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31/01/2008 | CJUE | N°C-500/06

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Bot présentées le 31 janvier 2008., Corporación Dermoestética SA contre To Me Group Advertising Media., 31/01/2008, C-500/06


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 31 janvier 2008 ( 1 )

Affaire C-500/06

Corporación Dermoestética SA

contre

To Me Group Advertising Media

«Articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 10 CE, 43 CE, 49 CE, 81 CE, 86 CE et 98 CE — Législation nationale interdisant la publicité concernant les traitements médico-chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques»

1.  La présente procédure préjudicielle concerne les dispositions de la législation italienne relative à la pu

blicité pour les professions médicales et les cliniques privées. Selon ces dispositions, la publicité pour des traitem...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 31 janvier 2008 ( 1 )

Affaire C-500/06

Corporación Dermoestética SA

contre

To Me Group Advertising Media

«Articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 10 CE, 43 CE, 49 CE, 81 CE, 86 CE et 98 CE — Législation nationale interdisant la publicité concernant les traitements médico-chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques»

1.  La présente procédure préjudicielle concerne les dispositions de la législation italienne relative à la publicité pour les professions médicales et les cliniques privées. Selon ces dispositions, la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées est interdite sur les chaînes de télévision à diffusion nationale. Cependant, cette publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale et par
l’intermédiaire d’autres moyens de communication est permise à condition, d’une part, d’obtenir l’autorisation de l’autorité locale compétente, sans que les conditions à remplir pour cette autorisation soient précisées, et, d’autre part, que la dépense afférente à ladite publicité ne dépasse pas 5 % du revenu déclaré au titre de l’année précédente.

2.  La juridiction de renvoi cherche à savoir si l’interdiction de faire de la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale prévue par cette législation est compatible avec le droit communautaire, alors que cette publicité est autorisée, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale.

3.  Dans les présentes conclusions, nous indiquerons que cette interdiction de faire une telle publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services.

4.  Nous exposerons également que, si un État membre peut imposer valablement des restrictions à l’exercice de ces libertés dans le but de protéger un intérêt légitime tel que la santé publique, il importe cependant que la mesure en cause soit propre à atteindre cet objectif et qu’elle n’excède pas ce qui est nécessaire à cet effet. Nous indiquerons que, à partir du moment où la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des
structures médicales privées est autorisée, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale, l’interdiction d’une même publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale ne satisfait pas à l’exigence de proportionnalité et n’est donc pas compatible avec le droit communautaire.

I — Le cadre juridique

A — Le droit communautaire

1. Le traité CE

5. L’article 43, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre sur le territoire d’un autre État membre. Selon l’article 43, second alinéa, CE, la liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises.

6. L’article 49, premier alinéa, CE prohibe les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté européenne à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

7. En vertu des articles 48 CE et 55 CE, les droits instaurés par les articles 43 CE et 49 CE bénéficient également aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et qui ont leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté.

8. Aux termes de l’article 47, paragraphe 3, CE et en application de l’article 55 CE, la levée des restrictions contraires aux articles 43 CE et 49 CE, en ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, est subordonnée à la coordination de leurs conditions d’exercice. Toutefois, le Conseil de l’Union européenne et la Commission des Communautés européennes ont admis que l’effet direct des articles 43 CE et 49 CE, reconnu respectivement dans les arrêts Reyners ( 2 ) et van
Binsbergen ( 3 ) à compter du 1er janvier 1970, date de la fin de la période de transition, valait également pour les professions de santé ( 4 ). En outre, les activités médicales, paramédicales et pharmaceutiques ont fait l’objet de directives de coordination ( 5 ).

9. Selon les articles 46, paragraphe 1, CE et 55 CE, les articles 43 CE et 49 CE ne font pas obstacle aux restrictions justifiées par des raisons de santé publique.

2. Le droit dérivé

10. Le législateur communautaire, dans le cadre de la directive 89/552/CEE ( 6 ), a coordonné les réglementations nationales régissant la publicité diffusée par la télévision.

11. La notion de «publicité télévisée» est définie à l’article 1er, sous c), de la directive 89/552 comme signifiant «toute forme de message télévisé, que ce soit contre rémunération ou paiement similaire, ou de diffusion à des fins d’autopromotion par une entreprise publique ou privée dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou d’une profession libérale dans le but de promouvoir la fourniture, moyennant paiement, de biens ou de services, y compris les biens immeubles, ou
de droits et d’obligations».

12. Selon l’article 12, sous d), de cette directive, la publicité télévisée et le téléachat ne doivent pas encourager des comportements préjudiciables à la santé ou à la sécurité.

13. Aux termes de l’article 14, paragraphe 1, de ladite directive, «[l]a publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale dans l’État membre de la compétence duquel relève l’organisme de radiodiffusion télévisuelle est interdite». Selon le même article, paragraphe 2, le téléachat concernant, notamment, des traitements médicaux est interdit.

14. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la même directive, les États membres ont la faculté, en ce qui concerne les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par celle-ci.

B — Le droit national

15. La publicité pour les professions médicales et les cliniques privées est régie, en Italie, par la loi no 175, du 5 février 1992 ( 7 ), telle que modifiée d’abord par la loi no 42, du 26 février 1999 ( 8 ), puis par la loi no 362, du 14 octobre 1999 ( 9 ), et enfin par la loi no 112, du 3 mai 2004 ( 10 ) (ci-après la «loi de 1992»).

16. Les dispositions de la loi de 1992 qui sont pertinentes pour la présente procédure sont les suivantes:

«Article premier

1.   La publicité concernant l’exercice des professions médicales et des professions médicales auxiliaires prévues et réglementées par la législation en vigueur n’est autorisée que sous forme de plaques apposées sur le bâtiment dans lequel est exercée l’activité professionnelle ainsi que par des annonces publiées dans les annuaires téléphoniques, dans les annuaires professionnels généraux, dans des périodiques exclusivement destinés aux praticiens des professions médicales, dans des journaux et
des revues d’information et sur les chaînes de radio et de télévision locales.

2.   Les plaques et annonces visées au paragraphe 1 ne peuvent contenir que les indications suivantes:

a) nom, prénom, adresse, numéro de téléphone et éventuelle adresse professionnelle, horaire des visites ou d’ouverture au public;

b) qualifications, titres académiques, titres de spécialisation et de carrière, sans abréviations susceptibles d’induire en erreur;

c) distinctions honorifiques attribuées ou reconnues par l’État.

3.   L’utilisation de la qualité de spécialiste n’est consentie qu’à ceux qui ont obtenu le diplôme correspondant conformément aux dispositions en vigueur. Il est interdit de faire usage de titres, y compris de titres de spécialisation obtenus à l’étranger, s’ils ne sont pas reconnus par l’État.

4.   Un médecin non spécialiste peut faire mention de la spécialité particulière qu’il exerce en utilisant des expressions reprenant la dénomination officielle de la spécialité et n’induisant pas en erreur ou ne portant pas à équivoque quant à la possession du titre de spécialisation […]

5.   Les dispositions du présent article s’appliquent également aux associations de médecins et aux mentions apposées sur les carnets d’ordonnances par les médecins chirurgiens, les odontologistes, les prothésistes dentaires et les vétérinaires et sur les cartes professionnelles utilisées par ceux qui exercent les autres professions visées au paragraphe 1.

