CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PAOLO Mengozzi
présentées le 29 mars 2007 (1)
Affaire C‑429/05
Max Rampion
et
Marie-Jeanne Godard, épouse Rampion
contre
Franfinance SA
et
K par K SAS
[demande de décision préjudicielle formée par le tribunal d’instance de Saintes (France)]
«Directive 87/102/CEE – Crédit à la consommation – Interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente des biens ou services financés – Conditions – Mention des biens ou services financés dans le contrat de crédit – Applicabilité d’office par le juge national des dispositions internes sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente adoptées en transposition de la directive»
I – Introduction
1. Par jugement du 16 novembre 2005, le tribunal d’instance de Saintes (France) a soumis à la Cour, en vertu de l’article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l’interprétation de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (2).
2. En substance, la Cour est appelée, d’une part, à préciser si les articles 11 et 14 de la directive 87/102 permettent que des dispositions nationales qui, en transposant cette directive, établissent des règles d’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services dont l’achat est financé par le biais de ce crédit subordonnent l’application de ces règles à la mention du bien ou du service financé dans le premier contrat et, de l’autre, à préciser les
finalités poursuivies par la directive 87/102 et s’il faut retenir que, en vertu du droit communautaire, le juge national peut appliquer d’office lesdites dispositions nationales, même lorsqu’une telle application d’office serait exclue par le droit national.
II – Cadre juridique de référence
A – La réglementation communautaire
3. En vertu de son article 1^er, paragraphes 1 et 2, sous c), la directive 87/102 «s’applique aux contrats de crédit», c’est-à-dire à tous ces contrats en vertu desquels «un prêteur consent ou s’engage à consentir à un consommateur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt ou de toute autre facilité de paiement similaire»; sont toutefois exclus les contrats de crédit énumérés à l’article 2 de la même directive.
4. L’article 4 de la directive 87/102 prescrit au paragraphe 1 l’établissement par écrit du contrat de crédit et prévoit, au paragraphe 2, sous a), que le document écrit doit contenir l’indication du taux annuel effectif global exprimé en pourcentage. Le paragraphe 3 de l’article précité précise que «[l]e contrat écrit comporte en outre les autres conditions essentielles du contrat» et indique que, «[à] titre d’exemple, l’annexe [I] de la […] directive comprend une liste de conditions jugées
essentielles dont les États membres peuvent exiger la mention dans le contrat écrit».
5. L’article 11 de la directive 87/102 dispose ce qui suit:
«1. Les États membres veillent à ce que l’existence d’un contrat de crédit n’affecte en rien les droits que le consommateur peut faire valoir à l’encontre du fournisseur des biens ou des services achetés au moyen d’un tel contrat lorsque les biens ou les services ne sont pas fournis ou que, pour d’autres raisons, ils ne sont pas conformes au contrat y relatif.
2. Le consommateur a le droit d’exercer un recours à l’encontre du prêteur lorsque,
a) en vue de l’achat de biens ou l’obtention des services, le consommateur conclut un contrat de crédit avec une personne autre que le fournisseur des biens ou le prestataire des services
et
b) il existe entre le prêteur et le fournisseur des biens ou le prestataire des services un accord préalable aux termes duquel un crédit est octroyé exclusivement par ce prêteur aux clients de ce fournisseur ou prestataire pour l’acquisition de biens ou l’obtention de services fournis par ledit fournisseur ou prestataire
et
c) le consommateur visé au point a) obtient son crédit en vertu de cet accord préalable
et
d) les biens ou les services faisant l’objet du contrat de crédit ne sont pas livrés ou fournis ou ne le sont qu’en partie ou ne sont pas conformes au contrat y relatif
et
e) le consommateur a exercé un recours contre le fournisseur ou prestataire sans obtenir satisfaction comme il y avait droit.
Les États membres déterminent dans quelle mesure et à quelles conditions ce recours peut être exercé.
[…]»
6. Enfin, l’article 14 de la directive 87/102 prévoit ce qui suit:
«1. Les États membres veillent à ce que les contrats de crédit ne dérogent pas, au détriment du consommateur, aux dispositions de droit national qui mettent en application la présente directive ou qui lui correspondent.
2. Les États membres veillent en outre à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en application de la présente directive ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats, notamment par une répartition du montant du crédit sur plusieurs contrats.»
B – La réglementation nationale
7. En droit français, le régime du crédit à la consommation figurait initialement dans la loi n° 78‑22, du 10 janvier 1978 (3). Ce régime, antérieur à la directive 87/102 et par la suite complété par la loi n° 89‑421, du 23 juin 1989 (4), a été codifié, en dernier lieu, dans le livre III, titre I, chapitre I, du code de la consommation (ci-après le «code») figurant dans la loi n° 93‑949, du 26 juillet 1993 (5) et dans le décret n° 97‑298, du 27 mars 1997 (6).
8. En vertu de l’article L. 311-2 du code, les dispositions dudit chapitre I «s’appliquent à toute opération de crédit, ainsi qu’à son cautionnement éventuel, consentie à titre habituel par des personnes physiques ou morales, que ce soit à titre onéreux ou gratuit» (7).
9. En vertu de l’article L. 311-8 du code, les opérations de crédit visées à l’article L. 311-2 doivent se conclure dans les termes d’une offre préalable remise à l’emprunteur, laquelle, en vertu de l’article L. 311-10, doit préciser, parmi les autres éléments du crédit, «s’il y a lieu, son taux effectif global» (point 2), rappeler, parmi les autres dispositions du code, «s’il y a lieu, les articles L. 311-20 à L. 311-31 et L. 313-13» (point 3) et, enfin, indiquer, «le cas échéant, le bien ou
la prestation de services financé» (point 4).
10. Conformément à l’article L. 311-13 du code, «[l’]offre préalable est établie en application des conditions prévues aux articles précédents selon l’un des modèles types fixés par le comité de réglementation bancaire, après consultation du Conseil national de la consommation». L’article R. 311-6 du code prévoit à son tour que «[l’]offre préalable de prêt prévue à l’article L. 311-8 comporte les indications figurant dans celui des modèles types annexés au présent code qui correspond à
l’opération de crédit proposée».
11. Les articles L. 311-20 à L. 311-28 du code établissent ensuite un régime spécifique relatif aux «crédits affectés», caractérisés par une certaine interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente, laquelle se manifeste tantôt lors de la phase de conclusion, tantôt lors de la phase d’exécution de ceux-ci.
12. En particulier, l’article L. 311-20 du code prévoit notamment que, «[l]orsque l’offre préalable mentionne le bien ou la prestation de services financé, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation».
13. En outre, l’article L. 311-21, premier alinéa, du code énonce:
«En cas de contestation sur l’exécution du contrat principal, le tribunal pourra, jusqu’à la solution du litige, suspendre l’exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé».
14. Enfin, l’article L. 311-33 du code, applicable à toutes les opérations de crédit prévues à l’article L. 311-2, sanctionne le défaut de respect par le prêteur des formalités prévues aux articles L. 311-8 à L. 311-13 par sa déchéance du droit aux intérêts, qui a pour conséquence la limitation de l’obligation de remboursement pesant sur l’emprunteur au seul capital, à restituer suivant l’échéancier prévu.
III – Faits, questions préjudicielles et déroulement de la procédure
15. Le litige au principal oppose M. Max Rampion et M^me Marie‑Jeanne Godard, épouse Rampion (ci-après les «époux Rampion»), d’une part, et les sociétés Franfinance SA (ci-après «Francfinance») et K par K SAS (ci-après «KpK»), de l’autre.
16. Selon acte sous seing privé signé le 5 septembre 2003, à la suite d’un démarchage à domicile par un représentant de KpK, les époux Rampion ont acheté auprès de cette dernière, pour le prix total de 6 150 euros, des fenêtres, dont la livraison et l’installation, selon les termes du contrat de vente, devaient s’effectuer dans un délai de six à huit semaines à compter de la prise de cotes par le technicien qui en serait chargé. Dans le contrat de vente on a mentionné, en outre, la possibilité
d’obtenir auprès de Franfinance un crédit pour le financement total de l’achat.
17. Le même jour, les époux Rampion ont conclu avec Franfinance un contrat d’ouverture de crédit avec un découvert maximal autorisé fixé à 6 150 euros, contrat duquel, toutefois, si l’on pouvait déduire l’identité du fournisseur KpK, ne ressortait pas le type de bien ou de service dont l’achat était financé.
18. Le 27 novembre 2003, jour fixé pour la livraison et l’installation des fenêtres, les époux Rampion ont constaté que les appuis et dormants sur lesquels KpK s’apprêtait à exécuter l’installation des fenêtres étaient infestés de parasites. Par conséquent, le 5 janvier 2004, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ils ont déclaré à KpK vouloir résoudre le contrat de vente.
19. N’ayant pas reçu de réponse satisfaisante à la demande de résolution du contrat de vente, par actes du 29 octobre et du 2 novembre 2004, les époux Rampion ont fait assigner KpK et Franfinance devant le tribunal d’instance de Saintes (ci-après le «tribunal d’instance»), en demandant que soit déclarée la nullité dudit contrat, avec résolution subséquente du contrat de crédit, ou, à titre subsidiaire, que le premier contrat soit résolu pour inexécution du fournisseur.
