ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
11 septembre 2008
Affaire F-127/07
Juana Maria Coto Moreno
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonction publique – Fonctionnaires – Concours général – Non‑inscription sur la liste de réserve – Évaluation des épreuves écrite et orale »
Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel M^me Coto Moreno demande, en substance, l’annulation de la décision du jury du concours EPSO/AD/28/05, du 12 février 2007, refusant d’inscrire son nom sur la liste de réserve, de dire pour droit que les autorités compétentes doivent inscrire son nom sur ladite liste de réserve et de condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices professionnel, financier et moral prétendument subis
par elle.
Décision : La requête de la requérante est rejetée. Chaque partie supporte ses propres dépens.
Sommaire
1. Fonctionnaires – Concours – Évaluation des aptitudes des candidats
(Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 5)
2. Fonctionnaires – Concours – Jury – Respect du secret des travaux
(Statut des fonctionnaires, annexe III, art. 6)
1. Les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont soustraites au contrôle du juge communautaire. Il n’en va pas de même de la concordance de la note chiffrée avec les appréciations littérales du jury. En effet, cette concordance, garante de l’égalité de traitement des candidats, est l’une des règles qui président aux travaux du jury et dont il appartient au juge de vérifier le respect. De plus, la concordance de
la note chiffrée et de l’appréciation littérale peut faire l’objet, de la part du juge communautaire, d’un contrôle indépendant de celui de l’appréciation des prestations des candidats faite par le jury, que le juge communautaire se refuse à exercer, pourvu que le contrôle de la concordance se limite à vérifier l’absence d’incohérence manifeste. C’est pourquoi il appartient au juge communautaire de vérifier si, compte tenu de l’appréciation littérale portée sur la fiche d’évaluation d’une copie, le
jury n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en arrêtant la note de cette copie.
Le fait qu’un candidat ait obtenu la note minimale lui permettant de présenter l’épreuve orale, alors que ses réponses écrites ont été jugées globalement plus que suffisantes, ne révèle pas une discordance manifeste entre la note et l’appréciation littérale. Par suite, une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être déduite de la comparaison entre la note attribuée à la copie de l’intéressé et les appréciations littérales portées par le jury sur cette copie.
(voir points 33, 34 et 38)
2. L’obligation de motivation d’une décision d’un jury de concours doit, d’une part, être conciliée avec le secret qui entoure les travaux de ce dernier. Le respect de ce secret s’oppose tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tout élément ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats. D’autre part, l’obligation de motivation ne doit pas alourdir, de manière intolérable, les opérations
des jurys et les travaux de l’administration du personnel. C’est pourquoi, dans un concours à participation nombreuse, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions prises par le jury au sujet de chaque candidat.
(voir points 55 Ã 57)
Référence à :
Cour : 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 6 ; 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, points 24 et 31 ; 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, non encore publié au Recueil, point 58
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
11 septembre 2008 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Concours général – Non-inscription sur la liste de réserve – Évaluation des épreuves écrite et orale »
Dans l’affaire F‑127/07,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
Juana Maria Coto Moreno, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Gaborone (Botswana), représentée par M^es K. Lemmens et C. Doutrelepont, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M^mes B. Eggers et M. Velardo, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kanninen et S. Gervasoni (rapporteur), juges,
greffier : M. R. Schiano, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 juin 2008,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 30 octobre 2007 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 6 novembre suivant), M^me Coto Moreno demande, en substance, au Tribunal d’annuler la décision du 12 février 2007 par laquelle le jury du concours EPSO/AD/28/05 a refusé d’inscrire son nom sur la liste de réserve, de dire pour droit que les autorités compétentes doivent inscrire son nom sur ladite liste de réserve et de condamner la Commission des Communautés européennes au
paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices professionnel, financier et moral prétendument subis par elle.
Faits à l’origine du litige
2 Le 16 septembre 2004, la requérante a été nommée fonctionnaire au grade B*3 et affectée à la délégation de la Commission au Botswana.
3 La requérante s’est ensuite portée candidate au concours EPSO/AD/28/05 visant à constituer une liste de réserve de 100 lauréats pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 5 dans le domaine « Gestion des ressources financières ».
4 Comme il ressort de l’avis de concours EPSO/AD/28/05 publié au Journal officiel de l’Union européenne du 20 juillet 2005 (JO C 178 A, p. 3, ci-après l’« avis de concours »), ce concours comportait trois phases.