Article 2

1.   La publicité sous forme de plaques et d’annonces visées à l’article 1er requiert l’autorisation du maire, qui la délivre sur agrément de l’ordre professionnel auprès duquel est inscrit le demandeur. […]

2.   Aux fins de la délivrance de l’autorisation municipale, le professionnel doit adresser sa demande auprès de l’ordre ou du groupement professionnel compétent, accompagnée d’une description détaillée du type, des caractéristiques et du contenu de l’annonce publicitaire. L’ordre ou le groupement professionnel transmet la demande au maire, en y joignant son agrément, dans un délai de trente jours à partir de la date à laquelle elle a été présentée.

3.   Aux fins de la délivrance de l’agrément, l’ordre ou le groupement professionnel doit vérifier que les dispositions prévues à l’article 1er sont respectées et que les caractéristiques esthétiques de la plaque, de l’annonce ou des enseignes visées à l’article 4 sont conformes aux dispositions édictées par un règlement spécifique émanant du ministre de la Santé, sur avis du Conseil supérieur de la santé et, le cas échéant, des ordres ou des groupements professionnels, qui expriment leur avis
dans un délai de quatre-vingt-dix jours à partir de la date de la demande.

3 bis.   Les autorisations prévues au paragraphe 1 ne sont renouvelées que si des modifications sont apportées au texte originel de la publicité.

[…]

Article 4

1.   La publicité concernant les cliniques de soins privées ainsi que les cabinets de consultation et de soins, mono ou pluridisciplinaires, soumis aux autorisations légales est admise sous forme de plaques ou d’enseignes apposées sur le bâtiment dans lequel est exercée l’activité professionnelle ainsi que sous forme d’insertion dans des annuaires téléphoniques, dans des annuaires professionnels généraux et dans des périodiques destinés exclusivement aux membres des professions médicales, dans
des journaux et des revues périodiques d’information et sur les chaînes de radio et de télévision locales, avec la faculté de préciser les activités médicales et chirurgicales spécifiques et les prescriptions diagnostiques et thérapeutiques effectivement réalisées, à condition que ces indications soient accompagnées du prénom, du nom et des titres professionnels des responsables de chaque branche spécialisée.

2.   Il est obligatoire dans tous les cas d’indiquer le prénom, le nom et les titres professionnels du médecin responsable de la direction médicale.

[…]

Article 5

1.   La publicité visée à l’article 4 est autorisée par la région, sur avis des fédérations régionales des ordres ou des groupements professionnels, lorsqu’ils existent, qui doivent garantir la possession et la validité des titres académiques et scientifiques, ainsi que la conformité des caractéristiques esthétiques de la plaque, de l’enseigne ou de l’annonce à celles établies par le règlement visé à l’article 2, paragraphe 3.

[…]

3.   Les annonces publicitaires prévues par le présent article doivent indiquer les éléments mentionnés par l’autorisation régionale.

4.   Les titulaires et les directeurs médicaux responsables des structures visées à l’article 4, qui feraient de la publicité dans les formes admises sans l’autorisation régionale, encourent les sanctions disciplinaires du blâme ou de la suspension de l’exercice de la profession médicale […]

5.   Lorsque l’annonce publicitaire contient de fausses indications sur les activités ou les prestations que la structure est habilitée à fournir ou ne comporte pas l’indication du directeur médical, l’autorisation administrative concernant l’exercice de l’activité médicale est suspendue pour une période allant de six mois à un an.

[…]

Article 9 bis

Les personnes exerçant les professions médicales visées à l’article 1er ainsi que les structures médicales visées à l’article 4 peuvent faire de la publicité dans les formes autorisées par la présente loi et dans la limite de dépense équivalant à 5 % du revenu déclaré au titre de l’année précédente.»

17. La juridiction de renvoi a également mentionné la loi no 248, du 4 août 2006, intitulée «Conversion en loi, avec modifications, du décret-loi no 223, du 4 juillet 2006, portant dispositions urgentes pour la relance économique et sociale, pour la limitation et la rationalisation des dépenses publiques, et interventions en matière de recettes et de lutte contre la fraude fiscale» ( 11 ), adoptée postérieurement aux faits du litige au principal.

18. L’article 2 de cette loi est rédigé comme suit:

«1.   Conformément au principe communautaire de libre concurrence et à celui de libre circulation des personnes et des services, et afin de garantir aux usagers une faculté de choix effective dans l’exercice de leurs droits et une faculté de comparaison des prestations offertes sur le marché, à compter de la date d’entrée en vigueur du présent décret sont abrogées les dispositions législatives et réglementaires qui prévoient, pour ce qui concerne les professions libérales et les activités
intellectuelles:

[…]

b) l’interdiction, même partielle, d’effectuer de la publicité d’information relative aux diplômes et aux spécialisations professionnelles, aux caractéristiques du service offert ainsi qu’au prix et aux coûts globaux des prestations, selon des critères de transparence et de véridicité du message dont le respect est assuré par l’ordre;

[…]

2.   Cela est sans préjudice des dispositions concernant l’exercice des professions dans le cadre du Service national de santé publique ou d’un rapport contractuel avec ce dernier ainsi que des éventuels tarifs maximaux préalablement établis, d’une façon générale, au titre de la protection des usagers […]»

II — Le cadre factuel

19. La présente procédure a pour origine le litige qui oppose Corporación Dermoestética SA ( 12 ), société de droit espagnol ayant pour objet social la fourniture de soins esthétiques ainsi que de prestations médicales et chirurgicales en ce domaine, à la société To Me Group Advertising Media Srl ( 13 ), agence publicitaire.

20. À partir de l’année 2003, Dermoestética a commencé à exercer ses activités en Italie, où elle a ouvert 24 centres de beauté et 21 centres médicaux, répartis dans 23 villes.

21. Le 10 octobre 2005, Dermoestética a passé avec Advertising Media une convention en vertu de laquelle cette dernière devait effectuer cinq présentations publicitaires au cours de l’émission télévisée Verissimo, diffusée sur la chaîne nationale italienne Canale 5 à une heure de grande écoute. Le prix convenu était de 46000 EUR hors taxe, outre 4000 EUR de rémunération de l’agence.

22. Après avoir encaissé un acompte de 2000 EUR, Advertising Media a informé Dermoestética que, compte tenu de la législation applicable en Italie, elle se trouvait dans l’impossibilité d’effectuer les annonces publicitaires prévues au contrat sur une chaîne de télévision à diffusion nationale. Elle a proposé de rechercher des espaces publicitaires sur des chaînes de télévision à diffusion locale, moyennant une majoration du prix convenu.

23. Dermoestética a demandé la restitution de l’acompte de 2000 EUR. À la suite du refus opposé à sa demande par Advertising Media, elle a fait assigner celle-ci devant le Giudice di pace di Genova (Italie) en paiement de cette somme.

24. Devant cette juridiction, Cliniche Futura Srl, une filiale de Dermoestética établie à Gênes, dans les locaux de laquelle le contrat litigieux a été passé et qui a demandé à intervenir dans la procédure, a fait valoir que la législation italienne relative à la publicité télévisée pour les activités médicales était contraire à la liberté d’établissement prévue à l’article 43 CE.