20. Quant à la demande en nullité du contrat de vente, les époux Rampion, ayant dénoncé le caractère purement potestatif de la clause relative au délai de livraison, ont soutenu que ce contrat était nul en raison du défaut d’indication précise du délai de livraison, telle qu’exigée par l’article L. 114-1 du code.
21. Quant à la demande de résolution pour inexécution du contrat de vente, les époux Rampion ont allégué que KpK, ayant omis d’effectuer une vérification préalable de la solidité du support et de prévoir son remplacement, avait manqué à l’«obligation de conseil» lui incombant.
22. S’étant constituées à l’instance, tant KpK que Franfinance ont demandé le rejet des prétentions des demandeurs, en alléguant, en résumé, que:
– la mention «de six à huit semaines à compter de la prise de cotes» satisfaisait aux exigences posées par l’article L. 114-1 du code;
– le crédit n’était pas contractuellement lié au contrat de vente des fenêtres, étant donné que, même en laissant de côté le fait que le contrat de crédit conclu en l’espèce constituait une ouverture de crédit, l’application des dispositions du code relatives à l’interdépendance entre le contrat de vente et le contrat de crédit était subordonnée, en application de l’article L. 311‑20 du code, à la mention du bien vendu dans l’offre préalable de crédit, mention qui, toutefois, faisait défaut
en l’espèce.
23. Par jugement avant dire droit du 1^er juin 2005, le tribunal d’instance a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties sur les moyens soulevés d’office dans cette décision et tirés des dispositions des articles L. 311-8 et suivants du code, relatifs au crédit à la consommation, et des articles L. 121-21 et suivants du même code, relatifs au démarchage à domicile.
24. Après avoir recueilli les observations des parties, le tribunal d’instance, par jugement du 16 novembre 2005 (ci-après le «jugement de renvoi»), a estimé nécessaire, aux fins de la solution du litige, de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle.
25. En premier lieu, le tribunal d’instance a relevé que:
– en droit interne, les dispositions de l’article 11 de la directive 87/102 sont transposées par le biais des articles L. 311-20 et L. 311-21 du code;
– selon une partie de la doctrine, quand le prêteur sait que le prêt est destiné à financer l’achat de biens ou de services, il doit présenter à l’emprunteur une offre de crédit portant affectation du crédit à cet achat;
– la Cour de cassation fait une lecture littérale de l’article L. 311‑20 du code, en subordonnant l’application des règles d’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services à la mention sur l’offre de crédit du bien ou du service financé;
– dans le cas d’espèce, même si le contrat de crédit ne mentionne pas l’affectation au contrat de vente, un lien entre les deux contrats apparaît, en pratique, exister, même s’il est nié par le fournisseur et par le prêteur, lesquels ne démontrent cependant pas que les époux Rampion aient eu l’intention d’utiliser le prêt pour d’autres financements;
– la conclusion d’une ouverture de crédit non affectée au lieu d’un prêt personnel affecté aurait pour effet de permettre au prêteur d’éluder les droits du consommateur définis par les articles L. 311-20 et suivants du code et d’échapper aux restrictions et aux coûts liés à l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente, ainsi que de percevoir des intérêts supérieurs à ceux qui peuvent être perçus en cas de prêt personnel affecté, étant donné que le seuil de l’usure n’est pas
le même.
26. En second lieu, le tribunal d’instance a relevé que:
– les dispositions des articles L. 311-20 et suivants du code relatives à l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services n’ont pas été invoquées par les demandeurs;
– la jurisprudence de la Cour de cassation ne permet pas au juge de relever d’office un moyen tiré du régime du crédit à la consommation; en effet, elle distingue entre les dispositions d’«ordre public de direction» – adoptées dans l’intérêt général et que le juge peut relever d’office – et celles d’«ordre public de protection» – adoptées dans l’intérêt d’une catégorie de personnes et dont peuvent se prévaloir seulement les personnes appartenant à cette catégorie –, et estime que le régime du
crédit à la consommation est du second type dans la mesure où il est établi dans le seul intérêt des consommateurs (8);
– il faut toutefois se demander si la jurisprudence de la Cour (9) qui reconnaît au juge le pouvoir de relever d’office des motifs tirés des dispositions découlant de la directive 93/13/CEE (10) peut, contrairement à ce qui est retenu par la Cour de cassation (11) et en conformité avec ce qui est suggéré par une partie de la doctrine, s’étendre aussi à d’autres réglementations de protection du consommateur, telles que celle sur le crédit à la consommation;
– à cette fin, il faut une analyse préalable des finalités de la directive 87/102, destinée à expliquer si, dans les intentions du législateur communautaire, le régime du crédit à la consommation aurait été prévu dans le seul intérêt des consommateurs ou s’il poursuit également des objectifs plus larges, relatifs à l’organisation du marché.
27. En conséquence, le tribunal d’instance a suspendu la procédure pendante devant lui pour soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Les articles 11 et 14 de la directive 87/102/CEE […] doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent au juge d’appliquer les règles d’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services financé grâce à ce crédit, lorsque le contrat de crédit ne fait pas mention du bien financé ou a été conclu sous la forme d’une ouverture de crédit sans mention du bien financé?
2) La directive 87/102/CEE […] a‑t‑elle une finalité plus large que la seule protection des consommateurs s’étendant à l’organisation du marché et permettant au juge d’appliquer d’office les dispositions qui en découlent?»
28. Conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice, Franfinance, les gouvernements français, allemand, espagnol, italien, autrichien, ainsi que la Commission des Communautés européennes, ont présenté des observations écrites.
29. À l’audience qui s’est tenue le 8 février 2007, les représentants de Franfinance, du gouvernement français et de la Commission ont exposé des observations orales.
IV – Analyse juridique
A – Sur la première question préjudicielle
1. Considérations préliminaires
30. Nous observons tout d’abord que la première question déférée à la Cour, telle que formulée par le juge de renvoi, ne précise pas quelles sont les règles sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services que ce juge appliquerait éventuellement même en l’absence du bien financé dans le contrat de crédit, s’il s’agit de celles figurant dans la directive elle‑même ou dans des dispositions nationales de mise en œuvre.
31. À cet égard, il est important de souligner que, en vertu de la jurisprudence de la Cour, il ne saurait s’agir en l’espèce – qui concerne un litige entre particuliers – des dispositions de la directive elle-même. En effet, une directive ne peut pas, par elle-même, créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre, de sorte que même une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive visant à conférer des droits ou
à imposer des obligations aux particuliers ne saurait trouver application en tant que telle dans le cadre d’un litige qui oppose exclusivement des particuliers (12).
32. La première question doit donc s’entendre, et elle est recevable seulement si elle est entendue, comme destinée à obtenir une interprétation des articles 11 et 14 de la directive 87/102 non aux fins de leur application directe dans le cas d’espèce, mais afin de permettre au juge d’interpréter et d’appliquer les dispositions de droit interne sur l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente d’une manière conforme aux exigences posées par ces articles.
33. En effet, aux termes d’une jurisprudence constante, l’obligation des États membres, découlant d’une directive, d’atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’article 10 CE, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution de cette obligation s’imposent à toutes les autorités des États membres y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (13). Aussi, en appliquant le droit interne, la
juridiction nationale est-elle tenue de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 249, troisième alinéa, CE (14).
34. Les règles de droit interne sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente, évoquées dans le jugement de renvoi, sont celles figurant aux articles L. 311-20 et L. 311-21 du code. Or, le juge de renvoi lui-même indique que l’application de ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, présuppose que le bien ou le service financé soit mentionné dans le contrat de crédit.
35. Il est alors utile de rappeler que l’obligation mise à la charge du juge national d’interpréter la réglementation interne à la lumière du texte et de la finalité d’une directive est circonscrite à «la mesure du possible», c’est-à-dire qu’elle opère seulement dans les cas où le libellé de la réglementation en question laisse une marge à des interprétations différentes. La portée d’une telle obligation ne va donc pas jusqu’à exiger une interprétation contra legem de la réglementation
interne (15).
36. Cela étant, il incombera au juge de renvoi d’apprécier si lesdites dispositions du code peuvent s’interpréter également d’une façon différente de celle retenue par la Cour de cassation, et non pour autant contra legem, et être donc appliquées à un cas comme la présente espèce, où il est constant que la mention du bien financé dans le contrat de crédit fait défaut (16).
37. À cet égard, il est par ailleurs utile de rappeler également que, selon la Cour, si le principe d’interprétation conforme du droit national concerne au premier chef les dispositions internes introduites pour transposer la directive en cause, il ne se limite pas, toutefois, à l’exégèse de ces dispositions, mais requiert que la juridiction nationale prenne en considération l’ensemble du droit national pour apprécier dans quelle mesure celui-ci peut recevoir une application telle qu’il
n’aboutit pas à un résultat contraire à celui visé par la directive (17). À cet égard, si le droit national, par l’application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, permet, dans certaines circonstances, d’interpréter une disposition de l’ordre juridique interne de telle manière qu’un conflit avec une autre norme de droit interne soit évité ou de réduire à cette fin la portée de cette disposition en ne l’appliquant que pour autant qu’elle est compatible avec ladite norme, la
juridiction a l’obligation d’utiliser les mêmes méthodes en vue d’atteindre le résultat poursuivi par la directive (18).
