CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. YVES Bot
présentées le 15 février 2007 (1)
Affaire C‑386/05
Color Drack GmbH
contre
LEXX International Vertriebs GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]
«Règlement (CE) n° 44/2001 – Article 5, point 1, sous b) – Compétence spéciale en matière contractuelle – Vente de marchandises – Pluralité de lieux de livraison dans un État membre»
1. La présente procédure préjudicielle porte pour la première fois sur l’interprétation de l’article 5, point 1, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil (2), qui instaure des règles de compétence spéciale en matière contractuelle, dérogatoires à la compétence de principe du domicile du défendeur.
2. Cette disposition prévoit, sous b), que, lorsque le litige a trait à un contrat international de vente de marchandises, le demandeur peut assigner le défendeur devant le tribunal du lieu où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.
3. En l’espèce, il s’agit de savoir si ladite disposition est applicable et, le cas échéant, de quelle façon, lorsque la demande concerne des marchandises qui ont été livrées en plusieurs endroits sur le territoire d’un État membre.
4. Dans les présentes conclusions, nous soutiendrons que l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 est applicable en cas de pluralité de lieux de livraison à condition que ceux-ci soient tous situés sur le territoire d’un seul État membre. Nous exposerons également que, lorsque la demande concerne indistinctement toutes les livraisons, la question de savoir si le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal de n’importe quel lieu de livraison ou bien s’il doit porter son
action devant le tribunal de l’un de ces lieux en particulier relève du droit national et que, si le droit national ne comporte aucune règle à cet égard, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison de son choix.
I – Le cadre juridique
5. Le règlement n° 44/2001 a été adopté sur le fondement des dispositions du titre IV du traité CE, qui donnent compétence à la Communauté européenne pour adopter les mesures relevant de la coopération judiciaire en matière civile qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché commun.
6. Il a vocation à remplacer la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (3) dans tous les États membres (4). Le règlement n° 44/2001 est entré en vigueur le 1^er mars 2002. Il ne s’applique qu’aux actions judiciaires intentées et aux actes authentiques reçus postérieurement à son entrée en vigueur (5).
7. Ce règlement s’inspire largement de la convention de Bruxelles, avec laquelle le législateur communautaire a entendu assurer une véritable continuité (6). Il reprend le système des règles de compétence prévu par cette convention, fondé sur la compétence de principe des tribunaux du domicile du défendeur, à laquelle s’ajoutent des règles de compétence exclusive ou concurrente.
8. Ainsi, l’article 2, paragraphe 1, du règlement nº 44/2001 dispose:
«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»
9. L’article 5 du règlement n° 44/2001 est rédigé comme suit:
«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée;
b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:
– pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
– pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;
c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas;
[…]»
II – Le litige au principal
10. Le litige au principal oppose la société Color Drack GmbH (7), qui a son siège à Schwarzach (Autriche), à la société LEXX International Vertriebs GmbH (8), dont le siège se trouve à Nuremberg (Allemagne).
11. Color Drack a acheté à LEXX International Vertrieb des lunettes de soleil qu’elle a payées elle‑même intégralement, mais qu’elle a fait livrer directement par cette dernière à ses clients situés en des lieux différents en Autriche.
12. Color Drack a renvoyé ensuite à LEXX International Vertrieb les lunettes invendues et a demandé à cette société le remboursement de la somme de 9 291,56 euros, majorée des intérêts et frais annexes. Cette somme étant restée impayée, Color Drack a introduit, le 10 mai 2004, une action en paiement contre LEXX International Vertrieb devant le Bezirksgericht St. Johann im Pongau (Autriche) dans le ressort duquel se trouve son siège.
13. Cette juridiction s’est déclarée territorialement compétente pour connaître de cette demande, en application de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001. Elle a estimé que le lieu d’exécution de l’obligation à prendre en compte en ce qui concerne la reprise des marchandises invendues était le lieu d’implantation de Color Drack. Elle a également fait droit au recours sur le fond.
14. Le Landesgericht Salzburg (Autriche), saisi du recours formé par LEXX International Vertrieb, a annulé ce jugement au motif que la juridiction de première instance n’était pas compétente territorialement.
15. Cette juridiction d’appel a estimé que l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 prévoit un lieu de rattachement unique pour toutes les prétentions découlant d’un contrat de vente, y compris une demande de remboursement après retour des marchandises. Selon ladite juridiction, la détermination autonome, en vertu de cette disposition, d’un tel lieu de rattachement n’est pas possible lorsque les marchandises ont été livrées à plusieurs clients situés en des lieux différents en
Autriche.
16. Le Landesgericht Salzburg en a déduit que, dans la mesure où l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 n’est pas applicable, ce sont les dispositions de l’article 5, point 1, sous a), du même règlement qui, en vertu de l’article 5, point 1, sous c), de celui-ci, doivent s’appliquer. Conformément à ces dernières dispositions, Color Drack aurait dû engager sa demande en paiement devant le tribunal de Nuremberg, compétent comme étant la juridiction du lieu où l’obligation qui sert de
base à la demande doit être exécutée.
17. L’Oberster Gerichtshof (Autriche), devant lequel Color Drack a formé un pourvoi, a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en interprétation de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001.
18. Dans sa décision de renvoi, il expose qu’il comprend cette disposition de la manière suivante. Tout d’abord, en tant qu’elle prévoit une compétence spéciale, elle doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Ensuite, à la différence de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 prévoit un lieu de rattachement unique pour toutes les prétentions qui découlent d’un contrat de vente ou de prestation de services. Enfin, c’est le
lieu où la prestation a effectivement été fournie qui constitue le critère déterminant de la compétence internationale.
