ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
8 juillet 2008 ( *1 )
«Responsabilité non contractuelle — Fonction publique — Enquêtes de l’OLAF — Affaire ‘Eurostat’ — Transmission à des autorités judiciaires nationales d’informations relatives à des faits susceptibles de poursuites pénales — Absence d’information préalable des fonctionnaires concernés et du comité de surveillance de l’OLAF — Fuites dans la presse — Divulgation par l’OLAF et par la Commission — Violation du principe de la présomption d’innocence — Préjudice moral — Lien de causalité»
Dans l’affaire T-48/05,
Yves Franchet, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Nice (France),
Daniel Byk, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg),
représentés par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,
parties requérantes,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par M. J.-F. Pasquier, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande en réparation du préjudice matériel et moral prétendument subi du fait des fautes prétendument commises par la Commission et l’OLAF dans le cadre des enquêtes concernant l’affaire « Eurostat »,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili (rapporteur) et M. T. Tchipev, juges,
greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 octobre 2007,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 L’Office européen de lutte antifraude (OLAF), institué par la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999 (JO L 136, p. 20), est chargé, notamment, d’effectuer, à l’intérieur des institutions, des enquêtes administratives destinées à rechercher les faits graves, liés à l’exercice d’activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales.
2 Le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF (JO L 136, p. 1), régit les contrôles, vérifications et actions entrepris par les agents de l’OLAF dans l’exercice de leurs fonctions. Les enquêtes effectuées par l’OLAF consistent en des enquêtes « externes », c’est-à-dire à l’extérieur des institutions de la Communauté, et en des enquêtes « internes », c’est-à-dire à l’intérieur de ces institutions.
3 Le considérant 10 du règlement no 1073/1999 dispose :
« considérant que ces enquêtes doivent être conduites conformément au traité, et notamment au protocole sur les privilèges et immunités, dans le respect du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et du régime applicable aux autres agents […] ainsi que dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du principe d’équité, du droit pour la personne impliquée de s’exprimer sur les faits qui la concernent et du droit à ce que seuls les éléments
ayant une valeur probante puissent fonder les conclusions d’une enquête ; que, à cet effet, les institutions, organes et organismes devront prévoir les conditions et modalités selon lesquelles ces enquêtes internes sont exécutées ; que, en conséquence, il conviendra de modifier le statut afin d’y prévoir les droits et obligations des fonctionnaires et autres agents en matière d’enquêtes internes ».
4 Le considérant 13 du règlement no 1073/1999 dispose :
« considérant qu’il incombe aux autorités nationales compétentes ou, le cas échéant, aux institutions, organes ou organismes de décider des suites à donner aux enquêtes terminées, sur la base du rapport établi par l’[OLAF] ; qu’il convient, cependant, de prévoir l’obligation pour le directeur de l’[OLAF] de transmettre directement aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations que l’[OLAF] aura recueillies lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites
pénales ».
5 L’article 4 du règlement no 1073/1999 est libellé comme suit :
« Enquêtes internes
1. Dans les domaines visés à l’article 1er, l’[OLAF] effectue les enquêtes administratives à l’intérieur des institutions, organes et organismes […]
Ces enquêtes internes sont exécutées dans le respect des règles des traités, notamment du protocole sur les privilèges et immunités, ainsi que du statut, dans les conditions et selon les modalités prévues par le présent règlement et par des décisions que chaque institution, organe et organisme adopte. Les institutions se concertent sur le régime à établir par une telle décision.
[…]
5. Lorsque les investigations révèlent la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, dirigeant, fonctionnaire ou agent, l’institution, l’organe ou l’organisme auquel il appartient en est informé.
Dans des cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête ou exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, cette information peut être différée.
[…] »
6 En vertu de l’article 6, paragraphe 5, du règlement no 1073/1999 :
« Les enquêtes sont conduites sans désemparer pendant une période de temps qui doit être proportionnée aux circonstances et à la complexité de l’affaire. »
7 L’article 8 du règlement no 1073/1999, intitulé « Confidentialité et protection des données », est libellé comme suit :
« 1. Les informations obtenues dans le cadre des enquêtes externes, sous quelque forme que ce soit, sont protégées par les dispositions relatives à ces enquêtes.
2. Les informations communiquées ou obtenues dans le cadre des enquêtes internes, sous quelque forme que ce soit, sont couvertes par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée par les dispositions applicables aux institutions des Communautés européennes.
Ces informations ne peuvent notamment être communiquées à des personnes autres que celles qui, au sein des institutions des Communautés européennes ou des États membres sont, par leurs fonctions, appelées à les connaître ni être utilisées à des fins différentes de la lutte contre la fraude, contre la corruption et contre toute autre activité illégale.
3. Le directeur veille à ce que les agents de l’[OLAF] et les autres personnes agissant sous son autorité respectent les dispositions communautaires et nationales relatives à la protection des données à caractère personnel, et notamment celles prévues par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [JO L 281, p. 31].
4. Le directeur de l’[OLAF] et les membres du comité de surveillance visé à l’article 11 veillent à l’application des dispositions du présent article ainsi que des articles 286 [CE] et 287 [CE]. »
8 L’article 9 du règlement no 1073/1999, intitulé « Rapport d’enquête et suites des enquêtes », dispose :
« 1. À l’issue d’une enquête effectuée par l’[OLAF], celui-ci établit sous l’autorité du directeur un rapport qui comporte notamment les faits constatés, le cas échéant le préjudice financier et les conclusions de l’enquête, y compris les recommandations du directeur de l’[OLAF] sur les suites qu’il convient de donner.
2. Ces rapports sont établis en tenant compte des exigences de procédure prévues par la loi nationale de l’État membre concerné. Les rapports ainsi dressés constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Ils sont soumis aux mêmes règles d’appréciation que celles
applicables aux rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux et ont une valeur identique à ceux-ci.
3. Le rapport établi à la suite d’une enquête externe et tout document utile y afférent sont transmis aux autorités compétentes des États membres concernés conformément à la réglementation relative aux enquêtes externes.
4. Le rapport établi à la suite d’une enquête interne et tout document utile y afférent sont transmis à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné. Les institutions, organes et organismes donnent aux enquêtes internes les suites, notamment disciplinaires et judiciaires, que leurs résultats appellent et informent le directeur de l’[OLAF], dans un délai que celui-ci aura fixé dans les conclusions de son rapport, des suites données aux enquêtes. »
9 L’article 10 du règlement no 1073/1999, intitulé « Transmission d’informations par l’[OLAF] », dispose :
« 1. Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement et des dispositions du règlement (Euratom, CE) no 2185/96, l’[OLAF] peut transmettre à tout moment aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes.
2. Sans préjudice des articles 8, 9 et 11 du présent règlement, le directeur de l’[OLAF] transmet aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues par l’[OLAF] lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales. Sous réserve des nécessités de l’enquête, il en informe simultanément l’État membre concerné.
3. Sans préjudice des articles 8 et 9 du présent règlement, l’[OLAF] peut transmettre à tout moment à l’institution, organe ou organisme concerné des informations obtenues au cours d’enquêtes internes. »
10 L’article 11 du règlement no 1073/1999, intitulé « Comité de surveillance », dispose :
« 1. Le comité de surveillance, par le contrôle régulier qu’il exerce sur l’exécution de la fonction d’enquête, conforte l’indépendance de l’[OLAF].
À la demande du directeur ou de sa propre initiative, le comité de surveillance donne des avis au directeur concernant les activités de l’[OLAF], sans interférer toutefois dans le déroulement des enquêtes en cours.
[…]
7. Le directeur transmet au comité de surveillance, chaque année, le programme des activités de l’[OLAF] visées à l’article 1er du présent règlement. Le directeur tient le comité régulièrement informé des activités de l’[OLAF], de ses enquêtes, de leurs résultats et des suites qui leur ont été données. Lorsqu’une enquête est engagée depuis plus de neuf mois, le directeur informe le comité de surveillance des raisons qui ne permettent pas encore de conclure l’enquête et du délai prévisible
nécessaire à son achèvement. Le directeur informe le comité des cas où l’institution, l’organe ou l’organisme concerné n’a pas donné suite aux recommandations qu’il a faites. Le directeur informe le comité des cas nécessitant la transmission d’informations aux autorités judiciaires d’un État membre.
[…] »
11 L’article 12, paragraphe 3, deuxième et troisième alinéas, du règlement no 1073/1999 dispose :
« Le directeur fait rapport régulièrement au Parlement européen, au Conseil, à la Commission et à la Cour des comptes sur les résultats des enquêtes effectuées par l’[OLAF], dans le respect de la confidentialité de celles-ci, des droits légitimes des personnes concernées et, le cas échéant, dans le respect des dispositions nationales applicables aux procédures judiciaires.
Ces institutions assurent le respect de la confidentialité des enquêtes effectuées par l’[OLAF], des droits légitimes des personnes concernées et, dans le cas d’existence de procédures judiciaires, de toutes dispositions nationales applicables à ces procédures. »
12 La décision 1999/396/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 2 juin 1999, relative aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés (JO L 149, p. 57), prévoit, dans son article 4, les modalités pour l’information de l’intéressé dans les termes suivants :
« Dans le cas où apparaît la possibilité d’une implication personnelle d’un membre, d’un fonctionnaire ou d’un agent de la Commission, l’intéressé doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête. En tout état de cause, des conclusions visant nominativement un membre, un fonctionnaire ou un agent de la Commission ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent.
Dans des cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, l’obligation d’inviter le membre, le fonctionnaire ou l’agent de la Commission à s’exprimer peut être différée en accord avec, respectivement, le président de la Commission ou le secrétaire général de celle-ci. »
13 En vertu de l’article 2 du règlement intérieur du comité de surveillance de l’OLAF (JO 2000, L 41, p. 12), intitulé « Respect de la légalité » :
« Le comité veille à ce que les activités de l’OLAF soient conduites dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et conformément aux traités et au droit dérivé, notamment au protocole sur les privilèges et immunités, et au statut des fonctionnaires. »
14 En vertu de l’article 14, paragraphes 1 à 3, du règlement intérieur du comité de surveillance de l’OLAF :
« 1. Les réunions du comité de surveillance ne sont pas publiques. Ses délibérations ainsi que les documents de toute nature ayant conduit à ces délibérations sont confidentiels, à moins que le comité de surveillance n’en décide autrement.
2. Les documents et informations présentés par le directeur de l’OLAF sont soumis aux dispositions de l’article 287 [CE] sur la protection du secret.
3. Le comité de surveillance délibère sur la base de documents et de projets d’avis, de rapports ou de décisions. »
15 L’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), signée à Rome le 4 novembre 1950, concernant le droit à un procès équitable, dispose :
« […]
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
[…] »
16 La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1, ci-après la « charte ») prévoit :
« Article 41
Droit à une bonne administration
1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union.
2. Ce droit comporte notamment :
— le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;
— le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;
— l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions.
3. Toute personne a droit à la réparation par la Communauté des dommages causés par les institutions, ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres.
[…]
Article 48
Présomption d’innocence et droits de la défense
1. Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
2. Le respect des droits de la défense est garanti à tout accusé. »
Faits à l’origine du litige
17 Les requérants, MM. Yves Franchet et Daniel Byk, sont, respectivement, ancien directeur général et ancien directeur d’Eurostat (Office statistique des Communautés européennes).
18 Plusieurs audits internes d’Eurostat ont mis en évidence d’éventuelles irrégularités dans la gestion financière. En conséquence, l’OLAF a ouvert plusieurs enquêtes concernant, notamment, les contrats conclus par Eurostat avec les sociétés Eurocost, Eurogramme, Datashop, Planistat et CESD Communautaire et les subventions accordées à celles-ci.
19 Le 4 juillet 2002, l’OLAF a communiqué aux autorités judiciaires luxembourgeoises un dossier relatif à l’enquête concernant Eurocost ainsi qu’un autre dossier relatif à l’enquête concernant Eurogramme.
20 Le 13 novembre 2002, M. Franchet a adressé une lettre au directeur général de l’OLAF, libellée dans les termes suivants :
« […]
J’apprends par la Cocobu que vous leur avez donné des informations concernant les dossiers que vous aviez adressés aux autorités judiciaires luxembourgeoises, informations que je n’ai pas ; je lis dans le magazine Stern que vous avez identifié à Eurostat ‘toute une série de cas’, à propos desquels vos services ne m’ont rien communiqué.
[…] »
21 Le 13 mars 2003, le Parlement a adopté une résolution concernant l’affaire Eurostat.
22 Le 19 mars 2003, le directeur général de l’OLAF a envoyé aux autorités judiciaires françaises une lettre ayant comme objet « Transmission d’informations relatives à des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale CMS N° IO/2002/0510 — Eurostat/Datashop/Planistat » (ci-après la « lettre du 19 mars 2003 »), accompagnée d’une note de deux enquêteurs de l’OLAF, adressée le même jour au directeur général de l’OLAF, ayant comme objet « Dénonciation de faits susceptibles de qualifications
pénales CMS N° IO/2002/0510 — Eurostat/Datashop/Planistat » (ci-après la « note du 19 mars 2003 »).
23 Le 3 avril 2003, le directeur général de l’OLAF a adressé une note de synthèse à l’attention du secrétaire général de la Commission, sur les enquêtes en cours relatives à Eurostat.
24 Le 19 mai 2003, les requérants ont demandé à la Commission « l’assistance au titre de l’article 24 du statut pour préserver [leur] réputation et [leurs] droits de [la] défense contre les auteurs et ceux qui diffusent ces informations mensongères » et d’être déchargés de leurs fonctions pour pouvoir assurer leur défense.
25 Le 21 mai 2003, les requérants ont fait l’objet d’une mutation à leur propre demande.
26 Le 26 mai 2003, les requérants ont adressé deux lettres au directeur général de l’OLAF et ont demandé, notamment, d’être informés « le plus rapidement possible des griefs et accusations formulés par l’OLAF » à leur égard afin d’assurer le respect des droits de la défense dans le cadre des auditions fixées pour la fin de juin 2003. Ils ont demandé, ainsi, un accès à l’intégralité du dossier. Ils ont souligné qu’ils n’avaient pas été informés, ni entendus, avant la communication des dossiers aux
autorités judiciaires nationales. En outre, ils ont indiqué qu’« il paraî[ssait] également manifeste que des fuites d’éléments confidentiels [avaie]nt eu lieu depuis l’OLAF vers la presse, ces fuites ayant été, le cas échéant, volontairement organisées dans le cadre d’une campagne de dénigrement et de mise en cause d’Eurostat, voire même d’autres personnes haut placées au sein de la Commission ».
27 Le même jour, les requérants ont également adressé deux lettres au comité de surveillance de l’OLAF en l’informant qu’ils avaient appris par la presse que l’OLAF avait saisi des autorités judiciaires nationales d’un dossier comportant des accusations se référant « à des infractions d’abus de confiance, de recel de confiance et de constitution d’une association de malfaiteurs », qu’ils n’avaient jamais été entendus par l’OLAF et qu’il y avait eu des fuites. Ils ont demandé au comité de
surveillance de se « prononcer sur le comportement inadmissible de l’OLAF qui, soit a[vait] organisé ces fuites, soit n’a[vait] pas pris toutes les mesures nécessaires pour les éviter, assumant ainsi son entière responsabilité à [leur] égard […] et d’enjoindre, d’autre part, à l’OLAF, de veiller à ce que leurs droits fondamentaux soient désormais intégralement respectés ».
28 Le 26 mai 2003, les requérants ont encore adressé deux lettres, respectivement au secrétaire général de la Commission et à un directeur général de celle-ci, en demandant à la Commission de préciser le contenu de l’assistance que celle-ci avait accepté de leur accorder. Ils ont également demandé de pouvoir consulter les éléments relatifs au dossier de l’OLAF éventuellement à la disposition de la Commission.
29 Le 5 juin 2003, les requérants se sont adressés au directeur général de l’OLAF en lui demandant d’avoir accès au dossier avant les auditions prévues pour la fin de juin 2003.
30 Le 11 juin 2003, la Commission a donné mandat au service d’audit interne (SAI) d’examiner des contrats conclus et des subventions accordées par Eurostat dans le contexte du suivi de la procédure de décharge. Le SAI a établi trois rapports, le premier en date du 7 juillet, le deuxième en date du 24 septembre et le troisième en date du 22 octobre 2003.
31 Au cours des mois de juin et de juillet 2003, la commission du contrôle budgétaire du Parlement (Cocobu) s’est réunie et a procédé à un échange de vues sur le dossier Eurostat avec, notamment, certains membres de la Commission.
32 Le 18 juin 2003, les requérants se sont adressés de nouveau au directeur général de l’OLAF en soulignant que le « droit d’être entendu suppos[ait] que l’intéressé soit informé des griefs qui lui sont reprochés et qu’il ait accès au dossier », en indiquant que les auditions prévues pour la fin de juin ne pouvaient alors avoir lieu de façon régulière. Ils ont constaté que « [d]ès que l’accès au dossier pourra[it] se réaliser et que les conseils et leurs clients [pourraient] disposer du temps utile
pour examiner les pièces, les auditions pourr[ai]nt se poursuivre ».
33 Le 23 juin 2003, lors d’une première audition de l’OLAF, M. Franchet a déposé une déclaration préalable avec une note juridique relative aux droits de la défense. Les 25 et 26 juin 2003, il a été entendu par l’OLAF sur le dossier Eurocost. Les 26 et 27 juin 2003, il a été entendu sur les dossiers Datashop et Planistat et, le 2 juillet 2003, sur le dossier CESD Communautaire.
34 Le 1er juillet 2003, M. P., chef d’unité au secrétariat général de la Commission, a envoyé une note à l’attention des membres de la Commission concernant la réunion de la Cocobu ainsi que l’échange de vues avec le secrétaire général de la Commission et le directeur général de l’OLAF du 30 juin 2003.
35 Les 3 et 4 juillet 2003, M. Byk a été entendu par l’OLAF sur les dossiers Datashop et Planistat. Il a également déposé une déclaration préliminaire avec une note juridique relative aux droits de la défense.
36 Le 9 juillet 2003, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre des requérants. Cette procédure a aussitôt été suspendue en raison du fait que l’enquête de l’OLAF était toujours en cours. La Commission a également mis en place une équipe opérationnelle multidisciplinaire dite « task-force » (ci-après la « task-force »).
37 Le même jour, la Commission a publié un communiqué de presse, intitulé « La Commission prend des mesures à la suite de malversations financières à Eurostat » (IP/03/979).
38 Le 17 juillet 2003, les requérants ont adressé des lettres au président de la Commission, en l’informant de leur situation.
39 Le 22 juillet 2003, les requérants ont adressé une lettre à la Commission, en faisant état des fautes que cette dernière avait prétendument commises et engageant sa responsabilité. Ils ont également demandé que la Commission leur communique les documents cités dans les décisions d’ouverture des procédures disciplinaires.
40 Les procès-verbaux des auditions des requérants de la fin du mois de juin et du début du mois de juillet ont été établis le 11 août 2003.
41 Le 24 septembre 2003, le directeur général de l’OLAF a communiqué au président de la Commission un « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées ». Selon la note de transmission, « cette note de synthèse ne p[ouvait] en aucune manière être considérée comme constituant un rapport final d’enquête au sens du règlement no 1073/1999 » et elle « n’a[vait] pour seule ambition que de mettre en évidence les principales conclusions qui se dégage[aie]nt des enquêtes réalisées ».
42 Ce résumé, accompagné d’un rapport intitulé « Rapport de la task-force Eurostat (TFES) — Résumé et conclusions » et d’une note d’information concernant Eurostat, fondée sur le second rapport intermédiaire établi par le SAI, ont été communiqués le même jour au Parlement.
43 Le 25 septembre 2003, l’OLAF a établi les rapports d’enquête finaux, au sens de l’article 9 du règlement no 1073/1999, dans les affaires Eurocost, Datashop, Planistat et CESD Communautaire.
44 Le même jour, le président de la Commission a été entendu par la Cocobu et il a également prononcé un discours devant la conférence des présidents de groupes parlementaires du Parlement.
45 Le 25 septembre 2003, les requérants ont adressé une lettre à la Commission en se référant aux documents communiqués le 24 septembre 2003 au Parlement. Dans cette lettre, ils considéraient qu’« il [était] inacceptable qu[’ils] soient publiquement mis en cause sans avoir accès aux documents qui les accus[aient] » et s’interrogeaient sur la question de savoir s’« il [était] normal qu’une nouvelle fois, [ils] apprennent par la presse qu’ils [étaie]nt accusés de diverses malversations ». Par cette
lettre, ils demandaient en outre à la Commission de leur communiquer ces rapports ainsi que les documents demandés par la lettre du 22 juillet 2003, à savoir :
« — la note du 3 avril 2003 (004201) et les notes du 19 mars 2003 (003441 et 003440) établies par l’OLAF ;
— le rapport de la DG [‘]Budget[’]du 4 juillet 2003 (‘DGBUDG Report — Analysis of audit reports on Eurostat systems for grants and procurement’) ;
— le rapport du [SAI] de la Commission du 7 juillet 2003 (‘First Interim Report — IAS examination of Eurostat contracts and grants : reportable events’) ;
— les trois rapports préparés par [le SAI], la task-force et l’OLAF pour l’audition du [président de la Commission] le 25 septembre 2003 ».
46 Le 1er octobre 2003, la Commission a adopté une décision portant réorganisation d’Eurostat, avec effet au 1er novembre 2003. Il a été décidé de supprimer une direction et une fonction de directeur.
47 Le 10 octobre 2003, les requérants ont reçu une copie des rapports finaux du 25 septembre 2003 dans les affaires Eurocost, Datashop et CESD Communautaire ainsi qu’une copie des trois documents communiqués au Parlement le 24 septembre 2003, mentionnés au point 42 ci-dessus. À la même date, ils ont reçu les documents mentionnés dans les décisions d’ouverture des procédures disciplinaires, demandés par les lettres des 22 juillet et 25 septembre 2003, à l’exception de la lettre et de la note du 19
mars 2003, au motif qu’« il s’agi[ssait] du courrier adressé par l’OLAF aux autorités judiciaires françaises à Paris et que ce dernier f[ais]ait donc partie intégrante d’une procédure d’instruction au niveau national ».
48 Le 23 octobre 2003, les requérants ont introduit une demande sur la base de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») visant à la réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par la Commission, y compris celles imputables à l’OLAF.
49 Par décision du 10 mai 2004, reçue par les requérants le 17 mai 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette demande.
50 Le 19 mai 2004, les requérants ont introduit une réclamation sur la base de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 10 mai 2004. Le 5 août 2004, les requérants ont introduit un complément à leur réclamation.
51 Par décision du 27 octobre 2004, notifiée aux requérants par lettre du 3 novembre 2004, l’AIPN a explicitement rejeté cette réclamation.
Procédure et conclusions des parties
52 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 janvier 2005, les requérants ont introduit le présent recours.
53 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et a, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, invité les parties à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites. Elles ont partiellement déféré à ces demandes dans les délais impartis.
54 Par ordonnance du 6 juin 2007, conformément à l’article 65, sous b), à l’article 66, paragraphe 1, et à l’article 67, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal a enjoint à la Commission de produire tous les documents transmis aux autorités judiciaires françaises dans le cadre de l’affaire Eurostat, tout en prévoyant que ces documents ne seraient pas communiqués aux requérants à ce stade. Il a été satisfait à cette demande.
55 Le 11 juin 2007, la Commission a déposé ses observations sur les réponses des requérants aux questions et demandes de production de documents du Tribunal. Le même jour, les requérants ont déposé leurs observations sur les réponses de la Commission auxdites questions et demandes.
56 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 3 octobre 2007.
57 Lors de l’audience, les parties ont confirmé que, parmi les documents produits par la Commission à la suite de la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal, les seuls documents dont les requérants ne disposaient pas étaient les annexes de la note du 19 mars 2003, la plainte du 10 juillet 2003 et le rapport final Planistat. Les requérants ont donné leur accord pour que le Tribunal puisse utiliser, le cas échéant, les informations contenues dans ces documents, qui ne leur avaient pas été
communiqués, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal. Le Tribunal a estimé nécessaire d’utiliser seulement les documents dont les requérants disposaient.
58 Lors de l’audience, à la suite de la demande du Tribunal, la Commission a déposé une note de l’OLAF en date du 16 mai 2003. Les requérants ne se sont pas opposés à un tel dépôt, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal.
59 Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
— condamner la Commission à leur payer une somme provisoirement évaluée à 1 million d’euros en réparation de leur préjudice matériel et moral ;
— condamner la Commission aux dépens.
60 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
— rejeter le recours ;
— condamner les requérants aux dépens.
En droit
61 À l’appui de leur recours en indemnité, les requérants invoquent l’existence de fautes commises à la fois par l’OLAF et par la Commission, la survenance d’un préjudice matériel et moral grave ainsi qu’un lien de causalité direct entre les prétendues fautes commises et le préjudice qui en serait découlé.
62 À titre préliminaire, la Commission conteste la production par les requérants de certains documents du comité de surveillance de l’OLAF, joints en annexe de la requête.
63 La Commission considère également que le recours en indemnité est partiellement prématuré.
I — Sur la demande de retrait de certaines annexes de la requête
A — Arguments des parties
64 La Commission demande que certains documents du comité de surveillance de l’OLAF produits par les requérants à l’appui de leur requête soient écartés du dossier. Il s’agit de six annexes de la requête.
65 D’une part, la Commission soutient que ces documents sont de nature interne et n’ont pas vocation à être rendus publics. D’autre part, ils auraient été obtenus par les requérants par des moyens illégitimes et devraient, dès lors, être écartés du dossier, y compris les références et citations reprises dans la requête (arrêt de la Cour du 17 décembre 1981, Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, 197/80 à 200/80, 243/80, 245/80 et 247/80, Rec. p. 3211, points 13 à 16).