38. En conséquence, étant précisé que les articles 11 et 14 de la directive 87/102 ne peuvent pas trouver application directe dans l’espèce et que la solution de l’affaire au principal doit être recherchée dans la réglementation nationale interprétée, autant que possible, d’une façon conforme au texte et à la finalité de la directive 87/102, la première question préjudicielle, recevable dans l’optique d’une interprétation conforme du droit national (19), pourrait être reformulée dans les termes
suivants:
Les articles 11 et 14 de la directive 87/102 exigent-ils que les dispositions nationales sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services adoptées pour transposer l’article 11 puissent trouver application également en l’absence de la mention dans le contrat de crédit du bien ou du service dont l’achat est financé?
2. Sur le fond
39. Les observations écrites déposées par les gouvernements intervenus et par la Commission vont toutes, en substance, dans le sens d’une réponse affirmative à une telle question. Ces parties soulignent que l’article 11, paragraphe 2, de la directive 87/102 subordonne le droit du consommateur d’agir contre le prêteur à une série de conditions parmi lesquelles ne figure pas la mention dans le contrat de crédit du bien ou du service financé et que l’article 14, paragraphe 2, de cette même
directive corrobore l’interprétation selon laquelle l’article 11, paragraphe 2, n’autorise pas les États membres à imposer une telle condition, laquelle permettrait d’éluder l’application des dispositions de protection du consommateur sur l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente.
40. Franfinance pose le problème d’une façon différente. À son avis, la première question pose en substance la question de l’applicabilité à un contrat d’ouverture de crédit tel que celui de l’espèce (20) des dispositions de l’article 11 de la directive 87/102 relatives à l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente. Il faudrait répondre par la négative à une telle question, dans la mesure où l’article 11 précité concernerait, à l’instar de l’article 7 de la même
directive (21), les seuls crédits affectés, c’est-à-dire ceux dans lesquels le consommateur procède à un seul achat en le finançant par le biais d’un crédit; il faudrait considérer cette hypothèse comme bien distincte de celle où, à l’occasion d’un achat, le consommateur obtient en réalité un crédit renouvelable qui lui permettra de faire d’autres achats auprès du fournisseur ou d’autres opérateurs qui lui sont affiliés (ouverture de crédit accessoire à une pluralité d’achats). L’utilisation, à
l’article 11, paragraphe 2, sous d), de l’expression «contrat y relatif» déclinée au singulier serait symptomatique du fait que, selon cet article, il ne pourrait y avoir de crédit affecté, soumis aux dispositions du même article, si ce n’est lorsque le crédit sert à financer un seul contrat de vente.
41. Le défaut de mention du bien ou du service financé dans un contrat d’ouverture de crédit tel que celui de l’espèce serait tout à fait cohérent avec la nature de ce contrat, laquelle correspondrait à un choix précis et à un besoin précis du consommateur, qui pourra réutiliser le crédit dans les limites des sommes qu’il aura remboursées. Il s’agirait donc, comme cela ressort d’ailleurs de l’article II des conditions figurant au dos de l’offre préalable de crédit, d’une ouverture de crédit en
compte courant.
42. Franfinance ajoute par ailleurs qu’en droit français la mention du bien ou du service financé dans le contrat de crédit est une condition pour pouvoir qualifier le crédit d’affecté et pour pouvoir lui appliquer les règles d’interdépendance figurant aux articles L. 311-20 et L. 311‑21. Il s’agirait d’une condition fixée par le législateur national dans l’exercice de la faculté qui lui est conférée par l’article 11, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 87/102 d’établir, en
particulier, «à quelles conditions» le droit du consommateur d’agir contre le créancier peut s’exercer; conditions qui pourraient être censurées par la Cour seulement si elles étaient de nature à vider de leur substance les dispositions de la directive, ce qui toutefois ne se produirait pas à propos de la condition en question.
43. Afin de fournir une réponse à la première question, nous estimons opportun de traiter, en premier lieu, de la question de la qualification du contrat de crédit souscrit par les époux Rampion et de la portée de l’article 14 de la directive 87/102, puis de la question du champ d’application de l’article 11 de la même directive et, enfin, de l’interprétation qu’il faut donner aux prescriptions de l’article 11 à propos de l’exigence évoquée de la mention du bien ou du service financé dans le
contrat de crédit.
a) La nature du contrat de crédit en cause et l’article 14 de la directive 87/102
44. Franfinance insiste sur le fait que le contrat qu’elle a conclu avec les époux Rampion n’est pas relatif à un crédit affecté, mais à une ouverture de crédit, qu’il correspond à un des modèles types de contrat visés aux articles L. 313-13 et R. 311-6 du code et qu’il n’est pas soumis aux règles d’interdépendance figurant aux articles L. 311-20 et L. 311-21 du code.
45. Le tribunal d’instance, dans le jugement de renvoi, souligne que KpK et Franfinance se prévalent de la forme du contrat de crédit et des dispositions de l’article L. 311-20 pour écarter tout lien entre le contrat de crédit et le contrat de vente conclus en l’espèce. Le juge de renvoi, en guise de preuve de l’existence d’un lien manifeste entre les deux contrats, souligne cependant que le contrat de crédit a été souscrit le même jour que le contrat de vente, pour un plafond égal au prix de
vente et une utilisation du montant du solde du crédit, une fois déduit le montant de l’acompte sur le prix de vente, seulement après le versement de cet acompte, que l’offre de crédit mentionne l’identité du fournisseur et que, dans le contrat de vente, on précise que Franfinance prélèvera, pour le reverser à KpK, l’acompte de 10 % du montant de l’achat du compte bancaire des époux Rampion. Le juge de renvoi observe également que les parties défenderesses ne démontrent pas que les parties
demanderesses auraient eu l’intention d’utiliser le crédit pour d’autres financements, une fois que le capital emprunté aurait été reconstitué, au moins partiellement, par l’effet du remboursement. Le juge de renvoi précise en outre que la forme donnée au contrat de crédit le fait échapper, au détriment du consommateur, à l’application des dispositions du code sur l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente et permet l’application d’un taux d’intérêt supérieur.
46. Plus d’un gouvernement intervenu souligne que les circonstances du cas concret évoquées au point précédent révèlent l’existence d’un lien manifeste entre les deux contrats souscrits par les époux Rampion en dépit du défaut de mention du bien ou du service financé dans le contrat de crédit.
47. Les observations précitées nous amènent à relever qu’il n’incombe pas à la Cour d’opérer la correcte qualification du contrat de crédit en cause. Cette qualification est de la compétence du juge national et elle sera opérée par celui-ci sur la base des règles pertinentes du droit national, y compris celles relatives aux pouvoirs du juge. Ces dernières seront interprétées par le juge national, en vertu des devoirs qui lui incombent en vertu des articles 10 CE et 249 CE, d’une manière
conforme au résultat prescrit à l’article 14 de la directive 87/102, qui est celui d’éviter qu’il soit dérogé aux dispositions de droit national qui transposent la directive ou qui lui correspondent, au détriment des consommateurs (paragraphe 1) ou qu’elles ne soient éludées par le biais de stipulations ou de formes contractuelles particulières (paragraphe 2).
48. En particulier, les dispositions nationales relatives aux pouvoirs du juge devront être interprétées, autant que possible, dans le sens qu’elles permettent au juge de requalifier, sur la base de la substance du contrat et du but réel poursuivi par les cocontractants, une ouverture de crédit en crédit affecté aux fins de l’application des dispositions de protection du consommateur figurant dans le code. D’ailleurs, Franfinance elle‑même, dans ses observations écrites, et le gouvernement
français à l’audience se sont référés à de récentes décisions de la Cour de cassation qui auraient reconnu le pouvoir du juge national de requalifier en tant que crédit affecté un contrat de crédit présenté par les parties sous une forme différente. Nous observons en outre que le libellé lui-même de la première question préjudicielle, telle que formulée dans le jugement de renvoi, laisse penser que le tribunal d’instance n’exclut pas la possibilité de donner au contrat de crédit en cause une autre
qualification que celle d’ouverture de crédit. Le caractère apparemment redondant de la double hypothèse faite dans la partie finale de la question («lorsque le contrat de crédit ne fait pas mention du bien financé ou a été conclu sous la forme d’une ouverture de crédit sans mention du bien financé») peut s’expliquer justement dans cette optique.
49. L’article 14 de la directive 87/102 a pour fonction d’obliger les États membres d’adopter des mesures contre des comportements contractuels des particuliers de nature à mettre en échec les résultats poursuivis par la directive, c’est-à-dire des mesures qui, d’une part, confèrent un caractère impératif aux dispositions internes qui mettent en œuvre ou qui correspondent aux autres dispositions de la directive (paragraphe 1) et, de l’autre, qui garantissent que ces dispositions internes ne
soient pas éludées par le biais de procédés frauduleux lors de la phase de rédaction des contrats (paragraphe 2). Ledit article est donc destiné à poursuivre l’application effective de ces dispositions internes et nous paraît en revanche dépourvu de pertinence aux fins de la reconstitution du contenu que ces mêmes dispositions doivent avoir conformément aux autres dispositions de la directive, contenu qui dépend seulement de l’interprétation de ces dernières.