19. Selon l’Oberster Gerichtshof, la compétence de la juridiction saisie en première instance par Color Drack ne serait pas discutable si toutes les marchandises avaient été livrées à cette société à Schwarzach. Il se demande toutefois si cette compétence peut être retenue alors que les marchandises n’ont pas été livrées dans le seul ressort de cette juridiction, mais en différents lieux de l’État membre de l’acquéreur.
20. C’est au vu de ces considérations que l’Oberster Gerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«L’article 5, point 1, sous b), du [règlement n° 44/2001] doit-il être interprété en ce sens que le vendeur de marchandises, domicilié sur le territoire d’un État membre, qui a livré les marchandises à l’acheteur, domicilié sur le territoire d’un autre État membre, en différents lieux de cet autre État membre, conformément à ce qui avait été convenu, peut être attrait par l’acheteur devant le tribunal de l’un de ces lieux (d’exécution) – le cas échéant au choix de l’acheteur – eu égard à une
prétention dérivant du contrat qui concerne toutes les livraisons (partielles)?»
III – Analyse
21. L’Oberster Gerichtshof a rappelé, dans sa décision de renvoi, que ses décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. Il est donc compétent, conformément à l’article 68 CE, pour saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel en interprétation d’une disposition du règlement n° 44/2001.
22. Il est également constant que le règlement n° 44/2001 s’applique en l’espèce, puisque le contrat sur lequel Color Drack fonde son action est une vente de marchandises et que cette action a été introduite par une demande en paiement postérieure au 1^er mars 2002.
23. La question posée par la juridiction de renvoi soulève deux interrogations. Cette juridiction cherche ainsi à savoir, tout d’abord, si l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 est applicable lorsque les marchandises, conformément à ce qui a été convenu par les parties, ont été livrées en différents endroits situés sur le territoire d’un seul État membre.
24. Ensuite, en cas de réponse affirmative à cette interrogation, la juridiction de renvoi nous invite à préciser si, lorsque la demande concerne toutes les livraisons, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison de son choix.
25. Nous allons examiner successivement chacun de ces points.
A – Sur l’application de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 en cas de pluralité de lieux de livraison sur le territoire d’un seul État membre
26. LEXX International Vertrieb ainsi que les gouvernements allemand et italien soutiennent que l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 n’est pas applicable en cas de pluralité de lieux de livraison.
27. Le gouvernement allemand fait valoir que l’application de cette disposition dans ce cas de figure serait contraire au libellé de celle‑ci, qui mentionne un seul lieu de livraison (9). Selon ce gouvernement, une telle application irait également à l’encontre de l’économie de ce règlement. Il expose, à cet égard, que la disposition litigieuse, en tant que règle de compétence spéciale, est d’interprétation stricte. Il se fonde également sur l’article 5, point 1, sous c), dudit règlement, en vertu
duquel l’article 5, point 1, sous a), de celui‑ci s’applique lorsque les conditions requises par le point b) de cette même disposition ne sont pas réunies.
28. Le gouvernement allemand, soutenu par le gouvernement italien, se réfère aussi à la finalité de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001. Il indique que cette disposition a pour objet de permettre aux parties à un contrat de déterminer le tribunal compétent pour connaître des actions fondées sur celui-ci ainsi que d’éviter une multiplication des juridictions compétentes. Il soutient que ladite disposition régit non seulement la compétence internationale des juridictions d’un État
membre, mais également leur compétence territoriale.
29. Les gouvernements allemand et italien soulignent que, en cas de livraison en divers endroits, il n’est pas possible de déterminer un seul lieu d’exécution en vertu des critères prévus à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 et que permettre au demandeur d’engager son action dans l’un des lieux de livraison ou dans chacun de ces lieux serait contraire à l’objectif de cette disposition.
30. Le gouvernement italien rappelle, en outre, que l’option de compétence prévue à l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 a été adoptée pour des raisons de bonne administration de la justice. Or, selon lui, en cas de multiplicité des lieux d’exécution de l’obligation contractuelle, il ne serait pas possible de déterminer le lieu qui présente le lien de rattachement le plus étroit entre la contestation et la juridiction compétente.
31. Enfin, le gouvernement allemand soutient que son analyse est conforme à la position adoptée par la Cour dans l’arrêt Besix (10), dans lequel celle‑ci a jugé que l’option de compétence en matière contractuelle prévue à l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles n’était pas applicable dans le cas d’une prétention portant sur une obligation de ne pas faire, qui ne comporte aucune limitation géographique.
32. Nous ne partageons pas cette analyse. Nous estimons, comme le gouvernement du Royaume‑Uni et la Commission des Communautés européennes, que l’option de compétence prévue à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 est applicable lorsque les marchandises, conformément à la convention liant les parties, ont été livrées en différents endroits d’un seul État membre.
33. Nous fondons notre position sur le système institué par l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 ainsi que sur les objectifs poursuivis par ce règlement, lus à la lumière du système de compétence optionnelle en matière contractuelle prévu par la convention de Bruxelles et des inconvénients posés par celui‑ci.
34. Préalablement à la présentation de ces motifs, nous devons commencer par indiquer les raisons pour lesquelles, à notre avis, la question examinée ne trouve pas de réponse dans le libellé de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001.