5 Premièrement, le concours s’ouvrait par trois tests de présélection, dans la deuxième langue choisie par le candidat, consistant en des questions à choix multiple. Les candidats ayant obtenu le minimum requis à chacun de ces tests et qui s’étaient classés parmi les 300 meilleurs candidats étaient admis à passer l’épreuve écrite.
6 Deuxièmement, l’épreuve écrite, dans la langue principale du candidat, portait sur un sujet au choix de celui-ci en rapport avec le domaine du concours et visait à évaluer les connaissances du candidat, ses capacités de compréhension, d’analyse et de synthèse, ainsi que ses capacités de rédaction. L’épreuve était notée de 0 à 50 points et le minimum requis était de 25 points. Les candidats ayant obtenu le minimum requis à l’épreuve écrite et qui s’étaient classés parmi les 150 meilleurs
candidats étaient invités à se présenter à l’examen oral.
7 Troisièmement, l’épreuve orale, toujours dans la langue principale du candidat, devait permettre au jury d’apprécier l’aptitude de ce dernier à exercer les fonctions correspondant aux emplois que le concours avait pour objet de pourvoir. Elle portait sur les connaissances spécifiques liées au domaine du concours et sur la connaissance de l’Union européenne, de ses institutions et de ses politiques. Les connaissances dans la deuxième langue étaient également examinées, ainsi que la capacité
d’adaptation au travail, au sein de la fonction publique européenne, dans un environnement multiculturel. L’épreuve était notée de 0 à 50 points, avec un minimum requis de 25 points.
8 Les tests de présélection et l’épreuve écrite ont eu lieu le 31 mars 2006. La requérante les a passés avec succès et a été invitée à l’épreuve orale, qui s’est déroulée le 10 janvier 2007 à Bruxelles.
9 Par lettre du 12 février 2007, l’Office de sélection du personnel des Communautés européennes (EPSO) a informé la requérante que le jury n’avait pas inscrit son nom sur la liste de réserve, puisque son résultat ne figurait pas parmi les 100 meilleurs résultats (ci-après la « décision litigieuse »). En effet, alors que le dernier candidat admis avait obtenu 56,1 points, la requérante n’avait totalisé que 54 points, soit 25/50 à l’épreuve écrite et 29/50 à l’épreuve orale.
10 Dans un courriel adressé à l’EPSO le 22 février 2007, la requérante s’est étonnée de la note obtenue à l’épreuve orale, a formulé des observations sur cette épreuve et, enfin, a sollicité un réexamen par le jury de ses épreuves écrite et orale.
11 Par lettre du 22 mars 2007, le président du jury a répondu à la requérante que le jury, après avoir procédé au réexamen des épreuves écrite et orale, avait confirmé le résultat de la requérante et lui a adressé sa copie de l’épreuve écrite ainsi que la feuille d’évaluation de cette copie par le jury.
12 Il ressort de la feuille d’évaluation de la copie de la requérante par le jury que ce dernier a jugé que la réponse de la requérante à la première question était « suffisante mais manquait de détails » du point de vue des connaissances, et « bonne » du point de vue des capacités d’analyse, de synthèse et de rédaction. Quant à la réponse à la question n° 3, choisie comme sujet d’examen par la requérante parmi les questions n° 2, n° 3 et n° 4, le jury a constaté qu’il y « manquait certains
concepts », tout en qualifiant la réponse de « suffisante », du point de vue des connaissances, et de « bonne », du point de vue des capacités d’analyse, de synthèse et de rédaction.
13 Le 29 mars 2007, la requérante a envoyé à l’EPSO un nouveau courrier, dans lequel elle soutenait qu’elle n’avait pas obtenu de réponse suffisante à ses remarques sur l’épreuve orale et jugeait les commentaires du jury particulièrement succincts. Elle demandait également l’équivalence en termes de points des commentaires « suffisant » et « bon ». Enfin, la requérante contestait l’appréciation de sa réponse à la question n° 3 de l’épreuve écrite.
14 Par lettre du 2 mai 2007, le président du jury a à nouveau répondu à la requérante. Il a en particulier justifié l’appréciation de la copie de la requérante par le jury. Il a indiqué que les quatre critères d’appréciation de cette épreuve n’avaient pas la même valeur, les connaissances dans le domaine de l’épreuve étant jugées plus importantes que les capacités de compréhension, d’analyse et d’expression. Le président du jury a exposé que, en ce qui concerne la première question, les lacunes
dans le contenu de l’essai avaient été compensées par la qualité de l’analyse, de la synthèse et de la rédaction, ce qui avait permis à la requérante d’obtenir la note de 25/50.