66 La Commission souligne que des documents internes confidentiels ne peuvent être produits par des requérants à l’appui de leurs recours que si ceux-ci sont en état de démontrer qu’ils les ont obtenus par des moyens légitimes.
67 Or, en l’espèce, les documents en question seraient bien des documents internes du comité de surveillance de l’OLAF et, en vertu de l’article 14 du règlement intérieur de celui-ci, ils seraient confidentiels. Le comité de surveillance n’aurait jamais décidé de lever la confidentialité qui s’attacherait à ces documents et de les rendre publics, ni même de les communiquer aux requérants dans le cadre de leur défense. Étant donné qu’il s’agirait de documents destinés à demeurer purement internes, le
fait que ces documents ne soient pas revêtus de la mention « confidentiel » ne serait pas de nature à leur faire perdre leur confidentialité.
68 En tout état de cause, selon la Commission, il appartient aux requérants d’indiquer par quels moyens légitimes ils ont pu obtenir ces documents, par exemple par une demande d’accès suivie d’une réponse favorable du comité de surveillance de l’OLAF. Ne constituerait pas une justification de l’obtention légitime desdits documents la production par les requérants d’attestations selon lesquelles ils n’ont ni soustrait, ni volé, ni intercepté aucun document interne produit par le secrétariat du comité
de surveillance de l’OLAF, ce dont la Commission ne les aurait jamais accusé.
69 Enfin, selon la Commission, aucun de ces documents n’est de nature à prouver en quoi que ce soit les prétendues fautes de l’OLAF ou de la Commission.
70 Les requérants contestent la nature confidentielle de ces documents ainsi que le fait qu’ils les auraient obtenus par des moyens illégitimes.
71 Les requérants soulignent que si, dans un dossier tel que celui dans la présente affaire, dans le cadre duquel la réparation d’un dommage est recherchée, il n’est pas possible de commenter ni d’avoir accès à des documents qui prouvent effectivement les fautes commises par l’OLAF et par la Commission, lesquels sont des éléments essentiels pour l’engagement d’une responsabilité, il est clair qu’il y aurait une atteinte grave et effective au respect intégral des droits de la défense et à une
protection juridictionnelle effective.
72 Les requérants soutiennent que les documents en question confortent leur position en ce qui concerne leurs critiques à l’égard du fonctionnement de l’OLAF, ce qui est la raison réelle pour laquelle la Commission conteste leur production.
B — Appréciation du Tribunal
73 La Commission fait valoir que certaines annexes de la requête sont des documents internes confidentiels du comité de surveillance de l’OLAF qui n’ont pas été obtenus régulièrement par les requérants. Il s’agit des documents suivants :
— le verbatim de l’intervention du secrétaire général de la Commission, devant le comité de surveillance de l’OLAF, le 3 septembre 2003 ; celui-ci n’aurait pas été averti d’un tel enregistrement au moment de son intervention et aurait obtenu plus tard du président du comité de surveillance l’assurance que ce document resterait purement interne à ce comité et à son secrétariat ;
— la note du secrétariat du comité de surveillance à l’attention du président de ce dernier et d’un des membres de ce comité, du 5 mars 2003 ;
— la note du secrétariat du comité de surveillance à l’attention du président de ce dernier, du 27 mai 2003 ;
— le procès-verbal de la réunion des 2 et 3 septembre 2003 du comité de surveillance ;
— le rapport du comité de surveillance, du 15 janvier 2004, rendu à la demande du Parlement au sujet des questions de procédure posées par les enquêtes diligentées dans l’affaire Eurostat ;
— la note d’information du secrétariat du comité de surveillance, du 10 octobre 2003, sur le déroulement des enquêtes de l’OLAF dans l’affaire Eurostat et leurs répercussions sur la situation de l’OLAF.
74 Il y a lieu de relever que ni un éventuel caractère confidentiel des documents en question ni le fait que ces documents ont éventuellement été obtenus irrégulièrement n’empêche de les maintenir dans le dossier.
75 En effet, il n’existe pas de disposition prévoyant expressément l’interdiction de tenir compte de preuves illégalement obtenues, par exemple en violation des droits fondamentaux.
76 Certes, dans l’arrêt Ludwigshafener Walzmühle Erling e.a./Conseil et Commission, point 65 supra, invoqué par la Commission, la Cour a constaté que, comme il existait un doute tant sur le caractère du document contesté que sur la question de savoir si les intervenantes l’avaient obtenu par des moyens légitimes, le document devait être écarté du dossier (point 16).
77 Ainsi, en règle générale, une institution est fondée à demander le retrait d’un document interne lorsqu’il n’a pas été obtenu par des moyens légitimes par celui qui l’invoque. En effet, un document interne présente un caractère confidentiel, à moins que l’institution dont il émane ait accepté de le divulguer.
78 Toutefois, dans sa jurisprudence postérieure, la Cour n’a pas exclu que même des documents internes puissent, dans certains cas, figurer légitimement au dossier d’une affaire (ordonnances de la Cour du 19 mars 1985, Tordeur e.a., 232/84, non publiée au Recueil, point 8, et du 15 octobre 1986, LAISA/Conseil, 31/86, non publiée au Recueil, point 5). En outre, le Tribunal a parfois accepté de tenir compte de pièces dont il n’était pourtant pas établi qu’elles avaient été obtenues par des moyens
légitimes.
79 Ainsi, dans certaines situations, il n’a pas été nécessaire à la partie requérante de démontrer qu’elle avait obtenu légalement le document confidentiel invoqué au soutien de sa thèse. Le Tribunal a estimé, en procédant à une mise en balance des intérêts à protéger, qu’il convenait d’apprécier si des circonstances particulières, telles que le caractère décisif de la production du document aux fins d’assurer le contrôle de la régularité de la procédure d’adoption de l’acte attaqué (voir, en ce
sens, arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T-192/99, Rec. p. II-813, points 33 et 34) ou d’établir l’existence d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-280/94, RecFP p. I-A-77 et II-239, point 59), justifiaient de ne pas procéder au retrait d’un document.
80 Il y a lieu de relever que, en l’espèce, le cadre spécifique du présent recours permet de considérer que les documents en question doivent être maintenus au dossier. En effet, ces documents sont nécessaires en vue d’apprécier le comportement de l’OLAF dans le cadre des enquêtes relatives à Eurostat. Partant, le caractère particulier du présent recours dans le cadre duquel les requérants tendent à démontrer l’illégalité du comportement de l’OLAF justifie de ne pas procéder au retrait de ces
documents (voir, en ce sens, arrêt Dunnett e.a./BEI, point 79 supra, points 33 et 34).
81 À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il s’agit de documents préparatoires du comité de surveillance de l’OLAF, dont la tâche, en vertu de l’article 2 de son règlement intérieur, est de veiller « à ce que les activités de l’OLAF soient conduites dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et conformément aux traités et au droit dérivé, notamment au protocole sur les privilèges et immunités, et au statut des fonctionnaires », ainsi que d’un verbatim de
l’intervention du secrétaire général de la Commission devant ce comité. En outre, il convient de constater que les requérants se trouvent dans une situation difficile pour démontrer l’éventuel caractère illégal du comportement de l’OLAF. Enfin, il y a lieu de relever que ces documents sont susceptibles de démontrer les faits que les requérants reprochent à l’OLAF et peuvent ainsi avoir une certaine importance pour la solution du présent litige.
82 Par conséquent, eu égard à la nature des documents en question et aux circonstances particulières du litige, il y a lieu de rejeter la demande de retrait de ces documents.
II — Sur le caractère prématuré du recours
A — Arguments des parties
83 La Commission fait valoir que la plupart des allégations des requérants quant à de prétendues irrégularités commises au cours de la procédure d’enquête ont un caractère prématuré.
84 La Commission précise qu’elle n’a pas excipé de l’irrecevabilité du recours mais qu’elle évoque le caractère prématuré du recours, parce qu’elle estime, d’une part, que certains moyens des requérants, concernant des erreurs de procédure commises par elle ou l’OLAF, ne peuvent être appréciés qu’au vu des conséquences que ces erreurs pourraient avoir sur une éventuelle décision finale à venir dans les procédures pénales ou disciplinaires (arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR
e.a./Commission, T-10/92 à T-12/92 et T-15/92, Rec. p. II-2667, point 48) et, d’autre part, que, à supposer que des fautes puissent lui être reprochées ou être reprochées à l’OLAF, l’appréciation du préjudice subi varierait selon le sens des décisions pénales et/ou disciplinaires les concernant. Ainsi, l’appréciation du prétendu préjudice moral serait corrélée à leur degré de « culpabilité » et les conséquences des fautes de l’OLAF ou de la Commission, à les supposer établies, ne pourraient être
appréciées sans tenir compte d’éventuelles fautes des requérants.
85 La Commission se réfère à l’arrêt de la Cour du 28 mars 1979, Granaria/Conseil et Commission (90/78, Rec. p. 1081, point 6), et renvoie à la possibilité pour le Tribunal de statuer, dans une première phase de la procédure, sur la question de savoir si le comportement de l’OLAF ou de la Commission est de nature à engager la responsabilité de la Communauté, tout en réservant éventuellement, en fonction de la nature des fautes retenues, la question de la portée du préjudice moral à une phase
ultérieure.
86 Les requérants contestent le prétendu caractère prématuré du recours et constatent que les conclusions de la Commission ne sont pas claires à cet égard.
87 Les requérants font valoir que le recours répond à toutes les conditions de recevabilité et de fond nécessaires pour engager la responsabilité de la Commission et pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.
88 Rien ne permettrait de considérer qu’un recours en indemnité présente un caractère subsidiaire par rapport à l’ouverture d’une procédure disciplinaire et/ou à des enquêtes menées par les autorités judiciaires d’un État membre. Ce serait aller à l’encontre du principe fondamental du droit à une protection juridictionnelle effective et à une saine administration de la justice si un événement futur et incertain pouvait, à lui seul, conditionner et paralyser un recours en indemnité avec pour
conséquence que le dommage continuerait de s’accroître et que les intéressés seraient privés du droit d’obtenir réparation de celui-ci.
89 Selon les requérants, leur préjudice est né et actuel depuis que les fautes ont été commises par la Commission et ne fait que s’accroître au fil du temps.
B — Appréciation du Tribunal
90 Il est constant que les procédures judiciaires nationales sont encore en cours. Cependant, les éventuels résultats de ces procédures ne sont pas susceptibles d’affecter la présente procédure. En effet, dans la présente procédure, il n’est pas question de savoir si les faits reprochés aux requérants sont établis ou non, cette question ne relevant pas de la compétence du Tribunal. Ainsi, il ne s’agit pas, en l’espèce, de savoir si les requérants ont commis dans leur activité professionnelle des
fautes ou non, mais d’examiner la manière dont l’OLAF a conduit et conclu une enquête qui les désigne nominativement et éventuellement leur impute la responsabilité des irrégularités constatées publiquement bien avant une décision finale, ainsi que la manière dont la Commission s’est comportée dans le contexte de cette enquête. Si les requérants sont considérés comme non coupables par les autorités judiciaires nationales, un tel fait ne réparerait pas non plus nécessairement l’éventuel préjudice
que ceux-ci auraient alors également subi.
91 Dès lors, étant donné que le prétendu préjudice invoqué dans le cadre du présent recours est distinct de celui que serait susceptible d’attester une déclaration de non-culpabilité des requérants par les autorités judiciaires nationales, les conclusions en indemnisation ne peuvent pas être rejetées comme prématurées de manière à ce que les requérants ne puissent faire une telle demande qu’après les éventuelles décisions définitives des autorités judiciaires nationales.
92 Par conséquent, le recours n’ayant pas de caractère prématuré, il n’y a pas lieu de réserver l’examen des questions relatives à la nature et à la portée du préjudice à une phase ultérieure éventuelle.
III — Sur l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté
93 Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir : l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici
Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T-175/94, Rec. p. II-729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-267/94, Rec. p. II-1239, point 20).
94 Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T-170/00, Rec. p. II-515, point 37 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, point 81).
95 S’agissant de la première des conditions, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 42). Pour ce qui est de l’exigence selon laquelle la violation doit être suffisamment caractérisée, le critère décisif permettant de considérer qu’elle est remplie est celui de la méconnaissance
manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Lorsque cette institution ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (arrêt de la Cour du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C-312/00 P, Rec. p. I-11355, point 54, et arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001,
Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T-198/95, T-171/96, T-230/97, T-174/98 et T-225/99, Rec. p. II-1975, point 134).
96 Les requérants font valoir que des fautes ont été commises à la fois par l’OLAF et par la Commission et que cette dernière ne peut qu’être la seule poursuivie pour l’ensemble des ces fautes. L’OLAF aurait commis des fautes aussi bien à l’égard des requérants qu’à l’égard de la Commission.
97 Ainsi, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner d’abord la question de savoir si l’OLAF et/ou la Commission ont commis des violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers.
A — Sur l’illégalité du comportement de l’OLAF
1. Sur les fautes commises à l’occasion des transmissions faites par l’OLAF des dossiers relatifs à l’affaire Eurostat aux autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises
a) Arguments des parties
98 Tout d’abord, les requérants soulignent la distinction nette existant, en ce qui concerne la transmission des informations par l’OLAF, entre les enquêtes externes et les enquêtes internes. Ils relèvent la confusion qui est faite s’agissant de la nature de l’enquête et de celle de l’envoi du 19 mars 2003 aux autorités judiciaires françaises. En effet, selon les déclarations du directeur général de l’OLAF devant la Cocobu, le 30 juin 2003, il se serait agi d’un « dossier externe » qui mentionnerait
pourtant les noms des requérants. Or, l’enquête aurait été de nature purement interne, ce qui aurait exigé que l’institution concernée en soit informée avant toute transmission extérieure.
99 Selon les requérants, l’OLAF a donc qualifié ses enquêtes internes d’enquêtes externes pour couvrir des erreurs de procédure tenant au fait que ni la Commission ni le comité de surveillance de celui-ci n’avaient été préalablement informés de la transmission du dossier Eurostat aux autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises par l’OLAF.
100 Ensuite, les requérants font valoir qu’ils n’ont pas non plus été préalablement informés de la transmission des dossiers Datashop et Planistat aux autorités judiciaires françaises par l’OLAF et que M. Franchet n’a pas été informé de la transmission du dossier Eurocost, dans lequel M. Byk n’était pas impliqué, aux autorités judiciaires luxembourgeoises.
101 Dès lors, l’OLAF aurait délibérément méconnu le principe de bonne administration, le principe du contradictoire, les droits de la défense et l’exigence d’une enquête à charge et à décharge, consacrés, notamment dans la CEDH et dans la charte.
102 Les requérants invoquent également l’article 4 de la décision 1999/396 et se réfèrent à cet égard à la décision du Médiateur européen du 26 avril 2002, concernant la plainte enregistrée sous la référence 781/2001/IJH, en tant qu’elle concerne l’OLAF, selon laquelle « cette disposition fait l’obligation à l’OLAF de ne tirer de conclusions défavorables à une personne sur laquelle il conduit une enquête qu’après avoir informé l’intéressé des allégations dont il est l’objet et des faits qui les
fondent et lui avoir donné l’occasion d’exprimer son point de vue », le Médiateur ayant par ailleurs considéré qu’« [i]l s’agi[ssait] là d’un élément normal de toute procédure d’enquête efficace et équitable » et que, « [q]ui plus est, un témoignage qui n’a[urait] pu être ainsi contesté ne revêt[irait] pas ordinairement de valeur probante ».
103 Selon les requérants, la Commission interprète de manière trop restrictive les articles 4 et 10 du règlement no 1073/1999 ainsi que l’article 4 de la décision 1999/396 et méconnaît dès lors les droits fondamentaux. Selon une telle interprétation, la décision de l’OLAF de différer l’information due à l’institution ne serait par principe pas susceptible de contrôle et l’OLAF pourrait ainsi prendre une telle décision pour s’exonérer, sans véritable limite de temps, de toute obligation
d’information.
104 En effet, ni l’OLAF ni la Commission n’auraient jamais expliqué en quoi le secret absolu aurait été requis ou quelle aurait été la justification à la prétendue nécessité de différer l’information à la Commission, à l’exception de la note de synthèse sur les enquêtes en cours relatives à Eurostat, adressée par le directeur général de l’OLAF à l’attention du secrétaire général de la Commission, le 3 avril 2003 (voir point 23 ci-dessus). S’agissant de la nécessité de différer l’information au
fonctionnaire concerné, à la connaissance des requérants, le secrétaire général n’aurait jamais exprimé l’accord exigé par l’article 4, deuxième alinéa, de la décision 1999/396.
105 Les requérants invoquent également une proposition de règlement du Parlement et du Conseil du 10 février 2004, modifiant le règlement no 1073/1999 [COM(2004) 103 final] ainsi qu’un projet d’accord institutionnel du 14 août 2003, visant la mise en place d’un code de conduite afin d’assurer un échange rapide d’informations entre l’OLAF et la Commission dans le cadre des enquêtes internes [SEC(2003) 871 consolidé], qui prévoient, notamment, l’obligation de donner un contenu à l’information de
l’OLAF. De même, selon la proposition de règlement modifiant le règlement no 1073/1999, le fonctionnaire impliqué devrait être entendu au moment de la communication d’une information aux autorités judiciaires nationales, ce qui ne constituerait pas une modification du règlement existant, car cela ne ferait que consacrer les principes fondamentaux contenus notamment dans la charte, comme l’aurait rappelé la Commission. Les requérants notent qu’ils ont été entendus par l’OLAF, parce qu’ils ont
sollicité cette audition et non parce que l’OLAF les y aurait invités.
106 Enfin, selon les requérants, l’OLAF a « orienté » les autorités judiciaires françaises en donnant déjà des qualifications de caractère pénal à des faits qu’il avait cru pouvoir identifier dans l’affaire Eurostat, ce qui est contraire à son rôle qui est de procéder à des enquêtes administratives. La note du 19 mars 2003, envoyée aux autorités judiciaires françaises, contiendrait une véritable analyse juridique en droit français des faits rapportés et leur donnerait une qualification pénale au
regard du droit français, allant au-delà de la communication d’informations prévue au titre du règlement no 1073/1999.
107 En premier lieu, la Commission fait valoir que les requérants ne peuvent se prévaloir de l’obligation pour l’OLAF de l’informer, de les entendre ou de les informer préalablement à la transmission d’informations à des autorités judiciaires nationales, quelle que soit la qualification de l’enquête (interne ou externe).
108 La Commission soutient que, en vertu de l’article 10 du règlement no 1073/1999, l’OLAF doit transmettre aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales, alors que, dans le cadre d’enquêtes externes, cette transmission n’est qu’une simple faculté. Aucune disposition de cet article ne prévoirait que cette transmission doive être précédée ou accompagnée d’une information de l’institution
concernée ou d’une information des fonctionnaires éventuellement impliqués.
109 La Commission se réfère à l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1073/1999 et constate que l’absence d’information de l’institution à laquelle appartiennent des fonctionnaires susceptibles d’être impliqués personnellement peut être justifiée par la nécessité de différer cette information. À supposer même qu’un tel report ne puisse être justifié dans le cas d’espèce, l’éventuel défaut d’information de la Commission demeurerait sans effet sur la régularité de la procédure concernant les
requérants dès lors que ces derniers n’auraient en aucune manière été lésés par cette absence d’information.
110 S’agissant du droit des requérants d’être entendus ou informés, la Commission soutient que, aux termes de l’article 4 de la décision 1999/396, l’information du fonctionnaire susceptible d’être impliqué personnellement est soumise à la condition qu’elle ne risque pas de nuire à l’enquête, cette condition étant laissée à l’appréciation de l’OLAF. L’obligation de mettre l’intéressé à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent serait déterminante au moment où l’OLAF tire des conclusions
à l’issue de l’enquête, cette obligation ne pouvant être différée, dans certains cas spécifiques, qu’en accord avec le président de la Commission ou le secrétaire général de celle-ci, mais pas au moment où, sur la base de l’article 10 du règlement no 1073/1999, l’OLAF transmet en cours d’enquête des informations aux autorités judiciaires d’un État membre.
111 De plus, conformément à l’article 4 de la décision 1999/396, les requérants auraient été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui les concernaient avant que l’OLAF ne tire les conclusions des enquêtes les concernant.
112 Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il serait faux d’affirmer qu’une décision de l’OLAF de différer l’information due à l’institution ne serait par principe pas susceptible de contrôle, mais que ce contrôle ne pourrait s’effectuer qu’à l’issue de l’enquête si celle-ci restait sans suite, ou à l’issue des procédures pénale et/ou disciplinaire. Dès lors, selon la Commission, l’absence d’information est justifiée par la nécessité d’un secret absolu aux fins de l’enquête ou par
l’exigence du recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale, et vouloir exercer un contrôle sur cette justification à un stade antérieur reviendrait « à la battre en brèche ».
113 En outre, la Commission souligne qu’une faute ne peut résulter que de la méconnaissance du cadre légal existant au moment des faits, et non de la méconnaissance d’une disposition contenue dans une proposition d’un nouveau cadre légal présentée postérieurement aux faits.
114 En second lieu, la Commission fait valoir que les qualifications pénales dont l’OLAF assortit les faits délictueux qu’elle transmet à une autorité judiciaire nationale ne sont que de simples indications, qui n’engagent nullement cette dernière. Il ne s’agirait que de l’expression de la réflexion des agents de l’OLAF étant chargés d’un tel dossier, la transmission à une autorité judiciaire ne se justifiant que si l’OLAF estime que les faits en cause sont susceptibles de recevoir une qualification
pénale. La Commission souligne que les autorités judiciaires nationales saisies par l’OLAF restent entièrement libres d’accepter et/ou de limiter cette saisine et qu’il n’appartient pas à l’OLAF de donner quelque instruction que ce soit à ces autorités.
115 Par ailleurs, les requérants feraient une lecture erronée du point 3.4.3 du rapport de la Commission du 2 avril 2003, relatif à l’évaluation des activités de l’OLAF [COM (2003) 154 final]. La Commission n’aurait jamais voulu dire que la saisine d’une autorité judiciaire nationale avait pour effet de lier cette autorité en ce qui concerne les résultats de terrain de l’OLAF, bien au contraire.
b) Appréciation du Tribunal
Sur la qualification des enquêtes
116 Il y a lieu de rappeler que, en vertu du règlement no 1073/1999, les enquêtes effectuées par l’OLAF consistent en des enquêtes externes, c’est-à-dire à l’extérieur des institutions de la Communauté, et en des enquêtes internes, c’est-à-dire à l’intérieur de ces institutions. Les règles procédurales à suivre par l’OLAF diffèrent en fonction de la nature de l’enquête.
117 Les requérants font valoir que l’OLAF a qualifié ses enquêtes internes d’enquêtes externes pour couvrir des erreurs de procédure. L’enquête aurait été de nature purement interne, ce qui aurait exigé que l’institution concernée, le comité de surveillance de l’OLAF et les fonctionnaires impliqués en soient informés avant toute transmission extérieure.
118 Le Tribunal relève que, effectivement, il y a eu une confusion concernant la nature des différentes enquêtes en cause pendant le déroulement de celles-ci.
119 À cet égard, il ressort de la note de synthèse du 3 avril 2003 (voir point 23 ci-dessus) que l’OLAF avait qualifié d’enquêtes internes les enquêtes relatives aux dossiers Eurocost (transmis aux autorités judiciaires luxembourgeoises) et Datashop (transmis aux autorités judiciaires françaises). Dans le « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées », l’enquête diligentée dans le dossier Eurocost avait été qualifiée d’enquête interne, celle relative au dossier Eurogramme d’enquête externe,
celle relative au dossier CESD Communautaire d’enquête interne et celle relative au dossier Datashop d’enquête interne. Il y est également constaté que l’enquête interne relative au réseau Datashop a permis de mettre en évidence le rôle central de la société Planistat, raison pour laquelle l’OLAF a ouvert, le 18 mars 2003, une enquête externe à l’égard de cette dernière société.
120 Or, il ressort de la note du 1er juillet 2003 (voir point 34 ci-dessus) concernant la réunion de la Cocobu et l’échange de vues avec le secrétaire général de la Commission et le directeur général de l’OLAF du 30 juin 2003 que cette qualification n’était pas claire. En effet, selon cette note, le directeur général de l’OLAF avait relevé que les volets interne et externe étaient imbriqués dans le dossier Eurostat, et plus précisément que, dans les dossiers Eurocost et Eurogramme, le volet externe
était presque clos, qu’il avait été transmis aux autorités judiciaires luxembourgeoises et que les dossiers Datashop et Planistat présentaient la même imbrication des volets externe et interne.
121 En outre, dans le rapport du comité de surveillance de l’OLAF, du 15 janvier 2004, rédigé à la demande du Parlement au sujet des questions de procédure posées par les enquêtes relatives à Eurostat, ledit comité avait constaté ce qui suit :
« L’OLAF a éprouvé également des difficultés lors de la mise en œuvre des dispositions du règlement relatif aux enquêtes internes, d’une part, et aux enquêtes externes, d’autre part. À l’origine, l’OLAF a ouvert des enquêtes externes et ce n’est que lorsque il est apparu que des fonctionnaires pouvaient être mis en cause que des enquêtes internes ont été ouvertes. Ce découpage purement administratif de mêmes dossiers a été source de confusion. »
122 Il ressort du dossier que, au moins à la fin des enquêtes, les dossiers Eurocost, Datashop et CESD Communautaire étaient des dossiers internes, tandis que les dossiers Eurogramme et Planistat étaient des dossiers externes. Cependant, il en ressort également que les dossiers Datashop et Planistat étaient étroitement liés.