III — Les questions préjudicielles

25. C’est dans ce contexte que le Giudice di pace di Genova a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) L’article 49 CE est-il compatible avec des dispositions nationales comme celles des articles 4, 5 et 9 bis de la [loi de 1992] et du décret ministériel no 657, du 16 septembre 1994, et/ou avec des pratiques administratives qui interdisent la publicité télévisuelle à diffusion nationale de traitements médicaux et chirurgicaux effectués dans des structures médicales privées dûment autorisées à cet effet, et ce même lorsque la même publicité est autorisée sur des chaînes de télévision à
diffusion locale, tout en imposant, pour la diffusion de ces publicités, une limite de dépense équivalant à 5 % du revenu déclaré au titre de l’année précédente?

2) L’article 43 CE est-il compatible avec des dispositions nationales comme celles des articles 4, 5 et 9 bis de la [loi de 1992] et du décret ministériel no 657/1994 et/ou avec des pratiques administratives qui interdisent la publicité télévisuelle à diffusion nationale de traitements médicaux et chirurgicaux effectués dans des structures médicales privées dûment autorisées à cet effet, et ce même lorsque la même publicité est autorisée sur des chaînes de télévision à diffusion locale, tout en
imposant, pour ladite diffusion locale, une autorisation préalable émanant de chaque commune, sur avis de l’ordre professionnel de la province de référence, ainsi qu’une limite de dépense équivalant à 5 % du revenu déclaré au titre de l’année précédente?

3) Les articles 43 CE et/ou 49 CE s’opposent-ils à ce que la diffusion de la publicité d’information sur les traitements médicaux et chirurgicaux de nature esthétique effectués dans des structures médicales privées dûment autorisées à cet effet soit soumise à une autorisation préalable supplémentaire émanant des autorités administratives locales et/ou des ordres professionnels?

4) La Federazione nazionale degli ordini dei medici (FNOMCEO) [(Fédération nationale des ordres des médecins, ci-après la «FNOMCEO»)] et les ordres des médecins associés, ayant adopté un code de déontologie qui prévoit des limites à la publicité des professions médicales ainsi qu’une pratique interprétative de la réglementation en vigueur en matière de publicité médicale fortement limitative du droit des médecins de faire la publicité de leur activité, tous deux ayant un caractère obligatoire à
l’égard de tous les médecins, ont-ils limité la concurrence au-delà de ce qui est admis par la réglementation nationale pertinente et en violation de l’article 81, paragraphe 1, CE?

5) En tout état de cause, la pratique interprétative adoptée par la FNOMCEO est-elle contraire aux articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 98 CE, 10 CE, 81 CE et éventuellement 86 CE, sachant que cette pratique est permise par une réglementation nationale demandant aux ordres professionnels compétents au niveau des provinces de vérifier la transparence et la véridicité des messages publicitaires sans indiquer les critères et les modalités d’exercice de ce pouvoir?»

IV — Analyse

A — Sur l’objet des questions préjudicielles et leur recevabilité

26. Les questions posées par la juridiction de renvoi peuvent être classées en deux groupes. Le premier groupe est constitué par les première à troisième questions. Par ces trois questions, la juridiction de renvoi cherche à apprécier la compatibilité avec les articles 43 CE et 49 CE de la loi de 1992 en ce qu’elle interdit la publicité pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques sur les chaînes de télévision à diffusion nationale.

27. Le second groupe de questions comprend les quatrième et cinquième questions. Ces deux questions concernent un code de déontologie adopté par la FNOMCEO et la pratique adoptée par cette fédération en application de ce code. Elles ont pour objet d’apprécier la compatibilité dudit code et de cette pratique avec plusieurs dispositions du traité, en particulier l’article 81 CE, qui prohibe les ententes entre entreprises qui sont contraires au marché commun.

28. Le gouvernement italien soulève l’irrecevabilité de l’ensemble de ces questions, au motif que la juridiction de renvoi n’aurait pas pris en considération l’abrogation, par le décret-loi no 223, du 4 juillet 2006 ( 14 ), des dispositions législatives et réglementaires interdisant aux professions libérales et intellectuelles d’effectuer de la publicité d’information.

29. Il fait valoir également que les troisième à cinquième questions ne sont pas pertinentes pour la solution du litige au principal, parce que l’inexécution du contrat passé entre Dermoestética et Advertising Media est due à la prise de position de cette dernière et non à un refus opposé par la société de télévision Canale 5.

30. La Commission estime, quant à elle, que le premier groupe de questions est recevable. En revanche, elle émet des doutes sur la recevabilité du second groupe.

31. Nous partageons l’opinion de la Commission en ce qui concerne la recevabilité des deux groupes de questions.

32. À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence,
dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer ( 15 ).

33. C’est uniquement s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation de la règle communautaire demandée par le juge national n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées que celles-ci peuvent être déclarées irrecevables ( 16 ).

34. En outre, dans le cadre de la procédure de coopération entre juges prévue à l’article 234 CE, les fonctions de la Cour et celles de la juridiction de renvoi sont clairement séparées et c’est à cette dernière qu’il appartient exclusivement d’interpréter sa législation nationale ( 17 ).

35. Au regard de ces considérations, le premier groupe de questions apparaît bien recevable. En effet, c’est à la juridiction de renvoi qu’il revient d’apprécier les effets du décret-loi no 223/2006 sur la solution du litige au principal et non au gouvernement de l’État membre dont relève cette juridiction ( 18 ). En saisissant la Cour du présent renvoi préjudiciel, le Giudice di pace di Genova a estimé que ce décret-loi, dont il a d’ailleurs cité l’article 12, ne mettait pas en cause l’application
de la loi de 1992 dans le litige dont il est saisi. Il n’appartient pas à la Cour de remettre en question cette appréciation.

36. L’argument du gouvernement italien, selon lequel ledit décret-loi aurait abrogé les dispositions de la loi de 1992 prohibant la publicité, au même titre que toutes les dispositions législatives et réglementaires interdisant aux professions libérales et intellectuelles d’effectuer de la publicité d’information, ne peut donc pas être retenu et rendre le premier groupe de questions sans objet.

37. En outre, la question de la conformité des dispositions litigieuses de la loi de 1992 avec les articles 43 CE et 49 CE n’est pas manifestement dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal.

38. En effet, si ces articles, ou l’un d’entre eux, devaient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions prévoyant une interdiction de publicité télévisée telle que celle instaurée par la loi de 1992, de telles dispositions devraient être écartées par le juge national, conformément à la jurisprudence relative aux effets de la primauté d’une règle de droit communautaire directement applicable ( 19 ).

39. En revanche, nous partageons les doutes de la Commission en ce qui concerne la recevabilité du second groupe de questions.

40. En effet, ce groupe de questions a pour objet d’apprécier la conformité au droit communautaire d’un code de déontologie adopté par une fédération de médecins et de la pratique adoptée par cette fédération en application de ce code. Toutefois, la juridiction de renvoi n’a fourni aucune indication sur le contenu dudit code et sur cette pratique. Elle n’a pas expliqué non plus en quoi l’examen par la Cour de ce même code et de ladite pratique serait pertinent pour la solution du litige au
principal.