15 En ce qui concerne l’appréciation de la réponse à la question n° 3, le président du jury a apporté dans le courrier du 2 mai 2007 les explications suivantes :
« Puisque vous avez demandé davantage de détails en particulier concernant votre réponse à la question 3, l’opinion du jury est que votre réponse contenait de nombreuses faiblesses. D’abord, les critères de sélection n’étaient ni expliqués ni justifiés. Quels étaient les objectifs des plafonds proposés ? Pourquoi le chiffre d’affaires devrait-il être dix fois la valeur du marché ? Pourquoi 50 % du chiffre d’affaires devrait-il être réalisé dans le domaine du marché ? Pourquoi 50 % du personnel
devrait-il se consacrer au domaine du marché ? etc.
En ce qui concerne les critères d’attribution, la performance et la qualité de l’équipement n’ont pas été citées. Des critères comme, par exemple, le taux d’amortissement et le rapport entre le coût d’achat et le coût de maintenance n’étaient pas mentionnés. Les critères de l’expérience du personnel et de la société sont clairement des critères de sélection et non des critères d’attribution ; la simple mais cruciale date de livraison n’était pas non plus mentionnée.
En outre, les clauses contractuelles citées n’étaient pas toujours pertinentes (par exemple, la garantie de préfinancement) pour un tel marché, mais d’autres clauses possibles, plus importantes, manquaient, comme une clause relative aux sanctions en cas de retard ou de non-fonctionnement, à la responsabilité contractuelle pour les dommages causés par des fautes, à l’obligation de souscrire une assurance professionnelle. Des clauses d’annulation du contrat en cas de faute professionnelle n’étaient
pas non plus mentionnées. » (Traduction libre.)
(« As you specifically requested more detail as regards your answer to question 3, the opinion of the Board is that your answer contained many weaknesses. First, the selection criteria were not explained or justified. What were the purposes of the proposed ceilings ? Why would the turnover have to be 10 times the value of the market ? Why did 50 % of the turnover have to come from the tender domain? Why would 50 % of the personnel have to be dedicated to the tender domain ? etc.
As regards the award criteria there was no mention of performance and quality of the equipment. Criteria such as the rate of becoming obsolete and the purchase cost versus maintenance, for example, were not mentioned. The criteria on the experience of the personnel and the company are clearly selection criteria and not award criteria ; the simple but crucial date of delivery was also not mentioned.
Further the contractual clauses given were not always pertinent (e.g. Pre-financing guarantee) for such a market, but other more important possible clauses were missing such as a clause for the sanctions in case of delay or non-function, the contractual responsibility for damages resulting from faults, the obligation to subscribe a professional insurance. Clauses for cancelling the contract in case of professional misconduct were also not mentioned. »)
16 Le 3 mai 2007, la requérante a présenté une réclamation contre la décision litigieuse. Par décision du 31 juillet suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après « l’AIPN ») a rejeté cette réclamation.
Conclusions des parties
17 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision litigieuse ;
– condamner la Commission à lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle prétend avoir subi ;
– condamner la Commission à lui verser une indemnité d’un montant de 8 000 euros correspondant aux honoraires de ses avocats ;
– dire pour droit, à titre principal, que les autorités compétentes doivent inscrire son nom sur la liste de réserve ou, à titre subsidiaire, à défaut d’une telle inscription, lui verser une indemnité d’un montant de 384 000 euros en réparation du préjudice matériel prétendument subi ;
– condamner la Commission aux dépens.
18 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
Sur les conclusions en annulation
19 À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante soulève quatre moyens :
– le premier moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le jury dans l’appréciation de ses réponses aux épreuves écrite et orale ;
– le deuxième moyen, tiré de la violation de l’avis de concours, du principe d’égalité et du « principe du raisonnable » ;
– le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation ;
– le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation liée à l’absence de concordance entre la note chiffrée de l’épreuve écrite et les appréciations littérales du jury.