123 Il importe de déterminer la nature de l’envoi du 19 mars 2003 aux autorités judiciaires françaises. À cet égard, il convient de relever que le fait que, dans la lettre et la note du 19 mars 2003, la référence mentionne le dossier externe Planistat (ouvert le jour auparavant), et non le dossier interne Datashop, n’a pas de pertinence. Un tel fait ne peut pas affranchir des obligations procédurales liées aux enquêtes internes dès lors qu’il y a des fonctionnaires impliqués. En outre, malgré la
référence faite à un dossier externe, dans la note du 19 mars 2003, les enquêteurs se réfèrent à la disposition pertinente du règlement no 1073/1999 concernant la transmission des informations obtenues par l’OLAF lors d’enquêtes internes. Dans la lettre du 19 mars 2003, il n’est pas explicitement spécifié s’il s’agissait d’une enquête interne ou externe. Cependant, d’après son objet, il s’agissait de la « [t]ransmission d’informations relatives à des faits susceptibles de recevoir une
qualification pénale », ce qui correspond au contenu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, relatif à la transmission d’informations obtenues lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales. Ainsi, le fait de ne pas mentionner la référence du dossier interne n’a pas pour conséquence d’autoriser à ignorer les droits de la défense des personnes qui y sont mentionnées. En tout état de cause, après la référence du dossier, il est mentionné
« Eurostat/Datashop/Planistat ». En outre, le directeur général de l’OLAF a lui-même constaté dans sa note du 3 avril 2003 (voir point 23 ci-dessus) que le dossier interne Datashop, dans lequel des fonctionnaires étaient impliqués, avait fait l’objet d’une transmission au procureur de la République de Paris (France).
124 Par conséquent, il convient de considérer que, aux fins de la présente procédure, l’envoi du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises le 4 juillet 2002 concernait une enquête interne, de même que l’envoi du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises le 19 mars 2003.
125 Ainsi, il y a lieu d’examiner si l’OLAF a violé une règle de droit conférant des droits aux particuliers lors des transmissions des dossiers d’enquête interne aux autorités judiciaires nationales.
Information des requérants, de la Commission et du comité de surveillance de l’OLAF
— Information des requérants
126 Les requérants font valoir qu’ils n’ont pas été préalablement informés de la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises et que M. Franchet n’a pas non plus été informé de la transmission du dossier Eurocost, dans lequel M. Byk n’était pas impliqué, aux autorités judiciaires luxembourgeoises. Dès lors, l’OLAF aurait délibérément méconnu le principe de bonne administration, le principe du contradictoire, les droits de la défense et l’exigence d’une enquête à
charge et à décharge, consacrés, notamment, dans la CEDH et dans la charte. Ils se réfèrent également à l’article 4 de la décision 1999/396.
127 Le Tribunal rappelle que l’information des fonctionnaires concernés est prévue seulement dans le cadre des enquêtes internes, à l’article 4 de la décision 1999/396, par laquelle la Commission a défini la mise en œuvre des conditions et modalités des enquêtes internes.
128 Il résulte des dispositions de l’article 4, premier alinéa, de la décision 1999/396, que le fonctionnaire intéressé doit être informé rapidement de la possibilité de son implication personnelle, lorsque cela ne risque pas de nuire à l’enquête, et que, en tout état de cause, des conclusions visant nominativement un fonctionnaire de la Commission ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que l’intéressé ait été mis à même de s’exprimer sur tous les faits qui le concernent [ordonnance du
président de la Cour du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C-471/02 P(R), Rec. p. I-3207, point 63].
129 La méconnaissance de ces dispositions, qui déterminent les conditions dans lesquelles le respect des droits de la défense du fonctionnaire concerné peut être concilié avec les impératifs de confidentialité propres à toute enquête de cette nature, serait constitutive d’une violation de formalités substantielles applicables à la procédure d’enquête (ordonnance Gómez-Reino/Commission, point 128 supra, point 64).
130 Cependant, l’article 4 de la décision 1999/396 ne concerne pas explicitement la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales et ne prévoit donc pas d’obligation d’informer le fonctionnaire concerné avant une telle transmission. En effet, en vertu de l’article 10 du règlement no 1073/1999, l’OLAF peut (enquêtes externes) ou doit (enquêtes internes) transmettre des informations aux autorités judiciaires nationales. Cette transmission des informations peut donc précéder les
« conclusions tirées à l’issue de l’enquête », qui sont normalement incluses dans le rapport d’enquête.
131 De plus, selon l’ordonnance Gómez-Reino/Commission, point 128 supra (point 68), les conclusions tirées par l’OLAF à l’issue de l’enquête, qui visent nominativement un fonctionnaire, au sens de l’article 4 de la décision 1999/396, sont nécessairement celles contenues dans le rapport établi sous l’autorité du directeur de cet office, comme cela est prévu à l’article 9 du règlement no 1073/1999, et les suites données à l’enquête interne par l’institution concernée peuvent être notamment
disciplinaires et judiciaires.
132 Ainsi, il est tout à fait possible de considérer que, au moment de la transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales, il n’existait aucun rapport au sens de l’article 9 du règlement no 1073/1999 qui aurait été remis par l’OLAF à la Commission et qui aurait mis en cause personnellement les requérants.
133 Cependant, il y a encore lieu d’examiner si, éventuellement, les « informations » transmises aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises doivent être comprises dans le sens qu’elles contiennent des « conclusions visant nominativement » les requérants.
134 En ce qui concerne, premièrement, la transmission du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises le 4 juillet 2002, il est indiqué dans la note de transmission que ni M. Franchet ni les représentants d’Eurocost n’ont été entendus par l’OLAF, et ce volontairement, afin de ne pas compromettre les résultats de l’enquête judiciaire. Ainsi, il ne fait aucun doute que M. Franchet n’a pas été entendu à propos de ce dossier avant sa transmission aux autorités judiciaires
luxembourgeoises.
135 Dans cette note, il est indiqué que M. Franchet est un des fondateurs, et a aussi été le président, le vice-président et membre d’Eurocost, qu’il était régulièrement présent dans les assemblées générales d’Eurocost et qu’il a signé le contrat de travail du directeur d’Eurocost à l’époque où il était président. Le directeur général de l’OLAF souligne qu’il y a un conflit d’intérêts potentiel et que les conclusions d’un audit interne mettent en évidence de nombreuses irrégularités et cas de
fraudes commis par les responsables d’Eurocost au préjudice d’Eurostat. À propos des « manipulations comptables en vue de masquer des fraudes au préjudice d’Eurostat », il y est indiqué que l’existence d’accords tacites avec Eurostat à ce sujet a été évoquée. De « doubles et même triples financements de certains coûts » sont également mentionnés.
136 Il y a lieu de relever que cette note de transmission, mentionnant expressément M. Franchet en ce qui concerne un potentiel conflit d’intérêts, doit être interprétée comme comportant des « conclusions visant nominativement » M. Franchet. À cet égard, il convient également de souligner que, dans la note du 3 avril 2003 (voir point 23 ci-dessus), le directeur général de l’OLAF a indiqué que, « [p]ar courrier du 10 juillet 2002, le procureur d’État de Luxembourg ne s’opposait pas à l’audition des
fonctionnaires incriminés par les enquêteurs de l’OLAF » et que « le [d]irecteur général [d’Eurostat] pourrait être impliqué ».
137 En ce qui concerne, deuxièmement, la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises le 19 mars 2003, il est constant que les requérants n’ont été ni informés ni mis en mesure de s’exprimer sur le dossier avant sa transmission. Ensuite, il y a lieu de rappeler que la lettre du 19 mars 2003 avait comme objet la « [t]ransmission d’informations relatives à des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale », et la note l’accompagnant, la « [d]énonciation
de faits susceptibles de qualifications pénales ».
138 Dans la lettre du 19 mars 2003, le directeur général de l’OLAF indique que, sous réserve de l’appréciation des autorités judiciaires françaises, « il semblerait que l’OLAF ait mis à jour des agissements frauduleux ayant causé un préjudice au budget communautaire et qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale », en précisant que « [l]’enquête a mis en évidence que ces faits étaient l’œuvre des animateurs de la société Planistat Europe SA dont le siège est à Paris, avec la
complicité active de fonctionnaires européens ».
139 Dans la note du 19 mars 2003, il est indiqué, dans le cadre d’un « [h]istorique des faits objets de l’enquête », au point 2.3, intitulé « Les constatations faites au cours de l’enquête », qu’un rapport de l’audit interne d’Eurostat daté de septembre 1999 portant sur les Datashops situés à Bruxelles (Belgique), à Luxembourg (Luxembourg) et à Madrid (Espagne), sur la base duquel l’enquête de l’OLAF avait commencé, « a[vait] mis en évidence de nombreuses irrégularités commises dans le cadre de la
gestion de ces trois Datashops durant les années 1996 à fin 1999 » et que, « [e]n l’occurrence, une partie importante des chiffres d’affaires ’déclarés’ par ces trois Datashops — entre 50 et 55 % — alimentait une caisse noire dont l’utilisation était subordonnée à l’autorisation d’un fonctionnaire d[’Eurostat] ».
140 Il y est également mentionné que « [l]es seuls qui aient une vue globale de toute cette affaire sont les dirigeants du Groupe Planistat et vraisemblablement Monsieur Byk, chef d’unité à Eurostat, de nationalité française », que les fausses factures « étaient payées par la caisse noire […] après approbation par Monsieur Daniel Byk, directeur à Eurostat, de nationalité française », qu’« [e]nviron 922500 [euros] [avaie]nt ainsi été facturés et payés » et qu’« Eurostat, par le stratagème des caisses
noires, a[vait] ainsi fait régler un déficit important de Planistat Europe SA qui aurait dû normalement rester à la charge du contractant de la Commission », tout en précisant que « la caisse noire a[vait] également servi à payer des frais de restaurants, [d’]hôtel, [de] voyages … occasionnés par certains fonctionnaires d’Eurostat, dont M. Byk ».
141 Dans le cadre de la description des infractions pénales en cause, au point 3.1, intitulé « Abus de confiance », il est constaté ce qui suit :
« La mise en place par certains fonctionnaires communautaires d’un réseau d’opérateurs économiques dont l’un des objectifs est d’occulter à la Commission une partie des recettes provenant de la vente de produits ou de prestations statistiques communautaires peut être constitutive d’un détournement ‘des fonds, des valeurs ou un bien quelconque’ tels que retenus par l’article 314-1 du Code pénal définissant l’abus de confiance. L’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction a été réalisé en
coaction par les fonctionnaires communautaires, les dirigeants du groupe Planistat et les dirigeants des Datashops concernés. Les fonctionnaires communautaires ne pouvaient ignorer le règlement financier en vigueur qui les obligeait à faire remonter l’intégralité des recettes.
De plus, ces mêmes fonctionnaires communautaires ont disposé des sommes en question à des fins étrangères à l’intérêt communautaire dans la mesure où cet argent a manifestement servi à payer des dépenses non prévues au contrat de la société Planistat Europe SA avec la Commission ou encore des dépenses personnelles de ces fonctionnaires. L’intention frauduleuse découle de cette utilisation à des fins autres que communautaires. »
142 Après avoir traité la question du recel d’abus de confiance, concernant la société Planistat, il est indiqué, au point 3.3, intitulé « L’association de malfaiteurs », ce qui suit :
« Selon l’article 450-1 du Code pénal, ‘[c]onstitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un ou plusieurs crimes ou d’un ou plusieurs délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement…’
Il restera à s’interroger si cette qualification n’est pas susceptible d’être également mise en œuvre dans le cadre du présent dossier dans la mesure où pour mener à bien le pillage des fonds communautaires il a fallu l’association des fonctionnaires, des dirigeants de Planistat et ceux des Datashops qui ont commis des faits d’abus de confiance.
[…] »
143 Enfin, au point 3.5, intitulé « Application de la loi française aux infractions commises à l’étranger par des Français », il est indiqué :
« […]
Dans le cadre du présent dossier, M. Yves Franchet, directeur d’Eurostat et M. Daniel Byk, chef d’unité à Eurostat, tous deux fonctionnaires de la Commission européenne, basés à Luxembourg, qui sont susceptibles d’avoir mis en place tout ou partie du système sont de nationalité française.
L’ensemble des éléments qui ont été développés ci-dessus permet d’affirmer que l’OLAF se trouve face à une vaste entreprise de pillage des fonds communautaires avec à la base une série de faits susceptibles, sous réserve de l’appréciation de l’autorité judiciaire compétente, de qualifications pénales.
Il conviendrait en conséquence de transmettre la présente note et les pièces annexes à Monsieur le Procureur de la République à Paris. »
144 Il ressort clairement de la note du 19 mars 2003 qu’elle contient des « conclusions visant nominativement » les requérants.
145 Par conséquent, avant la transmission du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises, en ce qui concerne M. Franchet et avant celle du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises, en ce qui concerne MM. Franchet et Byk, ces derniers auraient dû, en principe, être informés et entendus à propos des faits les concernant, sur la base de l’article 4 de la décision 1999/396.
146 Cependant, cet article prévoit une exception concernant les cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale. Dans de tels cas, l’obligation d’inviter le fonctionnaire à s’exprimer peut être différée en accord avec le secrétaire général de la Commission. Ainsi, pour différer l’information, il faut remplir la double condition de la nécessité de maintenir le secret
absolu aux fins de l’enquête et de l’exigence de recourir à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale. En outre, il faut obtenir un accord préalable du secrétaire général de la Commission.
147 À cet égard, concernant la transmission du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises, il ressort d’une lettre du 2 août 2002 du secrétaire général de la Commission au directeur général de l’OLAF que le premier a donné son accord pour ne pas informer les personnes intéressées. Il l’a motivé en indiquant que, « [e]n attendant l’issue des discussions entre [leurs] services quant à la manière d’améliorer les procédures existantes, [il pouvait] marquer [s]on accord avec [la]
proposition [du directeur général de l’OLAF] de ne pas informer les parties intéressées dans l’affaire citée en objet ». Ainsi, le secrétaire général de la Commission n’a fait état d’aucune des conditions précitées. En tout état de cause, cet accord a été donné postérieurement à la transmission du dossier en cause.
148 S’agissant de la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises, il ressort de la note du 3 avril 2003, laquelle étant donc postérieure à la transmission du 19 mars 2003, que le directeur général de l’OLAF y a constaté que des fonctionnaires d’Eurostat et de l’Office des publications officielles des Communautés européennes étaient impliqués, que ce volet avait fait l’objet d’une transmission aux autorités judiciaires françaises et qu’il convenait de différer
l’information des fonctionnaires en conformité avec l’article 4 de la décision 1999/396 en raison de la nécessité du maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête. Il n’y est cependant fait aucune référence à la seconde condition précitée.
149 En outre, en réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a confirmé que son secrétaire général « n’a[vait] pas eu l’occasion de donner son accord pour différer l’obligation d’inviter les requérants à s’exprimer ».
150 Par conséquent, les conditions pour appliquer l’exception prévue par l’article 4 de la décision 1999/396, permettant de différer l’information, n’étaient pas remplies en l’espèce.
151 Il y a lieu de relever que l’obligation de demander et d’obtenir l’accord du secrétaire général de la Commission n’est pas une simple formalité qui pourrait, le cas échéant, être remplie à un stade ultérieur. En effet, l’exigence d’obtenir un tel accord perdrait sa raison d’être, à savoir celle de garantir que les droits de la défense des fonctionnaires concernés sont respectés, que leur information n’est différée que dans les cas vraiment exceptionnels et que l’appréciation de ce caractère
exceptionnel n’appartient pas seulement à l’OLAF mais nécessite également l’appréciation du secrétaire général de la Commission.
152 Dans ces circonstances, l’OLAF a violé l’article 4 de la décision 1999/396 et les droits de la défense des requérants lors de la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises, de même que ledit article et les droits de la défense de M. Franchet lors de la transmission du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises.
153 Il ne saurait être contesté que la règle de droit violée en l’espèce, selon laquelle les personnes faisant l’objet d’une enquête doivent en être informées et mis à même de s’exprimer sur tous les faits les concernant, confère des droits aux particuliers (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Nikolaou/Commission, T-259/03, non publié au Recueil, point 263).
154 Certes, l’article 4 de la décision 1999/396 confère une marge d’appréciation à l’OLAF dans des cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête et exigeant le recours à des moyens d’investigation relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale (voir, par analogie, arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 264). Cependant, s’agissant des modalités de l’adoption de la décision de différer l’information des fonctionnaires concernés, l’OLAF ne dispose
d’aucune marge d’appréciation. De même, l’OLAF ne dispose pas d’une quelconque marge d’appréciation s’agissant de la vérification des conditions d’application de l’article 4 de la décision 1999/396.
155 Comme cela a été constaté ci-dessus, les conditions et modalités d’application de cette exception n’ont pas été respectées en l’espèce, l’OLAF n’ayant pas invoqué la mise en œuvre de tels moyens d’investigation et n’ayant pas sollicité, encore moins obtenu, l’accord du secrétaire général de la Commission en temps utile pour différer l’invitation obligatoire du fonctionnaire concerné par l’enquête à s’exprimer.
156 Dans ces circonstances, en ne respectant pas l’obligation d’information lui incombant, l’OLAF a commis une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.
— Information de la Commission
157 Les requérants font valoir que la Commission n’a pas été préalablement informée des transmissions des dossiers relatifs à Eurostat aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises par l’OLAF. Le Tribunal considère que cet argument doit être compris dans le sens où il s’agit de déterminer si la Commission devait être informée d’une autre manière que dans le cadre de l’application de l’article 4 de la décision 1999/396 pour que son secrétaire général donne son accord, ce qui a été examiné
ci-dessus.
158 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, l’OLAF doit transmettre aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales, alors que, dans le cadre d’enquêtes externes, une telle transmission est seulement une faculté. En l’espèce, il y a lieu de noter que les rapports d’enquête n’étaient pas encore établis et que, partant, la
transmission des dossiers consistait, a priori, dans la transmission d’informations, même s’ils contenaient des conclusions visant nominativement les requérants, et non dans celle des rapports d’enquêtes, régie par l’article 9 du règlement no 1073/1999. En vertu de l’article 10, paragraphe 3, la transmission à l’institution concernée des informations obtenues au cours d’enquêtes internes est également une faculté. Aucune disposition de cet article ne prévoit que la transmission des informations
aux autorités judiciaires nationales doit être précédée ou accompagnée de l’information de l’institution concernée.
159 L’information de l’institution concernée dans le cadre des enquêtes internes est prévue par l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1073/1999. Cependant, cette disposition ne prévoit aucun délai pour donner cette information. Elle ne prévoit pas, par exemple, que l’institution concernée doit être informée avant la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales. En outre, elle contient une exception dans le cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de
l’enquête. Dans un tel cas, l’OLAF peut différer l’information. Il ressort du dossier que l’OLAF a considéré que, au moins en ce qui concerne le dossier Datashop — Planistat, il s’agissait d’un cas nécessitant le maintien d’un secret absolu aux fins de l’enquête (voir la note du 3 avril 2003, citée au point 23 ci-dessus). Il y a lieu de relever que c’est à la discrétion de l’OLAF de décider si cette exception doit être appliquée.
160 En l’espèce, il y a lieu de relever que l’OLAF n’était pas tenu d’informer la Commission avant la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales sur la base de l’article 4, paragraphe 5, du règlement no 1073/1999.
161 Partant, l’OLAF n’a pas violé les articles 4 et 10 du règlement no 1073/1999 en n’informant pas la Commission avant la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales.
162 En tout état de cause, les requérants n’ont pas démontré en quoi le fait que la Commission n’a pas été informée avant la transmission des informations aux autorités judiciaires nationales aurait lésé leurs droits, sous réserve des considérations développées dans le cadre de l’application de l’article 4 de la décision 1999/396. En effet, il y a lieu de relever que les dispositions mentionnées au point précédent ne contiennent pas de règles de droit conférant des droits aux particuliers dont le
juge communautaire garantit le respect.
— Information du comité de surveillance de l’OLAF
163 Les requérants font valoir que le comité de surveillance de l’OLAF n’a pas non plus été informé avant la transmission d’informations aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises.
164 À cet égard, le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999, dans le cadre du contrôle régulier sur l’exécution de la fonction d’enquête exercé par le comité de surveillance, « [l]e directeur [de l’OLAF] informe le comité des cas nécessitant la transmission d’informations aux autorités judiciaires d’un État membre ». Il y a lieu de relever que le libellé de cette disposition indique que cette information doit se faire avant la transmission. À défaut
en effet, elle ne se référerait pas à « des cas nécessitant la transmission d’informations », expression qui renvoie à un événement futur. Cette interprétation est également corroborée par la déclaration du président du comité de surveillance de l’OLAF devant la House of Lords Select Committee on the European Union (Commission spéciale sur l’Union européenne de la Chambre des Lords, Royaume-Uni), du 19 mai 2004, dans laquelle celui-ci a affirmé que « [l]’OLAF a[vait] une obligation d’informer le
comité [de surveillance] avant d’adresser quoi que ce soit à une autorité judiciaire ».
165 Il ressort de la réponse de la Commission à la question écrite du Tribunal que, le 25 octobre 2002, le directeur général de l’OLAF a informé le comité de surveillance de la transmission des dossiers Eurocost et Eurogramme aux autorités judiciaires luxembourgeoises, c’est-à-dire postérieurement à la transmission effectuée le 4 juillet 2002. De même, le 24 mars 2003, le comité de surveillance a été informé de la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises,
soit également postérieurement à la transmission effectuée le 19 mars 2003.
166 Partant, l’OLAF a violé l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999. Cependant, il y a encore lieu d’examiner s’il s’agit d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers dont le juge communautaire garantit le respect.
167 À cet égard, il convient de rappeler que, même si, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1073/1999, le comité de surveillance de l’OLAF n’interfère pas dans le déroulement des enquêtes en cours, en vertu de l’article 2 de son règlement intérieur, il « veille à ce que les activités de l’OLAF soient conduites dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et conformément aux traités et au droit dérivé, notamment au protocole sur les privilèges et
immunités, et au statut des fonctionnaires ».
168 Ainsi, ce comité a vocation à protéger les droits des personnes faisant l’objet des enquêtes de l’OLAF. Dès lors, il ne saurait être contesté que l’exigence de consulter ce comité avant la transmission d’informations aux autorités judiciaires nationales a pour objet de conférer des droits aux personnes concernées.
169 Partant, il y a lieu de considérer que, par la violation de l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999, l’OLAF a violé une règle de droit conférant des droits aux particuliers.
170 En outre, étant donné que l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999 prévoit que l’information du comité de surveillance est une obligation inconditionnelle et ne laisse aucune marge d’appréciation, il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée.
Influence exercée sur les autorités judiciaires nationales
171 Les requérants font valoir que l’OLAF a « orienté » les autorités judiciaires françaises en donnant déjà des qualifications de caractère pénal à des faits qu’il avait cru pouvoir identifier dans l’affaire Eurostat, ce qui serait contraire à son rôle qui est de procéder à des enquêtes administratives.
172 Le Tribunal rappelle que la suite que réservent les autorités nationales aux informations qui leur sont transmises par l’OLAF relève de leur seule et entière responsabilité. Il incombe ainsi à ces autorités de vérifier elles-mêmes si de telles informations justifient ou exigent que des poursuites pénales soient engagées. En conséquence, la protection juridictionnelle à l’encontre de telles poursuites doit être assurée au niveau national avec toutes les garanties prévues par le droit interne, y
compris celles qui découlent des droits fondamentaux qui, faisant partie intégrante des principes généraux du droit communautaire, doivent également être respectés par les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre une réglementation communautaire [arrêts de la Cour du 13 juillet 1989, Wachauf, 5/88, Rec. p. 2609, point 19 ; du 10 juillet 2003, Booker Aquaculture et Hydro Seafood, C-20/00 et C-64/00, Rec. p. I-7411, point 88, et ordonnance du président de la Cour du 19 avril 2005,
Tillack/Commission, C-521/04 P(R), Rec. p. I-3103, point 38].
173 Dès lors, l’argument des requérants relatif à l’influence exercée sur les autorités judiciaires nationales est inopérant.
2. Sur la divulgation des informations par l’OLAF
a) Arguments des parties
174 Les requérants reprochent à l’OLAF d’avoir violé l’obligation de confidentialité, consacrée, notamment, dans les articles 8 et 12 du règlement no 1073/1999, le principe de bonne administration et le principe de la présomption d’innocence. En effet, d’une part, des fuites auraient eu lieu en ce qui concerne la communication du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises. Les requérants auraient eu connaissance par la presse, en mai 2003, des accusations dont ils étaient
l’objet et du fait que les autorités judicaires françaises avaient été saisies.
175 D’autre part, ces fuites se seraient poursuivies. Selon les requérants, elles reposent sur des éléments relevant soit du rapport et des éléments communiqués aux autorités judiciaires nationales, soit directement des entretiens que les requérants avaient eu avec les enquêteurs de l’OLAF entre le 23 juin et le 4 juillet 2003. Leur origine serait donc bien établie. Les explications fournies devant les enquêteurs de l’OLAF se seraient retrouvées, le lendemain ou quelques jours après, transcrites,
presque mot par mot, dans la presse.
176 La communication par l’OLAF, le 24 septembre 2003, au président de la Commission du « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées » constituerait également une violation de l’obligation de confidentialité. Ce document n’aurait pas été communiqué aux requérants et le directeur général de l’OLAF aurait dû savoir qu’il allait être utilisé publiquement par le président de la Commission le lendemain et avait fait l’objet d’une diffusion publique, la veille, au Parlement.