1. Le libellé de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001
35. Contrairement au gouvernement allemand, nous sommes d’avis que le libellé de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 ne permet pas de trancher la question de savoir si l’option de compétence prévue par cette disposition a vocation ou non à s’appliquer en cas de pluralité de lieux de livraison.
36. Nous ne croyons pas, à cet égard, que la réponse à cette question puisse être déduite de la référence à un lieu de livraison unique telle qu’elle apparaît dans le membre de phrase «le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées».
37. En effet, la question à laquelle nous devons répondre concerne le champ d’application matériel de ladite disposition. Ce champ d’application est déterminé, dans la disposition litigieuse, par la notion de «vente de marchandises» et non par le membre de phrase «le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées». Ce membre de phrase indique uniquement le critère de compétence territoriale dans le cas d’une vente de marchandises. Il précise
quel est le lieu d’exécution qui doit être retenu dans ce type de contrat pour déterminer le tribunal compétent.
38. En outre, l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001 prévoit que le demandeur peut porter son action devant «le tribunal» du lieu de livraison des marchandises. En fonction de l’étendue de la compétence territoriale des tribunaux de l’État membre concerné, telle qu’elle est définie par ses règles nationales, des livraisons effectuées en des endroits différents de cet État peuvent se situer dans le ressort d’un même tribunal. La pluralité de lieux de livraison sur le territoire d’un
même État membre n’aboutit donc pas nécessairement à désigner plus d’un tribunal compétent.
39. Par conséquent, si nous devions nous fonder uniquement sur le libellé de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001 ainsi que sur la référence dans celui-ci à un lieu unique de livraison, la question se poserait encore de savoir si cette disposition est applicable lorsque toutes les livraisons se situent dans le ressort d’un seul tribunal.
40. Ces considérations démontrent, selon nous, qu’il n’est pas possible de tirer du libellé de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001 des indications claires et précises permettant de répondre à la question de savoir si cette disposition s’applique et, le cas échéant, de quelle manière, en cas de pluralité de lieux de livraison.
41. Conformément à une jurisprudence constante, lorsque le libellé d’une disposition de droit communautaire ne permet pas, par lui-même, de déterminer avec certitude comment elle doit être comprise et appliquée dans une situation donnée, il y a lieu de l’interpréter en tenant compte du système et des objectifs de la réglementation dont elle fait partie (11). La réponse à la question examinée doit donc être déterminée en prenant en considération l’économie et les objectifs du règlement n° 44/2001.
2. Le système institué par l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 et les objectifs poursuivis par ce règlement
42. Ainsi que nous l’avons indiqué, le règlement n° 44/2001, qui remplace la convention de Bruxelles, s’inspire très largement de cette convention et s’inscrit dans la continuité de celle-ci. Nous avons vu également que l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 constitue une innovation par rapport au contenu de l’article 5, point 1, de ladite convention.
43. Afin de bien comprendre la portée de cette innovation et les conséquences qu’il convient d’en tirer en ce qui concerne les conditions d’application de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001, il paraît nécessaire de rappeler le contenu du système de compétence optionnelle en matière contractuelle prévu par la convention de Bruxelles et les difficultés posées par celui‑ci, auxquelles le législateur communautaire a voulu remédier dans ce règlement.
a) Le système de compétence optionnelle en matière contractuelle prévu par la convention de Bruxelles et son interprétation par la jurisprudence
44. La convention de Bruxelles a été adoptée par les États membres sur le fondement de l’article 220 du traité CE (12), aux termes duquel ceux‑ci sont invités à engager entre eux des négociations en vue d’assurer, en faveur de leurs ressortissants, la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l’exécution réciproques des décisions judiciaires et arbitrales.
45. Elle a pour objectif, selon son préambule, d’édicter des règles simples destinées à favoriser la libre circulation des décisions de justice. Elle vise ainsi, selon la Cour, à «unifier les règles de compétence des juridictions des États contractants, en évitant […] la multiplication des chefs de compétence judiciaire à propos d’un même rapport juridique, et à renforcer la protection juridique des personnes établies dans la Communauté en permettant à la fois au demandeur d’identifier facilement
la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait» (13).
46. La convention de Bruxelles a donc pour ambition d’éviter la multiplication des chefs de compétence pour un même rapport juridique en unifiant les règles de compétence internationale des juridictions des États membres, au moyen de dispositions simples permettant aux parties d’identifier facilement la juridiction compétente.
47. Ces objectifs sont mis en œuvre à l’article 2 de cette convention, qui énonce la règle de principe selon laquelle le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur.
48. Les parties contractantes à ladite convention ont prévu qu’il pouvait être dérogé à cette compétence de principe. Elles ont institué plusieurs règles de compétence spéciale, les unes à caractère obligatoire, comme en matière immobilière, d’assurances ou de contrats conclus par les consommateurs, les autres à caractère optionnel, à l’article 5 de la convention de Bruxelles, notamment en matière contractuelle, d’obligation alimentaire ou de réparation de dommage.
49. Ces règles de compétence spéciale ont été prises pour répondre à un objectif précis. En ce qui concerne les règles prévues à cet article 5, les parties contractantes ont voulu permettre au demandeur de porter son action devant le tribunal qui serait le plus proche physiquement des éléments du litige et qui se trouverait ainsi le mieux placé pour apprécier ces éléments. Lesdites règles reposent, selon le rapport Jenard (14), sur la «considération qu’il existe un lien de rattachement étroit
entre la contestation et le tribunal qui est appelé à en connaître».
