Affaire C-240/06
Procédure engagée par
Fortum Project Finance SA
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Korkein hallinto-oikeus)
«Article 56, paragraphe 1, CE — Directive 69/335/CEE — Article 12, paragraphe 1, sous a) et c) — Dérogation à l'interdiction de double imposition des apports — Apport, sous forme d'actions, à une société établie dans un autre État membre — Échange d'actions — Taxe sur les cessions de biens»
Sommaire de l'arrêt
Dispositions fiscales — Harmonisation des législations — Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux — Droit d'apport perçu sur les sociétés de capitaux
(Directive du Conseil 69/335, art. 12, § 1, a) et c))
La directive 69/335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, doit être interprétée en ce sens que son article 12, paragraphe 1, sous c), ne s'applique pas au prélèvement d'une taxe, telle que la taxe finlandaise sur les cessions de biens, lorsque des valeurs mobilières sont cédées à titre d'apport à une société de capitaux qui remet ses propres actions nouvelles en contrepartie de cette cession. La perception d'une telle taxe est autorisée en vertu de l'article 12,
paragraphe 1, sous a), de ladite directive.
Tandis que les points a) et b) de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335 portent sur des catégories spécifiques de biens, à savoir, d'une part, les valeurs mobilières et, d'autre part, les biens immeubles et les fonds de commerce, le point c) de ce même article 12, paragraphe 1, s'applique à une généralité de biens, à savoir les «biens de toute nature», et soumet, en outre, la perception des droits de mutation à la condition que le transfert de ces biens soit «rémunéré autrement que par
des parts sociales». Dans ces conditions, selon le principe de l'effet utile, la notion de «biens de toute nature» qui figure à l'article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 ne peut s'étendre qu'aux biens d'une nature autre que celle des biens mentionnés à cet article 12, paragraphe 1, sous a) et b), soit, respectivement, les «valeurs mobilières» et les «biens immeubles ou fonds de commerce». En effet, le fait d'interpréter l'article 12, paragraphe 1, sous c), de la direction 69/335
comme se référant aux «biens de toute nature», y compris ceux visés aux points a) et b) du même article 12, paragraphe 1, aurait pour conséquence d'absorber totalement le contenu desdits points, de sorte que l'existence de ceux-ci n'aurait aucun sens ni aucune utilité.
(cf. points 37-39, 43 et disp.)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
25 octobre 2007 (*)
«Article 56, paragraphe 1, CE – Directive 69/335/CEE – Article 12, paragraphe 1, sous a) et c) – Dérogation à l’interdiction de double imposition des apports – Apport, sous forme d’actions, à une société établie dans un autre État membre – Échange d’actions – Taxe sur les cessions de biens»
Dans l’affaire C‑240/06,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le Korkein hallinto-oikeus (Finlande), par décision du 26 mai 2006, parvenue à la Cour le 29 mai 2006, dans la procédure engagée par
Fortum Project Finance SA,
LA COUR (première chambre),
composée de M. P. Jann, président de chambre, MM. A. Tizzano, A. Borg Barthet, M. Ilešič (rapporteur) et E. Levits, juges,
avocat général: M. Y. Bot,
greffier: M^me C. Strömholm, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 avril 2007,
considérant les observations présentées:
– pour Fortum Project Finance SA, par MM. M. Tunturi et T. Kanervo, asiamiehet,
– pour le gouvernement finlandais, par M^me E. Bygglin et M. J. Heliskoski, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M^me V. Jackson, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,
– pour la Commission des Communautés européennes, par MM. R. Lyal et P. Aalto, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 juillet 2007,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 56, paragraphe 1, CE et 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (JO L 249, p. 25), telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985 (JO L 156, p. 23, ci-après la «directive 69/335»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Fortum Project Finance SA (ci-après «Fortum Project Finance»), société de droit luxembourgeois, à l’Uudenmaan verovirasto (centre des impôts d’Uusimaa, Finlande) concernant l’assujettissement à la taxe finlandaise sur les cessions de biens (varainsiirtovero, ci-après la «taxe sur les cessions de biens») de la totalité de la participation que Fortum Oyj (ci-après «Fortum»), société de droit finlandais, détient dans le capital
de Fortum Heat and Gas Oy (ci-après «Fortum Heat and Gas»), autre société de droit finlandais, et qu’elle céderait en tant qu’apport à Fortum Project Finance qui émettrait des actions nouvelles en contrepartie de cette cession.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L’article 56, paragraphe 1, CE stipule:
«1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres […] sont interdites.»