Sur les premier et le quatrième moyens, tirés d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le jury
Arguments des parties
– Sur le premier moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation qu’aurait commise le jury dans l’appréciation des réponses de la requérante aux épreuves écrite et orale
20 La requérante soutient, en premier lieu, que le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation en faisant état des « nombreuses faiblesses » de sa réponse à la question n° 3 de l’épreuve écrite. D’une part, il ne saurait être reproché à la requérante de ne pas avoir expliqué et justifié les critères de sélection relatifs à la capacité économique et technique des entreprises soumissionnaires, dès lors qu’il était demandé aux candidats de définir des critères de sélection et non de
justifier leur choix. D’ailleurs, les critères de sélection avancés par la requérante seraient si évidents que la motivation ou la justification de leur choix auraient été redondantes. D’autre part, les critères de sélection avancés par la requérante seraient à la fois pertinents et couramment utilisés dans la pratique, puisqu’ils figuraient dans le « Guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures » de la Commission. Dès lors que la requérante avait mentionné les
critères de ce guide de la Commission, le jury n’aurait pas pu considérer que sa réponse contenait de « nombreuses faiblesses ».
21 En deuxième lieu, le jury aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation en jugeant que l’expérience du personnel et celle de l’entreprise avaient été citées à tort par la requérante comme étant des critères d’attribution du marché, alors qu’il s’agirait de critères de sélection. En effet, le « Guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures » de la Commission mentionnerait les curriculum vitae des experts proposés, au nombre des critères
d’attribution des marchés de services. Ainsi, le jury aurait méconnu les règles que la Commission s’était fixée à elle-même et violé, par conséquent, le principe patere legem quam ipse fecisti.
22 En troisième lieu, le jury aurait soutenu à tort que les clauses contractuelles proposées par la requérante pour garantir la qualité des produits et des services et limiter les risques financiers n’étaient pas toujours pertinentes. La garantie de préfinancement, citée à titre d’illustration par le jury dans sa lettre du 2 mai 2007, serait, au contraire, non seulement pertinente, mais même obligatoire dans les contrats du Fonds européen de développement (FED).
23 Enfin, à la question, posée lors de l’épreuve orale, de savoir comment pouvait être réduit le risque de pertes financières suite à des variations des taux de change dans le cadre d’un contrat conclu entre parties de deux pays ayant des monnaies différentes, la requérante aurait apporté une réponse conforme à la pratique du FED : payer le prix en utilisant les deux monnaies et prévoir des clauses contractuelles permettant la révision des prix. C’est donc à tort que le jury aurait considéré
cette réponse comme insuffisante.
24 La Commission rappelle le caractère restreint du contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciations du jury.
25 En ce qui concerne l’épreuve écrite, la Commission estime que les diverses références au « Guide de l’Office de coopération EuropAid » faites par la requérante dans sa requête afin de démontrer le bien-fondé de ses réponses mettent en évidence une erreur de perspective. Ce guide traiterait de marchés de services conclus par le FED, alors que le libellé des questions de l’épreuve écrite ne mentionnait pas le FED et concernait des marchés de fournitures.
– Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence manifeste de concordance entre la note chiffrée de l’épreuve écrite et les appréciations littérales du jury
26 La requérante soutient que le jury aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, lorsqu’il a traduit en une note chiffrée l’appréciation de son épreuve écrite. Dès lors que le jury avait jugé ses réponses « suffisantes » au regard des connaissances et « bonnes » pour les capacités de compréhension, d’analyse, de synthèse et de rédaction dont elles témoignaient, le jury se serait manifestement mépris en lui attribuant la note de 25/50, c’est-à -dire la note minimale pour être admis Ã
passer l’épreuve orale.
27 En attribuant à la requérante la note de 25/50, le jury aurait, en outre, méconnu le principe d’égalité. En effet, le jury aurait traité la requérante comme n’importe quel candidat ayant obtenu deux fois l’appréciation « suffisant » pour ses connaissances et deux fois l’appréciation « suffisant » pour ses capacités d’analyse et de synthèse, de compréhension et de rédaction. La requérante estime que sa note aurait dû refléter qu’elle avait obtenu, pour tous les critères qui ne relevaient pas
des connaissances, la mention « bon ».
28 En tout état de cause, la note obtenue à l’épreuve écrite ne serait pas proportionnée à l’appréciation figurant sur la feuille d’évaluation.