41. Ce défaut de pertinence peut même sembler manifeste au regard du fait que, selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, Advertising Media a expliqué se trouver dans l’impossibilité d’exécuter ses engagements contractuels à cause de la loi de 1992, en ce qu’elle interdit toute publicité pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, et non pas
en application du code adopté par la FNOMCEO et de la pratique qui en découle.

42. C’est pourquoi nous proposons à la Cour de retenir que les quatrième et cinquième questions apparaissent manifestement dépourvues de pertinence pour la solution du litige au principal et de les déclarer irrecevables.

B — Sur les trois premières questions préjudicielles

43. Par ses première à troisième questions, la juridiction de renvoi cherche à savoir si la loi de 1992, en ce qu’elle interdit la publicité pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, alors qu’elle autorise cette publicité, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale, est conforme aux articles 43 CE et 49 CE.

44. Dans la mesure où la publicité télévisée en matière de traitements médicaux a fait l’objet d’une harmonisation dans la directive 89/552, il convient d’examiner si la compatibilité des dispositions litigieuses de la loi de 1992 doit être examinée à l’aune de cette directive ou bien des dispositions du traité relatives aux libertés de circulation.

1. Les dispositions de droit communautaire pertinentes

45. L’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552, rappelons-le, interdit expressément la publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale dans l’État membre de la compétence duquel relève l’organisme de radiodiffusion télévisuelle.

46. Il s’agit donc d’apprécier si la loi de 1992, en ce qu’elle interdit la publicité pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, correspond à la mise en œuvre de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552.

47. Cette directive ne définit pas plus précisément les traitements médicaux qui sont visés par l’interdiction de publicité télévisée énoncée à son article 14, paragraphe 1.

48. Lors de l’audience, la Commission a exposé que la notion de «traitements médicaux» citée à cet article devait être interprétée par analogie avec celle de «médicaments disponibles sur prescription médicale». La notion en cause correspondrait ainsi aux actes effectués par un médecin en exécution de la prescription délivrée par un autre médecin. Dans le domaine de la chirurgie esthétique, elle couvrirait, par exemple, les opérations destinées à réparer les conséquences d’un accident ou à corriger
une malformation congénitale. En revanche, elle ne s’appliquerait pas aux actes effectués à la seule demande du patient.

49. Le gouvernement néerlandais soutient, quant à lui, que, par hypothèse, tous les traitements médicaux nécessitent l’intervention d’un médecin, de sorte que le membre de phrase «qui sont seulement disponibles sur prescription médicale» n’ajouterait rien à la notion de traitements médicaux. Ce gouvernement expose également que les États membres peuvent adopter des mesures plus restrictives que celles prévues à l’article 14 de la directive 89/552.

50. Contrairement au gouvernement néerlandais, nous sommes d’avis que le membre de phrase «qui sont seulement disponibles sur prescription médicale» est tout à fait pertinent afin de déterminer la portée de l’interdiction énoncée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552. En outre, nous ne croyons pas que le critère de la prescription médicale doive être interprété comme le propose la Commission.

51. En effet, admettre qu’une intervention de chirurgie esthétique serait ou non visée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552 selon que cette intervention a été prescrite par un autre médecin ou bien qu’elle a été décidée par le patient lui-même ne permettrait pas de déterminer dans tous les cas, par avance, si un traitement est couvert ou non par l’interdiction prévue à cet article. En effet, un acte chirurgical, tel que le remodelage du nez ou des seins, peut être prescrit par un
médecin afin de réparer les conséquences d’un accident ou à la suite d’une maladie. Il peut aussi être effectué à la seule demande d’un patient, parce que celui-ci a décidé, pour des raisons purement esthétiques, de modifier son visage ou cette partie de son anatomie et, dans ce cas, l’intervention du médecin consiste à vérifier que cette intervention est bien compatible avec l’état de santé du patient.

52. Le critère de la prescription médicale, tel qu’il est présenté par la Commission, ne permettrait donc pas de mettre correctement en œuvre l’interdiction énoncée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552. La mise en œuvre de cette interdiction implique en effet de savoir, par avance, quels sont les types de traitements médicaux pour lesquels la publicité télévisée est interdite. La notion de «traitements médicaux», au sens de l’article 14, paragraphe 1, de cette directive, tout comme
celle de «médicaments», visée à ce même article, doit, à notre avis, être comprise comme recouvrant des traitements qui sont exclus, en tant que tels, de toute forme de publicité télévisée. La détermination du champ d’application dudit article requiert donc d’interpréter différemment le critère de la prescription médicale.

53. En visant, à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552, les médicaments et les traitements médicaux disponibles seulement sur prescription médicale, le législateur communautaire, à notre avis, a voulu limiter l’interdiction de la publicité télévisée aux médicaments et aux traitements médicaux dont la délivrance est soumise à l’autorisation d’un médecin, selon la législation de l’État membre concerné. Il s’agit donc des médicaments et des traitements médicaux dont la consommation ne peut
pas être laissée à la seule appréciation du patient ou du consommateur.

54. Cette analyse est confirmée par le trentième considérant de la directive 89/552, selon lequel, dans sa version en langue française, la publicité télévisée doit être interdite pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont disponibles «uniquement» sur prescription médicale dans l’État membre concerné.

55. Elle est également corroborée par les motifs qui sous-tendent une telle interdiction. L’interdiction de publicité pour les médicaments et les traitements médicaux visée à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552 se situe à la suite de l’interdiction de toute forme de publicité pour les cigarettes et les autres produits du tabac, prévue à l’article 13 de cette directive, et avant les dispositions qui encadrent la publicité télévisée pour les boissons alcooliques, énoncées à l’article 15
de ladite directive. L’ensemble de ces dispositions a pour objet de protéger la santé publique.

56. La prohibition de la publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux qui sont seulement disponibles sur prescription médicale s’explique parce qu’ils ne doivent être consommés ou pratiqués qu’en cas de nécessité constatée par un médecin, à des fins strictement thérapeutiques et dans les conditions déterminées par le thérapeute. Le législateur communautaire a donc entendu prohiber les actions visant à promouvoir l’acquisition de tels médicaments et de tels traitements qui,
s’ils ne s’avèrent pas réellement nécessaires et s’ils ne sont pas consommés ou pratiqués conformément aux prescriptions d’un médecin, peuvent mettre en danger la santé du consommateur.

57. Nous en déduisons que le législateur communautaire a voulu limiter l’interdiction de la publicité télévisée aux traitements médicaux qui ne peuvent être effectués que sur la prescription d’un médecin. Il s’ensuit que, si un traitement médical est susceptible d’être effectué à la seule demande d’un patient, comme peut l’être, dans le domaine de la chirurgie esthétique et selon la législation italienne, le remodelage du nez ou des seins, nous sommes d’avis qu’il n’entre pas dans le champ
d’application de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552.

58. L’interdiction de la publicité télévisée prévue par la loi de 1992 est donc beaucoup plus large que celle prévue par la directive 89/552. En effet, la loi de 1992 interdit la publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale pour les professions médicales et médicales auxiliaires ainsi que pour les cliniques privées. Plus particulièrement, selon les première à troisième questions posées par la juridiction de renvoi, elle a pour effet d’interdire toute publicité sur les chaînes de
télévision à diffusion nationale pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées, alors que ces traitements, comme nous venons de le voir, ne sont pas tous disponibles uniquement sur prescription médicale, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 89/552.