177 De plus, l’OLAF aurait désigné publiquement — y compris par des fuites dans la presse — les requérants comme coupables d’une série d’infractions pénales, ce qui aurait incité à croire en leur culpabilité et aurait préjugé de l’appréciation des faits par le juge français, violant ainsi le principe de la présomption d’innocence. Le directeur général de l’OLAF se serait livré à des déclarations dans la presse et devant la Cocobu en qualifiant le dossier de grave et de sérieux, lesquelles auraient
ainsi contenu un jugement sur l’affaire, alors que les enquêtes auraient toujours été en cours. Partant, l’OLAF n’aurait pas non plus respecté l’obligation de confidentialité.
178 La Commission conteste les arguments des requérants et constate qu’il leur appartient de démontrer la véracité de l’accusation ou de l’imputation gravement préjudiciable à l’honneur de l’OLAF qu’ils ont émise.
179 S’agissant de la communication du « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées » du 24 septembre 2003, la Commission se réfère à l’article 10 du règlement no 1073/1999 et constate que, même s’il s’agissait d’une enquête externe, l’OLAF aurait pu transmettre ces informations également à la Commission, puisque celle-ci était concernée au titre de la protection des intérêts financiers communautaires.
180 Enfin, la Commission estime que le grief concernant la méconnaissance de la présomption d’innocence est dénué de tout fondement. En effet, l’OLAF ne pourrait prendre aucune décision judiciaire ou disciplinaire à l’encontre des requérants, car il ne serait pas un organe judiciaire ou disciplinaire. Même si une atteinte à la présomption d’innocence pouvait émaner également d’autres autorités publiques, les requérants n’auraient pas démontré en quelles circonstances l’OLAF les aurait désignés
publiquement comme coupables d’une série d’infractions pénales.
b) Appréciation du Tribunal
Sur les fuites
181 Selon les requérants, d’une part, des fuites auraient eu lieu en ce qui concerne la communication du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises. D’autre part, ces fuites se seraient poursuivies.
182 Le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, c’est à la partie requérante qu’il appartient, dans le cadre d’un recours en indemnité, d’établir que les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE sont réunies (arrêts du Tribunal du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T-273/01, Rec. p. II-1093, point 23, et du 17 décembre 2003, DLD Trading/Conseil, T-146/01, Rec. p. II-6005, point 71). Ainsi, dans
la mesure où les requérants n’auraient pas établi, en l’espèce, que la publication d’informations concernant l’enquête dont ils avaient fait l’objet résultait d’une divulgation d’informations imputable à l’OLAF, une telle publication ne saurait, en principe, être reprochée à celui-ci (voir, en ce sens, arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 141).
183 Il existe toutefois un tempérament à cette règle lorsqu’un fait dommageable a pu être provoqué par plusieurs causes différentes et que l’institution communautaire n’a apporté aucun élément de preuve permettant d’établir à laquelle de ces causes ce fait était imputable, alors qu’elle était la mieux placée pour rapporter des preuves à cet égard, de sorte que l’incertitude qui demeure doit être mise à sa charge (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 octobre 1986, Leussink-Brummelhuis/Commission,
169/83 et 136/84, Rec. p. 2801, points 16 et 17). Il y a lieu d’adopter cette approche en examinant si les requérants ont établi que certaines informations avaient été divulguées par l’OLAF ou un de ses agents, sans préjudice, à ce stade de l’appréciation par le Tribunal de la question de savoir si ces éventuelles divulgations constituent des illégalités commises par l’OLAF (voir, en ce sens, arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 142).
— Sur l’existence et le contenu des fuites
184 Il y a lieu de relever que l’existence de fuites doit être considérée comme un fait notoire dans la présente affaire. En effet, la Commission a admis elle-même lors de l’audience qu’« il y a[vait] eu une communication aux autorités judiciaires nationales, [qu’]il y a[vait] eu certainement des fuites à un moment ou à un autre qui [avaie]nt fait en sorte que, quelques semaines plus tard, c’[était] apparu dans la presse ». Malgré cette admission générale concernant l’existence de fuites, la
Commission insiste sur le fait qu’il appartient aux requérants de démontrer que des fuites en provenance de l’OLAF ont eu lieu. Les requérants admettent, de leur côté, qu’ils n’ont pas de preuves écrites que telle ou telle personne aurait été à l’origine des fuites mais que c’est un ensemble d’indices et de présomptions qui indiquent qu’il y en avait eu en provenance de l’OLAF.
185 À cet égard, il convient de constater que le verbatim de l’intervention du secrétaire général de la Commission, devant le comité de surveillance de l’OLAF, le 3 septembre 2003, fait état de l’existence de fuites. Il y a lieu de citer un passage de ce verbatim, dont la Commission avait demandé le retrait du dossier, qui démontre l’existence de difficultés :
« Sur les problèmes des auditions des personnes, je suis tout à fait d’accord, c’est un vrai problème. Tout peut marcher si on maintient la confidentialité. Si vraiment il y a la confidentialité, un dossier préparé par l’OLAF est transmis à un parquet et c’est au parquet d’apprécier si oui ou [non] il faut auditionner les gens. Tout ça c’est très bien s’il n’y a pas de fuites. Malheureusement, pour l’instant, [à l’]OLAF, tout f[iltre]. Donc, la soi-disant[e] confidentialité — moi je suis
[M. Franchet ou M. Byk], je [lis] sur le Financial Times que je suis accusé d’avoir fait un pillage de fonds communautaires. Excusez-moi, mais votre réputation est détruite. Il n’y a pas moyen, même si après il y a blanchissement complet, ces gens-là, ils sont détruits, professionnellement et même personnellement. Donc, c’est du sérieux, tout ce[la]. On joue avec la carrière, la vie personnelle, l’intégrité des personnes. Donc, à mon avis, tant qu’on n’a pas évité les fuites, il faut faire très
attention sur ce qu’on écrit et sur ce qu’on dit ; il faut être plutôt prudent. »
186 En outre, selon la note du secrétariat du comité de surveillance de l’OLAF à l’attention du président du comité de surveillance, du 27 mai 2003 :
« Divers articles parus surtout dans les presses allemandes puis françaises ont fait état de la transmission des informations de l’OLAF au Procureur de la République à Paris.
Les fuites dans la presse allemande paraissent avoir été bien synchrones, avec, d’une part, les déplacements en Allemagne de certains responsables de l’OLAF et, d’autre part, les cérémonies entourant le [50]e anniversaire d’Eurostat.
L’article ci-joint du journal Libération, publié le 22 mai 2003, a été rédigé, semble-t-il, sur la base exclusive de la transmission de l’OLAF au Procureur de la République à Paris. L’article est signé par deux journalistes en poste à Bruxelles, ce qui laisse penser que la fuite a pour origine Bruxelles et non Paris. »
187 De même, selon le rapport du comité de surveillance de l’OLAF, du 15 janvier 2004, rédigé à la demande du Parlement au sujet des questions de procédure posées par les enquêtes relatives à Eurostat :
« Le déroulement de cette affaire a été marqué par la communication à la presse et aux institutions de la part de l’OLAF, intentionnellement ou non intentionnellement, d’informations et de déclarations qui, mettant en cause les droits individuels des personnes sous enquête, mais aussi le bon déroulement de l’enquête, auraient dû être traitées confidentiellement. »
188 Il ressort également de la note du 1er juillet 2003 (voir point 34 ci-dessus) que les fuites étaient un fait acquis pour le directeur général de l’OLAF, étant donné qu’il avait indiqué ce qui suit : « Quant aux fuites, le service de sécurité de la Commission fait enquête. »
189 Dans ces circonstances, il y a lieu de relever que l’existence de fuites est déjà suffisamment établie sur la base des documents précités.
190 Dans leur réponse à une question écrite du Tribunal, les requérants précisent que les informations et les termes utilisés dans la lettre et la note de l’OLAF du 19 mars 2003 sont à la base d’une première série d’articles ou de prises de position publiques de médias ou de députés européens ayant clairement eu accès à ces documents. Ils citent plusieurs articles de presse à cet égard.
191 Dans ses observations sur la réponse des requérants, la Commission conteste le fait que les articles de presse produits prouvent l’existence de fuites, notamment en provenance de l’OLAF, et constate qu’il s’agit d’une affirmation sans preuve. Elle fait valoir que rien dans ces articles ne permet d’affirmer que l’OLAF serait à l’origine des fuites relatives à la transmission faite le 19 mars 2003 aux autorités judiciaires françaises ou à tout autre événement.
192 À cet égard, le Tribunal relève que les articles de presse produits par les requérants confortent l’existence des fuites. Ils contiennent des références, notamment, à une « source bien informée », ainsi que des citations directes de la lettre et de la note du 19 mars 2003, envoyées aux autorités judiciaires françaises.
193 Il convient encore de citer certains de ces articles afin d’examiner plus en détail le contenu des fuites.
194 Selon un article, paru dans la Süddeutsche Zeitung le 26 avril 2003 :
« Ce devrait être un jour de fête. Le 16 mai, l’Office statistique des Communautés européennes aura 50 ans […]
Il se pourrait néanmoins que la fête soit moins grandiose que prévu. Juste avant ce grand jubilé, le management d’Eurostat est sous le feu des critiques. Selon une information parvenue à la Süddeutsche Zeitung, des audits internes portent des accusations graves. Il y est question de ‘caisses noires’ qui auraient drainé des fonds provenant d’organismes financés par l’Union européenne. Depuis des mois, l’OLAF […] enquête activement sur le sujet.
[…] Au plus tard à partir de 1999, au moins 900000 euros — correspondant aux revenus tirés de ces ’Data Shops’ ont été détournés à partir de comptes officiels. On soupçonne des hauts fonctionnaires d’avoir détourné des fonds pour eux-mêmes, à partir de ces caisses noires.
On sait encore trop peu de choses sur les détails. On doit présumer l’innocence de tous les participants jusqu’à ce que le contraire ait été prouvé. Si les accusations devaient persister, on serait alors en présence d’une fraude particulièrement audacieuse. […]
Les soupçons ont également visé l’encadrement, avec à sa tête le Français Yves Franchet. Franchet fait partie des fondateurs de la société Eurocost, qui a longtemps reçu des aides financières de l’Office statistique. Ainsi que le signalait le Parlement européen au mois de mars, Eurocost est accusée, notamment, d’avoir manipulé son bilan. […]
Avec cette nouvelle accusation de caisses noires, l’affaire Eurostat pourrait rebondir. Aux dires du député européen Mme S. : ‘Si cette accusation grave se confirme, l’affaire prend alors une nouvelle dimension’ […] »
195 Le 16 mai 2003, dans le Financial Times, un autre article a été publié, selon lequel :
« Le ministère public en France a ouvert une enquête pénale concernant des allégations faisant état d’une ‘vaste entreprise de pillage’ de fonds appartenant à l’Union européenne, impliquant les deux principaux cadres d’Eurostat […]
[…]
L’annonce d’une enquête pénale a éclaté au milieu des cinq jours de commémoration du 50e anniversaire d’Eurostat […]
Il s’agit pour le moment d’une information judiciaire contre X ouverte par le tribunal de grande instance de Paris. Elle a été diligentée en réponse à une enquête de l’OLAF […] dirigée contre deux hauts fonctionnaires français, Yves Franchet, directeur général de longue date d’Eurostat, et Daniel Byk, directeur de l’une des six directions d’Eurostat.
Selon le dossier transmis par l’OLAF aux autorités françaises, le 1[9] mars, les deux hommes sont soupçonnés d’avoir ouvert un compte dans une banque de dépôts à Luxembourg, qui a servi à amasser jusqu’à 900000 euros de fonds qui auraient dû parvenir à Eurostat.
[…] »
196 Dans un autre article rédigé par le même journaliste à Bruxelles, il est fait référence à « [u]ne enquête pénale diligentée par le ministère public en France à propos de charges pesant sur Yves Franchet, le directeur général, et Daniel Byk, l’un des directeurs de l’institution », ces derniers étant « soupçonnés d’être impliqués dans l’ouverture d’un compte bancaire auprès d’une banque de dépôts à Luxembourg, qui échappait à la surveillance des contrôleurs financiers ». Cet article se réfère
également aux dossiers Eurocost, Eurogramme et CESD Communautaire.
197 De plus, selon un article paru dans La Voix du Luxembourg, le 16 mai 2003, « après une enquête approfondie et de source bien informée, il s’avère que cette affaire est bien plus avancée que cela » et qu’« il est prouvé que, dans une lettre en date du 19 mars et adressée au procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris, le directeur général de l’[OLAF] dénonce la mise à jour ‘d’agissements frauduleux ayant causé un préjudice au budget communautaire qui sont susceptibles de
recevoir une qualification pénale’ ». Il convient de relever que cet article contient des citations directes de la lettre et de la note du 19 mars 2003, envoyées aux autorités judiciaires françaises.
198 Par conséquent, il ressort de ces articles que, avec une grande probabilité, la presse était en possession de certaines informations relatives à la transmission d’informations aux autorités judiciaires françaises. Dans ces articles, il est fait référence aux « caisses noires » et les requérants sont nommément cités comme étant susceptibles d’avoir mis en place tout ou partie du système.
199 En outre, le 14 mai 2003, M. Franchet a envoyé au secrétaire général de la Commission une lettre anonyme qu’il avait reçue et qui a été envoyée, selon lui, à un journal luxembourgeois. Il convient de relever que cette lettre anonyme, dont l’objet est intitulé « 50e anniversaire d’Eurostat », contient des extraits de la lettre et de la note du 19 mars 2003, envoyées aux autorités judiciaires françaises, et mentionne explicitement les noms des requérants. Il y a également lieu de relever que ces
extraits sont les mêmes que ceux qui se trouvent dans l’article paru dans La Voix du Luxembourg, cité au point 197 ci-dessus.
200 Par ailleurs, il ressort d’une déclaration du 16 mai 2003 concernant Eurostat, qui a été diffusée par le communiqué de presse du 19 mai 2003 (IP/03/709) et que les requérants ont produite en réponse à une question écrite du Tribunal, que la Commission avait « regrett[é] la violation du caractère confidentiel de cette enquête de l’OLAF, qui cré[ait] une situation difficile, avant tout pour les fonctionnaires mentionnés dans les médias, mais également pour la Commission, qui n’[était] pas en
mesure de décider des suites éventuelles à donner tant qu’elle n’[était] pas en possession des informations appropriées émanant de l’enquête de l’OLAF ». Elle y avait constaté que des « informations circul[ai]ent […] dans les médias à propos d’activités supposées irrégulières liées aux ‘datashops’ d’Eurostat et de l’implication possible de [certains de ses] fonctionnaires » et que « [c]es allégations […] [faisaie]nt […] l’objet d’une enquête de l’OLAF, à propos de certains aspects de laquelle
l’OLAF a[vait] transmis un dossier au ministère public français ».
201 Ainsi, sur la base de tous ces documents, il y a lieu de relever que, de manière générale, il y a eu des fuites et que les requérants ont appris par la presse la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises, ce que la Commission ne conteste pas.
202 S’agissant de l’imputabilité de ces fuites à l’OLAF, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la Commission a indiqué que, étant donné que les informations contenues dans la transmission aux autorités judiciaires françaises avaient été communiquées au comité de surveillance de l’OLAF et au service juridique de celle-ci avant que ces informations ne soient apparues dans la presse, il ne pouvait pas être établi de manière certaine que les fuites ne pouvaient provenir que de
l’OLAF. À cet égard, le Tribunal considère qu’il suffit de constater qu’une éventuelle fuite émanant du comité de surveillance de l’OLAF serait imputable à l’OLAF et que, en tout état de cause, même si les fuites provenaient du service juridique de la Commission, la Communauté serait également responsable.
203 Dans ces circonstances, et étant donné que la Commission n’a même pas invoqué la possibilité que la source des fuites ait pu être de nature non communautaire, telle que les autorités judiciaires françaises, le fait que l’information pouvait être connue par cette instance non communautaire n’empêche pas de présumer que la source de cette information était l’OLAF ou une autre source dont la Communauté doit répondre.
204 Dès lors, il y a lieu de considérer que l’existence des fuites est établie en ce qui concerne la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises. En outre, tous les indices figurant dans le dossier comme le contexte de celui-ci (voir l’analyse des différents documents effectuée ci-dessus) permettant de considérer que la source des fuites est l’OLAF et en l’absence d’indices démontrant que la source serait plutôt le service juridique de la Commission, il y a lieu
de présumer que la source de ces fuites est précisément l’OLAF.
205 En ce qui concerne les prétendues fuites relatives aux entretiens des requérants avec les enquêteurs de l’OLAF entre le 23 juin et le 4 juillet 2003 ou celles relatives aux rapports, il y a lieu de relever que les documents examinés ci-dessus ne démontrent pas explicitement que des fuites auraient eu lieu en ce qui concerne lesdits entretiens ou lesdits rapports. Les requérants n’ont pas non plus réussi à l’établir au moyen des articles de presse qu’ils ont produits. Partant, l’existence de ces
éventuelles fuites n’est pas suffisamment établie.
206 Il y a lieu de conclure, compte tenu de ce qui précède, que, en l’absence de tout élément de preuve apporté par la Commission et tendant à démontrer que les fuites ont pu avoir une autre origine, l’OLAF est responsable des fuites relatives aux informations contenues dans la lettre et la note du 19 mars 2003 concernant la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises et que ces informations se sont retrouvées dans la presse à la suite de cette fuite.
207 Partant, il convient d’examiner si l’OLAF a violé une règle de droit conférant des droits aux particuliers.
— Analyse des violations alléguées de règles de droit conférant des droits aux particuliers ayant pu résulter de la divulgation des informations par l’OLAF
208 Les requérants invoquent, notamment, la violation de l’obligation de confidentialité des enquêtes de l’OLAF, la violation du principe de bonne administration et la violation du principe de la présomption d’innocence.
209 S’agissant du principe de la présomption d’innocence, le Tribunal rappelle que ce principe, qui constitue un droit fondamental, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH et à l’article 48, paragraphe 1, de la charte, confère aux particuliers des droits dont le juge communautaire garantit le respect (arrêt du Tribunal du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T-193/04, Rec. p. II-3995, point 121).
210 Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH régit l’ensemble de la procédure pénale, indépendamment de l’issue des poursuites, et non le seul examen du bien-fondé de l’accusation. Cette disposition garantit à toute personne de ne pas être désignée ni traitée comme coupable d’une infraction avant que sa culpabilité n’ait été établie par un tribunal. Dès lors, elle exige, notamment, qu’en remplissant leurs
fonctions les membres d’un tribunal ne partent pas de l’idée préconçue que le prévenu a commis l’acte incriminé. La présomption d’innocence se trouve atteinte par des déclarations ou des décisions qui reflètent le sentiment que la personne est coupable, qui incitent le public à croire en sa culpabilité ou qui préjugent de l’appréciation des faits par le juge compétent (voir Cour eur. D. H., arrêt Pandy c. Belgique du 21 septembre 2006, §§ 41-42).
211 La Cour EDH a par ailleurs jugé que, si le principe de la présomption d’innocence consacré par l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH figure parmi les éléments du procès pénal équitable exigé par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, il ne se limite pas à une garantie procédurale en matière pénale : sa portée est plus étendue et exige qu’aucun représentant de l’État ne déclare qu’une personne est coupable d’une infraction avant que sa culpabilité n’ait été établie par un tribunal (voir Cour eur.
D. H., arrêt Y. B. et autres c. Turquie du 28 octobre 2004, § 43). En effet, la Cour EDH avait déjà estimé dans son arrêt Allenet de Ribemont c. France du 10 février 1995 (série A no 308, §§ 35-36), invoqué par les requérants, en rappelant que la CEDH doit s’interpréter de façon à garantir des droits concrets et effectifs, et non théoriques et illusoires, qu’une atteinte à la présomption d’innocence peut émaner non seulement d’un juge ou d’un tribunal mais aussi d’autres autorités publiques. À
cet égard, la Cour EDH a souligné l’importance du choix des termes par les agents de l’État dans les déclarations qu’ils formulent avant qu’une personne n’ait été jugée et reconnue coupable d’une infraction. Ce qui importe aux fins de l’application de l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH, c’est le sens réel des déclarations en question, et non leur forme littérale. Toutefois, le point de savoir si la déclaration d’un agent public constitue une violation du principe de la présomption d’innocence
doit être tranché dans le contexte des circonstances particulières dans lesquelles la déclaration litigieuse a été formulée (Y. B. et autres c. Turquie, précité, § 44).
212 En outre, la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît que l’article 6, paragraphe 2, de la CEDH ne saurait empêcher, au regard de l’article 10 de la CEDH, qui garantit la liberté d’expression, les autorités de renseigner le public sur des enquêtes pénales en cours, mais qu’il requiert qu’elles le fassent avec toute la discrétion et toute la réserve que commande le respect de la présomption d’innocence (Allenet de Ribemont c. France, point 211 supra, § 38, et Y. B. et autres c. Turquie,
point 211 supra, § 47).
213 Ce principe trouve son corollaire dans l’obligation de confidentialité qui s’impose à l’OLAF, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999.
214 De même, il a été jugé que, en vertu de son devoir de sollicitude et du principe de bonne administration, l’administration doit, d’une part, éviter de donner à la presse des informations qui pourraient causer un préjudice au fonctionnaire en cause et, d’autre part, prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, au sein de l’institution, toute forme de diffusion d’informations qui pourraient avoir un caractère diffamatoire à l’encontre de celui-ci (voir ordonnance du président du Tribunal
du 12 décembre 1995, Connolly/Commission, T-203/95 R, Rec. p. II-2919, point 35).
215 En l’espèce, les requérants font valoir que l’OLAF les a désignés publiquement — y compris par des fuites dans la presse — comme coupables d’une série d’infractions pénales, ce qui aurait incité à croire en leur culpabilité et aurait préjugé de l’appréciation des faits par le juge français, violant ainsi le principe de la présomption d’innocence.
216 Il y a lieu de rappeler que, par exemple, dans l’article de presse du 16 mai 2003, paru dans le Financial Times, cité au point 195 ci-dessus, il est clairement indiqué, sur la base des informations émanant selon toute probabilité de l’OLAF à travers des fuites, que les requérants sont susceptibles d’avoir commis une « vaste entreprise de pillage des fonds communautaires ». Il est évident que cette déclaration viole le principe de la présomption d’innocence en ce qu’elle reflète le sentiment que
les requérants sont coupables et incite le public à croire en leur culpabilité.
217 Ainsi, en laissant filtrer des informations contenant déjà en elles-mêmes une telle déclaration, l’OLAF a violé le principe de la présomption d’innocence. Par ces fuites, il a également violé l’obligation de confidentialité des enquêtes et, en provoquant la divulgation dans la presse d’éléments sensibles des enquêtes, il a porté atteinte aux intérêts d’une bonne administration dans la mesure où il a permis au grand public d’avoir accès, au cours de la procédure d’enquête, à des informations
confidentielles de l’administration.
218 Comme il a déjà été constaté ci-dessus, le principe de la présomption d’innocence confère des droits aux particuliers. Il convient de relever que l’obligation de confidentialité confère également des droits aux particuliers qui sont affectés par une enquête de l’OLAF dans la mesure où ils sont en droit d’attendre que les enquêtes les concernant soient traitées en respectant leurs droits fondamentaux. De la même manière, les requérants sont en droit d’invoquer, en l’espèce, le principe de bonne
administration en tant qu’il implique le droit de voir ses affaires traitées dans le respect de la confidentialité.
219 Il convient de relever qu’il s’agit de violations suffisamment caractérisées de ces règles de droit, dans la mesure où il appartient à l’OLAF de veiller à ce que de telles fuites, violant les droits fondamentaux des personnes concernées, tels que la présomption d’innocence, n’aient pas lieu, l’administration ne disposant d’aucune marge d’appréciation s’agissant du respect de cette obligation.
Sur l’envoi du 24 septembre 2003
220 Les requérants font valoir que l’OLAF a violé l’obligation de confidentialité par la communication, le 24 septembre 2003, au président de la Commission du « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées ».
221 Ce résumé a été envoyé au président de la Commission par le directeur général de l’OLAF. D’après la note de transmission, ce dernier lui a transmis « un bref résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées qui pourraient faire l’objet d’une diffusion éventuelle ». En outre, le directeur général a précisé que « cette note de synthèse ne p[ouvait] en aucune manière être considérée comme constituant un rapport final d’enquête au sens du règlement no 1073/1999 ». Enfin, il a noté que « ce
document de travail, à portée générale, n’a[vait] pour seule ambition que de mettre en évidence les principales conclusions qui se dégage[aie]nt des enquêtes réalisées ». Le résumé lui-même indique pour chaque dossier (Eurocost, Eurogramme, Datashop, Planistat et CESD Communautaire) l’objet de l’enquête, les résultats et les conclusions de celle-ci.
222 À cet égard, il suffit de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 3, du règlement no 1073/1999, l’OLAF peut transmettre à tout moment à l’institution concernée des informations obtenues au cours d’enquêtes internes. De plus, dans leurs arguments, les requérants sont un peu contradictoires, car, d’une part, ils reprochent à l’OLAF de ne pas avoir communiqué certaines informations à la Commission et, d’autre part, ils lui reprochent de l’avoir fait concernant d’autres informations. En
outre, il convient de rappeler que les requérants avaient déjà été entendus à propos de ces dossiers lors de leurs auditions en juin et en juillet 2003 et, partant, ils ne sauraient prétendre qu’ils n’ont pas été entendus avant cet envoi.
223 En tout état de cause, étant donné que l’OLAF avait le droit de soumettre ce document à la Commission, il y a lieu de relever qu’il ne peut pas être tenu responsable pour l’éventuel fait que le président de la Commission aurait utilisé ce document publiquement et qu’il aurait fait l’objet d’une diffusion publique au Parlement. Cet aspect sera encore être examiné ci-après dans le cadre de l’appréciation de l’éventuel comportement illégal de la Commission.