4 Ainsi qu’il ressort de ses premier et deuxième considérants, la directive 69/335 tend à promouvoir la libre circulation des capitaux, liberté fondamentale considérée comme essentielle à la création d’un marché intérieur. À ce titre, elle vise à éliminer les obstacles fiscaux dans le domaine des rassemblements de capitaux dont, notamment, les apports en société, à savoir les apports effectués par les associés ou les actionnaires à leurs sociétés de capitaux.
5 À cet effet, les articles 1^er à 9 de la directive 69/335 prévoient la perception d’un droit harmonisé sur les apports en société (ci-après le «droit d’apport»).
6 L’article 4, paragraphe 1, de cette directive fixe la liste des opérations soumises au droit d’apport, parmi lesquelles figure, au point c), «l’augmentation du capital social d’une société de capitaux au moyen de l’apport de biens de toute nature».
7 Selon l’article 7 de ladite directive, une telle opération d’apport de biens peut être soumise à un taux unique ne dépassant pas 1 %.
8 L’article 10 de la directive 69/335 dispose que, en dehors du droit d’apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit, notamment pour les opérations visées à l’article 4 de cette directive.
9 Aux termes de l’article 11 de la directive 69/335:
«Les États membres ne soumettent à aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:
a) la création, l’émission, l’admission en bourse, la mise en circulation ou la négociation d’actions, de parts ou autres titres de même nature, ainsi que de certificats représentatifs de ces titres, quel qu’en soit l’émetteur;
b) les emprunts, y compris les rentes, contractés sous forme d’émission d’obligations ou autres titres négociables, quel qu’en soit l’émetteur, et toutes les formalités y afférentes, ainsi que la création, l’émission, l’admission en bourse, la mise en circulation ou la négociation de ces obligations ou autres titres négociables.»
10 Toutefois, l’article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335 précise que, par dérogation aux dispositions des articles 10 et 11 de celle-ci, les États membres peuvent notamment percevoir:
«a) des taxes sur la transmission des valeurs mobilières, perçues forfaitairement ou non;
b) des droits de mutation, y compris les taxes de publicité foncière, sur l’apport à une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs, de biens immeubles ou de fonds de commerce situés sur leur territoire;
c) des droits de mutation sur les biens de toute nature qui font l’objet d’un apport à une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs, dans la mesure où le transfert de ces biens est rémunéré autrement que par des parts sociales;
[…]»
La réglementation nationale
11 En vertu de l’article 15 de la loi relative à la taxe sur les cessions de biens [varainsiirtoverolaki (931/1996)], une taxe est due à l’État par le cessionnaire lors de la cession du droit de propriété sur des valeurs mobilières.
12 Conformément à l’article 20, paragraphe 1, de ladite loi, la taxe est, pour les cessions de valeurs mobilières, égale à 1,6 % du prix d’achat ou, sinon, de la valeur de la contrepartie.
13 Selon l’article 9, paragraphe 1, point 1, de la loi relative à l’impôt sur le revenu [tuloverolaki (1535/1992)], du 30 décembre 1992, le redevable est la personne physique ou morale, la communauté d’intérêts ou la succession domiciliée ou ouverte en Finlande pendant l’exercice fiscal, pour tous les revenus reçus, en Finlande et à l’étranger.
14 L’État finlandais ne perçoit pas de droit d’apport au sens de la directive 69/335.
Le litige au principal et la question préjudicielle
15 Fortum céderait la totalité de la participation qu’elle détient dans le capital de Fortum Heat and Gas à Fortum Project Finance. Celle-ci, après avoir augmenté son capital social d’un montant égal à la valeur des actions reçues, émettrait des actions nouvelles en faveur de Fortum.