50. Nous estimons par là que l’article 14 ne s’oppose pas à ce que les États membres subordonnent le droit du consommateur d’agir contre le prêteur en cas de manquement du fournisseur à la condition que le bien ou le service financé soit mentionné dans le contrat de crédit. Le point de savoir si les États membres sont en droit ou non de subordonner l’application de règles d’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente à une telle mention est une question à l’égard de laquelle
l’article 14 est, à notre avis, dépourvu de pertinence et qui ne doit en revanche être résolue que sur la base de l’article 11 de la directive 87/102.
b) Le contrat de crédit en cause entre-t-il dans le champ d’application de l’article 11 de la directive 87/102?
51. Pour l’hypothèse où le juge de renvoi considérerait que, comme soutenu par Franfinance, le contrat de crédit en cause ne devrait pas être requalifié de crédit affecté, mais constituerait une véritable ouverture de crédit en compte courant, il faut vérifier si la remarque de Franfinance, selon laquelle l’article 11 de la directive n’aurait aucune incidence dans la mesure où il ne concernerait pas ce type de contrat, est fondée.
52. En faisant un pas en arrière, nous observons, avec la Commission, que la définition de «contrat de crédit» au sens de l’article 1^er, paragraphe 2, sous c), de la directive 87/102 est suffisamment large pour comprendre certainement une ouverture de crédit en compte courant.
53. En outre, il résulte de l’annexe I de la directive – qui contient une énumération d’éléments dont les États membres peuvent, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, de la directive, rendre obligatoire l’inclusion dans le contrat de crédit – que les «[c]ontrats de crédit ayant pour objet le financement de la fourniture de biens ou de services» (point 1 de l’annexe) sont seulement une des typologies de contrat de crédit assujetties aux dispositions de la directive, à côté des «[c]ontrats de
crédit liés à l’utilisation de cartes de crédit» (point 2), aux «[c]ontrats de crédit revêtant la forme de crédits de caisse et non régis par d’autres dispositions de la directive» (point 3) et aux «[a]utres contrats de crédit relevant de la directive» (point 4) (22).
54. Une ouverture de crédit en compte courant n’échappe donc pas par nature au champ d’application de la directive 87/102.
55. Nous devons en revanche relever que, parmi les crédits qui, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive, sont exclus du champ d’application de cette dernière, figurent sous e), sous réserve cependant de l’application à celui-ci des dispositions de l’article 6 (23), les «crédits consentis sous la forme d’avances sur compte courant par un établissement de crédit ou un établissement financier, cette exclusion ne concernant pas les comptes liés à des cartes de crédit», ou, pour
utiliser les termes équivalents figurant à l’article 6 précité, les «crédit[s] sous la forme d’une avance sur compte courant, sauf dans le cas des comptes liés à des cartes de crédit».
56. Il n’est pas aisé de déterminer à partir du dossier de l’affaire si le compte courant ouvert par Franfinance en faveur des époux Rampion était ou non lié à une carte de crédit. Il s’agit, en toute hypothèse, d’une constatation qui incombe au tribunal d’instance, lequel, considérant à la page 5 du jugement de renvoi que le modèle type de contrat utilisé en l’espèce par Franfinance est celui de l’«offre préalable d’ouverture de crédit accessoire à des contrats de vente utilisable par fraction
et assortie d’une carte de crédit» (24), semble retenir que ledit compte était effectivement lié à une carte de crédit.
57. Il faut à présent se demander, en faisant abstraction de la problématique relative à la présence ou non d’une carte de crédit liée au compte courant ouvert par Franfinance en faveur des époux Rampion, si l’article 11 de la directive 87/102 se prête à être appliqué (25) aux ouvertures de crédit en compte courant.
58. Aucun élément tiré du libellé de cet article ne semble militer en sens contraire. La référence, faite par Franfinance, aux termes «contrat y relatif» utilisés au paragraphe 2, sous d), est totalement dépourvue de pertinence. Ces termes n’impliquent nullement, en tant que condition d’application de la règle figurant au paragraphe 2, qu’un seul contrat de vente serait financé par le contrat de crédit. Le terme «relatif» lie grammaticalement le «contrat» non au «contrat de crédit», mais «[aux]
biens ou [aux] services faisant l’objet» de ce dernier. Par ailleurs, l’expression «les biens ou les services faisant l’objet du contrat de crédit», qui figure au même point d), ne doit pas s’entendre nécessairement comme impliquant une description desdits biens ou services dans le contrat de crédit, mais peut et doit à notre avis être interprétée dans le sens de «biens ou services dont l’achat est financé par le contrat de crédit». Nous observons, en outre, que l’article 11, paragraphe 2, sous a),
dans la mesure où il se réfère à un contrat de crédit conclu «en vue de l’achat de biens ou l’obtention des services», semble inclure également des contrats de crédit conclus en vue de plusieurs achats ou obtentions de services.
59. Au-delà des éléments textuels, il ne saurait être affirmé qu’une protection du consommateur en termes d’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente ne serait pas justifiée dans le cas où le contrat de crédit serait représenté par une ouverture de crédit en compte courant.
60. Aux termes du vingt et unième considérant de la directive 87/102, destiné à expliquer la raison qui préside à l’introduction du régime figurant à l’article 11, «en ce qui concerne les biens et les services que le consommateur acquiert dans le cadre d’un accord de crédit, […] le consommateur devrait, du moins dans les circonstances définies ci-avant, avoir des droits vis-à-vis du prêteur en plus de ses droits contractuels normaux à l’égard du prêteur et à l’égard du fournisseur des biens ou
des services». Toujours selon le même considérant, «les circonstances visées ci-avant sont celles dans lesquelles il existe entre le prêteur et le fournisseur des biens ou prestataire des services un accord préalable aux termes duquel un crédit est octroyé exclusivement par ce prêteur aux clients de ce fournisseur ou prestataire pour l’acquisition de biens ou l’obtention de services fournis par ledit fournisseur ou prestataire».
61. Il s’agit donc d’une protection supplémentaire du consommateur à l’égard du prêteur qui serait une personne autre que le fournisseur [article 11, paragraphe 2, sous a)], dans le cas où «les biens ou les services faisant l’objet du contrat de crédit ne sont pas livrés ou fournis ou ne le sont qu’en partie ou ne sont pas conformes au contrat y relatif» [article 11, paragraphe 2, sous d)], protection qui doit valoir «du moins» lorsqu’il existe entre le fournisseur et le prêteur un accord
préalable ayant l’objet décrit et sur la base duquel le consommateur a obtenu le crédit [article 11, paragraphe 2, sous b) et c)], sous réserve que ladite protection intervient seulement après que «le consommateur a exercé un recours contre le fournisseur ou prestataire sans obtenir satisfaction comme il y avait droit» [article 11, paragraphe 2, sous e)].
62. Une telle protection supplémentaire du consommateur en cas de manquement du fournisseur, représentée par le droit d’exercer un recours contre le prêteur, est destinée à compenser l’affaiblissement de la protection du consommateur (par rapport à l’hypothèse du crédit accordé directement par le fournisseur) qui autrement résulterait de ce «dédoublement» de sa partie adverse inhérent à l’achat de biens ou de services par le biais d’un crédit accordé par une personne autre que le fournisseur;
dédoublement qui mettrait le consommateur dans l’impossibilité de faire valoir l’inexécution de la fourniture pour se soustraire au remboursement du crédit.
63. Or, il est tout à fait évident que les risques d’un tel affaiblissement de la protection du consommateur que l’article 11 vise à affronter existent même dans l’hypothèse où le crédit serait utilisable non pour un seul achat, mais pour plusieurs.
64. Nous estimons donc qu’il n’y a pas de raison de considérer qu’une ouverture de crédit en compte courant destinée à financer une série indéterminée d’achats de biens ou de services échapperait par sa nature au champ d’application de l’article 11 de la directive 87/102.
65. Cela ne signifie pas par ailleurs que la protection qui doit être offerte au consommateur conformément à cet article ne saurait être modulée d’une façon différenciée pour pouvoir tenir compte des spécificités d’un tel crédit par rapport à un crédit accordé pour un seul achat.
66. L’article 11, paragraphe 2, est d’ailleurs structuré d’une manière telle qu’il permet aux États membres d’établir une réglementation protectrice adaptée aux caractéristiques de chaque type de contrat de crédit. En effet, l’article 11, paragraphe 2, ne précise pas en quoi devrait consister ladite protection supplémentaire du consommateur, c’est‑à‑dire quel serait exactement l’objet du «droit d’exercer un recours à l’encontre du prêteur» qui doit être reconnu au consommateur. Cette précision
est laissée aux États membres, à qui le second alinéa s’en remet pour déterminer «dans quelle mesure et à quelles conditions ce recours peut être exercé» (26).