Sur les prises de position du directeur général de l’OLAF
224 Les requérants font valoir que le directeur général de l’OLAF a pris des positions sur le dossier, en le qualifiant de grave et de sérieux, tant dans la presse qu’à l’occasion de ses déclarations devant la Cocobu.
225 En ce qui concerne les prétendues déclarations du directeur général de l’OLAF dans la presse, le Tribunal constate que les requérants n’en apportent aucunement les preuves. De plus, ils n’ont pas établi en quoi le fait pour le directeur général de l’OLAF d’avoir déclaré dans un entretien à la télévision le 30 juin 2003 que l’affaire Eurostat était une « affaire grave » avait porté atteinte à la confidentialité de l’affaire. En tout état de cause, les requérants ne produisent aucun élément de
nature à permettre de vérifier le contenu desdites déclarations à la télévision.
226 S’agissant des déclarations du directeur général de l’OLAF devant la Cocobu les 30 juin et 16 juillet 2003, les requérants n’ont pas non plus établi en quoi le fait pour ce dernier d’avoir qualifié le dossier Eurostat de « pas normal » et de « non classique » avait porté atteinte à la confidentialité de l’affaire.
227 Cependant, les requérants invoquent également, à cet égard, la violation du principe de la présomption d’innocence.
228 À cet égard, il y a lieu d’examiner ce que le directeur général de l’OLAF a dit lors de ses déclarations devant la Cocobu. Selon la note du 1er juillet 2003, le directeur général de l’OLAF a constaté lors de son intervention le 30 juin 2003 devant la Cocobu que « l’OLAF continuera[it] l’enquête interne et que MM. Franchet et Byk ser[aient] entendus, l’enquête ne pouvant cependant pas être finalisée pour fin juin ». Il a en outre affirmé que, « [q]uant à la question de savoir pourquoi ne pas
avoir pris des mesures disciplinaires telles la suspension, [il] a[vait] fait part des hésitations de l’OLAF mais a[vait] surtout pointé que l’OLAF n’avait pas voulu compromettre l’enquête interne en tirant tout de suite la sonnette d’alarme ». Il a par ailleurs relevé qu’« à aucun moment, MM. Franchet et Byk n’avaient tenté d’infléchir l’enquête ». Lors de son intervention le 16 juillet 2003 devant la Cocobu, le directeur général de l’OLAF a souligné « qu’il [était] tout à fait exceptionnel
qu’un directeur général soit impliqué » et que, « au départ, cet élément n’était pas apparu ». Il a encore noté« qu’un rapport d’audit n’impliquait pas nécessairement qu’il y ait preuve ». Il a également constaté que M. Franchet avait été informé du lancement de l’enquête ainsi que de la transmission des résultats aux autorités judiciaires luxembourgeoises.
229 Il convient de relever que, malgré le fait que le directeur général de l’OLAF a mentionné explicitement les requérants lors de ses interventions devant la Cocobu, il ne saurait être considéré qu’il a violé le principe de la présomption d’innocence. En effet, ses propos étaient davantage de nature informative, notamment en réponse aux questions des membres de la Cocobu, que de nature à inciter à croire en la culpabilité des requérants.
230 Dans ces circonstances, l’OLAF n’a pas violé le principe de la présomption d’innocence à cet égard.
3. Sur les prétendues fautes concernant l’établissement et la communication des notes et des rapports finaux
a) Arguments des parties
231 Les requérants se réfèrent à la décision du Médiateur du 3 juillet 2003, concernant la plainte contre l’OLAF, enregistrée sous la référence 1625/2002/IJH, selon laquelle le principe de bonne administration veut que les enquêtes administratives de l’OLAF soient menées « avec précaution, impartialité et objectivité ». Or, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce.
232 En effet, l’OLAF aurait déjà tiré des conclusions dans une note du 1er juillet 2002 relative au dossier Eurocost, alors qu’il aurait été loin d’avoir instruit ce dossier et d’avoir entendu M. Franchet, qui serait pourtant visé dans l’envoi du 4 juillet 2002 aux autorités judiciaires luxembourgeoises.
233 En outre, ni le « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées » du 24 septembre 2003 ni les rapports finaux de l’OLAF ne prendraient en considération les éléments communiqués par les requérants au cours de leurs auditions de juin et de juillet 2003 concernant les dossiers Eurocost, Datashop — Planistat et CESD Communautaire. De même, l’OLAF n’aurait pas motivé les raisons pour lesquelles il ne les aurait pas pris en considération. Le simple fait de mentionner que les personnes concernées
contestent leur responsabilité ne signifierait pas qu’elles auraient été utilement entendues par les enquêteurs de l’OLAF.
234 De plus, l’OLAF n’aurait pas soumis ses conclusions aux requérants avant l’établissement de ses rapports finaux, violant ainsi, de nouveau, leur droit d’être entendu.
235 Les requérants soulignent que, aux termes du considérant 10 du règlement no 1073/1999, seuls les éléments ayant une valeur probante peuvent fonder les conclusions d’une enquête. Dès lors, l’OLAF devrait tenir compte de tous les éléments recueillis pour établir ses conclusions et ne saurait les interpréter pour servir la cause ou l’objectif qu’il se serait fixé par avance.
236 Par ailleurs, l’OLAF aurait fait lourdement pression sur les autorités judiciaires nationales pour que celles-ci poursuivent les requérants. En effet, la communication par l’OLAF aux autorités judiciaires françaises des rapports finaux relatifs aux dossiers CESD Communautaire et Datashop — Planistat serait contraire à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1073/1999, car la suite à donner aux rapports finaux, disciplinaires et judiciaires reviendrait à l’institution concernée et non à
l’OLAF.
237 La Commission souligne, s’agissant de l’obligation de mener les enquêtes avec précaution et impartialité, que l’OLAF peut décider lui-même le moment où il estime devoir transmettre des informations obtenues au cours d’une enquête. La Commission conteste le fait que les enquêteurs aient indiqué avoir transmis les informations en l’absence d’une connaissance exacte et complète des faits s’y rapportant. Les requérants reconnaîtraient eux-mêmes avoir été entendus par les enquêteurs de l’OLAF.
Cependant, les enquêteurs n’auraient pu les entendre qu’à partir du moment où l’état d’avancement de l’enquête le permettait, ce qui relativiserait l’affirmation des requérants selon laquelle ils n’auraient été entendus que sur leur demande.
238 En ce qui concerne l’absence de prise en compte des éléments communiqués par les requérants à l’OLAF lors de leurs auditions en juin et en juillet 2003, la Commission constate que les dossiers en cause relèvent maintenant des autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises et que, en conséquence, elle n’estime pas devoir se prononcer sur le fond de ces dossiers dans le cadre de la présente affaire. En tout état de cause, l’OLAF ne serait pas tenu de partager le point de vue des requérants.
De plus, le « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées » préciserait que les fonctionnaires concernés auraient été entendus et qu’ils contesteraient leur responsabilité.
239 Quant aux prétendues pressions de l’OLAF sur les autorités judiciaires françaises, tenant au fait qu’il aurait appartenu à la Commission et non à l’OLAF d’effectuer la communication des rapports d’enquête en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1073/1999, la Commission souligne que cette disposition n’empêche nullement l’OLAF d’adresser à titre d’information le rapport final d’une enquête interne à une autorité judiciaire nationale, surtout si celle-ci a déjà été saisie
d’informations au cours de l’enquête. Cette disposition réserverait à l’institution concernée la responsabilité de donner aux résultats d’une enquête interne les suites disciplinaires et judiciaires qu’elle juge appropriées.
b) Appréciation du Tribunal
240 En premier lieu, en ce qui concerne la note du 1er juillet 2002, il suffit de relever que cette note ne contient aucune référence à M. Franchet, même implicite. En tout état de cause, étant donné que le Tribunal a déjà constaté ci-dessus que M. Franchet aurait dû être entendu à propos de la transmission du dossier Eurocost aux autorités judiciaires luxembourgeoises, il n’y a plus lieu d’examiner la question de savoir s’il aurait dû être entendu à propos de cette note, qui faisait partie du
dossier envoyé auxdites autorités.
241 En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue absence de prise en compte des éléments communiqués par les requérants lors de l’établissement des rapports finaux, il suffit de constater que les requérants se bornent à effectuer de longs développements factuels sans pourtant produire aucune preuve à l’appui. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de réexaminer ces dossiers. De plus, comme le constate la Commission, l’OLAF et ses enquêteurs ne sont nullement tenus de partager le point de vue des
requérants. Par ailleurs, dans le « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées » du 24 septembre 2003, il a été souligné que les fonctionnaires concernés, entendus par les services de l’OLAF, avaient contesté leur responsabilité en ce qui concerne les faits qui leur étaient reprochés, estimant notamment avoir toujours agi dans l’intérêt de la Commission.
242 En outre, en ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel seuls les éléments ayant une valeur probante peuvent fonder les conclusions de l’enquête et, dès lors, l’OLAF devrait prendre en considération tous les éléments recueillis, sans les interpréter pour servir la cause ou l’objectif qu’il se serait fixé par avance, il suffit de constater que les requérants n’ont aucunement étayé le fait que l’OLAF aurait fondé ses conclusions sur des preuves non probantes ou qu’il se serait fixé un
certain objectif par avance.
243 Par ailleurs, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation, en ce que l’OLAF n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles il n’a pas pris en compte les observations des requérants, il suffit de relever que, selon une jurisprudence constante, la violation de l’obligation de motivation, consacrée par l’article 253 CE, n’est pas en soi de nature à engager la responsabilité de la Communauté (arrêts de la Cour du 15 septembre 1982, Kind/CEE, 106/81, Rec. p. 2885, point 14 ;
du 6 juin 1990, AERPO e.a./Commission, C-119/88, Rec. p. I-2189, point 20, et du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C-76/01 P, Rec. p. I-10091, point 98 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Nölle/Conseil et Commission, T-167/94, Rec. p. II-2589, point 57 ; du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 104 ; du 20 mars 2001, Cordis/Commission, T-18/99, Rec. p. II-913, point 79, et du 6 décembre 2001, Emesa
Sugar/Conseil, T-43/98, Rec. p. II-3519, point 63). Cet argument doit donc être rejeté.
244 En tout état de cause, l’obligation de motivation n’implique pas qu’il soit exigé que tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par les intéressés au cours de la procédure soient discutés (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43/82 et 63/82, Rec. p. 19, point 22 ; arrêts du Tribunal du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T-277/01, RecFP p. I-A-253 et II-1273, point 71, et du 1er avril 2004, N/Commission, T-198/02, RecFP p. I-A-115 et
II-507, point 109).
245 Dès lors, les requérants ne sauraient se prévaloir de ce que l’OLAF n’aurait pas tenu compte de tous les éléments et observations communiqués par eux.
246 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel l’OLAF n’aurait pas soumis ses conclusions aux requérants avant l’établissement de ses rapports finaux, violant ainsi leur droit d’être entendu, il suffit de constater que les requérants ont été entendus fin juin et début juillet 2003 à propos des dossiers en question, c’est-à-dire bien avant que l’OLAF n’ait établi ces rapports en septembre 2003. Le droit d’être entendu n’exige pas que l’OLAF ait soumis ses conclusions aux
requérants.
247 En quatrième lieu, en ce qui concerne la communication des rapports finaux aux autorités judiciaires nationales et les prétendues pressions exercées sur celles-ci, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1073/1999, le rapport établi à la suite d’une enquête interne et tout document utile qui y est afférent sont transmis à l’institution, à l’organe ou à l’organisme concerné qui donne aux enquêtes internes les suites, notamment disciplinaires et
judiciaires, que leurs résultats appellent et en informe le directeur de l’OLAF.
248 Il y a également lieu de rappeler que, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999, le directeur de l’OLAF transmet aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues par l’OLAF lors d’enquêtes internes sur des faits susceptibles de poursuites pénales.
249 En l’espèce, l’OLAF avait déjà transmis des informations en vertu de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1073/1999 aux autorités judiciaires françaises. Il y a lieu de relever que l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1073/1999 n’empêche pas l’OLAF d’adresser à titre d’information le rapport final d’une enquête interne à une autorité judiciaire nationale, surtout si celle-ci a déjà été saisie d’informations au cours de l’enquête. L’article 9, paragraphe 4, dudit règlement réserve à
l’institution concernée la responsabilité de donner aux résultats d’une enquête interne des suites disciplinaires et judiciaires et d’en informer le directeur de l’OLAF.
250 En tout état de cause, les requérants ne sont pas parvenus à démontrer que l’OLAF aurait effectivement fait lourdement pression sur les autorités judiciaires françaises.
251 Il résulte de ce qui précède que les requérants n’ont pas réussi à démontrer que le comportement de l’OLAF aurait été illégal concernant l’établissement et la communication des notes et des rapports finaux, excepté le comportement illégal déjà constaté lors de l’examen de la transmission des informations aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises.
4. Sur le refus d’accès à certains documents
a) Arguments des parties
252 Les requérants soutiennent que, en refusant de leur communiquer l’intégralité du dossier, l’OLAF a commis un acte de mauvaise administration, outre l’atteinte à leurs droits fondamentaux. En effet, rien dans la réglementation pertinente ne justifierait le refus de communication du dossier d’instruction et, a fortiori, du rapport d’enquête (externe ou interne) à une personne mise en cause par l’OLAF, nonobstant la question de savoir si l’enquête a abouti en tout ou partie.
253 Il ne saurait être reconnu à l’OLAF le droit de refuser l’accès à ses documents au motif général de la garantie de l’efficacité et de la confidentialité de la mission qui lui est confiée ainsi que de son indépendance. L’accès aux documents constituant un droit fondamental, toute éventuelle limite devrait être appréciée de façon restrictive.
254 La Commission fait observer que l’OLAF ne s’est nullement opposé illégalement à cet accès, puisqu’il n’a nulle obligation en ce sens au stade préliminaire que constitue son enquête. Ce ne serait qu’à un stade ultérieur, si une suite était donnée aux rapports de l’OLAF, dans le cadre d’une procédure disciplinaire et/ou judiciaire, que l’accès au dossier serait ouvert. De plus, les documents pertinents auraient été présentés aux requérants au cours de leurs auditions en fonction des questions qui
leur étaient posées.
b) Appréciation du Tribunal
255 Il convient de rappeler que l’OLAF n’est pas obligé d’accorder à un fonctionnaire communautaire prétendument concerné par une enquête interne — avant l’intervention d’une décision finale de son AIPN lui faisant grief — l’accès aux documents faisant l’objet d’une telle enquête ou à ceux établis par l’OLAF lui-même à cette occasion ; autrement, l’efficacité et la confidentialité de la mission confiée à l’OLAF ainsi que l’indépendance de celui-ci pourraient être entravées. En particulier, le simple
fait qu’une partie d’un dossier confidentiel d’enquête semble avoir été illégalement communiquée à la presse ne justifie pas, à lui seul, de déroger, en faveur du fonctionnaire prétendument visé, à la confidentialité de ce dossier et de l’enquête menée par l’OLAF. Le respect des droits de la défense du fonctionnaire en cause est suffisamment garanti par l’article 4 de la décision 1999/396 (ordonnance du Tribunal du 18 décembre 2003, Gómez-Reino/Commission T-215/02, RecFP p. I-A-345 et II-1685,
point 65 ; arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 241).
256 Ainsi, l’article 4 de la décision 1999/396 n’oblige pas l’OLAF à donner accès aux documents faisant l’objet d’une enquête interne ou à ceux établis par l’OLAF lui-même, notamment parce qu’une interprétation de ladite disposition qui l’y obligerait entraverait les travaux de cet organe (arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 242).
257 Cette approche n’est pas en contradiction avec le respect du droit à une bonne administration, prévu par l’article 41 de la charte, selon lequel ce droit comporte le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires. Ainsi, l’accès au dossier peut être refusé, selon ce principe, lorsque le respect de la confidentialité l’exige.
258 Étant donné que cette interprétation exclut toute obligation pour l’OLAF de donner accès à son dossier avant l’adoption de son rapport final, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérants relative à l’accès au dossier d’enquête.
259 S’agissant de l’accès au rapport final, il convient de constater qu’aucune des obligations qui résultent de l’article 4 de la décision 1999/396 ne porte sur cette question. En ce qui concerne le principe du contradictoire, l’existence d’une illégalité à l’égard de l’OLAF ne pourrait être établie que dans l’hypothèse où le rapport final serait publié ou dans la mesure où il serait suivi par l’adoption d’un acte faisant grief (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Nikolaou/Commission, point 153
supra, points 267 et 268).
260 En l’espèce, il n’est pas allégué que les rapports auraient été publiés sans avoir d’abord été communiqués aux requérants. Dans la mesure où les destinataires des rapports finaux, à savoir la Commission et les autorités judiciaires françaises ou luxembourgeoises, auraient l’intention d’adopter un tel acte à l’égard des requérants en se fondant sur les rapports finaux, c’est à ces autres autorités qu’il appartiendrait, le cas échéant, de donner aux requérants accès à ceux-ci conformément à leurs
propres règles procédurales et non à l’OLAF (voir, en ce sens, arrêt Nikolaou/Commission, point 153 supra, point 269).
261 Il y a donc lieu de considérer que l’OLAF n’a commis aucune illégalité en l’espèce en ce qui concerne l’accès aux rapports finaux.
262 En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 47 ci-dessus, les requérants ont eu accès aux rapports finaux à la suite de leurs demandes, à l’exception du rapport final de l’enquête relative au dossier Planistat, qui concerne le volet externe du dossier Datashop — Planistat.
5. Sur le traitement de l’affaire Eurostat dans un délai déraisonnable et sur la méconnaissance des articles 6 et 11 du règlement no 1073/1999
a) Arguments des parties
263 Les requérants reprochent à l’OLAF le fait que les enquêtes n’ont abouti à des rapports finaux que le 25 septembre 2003, soit près de trois ans à compter de leur ouverture ou trois ans et demi après la saisine de l’OLAF pour ce qui concerne les dossiers Eurocost et Datashop — Planistat et dix-huit mois après son ouverture ou près de deux ans après la saisine de l’OLAF pour ce qui concerne le dossier CESD Communautaire. Ces délais seraient donc déraisonnables et sans justification au regard du
délai de neuf mois prévu par l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999 et de l’obligation prévue par l’article 6, paragraphe 5, du même règlement de conduire les enquêtes sans désemparer pendant une durée qui doit être proportionnée aux circonstances et à la complexité de l’affaire.
264 En effet, M. Franchet aurait communiqué à l’OLAF les rapports d’audit qui sont à la base des enquêtes déjà en mars 2000 (affaire Eurocost) et en novembre 2001 (affaire CESD Communautaire). Le contrôleur financier aurait disposé du rapport d’audit relatif au dossier Datashop — Planistat depuis février 2000 et l’aurait transmis à l’OLAF en mars 2000. L’OLAF n’aurait ouvert ses enquêtes que le 6 octobre 2000 pour ce qui concerne les dossiers Eurocost et Datashop — Planistat et le 18 mars 2002 pour
ce qui concerne le dossier CESD Communautaire, prenant ainsi huit mois (affaires Eurocost et Datashop — Planistat) et quatre mois (affaire CESD Communautaire) pour décider d’engager une enquête, sans pourtant avoir eu le temps pour entendre les requérants.
265 Selon les requérants, l’OLAF n’a jamais informé son comité de surveillance des motifs pour lesquels l’enquête ne pouvait être clôturée dans le délai de neuf mois, pas plus que d’un délai prévisible de l’achèvement de l’enquête.
266 Partant, en prenant d’abord beaucoup de temps pour ouvrir les enquêtes, pour les diligenter et pour les clôturer, en saisissant les autorités judiciaires dans des conditions peu cohérentes et sur la base d’enquêtes incomplètes et non abouties, l’OLAF aurait adopté un comportement qui méconnaîtrait la notion de délai raisonnable et les principes de bonne administration et de saine gestion.
267 En outre, les requérants auraient subi un préjudice du fait de ce délai et seraient fondés à se plaindre de la longueur excessive d’une enquête avant même d’être soumis activement à une telle enquête ou que leur implication dans cette enquête ait été connue.
268 La Commission reconnaît qu’un long délai s’est écoulé entre le moment où l’OLAF a reçu communication des différents dossiers, celui où il a ouvert les enquêtes et celui où ces enquêtes ont été clôturées. Ce délai s’expliquerait en partie par la mise en place même de l’OLAF, qui aurait démarré ses activités le 1er juin 1999 avec le personnel de l’ancienne task-force « Coordination de lutte antifraude » qu’il a remplacée. L’arrivée des nouveaux agents se serait échelonnée du milieu de 2001 au
milieu de 2002, ce changement de personnel entraînant une réorganisation complète du service et des modifications de l’encadrement et des réattributions de dossiers.
269 Cependant, la longueur du délai ne serait pas en soi déraisonnable si l’on tient compte du degré de complexité de l’affaire. En effet, l’OLAF aurait été saisi des différents dossiers relatifs à cette affaire de manière ponctuelle et ce serait seulement par le rapprochement de ces différents dossiers, qui n’aurait pu intervenir qu’après un certain temps, que toute l’importance du problème aurait pu apparaître.
b) Appréciation du Tribunal
270 Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 5, du règlement no 1073/1999, les enquêtes sont conduites sans désemparer pendant une période de temps qui doit être proportionnée aux circonstances et à la complexité de l’affaire.
271 En outre, l’article 11, paragraphe 7, du règlement no 1073/1999 prévoit que, lorsqu’une enquête est engagée depuis plus de neuf mois, le directeur de l’OLAF informe le comité de surveillance de ce dernier des raisons qui ne permettent pas encore de conclure l’enquête et du délai prévisible nécessaire à son achèvement.
272 Ainsi, il convient de constater que le règlement no 1073/1999 ne prévoit aucun délai précis et impératif pour l’accomplissement des enquêtes par l’OLAF.
273 À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général de droit communautaire dont la juridiction communautaire assure le respect et qui est, d’ailleurs, repris, comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la charte (arrêt du Tribunal du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T-394/03, RecFP p. I-A-2-95 et II-A-2-441, point 162).
274 Partant, la procédure devant l’OLAF ne peut pas être prolongée au-delà d’un délai raisonnable, qui doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce.
275 En l’espèce, il ressort du dossier que l’OLAF disposait, respectivement, depuis le 17 mars 2000, le 12 avril 2000 et le 15 novembre 2001, des rapports d’audit relatifs aux dossiers Datashop, Eurocost et CESD Communautaire.
276 Il ressort également du dossier que l’OLAF a ouvert ses enquêtes internes dans les dossiers Datashop et Eurocost le 6 octobre 2000, et le 18 mars 2002 dans le dossier CESD Communautaire. Ainsi, il a mis respectivement presque sept et six mois pour ouvrir les enquêtes dans les affaires Datashop et Eurocost, et quatre mois dans l’affaire CESD Communautaire.
277 Ces enquêtes ont été clôturées par les rapports d’enquête finaux le 25 septembre 2003. Dès lors, les enquêtes diligentées dans les affaires Datashop et Eurocost ont été clôturées environ trois ans et demi après la saisine de l’OLAF et près de trois ans après leur ouverture ; l’enquête diligentée dans l’affaire CESD Communautaire a été clôturée environ un an et dix mois après la saisine de l’OLAF et un an et demi après son ouverture.
278 Il y a lieu de relever que ces délais peuvent être considérés comme relativement longs.
279 Ainsi que la Commission elle-même le reconnaît, un long délai s’est écoulé entre le moment où l’OLAF a reçu communication des différents dossiers, celui où il a ouvert les enquêtes et celui où ces enquêtes ont été clôturées. Ce délai s’expliquerait en partie par la mise en place même de l’OLAF, qui aurait démarré ses activités le 1er juin 1999 avec le personnel de l’ancienne task-force « Coordination de lutte antifraude » qu’il a remplacée. L’arrivée des nouveaux agents se serait échelonnée du
milieu de 2001 au milieu de 2002, ce changement de personnel entraînant une réorganisation complète du service et des modifications de l’encadrement et des réattributions de dossiers.
280 Le Tribunal considère que de telles explications ne peuvent à elles seules justifier ces longs délais. En effet, comme les requérants le constatent à juste titre, les fonctionnaires concernés ne doivent pas subir les déficiences de l’organisation administrative des services de la Commission. Le fait que l’OLAF a rencontré des difficultés de mise en route ne peut pas constituer une cause d’exonération de la responsabilité de la Commission.
281 Cependant, comme la Commission le fait valoir, il y a également lieu de tenir compte du degré de complexité de l’affaire. La complexité de l’affaire Eurostat, inhérente aux différentes enquêtes auxquelles elle a donné lieu et à l’éventuelle interaction entre ces dernières, n’est pas contestée et ressort du dossier.
282 Par conséquent, les délais ne peuvent pas être considérés comme étant déraisonnables dans les circonstances du cas d’espèce.
283 En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’OLAF n’a jamais informé son comité de surveillance des motifs pour lesquels l’enquête ne pouvait être clôturée dans le délai de neuf mois, pas plus que d’un délai prévisible de l’achèvement de l’enquête, il suffit de constater que, même si tel était le cas, les requérants restent en défaut de démontrer qu’il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers.
284 Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le grief des requérants relatif à un prétendu délai déraisonnable des enquêtes.
285 Il résulte de tout ce qui précède que l’OLAF a commis plusieurs fautes susceptibles d’engager la responsabilité de la Communauté. Ces fautes consistent en la transmission des informations aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises sans avoir entendu au préalable les requérants et son comité de surveillance et en les fuites relatives à la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises.