16 À la suite de cette opération, Fortum Project Finance devrait acquitter au Luxembourg, sur le capital acquis par voie d’échange d’actions, un droit d’apport de 1 %.
17 N’étant pas certaine d’être, pour cette acquisition, également assujettie à la taxe sur les cessions de biens, Fortum Project Finance a saisi de cette question l’Uudenmaan verovirasto qui a pris une décision préalable (ci‑après la «décision préalable»), dans laquelle il a confirmé que cette société devrait acquitter ladite taxe s’élevant à 1,6 % de la valeur des actions de Fortum Heat and Gas qu’elle recevrait à titre d’apport.
18 Fortum Project Finance a demandé l’annulation de ladite décision devant le Helsingin hallinto-oikeus (tribunal administratif de Helsinki). Elle a fait valoir, notamment, que l’assujettissement à la taxe sur les cessions de biens aurait pour effet de soumettre l’acquisition de capitaux à une double imposition, ce qui serait contraire à l’article 56, paragraphe 1, CE ainsi qu’à la directive 69/335.
19 À la demande du Helsingin hallinto-oikeus, le ministère des Finances finlandais a émis un avis dans lequel il a considéré, d’une part, que la directive 69/335 n’empêche pas les États membres de prélever une taxe lors de la cession du droit de propriété sur des valeurs mobilières et, d’autre part, qu’un échange d’actions implique une cession, laquelle est frappée par une telle taxe. Il a ajouté que le champ d’application de l’article 12, paragraphe 1, sous c), de cette directive est, selon
les arrêts du 11 décembre 1997, Immobiliare SIF (C-42/96, Rec. p. I-7089), et du 17 décembre 1998, Codan (C-236/97, Rec. p. I‑8679), strictement délimité.
20 Fortum Project Finance a soutenu dans un mémoire en réplique que l’arrêt Codan, précité, n’a porté ni sur le champ d’application de l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 ni sur la question des apports. En ce qui concerne l’arrêt Immobiliare SIF, précité, elle a fait valoir que le fait que la taxe est exprimée en pourcentage ne constitue pas en soi une preuve absolue de sa nature fiscale.
21 Le Helsingin hallinto-oikeus a rejeté le recours de Fortum Project Finance et a jugé que la taxe sur les cessions de biens, qui s’appliquera non pas à la souscription d’actions par Fortum dans le cadre de l’émission qui serait réalisée par Fortum Project Finance et à l’augmentation de capital social, mais à la cession d’actions de Fortum Heat and Gas, ne peut, par conséquent, être regardée comme contraire à l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335.
22 Cette juridiction a considéré que, dès lors que l’imposition des cessions de biens s’appliquera à la cession d’actions et non au transfert de capitaux d’un État membre à un autre, ladite taxe ne doit pas être considérée comme contraire à l’article 56, paragraphe 1, CE et qu’il n’y avait pas de raison de modifier la décision préalable.
23 Dans son pourvoi, Fortum Project Finance a demandé à la juridiction de renvoi d’annuler l’arrêt du Helsingin hallinto-oikeus et de juger que la taxe sur les cessions de biens ne s’applique pas aux actions qu’elle recevrait en paiement d’un prix de souscription.
24 La juridiction de renvoi considère que la décision qu’elle va rendre dans l’affaire au principal exige une interprétation des articles 56, paragraphe 1, CE et 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335.
25 Dans ces conditions, le Korkein hallinto‑oikeus (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Convient-il d’interpréter l’article 56 CE et l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335/CEE [...] en ce sens qu’ils s’opposent au prélèvement de la taxe sur les cessions de biens […] lorsque des valeurs mobilières sont cédées de la manière décrite dans la demande préjudicielle en tant qu’apport à une société par actions qui remet ses propres actions nouvelles en contrepartie?»
Sur la question préjudicielle
26 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 56, paragraphe 1, CE et 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 s’opposent à la perception d’une taxe, telle que la taxe sur les cessions de biens, lorsque des valeurs mobilières sont cédées en tant qu’apport à une société par actions qui remet ses propres actions nouvelles en contrepartie de cette cession.