67. Diverses formes de protection sont envisageables à cet égard: citons, à titre d’exemple, l’opposabilité au prêteur de l’exception d’inexécution du fournisseur afin d’éviter ou de suspendre le remboursement du crédit; la demande de réduction du crédit ou de résolution du contrat de crédit, avec restitution par le prêteur de remboursements déjà effectués; la demande de correcte exécution, aux frais du prêteur, du contrat de vente s’il a pour objet des choses fongibles; et même la demande en
réparation, par le prêteur, des préjudices découlant de l’inexécution du fournisseur (27). En France, les articles L. 311-20 et L. 311-21 du code prévoient: les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture du service, ce qui semble signifier en pratique l’opposabilité au prêteur de l’exception d’inexécution lorsque cette dernière consiste dans le défaut de livraison ou de fourniture; la suspension judiciaire de l’exécution du contrat de
crédit en cas de contestations relatives à l’exécution du contrat de vente, et la résolution ou l’annulation de plein droit du premier de ces contrats en cas de résolution ou d’annulation judiciaire du second.
68. Il est possible d’imaginer que, face à l’inexécution du fournisseur portant sur un des divers biens ou services que le consommateur achète successivement à crédit en se prévalant d’une véritable ouverture de crédit en compte courant, le remède octroyé au consommateur contre le prêteur puisse être constitué par l’opposabilité de ladite inexécution afin de se soustraire temporairement ou définitivement aux obligations qui, dans le cadre du contrat de crédit, découlent pour le consommateur de
cette vente déterminée, sans que le consommateur ait également droit à la résolution de la totalité de ce contrat.
69. Une fois donc établi qu’un contrat d’ouverture de crédit en compte courant relevant du champ d’application de la directive 87/102 est également soumis aux dispositions de l’article 11 de celle-ci, il incombera au juge de renvoi, s’il estime devoir qualifier de la sorte le contrat de crédit conclu par les époux Rampion en l’espèce, d’apprécier dans quelle mesure les dispositions du droit national destinées à donner exécution ou qui correspondent audit article peuvent être appliquées
également à un tel contrat (28), de manière à ne pas aboutir à un résultat contraire à celui visé par la directive.
c) Interprétation des prescriptions de l’article 11 de la directive 87/102 et exigence de mention du bien ou du service financé dans le contrat de crédit
70. Il reste à présent à examiner si l’article 11 précité permet qu’une disposition nationale destinée à la transposer subordonne la reconnaissance au consommateur du droit d’agir contre le prêteur à la condition que le bien ou le service financé soit mentionné dans le contrat de crédit.
71. À cet égard, nous partageons la position prise par la Commission et par les gouvernements intervenus: une telle condition n’est pas compatible avec l’article 11. Contrairement à ce qui est soutenu par Franfinance, l’introduction d’une telle condition n’est pas autorisée par l’article 11, paragraphe 2, second alinéa. Cette disposition, en déléguant aux États membres la détermination non seulement de la «mesure», mais également des «conditions» auxquelles le droit d’agir contre le prêteur
peut «s’exercer», n’entend évidemment pas remettre en discussion les conditions de naissance de ce droit, que l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, établit d’une façon exhaustive; en revanche, elle habilite les États membres à préciser les modalités procédurales d’exercice du droit (29).
72. Il faut donc interpréter l’article 11 de la directive en ce sens que, lorsqu’un consommateur obtient d’une personne autre que le fournisseur un crédit pour l’achat de biens ou de services, en vertu d’un accord préalable entre cette personne et le fournisseur ayant les caractéristiques visées à l’article 11, paragraphe 2, sous b), le consommateur, en cas de défaut de fourniture, ou de fourniture partielle ou non conforme du bien ou du service acheté à crédit, a le droit d’exercer un recours
contre le prêteur, après avoir vainement agi contre le fournisseur, indépendamment du fait que ledit bien ou service soit mentionné dans le contrat de crédit.
73. Il incombera naturellement au juge de renvoi de vérifier dans quelle mesure les dispositions pertinentes du droit national peuvent être appliquées d’une manière telle à ne pas déboucher sur un résultat contraire à celui visé par l’article 11 de la directive ainsi interprété.
74. Il nous paraît enfin utile de préciser, vu les références faites tant par le juge de renvoi que par plusieurs gouvernements intervenus à l’existence en l’espèce d’un lien manifeste entre le contrat de crédit et le contrat de vente, que l’article 11 ne fait pas dépendre d’une pareille circonstance l’existence du droit du consommateur d’exercer un recours contre le prêteur en cas d’inexécution du fournisseur. Ce que cet article exige est que ce droit soit attribué au consommateur, au moins
lorsqu’il existe entre le prêteur et le fournisseur un accord préalable sur la base duquel le crédit est mis exclusivement par ce prêteur à disposition des clients de ce fournisseur pour l’achat de marchandises ou de services de ce fournisseur et que le consommateur obtient le crédit en vertu d’un tel accord [vingt et unième considérant et article 11, paragraphe 2, sous b) et c), de la directive].
75. Nous suggérons donc à la Cour de répondre dans les termes suivants à la première question préjudicielle posée par le tribunal d’instance:
L’article 11 de la directive 87/102 exige que les règles nationales sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services qui transposent ou qui correspondent à ce même article puissent trouver application, même à défaut de mention dans le contrat de crédit des biens ou des services dont l’achat est financé.
B – Sur la seconde question préjudicielle
1. Considérations préliminaires et sur la recevabilité
76. Il ressort clairement du jugement de renvoi que le tribunal d’instance s’interroge sur la possibilité de sa part d’appliquer d’office non les dispositions de la directive 87/102 (lesquelles, comme nous l’avons rappelé ci-dessus, ne peuvent trouver d’application directe dans le cadre d’un litige entre particuliers), mais des dispositions dedroit interne qui mettent en œuvre ou qui correspondent à celles de la directive elle-même.
77. Bien que le jugement de renvoi, dans sa partie relative aux faits, rappelle que, au cours du litige a quo, le tribunal d’instance avait, par un jugement avant dire droit du 1^er juin 2005, soulevé d’office des motifs tirés d’articles du code relatifs à la vente à domicile et de l’article L. 311-10 du code, dans la mesure où il impose le rappel dans le contrat de crédit des dispositions relatives à l’interdépendance figurant aux articles L. 311‑20 et suivants du code, le même jugement de
renvoi, dans la partie des motifs consacrée à la seconde question préjudicielle, considère en revanche, et seulement, l’éventuelle application d’office de ces dernières dispositions qui transposeraient en droit interne les articles 11 et 14 de la directive (30).
78. En conséquence, en dépit de sa formulation large, la seconde question préjudicielle doit à notre avis être lue, à la lumière de la motivation du jugement de renvoi, comme se référant à l’applicabilité d’office par le juge national des règles sur l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente visées aux articles L. 311‑20 et suivants du code, dans la mesure où ils transposent l’article 11 de la directive 87/102.
79. Le juge de renvoi rappelle que, en vertu des règles procédurales de son ordre juridique national, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, seules les règles d’«ordre public de direction», adoptées dans l’intérêt général, et non également les règles d’«ordre public de protection», adoptées dans l’intérêt d’une catégorie de personnes, peuvent être relevées d’office par le juge. Le juge de renvoi indique que la jurisprudence de la Cour de cassation, dans la mesure où elle retient que
le régime du crédit à la consommation aurait été établi dans le seul intérêt du consommateur et serait étranger à l’ordre public de direction, s’oppose à l’application d’office des dispositions des articles L. 311‑20 et suivants du code.
80. Afin de vérifier le bien-fondé de cette approche de la Cour de cassation, le juge de renvoi demande à la Cour de préciser si la directive 87/102 poursuit en revanche des finalités plus larges que la simple protection du consommateur, c’est-à-dire relatives à l’organisation du marché du crédit à la consommation. Le juge de renvoi semble considérer que, dans l’affirmative, il serait en droit d’appliquer d’office les dispositions des articles L. 311‑20 et suivants du code en tant que règles
d’ordre public de direction.
81. La précision, de la part de la Cour, des finalités de la directive 87/102 semble donc sollicitée par le juge de renvoi essentiellement aux fins de l’application de notions et de règles de droit procédural interne qui pourraient l’amener à appliquer d’office les règles figurant aux articles L. 311‑20 et L. 311‑21 du code. Dans cette optique, il s’agirait donc d’une application d’office de ces règles effectuée en conformité avec le droit interne et non en vertu du droit communautaire.
82. Cela dit, nous estimons pourtant que la Cour doit traiter la question préjudicielle présentement examinée dans une perspective plus large, à savoir de sorte à indiquer au juge de renvoi dans quelle mesure l’application d’office des règles rappelées du code serait éventuellement autorisée en vertu du droit communautaire lui-même, au-delà donc de l’application des notions et des règles de droit procédural interne précitées opérée à la lumière des finalités poursuivies par la directive 87/102.