50. L’article 5 de la convention de Bruxelles prévoyait ainsi, dans sa version initiale, que le défendeur pouvait, en matière contractuelle, être attrait devant le tribunal du «lieu où l’obligation a été ou doit être exécutée».
51. La Cour a précisé, d’une part, quelle obligation doit être prise en compte et, d’autre part, comment le lieu d’exécution de cette obligation doit être déterminé.
52. Ainsi, dans l’arrêt du 6 octobre 1976, De Bloos (15), elle a jugé que l’obligation à prendre en considération est celle correspondant au droit contractuel sur lequel est fondée l’action du demandeur (16). Il s’agit donc de l’obligation contractuelle qui sert concrètement de base à l’action judiciaire ou, en d’autres termes, de celle dont l’inexécution est invoquée.
53. Le même jour, dans l’arrêt Tessili (17), la Cour a jugé que le lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée doit être déterminé conformément à la loi qui régit l’obligation litigieuse selon les règles de conflit de lois de la juridiction saisie.
b) Les problèmes posés par l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles
54. L’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, a donné lieu à de nombreux commentaires critiques. Parmi les difficultés posées par cette disposition, trois insuffisances, au regard des objectifs de cette convention, nous paraissent pertinentes dans le cadre du présent litige.
55. La première insuffisance tient au risque de multiplication des tribunaux compétents pour connaître de litiges se rattachant à un même contrat.
56. La convention de Bruxelles vise, nous l’avons vu, à éviter, dans la mesure du possible, une multiplication des juridictions compétentes par rapport à un même contrat, afin de prévenir le risque de contrariété de décisions et de faciliter ainsi la reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires en dehors de l’État dans lequel elles ont été rendues (18).
57. Toutefois, l’application combinée des arrêts précités De Bloos et Tessili peut avoir pour conséquence que des actions fondées sur des obligations distinctes mais qui reposent sur le même contrat relèvent de la compétence de juridictions d’États membres différents. En effet, cette jurisprudence conduit à scinder les obligations qui découlent d’un même contrat et à déterminer le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande conformément à la loi qui régit l’obligation
litigieuse, selon les règles de conflit de lois de la juridiction saisie.
58. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Leathertex (19) fournit une bonne illustration des conséquences de cette jurisprudence. Dans cette affaire, une société belge, qui avait exercé les fonctions d’agent commercial pour le compte de la société Leathertex, établie en Italie, a assigné celle‑ci en Belgique en paiement, d’une part, d’arriérés de commission et, d’autre part, d’une indemnité compensatoire de préavis pour rupture du contrat. Selon les règles de conflit de lois belges, l’obligation de
payer une indemnité compensatoire de préavis devait être exécutée en Belgique, alors que l’obligation de payer les commissions devait être exécutée en Italie. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que, en application de la jurisprudence dégagée dans les arrêts précités De Bloos et Tessili, la juridiction belge ne pouvait connaître que de la demande en paiement de l’indemnité compensatoire de préavis, l’autre demande relevant de la compétence des juridictions italiennes.
59. La Cour a tenté de limiter les effets de cette jurisprudence. Elle a jugé, dans l’arrêt Shenavai (20), que, dans le cas particulier d’un litige portant sur plusieurs obligations qui découlent d’un même contrat et qui servent de base à l’action intentée par le demandeur, le juge saisi, afin de déterminer sa compétence, pouvait faire application du principe selon lequel l’accessoire suit le principal (21).
60. Toutefois, le risque de multiplication des tribunaux compétents demeure entier lorsque, comme dans l’affaire Leathertex, précitée, les obligations en cause sont considérées comme équivalentes. Dans ce cas de figure, le même juge n’est pas compétent, en vertu de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, pour connaître de l’ensemble d’une demande fondée sur deux obligations équivalentes découlant d’un même contrat lorsque, selon les règles de conflit de l’État de ce juge, ces
obligations doivent être exécutées l’une dans cet État, et l’autre dans un autre État contractant.
61. La deuxième insuffisance de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles tient à la difficulté de sa mise en œuvre et, partant, au manque de prévisibilité de son résultat pour les parties contractantes.
62. Ainsi que nous l’avons vu, la convention de Bruxelles vise à permettre à un défendeur normalement averti de prévoir raisonnablement devant quelle juridiction, autre que celle de l’État de son domicile, il pourrait être attrait (22). Cette convention vise ainsi à renforcer dans la Communauté la protection juridique des personnes physiques et morales qui y sont établies, en prévoyant des règles communes de compétence de nature à garantir une certitude quant à la répartition des compétences entre
les différentes juridictions nationales susceptibles d’être saisies d’un litige déterminé (23).
63. Afin que l’application de ces règles puisse donner un résultat prévisible pour les opérateurs économiques, elles doivent présenter une grande simplicité. Or, la méthode de détermination du tribunal compétent, telle qu’elle a été définie par la jurisprudence précitée De Bloos et Tessili, nécessite, de la part du juge national saisi du litige, plusieurs analyses complexes, dont le résultat n’est pas aisément prévisible par les parties à un contrat.
64. Ainsi, le juge saisi du litige doit d’abord caractériser l’obligation contractuelle qui sert de base à la demande. Le cas échéant, si le demandeur fonde son action sur plusieurs obligations, ce juge devra déterminer s’il existe une hiérarchie entre elles, lui permettant de connaître de l’ensemble du litige, conformément à l’arrêt Shenavai, précité.
65. Ensuite, le juge saisi du litige doit rechercher la loi qui, selon sa règle de conflit de lois, est applicable à l’obligation qui sert de base à la demande. Il devra ainsi, le cas échéant, se référer à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (24).