27 Il convient, tout d’abord, de relever qu’il n’y a pas lieu d’interpréter, en l’occurrence, l’article 56, paragraphe 1, CE, puisque la loi relative à la taxe sur les cessions de biens prévoit des règles de taxation identiques pour les cessions de valeurs mobilières intervenues dans le cadre national et pour les cessions transfrontalières, de sorte que cette disposition n’a pas, ainsi que l’on peut le déduire du dossier soumis à la Cour, d’effets discriminatoires directs ou indirects.
28 En ce qui concerne ensuite l’application de la directive 69/335 dans la présente affaire, le gouvernement du Royaume-Uni soutient, à titre liminaire, qu’une opération telle que celle en cause au principal n’entre pas dans le champ d’application de cette directive, dans la mesure où celle-ci ne vise que les opérations de rassemblement de capitaux renforçant le potentiel économique des participants. Or, dans le cas d’espèce, l’échange d’actions ne donnerait pas lieu à un tel renforcement du
groupe Fortum considéré dans son ensemble.
29 Cette argumentation ne saurait cependant être accueillie. En effet, l’opération en cause, consistant en une augmentation de capital à la suite d’un apport d’actions, relève clairement de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335, lequel soumet au droit d’apport l’augmentation du capital social d’une société au moyen de l’apport de biens de toute nature sans faire nullement référence aux effets économiques d’une telle opération pour ses participants.
30 Ainsi, dans son arrêt du 30 mars 2006, Aro Tubi Trafilerie (C‑46/04, Rec. p. I-3009), la Cour a eu l’occasion de définir l’«augmentation du capital social» au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 comme une augmentation formelle du capital social au moyen soit d’une émission de nouvelles parts sociales, soit d’une augmentation de la valeur nominale des parts sociales existantes (point 33 et jurisprudence citée).
31 La directive 69/335 étant applicable à une opération telle que celle en cause au principal, cette opération serait soumise au Luxembourg au paiement d’un droit d’apport. Il convient donc de vérifier si les autorités fiscales finlandaises peuvent également percevoir la taxe sur les cessions de biens ou si, en revanche, la perception de celle‑ci serait, ainsi que le soutiennent Fortum Project Finance et la Commission des Communautés européennes, prohibée en vertu de l’article 12, paragraphe 1,
sous c), de cette directive.
32 À cet égard, les gouvernements finlandais et du Royaume-Uni soutiennent que la taxation en cause au principal serait admise en vertu du point a) dudit article 12, paragraphe 1, qui s’appliquerait à des droits perçus sur la transmission de valeurs mobilières telles que des actions. Selon ces gouvernements, l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 devrait être compris comme s’appliquant à des droits frappant la mutation de biens autres que ceux couverts par l’article 12,
paragraphe 1, sous a) ou b), de ladite directive, à savoir des biens qui ne sont ni des valeurs mobilières ni des biens immeubles ou des fonds de commerce. Au soutien de cette argumentation, lesdits gouvernements invoquent les arrêts précités Immobiliare SIF et Codan, dans lesquels la Cour n’a pas, dans des circonstances similaires à celles du litige au principal, procédé à l’interprétation de l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335, mais a interprété respectivement les points a)
et b) de cette disposition.
33 La Commission, soutenue sur ce point par Fortum Project Finance, fait valoir en revanche que l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335 constitue la règle de base en matière d’imposition grevant la transmission de valeurs mobilières, tandis que l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la même directive fixe une règle plus détaillée en matière d’imposition des transmissions de valeurs mobilières et d’autres actifs effectuées à une société à titre d’apport. Les arrêts
Immobiliare SIF et Codan, précités, ne seraient pas de nature à remettre en cause cette analyse, dans la mesure où la Cour n’a pas, dans ces arrêts, interprété le point c) de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335.