B — Sur l’illégalité du comportement de la Commission
1. Sur la divulgation des informations par la Commission
a) Arguments des parties
286 Les requérants font valoir que les institutions sont tenues d’assurer le respect de la confidentialité des enquêtes de l’OLAF et des droits légitimes des personnes concernées en vertu de l’article 12, paragraphe 3, du règlement no 1073/1999, ainsi que le respect des droits fondamentaux, ce que la Commission n’aurait pas fait.
287 En l’espèce, les transmissions d’informations ou de rapports de l’OLAF aux autorités judiciaires nationales auraient conduit à « des fuites, plus ou moins orchestrées, vraisemblablement volontaires, de la part de l’OLAF », lesquelles auraient conduit à une campagne médiatique de dénigrement des requérants qui aurait gravement porté atteinte à leurs droits légitimes, à leur honneur et à leur dignité. De même, depuis les auditions des requérants avec les enquêteurs de l’OLAF, la presse aurait eu
connaissance d’éléments particulièrement précis de l’affaire Eurostat. Ainsi, la Commission n’aurait pas garanti le respect de la confidentialité. Les requérants relèvent par ailleurs que la Commission ne conteste pas ces faits.
288 En outre, la Commission aurait elle-même procédé à la diffusion d’informations, en méconnaissance de son obligation de confidentialité ainsi que des principes du contradictoire et de la présomption d’innocence. Les requérants se réfèrent à un communiqué de presse du 9 juillet 2003, dans lequel la Commission a fait savoir qu’elle procédait à l’ouverture de procédures disciplinaires contre trois de ses fonctionnaires. Même si ce communiqué précisait que l’ouverture de telles procédures avait été
décidée sans préjudice du principe de la présomption d’innocence, il interviendrait dans un contexte portant nécessairement atteinte aux droits légitimes des requérants. En outre, dans ce communiqué de presse, la Commission aurait rendu publics des éléments confidentiels relatifs à l’affaire Eurostat en se fondant sur des enquêtes au cours desquelles les requérants n’auraient jamais été entendus au préalable.
289 Par ailleurs, le 24 septembre 2003, la Commission aurait fait circuler auprès du Parlement trois documents mettant en cause ou émettant des critiques à l’égard des requérants (voir point 42 ci-dessus), qui n’auraient pas été communiqués préalablement aux requérants et sur lesquels ces derniers n’auraient donc pas eu l’occasion de formuler des observations, et qui n’auraient été communiqués aux requérants qu’à la suite de leur demande, le 10 octobre 2003, malgré leur très large diffusion dans
l’enceinte des institutions et dans la presse dès le 25 septembre 2003.
290 Les requérants font valoir que, même si les documents en question, émanant de la task-force et du SAI, ne les mettent pas en cause spécifiquement et individuellement, étant donné que la mission de ces instances n’était pas de se prononcer formellement sur l’existence d’une fraude ou de mettre en cause quelqu’un individuellement, le simple fait qu’ils comportent des interrogations sur la régularité de certains éléments constatés leur est préjudiciable.
291 Dans la réplique, les requérants font valoir que cette diffusion a été faite en violation de l’accord-cadre sur les relations entre le Parlement et la Commission (annexe XIII du règlement intérieur du Parlement), selon lequel ces deux institutions doivent respecter, dans le cadre de toute information confidentielle, notamment « les droits fondamentaux de la personne, y compris les droits de la défense et de la protection de la vie privée ». De plus, les informations confidentielles ne pourraient
être communiquées qu’au président du Parlement, aux présidents des commissions parlementaires intéressées ainsi qu’au bureau et à la conférence des présidents. Or, en l’espèce, la diffusion aurait été plus large, puisque les documents diffusés auraient été accessibles en pratique à tout parlementaire et, au-delà, à la presse. En outre, le président de la Commission serait intervenu devant les présidents des groupes parlementaires, catégorie qui ne serait pas visée par l’article 1er, paragraphe
4, dudit accord-cadre.
292 En outre, dans son discours du 25 septembre 2003 devant la conférence des présidents de groupes parlementaires du Parlement, le président de la Commission aurait formulé des accusations extrêmement graves à l’encontre des requérants et, en particulier, de M. Franchet. Même si le président de la Commission n’a pas accusé nommément M. Franchet d’être responsable des irrégularités, il lui aurait reproché d’avoir permis que de telles irrégularités aient pu se produire. M. Franchet aurait également
été accusé d’avoir désinformé le membre de la Commission exerçant la tutelle, comme la Commission le reconnaîtrait, et d’avoir eu un intérêt « à dissimuler la vérité sur des faits qui remontaient au passé ».
293 Partant, par cet acte d’accusation, qui n’a pas été précédé du moindre entretien avec l’accusé, lequel aurait ainsi été « lâché en pâture » devant les membres de la Cocobu et dans la presse, et sur la seule base de rapports rédigés dans un climat de suspicion à l’égard de la Commission, qui devait dès lors se montrer ferme, le président de cette dernière n’aurait pas adopté un comportement emprunt de la dignité et de l’honnêteté que chaque citoyen est en droit d’attendre de lui. Il n’aurait pas
respecté les droits fondamentaux et, en particulier, les droits de la défense, et il aurait fondé ses appréciations sur des faits erronés. Selon les requérants, il est inacceptable qu’il ait décidé, pour des motifs exclusivement politiques, d’identifier un coupable, pour s’exonérer de toute critique. Cette « stratégie du parapluie », comme la presse l’aurait qualifiée, n’aurait été destinée qu’à gagner du temps.
294 La Commission souligne que, étant donné que l’OLAF agit, dans le cadre de sa mission d’enquête, de manière totalement indépendante, il ne lui appartient pas d’intervenir dans les actes d’enquête de celui-ci. L’article 12, paragraphe 3, du règlement no 1073/1999 imposerait à la Commission la confidentialité des enquêtes de l’OLAF pour ce qu’elle aurait à en connaître. La Commission assumerait toute responsabilité éventuelle imputée à l’OLAF, mais cela ne lui donnerait aucune compétence pour
intervenir dans les actes d’enquête de celui-ci pour en garantir la confidentialité.
295 En ce qui concerne le communiqué de presse du 9 juillet 2003 ainsi que les décisions prises le même jour, selon la Commission, ils apparaissent particulièrement prudents, mesurés et soucieux de la protection des individus, si l’on tient compte du contexte, « marqué par l’apparition d’un indéniable climat de tension interinstitutionnel [à la] suite [de] l’exercice de décharge 2001 ».
296 Quant aux trois documents communiqués au Parlement le 24 septembre 2003 (voir point 42 ci-dessus), la Commission constate que le résumé et les conclusions des travaux de la task-force ne contiennent aucune mise en cause des requérants. La note d’information, fondée sur le second rapport intermédiaire établi par le SAI, contiendrait des constatations préliminaires dont l’exhaustivité ne serait pas garantie et n’aborderait pas l’éventuelle responsabilité directe et individuelle des requérants, qui
ne sauraient donc se plaindre du fait que ces documents ne leur aient pas été communiqués préalablement et qu’ils n’aient pas eu l’occasion de formuler leurs observations. Ces documents se limiteraient à constater des dysfonctionnements systémiques. Admettre que les rapports émanant de structures telles que la task-force ou le SAI puissent porter préjudice à des fonctionnaires du simple fait qu’ils comporteraient des interrogations sur la régularité de certains actes ou comportements reviendrait
même tout simplement à nier toute possibilité d’une activité d’audit.
297 En ce qui concerne le discours du président de la Commission du 25 septembre 2003, ce dernier se serait livré à une analyse sans concession d’une situation grave, sans toutefois chercher à faire apparaître les requérants comme des « boucs émissaires ». Même s’il avait reproché à M. Franchet de ne pas s’être retiré suffisamment vite de certaines entités, contrairement aux instructions données par la précédente Commission, et d’avoir poursuivi des relations contractuelles avec certaines sociétés
malgré les résultats de certains audits qui étaient à sa disposition, ce qui serait contraire au principe de précaution dans son acception la plus élémentaire, il n’aurait toutefois pas accusé les requérants de ces irrégularités.
298 Selon la Commission, le reproche principal émis à l’encontre de M. Franchet réside non dans son éventuelle implication personnelle dans des fraudes ou irrégularités, mais dans l’insuffisance de l’information transmise au membre de la Commission exerçant la tutelle, car, lors de sa prise de fonction, le membre de la Commission exerçant la tutelle n’a pas été informé de l’affaire Eurostat. La Commission relève que le président de la Commission a également identifié clairement les problèmes de
communication entre l’OLAF et elle et a reconnu la nécessité d’améliorer la gouvernance financière au niveau du contrôle central. Il n’aurait jamais mis en cause la responsabilité pénale ou disciplinaire des requérants, mais il aurait clairement invoqué la « responsabilité administrativo-politique » de M. Franchet.
b) Appréciation du Tribunal
299 À titre liminaire, en ce qui concerne le grief des requérants selon lequel la Commission n’a pas veillé à la confidentialité des enquêtes lors des transmissions aux autorités judiciaires nationales, il suffit de relever que, certes, en vertu de l’article 12, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 1073/1999, les institutions assurent le respect de la confidentialité des enquêtes effectuées par l’OLAF et des droits légitimes des personnes concernées. Cependant, cette disposition ne
saurait être interprétée comme faisant peser sur la Commission une obligation générale de garantir que l’OLAF, qui exécute ses enquêtes en toute indépendance, respecte la confidentialité. En effet, cette disposition doit être lue conjointement avec l’alinéa précédent, selon lequel le directeur général de l’OLAF fait rapport régulièrement aux institutions sur le résultat de ces enquêtes dans le respect de ces mêmes principes. Ainsi, il ressort de l’article 12 du règlement no 1073/1999 que, dans
les cas où le directeur général de l’OLAF a communiqué aux institutions, la Commission incluse, des informations concernant les enquêtes, celles-ci doivent assurer la confidentialité de ces informations et les droits légitimes des personnes concernées dans le traitement de ces informations.
300 Par conséquent, il y a lieu d’examiner si la Commission a eu un comportement illégal quand elle a divulgué elle-même différentes informations dans le cadre des enquêtes en question.
Sur le communiqué de presse de la Commission du 9 juillet 2003
301 Les requérants font valoir que la Commission a elle-même procédé à la diffusion d’informations en méconnaissance de son obligation de confidentialité ainsi que des principes du contradictoire et de la présomption d’innocence, en se référant au communiqué de presse du 9 juillet 2003 (IP/03/979).
302 Il y a lieu de citer ce communiqué de presse :
« La Commission prend des mesures à la suite de malversations financières à Eurostat
Ces dernières semaines, la Commission européenne a procédé à sa propre enquête au sein [d’Eurostat]. Les résultats préliminaires de ces analyses indiquent clairement l’existence de carences et d’irrégularités dans le système de gestion au sein d’Eurostat. Avec tout le respect dû aux mesures actuellement prises en toute indépendance par l’[OLAF], la Commission estime qu’il y a lieu de faire face immédiatement à ces sujets de préoccupation. En conséquence, la Commission est convenue aujourd’hui
d’une série de mesures conçues pour régler les problèmes les plus urgents.
Le président de la Commission […] a déclaré : ‘Nous attendons patiemment le résultat de différentes enquêtes en cours. Néanmoins, nos propres analyses nous donnent dès à présent des raisons d’agir et la Commission tient vivement à ce que les choses s’accélèrent. Nous prenons dès aujourd’hui des mesures radicales et pénibles mais indispensables. Quels que soient les faits intervenus par le passé, ils seront traités et le fonctionnement d’Eurostat obéira aux règles et principes que la présente
Commission a juré d’appliquer.’
Mesures
La Commission a ouvert des procédures disciplinaires contre trois fonctionnaires de la Commission. À titre conservatoire, un certain nombre de dirigeants d’Eurostat seront mutés et il leur sera confié des fonctions de conseillers.
S’il se révèle qu’un membre faisant ou ayant fait partie du personnel d’Eurostat a commis une infraction au règlement financier et au statut du personnel, il fera l’objet d’une procédure disciplinaire. La Commission tient à souligner que les décisions d’ouverture d’une procédure disciplinaire ou de mutation de fonctionnaires sont prises sans préjudice du principe de la présomption d’innocence.
[…]
[L’analyse réalisée par la DG ‘Budget’ des rapports d’audit établis à la suite de l’audit interne d’Eurostat] démontre qu’il y a eu un certain nombre d’infractions graves au règlement financier et que les suites données à plusieurs aspects importants des rapports d’audit internes n’ont pas eu l’ampleur et la rigueur nécessaires ni abouti à des mesures essentielles.
[…]
Les résultats du [SAI] ont un caractère préliminaire et doivent encore être corroborés. Néanmoins, ces résultats et les premiers indices donnent à penser que de graves méfaits ont été commis.
Le rapport de l’OLAF, prévu pour la fin de juin, est encore attendu. »
303 Selon les requérants, ce communiqué de presse porte atteinte à leurs droits légitimes et viole le principe de la présomption d’innocence.
304 Le Tribunal relève que les requérants ne sont pas explicitement nommés dans ce communiqué de presse. Cependant, étant donné que leurs noms étaient déjà largement diffusés publiquement, notamment en mai 2003, en ce qui concerne l’existence de carences et d’irrégularités dans le système de gestion au sein d’Eurostat, il n’y avait aucun doute que ce communiqué de presse se référait aux requérants.
305 En effet, la Commission avait déjà elle-même communiqué les noms des requérants au public par la déclaration concernant Eurostat qu’elle a diffusée par le communiqué de presse du 19 mai 2003 (IP/03/709) et que les requérants ont produite en réponse à une question écrite du Tribunal. Selon cette déclaration :
« Vendredi dernier, la Commission a reçu une courte note intermédiaire de l’OLAF sur ses enquêtes en cours concernant les allégations d’irrégularités dans le passé au sein d’Eurostat, qui confirment que certains des sujets sous enquête pourraient mettre en cause la responsabilité individuelle de certains hauts fonctionnaires. Cependant, cette note ne fournit pas encore de preuve concernant des fonctionnaires précis. De plus, les fonctionnaires concernés n’ont pas été entendus par l’OLAF.
La Commission étudiera cette situation lors de sa prochaine réunion ce mercredi, dans l’optique de prendre toute mesure appropriée afin d’assurer une finalisation rapide des enquêtes en cours et de défendre les intérêts financiers des Communautés ainsi que la réputation de l’institution et de ses fonctionnaires. Dans ce contexte, la Commission étudiera les demandes de M. Yves Franchet, directeur général d’Eurostat, de M. Daniel Byk, directeur à Eurostat, d’être transférés de leur poste actuel,
afin de sauvegarder les intérêts de l’institution et d’être en mesure de se défendre.
La Commission demande à l’OLAF d’accélérer son enquête en cours et, en particulier, de donner aux fonctionnaires qu’il considère comme étant potentiellement impliqués l’opportunité d’être entendus. »
306 Ainsi, la Commission a clairement associé les noms des requérants aux irrégularités alléguées dans le cadre de l’affaire Eurostat. Cela s’est reproduit encore le 21 mai 2003, quand la Commission a publié un autre communiqué de presse, intitulé « La Commission agit pour sauvegarder les intérêts de l’institution et de son personnel face aux allégations concernant Eurostat » (IP/03/723), que les requérants ont produit en réponse à une question écrite du Tribunal et selon lequel :
« La Commission a aujourd’hui étudié la situation créée par les allégations concernant l’Office statistique européen, Eurostat. Dans ce contexte, elle a adopté quatre mesures visant à sauvegarder les intérêts de l’institution et de son personnel.
Premièrement, la Commission accepte, à leur demande, de transférer vers de nouvelles fonctions le directeur général d’Eurostat Yves Franchet et le directeur d’Eurostat Daniel Byk, pour la durée de l’enquête. Ces transferts ne sont en aucun cas une mesure disciplinaire, mais interviennent afin de protéger les intérêts de l’institution et [de] donner aux personnes concernées les moyens adéquats de se défendre contre les allégations. À compter de ce jour, les deux personnes sont donc temporairement
nommées à des fonctions de conseiller auprès de la direction générale [‘]Administration[’]. La Commission a aussi décidé de nommer [M. V. A.], actuellement directeur général pour la traduction, directeur général d’Eurostat de manière temporaire, afin d’assurer la continuité du management d’Eurostat.
La Commission note que [l’OLAF] a l’intention de faire rapport sur l’implication potentielle de fonctionnaires de la Commission dans le contexte de ses investigations d’ici la fin du mois de juin de cette année.
Deuxièmement, étant donné la situation créée vis-à-vis de M. Franchet et M. Byk, dans les médias notamment, la Commission a décidé de les aider à défendre leur réputation et leurs droits à la défense.
Troisièmement, elle a chargé la direction générale [‘]Budget[’] d’analyser les rapports d’audit réalisés par Eurostat, afin de vérifier [que] les modalités prévues par le règlement financier dans les cas faisant l’objet d’une enquête de l’OLAF ont bien été respectées.
Enfin, la Commission a décidé de se constituer partie civile dans l’enquête ouverte par le procureur de la République de Paris, afin de défendre les intérêts tant civils que financiers de l’institution.
La Commission souligne que les enquêtes de l’OLAF sont en cours et note que l’OLAF, d’une part, offrira aux fonctionnaires potentiellement concernés l’occasion d’être entendus et, d’autre part, tentera de mener ses enquêtes le plus rapidement possible à leur terme.
La Commission souhaite aussi mettre l’accent sur le droit de tout individu à la présomption d’innocence et rappelle que l’information dont elle dispose à ce stade ne permet pas de tirer des conclusions concernant la responsabilité de fonctionnaires spécifiques.
L’OLAF a été créé précisément pour défendre les intérêts financiers des Communautés, et son indépendance opérationnelle et en matière d’enquêtes est garantie. La Commission respecte les prérogatives de l’OLAF. Elle s’abstient par conséquent d’entreprendre quoi que ce soit qui pourrait affaiblir le résultat de ses enquêtes et n’anticipe pas les résultats de celles-ci. Cela signifie cependant que la Commission n’est pas en mesure de tirer ses propres conclusions avant que l’OLAF n’ait finalisé son
travail et fourni un rapport. »
307 Ainsi, ce communiqué de presse a, de nouveau, clairement associé les noms des requérants aux allégations concernant l’affaire Eurostat.
308 Par conséquent, eu égard au contexte et à la publicité que la Commission avait déjà elle-même donnée aux requérants et à leur éventuelle implication dans les malversations au sein d’Eurostat, il convient de relever que la communication au public de la décision de la Commission du 9 juillet 2003 d’ouvrir des procédures disciplinaires contre trois de ses fonctionnaires a pu accréditer l’idée que les requérants pouvaient être coupables ou, à tout le moins, suspectés des malversations faisant
l’objet des enquêtes relatives à la gestion des programmes relevant de la compétence d’Eurostat. Cette impression n’est pas levée par l’indication selon laquelle « [l]a Commission tient à souligner que les décisions d’ouverture d’une procédure disciplinaire ou de mutation de fonctionnaires sont prises sans préjudice du principe de la présomption d’innocence » (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 février 2007, Clotuche/Commission, T-339/03, non encore publié au RecFP, point 145, et
Caló/Commission, T-118/04 et T-134/04, non encore publié au RecFP, point 120).
309 Il y a lieu de relever que les formes données à la communication au public de la décision d’ouvrir des procédures disciplinaires du 9 juillet 2003 avaient nécessairement produit, à l’égard de celui-ci, ou à tout le moins d’une partie de celui-ci, l’impression que les requérants étaient mêlés aux irrégularités commises au sein d’Eurostat (voir, en ce sens, arrêt Clotuche/Commission, point 308 supra, point 219, et arrêt Caló/Commission, point 308 supra, point 155).
310 À cet égard, il y a lieu de rappeler, comme cela a été constaté aux points 210 et 211 ci-dessus, que le principe de la présomption d’innocence exige qu’une personne accusée d’une infraction soit présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été prouvée hors de tout doute raisonnable au cours d’un procès. Or, au moment de la publication de ce communiqué de presse, de même qu’aujourd’hui encore, la culpabilité des requérants n’avait et n’a toujours pas été prouvée.
311 Cependant, il convient également de rappeler que les institutions ne sauraient être empêchées de renseigner le public sur des enquêtes en cours (voir point 212 ci-dessus). Or, en l’espèce, il ne saurait être considéré que la Commission l’a fait avec toute la discrétion et toute la réserve requises, en respectant le juste équilibre entre les intérêts des requérants et ceux de l’institution. En effet, avec la publicité qu’elle a décidé d’accorder à l’affaire Eurostat, tout en veillant à associer
les requérants aux malversations, elle n’est pas restée dans les limites de ce qui était justifié par l’intérêt du service.
312 Dans ces circonstances, l’argument de la Commission, selon lequel le communiqué de presse du 9 juillet 2003 apparaît particulièrement prudent, mesuré et soucieux de la protection des individus, ne saurait être retenu si l’on tient compte du contexte, « marqué par l’apparition d’un indéniable climat de tension interinstitutionnel [à la] suite [de] l’exercice de décharge 2001 ».
313 Par conséquent, la Commission a violé le principe de la présomption d’innocence en publiant ce communiqué de presse.
314 Comme cela a été constaté au point 209 ci-dessus, ce principe confère des droits aux particuliers. En outre, il convient de relever que, dans les circonstances de l’espèce, cette violation doit être considérée comme suffisamment caractérisée, dès lors que la Commission ne dispose d’aucune marge d’appréciation s’agissant de l’obligation qui s’impose à elle de respecter la présomption d’innocence.
Sur les documents communiqués au Parlement le 24 septembre 2003
315 Les requérants font valoir que, le 24 septembre 2003, la Commission a fait circuler auprès du Parlement trois documents mettant en cause ou émettant des critiques à leur égard, qui ne leur auraient pas été communiqués préalablement et sur lesquels ils n’auraient donc pas eu l’occasion de formuler des observations.
316 Il s’agit du « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées », établi par le directeur général de l’OLAF, du rapport intitulé « Rapport de la task-force Eurostat (TEFS) — Résumé et conclusions » et d’une note d’information concernant Eurostat, fondée sur le second rapport intermédiaire établi par le SAI.
317 En ce qui concerne le « résumé des affaires Eurostat actuellement clôturées », il a été envoyé au président de la Commission par le directeur général de l’OLAF. Il y a lieu de souligner que les requérants reprochent seulement à la Commission de ne pas leur avoir communiqué ce document et de ne pas les avoir entendus avant sa transmission. Or, il suffit de relever que, étant donné qu’il ne s’agissait pas d’un document établi par la Commission, elle n’était pas tenue d’entendre les requérants
avant de le transmettre au Parlement. En outre, ainsi qu’il ressort des points 33 et 35 ci-dessus, l’OLAF avait entendu les requérants en juin et en juillet 2003, donc bien avant d’établir ce résumé.
318 Ensuite, en ce qui concerne les documents de la task-force et du SAI en question, les requérants font valoir que, même s’ils ne les mettent pas en cause spécifiquement et individuellement, étant donné que la mission de ces instances n’était pas de se prononcer formellement sur l’existence d’une fraude ou de mettre en cause quelqu’un individuellement, le simple fait qu’ils comportent des interrogations sur la régularité de certains éléments constatés leur est préjudiciable.
319 À cet égard, le Tribunal relève que le document contenant le résumé et les conclusions du rapport de la task-force ne comporte aucune mise en cause directe des requérants. En effet, il ne s’agit pas d’un acte faisant grief, de sorte que le principe du respect des droits de la défense ne saurait être utilement invoqué par les requérants pour critiquer le fait qu’ils n’ont pas été entendus avant l’établissement de ce rapport. Les requérants ne sauraient non plus se prévaloir d’un éventuel
préjudice résultant de son envoi au Parlement.
320 S’agissant de la note d’information concernant Eurostat, fondée sur le second rapport intermédiaire établi par le SAI, elle ne comporte non plus aucune mise en cause directe des requérants. Selon les requérants, ce document contient des éléments préjudiciables à l’encontre, en particulier, de M. Franchet en ce qu’il mentionne le manque de transparence et de communication entre l’ancien directeur général d’Eurostat et le membre de la Commission exerçant la tutelle. De plus, ils soulignent qu’il y
est constaté que « le défaut de contrôles dans la gestion de ces fonds engendre le risque de s’exposer, à un degré inacceptable, à la fraude et aux irrégularités ». Cependant, le Tribunal relève que les requérants omettent de citer la phrase suivante, selon laquelle, « [c]ompte tenu de la nature du mandat du SAI, [il n’est pas possible de se] prononcer sur la possibilité d’une fraude impliquant un enrichissement personnel ». Il y a lieu de relever que ces éléments ne suffisent pas pour démontrer
que les requérants auraient dû être entendus à cet égard avant l’établissement de ce rapport, ni que sa communication au Parlement leur aurait causé un quelconque préjudice. En tout état de cause, le rapport du SAI sur lequel cette note était fondée n’était pas encore le rapport final. De plus, il ne saurait être considéré qu’il s’agit d’un acte faisant grief.
321 Enfin, dans la réplique, les requérants font valoir que la diffusion des trois documents en question a été faite en violation de l’accord-cadre sur les relations entre le Parlement et la Commission (annexe XIII du règlement intérieur du Parlement), selon lequel ces deux institutions devraient respecter, dans le cadre de toute information confidentielle, notamment « les droits fondamentaux de la personne, y compris les droits de la défense et de la protection de la vie privée ».
322 À cet égard, le Tribunal considère qu’il suffit de constater qu’il s’agit d’un moyen nouveau, introduit en cours d’instance, qui ne se fonde pas sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Par conséquent, il doit être rejeté comme irrecevable, conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.