59. Cependant, le fait que ces dispositions de la loi de 1992 instaurent ainsi une interdiction de publicité télévisée plus large que celle prévue par la directive 89/552 ne rend pas lesdites dispositions contraires au droit communautaire.

60. Comme l’a souligné le gouvernement néerlandais, l’article 3, paragraphe 1, de cette directive donne aux États membres la possibilité de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par celle-ci. Cette disposition a été interprétée comme s’appliquant à l’ensemble des dispositions prévues au chapitre IV de ladite directive ( 20 ), dont l’article 14, paragraphe 1, de celle-ci fait partie. Les États membres sont donc en droit de prévoir des mesures plus restrictives
que celles prévues à cet article en ce qui concerne la publicité télévisée pour les médicaments et les traitements médicaux.

61. Il importe toutefois que, dans l’exercice de ce pouvoir d’adopter des normes plus détaillées ou plus strictes, comme dans l’exercice de leurs compétences réservées, les États membres ne portent pas atteinte aux libertés de circulation. Il est, en effet, de jurisprudence constante que, lorsque les conditions d’exercice d’une activité professionnelle ne sont pas harmonisées, les États membres demeurent compétents pour définir l’exercice de cette activité, mais ils doivent exercer leurs compétences
dans ce domaine dans le respect des libertés fondamentales garanties par le traité ( 21 ).

62. C’est donc bien à l’aune des libertés de circulation instaurées par le traité qu’il convient d’examiner la compatibilité des dispositions litigieuses de la loi de 1992 avec le droit communautaire.

63. La juridiction de renvoi estime que, dans les circonstances de l’affaire au principal, cette appréciation doit être effectuée au regard tant de la liberté d’établissement que de la libre prestation des services. Nous partageons cette analyse.

64. Le litige au principal a pour origine l’inexécution du contrat passé avec Advertising Media par Dermoestética, société de droit espagnol, qui avait pour objet la diffusion de messages publicitaires sur une chaîne de télévision italienne.

65. La situation juridique de Dermoestética nous paraît bien relever du champ d’application de l’article 43 CE, lu en combinaison avec l’article 48 CE, puisque la conclusion du contrat de publicité avec Advertising Media avait pour but de promouvoir les activités de cette première société en Italie par l’intermédiaire de ses établissements secondaires ( 22 ).

66. De même, Dermoestética apparaît bien comme le destinataire des prestations de services commandées à Advertising Media et elle peut donc se prévaloir également, en cette qualité, des dispositions de l’article 49 CE ( 23 ).

67. Nous serions enclin à penser que le centre de gravité de la présente affaire, compte tenu du but recherché par Dermoestética au travers du contrat passé avec Advertising Media et des effets de la loi de 1992 sur la concurrence, se situe davantage du côté de la liberté d’établissement. Néanmoins, dans la mesure où la juridiction de renvoi s’interroge également sur la portée de la libre prestation des services en l’espèce et où la Cour, dans l’arrêt Gourmet International Products ( 24 ), a examiné
une législation sur la publicité pour les boissons alcooliques au regard non seulement des articles du traité relatifs à la libre circulation des marchandises, mais également de l’article 49 CE, nous analyserons aussi, brièvement, l’interprétation de cet article.

68. Par ses première à troisième questions, la juridiction de renvoi demande ainsi, en substance, si les articles 43 CE et 49 CE, lus en combinaison avec les articles 48 CE et 55 CE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre qui interdit la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux de nature esthétique effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, alors qu’elle autorise une telle
publicité, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale.

69. Nous sommes d’avis qu’il convient de répondre affirmativement à cette question aux motifs, premièrement, qu’une telle interdiction de faire de la publicité constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services au sens des articles 43 CE et 49 CE et, deuxièmement, que cette restriction, dès lors que cette publicité est possible sous certaines conditions sur les chaînes de télévision à diffusion locale, n’apparaît pas justifiée. Nous allons examiner chacun de
ces points.

2. L’existence d’une restriction

70. La liberté d’établissement instaurée par les articles 43 CE et 48 CE confère aux sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre le droit d’accéder à une activité indépendante dans un autre État membre et d’y exercer cette activité à titre permanent dans les mêmes conditions que les sociétés ayant leur siège dans cet État. L’article 43 CE impose ainsi la suppression des mesures discriminatoires.

71. Conformément à la jurisprudence de la Cour, sont également considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement au sens de cet article toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté ( 25 ). Parmi ces mesures figurent celles qui, tout en étant indistinctement applicables, affectent une modalité d’exercice de l’activité concernée et ont pour effet de priver un opérateur économique d’un moyen efficace de concurrence pour pénétrer sur un
marché ( 26 ).

72. La Cour a jugé que tel était le cas, par exemple, d’une mesure interdisant à tout établissement de crédit recevant des fonds du public de rémunérer les comptes de dépôts à vue ( 27 ). Elle a adopté la même analyse, dans le cadre de la libre prestation des services, à propos d’une réglementation interdisant de manière absolue aux avocats de déroger aux honoraires minimaux fixés par un tarif ( 28 ). Ces mesures ont été jugées défavorables aux opérateurs économiques étrangers parce qu’elles les
privaient d’un moyen qui leur aurait permis de livrer une concurrence plus efficace aux professionnels déjà établis dans l’État membre d’accueil ( 29 ).

73. Ce sont donc leurs effets sur l’accès au marché qui permettent de qualifier ces mesures de «restrictions» au sens des articles 43 CE et 49 CE. Lesdites mesures constituent des restrictions aux libertés de circulation parce que, en entravant l’accès de nouveaux opérateurs au marché en cause, elles constituent objectivement des barrières aux libertés de circulation. Des mesures qui interdisent ou qui rendent plus difficile l’accès au marché de nouveaux opérateurs économiques figent le marché
concerné dans son état actuel et sont donc, par nature, contraires aux libertés de circulation et à la concurrence, sur lesquelles se fonde le marché commun.

74. La rémunération des comptes de dépôts à vue par les établissements de crédit ainsi que la libre fixation des honoraires ont ainsi été considérées comme des moyens légitimes de concurrence nécessaires pour avoir accès au marché de l’État membre d’accueil. Cette analyse nous semble devoir être transposée au droit de faire de la publicité.

75. L’importance de la publicité pour accéder à un marché a déjà été soulignée par la Cour dans le domaine de la libre circulation des marchandises.

76. Dans ce domaine, les dispositions nationales qui régissent la publicité sont analysées comme des modalités de vente, au sens de la jurisprudence dégagée à partir de l’arrêt Keck et Mithouard ( 30 ), de sorte qu’elles ne constituent pas des entraves au sens de l’article 28 CE dès lors qu’elles s’appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant leur activité sur le territoire national et pourvu qu’elles affectent de la même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits
nationaux et celle des produits en provenance d’autres États membres ( 31 ).

77. Toutefois, dans l’arrêt De Agostini et TV-Shop ( 32 ), la Cour a estimé qu’il ne saurait être exclu qu’une interdiction totale, dans un État membre, d’une forme de promotion d’un produit, qui y est licitement vendu, ait un impact plus important sur les produits en provenance d’autres États membres.