83. Franfinance conteste toutefois la recevabilité de la seconde question préjudicielle, en soulignant son inutilité aux fins de la solution du litige au principal. Elle souligne que, contrairement à ce qui est relevé dans le jugement de renvoi, les époux Rampion ont expressément soulevé dans leur recours la question de l’interdépendance entre les contrats de crédit et de vente qu’ils ont souscrits, en particulier en demandant au juge saisi de déclarer la résolution du premier contrat «par voie
de conséquence» du prononcé de la nullité du second. Il n’y aurait donc aucune nécessité d’appliquer d’office des dispositions qui ont été invoquées par les demandeurs.
84. Nous relevons à cet égard qu’il ressort du dossier de l’affaire que les époux Rampion ont demandé la résolution judiciaire du contrat de crédit stipulé avec Franfinance «par voie de conséquence» du prononcé de la nullité du contrat de vente conclu avec KpK, qu’ils ont sollicité à titre principal. Néanmoins, il n’apparaît pas qu’ils aient explicitement invoqué, au soutien de la demande de résolution du contrat de crédit, les articles L. 311‑20 et L. 311-21 du code. Bien qu’il ne nous semble
pas déraisonnable de retenir, comme le fait en substance Franfinance, que ces articles puissent être considérés comme invoqués par les époux Rampion au moins implicitement, nous observons toutefois que le juge de renvoi semble d’avis contraire et qu’il incombe à ce juge et non à la Cour de se prononcer sur ce point, s’agissant d’une question de pur droit procédural national. De plus, il ne semble pas que les époux Rampion aient demandé la résolution judiciaire du contrat de crédit également par voie
de conséquence de la résolution judiciaire du contrat de vente sollicitée à titre subsidiaire.
85. Il n’apparaît donc pas de manière manifeste que, comme le soutient Franfinance, l’interprétation du droit communautaire sollicitée par la seconde question préjudicielle soit sans rapport avec la réalité ou avec l’objet du litige au principal ou que le problème posé soit de nature hypothétique. La recevabilité de ladite question ne nous semble donc pas pouvoir être mise en doute.
2. Sur le fond
86. Quant aux finalités poursuivies par le législateur communautaire par l’adoption de la directive 87/102, il ressort de ses considérants que cette directive a entendu aplanir les divergences entre les législations des États membres en matière de crédit à la consommation dans le double objectif d’assurer la création d’un marché commun du crédit à la consommation (troisième et cinquième considérants) et la protection des consommateurs qui souscrivent un tel crédit (sixième, septième et neuvième
considérants) (31). C’est ce que rappellent, dans leurs observations écrites sur la seconde question préjudicielle, la Commission et les gouvernements français, italien et espagnol.
87. En particulier, quant au premier objectif, dans les considérants de la directive on souligne que «ces disparités [entre les législations] peuvent entraîner des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun» (deuxième considérant), qu’elles «restreignent les possibilités pour les consommateurs d’obtenir un crédit dans d’autres États membres» et «affectent le volume et la nature du crédit demandé ainsi que l’achat de biens et de services» (troisième considérant), par
conséquent «influ[a]nt sur la libre circulation des biens et des services susceptibles d’être affectés d’un crédit» et «[ayant] ainsi un impact direct sur le fonctionnement du marché commun» (quatrième considérant), alors que «les consommateurs, les prêteurs, les fabricants, les grossistes et les détaillants, ainsi que les prestataires de services tireraient tous profit de la création d’un marché commun du crédit à la consommation» (cinquième considérant).
88. Sans aucun doute, dès lors, l’harmonisation des réglementations nationales en matière de crédit à la consommation poursuivie par la directive 87/102 n’est pas destinée seulement à garantir un niveau minimal de protection des consommateurs dans chaque État membre, mais également, et en premier lieu, à promouvoir, pour ce qui concerne le crédit à la consommation, la création de conditions de concurrence plus homogènes sur le territoire de la Communauté, en supprimant les principales causes
réglementaires d’obstacles ou de distorsion du libre jeu de la concurrence entre les prêteurs, avec des bénéfices en termes d’efficience économique tant dans le marché du crédit à la consommation que dans les marchés des biens et des services qui peuvent être obtenus à crédit.
89. Il n’apparaît donc pas que l’on puisse partager l’interprétation selon laquelle les dispositions de la directive 87/102, et, en conséquence, les dispositions nationales qui les transposent, sont établies exclusivement dans une optique de protection des consommateurs. Cela dit, il incombe en tout état de cause au juge de renvoi et non à la Cour d’apprécier si, à la lumière des finalités précisées de la directive 87/102, les règles nationales qui la transposent, parmi lesquelles les articles
L. 311‑20 et L. 311-21 du code, devraient être (comme cela nous semble probable) qualifiées d’«ordre public de direction» aux fins de leur applicabilité d’office en vertu du droit procédural national.
90. Nous n’estimons pas par ailleurs que la réponse à la seconde question préjudicielle puisse se limiter aux considérations exposées ci‑dessus. À notre avis, en effet, cette question, si elle est lue à la lumière de la motivation du jugement de renvoi, soulève la question de l’applicabilité d’office des règles figurant aux articles L. 311‑20 et L. 311-21 du code en des termes plus larges. En se demandant dans quelle mesure les solutions accueillies par la Cour dans les arrêts Océano Grupo
Editorial et Salvat Editores et Cofidis sont transposables au régime du crédit à la consommation (32), le tribunal d’instance invite en substance la Cour également à indiquer si l’application d’office des règles figurant aux articles L. 311‑20 et L. 311-21 du code est autorisée pour le juge national en vertu du droit communautaire, même lorsque le droit procédural national l’exclut.
91. Nous partageons donc la remarque de la Commission selon laquelle il faut, pour répondre à la seconde question préjudicielle, déterminer si la protection que la directive 87/102 entend assurer au consommateur implique que le juge national puisse appliquer d’office une disposition nationale de protection du consommateur qui transpose l’article 11, paragraphe 2, de cette même directive (33).
92. La Commission et les gouvernements italien et espagnol se sont exprimés pour une réponse dans le sens affirmatif à une telle interrogation, et ce, en substance, au motif que seraient pertinentes même dans la matière examinée les raisons qui ont amené la Cour, dans les arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores et Cofidis, à retenir qu’une protection effective des droits que la directive 93/13 a entendu conférer aux consommateurs exige que le juge national puisse relever d’office le
caractère abusif d’une clause contractuelle.
93. Les gouvernements autrichien et français ne se rallient pas à cette position. Le premier fait observer qu’il appartient seulement aux États membres de déterminer les modalités de protection juridictionnelle des droits que la directive 87/102 a entendu conférer au consommateur et que, bien qu’ils soient tenus d’assurer l’effectivité de cette protection, cela n’implique pas nécessairement l’obligation ou la faculté pour les juges nationaux d’appliquer d’office les dispositions qui protègent
le consommateur. Même le gouvernement français se réclame du principe de l’autonomie procédurale des États membres, qui serait spécifiquement confirmé dans la matière examinée par l’article 11, paragraphe 2, second alinéa, de la directive 87/102, et il estime que la jurisprudence de la Cour de cassation qui ne permet pas au juge de soulever d’office un moyen tiré des règles sur l’interdépendance entre contrat de crédit et contrat de vente ne contrevient pas aux principes d’équivalence et
d’effectivité qui, selon la jurisprudence communautaire, limitent cette autonomie procédurale. En particulier, sous l’angle de l’effectivité de la protection, le gouvernement français souligne que ladite jurisprudence ne rend ni excessivement difficile ni pratiquement impossible au consommateur de faire constater par le juge l’existence des conditions d’application desdites règles, constatation, du reste, qu’aucune disposition du code n’impose au consommateur de solliciter dans un délai déterminé.
Enfin, selon le gouvernement français, les arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores et Cofidis ne sont pas pertinents en l’espèce, parce que les solutions qui y sont retenues se fonderaient sur des dispositions de la directive 93/13 qui n’ont pas d’équivalents dans la directive 87/102.
94. Pour notre part, nous commencerons par rappeler que, selon une jurisprudence constante, il incombe aux juridictions des États membres, par application du principe de coopération énoncé à l’article 10 CE, d’assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct du droit communautaire. En l’absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les
modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire. Toutefois, ces modalités ne peuvent être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne ni rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (34).
95. Il s’agit des principes bien connus de l’«autonomie procédurale» des États membres et des limites y afférentes, représentées par le respect des conditions d’«équivalence» et d’«effectivité» de la protection. Ces principes, affirmés par rapport à la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent de règles de droit communautaire ayant un effet direct, doivent être considérés comme applicables, de la même manière, s’agissant de la protection juridictionnelle des droits que
les justiciables tirent de règles nationales qui mettent en œuvre ou qui correspondent à des dispositions d’une directive communautaire. En effet, dans l’un comme dans l’autre cas, il s’agit toujours de droits d’«origine communautaire» et il serait tout à fait incongru d’admettre que les limites à l’autonomie procédurale dont jouissent les États membres en organisant la protection juridictionnelle de ces droits puissent être moins strictes quand une directive a été transposée en droit national que
lorsqu’elle ne l’a pas été.
