que des personnes cumulent un double droit de conduire des
véhicules.

70 Le gouvernement allemand soutient, également, que le retrait d’un permis de conduire national doit emporter la possibilité de contester la validité d’un permis de conduire étranger obtenu antérieurement dès lors que l’objectif de la directive 91/439 tendant à la protection de la sécurité de la circulation routière exige qu’il soit interdit à une personne de conduire un véhicule sur la voie publique alors qu’elle est inapte.

71 Finalement, le gouvernement allemand fait observer que l’expiration de la période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire est, dans l’affaire au principal, dénuée de pertinence, le prévenu n’ayant pas obtenu un nouveau permis de conduire à l’expiration de la période d’interdiction. M. Schwarz ne subirait pas de ce fait une atteinte excessive à ces droits, puisqu’il ne lui est pas interdit d’acquérir un nouveau permis de conduire à l’expiration de la période d’interdiction.

72 De même, le gouvernement italien fait valoir que rien ne s’oppose à l’application de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439, selon lequel l’État membre de résidence normale peut appliquer au titulaire d’un permis de conduire délivré par un autre État membre ses dispositions nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du droit de conduire.

73 Dans l’affaire au principal, M. Schwarz n’aurait pas, après le retrait de son permis de conduire allemand, été soumis à une vérification de son aptitude à conduire, ordonnée par les autorités d’un autre État membre. Aucun événement postérieur à la décision de retrait ne serait donc intervenu, dont on pourrait conclure que l’intéressé aurait recouvré l’aptitude à la conduite. Il serait, par ailleurs, loisible à M. Schwarz d’introduire une demande de nouveau permis de conduire, en vertu de
l’article 28, paragraphe 5, de la FeV.

Réponse de la Cour

74 Il ressort du premier considérant de la directive 91/439 que le principe général de reconnaissance mutuelle des permis de conduire délivrés par les États membres, énoncé à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, a été établi notamment en vue de faciliter la circulation des personnes qui s’établissent dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite (arrêts du 29 avril 2004, Kapper, C-476/01, Rec. p. I-5205, point 71; Wiedemann et Funk, précité, point
49; Zerche e.a., précité, point 46, ainsi que du 20 novembre 2008, Weber, C-1/07, Rec. p. I-8571, point 26).

75 Selon une jurisprudence bien établie, ledit article 1er, paragraphe 2, prévoit la reconnaissance mutuelle, sans aucune formalité, des permis de conduire délivrés par les États membres. Cette disposition impose aux États membres une obligation claire et précise, qui ne laisse aucune marge d’appréciation quant aux mesures à adopter pour s’y conformer (voir, en ce sens, arrêts Awoyemi, précité, points 41 et 42; du 10 juillet 2003, Commission/Pays-Bas, C-246/00, Rec. p. I-7485, points 60 et 61;
Kapper, précité, point 45; Wiedemann et Funk, précité, point 50, Zerche e.a., précité, point 47, et Weber, précité, point 27, ainsi que ordonnances du 6 avril 2006, Halbritter, C-227/05, point 25, et du 28 septembre 2006, Kremer, C-340/05, point 27).

76 Il incombe à l’État membre de délivrance de vérifier si les conditions minimales imposées par le droit communautaire, notamment celles relatives à la résidence et à l’aptitude à conduire, imposées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 91/439, sont remplies et, partant, si la délivrance d’un permis de conduire est justifiée (voir arrêts précités Wiedemann et Funk, point 52, ainsi que Zerche e.a., point 49).

77 Dès lors que les autorités d’un État membre ont délivré un permis de conduire conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 91/439, les autres États membres ne sont pas en droit de vérifier le respect des conditions de délivrance prévues par cette directive. En effet, la détention d’un permis de conduire délivré par un État membre doit être considérée comme constituant la preuve que le titulaire de ce permis remplissait, au jour où ce dernier lui a été délivré, lesdites conditions
(arrêts précités Wiedemann et Funk, point 53, ainsi que Zerche e.a., point 50).

78 En l’occurrence, il doit être observé que les permis de conduire délivrés en Autriche du 1er janvier 1956 au 1er novembre 1997 figurent dans les tableaux d’équivalence annexés à la décision 2000/275, telle que modifiée par la décision 2002/256.

79 Toutefois, l’article 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 permet aux États membres, dans certaines circonstances et notamment pour des raisons de sécurité de la circulation routière, ainsi qu’il ressort du dernier considérant de cette directive, de faire appel à leurs dispositions nationales en matière de restriction, de suspension, de retrait et d’annulation du permis de conduire à l’égard de tout titulaire d’un permis ayant sa résidence normale sur leur territoire.

80 La faculté prévue à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439 peut s’exercer en raison d’un comportement de l’intéressé postérieur à l’obtention du permis de conduire délivré par un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts précités Wiedemann et Funk, point 59, et Zerche e.a., point 56, ainsi que ordonnances Halbritter, précitée, point 38; Kremer, précitée, point 35, et du 3 juillet 2008, Möginger, C-225/07, point 36).