66. Selon le système institué par cette convention, la loi applicable au contrat est la loi choisie par les parties. À défaut, ladite convention pose le principe selon lequel le contrat doit être régi par la loi de l’État avec lequel il présente les liens les plus étroits et présume que, sauf exception, cet État est celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle au moment de la conclusion du contrat.
67. La loi matérielle qui se trouve ainsi sélectionnée peut également prendre la forme d’une convention internationale signée et ratifiée par l’État membre concerné, telle que la convention des Nations unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, signée à Vienne le 11 avril 1980.
68. Enfin, sur la base de la loi matérielle applicable, le juge doit déterminer le lieu d’exécution de l’obligation contractuelle litigieuse. Il ne peut retenir sa compétence que si ce lieu se trouve situé dans le domaine de sa compétence territoriale.
69. Cette méthode est donc complexe et elle passe par l’application de conventions internationales qui peuvent susciter chacune des difficultés sérieuses d’interprétation (25).
70. La troisième insuffisance de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles tient au fait que les règles prises en considération afin de déterminer le tribunal compétent ne sont pas les mieux à même de désigner la juridiction qui présente le lien de proximité le plus étroit avec le litige à trancher.
71. Nous avons vu que la possibilité ouverte au demandeur par cette disposition de déroger au principe général de la compétence des tribunaux du domicile du défendeur a pour objet de lui permettre de porter son action devant le tribunal qui se trouve le plus proche des données du litige.
72. Certes, cet objectif doit être concilié avec l’objectif de sécurité juridique et, plus particulièrement, celui de prévisibilité, qui sont poursuivis également par la convention de Bruxelles et dont la Cour a reconnu la primauté par rapport à l’objectif de proximité. En outre, l’existence d’un lien de rattachement entre le tribunal et le litige ne constitue pas en elle‑même le critère de compétence prévu à l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles, puisque le critère de compétence
énoncé expressément à cette disposition est le lieu d’exécution de l’obligation (26).
73. La primauté de l’objectif de sécurité juridique sur celui de proximité peut donc justifier que, dans une situation concrète, le tribunal saisi par le demandeur en application de l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles ne soit pas celui qui présente le lien de proximité le plus étroit avec le litige.
74. Cependant, le problème qui se pose dans le cadre de la mise en œuvre de cette disposition est plus général. Il tient au fait que les critères qui doivent être appliqués en vertu de la jurisprudence De Bloos et Tessili, précitée, n’ont pas été fixés en fonction de l’objectif de proximité.
75. En effet, en application de la méthode de détermination du lieu d’exécution dégagée par la jurisprudence de la Cour, celui‑ci doit être déterminé en application du droit matériel des États membres ou d’une convention internationale unifiant ce droit matériel, et ces textes n’ont pas pour objet de déterminer la compétence judiciaire. Il s’ensuit que, en ce qui concerne le paiement d’une somme d’argent, le tribunal dont la compétence se voit reconnue en application de cette méthode est celui du
domicile du débiteur ou du créancier selon que, dans le droit national applicable, le paiement est considéré comme quérable au domicile du débiteur ou bien portable au domicile du créancier.
76. Or, il est permis de penser que, dans tous les cas de figure, l’objectif de proximité ne prend réellement son sens et ne peut véritablement être satisfait que lorsque le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel a lieu l’exécution matérielle ou en nature du contrat. La compétence de ce tribunal se justifie ainsi parce que, en raison de sa proximité avec le lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat, il est le mieux placé pour apprécier les éléments de preuve
matériels ou testimoniaux invoqués par les parties ainsi que, le cas échéant, pour constater lui‑même les faits.
77. C’est au vu de ces considérations qu’il convient d’examiner le nouveau système de compétence optionnelle en matière contractuelle institué par le règlement nº 44/2001 et les objectifs poursuivis par celui‑ci.
c) Le nouveau système de compétence optionnelle en matière contractuelle institué par le règlement nº 44/2001
78. Lorsque nous examinons les objectifs poursuivis par le règlement n° 44/2001, nous constatons que, comme l’ensemble des mesures prises dans le domaine de la coopération judiciaire en matière civile, il a pour objet, conformément à l’article 65 CE, d’améliorer et de simplifier les règles existantes.
79. À cet effet et ainsi qu’il ressort de ses deuxième et onzième considérants, ledit règlement vise à unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale au moyen de règles de compétence qui présentent un «haut degré de prévisibilité».
80. En ce qui concerne le contenu de ces règles, celles‑ci s’articulent, comme dans la convention de Bruxelles, autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence, comme il est indiqué au onzième considérant du règlement n° 44/2001, doit toujours rester disponible. De même, comme dans ladite convention, cette compétence de principe doit être complétée par d’autres fors autorisés.
81. À cet égard, le législateur communautaire affirme expressément que c’est la proximité du juge avec le litige qui fonde ces compétences spéciales. Ainsi qu’il ressort du douzième considérant du règlement n° 44/2001, ces compétences spéciales sont autorisées en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice.
82. Afin de mettre en œuvre ces différents objectifs, le système de compétence optionnelle en matière contractuelle prévu par le règlement n° 44/2001 se distingue très clairement de celui de la convention de Bruxelles.
83. Ainsi, l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 fixe un critère de compétence autonome pour les deux types de contrat les plus fréquents dans les relations commerciales internationales, qui sont les contrats de vente de marchandises et de fourniture de services.