96. En principe, il faut retenir que le principe d’effectivité de la protection est respecté lorsque les modalités procédurales des recours juridictionnels destinés à garantir la protection des droits d’origine communautaire offrent aux justiciables une possibilité adéquate de faire valoir ces droits au niveau juridictionnel (35). Des délais de forclusion trop courts ou des charges de preuve trop lourdes, par exemple, peuvent rendre excessivement difficile ou pratiquement impossible l’exercice
des droits dans le cadre juridictionnel par leur titulaire.
97. Les règles et les principes de droit procédural national relatifs au pouvoir d’initiative du juge appartiennent indubitablement aussi à la sphère desdites modalités procédurales. Or, s’il est vrai qu’une interdiction pour le juge national d’appliquer d’office des règles qui attribuent des droits d’origine communautaire ne porte pas atteinte à la faculté du titulaire du droit de faire valoir lui-même ce dernier au niveau juridictionnel, il faut toutefois rappeler que la Cour a déjà considéré
qu’une protection effective des droits d’origine communautaire peut, dans certaines conditions, exiger malgré tout la possibilité d’une intervention d’office du juge national.
98. Dans l’arrêt Peterbroeck (36), en effet, la Cour a déclaré que le droit communautaire s’oppose à l’application d’une règle de procédure nationale qui, dans des conditions telles que celles de la procédure qui se déroulait devant le juge de renvoi, interdit au juge national d’apprécier d’office la compatibilité d’un acte de droit interne avec une disposition communautaire, lorsque cette dernière n’a pas été invoquée dans un certain délai par le justiciable. Dans le même arrêt, la Cour a
indiqué que «chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit communautaire doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales» (37).
99. Dans l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, la Cour, quoique sans rappeler expressément sa jurisprudence évoquée au point 94 ci‑dessus, a estimé, à propos d’une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel au sens de la directive 93/13, qu’une protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d’apprécier d’office le caractère abusif, au sens de cette
directive, d’une telle clause (38). La Cour est parvenue à cette conclusion déjà sur laseule base des considérations suivantes, exposées au point 26 de cet arrêt:
«L’objectif poursuivi par l’article 6 de la directive [93/13], qui impose aux États membres de prévoir que les clauses abusives ne lient pas les consommateurs, ne pourrait être atteint si ces derniers devaient se trouver dans l’obligation de soulever eux-mêmes le caractère abusif de telles clauses. Dans des litiges dont la valeur est souvent limitée, les honoraires d’avocat peuvent être supérieurs à l’intérêt en jeu, ce qui peut dissuader le consommateur de se défendre contre l’application d’une
clause abusive. S’il est vrai que, dans nombre d’États membres, les règles de procédure permettent dans de tels litiges aux particuliers de se défendre eux-mêmes, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n’invoque pas le caractère abusif de la clause qui lui est opposée».
100. La Cour a donc déduit la nécessité de permettre une intervention d’office du juge, afin d’assurer l’effectivité de la protection du consommateur voulue par la directive 93/13, du fait que la disproportion entre la valeur du litige et les honoraires à verser à l’avocat peut amener le consommateur à s’abstenir de défendre ses droits en justice ou, lorsqu’il y est habilité par le droit national, à se défendre seul, et donc d’une façon inadéquate.
101. De telles considérations ont été réitérées par la Cour dans l’arrêt postérieur Cofidis (39), afin de déclarer qu’une disposition procédurale qui interdit au juge national, à l’expiration d’un délai de forclusion, de relever, d’office ou à la suite d’une exception soulevée par un consommateur, le caractère abusif d’une clause dont l’exécution est demandée par le professionnel est de nature à rendre excessivement difficile, dans les litiges auxquels les consommateurs sont défendeurs,
l’application de la protection que la directive entend leur conférer (40).
102. Or, à l’instar de la Commission et du gouvernement espagnol, nous estimons nous aussi que lesdites considérations sont parfaitement valables également à propos de la protection des droits du consommateur découlant de la directive 87/102. Nous dirions même qu’elles sont à plus forte raison valables dans ce second domaine, dès lors que, si le consommateur achète des biens ou des services à crédit, c’est habituellement parce qu’il dispose de ressources financières propres plutôt limitées, raison
pour laquelle le risque que les frais liés à l’assistance juridique l’induisent à renoncer à la défense, ou en toute hypothèse à une défense adéquate, de ses droits au niveau juridictionnel est encore plus concret.
103. D’ailleurs, il ne nous semble pas que puisse influer en sens contraire la circonstance, soulignée par le gouvernement français, qu’il manquerait dans la directive 87/102 des dispositions analogues à celles des articles 6 et 7 de la directive 93/13.
104. Quant à l’article 6 de cette dernière directive, dont – il est vrai – part le raisonnement exposé par la Cour au point 26 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (voir point 99 ci-dessus), nous ne pensons pas que son libellé aurait une valeur déterminante dans le cadre de ce raisonnement. En définitive, en prescrivant aux États membres de prévoir «que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs», cet
article ne fait que décrire la substance de la protection que la directive 93/13 entend offrir au consommateur, sur le plan du droit matériel, contre des clauses contractuelles qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle et qui peuvent être qualifiées d’abusives au sens de cette même directive; alors que le raisonnement précité de la Cour se focalise essentiellement sur les conditions particulières ayant trait à la nature du litige et à la procédure nécessaire pour le résoudre, ainsi
qu’à l’éventuel obstacle qu’elles représentent pour une protection juridictionnelle effective de la position juridique matérielle que ladite directive a entendu conférer au consommateur.
105. Or, l’article 11, paragraphe 2, de la directive 87/102, même sans spécifier la «mesure» dans laquelle le droit du consommateur d’agir contre le prêteur peut s’exercer et en remettant la détermination de celle‑ci aux États membres, veut néanmoins que ce droit soit attribué au consommateur par les ordres juridiques nationaux lorsque certaines circonstances sont réunies; et l’ordre juridique communautaire exige d’une façon plus générale qu’à ce droit – attribué au consommateur par le droit
matériel national mais toujours d’origine communautaire – soit assurée une protection effective par le droit procédural national. Cette protection risque toutefois d’être empêchée, si le juge ne peut pas intervenir d’office, par ces mêmes conditions particulières relatives à la nature du litige et à la procédure nécessaire pour le résoudre que la Cour a relevées au point 26 de l’arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores.
106. Pour ce qui concerne l’article 7 de la directive 93/13, il est vrai que la Cour, aux points 27 et 28 de cet arrêt, a observé que la possibilité de soulever d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle constitue également un moyen propre à réaliser l’objectif – que les États membres doivent poursuivre conformément à cet article – de faire cesser l’insertion de clauses abusives dans les contrats conclus par un professionnel avec des consommateurs. Toutefois, il nous semble que, dans
l’économie de cet arrêt, cette observation constitue seulement une motivation additionnelle à la solution retenue par la Cour à propos de la nécessité d’autoriser une intervention d’office du juge; solution à laquelle, comme nous l’avons déjà souligné, la Cour était déjà parvenue à l’issue du raisonnement exposé au point 26 du même arrêt, uniquement centré sur les circonstances de nature à dissuader le consommateur de défendre en justice de façon adéquate la position juridique que la directive 93/13
a entendu lui conférer.
107. Sous un autre aspect, nous observons ensuite que le fait que l’affaire pendante devant le tribunal d’instance ait été engagée par les époux Rampion et qu’ils y sont représentés par un avocat, alors que, dans les affaires nationales qui ont donné lieu aux arrêts Océano Grupo Editorial et Salvat Editores et Cofidis, les consommateurs défendeurs ne s’étaient pas constitués dans l’instance, ne justifierait pas dans le cas d’espèce une conclusion différente, quant à la nécessité d’autoriser le juge
à intervenir d’office aux fins d’une protection effective des droits du consommateur, de celle accueillie dans ces arrêts. Le problème doit en effet être résolu sur un plan général, c’est-à-dire à la lumière de la nature du litige et des caractéristiques de la procédure nécessaire pour le résoudre, en faisant donc abstraction des circonstances concrètes de chaque procédure. D’ailleurs, nous ne voyons pas comment on pourrait admettre qu’une même règle de protection du consommateur puisse être
considérée comme applicable d’office à l’égard d’un consommateur et non à l’égard d’un autre, seulement parce que le premier n’a pas pourvu à se défendre en justice avec l’assistance d’un avocat, alors que le second, par contre, l’aurait fait.
108. Nous suggérons donc à la Cour de répondre à la seconde question préjudicielle dans les termes suivants:
La directive 87/102 ne poursuit pas seulement l’objectif de protéger les consommateurs qui souscrivent un crédit à la consommation, mais également et en premier lieu celui d’assurer la création d’un marché commun du crédit à la consommation.
Une protection effective des droits que l’article 11 de la directive 87/102 entend conférer aux consommateurs implique que le juge national puisse appliquer d’office les règles nationales sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services qui mettent en œuvre ou correspondent à cet article.
V – Conclusions
109. À la lumière des considérations exposées ci-dessus, nous proposons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le tribunal d’instance de Saintes par le jugement du 16 novembre 2005 de la façon suivante:
«1) L’article 11 de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, exige que les règles nationales sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services qui transposent ou qui correspondent à ce même article puissent trouver application, même à défaut de mention dans le contrat de crédit des biens
ou des services dont l’achat est financé.