34 L’argumentation de la Commission et de Fortum Project Finance ne saurait toutefois être retenue.
35 Ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 51 de ses conclusions, la question essentielle, dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, est de déterminer si l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335 autorise les États membres à taxer les transmissions de valeurs mobilières, y compris dans le cas où la société destinataire de ces valeurs remet ses propres actions en contrepartie, sans que l’article 12, paragraphe 1, sous c), de cette directive s’y oppose. En d’autres
termes, il s’agit de déterminer si le point a) de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335 doit être considéré comme constituant une disposition spéciale par rapport au point c) du même article 12, paragraphe 1, de sorte que la première disposition prime la seconde dans les situations qu’elle vise spécifiquement à régler.
36 À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une disposition du droit communautaire est susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (arrêt du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, Rec. p. I‑1129, point 21 et jurisprudence citée).
37 Or, il y a lieu de constater que, tandis que les points a) et b) de l’article 12, paragraphe 1, de la directive 69/335 portent sur des catégories spécifiques de biens, à savoir, d’une part, les valeurs mobilières et, d’autre part, les biens immeubles et les fonds de commerce, le point c) de ce même article 12, paragraphe 1, s’applique à une généralité de biens, à savoir les «biens de toute nature», et soumet, en outre, la perception des droits de mutation à la condition que le transfert de
ces biens soit «rémunéré autrement que par des parts sociales».
38 Dans ces conditions, selon le principe de l’effet utile rappelé au point 36 du présent arrêt, la notion de «biens de toute nature» qui figure à l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 ne peut s’étendre qu’aux biens d’une nature autre que celle des biens mentionnés à cet article 12, paragraphe 1, sous a) et b), soit, respectivement, les «valeurs mobilières» et les «biens immeubles ou fonds de commerce».
39 En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 63 de ses conclusions, le fait d’interpréter l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 comme se référant aux «biens de toute nature», y compris ceux visés aux points a) et b) du même article 12, paragraphe 1, aurait pour conséquence d’absorber totalement le contenu desdits points, de sorte que l’existence de ceux-ci n’aurait aucun sens ni aucune utilité.
40 Dès lors, force est de constater que, dans une situation telle que celle en cause au principal où il est question, d’une part, de la transmission de valeurs mobilières et, d’autre part, de la rémunération de celles-ci par des parts sociales, l’article 12, paragraphe 1, sous c), de la directive 69/335 ne s’oppose pas à la perception d’une taxe telle que la taxe sur les cessions de biens.
41 En revanche, l’opération en cause au principal entre dans le champ d’application de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335, de sorte que la perception de la taxe sur les cessions de biens relève, en l’espèce, de cette disposition.
42 Par ailleurs, pour les raisons exposées par M. l’avocat général aux points 67 à 70 de ses conclusions, une telle interprétation est en accord avec l’arrêt Codan, précité, dans lequel la Cour a jugé que, dans des circonstances identiques à celles du litige au principal, l’article 12, paragraphe 1, sous a), de la directive 69/335 permet de percevoir en cas de transmission d’actions une taxe en sus du droit d’apport applicable à la suite de l’augmentation du capital social.
43 Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que la directive 69/335 doit être interprétée en ce sens que son article 12, paragraphe 1, sous c), ne s’applique pas au prélèvement d’une taxe, telle que la taxe sur les cessions de biens, lorsque des valeurs mobilières sont cédées à titre d’apport à une société de capitaux qui remet ses propres actions nouvelles en contrepartie de cette cession. La perception d’une telle taxe est autorisée en vertu de l’article 12,
paragraphe 1, sous a), de ladite directive.
Sur les dépens
44 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
La directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, telle que modifiée par la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985, doit être interprétée en ce sens que son article 12, paragraphe 1, sous c), ne s’applique pas au prélèvement d’une taxe, telle que la taxe finlandaise sur les cessions de biens (varainsiirtovero), lorsque des valeurs mobilières sont cédées à titre d’apport à une société de capitaux qui remet ses
propres actions nouvelles en contrepartie de cette cession. La perception d’une telle taxe est autorisée en vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous a), de ladite directive.
Signatures
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* Langue de procédure: le finnois.