78. Dans l’arrêt Gourmet International Products, précité, elle s’est prononcée sur une législation prohibant toute diffusion de messages publicitaires pour les boissons alcooliques en direction des consommateurs, sous réserve de quelques exceptions de caractère négligeable. La Cour a estimé qu’une telle interdiction de la publicité doit être considérée comme affectant plus lourdement la commercialisation des produits originaires d’autres États membres que celle des produits nationaux et comme
constituant, par conséquent, une entrave au commerce entre les États membres entrant dans le champ d’application de l’article 28 CE ( 33 ).

79. La Cour a fondé cette analyse sur la considération selon laquelle, s’agissant de produits, comme les boissons alcooliques, dont la consommation est liée à des pratiques sociales traditionnelles ainsi qu’à des habitudes et à des usages locaux, une interdiction de toute publicité à destination des consommateurs par voie d’annonces dans la presse, à la radio et à la télévision, par envoi direct de matériel non sollicité ou par affichage sur la voie publique est de nature à gêner davantage l’accès
au marché des produits originaires d’autres États membres que celui des produits nationaux, avec lesquels le consommateur est spontanément mieux familiarisé ( 34 ).

80. Dans l’arrêt Douwe Egberts ( 35 ), la Cour a abouti à la même conclusion que dans l’arrêt Gourmet International Products, précité, à propos d’une loi nationale interdisant d’utiliser, dans la publicité pour les denrées alimentaires, des références à l’amaigrissement ainsi qu’à des recommandations, attestations, déclarations et avis médicaux ou encore à des déclarations d’approbation.

81. Une législation nationale qui restreint de manière importante la publicité pour un produit est donc de nature à empêcher l’accès de ce produit sur le marché. Cette analyse nous paraît transposable à des services.

82. En effet, la publicité apparaît bien comme l’instrument essentiel qui permet aux opérateurs économiques d’informer les consommateurs de leur existence et de leurs activités. Elle joue ainsi un rôle déterminant dans la possibilité pour une société de s’établir dans un nouvel État membre et d’y développer ses activités. La publicité constitue également le moyen par lequel les opérateurs économiques cherchent à convaincre les consommateurs d’acheter leurs services plutôt que ceux de leurs
concurrents. Elle permet ainsi aux consommateurs de rompre avec leurs habitudes et, par conséquent, elle favorise la concurrence.

83. Cette importance de la publicité en ce qui concerne les professions libérales a également été mise en évidence par la Commission dans son rapport sur la concurrence dans le secteur des professions libérales ( 36 ). Selon ce rapport, la publicité, notamment la publicité comparative, peut constituer un outil concurrentiel crucial pour les entreprises qui font leur entrée sur le marché ( 37 ).

84. Comme l’avocat général Jacobs l’a exposé dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Leclerc-Siplec, précité, des mesures qui interdisent ou restreignent sévèrement la publicité tendent inévitablement à protéger les fabricants nationaux déjà établis et à rendre plus difficile l’arrivée sur le marché d’entreprises étrangères. La liberté de faire de la publicité apparaît ainsi comme un corollaire des libertés de circulation prévues par le traité ( 38 ).

85. Cette analyse n’a pas pour but de démontrer que toute interdiction ou restriction importante de faire de la publicité seraient nécessairement contraires au droit communautaire. Les libertés de circulation peuvent faire l’objet de restrictions de la part des États membres. Toutefois, ces restrictions doivent être justifiées par un motif légitime tel que la protection de l’ordre public, de la sécurité publique ou de la santé publique, ou encore par une raison impérieuse d’intérêt général.

86. Il s’agit simplement d’admettre que, au regard de l’importance que revêt la publicité pour la réalisation du marché commun, une interdiction de faire de la publicité ou une limitation très sévère en cette matière constituent, en principe, une restriction aux libertés de circulation garanties par le traité et elles ne peuvent être compatibles avec le droit communautaire que si elles sont justifiées.

87. Dans l’affaire au principal, une société comme Dermoestética, qui exerce ses activités dans le domaine des soins esthétiques et qui a ouvert des établissements de soins dans plusieurs villes en Italie, a besoin de se constituer une clientèle et, pour cela, de se faire connaître du grand public.

88. En outre, la télévision constitue un moyen d’information qui touche un très large public. Elle permet à une entreprise de faire connaître ses produits et ses services sur l’ensemble du territoire d’un État membre de manière très efficace. Le succès de ce mode de communication auprès des professionnels a d’ailleurs conduit le législateur communautaire à fixer, dans la directive 89/552, les normes minimales et les critères à respecter dans le cadre de la publicité télévisée afin de protéger les
consommateurs contre les excès de celle-ci, en plus des obligations énoncées dans les autres textes de droit dérivé qui régissent la publicité en général ( 39 ) ou la publicité pour des produits déterminés, tels que le tabac ou les médicaments.

89. L’interdiction de faire de la publicité sur des chaînes de télévision à diffusion nationale, prévue par la loi de 1992, prive donc une société comme Dermoestética de la possibilité d’utiliser un moyen d’information particulièrement efficace pour faire connaître à l’ensemble du public italien les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques offerts par ses nombreux établissements secondaires en Italie. Cette interdiction constitue donc, à notre avis, une restriction
à la liberté d’établissement.

90. Cette analyse nous paraît confortée par le fait que les effets de ladite interdiction pour une entreprise ayant son siège dans un autre État membre ne sont pas compensés ni même amoindris par la possibilité, prévue par la loi de 1992, de faire une telle publicité en Italie sur des chaînes de télévision à diffusion locale ou par l’intermédiaire d’autres moyens de communication.

91. En effet, cette possibilité est soumise à deux conditions qui, pour une entreprise étrangère voulant s’établir en Italie, en limitent incontestablement la portée. La première de ces conditions est l’obtention de l’autorisation de l’autorité administrative locale compétente.

92. La diffusion d’un message publicitaire sur l’ensemble du territoire de la République italienne par l’intermédiaire des chaînes de télévision à diffusion locale obligerait donc une société telle que Dermoestética à effectuer autant de demandes qu’il y a d’autorités régionales compétentes, ce qui apparaît manifestement plus compliqué et plus onéreux. En outre, en l’état des indications fournies par la juridiction de renvoi, la législation italienne ne détermine pas les conditions à remplir afin
d’obtenir cette autorisation, de sorte que ces conditions peuvent varier d’une région à l’autre et qu’un opérateur économique tel que Dermoestética ne peut pas les connaître aisément par avance.

93. La seconde condition est que la dépense engagée pour cette publicité n’excède pas 5 % du revenu déclaré de l’année précédente.

94. Comme le relève la Commission, cette condition constitue également une barrière à l’implantation en Italie de sociétés établies dans un autre État membre, puisque, d’une part, elle limite leur possibilité d’engager les dépenses qu’elles estiment nécessaires pour se faire connaître de la manière la plus appropriée. D’autre part, en fixant cette limite à un pourcentage des résultats de l’année antérieure, la législation en cause produit des effets «en cascade», en ce sens que la limitation de la
publicité amoindrit les résultats obtenus par l’entreprise qui, eux-mêmes, conditionnent le montant de la dépense pouvant être consacrée à la publicité. En outre, l’imprécision de la notion de revenu déclaré constitue une difficulté supplémentaire pour une entreprise étrangère.