84. En outre, dans les deux cas de figure, ce critère de compétence autonome est le lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat, c’est‑à‑dire le lieu de livraison des marchandises en ce qui concerne le contrat de vente et le lieu de fourniture des services pour le contrat de prestation de services.
85. À ce stade de notre analyse, nous pouvons tirer les enseignements suivants du système institué par l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 et des objectifs poursuivis par ce règlement.
86. En premier lieu, en ce qui concerne les contrats de vente de marchandises et de fourniture de services, ce sont les dispositions de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 qui constituent, en quelque sorte, la règle de compétence spéciale «de principe». La disposition énoncée à l’article 5, point 1, sous a), de ce règlement, qui reprend l’ancienne règle de la convention de Bruxelles (27), n’a plus, pour ces deux types de convention, qu’un rôle purement subsidiaire. En effet,
comme l’indique expressément l’article 5, point 1, sous c), dudit règlement, le point a) de cette même disposition n’a vocation à s’appliquer que si le point b) de celle‑ci ne s’applique pas.
87. En deuxième lieu, la règle de compétence spéciale prévue à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 a vocation à s’appliquer à toutes les demandes fondées sur un contrat. En d’autres termes, comme le démontre l’exposé des motifs pour lesquels la Commission a proposé ce texte au Conseil de l’Union européenne le 14 juillet 1999 (28), le législateur communautaire a voulu mettre un terme à la multiplication des tribunaux pouvant connaître d’actions fondées sur le même contrat.
88. Le lieu de livraison des marchandises et le lieu de fourniture des services constituent désormais le critère de compétence pour toutes les actions pouvant être engagées sur le fondement d’un contrat de vente de marchandises ou d’un contrat de fourniture de services. Il s’applique quelle que soit l’obligation qui sert de base à la demande et lorsque la demande porte sur plusieurs obligations.
89. Il s’ensuit que l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 a vocation à s’appliquer à une demande qui tend, comme en l’espèce, au remboursement des marchandises en application d’une clause de reprise. Cette analyse est d’ailleurs partagée par la juridiction de renvoi, selon laquelle l’article 5, point 1, du règlement n° 44/2001 a prévu un élément de rattachement unique pour toutes les prétentions découlant d’un contrat, y compris, par conséquent, toutes les prétentions
contractuelles secondaires telles que celles en l’espèce.
90. En troisième lieu, comme dans le système institué par la convention de Bruxelles, l’existence d’un lien de rattachement entre le tribunal et le litige ne constitue pas en elle‑même le critère de compétence prévu à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001. Ce lien de rattachement ne constitue que le motif qui fonde cette compétence spéciale. Le critère de compétence est le lieu de livraison des marchandises ou celui de fourniture des services.
91. Il s’ensuit que l’objectif principal de cette disposition est la sécurité juridique, en vertu de laquelle les règles communes de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité. En retenant comme critère de compétence un critère autonome, le législateur communautaire abandonne le système complexe de détermination du lieu d’exécution du contrat, dégagé dans la jurisprudence Tessili, précitée. De même, en retenant comme critère autonome une donnée qui sera, le plus souvent, purement
factuelle et, par conséquent, aisément identifiable par les parties, il permet à celles-ci de prévoir raisonnablement quelle juridiction autre que celle de l’État du domicile du défendeur peut être saisie d’un litige découlant du contrat.
92. Dans le système institué par l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001, la sécurité juridique est ainsi assurée parce que les parties au contrat savent que toutes les actions découlant de ce contrat peuvent être portées devant le tribunal du lieu de livraison des marchandises ou celui du lieu de fourniture des services.
93. En outre, dans ce système, le motif qui fonde cette compétence spéciale est mieux pris en compte parce que le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel l’exécution de la prestation caractéristique du contrat doit avoir lieu. Par conséquent, si le contrat a été exécuté ou a reçu un commencement d’exécution matériel, le juge désigné sera bien, dans la plupart des cas, le plus proche physiquement des éléments de preuve qui pourraient être pertinents pour la solution du litige.
94. Il convient maintenant d’examiner si un tel système peut être appliqué et satisfaire aux objectifs du règlement n° 44/2001 en cas de pluralité de lieux d’exécution dans un seul État membre.
d) Sur l’application de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001 en cas de pluralité de lieux de livraison dans un seul État membre
95. Au regard des éléments qui précèdent, la question de savoir si l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 a vocation à s’appliquer en cas de pluralité de lieux de livraison conduit, en réalité, à examiner si, dans un tel cas de figure, l’objectif visant à assurer un haut degré de prévisibilité peut être satisfait.
96. Nous sommes d’avis que tel est bien le cas lorsque toutes les livraisons ont eu lieu sur le territoire d’un seul État membre.
97. Afin de déterminer le degré de prévisibilité auquel le défendeur est en droit de prétendre en vertu du règlement n° 44/2001, il convient, à notre avis, de se référer à l’objet principal de ce règlement.
98. Ledit règlement a pour objet principal, selon son deuxième considérant, d’unifier les règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution dans un État membre des décisions de justice rendues dans un autre État membre.
99. Il vise à résoudre les conflits de compétence dans le cadre de litiges internationaux. Comme l’expose à bon droit le gouvernement du Royaume‑Uni, le règlement n° 44/2001 détermine la compétence internationale des juridictions des États membres. Il tend ainsi à éviter que des procédures concurrentes soient engagées dans plusieurs États membres et que des décisions inconciliables soient rendues dans deux de ces États membres.