29 La Commission rétorque qu’il n’y a aucune incohérence entre la note chiffrée de 25/50 et les commentaires. En effet, comme l’aurait expliqué le président du jury dans sa lettre du 2 mai 2007, les connaissances dans le domaine du concours auraient eu une importance prépondérante dans l’évaluation des candidats. À supposer qu’il y ait une incohérence entre la note chiffrée et les commentaires, celle-ci serait tout à fait négligeable et en aucun cas manifeste.
Appréciation du Tribunal
30 La requérante invoque deux erreurs manifestes d’appréciation, la première, qui entacherait l’appréciation par le jury des prestations des candidats, la seconde, affectant la concordance de la note chiffrée de l’épreuve écrite avec les appréciations littérales du jury.
31 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal sur une décision par laquelle un jury de concours refuse d’inscrire un candidat sur la liste des reçus.
32 Lorsqu’il est saisi de la légalité d’une telle décision, le Tribunal vérifie le respect des règles de droit applicables, c’est-à -dire les règles, notamment de procédure, définies par le statut et l’avis de concours, et celles qui président aux travaux du jury, en particulier le devoir d’impartialité du jury et le respect par ce dernier de l’égalité de traitement des candidats (arrêts du Tribunal de première instance du 5 mars 2003, Staelen/Parlement, T‑24/01, RecFP p. I‑A‑79 et II‑423,
points 47 à 52 ; du 25 juin 2003, Pyres/Commission, T‑72/01, RecFP p. I‑A‑169 et II‑861, points 32 à 42, et du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, RecFP p. I‑A‑343 et II‑1575, point 39), ainsi que l’absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 9 octobre 1974, Campogrande e.a./Commission, 112/73, 144/73 et 145/73, Rec. p. 957, points 34 à 53 ; arrêt du Tribunal de première instance du 11 février 1999, Jiménez/OHMI, T‑200/97, RecFP p. I‑A‑19 et II‑73, points 43 à 57). Dans
certaines hypothèses, dans lesquelles le jury ne dispose pas de marge d’appréciation, ce contrôle peut porter sur l’exactitude des faits sur lesquels le jury s’est fondé pour prendre sa décision (arrêt du Tribunal de première instance du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, non encore publié au Recueil, points 277 et 278).
33 En revanche, les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu’il évalue les connaissances et les aptitudes des candidats sont soustraites au contrôle du Tribunal (arrêt Campogrande e.a./Commission, précité, point 53 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 2005, Roccato/Commission, T‑267/03, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, point 42).
34 Il n’en va pas de même de la concordance de la note chiffrée avec les appréciations littérales du jury. En effet, cette concordance, garante de l’égalité de traitement des candidats, est l’une des règles qui président aux travaux du jury et dont il appartient au juge, en vertu de la jurisprudence susmentionnée, de vérifier le respect. De plus, la concordance de la note chiffrée et de l’appréciation littérale peut faire l’objet de la part du Tribunal d’un contrôle indépendant de celui de
l’appréciation des prestations des candidats faite par le jury, que le Tribunal se refuse à exercer, pourvu que le contrôle de la concordance se limite à vérifier l’absence d’incohérence manifeste. C’est pourquoi, dans l’arrêt du 13 décembre 2007, Van Neyghem/Commission (F‑73/06, non encore publié au Recueil, point 87), le Tribunal a examiné si, compte tenu de l’appréciation littérale portée sur la fiche d’évaluation d’une copie, le jury n’avait pas commis une erreur manifeste d’appréciation en
arrêtant la note de cette copie.
35 Il résulte, en premier lieu, de la jurisprudence rappelée au point 33 du présent arrêt, que la requérante ne saurait utilement invoquer devant le Tribunal l’erreur manifeste d’appréciation dont serait, à son avis, entachée l’appréciation par le jury des prestations des candidats et que le premier moyen ne peut, dès lors, qu’être rejeté.
36 Il résulte, en second lieu, du point 34 du présent arrêt qu’il appartient en revanche au Tribunal de vérifier si le jury du concours n’a pas attribué à la requérante une note manifestement incohérente avec les appréciations littérales qu’il a portées sur la feuille d’évaluation de sa copie.
37 La requérante fait valoir, en substance, que le jury aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en lui attribuant 25/50 à l’épreuve écrite, soit la note la plus basse qui permettait d’être admis à passer l’épreuve orale, alors qu’il avait jugé ses réponses aux deux questions de l’épreuve écrite « suffisantes », en ce qui concerne les connaissances, et « bonnes », du point de vue des capacités d’analyse, de synthèse et de rédaction.