2) La directive 87/102 ne poursuit pas seulement l’objectif de protéger les consommateurs qui souscrivent un crédit à la consommation, mais également et en premier lieu celui d’assurer la création d’un marché commun du crédit à la consommation.
Une protection effective des droits que l’article 11 de la directive 87/102 entend conférer aux consommateurs implique que le juge national puisse appliquer d’office les règles nationales sur l’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat de vente de biens ou de services qui mettent en œuvre ou correspondent à cet article.»
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1 – Langue originale: l’italien.
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2 – JO 1987, L 42, p. 48. Cette directive a été modifiée d’abord par la directive 90/88/CEE du Conseil, du 22 février 1990 (JO L 61, p. 14), puis par la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (JO L 101, p. 17).
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3 – Loi relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit (connue également comme «loi Scrivener», JORF du 11 janvier 1978, p. 299).
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4 – Loi relative à l’information et à la protection des consommateurs ainsi qu’à diverses pratiques commerciales (JORF du 29 juin 1989, p. 8047).
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5 – Loi instaurant le code de la consommation – partie législative (JORF du 27 juillet 1993, p. 10538).
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6 – Décret relatif au code de la consommation – partie réglementaire (JORF du 3 avril 1997, p. 78).
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7 – Note sans objet pour la version française des conclusions.
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8 – En particulier, Cass. Civ., 10 juillet 2002, Bull. I, n° 195, p. 149, qui indiquerait que la violation des obligations établies par les articles L. 311-2, L. 311-8 et L. 311-10 du code, quoique d’ordre public, ne peut être opposée que sur demande de la personne que ces dispositions visent à protéger.
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9 – Arrêts du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (C-240/98 à C‑244/98, Rec. p. I-4941), et du 21 novembre 2002, Cofidis (C-473/00, Rec. p. I‑10875).
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10 – Directive du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).
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11 – Cass. Civ., 23 novembre 2004, Bull. I, n° 287, p. 241.
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12 – Arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C-397/01 à C-403/01, Rec. p. I-8835, points 108 et 109, et jurisprudence citée).
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13 – Ibidem, point 110.
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14 – Ibidem, point 113.
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15 – En ce sens, voir, entre autres, arrêt du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, Rec. p. I‑4961, point 45).
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16 – Nous nous permettons de relever à cet égard qu’aucune référence explicite à la mention du bien ou du service financé dans le contrat de crédit n’est faite dans la disposition interne sur l’interdépendance qui entre plus concrètement en ligne de compte dans le cas d’espèce, c’est‑à‑dire celle qui prévoit la résolution ou l’annulation de plein droit du contrat de crédit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui‑même judiciairement résolu ou annulé (article L. 311-21, premier
alinéa, seconde phrase, du code).
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17 – Arrêt Pfeiffer e.a., précité, point 115.
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18 – Ibidem, point 116.
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19 – La Commission s’est exprimée en ce sens aux points 18 et 19 de ses observations écrites. Nous rappelons par ailleurs que, comme la Cour a eu l’occasion de le préciser, il est de sa compétence de statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation des actes adoptés par les institutions communautaires, indépendamment du fait qu’elles aient ou non un effet direct (arrêt du 10 juillet 1997, Palmisani, C-261/95, Rec. p. I‑4025, point 21).
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20 – Franfinance souligne que l’article II-1 de l’offre préalable de crédit souscrite par les époux Rampion indique qu’ils sont «autorisés à tirer sur [leur] compte FRANFINANCE dans la limite du montant du découvert maximum autorisé pour financer le paiement des achats effectués [par eux] chez [KpK] ou les sociétés qui lui sont affiliées».
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21 – L’article 7 de la directive 87/102 se lit comme suit: «Lorsqu’il s’agit d’un crédit consenti en vue de l’acquisition de biens, les États membres fixent les conditions dans lesquelles les biens peuvent être repris, notamment lorsque le consommateur n’a pas donné son accord. Ils veillent en outre à ce que, lorsque le prêteur reprend les biens, le décompte entre les parties soit établi de manière à éviter que la reprise n’entraîne un enrichissement non justifié».
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22 – Ce n’est pas par hasard que l’annexe en question prévoit seulement au point 1, c’est‑à-dire pour les seuls «[c]ontrats de crédit ayant pour objet le financement de la fourniture de biens ou de services», la «description des biens ou des services qui font l’objet du contrat» en tant qu’élément qui peut être prescrit comme essentiel.
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23 – L’article 6 établit, pour ce type de contrats, des obligations d’information à la charge de l’établissement de crédit ou de l’institution financière et en faveur du consommateur.
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24 – Modèle type n° 6 annexé au code, dans la version en vigueur à l’époque des faits; c’est nous qui soulignons.
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25 – Il est à peine utile de préciser que nous ne faisons pas allusion ici à une application directe.
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26 – Par ailleurs, la question de savoir si l’article 11, paragraphe 2, de la directive 87/102 est suffisamment précis et inconditionnel quant à la nature des droits qui doivent être accordés au consommateur échappe à la problématique posée par la demande de décision préjudicielle du tribunal d’instance et nous ne l’aborderons donc pas dans ce cadre. Voir, à cet égard, dans un sens affirmatif, les conclusions présentées par l’avocat général Lenz le 7 décembre 1995 dans l’affaire El Corte Inglés,
ayant donné lieu à l’arrêt du 7 mars 1996 (C-192/94, Rec. p. I-1281, points 11 à 13), qui déduit de l’article 11 de la directive 87/102 «certains droits minimaux dans l’exercice de son recours» qu’il convient d’accorder au consommateur.
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27 – La réglementation nationale qui étend le plus le champ de la protection du consommateur contre le prêteur semble être celle en vigueur au Royaume-Uni. La section 75 de la loi relative au crédit à la consommation (Consumer Credit Act) de 1974 va en effet jusqu’à prévoir, pour un crédit soumis à l’application de cette loi et octroyé au consommateur en vertu d’un accord préexistant entre le prêteur et le fournisseur, que, en cas de tromperie («misrepresentation») ou d’inexécution du fournisseur,
le consommateur dispose à l’encontre du prêteur d’une action analogue («a like claim») à celle dont il dispose à l’encontre du fournisseur. Il s’agit d’une responsabilité solidaire («joint and several liability») entre le prêteur et le fournisseur (donc sans obligation de discussion préalable des biens du fournisseur), laquelle comprendrait même la responsabilité pour les préjudices découlant de l’inexécution du fournisseur.
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28 – Nous pensons, par exemple, à une application par analogie des articles L. 311‑20 et L. 311-21, prévus pour les seuls «crédits affectés».
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29 – Ces modalités peuvent, à notre avis, comprendre également la spécification de la condition figurant à l’article 11, paragraphe 2, sous e), de la directive, à savoir l’initiative préalable que le consommateur doit prendre contre le fournisseur défaillant avant de pouvoir exercer un recours contre le prêteur; s’il suffit, par exemple, d’un acte de mise en demeure resté sans réponse ou si le recours infructueux à une action judiciaire est nécessaire.
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30 – La seconde question préjudicielle serait du reste dépourvue de pertinence aux fins de la solution du litige a quo si elle était considérée en relation avec l’éventuelle application d’office, envisagée par le juge de renvoi dans la décision avant dire droit du 1^er juin 2005, de dispositions du code sur la vente à domicile – lesquelles ne mettent pas en œuvre la directive 87/102, mais la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas
de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31) – ou de l’article L. 311-10, point 3, du code, qui prescrit le rappel dans le contrat de crédit des règles sur l’interdépendance figurant aux articles L. 311‑20 et suivants, sans toutefois qu’un tel rappel ne soit requis par la directive 87/102.
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31 – Arrêts du 23 mars 2000, Berliner Kindl Brauerei (C-208/98, Rec. p. I-1741, point 20), et du 4 mars 2004, Cofinoga (C-264/02, Rec. p. I-2157, point 25).
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32 – Voir point 26 ci-dessus.
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33 – Voir observations écrites de la Commission, point 33.
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34 – Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5) et Comet (45/76, Rec. p. 2043, points 12 à 16); du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595, point 12), et du 14 décembre 1995, Peterbroeck (C-312/93, Rec. p. I-4599, point 12).
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35 – L’avocat général Jacobs, dans ses conclusions présentées le 15 juin 1995 dans les affaires jointes van Schijndel et van Veen, ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 1995 (C-430/93 et C-431/93, Rec. p. I-4705, point 25), a jugé «suffisant», aux fins du respect du principe d’effectivité, «que les règles procédurales nationales donnent aux justiciables une possibilité effective de faire valoir leurs droits».
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36 – Arrêt précité, point 21.
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37 – Ibidem, point 14. Le même critère d’analyse a été ensuite rappelé par la Cour également dans l’arrêt Cofidis, précité, point 37.
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38 – Arrêt Océano Grupo Editorial et Salvat Editores précité, point 26.
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39 – Arrêt précité, points 33 et 34.
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40 – Ibidem, point 36.