100. Cette vocation du règlement n° 44/2001 se trouve clairement exprimée à l’article 2 de celui‑ci, aux termes duquel les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre doivent être attraites «devant les juridictions de cet État membre». De même, l’article 5, point 1, sous b), de ce règlement indique dans quelles conditions, par dérogation à l’article 2 de celui‑ci, une telle personne «peut être attraite dans un autre État membre». Le règlement n° 44/2001, comme la convention de
Bruxelles (29), règle donc les conflits de compétence internationale entre les ordres juridictionnels des États membres.
101. Dès lors, la circonstance qu’il y ait plusieurs lieux de livraison à l’intérieur d’un même État membre et, le cas échéant, plusieurs tribunaux de cet État compétents pour connaître du litige ne met pas en cause la satisfaction de l’objectif poursuivi par le règlement n° 44/2001. En effet, même à supposer que plusieurs tribunaux de l’État membre concerné puissent être compétents en raison de la pluralité des lieux de livraison, il n’en demeure pas moins que tous ces tribunaux sont situés dans le
même État membre. Il n’y a donc pas de risque que des décisions inconciliables soient rendues par des juridictions d’États membres différents.
102. Certes, il pourrait être objecté à cette analyse le fait que le règlement n° 44/2001 n’a pas qu’une portée internationale, mais qu’il a aussi, dans une certaine mesure, une portée «territoriale». Ainsi, le tribunal compétent en vertu de l’article 5, point 1, sous b), de ce règlement n’est pas n’importe quelle juridiction de l’État membre concerné. Le législateur communautaire a voulu que le tribunal appelé à connaître du litige soit la juridiction nationale matériellement compétente dans le
ressort territorial de laquelle les marchandises ont été livrées ou les services ont été fournis.
103. Toutefois, cette précision vise simplement à garantir que le tribunal national compétent est bien celui qui, d’une manière générale, présente les liens les plus étroits avec les éléments matériels du litige. Cet objectif n’est pas méconnu en cas de pluralité de lieux de livraison au sein d’un même État membre. Lorsque, comme en l’espèce, la demande concerne indistinctement toutes les livraisons, tous les tribunaux dans le ressort territorial desquels une ou plusieurs de ces livraisons ont été
effectuées présentent bien tous le même lien de proximité avec les éléments matériels du litige. Par conséquent, quel que soit le tribunal saisi par le demandeur parmi ces juridictions et devant lequel devront être portées toutes les actions fondées sur le contrat liant les parties, l’objectif de proximité est satisfait.
104. Il s’ensuit que, comme la Commission l’a indiqué à bon droit, l’application de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 en cas de pluralité de lieux de livraison dans un seul État membre est conforme à l’objectif de proximité qui sous-tend cette règle de compétence spéciale.
105. Enfin, lorsque nous examinons à présent la question du point de vue de la situation concrète du défendeur, nous ne croyons pas non plus que l’application de l’option en cause en cas de pluralité de lieux de livraison sur le territoire d’un État membre soit contraire à la protection qu’il est en droit d’attendre du règlement n° 44/2001.
106. Le défendeur, partie à un contrat de vente internationale, doit s’attendre à ce que, en vertu de l’option ouverte au demandeur par l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001, il soit attrait, éventuellement, devant une juridiction d’un État membre autre que celui de son domicile. Le défendeur sait que le demandeur, conformément à cette disposition, a la faculté de l’attraire devant le tribunal du lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat. Dans la présente affaire,
LEXX International Vertrieb, qui a livré les marchandises en cause en Autriche, devait savoir que, en cas de litige, Color Drack pouvait l’attraire devant une juridiction autrichienne.
107. Nous ne croyons pas qu’il y ait, pour le défendeur, une différence significative entre une livraison unique et une pluralité de livraisons pouvant conduire à une pluralité de juridictions compétentes dans un seul État membre. La principale difficulté pour une société ou un particulier engagé dans un litige international est de pourvoir à la défense de ses intérêts dans un État autre que le sien. Cette société ou ce particulier se trouve ainsi contraint de sélectionner un conseil avec lequel il
lui est possible de communiquer et qui connaît la langue, la procédure et le fonctionnement des tribunaux de cet autre État. Une fois que le défendeur a trouvé ce conseil et qu’il a décidé de lui accorder sa confiance, la question de savoir si ce dernier doit le représenter, dans ledit État, devant le tribunal d’une ville ou celui d’une autre n’a réellement d’incidence que sur le montant de ses frais.
108. En outre, en cas de pluralité de lieux de livraison dans un même État membre, le défendeur, qui connaît ces lieux puisqu’ils sont déterminés conventionnellement, est en mesure de prévoir devant quels tribunaux de cet État il pourrait éventuellement être attrait en prenant connaissance des règles nationales applicables.
109. Enfin, dans l’appréciation de la portée de l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001, il convient de rappeler que les parties au contrat ont la faculté de restreindre ou d’écarter la possibilité d’utiliser l’option de compétence prévue par cette disposition. Ainsi, elles peuvent fixer d’un commun accord, parmi les différents lieux de livraison, celui qui doit être retenu comme critère de compétence. L’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 prévoit en effet que les
critères de compétence autonome ont vocation à s’appliquer «sauf convention contraire».
110. De même, les parties au contrat peuvent également désigner le ou les tribunaux compétents pour connaître des litiges nés de ce contrat par une convention attributive de compétence passée dans les formes requises par l’article 23 du règlement n° 44/2001.