323 À titre surabondant, il y a lieu de relever que les requérants n’ont aucunement démontré que la Commission aurait communiqué des informations confidentielles aux autres destinataires que ceux qui sont mentionnés dans ledit accord-cadre et que les documents diffusés auraient été accessibles en pratique à tout parlementaire et, au-delà, à la presse.
324 Par conséquent, étant donné que la Commission n’était pas tenue d’entendre les requérants avant la transmission au Parlement des trois documents en question ou de les leur communiquer avant cette transmission, il y a lieu de rejeter le grief des requérants à cet égard.
Sur le discours du président de la Commission du 25 septembre 2003
325 Les requérants font valoir que, dans son discours du 25 septembre 2003 devant la conférence des présidents de groupes parlementaires du Parlement, le président de la Commission a formulé des accusations extrêmement graves à l’encontre des requérants et, en particulier, de M. Franchet, et que, partant, il n’a pas respecté leurs droits fondamentaux.
326 Selon la Commission, son président n’a pas accusé les requérants des irrégularités lors de ce discours. Cependant, le Tribunal relève que l’interprétation que la Commission fait de ce discours (voir points 297 et 298 ci-dessus) ne reflète pas la réalité. Certes, dans ce discours, le président de la Commission souligne le manque de transparence et de communication entre le directeur général d’Eurostat et le membre de la Commission exerçant la tutelle. Cependant, il laisse entendre que
l’implication dans les irrégularités du directeur général d’Eurostat, comme celle d’un autre haut fonctionnaire, ne fait pas de doute.
327 Par exemple, il constate que, « [m]algré les instructions données par la précédente Commission de se retirer de ces organes […], le directeur général poursuit cependant la coopération avec ces entités sous d’autres formes et d’autres modalités », que« [d]es dérives se sont donc produites » et qu’« [u]n certain nombre de rapports d’audit […] soulignaient des irrégularités parfois graves ou très graves par rapport aux textes en vigueur et portant préjudice aux intérêts financiers de l’Union ». Il
poursuit en soulignant que les faits sont apparus à la Commission « dans toute leur gravité et toute leur ampleur en mai 2003, dans la première note de substance communiquée par [l’]OLAF au secrétaire général », que, « [o]utre la gravité des faits, l’élément sans précédent et le plus accablant était la mise en cause du directeur général d’Eurostat lui-même et d’un autre haut fonctionnaire, dans l’affaire Datashops » et que « [u]n maillon essentiel sautait », à savoir « celui de la confiance
légitime accordée à un directeur général par le niveau politique, ce qui jetait une lumière tout à fait différente sur l’ensemble du dossier Eurostat et demandait une relecture approfondie de toute chronologie des événements ».
328 Il en tire, notamment, l’enseignement que les faits en question « constituent, outre leur qualification pénale éventuelle, un étalage de mauvaises pratiques, de laxisme […] même d’amateurisme dans la gestion et le contrôle, d’irrégularités patentes et de risques de fraudes, sinon de fraudes proprement dites » et que « [t]out cela, [est] assumé par le plus haut niveau de la hiérarchie d’Eurostat ».
329 En outre, concernant le manque de communication entre le directeur général d’Eurostat et le membre de la Commission exerçant la tutelle, le président de la Commission constate que, à partir du moment où son cabinet a reçu, à sa demande, une « note de briefing » en juillet 2002, à la suite de la publication du communiqué de l’OLAF annonçant la transmission aux autorités judiciaires luxembourgeoises des dossiers concernant Eurostat, « quelques morceaux du puzzle étaient disponibles au cabinet,
morceaux par eux-mêmes insuffisants pour déclencher une réaction, car il y manquait toujours l’élément le plus important », à savoir la « mise en cause du directeur général lui-même ». Il poursuit en admettant que « [c]hacun peut, selon sa propre culture administrative, évaluer ce manque évident de communication et donc de réaction », voire que « [c]ertains peuvent considérer qu’il appartenait au cabinet d’exercer une vigilance plus resserrée et de réclamer une information que le directeur
général ne lui donnait pas spontanément ». Il estime cependant pour sa part qu’il convient de déterminer « [q]ui avait intérêt à dissimuler la vérité sur des faits qui remontaient au passé » et que ce n’était « [c]ertainement pas le [membre de la Commission] ».
330 Il convient de relever qu’il ressort clairement de ces passages que, même si le président de la Commission n’a pas accusé nommément M. Franchet d’être responsable des irrégularités, il lui a reproché d’avoir permis que de telles irrégularités se produisent et que, pour lui, sa responsabilité ne faisait vraiment aucun doute. De plus, il l’accuse assez directement d’avoir dissimulé la vérité sur les faits en question. De même, il mentionne un « autre haut fonctionnaire » en ce qui concerne
l’affaire Datashop, ce qui ne laisse aucun doute sur l’identité de M. Byk, dont le nom avait déjà été diffusé dans le public par la Commission elle-même.
331 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, par ce discours, le président de la Commission n’a pas pleinement respecté les droits fondamentaux des requérants et, notamment, le principe de la présomption d’innocence, dans la mesure où les déclarations, telles que « [t]out cela, assumé par le plus haut niveau de la hiérarchie d’Eurostat » et la « mise en cause du directeur général d’Eurostat lui-même et d’un autre haut fonctionnaire », contenues dans ce discours reflètent le sentiment
que les requérants sont coupables des malversations qui y sont indiquées. Un tel comportement constitue une violation suffisamment caractérisée de ce principe qui confère des droits aux particuliers.
332 Il résulte de ce qui précède que la Commission a commis des violations suffisamment caractérisées du principe de la présomption d’innocence pour engager la responsabilité de la Communauté par son communiqué de presse du 9 juillet 2003 et par le discours de son président du 25 septembre 2003.
2. Sur les procédures disciplinaires
a) Arguments des parties
333 Les requérants font valoir que la Commission a adopté un comportement contradictoire. En effet, elle aurait décidé de l’ouverture de procédures disciplinaires pour les suspendre aussitôt dans l’attente des résultats des enquêtes administratives qu’elle avait lancées, attitude d’autant moins compréhensible que l’ouverture de ces procédures disciplinaires reposerait sur des faits qui ne seraient pas différents du contexte dans lequel la Commission aurait décidé d’accorder son assistance aux
requérants. Les requérants relèvent que le fait qu’une plainte a été déposée au pénal n’empêche pas l’institution de poursuivre la procédure disciplinaire, car une éventuelle sanction ne peut être infligée au niveau disciplinaire qu’après la clôture de la procédure pénale conduite devant les autorités judiciaires nationales.
334 Selon les requérants, l’ouverture d’une procédure disciplinaire avant que les enquêtes internes n’aient abouti n’a aucun sens et est contraire au principe de bonne gestion et de saine administration. En effet, en vertu des dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiées aux Informations administratives no 86-2004, du 30 juin 2004, le directeur général de l’administration et du personnel ouvrirait la procédure
disciplinaire après le rapport de l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) ou, le cas échéant, directement après le rapport de l’OLAF.
335 Or, en l’espèce, la Commission, en mettant en place, le 9 juillet 2003, des enquêtes multiples et parallèles et en ouvrant les procédures disciplinaires, aurait agi dans la panique pour « calmer les esprits », ce qui ressortirait des propos du président du comité de surveillance de l’OLAF lors de l’intervention du secrétaire général de la Commission à l’occasion de la réunion du comité de surveillance le 3 septembre 2003. La Commission aurait ainsi dû attendre l’issue des travaux des enquêtes
internes qu’elle avait commanditées et l’issue des travaux de l’OLAF et le début des travaux, non encore entamés, de l’IDOC et des résultats de ceux-ci, avant de se prononcer sur la question de l’ouverture d’une procédure disciplinaire à l’encontre des requérants.
336 Les requérants font valoir que, même si la décision d’ouvrir les procédures disciplinaires ne constitue pas un acte faisant grief, elle est de nature à créer un préjudice en raison du caractère infamant qu’une telle décision emporte nécessairement.
337 La Commission souligne que la décision d’ouvrir une procédure disciplinaire n’est qu’une étape procédurale préparatoire, ne préjugeant pas de la position finale de l’administration et qu’elle ne saurait dès lors être regardée comme un acte faisant grief. De plus, les requérants ne démontreraient pas que les actes effectués par l’AIPN auraient été dépourvus de toute légalité, alors que les griefs formulés par l’AIPN à l’appui de l’ouverture des procédures disciplinaires auraient été étayés par
plusieurs rapports et par les informations communiquées par l’OLAF dans ses notes du 3 et du 19 avril 2003.
338 Selon la Commission, il était souhaitable de suspendre les procédures disciplinaires des requérants pour éviter les éventuelles interférences entre ces procédures et les procédures pénales déjà ouvertes sur des faits similaires, et ce d’autant plus que les autorités judiciaires nationales disposent de moyens d’investigation dont ne disposent pas les autorités administratives.
b) Appréciation du Tribunal
339 Les requérants reprochent à la Commission, d’une part, d’avoir décidé de l’ouverture de procédures disciplinaires pour les suspendre aussitôt dans l’attente des résultats d’enquêtes et, d’autre part, d’avoir ouvert les procédures disciplinaires avant que les enquêtes internes n’aient abouti.
340 À titre liminaire, le Tribunal rappelle que la décision de l’AIPN d’ouvrir une procédure disciplinaire n’est qu’une étape procédurale préparatoire. Elle ne préjuge pas la position finale de l’administration et ne saurait dès lors être regardée comme un acte faisant grief au sens de l’article 91 du statut. Elle ne peut par conséquent être attaquée que de façon incidente dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision disciplinaire finale faisant grief au fonctionnaire (arrêt du Tribunal du
13 mars 2003, Pessoa e Costa/Commission, T-166/02, RecFP p. I-A-89 et II-471, point 37).
341 S’agissant, tout d’abord, du fait que les procédures disciplinaires ont été suspendues, il y a lieu de rappeler que l’article 88, cinquième alinéa, du statut prévoit que, « lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive ». Il ressort de cette disposition qu’il est interdit à l’AIPN de régler définitivement, sur le plan disciplinaire, la
situation du fonctionnaire concerné en se prononçant sur des faits faisant concomitamment l’objet d’une procédure pénale, aussi longtemps que la décision rendue par la juridiction répressive saisie n’est pas devenue définitive (arrêt Pessoa e Costa/Commission, point 340 supra, point 45). L’article 88, cinquième alinéa, du statut, partant, n’octroie pas un pouvoir discrétionnaire à l’AIPN chargée de régler définitivement la situation d’un fonctionnaire à l’égard duquel est ouverte une procédure
disciplinaire, à la différence de l’article 7, deuxième alinéa, de l’annexe IX du statut, aux termes duquel le conseil de discipline peut décider, en cas de poursuite devant un tribunal répressif, qu’il y a lieu de surseoir à émettre son avis jusqu’à ce que soit intervenue la décision du tribunal (arrêts du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, RecFP p. I-A-129 et II-343, points 32 et 33, et du 10 juin 2004, François/Commission, T-307/01, Rec. p. II-1669, point 59).
342 Il y a lieu de préciser que l’article 88, cinquième alinéa, du statut a une double raison d’être. D’une part, cet article répond au souci de ne pas affecter la position du fonctionnaire en cause dans le cadre des poursuites pénales qui seraient ouvertes contre lui en raison de faits qui font par ailleurs l’objet d’une procédure disciplinaire au sein de son institution (arrêt Tzoanos/Commission, point 341 supra, point 34). D’autre part, la suspension de la procédure disciplinaire dans l’attente
de la clôture de la procédure pénale permet de prendre en considération, dans le cadre de cette procédure disciplinaire, des constatations factuelles opérées par le juge pénal lorsque sa décision est devenue définitive. Il doit être rappelé à cet effet que l’article 88, cinquième alinéa, du statut consacre le principe selon lequel « le pénal tient le disciplinaire en l’état », ce qui se justifie notamment par le fait que les juridictions pénales nationales disposent de pouvoirs d’investigation
plus importants que l’AIPN (arrêt du Tribunal du 21 novembre 2000, A/Commission, T-23/00, RecFP p. I-A-263 et II-1211, point 37). Dès lors, dans le cas où les mêmes faits peuvent être constitutifs d’une infraction pénale et d’une violation des obligations statutaires du fonctionnaire, l’administration est liée par les constatations factuelles réalisées par la juridiction pénale dans le cadre de la procédure répressive. Une fois que cette dernière a constaté l’existence des faits de l’espèce,
l’administration peut procéder ensuite à leur qualification juridique au regard de la notion de faute disciplinaire, en vérifiant notamment si ceux-ci constituent des manquements aux obligations statutaires (arrêt François/Commission, point 341 supra, point 75).
343 Ainsi, en l’espèce, étant donné qu’il est constant que les procédures disciplinaires engagées à l’encontre des requérants portaient, au moins partiellement, sur les mêmes faits que ceux qui faisaient l’objet des procédures pénales, il était interdit à la Commission de se prononcer définitivement sur la situation des requérants, d’un point de vue disciplinaire, aussi longtemps qu’une décision définitive des juridictions pénales n’était pas intervenue (voir, en ce sens, arrêt François/Commission,
point 341 supra, point 73).
344 Dans ces circonstances, il ne peut donc pas être reproché à la Commission d’avoir suspendu les procédures disciplinaires engagées à l’encontre des requérants ; au contraire, elle était tenue de les suspendre.
345 S’agissant, ensuite, du fait que la Commission a ouvert les procédures disciplinaires avant que les enquêtes internes n’aient abouti, il est vrai que, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, des dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, auquel les requérants se réfèrent :
« Avant d’ouvrir l’enquête, le directeur général du personnel et de l’administration consulte l’[OLAF] pour s’assurer que celui-ci ne procède pas à une enquête de son côté et n’a pas l’intention de le faire. Tant que l’OLAF conduit une enquête au sens du règlement no 1073/1999, aucune enquête administrative au sens du paragraphe précédent, portant sur les mêmes faits, ne sera ouverte. »
346 Ainsi, en vertu de cette disposition, une procédure disciplinaire ne peut pas être ouverte tant que l’enquête de l’OLAF, portant sur les mêmes faits, est encore en cours. Or, cette décision n’était pas encore d’application au moment de l’adoption des décisions d’ouverture de procédures disciplinaires, le 9 juillet 2003. À cette époque, la disposition pertinente était l’article 5, paragraphe 2, de la décision C(2002) 540 de la Commission, du 19 février 2002, concernant la conduite des enquêtes
administratives et des procédures disciplinaires, selon lequel :
« Avant d’ouvrir l’enquête, le directeur général du personnel et de l’administration consulte d’abord l’[OLAF] pour s’assurer que celui-ci ne procède pas à une enquête de son côté et n’a pas l’intention de le faire. »
347 Même si cette disposition ne contenait pas l’interdiction explicite d’ouvrir la procédure disciplinaire avant que l’enquête de l’OLAF portant sur les mêmes faits ne soit clôturée, il y a lieu de s’interroger sur l’utilité de cette disposition si elle ne devait pas être interprétée en ce sens. En effet, s’il était prévu que le directeur général du personnel et de l’administration devait s’assurer que l’OLAF ne procédait pas à une enquête de son côté et n’avait pas l’intention de le faire, cela
serait revenu à dire que, si tel était le cas, alors une enquête disciplinaire ne pouvait pas encore être ouverte.
348 De plus, l’article 5, paragraphe 7, de la décision C(2002) 540 prévoyait que, « [l]orsque l’AIPN reçoit un rapport d’enquête de l’OLAF, elle l’examine, s’il y a lieu, pendant une période minimale de deux semaines et, si elle le juge utile, demande à l’OLAF de compléter le rapport ou de procéder à une enquête administrative supplémentaire ». Dès lors, c’est sur la base de ce rapport d’enquête de l’OLAF que l’AIPN prenait sa décision de procéder éventuellement à une enquête administrative et, le
cas échéant, à l’ouverture d’une procédure disciplinaire.
349 En outre, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1073/1999, les institutions donnent aux enquêtes internes de l’OLAF les suites, notamment disciplinaires et judiciaires, que leurs résultats appellent.
350 Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que la Commission n’aurait pas dû décider de l’ouverture des procédures disciplinaires le 9 juillet 2003, alors que les enquêtes de l’OLAF, portant sur les mêmes faits, n’étaient pas encore clôturées. Elle aurait seulement pu prendre une telle décision après le 25 septembre 2003, après avoir reçu les rapports d’enquêtes finaux.
351 Dès lors, la Commission a violé les règles régissant la procédure disciplinaire et interdisant d’ouvrir la procédure disciplinaire avant que les enquêtes de l’OLAF ne soient clôturées.
352 Il y a lieu de relever que l’objectif poursuivi par ces règles est, notamment, de protéger le fonctionnaire concerné en garantissant que l’AIPN dispose, avant d’ouvrir la procédure disciplinaire, des éléments précis et pertinents, notamment à sa décharge, établis à l’occasion de l’enquête menée par l’OLAF, lequel dispose de moyens d’investigation étendus. Il s’ensuit que les règles régissant la procédure disciplinaire évoquées ci-dessus constituent des règles de droit conférant des droits aux
particuliers.
353 En outre, il convient de relever qu’il s’agit d’une violation suffisamment caractérisée de ces règles dès lors que la Commission ne dispose d’aucune marge d’appréciation s’agissant de l’obligation qui s’impose à elle de respecter les règles relatives à la procédure disciplinaire. Par ailleurs, il ressort du dossier qu’il n’est pas complètement exclu que la Commission ait ouvert ces procédures disciplinaires pour « calmer les esprits », comme les requérants le font valoir. Ainsi, la Commission
n’a pas pris suffisamment en compte les intérêts des requérants en procédant à l’ouverture des procédures disciplinaires avant que les enquêtes n’aient été achevées.
3. Sur les différentes enquêtes de la Commission et leur déroulement
a) Arguments des parties
354 Les requérants font valoir que leurs droits fondamentaux ont pu être lésés par la mise en place de la task-force, car cette dernière était composée de fonctionnaires qui n’appartenaient pas à l’OLAF et qui n’étaient, dès lors, pas soumis aux règles strictes qui s’imposent aux fonctionnaires de l’OLAF en termes d’habilitation, de mandat et de confidentialité conformément à l’article 6 du règlement no 1073/1999, et ce même si la task-force était placée, le 23 juillet 2003, sous l’autorité directe
du directeur général de l’OLAF. De plus, comme la Commission aurait décidé de renforcer les effectifs de l’OLAF de 20 unités pour le dossier Eurostat, les articulations entre ces deux groupes de travail n’auraient pas été connues.
355 Selon les requérants, la confusion née des procédures provient de la pluralité des enquêtes administratives. En effet, au moins huit enquêtes auraient été menées, en parallèle, dans le dossier Eurostat : au moins cinq enquêtes par l’OLAF, une enquête par le SAI, une enquête par la task-force et une enquête par la direction générale (DG) « Budget » de la Commission. De plus, deux autorités judiciaires nationales auraient été saisies. L’existence de ces différentes enquêtes, leurs modalités et les
chevauchements auraient soulevé plusieurs interrogations, telles que la proportionnalité de ses enquêtes par rapport aux coûts.
356 La lettre du secrétaire général de la Commission, du 10 octobre 2003, ne répondrait pas à leurs interrogations à cet égard. Ils notent que l’objet de la task-force jusqu’au 23 juillet 2003 était de prendre en charge les aspects internes et externes des enquêtes menées par l’OLAF et d’entreprendre une enquête administrative dans le but d’évaluer les responsabilités du personnel quant à des irrégularités financières. Dans son rapport du 24 septembre 2003, intitulé « Rapport de la task-force
Eurostat (TFES) — Résumé et conclusions », cette dernière aurait souligné une série de problèmes et d’interrogations qui concerneraient effectivement les requérants et, en tout cas, M. Franchet.
357 Les requérants font valoir que le fait que du personnel de l’IDOC a été mis à la disposition de la task-force n’est pas innocent et n’est pas dénué de conséquences sur l’enquête administrative que l’IDOC pourrait être appelé à effectuer dans le dossier Eurostat. En effet, étant donné que la task-force aurait nécessairement examiné les questions touchant les requérants et étant de nature à viser leur implication personnelle, l’IDOC apparaîtrait comme ayant procédé à une enquête en dehors de son
cadre organique.
358 Par ailleurs, les requérants font valoir que la Commission a violé le principe de bonne administration. En effet, ils n’auraient jamais été entendus dans le cadre des nombreuses enquêtes ouvertes par la Commission. Seule leur aurait été offerte la possibilité de formuler des observations sur le rapport de la DG « Budget » de juin 2003.
359 Ce comportement démontrerait un manque chronique de communication et de transparence à l’égard d’Eurostat. Les requérants se demandent pourquoi le contrôleur financier n’a jamais interpellé Eurostat pour solliciter de sa part des explications ou un échange de vues à la suite de la transmission du rapport d’audit Datashop et pourquoi il s’est directement adressé à l’OLAF dans des termes particulièrement alarmants. Le contrôleur financier n’aurait gardé pour Eurostat aucune copie de sa note du 2
mars 2000 à l’OLAF, et ce contrairement aux recommandations qui était contenues dans cette note. Il n’aurait non plus jamais interpellé Eurostat sur des déficiences éventuelles quant à ses mécanismes de gestion ou de contrôle alors que lui, le SAI et la DG « Budget » auraient formulé de tels reproches en 2003. Si de tels reproches avaient été fondés et qu’il y avait eu matière pour les accusations graves formulées et rendues publiques par le président de la Commission, ces services auraient dû
saisir le membre de la Commission concerné. Ils seraient cependant restés inactifs pendant plusieurs années. Selon les requérants, rien ne peut justifier l’inaction répétée de la Commission.
360 En outre, les requérants se réfèrent à deux questions parlementaires posées à la Commission en juillet et en octobre 2003, qui mettent en évidence la perplexité que suscitent les comportements de la Commission et de l’OLAF dans l’affaire Eurostat, ainsi que la légalité des décisions prises. Ils invoquent également que la presse a pu mesurer les « dégâts » causés par la Commission et par l’OLAF.
361 La Commission fait valoir, en ce qui concerne la mise en place de la task-force, que son secrétaire général s’est longuement expliqué sur ce point auprès des requérants, dans sa lettre du 10 octobre 2003. En outre, il ressortirait clairement du rapport de la task-force, du 24 septembre 2003, que celle-ci aurait concentré ses travaux sur les dysfonctionnements systémiques et n’aurait pas formulé de conclusions concernant les personnes. La désignation de membres de l’IDOC pour faire partie de la
task-force serait intervenue de manière ad hoc, pour enrichir la palette de compétences de la task-force. Selon la Commission, cette désignation était possible, parce que les activités de la task-force n’entraient pas dans le champ d’application de la décision C(2002) 540, mais relevaient d’un objectif différent de celui des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, à savoir mettre au jour des dysfonctionnements systémiques.
362 En tout état de cause, les requérants ne sauraient juger de l’opportunité de la manière dont la Commission a décidé de procéder aux enquêtes internes visant à clarifier l’ensemble des activités d’Eurostat, dès lors que ces différentes enquêtes n’auraient pas affecté leurs droits individuels.
363 S’agissant du droit d’être entendu, les requérants reconnaîtraient eux-mêmes qu’ils avaient eu la possibilité de formuler des observations sur le rapport de la DG « Budget » de juin 2003.
364 Enfin, la Commission relève qu’il ne lui appartient pas, à ce stade, de répondre à des allégations qui se rapportent en particulier au contenu des accusations qui l’ont amenée à ouvrir des procédures disciplinaires à l’encontre des requérants. Ce ne serait que dans le cadre de ces procédures que les arguments des requérants visant à démontrer l’absence de fondement des griefs formulés à leur égard seraient examinés, dans le respect des droits de la défense.
b) Appréciation du Tribunal
365 En premier lieu, en ce qui concerne la mise en place de la task-force, il suffit de constater que les requérants restent en défaut de démontrer concrètement en quoi la simple mise en place de la task-force aurait violé leurs droits fondamentaux et en quoi l’éventuelle absence d’opportunité de sa création aurait affecté directement leurs droits. Il y a donc lieu de rejeter cet argument.
366 En deuxième lieu, s’agissant de la pluralité des enquêtes, il suffit également de constater que les requérants restent en défaut de démontrer concrètement en quoi la simple ouverture et l’existence de ces différentes enquêtes auraient constitué une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit leur conférant des droits. Même si une telle confusion correspondait à la réalité, il n’appartiendrait pas aux requérants de juger de l’opportunité de la manière dont la Commission avait décidé
de procéder aux enquêtes internes visant à clarifier l’ensemble des activités d’Eurostat, comme le constate la Commission. En outre, la question relative à la proportionnalité des enquêtes par rapport aux coûts ne relève aucunement d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers. Par conséquent, il y a lieu de rejeter les arguments relatifs à la pluralité des enquêtes.
367 En troisième lieu, en ce qui concerne la prétendue violation du principe de bonne administration en ce que la Commission n’aurait jamais entendu les requérants dans le cadre des nombreuses enquêtes ouvertes par elle, il suffit de constater que le droit d’être entendu des requérants a déjà été examiné ci-dessus dans le cadre de l’examen des arguments concrets avancés à cet égard. Il y a juste lieu de rappeler que, dès lors qu’il ne s’agissait pas, de la part de la Commission, d’actes faisant
grief aux requérants, le principe du respect des droits de la défense ne saurait être utilement invoqué par les requérants pour critiquer le fait qu’ils n’avaient pas été entendus avant l’établissement des rapports ou notes dans le cadre des différentes enquêtes.
368 Enfin, s’agissant des autres critiques générales formulées en ce qui concerne le comportement de la Commission, il suffit de constater que, de nouveau, les requérants restent en défaut de démontrer l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit leur conférant des droits.