95. Enfin, le litige au principal démontre que la possibilité prévue par la loi de 1992 de faire, sous les deux conditions énoncées aux articles 5 et 9 bis de celle-ci, de la publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale et par l’intermédiaire d’autres moyens de communication n’a pas été jugée par Dermoestética comme une solution satisfaisante pouvant remplacer l’impossibilité de faire de la publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale.

96. La loi de 1992, en ce qu’elle interdit toute publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques effectués dans des structures médicales privées, constitue donc une restriction à la liberté d’établissement.

97. En outre, ces dispositions peuvent également être analysées comme une restriction à la libre prestation des services transfrontaliers, au sens de l’article 49 CE.

98. En effet, la loi de 1992, en ce qu’elle interdit à Advertising Media ainsi qu’aux chaînes de télévision à diffusion nationale de faire de la publicité pour les établissements secondaires de Dermoestética en Italie, empêche cette dernière de bénéficier de ces prestations de services. Une telle interdiction de faire de la publicité, même si elle est applicable indistinctement aux structures médicales privées de sociétés italiennes et à celles de sociétés ayant leur siège dans d’autres États
membres, affecte donc l’offre transfrontalière de publicités télévisées ( 40 ).

3. L’absence de justification

99. Le gouvernement italien n’invoque aucun motif susceptible de justifier les restrictions contenues dans les dispositions examinées de la loi de 1992. Au contraire, il admet implicitement que ces restrictions sont bien incompatibles avec le droit communautaire, puisqu’il soutient que les dispositions en cause ont été abrogées par le décret-loi no 223/2006, qui a été adopté, selon l’article 2 de ce texte, conformément au principe de libre concurrence afin de garantir aux usagers une faculté de
choix effective grâce à une comparaison des prestations offertes sur le marché.

100. Advertising Media expose que les restrictions litigieuses sont justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général, telles que la protection de la santé publique.

101. Certes, la protection de la santé publique est l’une des raisons qui, conformément aux articles 46 CE et 55 CE, peut justifier une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services. La Cour a jugé, à cet égard, que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les intérêts protégés par les dispositions du traité prévoyant les dérogations possibles à l’interdiction des restrictions aux libertés de circulation ( 41 ). La protection de la santé
publique figure également parmi les raisons impérieuses d’intérêt général pouvant justifier des restrictions à l’exercice des libertés de circulation garanties par le traité.

102. En outre, dans la mesure où la publicité en ce qui concerne les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques ne fait pas l’objet de règles communes ou d’harmonisation au niveau communautaire, il appartient à chaque État membre de décider du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique en cette matière et de la manière dont ce niveau doit être atteint ( 42 ).

103. Dans nos conclusions présentées le 22 novembre 2007 dans l’affaire Doulamis (C-446/05), pendante devant la Cour, nous avons soutenu que la protection de la santé publique pouvait justifier d’interdire à des professionnels de santé tels que des prestataires de soins dentaires de faire de la publicité autre que purement informative. Nous avons fondé notre position sur le fait que les prestations de soins ne constituent pas des prestations de services comme les autres, dans la mesure où elles
produisent leurs effets sur l’intégrité physique du bénéficiaire et sur son équilibre psychique. Nous avons également fait référence au fait que le domaine de la santé constitue l’un de ceux dans lesquels la différence des niveaux de connaissance entre le prestataire et le bénéficiaire de la prestation est la plus élevée, de sorte que ce dernier n’est pas en mesure d’apprécier réellement la qualité du service qu’il achète.

104. Ces considérations nous semblent pouvoir être étendues dans le domaine des soins esthétiques, dès lors que ceux-ci ne se limitent pas à des prestations de bien-être, tels que des massages relaxant ou des épilations, mais prennent la forme de véritables interventions chirurgicales, telles que le remodelage d’une partie du visage ou du corps.

105. Même si de telles interventions chirurgicales peuvent être effectuées à la demande d’un patient, sans véritable nécessité thérapeutique, nous sommes d’avis que, en raison des risques inhérents à ce type d’actes médicaux et de leurs répercussions éventuelles sur le plan psychique, un État membre peut légitimement prévoir des restrictions en ce qui concerne la publicité qui peut en être faite auprès du public. Ainsi, nous trouverions parfaitement justifié qu’un État membre interdise ou encadre
les actions publicitaires visant à inciter les gens à faire modifier leur visage ou leur anatomie.

106. Il incombe toutefois que les mesures adoptées à cette fin soient propres à atteindre l’objectif qu’elles poursuivent et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire à cet effet ( 43 ).

107. Une interdiction de faire de la publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques a bien pour effet de limiter la publicité pour de telles prestations auprès du public et, partant, de protéger la santé publique. Toutefois, dès lors que cette publicité est autorisée, sous certaines conditions, sur les chaînes de télévision à diffusion locale, la proportionnalité de l’interdiction de toute publicité
sur les chaînes à diffusion nationale apparaît difficile à défendre.

108. En effet, si le législateur italien a estimé que les conditions encadrant une telle publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale étaient aptes à protéger la santé publique, nous ne voyons pas pourquoi de telles conditions ne pourraient pas s’appliquer également aux chaînes de télévision à diffusion nationale. Aucun élément ne permet de penser que la protection des téléspectateurs doit être moindre lorsqu’ils regardent des chaînes de télévision à diffusion locale.

109. Comme le souligne la Commission, la loi de 1992 se trouve ainsi entachée d’une incohérence certaine, dans la mesure où, si l’intention du législateur italien avait été réellement de protéger la santé des téléspectateurs en prohibant la publicité télévisée pour les traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques, il aurait dû étendre cette interdiction aux chaînes de télévision à diffusion locale.

110. La loi de 1992 présente, à cet égard, la même contradiction que la législation italienne en cause dans l’arrêt Payroll e.a., précité.

111. Cette législation imposait aux entreprises de moins de 250 employés voulant confier l’élaboration et l’édition de leurs fiches de paie à des centres externes de traitement informatisé de données de recourir uniquement à des centres constitués et composés exclusivement de personnes inscrites à l’ordre de certaines professions en Italie. Ladite législation a été analysée comme une restriction à la liberté d’établissement de sociétés ayant leur siège dans un autre État membre et voulant s’établir
en Italie afin d’y fournir des services informatiques d’élaboration et d’édition de fiches de paie.

112. Le gouvernement italien soutenait que cette restriction était justifiée par la protection des droits des travailleurs. La Cour a relevé, à cet égard, que, en vertu de la législation italienne en cause, les centres de traitement qui ne sont pas uniquement constitués et composés de conseillers du travail et de l’emploi ou de personnes assimilées peuvent offrir des services d’élaboration et d’édition de fiches de paie à des entreprises de plus de 250 employés, lesquels n’apparaissent pas devoir
jouir à cet égard d’une protection moindre que ceux travaillant pour des entreprises à l’effectif plus réduit. Elle en a déduit que, à partir du moment où les tâches en cause ne sauraient être moins complexes lorsque le nombre de salariés concernés augmente, la disposition litigieuse va, en tout état de cause, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif de protection ( 44 ).

113. L’interdiction de toute publicité sur les chaînes de télévision à diffusion nationale pour des traitements médicaux et chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques paraît donc aller au-delà de ce qui est nécessaire à la protection de la santé publique. Cette analyse trouve encore un élément de confirmation dans le fait que, selon les explications fournies par le gouvernement italien lors de l’audience, cette interdiction ne frappe que les structures médicales privées.