38 Il convient de rappeler que, dans le cadre d’un concours, la valeur des prestations des candidats est appréciée de manière relative et que rien ne s’oppose, en particulier, à ce que seuls les candidats jugés d’un bon niveau soient admis à passer l’épreuve orale. Ainsi, la requérante n’est pas fondée à inférer de la note qu’elle a obtenue à l’épreuve écrite (25/50), juste suffisante pour qu’elle soit admise à passer l’épreuve orale, que le jury n’aurait pas jugé sa copie satisfaisante. Dans
ces conditions, le fait que la requérante ait obtenu la note minimale lui permettant de présenter l’épreuve orale, alors que ses réponses écrites avaient été jugées globalement plus que suffisantes, ne révèle pas une discordance manifeste entre la note et l’appréciation littérale. Par suite, une erreur manifeste d’appréciation ne saurait être déduite, en l’espèce, de la comparaison entre la note attribuée à la copie de l’intéressée et les appréciations littérales portées par le jury sur cette copie.
39 Le quatrième moyen de la requête doit, dès lors, être écarté.
Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’avis de concours, du principe d’égalité et du « principe du raisonnable »
Arguments des parties
40 Selon la requérante, alors que l’avis de concours prévoyait que l’épreuve écrite visait à examiner « les connaissances du candidat, ses capacités de compréhension, d’analyse et de synthèse, ainsi que ses capacités de rédaction », le jury n’aurait évalué que les connaissances de la requérante. Le critère des connaissances aurait, en tous cas, été priviligié au détriment des autres critères.
41 Le respect de l’avis de concours visant à assurer le traitement égal des candidats, l’égalité de traitement n’aurait plus été garantie, dès lors que l’avis de concours n’aurait pas été respecté.
42 La note obtenue par la requérante à l’épreuve écrite, juste suffisante pour qu’elle soit admise à présenter l’épreuve orale, reflèterait uniquement l’appréciation « suffisante » portée par le jury sur les connaissances de la requérante et non l’appréciation favorable dont sa copie avait fait l’objet au regard des qualités d’analyse, de synthèse et de rédaction. La discordance entre la note et les appréciations littérales mettrait ainsi en évidence que le critère de la connaissance a été
excessivement valorisé, sinon pris en considération de manière exclusive. Le jury aurait ainsi méconnu le « principe du raisonnable ».
43 La Commission relève que l’épreuve écrite a été évaluée au regard de l’ensemble des critères prévus et estime que, s’agissant d’un concours organisé pour le recrutement de fonctionnaires ayant une compétence spécifique dans le domaine de la gestion des ressources financières, il était raisonnable d’accorder une importance prépondérante aux connaissances des candidats dans ce domaine.
Appréciation du Tribunal
44 La requérante présente deux arguments à l’appui du moyen tiré de la violation de l’avis de concours, du principe d’égalité et du « principe du raisonnable ».
45 En premier lieu, elle allègue que le jury aurait uniquement pris en compte les connaissances des candidats dans le domaine du concours, à savoir la gestion des ressources financières, et non les autres critères d’évaluation de l’épreuve écrite énoncés dans l’avis de concours. Cette allégation est clairement contredite par les appréciations littérales portées par le jury sur la feuille d’évaluation de la copie de la requérante. En effet, ces appréciations portent à la fois sur les
connaissances de la requérante, jugées « suffisantes », et sur les capacités d’analyse, de synthèse et de rédaction, qualifiées de « bonnes ».
46 La requérante estime, en second lieu, non sans contradiction avec l’argument précédent, que, parmi les critères de sélection énumérés par l’avis de concours, le jury a attribué illégalement une valeur prépondérante au critère des connaissances dans le domaine du concours. Il n’est pas contesté que le jury a effectivement retenu ce critère comme le plus important.
47 Néanmoins, la hiérarchisation des critères opérée par le jury n’est pas contraire à l’avis de concours, dès lors que ce dernier n’indiquait pas que les critères énumérés auraient la même importance dans l’évaluation des candidats.
48 De plus, la hiérarchisation des critères n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité de traitement des candidats. La requérante n’a d’ailleurs pas soutenu que le jury aurait fait une application différente de ces critères aux autres candidats.