4. Sur le refus d’accès aux documents
a) Arguments des parties
369 Les requérants font valoir que la Commission refuse de leur communiquer les documents qui sont en sa possession et qui proviennent de l’OLAF, portant ainsi atteinte au droit fondamental de l’accès aux documents, consacré par l’article 255 CE, par l’article 41 de la charte et par le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).
370 Les requérants se réfèrent à leurs recours formés sur le fondement du règlement no 1049/2001 dans le cadre des affaires jointes T-391/03 et T-70/04. Cependant, ils soulignent que leur reproche dans le cadre du présent recours est indépendant du règlement no 1049/2001, car il vise leur intérêt propre indépendamment du droit d’accès de tout citoyen à des documents de la Commission. Ils auraient un intérêt tout à fait particulier à obtenir communication des documents qui sont en possession de la
Commission et qui proviennent de l’OLAF eu égard à leur situation personnelle dans le cadre de l’affaire Eurostat.
371 En particulier, la Commission aurait refusé de communiquer la lettre et la note du 19 mars 2003 adressées aux autorités judiciaires françaises, en le justifiant, dans la lettre du 10 octobre 2003, par le fait qu’elles feraient partie intégrante d’une procédure d’instruction au niveau national. Or, il s’agirait de documents essentiels dans le cadre de ce dossier qui seraient de nature à permettre aux requérants d’apprécier et de critiquer la régularité du comportement de la Commission et de son
service administratif, l’OLAF, ainsi que de défendre leurs droits.
372 La Commission se contente de se référer au fait que les requérants ont introduit des recours dans le cadre des affaires jointes T-391/03 et T-70/04 sur le fondement du règlement no 1049/2001 et de souligner que leur demande d’accès et son rejet s’inscrivaient dans le cadre de ce règlement.
b) Appréciation du Tribunal
373 Dans la mesure où ils invoquent l’accès aux documents sur la base du règlement no 1049/2001, la demande des requérants ne relève pas de la présente procédure, car cette demande a déjà été traitée dans le cadre de l’arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission (T-391/03 et T-70/04, Rec. p. II-2023).
374 En outre, dans la mesure où les requérants invoquent leur intérêt particulier, il suffit de constater qu’ils ont obtenu, pendant la présente procédure, l’accès à la lettre et à la note du 19 mars 2003, communiquées aux autorités judiciaires françaises, et, dès lors, qu’ils ont pu utilement défendre leurs droits. De même, ils ont obtenu, lors de l’audience, l’accès à la note de l’OLAF du 16 mai 2003, à laquelle il est fait référence dans le communiqué de presse du 19 mai 2003, et ils ont pu
utilement défendre leurs droits.
375 Ainsi, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’accès aux documents de l’OLAF qui sont en possession de la Commission.
376 Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a commis plusieurs fautes susceptibles d’engager la responsabilité de la Communauté. Ces fautes consistent en la publication du communiqué de presse du 9 juillet 2003, en le discours de son président du 25 septembre 2003 et en l’ouverture des procédures disciplinaires avant que les enquêtes n’aient été achevées.
377 Dès lors, il convient d’examiner la réalité des préjudices allégués et l’existence d’un lien de causalité entre les fautes constatées par le Tribunal et les préjudices subis.
C — Sur le préjudice et le lien de causalité
378 Compte tenu du lien particulièrement étroit qui existe, dans les circonstances de la présente affaire, entre la question de savoir si les requérants ont subi un préjudice susceptible d’être réparé et celle du lien de causalité entre les illégalités constatées et le préjudice allégué, il convient de traiter ces deux questions ensemble.
1. Arguments des parties
a) Sur le préjudice moral
379 Les requérants font valoir, tout d’abord, que leur réputation professionnelle, qui était reconnue et appréciée de tous, tant au sein d’Eurostat et de la Commission qu’en dehors de cette institution, « a été publiquement et gravement salie ». Les requérants auraient, sans préavis, sans être entendus, « été vilipendés, dans un mouvement de réaction de défense précipitée » qui serait indigne de l’ensemble de la hiérarchie. En outre, les attaques violentes menées par une certaine presse allemande
contre les requérants, relayant des propos totalement étrangers à la réalité des faits, exprimés au sein du Parlement et par certains fonctionnaires, auraient obligé les requérants à déposer des plaintes en diffamation, le 21 mai 2003.
380 Les requérants font ainsi état d’un rejet par leur milieu professionnel et d’une atteinte irrémédiable à leur réputation. Ils auraient subi un véritable « ‘lynchage’ professionnel ». À cet égard, les requérants se réfèrent à l’intervention du secrétaire général de la Commission, devant le comité de surveillance de l’OLAF, le 3 septembre 2003.
381 M. Franchet, mis à la retraite en mars 2004, aurait subi une rupture totale et brutale de tout lien avec ses collaborateurs, ses partenaires et son milieu professionnel. Des « ragots » auraient été proférés, de façon agressive et injuste à son égard.
382 Quant à M. Byk, même s’il avait été considéré comme le meilleur, par la commission de sélection, pour occuper le poste de directeur à Eurostat, auquel il aurait postulé à la suite de la réorganisation de celui-ci, il n’aurait pu être nommé du fait de la procédure ouverte contre lui. Transféré à la DG « Personnel et administration », il aurait dû abandonner toute perspective et tout espoir de retrouver un jour un travail correspondant à sa spécialisation et à son expérience. Les accusations non
fondées, diffusées dans la presse, seraient la cause d’une immense souffrance et d’une détresse certaine.
383 Par ailleurs, les requérants font état des conséquences graves sur leur vie privée et sociale. Leurs proches se seraient interrogés sur le sujet. De plus, l’état de santé des requérants en aurait souffert, et M. Byk aurait été victime d’une attaque cérébrale, éventuellement liée à l’angoisse et l’énervement dû à l’affaire Eurostat. Ils considèrent avoir été les victimes expiatoires d’un jeu politique qui se serait développé autour d’eux et qu’ils auraient largement subi en respectant leur devoir
de réserve.
384 En ce qui concerne l’évaluation du préjudice moral, les requérants le chiffrent, à titre provisionnel, à 800000 euros, ce qui serait à la hauteur de la gravité des fautes commises par la Commission et l’OLAF et des conséquences qu’elles auraient eues sur leur santé physique et mentale. Cette somme devrait être répartie à part égale entre les requérants, car ils auraient souffert des mêmes fautes, dans les mêmes conditions, et les conséquences sur leur état de santé, bien que légèrement
différentes, devraient être appréciées de manière équivalente.
385 Selon les requérants, si la Commission et l’OLAF avaient réagi dès la transmission des rapports d’audit interne faite par M. Franchet, dès 2000, pour les dossiers en cause, et si un dialogue s’était ouvert à ce moment-là, il n’y aurait jamais eu d’affaire Eurostat et personne n’aurait été inquiété injustement. L’absence de réaction de la Commission et de l’OLAF serait en grande partie la cause de la tournure qu’auraient prise les événements par la suite et des accusations injustifiées prononcées
contre les requérants.
386 Les requérants soulignent que, aux yeux de tous, ils sont coupables, même si l’instruction pénale concernant M. Byk est encore en cours à Paris et si les procédures disciplinaires restent ouvertes. Condamner publiquement sans jugement et sans véritable enquête préalable serait une faute grave et la source d’un préjudice moral considérable et croissant dans la mesure où la souffrance persisterait. Cette condamnation publique pourrait également avoir une influence sur l’issue de l’enquête devant
les autorités judiciaires françaises.
387 La Commission ne conteste pas que la situation vécue par les requérants puisse constituer un préjudice moral. Toutefois, elle ne comprend pas comment l’éventuel préjudice a été chiffré à 800000 euros, ni d’ailleurs quelle part de cette somme reviendrait à chacun d’eux et sur quelle base.
b) Sur le préjudice matériel
388 Les requérants font valoir que leur préjudice matériel consiste essentiellement dans les frais importants auxquels ils ont dû faire face pour la défense de leurs droits depuis la date (mai 2003) où ils ont pris connaissance, pour la première fois, des accusations portées contre eux.
389 Ils évaluent le préjudice matériel à 200000 euros, à titre provisionnel et sous réserve de majoration. Ce préjudice pourrait être réduit au cas où le Tribunal devait décider de condamner la Commission au paiement de l’intégralité des dépens.
390 Dans la réplique, les requérants précisent que le préjudice matériel ne consiste pas uniquement dans le remboursement des frais et honoraires d’avocats au titre des dépens. En effet, il resterait à leur charge des frais importants non couverts par les dépens, tels que les frais de transport résultant des déplacements nombreux qui auraient dû être effectués entre Nice et Luxembourg, voire jusqu’à Bruxelles, depuis l’ouverture de cette procédure en mai 2003. En outre, les requérants auraient dû se
défendre, depuis cette date, et faire appel à l’assistance de leurs avocats, devant l’OLAF et tout au long de la procédure précontentieuse de demande et de réclamation, ces frais n’étant pas couverts par les dépens. De plus, il y aurait des coûts et frais additionnels engendrés par les instructions diligentées en France, couvrant des déplacements et des honoraires d’avocats français. Les requérants se réfèrent également à leurs recours dans le cadre du règlement no 1049/2001.
391 À la demande du Tribunal, les requérants sont prêts à détailler les éléments constitutifs de leur préjudice matériel, à l’exclusion des dépens liés à l’instance.
392 La Commission fait valoir que les requérants ne démontrent aucun préjudice matériel. Les frais que les requérants auraient engagés pour leur défense ne seraient pas constitutifs d’un préjudice matériel mais de dépens. Ils ne pourraient obtenir le remboursement de la partie des dépens qui serait non récupérable, parce qu’elle résulte de frais engagés au cours de la procédure précontentieuse, en la qualifiant de préjudice matériel.
c) Sur le lien de causalité
393 Les requérants font valoir que l’ensemble des préjudices subis par eux trouvent directement leur cause dans le comportement fautif de la Commission et de l’OLAF et des autres services. Ils auraient été profondément affectés, par exemple, par le caractère imprévu des attaques dont ils auraient été l’objet, par leur inculpation, sans enquête préalable et sans respect des droits de la défense, par les autorités judiciaires françaises, par l’absence d’audition préalable, par les fuites
volontairement orchestrées et visant à nuire, ainsi que par l’ouverture des procédures disciplinaires immédiatement suspendues, pour permettre à la Commission de « sauver la face » vis-à-vis du Parlement.
394 Les requérants soulignent que, si la Commission avait agi de façon non fautive, il n’y aurait pas eu de mise en cause des requérants et leur réputation n’aurait pas été publiquement anéantie. Ils n’auraient pas été « lâchés » par leur milieu de travail et déclarés responsables des pires bassesses par le président de la Commission. En effet, il n’y aurait pas eu d’affaire Eurostat. Le « gâchis institutionnel » qui aurait dû aboutir à une condamnation de la Commission n’aurait pu être évité que
par une telle manœuvre, consistant à culpabiliser les requérants. De plus, les accusations publiques seraient susceptibles de préjuger des investigations menées à l’égard de M. Byk par les autorités judiciaires françaises.
395 Enfin, les requérants se demandent quelle aurait été l’origine de leur préjudice, si cela n’avait pas été la façon dont ils avaient été traités par la Commission et par l’OLAF. Ils se demandent comment la Commission peut, d’une part, reconnaître l’existence de leur préjudice moral réel et, d’autre part, nier le lien de causalité entre la naissance de ce préjudice et les fautes qu’elle a commises.
396 La Commission fait valoir que les requérants n’apportent pas la preuve du lien de causalité. La cause directe du préjudice subi par les requérants résiderait dans les fuites dans la presse, mais ils n’apporteraient aucun élément de nature à démontrer que ces fuites seraient de la responsabilité de la Commission ou de l’OLAF.
2. Appréciation du Tribunal
397 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, un préjudice doit, pour être indemnisable, résulter de façon suffisamment directe du comportement reproché (arrêt de la Cour du 4 octobre 1979, Dumortier Frères e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21 ; arrêts du Tribunal International Procurement Services/Commission, point 93 supra, point 55 ; du 25 juin 1997, Perillo/Commission, T-7/96, Rec. p. II-1061, point
41, et du 27 juin 2000, Meyer/Commission, T-72/99, Rec. p. II-2521, point 49). Il résulte également d’une jurisprudence bien établie qu’il appartient au demandeur d’apporter la preuve du lien de causalité, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C-363/88 et C-364/88, Rec. p. I-359, point 25 ; arrêts du Tribunal du 18 septembre 1995, Blackspur e.a./Conseil et Commission, T-168/94, Rec. p. II-2627, point 40, et
du 30 septembre 1998, Coldiretti e.a./Conseil et Commission, T-149/96, Rec. p. II-3841, point 101).
398 À cet égard, il y a lieu de rappeler que les fautes de l’OLAF susceptibles d’engager la responsabilité de la Communauté consistent en la transmission des informations aux autorités judiciaires luxembourgeoises et françaises sans avoir entendu les requérants et son comité de surveillance et en les fuites relatives à la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises (voir point 285 ci-dessus) ; les fautes de la Commission susceptibles d’engager la responsabilité
de la Communauté consistent en la publication du communiqué de presse du 9 juillet 2003, en le discours de son président du 25 septembre 2003 et en l’ouverture des procédures disciplinaires avant que les enquêtes n’aient été achevées (voir point 376 ci-dessus).
399 Les requérants ont invoqué deux préjudices distincts en l’espèce, à savoir un préjudice moral et un préjudice matériel. Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner successivement chacun de ces types de préjudice pour apprécier dans quelle mesure leur existence, d’une part, et le lien de causalité qui existe entre chacun d’eux et l’une des illégalités commises par l’OLAF ou la Commission, d’autre part, sont établis.
a) Sur le préjudice moral
400 Il y a lieu de relever que le fait que l’OLAF a transmis les dossiers Eurocost et Datashop — Planistat aux autorités judiciaires nationales sans avoir entendu les requérants leur a causé un préjudice. En effet, le fait de ne pas avoir pu s’exprimer sur les faits qui les concernaient directement et se défendre a nécessairement provoqué des sentiments d’injustice et de frustration chez les requérants. Il convient de constater que ce préjudice résulte directement du comportement illégal de l’OLAF
et qu’il existe ainsi un lien de causalité entre ce comportement et ledit préjudice.
401 S’agissant du fait que l’OLAF n’a pas informé son comité de surveillance avant ces transmissions, il suffit de relever qu’un tel fait n’a causé aucun préjudice supplémentaire aux requérants. En effet, les conséquences de cette illégalité sont les mêmes que celles qui sont résultées du fait que les requérants n’ont pas été entendus et, partant, ne sauraient constituer un préjudice distinct.
402 En ce qui concerne les fuites relatives à la transmission du dossier Datashop — Planistat aux autorités judiciaires françaises, il est admis, même par la Commission, qu’il y a eu une atteinte à l’honneur et à la réputation professionnelle des requérants compte tenu des informations qui ont été publiées dans la presse. Il convient également de constater que le caractère direct du lien de causalité entre l’illégalité commise par l’OLAF et le préjudice moral pour les requérants ne fait pas de
doute. En effet, dès lors qu’une information confidentielle fait l’objet d’une fuite, la publication de celle-ci est la conséquence prévisible et naturelle de cette illégalité, de sorte que le lien de causalité demeure suffisamment direct.
403 S’agissant de la publication du communiqué de presse du 9 juillet 2003 (voir point 302 ci-dessus), il y a lieu de relever que, en donnant l’impression, par la voie de ce communiqué de presse librement accessible au public, que les requérants étaient associés aux malversations en cause, la Commission a porté atteinte à la réputation et à l’honneur de ceux-ci (voir points 308 à 310 ci-dessus). Étant donné que ce communiqué de presse a été publié par la Commission elle-même, l’existence du lien de
causalité direct entre cette illégalité commise par la Commission et un tel préjudice moral ne fait aucun doute.
404 De même, en ce qui concerne le discours du président de la Commission, il ne saurait être nié que, par ses déclarations devant le Parlement, il a porté atteinte à la réputation et à l’honneur des requérants (voir points 326 à 331 ci-dessus) et que, dès lors, il existe un lien de causalité direct entre ces déclarations et ce préjudice.
405 S’agissant du fait que la Commission a ouvert les procédures disciplinaires engagées à l’encontre des requérants avant que les enquêtes de l’OLAF n’aient été clôturées, il y a lieu de relever que cette circonstance a causé aux requérants une atteinte à leur réputation et des perturbations dans leur vie privée et les a placés dans un état d’incertitude, constituant un dommage moral qui doit être réparé (voir, en ce sens, arrêt François/Commission, point 341 supra, point 110). En outre, bien que
la Commission les ait aussitôt suspendus, cette suspension n’a eu aucun effet vis-à-vis du public, car le communiqué de presse du 9 juillet 2003 faisait seulement état seulement des décisions d’ouverture des procédures disciplinaires, mais pas de leur suspension. Cependant, étant donné que les enquêtes de l’OLAF ont été clôturées deux mois après l’ouverture des procédures disciplinaires, moment auquel la Commission pouvait valablement ouvrir ces dernières procédures, cet état d’incertitude n’a
pas duré longtemps.
406 En outre, les requérants font valoir que M. Byk, bien qu’il ait été jugé le meilleur, par la commission de sélection, pour occuper le poste de directeur à Eurostat, auquel il avait postulé à la suite de la restructuration de celui-ci en automne 2003, n’a pu être nommé du fait de la procédure ouverte contre lui. À cet égard, le Tribunal constate que les requérants n’ont pas établi leur allégation. Au contraire, il ressort d’une note du 5 mars 2004 que les requérants ont produite au Tribunal en
réponse à une question écrite que trois candidatures, dont celle de M. Byk, réunissaient les qualifications requises pour l’emploi en question. Il ressort même de cette note que le comité consultatif avait noté les bonnes qualifications de deux autres candidats. Ainsi, cet argument doit être rejeté.
407 En tout état de cause, il était possible pour M. Byk de demander l’annulation de ce prétendu rejet de candidature s’il estimait que celui-ci avait été, à tort, fondé sur l’existence d’une procédure disciplinaire en cours à son égard (voir, en ce sens, arrêt Pessoa e Costa/Commission, point 340 supra, point 69).
408 Par ailleurs, les requérants invoquent un préjudice lié à leur état de santé. Le Tribunal relève, tout d’abord, que les requérants n’ont aucunement étayé leurs arguments avec des pièces justificatives, telles que des certificats médicaux, et que, dès lors, ce préjudice n’est aucunement établi.
409 En tout état de cause, il convient de relever que les requérants ne réussissent pas à établir que les illégalités identifiées ci-dessus auraient été la cause directe, au sens de la jurisprudence citée au point 397 ci-dessus, d’une éventuelle affectation de leur état de santé physique ou mental. De plus, ils ont eux-mêmes fait référence aux « attaques violentes menées par une certaine presse allemande » contre eux, ce qui peut également en être une cause.
410 Enfin, en ce qui concerne l’élément pris du préjudice moral lié aux conséquences graves sur leurs proches, il y a lieu de souligner que les allégations des requérants ne sont étayées par aucun élément concret qui établisse l’existence de l’élément de préjudice invoqué ainsi que celle d’un lien causal entre ce prétendu préjudice et les procédures d’enquêtes et disciplinaires dont ils ont fait l’objet (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Zavvos/Commission, T-21/01, RecFP
p. I-A-101 et II-483, point 334).
411 Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ont dû faire face à des sentiments d’injustice et de frustration et qu’ils ont subi une atteinte à leur honneur et à leur réputation professionnelle du fait du comportement illégal de l’OLAF et de la Commission. En tenant compte des circonstances particulières de la présente affaire et du fait que la réputation des requérants a été très sérieusement affectée, il y a lieu d’évaluer le montant de ce préjudice ex aequo et bono à 56000 euros.
b) Sur le préjudice matériel
412 Les requérants font valoir que leur préjudice matériel consiste essentiellement dans les frais importants auxquels ils ont dû faire face pour la défense de leurs droits depuis la date (mai 2003) où ils ont pris connaissance, pour la première fois, des accusations portées contre eux.
413 Le Tribunal constate que la demande tendant à la réparation du préjudice matériel ne saurait être considérée comme recevable. Bien que les requérants aient évalué globalement ce préjudice à 200000 euros, n’ont pas chiffré les différentes composantes de ce prétendu préjudice et n’ont pas établi, ni même allégué, l’existence de circonstances particulières justifiant l’omission de chiffrer, dans la requête, ce préjudice. À cet égard, il n’est pas suffisant d’indiquer que, « [à] la demande du
Tribunal », ils sont « prêts à détailler les éléments constitutifs de leur [prétendu] préjudice matériel, à l’exclusion des dépens liés à l’instance ». Dès lors, il convient de relever que la demande tendant à la réparation du préjudice matériel en cause ne satisfait pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure et doit par conséquent être rejetée comme irrecevable (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C-150/03 P, Rec.
p. I-8691, point 62 ; arrêts du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 82, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T-309/03, Rec. p. II-1173, point 166).
414 À titre surabondant, il y a lieu de relever, comme le constate à juste titre la Commission, que les frais que les requérants auraient engagés pour leur défense ne sont pas constitutifs d’un préjudice matériel mais de dépens. À cet égard, il convient de rappeler que les frais exposés par les parties aux fins de la procédure juridictionnelle ne sauraient, comme tels, être considérés comme constituant un préjudice distinct de la charge des dépens de l’instance (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du
10 juin 1999, Commission/Montorio, C-334/97, Rec. p. I-3387, point 54).
415 S’agissant des frais d’avocat engagés préalablement à l’introduction de la procédure juridictionnelle, le préjudice invoqué résulte en réalité du choix propre des requérants et ne peut par conséquent être directement imputé à la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2007, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C-331/05 P, Rec. p. I-5475, point 27).
416 Il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondés à demander, dans le cadre d’un recours en indemnité, la réparation du préjudice résultant des frais prétendument encourus lors de la phase administrative de la procédure devant la Commission. Il y a lieu de relever que la même solution vaut en ce qui concerne les frais d’avocats liés à la procédure devant l’OLAF.
417 S’agissant des éventuels frais correspondant au déroulement des procédures devant les juridictions nationales, il convient de considérer qu’ils ne peuvent pas être remboursés dans le cadre de la présente affaire, en l’absence d’un lien de causalité entre ce prétendu dommage et les fautes commises par l’OLAF et la Commission (voir, en ce sens, arrêt François/Commission, point 341 supra, point 109). En tout état de cause, la question du remboursement des dépens de frais engagés au niveau national
relève de la compétence exclusive du juge national, ce dernier devant, en l’absence de mesures d’harmonisation communautaires en ce domaine, trancher une telle question en application des dispositions du droit national applicable (voir, en ce sens, arrêt Nölle/Conseil et Commission, point 243 supra, point 37).
418 Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la demande des requérants tendant à la réparation du préjudice matériel est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée.
Sur les dépens
419 Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, étant entendu que, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.
420 En l’espèce, le recours ayant été accueilli en partie, il sera fait une juste appréciation de la cause, compte tenu du contexte particulier de l’affaire, en décidant que la Commission supportera, outre ses propres dépens, tous les dépens exposés par les requérants.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La Commission est condamnée à verser à MM. Yves Franchet et Daniel Byk la somme de 56000 euros.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens.
Jaeger
Tiili
Tchipev
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2008.
Le greffier
E. Coulon
Le président
M. Jaeger
Table des matières
Cadre juridique
Faits à l’origine du litige
Procédure et conclusions des parties
En droit
I — Sur la demande de retrait de certaines annexes de la requête
A — Arguments des parties
B — Appréciation du Tribunal
II — Sur le caractère prématuré du recours
A — Arguments des parties
B — Appréciation du Tribunal
III — Sur l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté
A — Sur l’illégalité du comportement de l’OLAF
1. Sur les fautes commises à l’occasion des transmissions faites par l’OLAF des dossiers relatifs à l’affaire Eurostat aux autorités judiciaires françaises et luxembourgeoises
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
Sur la qualification des enquêtes
Information des requérants, de la Commission et du comité de surveillance de l’OLAF
— Information des requérants
— Information de la Commission
— Information du comité de surveillance de l’OLAF
Influence exercée sur les autorités judiciaires nationales
2. Sur la divulgation des informations par l’OLAF
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
Sur les fuites
— Sur l’existence et le contenu des fuites
— Analyse des violations alléguées de règles de droit conférant des droits aux particuliers ayant pu résulter de la divulgation des informations par l’OLAF
Sur l’envoi du 24 septembre 2003
Sur les prises de position du directeur général de l’OLAF
3. Sur les prétendues fautes concernant l’établissement et la communication des notes et des rapports finaux
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur le refus d’accès à certains documents
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
5. Sur le traitement de l’affaire Eurostat dans un délai déraisonnable et sur la méconnaissance des articles 6 et 11 du règlement no 1073/1999
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
B — Sur l’illégalité du comportement de la Commission
1. Sur la divulgation des informations par la Commission
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
Sur le communiqué de presse de la Commission du 9 juillet 2003
Sur les documents communiqués au Parlement le 24 septembre 2003
Sur le discours du président de la Commission du 25 septembre 2003
2. Sur les procédures disciplinaires
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
3. Sur les différentes enquêtes de la Commission et leur déroulement
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
4. Sur le refus d’accès aux documents
a) Arguments des parties
b) Appréciation du Tribunal
C — Sur le préjudice et le lien de causalité
1. Arguments des parties
a) Sur le préjudice moral
b) Sur le préjudice matériel
c) Sur le lien de causalité
2. Appréciation du Tribunal
a) Sur le préjudice moral
b) Sur le préjudice matériel
Sur les dépens
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
( *1 ) Langue de procédure : le français.