81 S’il est vrai que l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439 ne permet pas à l’État membre de résidence normale de refuser de reconnaître le permis de conduire délivré par un autre État membre au seul motif que le titulaire de ce permis s’est antérieurement vu retirer un précédent permis dans le premier État membre, cette disposition permet cependant à celui-ci, sous réserve du respect du principe de territorialité des lois pénales et de police, d’appliquer audit titulaire ses dispositions
nationales concernant la restriction, la suspension, le retrait ou l’annulation du permis, si son comportement postérieur à la délivrance de ce permis le justifie (voir arrêts précités Wiedemann et Funk, point 66, ainsi que Zerche e.a., point 63).

82 L’article 8, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 91/439 autorise, pour sa part, un État membre à refuser de reconnaître la validité d’un permis de conduire obtenu dans un autre État membre par une personne faisant l’objet, sur le territoire du premier État membre, d’une mesure de restriction, de suspension, de retrait ou d’annulation de permis.

83 La Cour a jugé, à cet égard, que les articles 1er, paragraphe 2, et 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse à une personne ayant fait l’objet, sur son territoire, d’une mesure de retrait de permis assortie d’une interdiction de solliciter un nouveau permis pendant une période déterminée la reconnaissance d’un nouveau permis délivré par un autre État membre pendant cette période d’interdiction (arrêts précités Wiedemann et Funk, point 65; Zerche
e.a., point 62, ainsi que ordonnance Möginger, précitée, point 38).

84 Cependant, l’autorisation prévue à l’article 8, paragraphe 4, de la directive 91/439 constitue une dérogation au principe général de reconnaissance mutuelle des permis de conduire et est, de ce fait, d’interprétation stricte (voir arrêts précités Wiedemann et Funk, point 60; Zerche e.a., point 57, ainsi que Weber, point 29).

85 Or, la Cour a considéré que ledit article 8, paragraphe 4, ne saurait être invoqué par un État membre pour refuser de reconnaître indéfiniment à une personne qui a fait l’objet sur son territoire d’une mesure de retrait ou d’annulation d’un permis de conduire délivré par cet État membre la validité de tout permis qui puisse ultérieurement, à savoir après la période d’interdiction, lui être délivré par un autre État membre (voir, en ce sens, arrêts précités Kapper, point 76; Wiedemann et Funk,
point 63; Zerche e.a., point 60, ainsi que ordonnances précitées Halbritter, point 28, et Kremer, point 29).

86 Ainsi, lorsqu’une personne a fait l’objet, dans un État membre, d’une mesure de retrait de son permis de conduire, ledit article 8, paragraphe 4, ne permet pas, en principe, audit État membre de refuser de reconnaître la validité du permis de conduire délivré ultérieurement par un autre État membre à la même personne en dehors de toute période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire (voir, en ce sens, arrêts précités Kapper, point 76; Wiedemann et Funk, point 64, et Zerche
e.a., point 60, ainsi que ordonnances précitées Halbritter, point 27; Kremer, point 29, et Möginger, point 44).

87 En l’occurrence, ainsi que c’était le cas dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts et ordonnances cités au point précédent, le permis de conduire en cause au principal a été délivré et utilisé en dehors de toute période d’interdiction de solliciter un nouveau permis.

88 Toutefois, il reste à examiner si le fait qu’un permis de conduire a été délivré par un État membre antérieurement à un permis de conduire délivré par un autre État membre, et, partant, antérieurement au retrait de ce dernier, a une incidence sur l’obligation pour ce dernier État de reconnaître le permis de conduire délivré par le premier État.

89 En effet, s’il est vrai qu’un permis de conduire tel que le permis autrichien en cause dans l’affaire au principal a été délivré en dehors de toute période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire et que son titulaire y a eu recours en dehors de ladite période, ledit permis a, à la différence desdits arrêts et ordonnances, été obtenu avant et non pas après la délivrance du permis de conduire allemand et, donc, avant le retrait dudit permis.

90 Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions, la directive 91/439 vise à mettre en balance, d’une part, le principe de la reconnaissance mutuelle tendant à faciliter la libre circulation des personnes, objectif de cette directive rappelé au point 74 du présent arrêt et, d’autre part, l’objectif de ladite directive tendant à l’amélioration de la sécurité de la circulation routière, notamment en permettant aux États membres, sur le fondement de l’article 8, paragraphes 2
et 4, de cette directive, de faire appel, dans certaines circonstances, à leurs dispositions nationales en matière de retrait, de suspension et d’annulation de permis de conduire.

91 Ainsi, la Cour a jugé qu’un État membre ne peut pas refuser de reconnaître, sur son territoire, le droit de conduire résultant d’un permis de conduire délivré dans un autre État membre et, partant, la validité de ce permis tant que le titulaire de celui-ci ne s’est pas soumis aux conditions requises dans ce premier État membre pour la délivrance d’un nouveau permis à la suite du retrait d’un permis qui y a été obtenu antérieurement, en ce compris l’examen d’aptitude à la conduite attestant que
les motifs ayant justifié ledit retrait n’existent plus (voir arrêts précités Wiedemann et Funk, point 64, et Zerche e.a., point 61, ainsi que ordonnances précitées Halbritter, point 32, et Kremer, point 38).