49 Enfin, la requérante se fonde exclusivement sur la discordance, selon elle manifeste, entre la note qu’elle a obtenue à l’épreuve écrite et les appréciations littérales du jury sur sa copie pour soutenir que le jury aurait accordé une importance manifestement disproportionnée au critère des connaissances. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 38 du présent arrêt, aucune discordance manifeste ne peut être relevée entre la note obtenue par la requérante à l’épreuve écrite et les appréciations
littérales du jury, contrairement à ce que soutient la requérante.
50 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, tiré de la violation du devoir de motivation
Arguments des parties
51 Selon la requérante, le président du jury aurait affirmé, dans sa lettre du 2 mai 2007, que sa réponse à la question n° 3 de l’épreuve écrite contenait de « nombreuses faiblesses », alors que, sur la feuille d’évaluation, le jury aurait indiqué que ladite réponse omettait certains concepts mais était suffisante. Compte tenu de ces contradictions, l’appréciation du jury ne pourrait être regardée comme motivée.
52 Dans aucune de ses réponses aux courriers que lui a adressés la requérante, le jury n’aurait justifié en quoi la réponse orale de celle-ci à la question relative aux risques financiers induits par les variations des taux de change n’était pas satisfaisante. Le jury aurait ainsi méconnu son obligation de motivation.
53 La Commission fait valoir que, ainsi que l’a jugé la Cour dans l’arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati (C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 31), la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury. L’institution en déduit que le défaut de motivation ne saurait se fonder sur une prétendue incohérence entre deux pièces créées postérieurement à l’attribution de la note. En outre, la requérante aurait obtenu toutes les
explications nécessaires aux stades de la procédure de réexamen et de la procédure précontentieuse. La Commission relève que la requérante a obtenu la communication non seulement de sa copie, mais aussi de la feuille d’évaluation de celle-ci.
54 En ce qui concerne la question posée à la requérante lors de l’épreuve orale sur la manière de se prémunir du risque financier lié à la variation des taux de change, le jury aurait déjà expliqué à la requérante que sa réponse n’était pas totalement erronée mais qu’il existait des réponses plus appropriées et mieux argumentées que la sienne.
Appréciation du Tribunal
55 L’obligation de motivation d’une décision d’un jury doit, d’une part, être conciliée avec le secret qui entoure les travaux de ce dernier. Le respect de ce secret s’oppose tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tout élément ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 24).
56 Il importe, d’autre part, que l’obligation de motivation n’alourdisse pas de manière intolérable les opérations des jurys et les travaux de l’administration du personnel (arrêts de la Cour du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec p. 553, point 6, et, a contrario, du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, non encore publié au recueil, point 58). C’est pourquoi, dans un concours à participation nombreuse, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une
motivation suffisante des décisions du jury (arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 31).
57 En l’espèce, à l’issue des épreuves de présélection, 300 candidats ont été admis à présenter l’épreuve écrite du concours et une liste de réserve de 100 candidats a finalement été établie. Le concours auquel a participé la requérante était ainsi un concours à participation nombreuse. Dans ces conditions, ainsi qu’il est rappelé au point précédent, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constituait une motivation suffisante des décisions prises par le jury au sujet de
chaque candidat. Or, il est constant que la requérante a obtenu la communication de ses notes. En outre, en tout état de cause, la requérante a reçu d’autres éléments lui permettant de connaître plus précisément encore les raisons de son échec au concours, tels que sa copie de l’épreuve écrite, la feuille d’évaluation de cette copie et une lettre d’explications, en date du 2 mai 2007, que lui a adressée le président du jury. Il suit de là que le troisième moyen, tiré du défaut de motivation de la
décision litigieuse ne peut être accueilli.
58 Les conclusions tendant à l’annulation de ladite décision doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires
59 La requérante demande à être indemnisée des préjudices matériel et moral que lui aurait causés la décision litigieuse. Dès lors, le rejet des conclusions dirigées contre cette décision implique celui des conclusions indemnitaires de la requête.
60 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la requête doit être rejetée.
Sur les dépens
61 En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1^er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes
devant le Tribunal avant cette date.
62 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 de ce règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La requête de M^me Coto Moreno est rejetée.
2) Chaque partie supporte ses propres dépens.
Mahoney Kanninen Gervasoni
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 septembre 2008.
Le greffier Le président
W. Hakenberg P. Mahoney
Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu
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* Langue de procédure : le français.