114. Par conséquent, une législation d’un État membre qui interdit la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux de nature esthétique effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, alors qu’elle autorise, sous certaines conditions, une telle publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale, est contraire aux articles 43 CE et 49 CE, lus en combinaison avec les articles 48 CE et 55 CE.

V — Conclusion

115. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons de répondre de la manière suivante aux questions posées par le Giudice di pace di Genova:

«Les articles 43 CE et 49 CE, lus en combinaison avec les articles 48 CE et 55 CE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation d’un État membre qui interdit la publicité pour des traitements médicaux et chirurgicaux de nature esthétique effectués dans des structures médicales privées sur les chaînes de télévision à diffusion nationale, alors qu’elle autorise, sous certaines conditions, une telle publicité sur les chaînes de télévision à diffusion locale.»

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( 1 ) Langue originale: le français.

( 2 ) Arrêt du 21 juin 1974 (2/74, Rec. p. 631).

( 3 ) Arrêt du 3 décembre 1974 (33/74, Rec. p. 1299).

( 4 ) Ainsi, au premier considérant de la directive 75/362/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres de médecin et comportant des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif du droit d’établissement et de libre prestation de services (JO L 167, p. 1), il est indiqué que, en application du traité, tout traitement discriminatoire fondé sur la nationalité en matière d’établissement et de prestation de services est interdit
depuis la fin de la période de transition.

( 5 ) Voir, en ce qui concerne l’activité de médecin, les directives 75/362 et 75/363/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du médecin (JO L 167, p. 14). Les directives adoptées en ces matières ont été abrogées et remplacées par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L 255, p. 22).

( 6 ) Directive du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23), telle que modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 202, p. 60, ci-après la «directive 89/552»).

( 7 ) GURI no 50, du 29 février 1992, p. 4.

( 8 ) GURI no 50, du 2 mars 1999, p. 4.

( 9 ) GURI no 247, du 20 octobre 1999, p. 3.

( 10 ) Supplément ordinaire à la GURI no 82, du 5 mai 2004.

( 11 ) Supplément ordinaire à la GURI no 183, du 11 août 2006.

( 12 ) Ci-après «Dermoestética».

( 13 ) Ci-après «Advertising Media».

( 14 ) GURI no 153, du 4 juillet 2006, p. 4, ci-après le «décret-loi no 223/2006».

( 15 ) Voir, notamment, arrêt du 21 janvier 2003, Bacardi-Martini et Cellier des Dauphins (C-318/00, Rec. p. I-905, point 41 et jurisprudence citée).

( 16 ) Ibidem (point 42 et jurisprudence citée).

( 17 ) Voir, notamment, arrêt du 17 juin 1999, Piaggio (C-295/97, Rec. p. I-3735, point 29 et jurisprudence citée).

( 18 ) Arrêt du 13 novembre 2003, Neri (C-153/02, Rec. p. I-13555, point 35).

( 19 ) Arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629, point 21).

( 20 ) Arrêt du 9 février 1995, Leclerc-Siplec (C-412/93, Rec. p. I-179, points 37 à 44).

( 21 ) Arrêt du 11 juillet 2002, Gräbner (C-294/00, Rec. p. I-6515, point 26 et jurisprudence citée).

( 22 ) Voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2002, Payroll e.a. (C-79/01, Rec. p. I-8923 point 25).

( 23 ) Arrêt du 31 janvier 1984, Luisi et Carbone (286/82 et 26/83, Rec. p. 377, point 10).

( 24 ) Arrêt du 8 mars 2001 (C-405/98, Rec. p. I-1795).

( 25 ) Arrêt du 5 octobre 2004, CaixaBank France (C-442/02, Rec. p. I-8961 point 11 et jurisprudence citée).

( 26 ) Ibidem (point 12).

( 27 ) Idem.

( 28 ) Arrêt du 5 décembre 2006, Cipolla e.a. (C-94/04 et C-202/04, Rec. p. I-11421 points 58 et 59).

( 29 ) Arrêts précités CaixaBank France (point 13) et Cipolla e.a. (point 59). Ainsi, dans l’arrêt CaixaBank France, précité, la Cour a relevé que, lorsque des établissements de crédit, filiales d’une société étrangère, cherchent à entrer sur le marché d’un État membre, livrer concurrence au moyen du taux de rémunération des comptes de dépôts à vue constitue une des méthodes les plus efficaces à cette fin, de sorte que l’accès au marché par ces établissements est rendu plus difficile par
l’interdiction litigieuse (point 14). De même, dans l’arrêt Cipolla e.a., précité, elle a constaté que l’interdiction absolue de déroger au tarif minimal prive les avocats établis dans un État membre autre que la République italienne de la possibilité de livrer, par une demande d’honoraires inférieurs à ceux fixés par ce tarif, une concurrence plus efficace aux avocats installés de façon stable dans l’État membre concerné et disposant, de ce fait, de plus grandes facilités que les avocats établis à
l’étranger pour s’attacher une clientèle (point 59).

( 30 ) Arrêt du 24 novembre 1993 (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097).

( 31 ) Arrêt Leclerc-Siplec, précité (points 21 à 23).

( 32 ) Arrêt du 9 juillet 1997 (C-34/95 à C-36/95, Rec. p. I-3843 point 42).

( 33 ) Arrêt Gourmet International Products, précité (point 25).

( 34 ) Ibidem (point 21).

( 35 ) Arrêt du 15 juillet 2004 (C-239/02, Rec. p. I-7007 point 53).

( 36 ) COM(2004) 83 final/2.

( 37 ) Point 43.

( 38 ) Points 21 et 22.

( 39 ) Directive 84/450/CEE du Conseil, du 10 septembre 1984, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse (JO L 250, p. 17). Cet acte a été modifié par la directive 97/55/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 octobre 1997 (JO L 290, p. 18), afin d’y inclure la publicité comparative, et par la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450 et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22). La directive 84/450, telle que modifiée, a été abrogée et remplacée par la directive 2006/114/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre
2006, en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative (JO L 376, p. 21).

( 40 ) Voir, en ce sens, arrêts Gourmet International Products, précité (point 39), et du 13 juillet 2004, Commission/France (C-262/02, Rec. p. I-6569 point 26).

( 41 ) Arrêt du 10 novembre 1994, Ortscheit (C-320/93, Rec. p. I-5243 point 16).

( 42 ) Idem.

( 43 ) Voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 1991, Aragonesa de Publicidad Exterior et Publivía (C-1/90 et C-176/90, Rec. p. I-4151 point 16).

( 44 ) Arrêt Payroll e.a., précité (point 37).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-500/06
Date de la décision : 31/01/2008
Type de recours : Recours préjudiciel, Recours préjudiciel - irrecevable

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Giudice di pace di Genova - Italie.

Articles 3, paragraphe 1, sous g), CE, 4 CE, 10 CE, 43 CE, 49 CE, 81 CE, 86 CE et 98 CE - Législation nationale interdisant la publicité concernant les traitements médico-chirurgicaux dans le domaine des soins esthétiques.

Libre prestation des services

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : Corporación Dermoestética SA
Défendeurs : To Me Group Advertising Media.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bot
Rapporteur ?: Makarczyk

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2008:62

Source

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