92 Dans ces affaires, l’inaptitude à la conduite, sanctionnée par le retrait du permis de conduire dans un État membre, a été rétablie par la vérification de l’aptitude effectuée par l’autre État membre lors de la délivrance ultérieure d’un permis de conduire.

93 En effet, à cette occasion, l’État membre de délivrance, ainsi qu’il est rappelé au point 76 du présent arrêt, doit notamment vérifier si, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 91/439, le candidat satisfait aux normes minimales concernant l’aptitude physique et mentale à la conduite.

94 Dans des circonstances telles que celles au principal, le retrait d’un permis de conduire délivré par un État membre remet en question l’aptitude à la conduite de son titulaire et, donc, implicitement le permis de conduire qui lui a été délivré antérieurement par un autre État membre.

95 Or, ainsi qu’il a été relevé par les gouvernements allemand et italien, le titulaire n’a pas été soumis, à la différence des affaires ayant donné lieu aux ordonnances précitées Halbritter et Kremer, après le retrait antérieur de son permis de conduire allemand, à une vérification de l’aptitude à conduire, ordonnée par les autorités d’un autre État membre. Partant, il n’est nullement démontré que ledit titulaire est, conformément aux exigences d’aptitude imposées par la directive 91/439, apte à
conduire et à s’intégrer à la circulation routière.

96 Si une mesure nationale de retrait, telle qu’elle a été imposée dans l’affaire au principal, pouvait être contournée par la possibilité de se prévaloir d’un permis de conduire délivré antérieurement à la délivrance du permis retiré pour des motifs d’inaptitude de conduite sans qu’il soit établi que la personne présentant cet ancien permis est, à la date à laquelle elle s’en prévaut, apte à la conduite conformément à la directive 91/439, cela compromettrait la sécurité de la circulation routière.

97 Par ailleurs, il serait paradoxal d’imposer à un État membre la reconnaissance du droit de conduire résultant d’un permis de conduire délivré par un autre État membre antérieurement à un permis de conduire délivré par le premier État membre alors que ce second permis à été retiré pour cause d’inaptitude de son titulaire à la conduite. En effet, si un ressortissant d’un État membre dispose d’un seul permis de conduire délivré dans un autre État membre, le premier État membre est autorisé, en vertu
de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/439, de lui appliquer ses dispositions concernant le retrait, par exemple, pour cause d’inaptitude à la conduite.

98 Il résulte de ce qui précède que les articles 1er et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439 ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse de reconnaître le droit de conduire résultant d’un permis de conduire délivré par un autre État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union, si ce permis a été délivré antérieurement à un permis de conduire délivré par le premier État membre dans lequel ce second permis a fait l’objet d’un retrait pour cause d’inaptitude de son titulaire à la conduite. Le
fait que ce refus intervient après la période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire assortissant ledit retrait est, à cet égard, sans pertinence.

Sur les dépens

99 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

  Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

  1) L’article 7, paragraphe 5, de la directive 91/439/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991, relative au permis de conduire, telle que modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 29 septembre 2003, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’un ressortissant d’un État membre soit simultanément en possession de deux permis de conduire valides, dont l’un est un permis communautaire et l’autre un permis de conduire délivré par un autre État
membre, lorsqu’ils ont tous les deux été obtenus avant l’adhésion de ce dernier État à l’Union européenne.

  2) Les articles 1er et 8, paragraphes 2 et 4, de la directive 91/439, telle que modifiée par le règlement no 1882/2003, ne s’opposent pas à ce qu’un État membre refuse de reconnaître le droit de conduire résultant d’un permis de conduire délivré par un autre État avant l’adhésion de celui-ci à l’Union européenne, si ce permis a été délivré antérieurement à un permis de conduire délivré par le premier État membre dans lequel ce second permis a fait l’objet d’un retrait pour cause d’inaptitude de
son titulaire à la conduite. Le fait que ce refus intervient après la période d’interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire assortissant ledit retrait est, à cet égard, sans pertinence.

  Signatures

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Langue de procédure: l’allemand.


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : C-321/07
Date de la décision : 19/02/2009
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Landgericht Mannheim - Allemagne.

Directive 91/439/CEE - Détention de permis de conduire de différents États membres - Validité d'un permis de conduire délivré avant l'adhésion d'un État - Retrait d'un second permis de conduire délivré par l'État membre de résidence - Reconnaissance du permis de conduire délivré avant la délivrance du second permis ultérieurement retiré pour cause d'inaptitude de son titulaire - Expiration de la période d'interdiction temporaire de solliciter un nouveau permis de conduire assortissant une mesure de retrait d'un permis de conduire.

Transports


Parties
Demandeurs : Procédure pénale
Défendeurs : Karl Schwarz.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Rosas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2009:104

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award