111. C’est au vu de ces considérations que nous sommes d’avis que l’option de compétence prévue à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 est applicable en cas de pluralité de lieux de livraison lorsque ces lieux sont situés sur le territoire d’un seul État membre.
112. Cette position ne nous paraît pas aller à l’encontre de la solution retenue par la Cour dans l’arrêt Besix, précité.
113. Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il s’agissait de savoir si l’option de compétence prévue à l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles était applicable dans le cas où l’obligation servant de base à la demande avait consisté en une clause d’exclusivité, par laquelle deux entreprises s’étaient engagées l’une envers l’autre à agir ensemble dans le cadre d’un marché public et de ne pas se lier à d’autres partenaires.
114. La Cour a jugé que cette option de compétence n’était pas applicable dans une telle hypothèse, parce que l’obligation contractuelle litigieuse consistait en une obligation de ne pas faire qui ne comportait aucune limitation géographique. Dès lors, la Cour a constaté qu’il n’était pas possible de déterminer un lieu unique d’exécution, puisque l’obligation en cause devait être exécutée dans tous les États membres.
115. Cette solution n’est pas transposable, selon nous, lorsque tous les lieux d’exécution du contrat se situent dans un seul État membre (30).
116. Il convient à présent d’examiner si, en vertu du règlement nº 44/2001, le demandeur peut porter son action devant le tribunal du lieu de livraison de son choix ou devant le tribunal d’un lieu d’exécution en particulier.
B – Sur le point de savoir si, en vertu de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001, le demandeur peut porter son action devant le tribunal du lieu de livraison de son choix ou devant le tribunal d’un lieu d’exécution en particulier
117. La Commission soutient que si, parmi les différentes livraisons, l’une revêt un caractère principal alors que les autres apparaissent comme des livraisons secondaires, le demandeur devrait porter son action devant le tribunal du lieu d’exécution de la livraison principale. À défaut de livraison principale, le demandeur pourrait attraire le défendeur devant le tribunal de l’un des lieux de livraison, à sa convenance.
118. La Commission propose ainsi de transposer, dans le cadre de l’article 5, point 1, sous b), du règlement nº 44/2001, la distinction entre obligation principale et obligation accessoire, dégagée dans l’arrêt Shenavai, précité.
119. Nous ne sommes pas favorable à la proposition de la Commission pour les motifs suivants.
120. En premier lieu, nous sommes d’avis que cette proposition ne trouve pas de fondement dans le règlement nº 44/2001.
121. L’article 5, point 1, sous b), de ce règlement, ainsi que nous l’avons vu, vise à attribuer à un tribunal unique toutes les actions fondées sur un même contrat. Il prévoit, en outre, que ce tribunal est celui du lieu d’exécution de la prestation caractéristique du contrat afin qu’il puisse être déterminé aisément par les parties et qu’il corresponde, en général, à la juridiction qui présente le lien de proximité le plus étroit avec les éléments du litige.
122. Nous avons déjà indiqué que l’objectif de prévisibilité poursuivi par le règlement nº 44/2001 est satisfait à partir du moment où tous les lieux d’exécution se situent dans le même État membre, le défendeur sachant que, à défaut de convention contraire, il peut être assigné devant le tribunal de l’un de ces lieux d’exécution.
123. Nous avons vu également que, dès lors que la demande concerne indistinctement toutes les livraisons, tous les tribunaux dans le ressort territorial desquels une livraison est intervenue présentent la même proximité avec les éléments du litige. L’objectif de proximité, qui sous‑tend l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001, est donc satisfait de la même manière si le demandeur attrait le défendeur devant le tribunal de n’importe quel lieu de livraison (31).
124. Au regard de ces considérations, nous ne trouvons pas, dans le règlement nº 44/2001, de bonne raison pour introduire de nouveaux critères destinés à déterminer quel tribunal devrait être saisi en cas de pluralité de lieux de livraison lorsque la demande concerne toutes les livraisons.
125. En second lieu, nous sommes d’avis que la thèse de la Commission, si elle était suivie, aurait pour conséquence de réintroduire, dans le système de compétence optionnelle en matière contractuelle prévu par le règlement n° 44/2001, des critères complexes que le législateur communautaire a manifestement voulu abandonner. Il serait, en effet, très difficile pour les parties à un contrat de déterminer clairement à partir de quand une livraison revêt un caractère principal. Une telle qualification
serait de nouveau dépendante de précisions qui ne pourraient être apportées que par la jurisprudence.
126. C’est pourquoi nous ne croyons pas que le règlement nº 44/2001 justifie de prévoir des critères tels que ceux envisagés par la Commission afin de déterminer devant le tribunal de quel lieu de livraison le défendeur devrait être attrait.
127. Pour autant, nous ne croyons pas non plus que le règlement nº 44/2001 confère au demandeur un droit de porter son action devant le tribunal de n’importe quel lieu de livraison. Nous ne pensons pas que ce règlement vise à garantir au demandeur une telle liberté de choix. Ce que l’article 5, point 1, sous b), dudit règlement requiert est, selon nous, que le demandeur puisse attraire le défendeur devant le tribunal de l’un des lieux de livraison des marchandises et que ce tribunal connaisse de
tous les litiges relatifs au même contrat. En d’autres termes, cette disposition impose que le demandeur puisse attraire le défendeur devant un tribunal dans le ressort territorial duquel une livraison a été effectuée et que ce tribunal soit la seule juridiction nationale compétente pour connaître de tous les litiges afférents au contrat de vente de marchandises liant les parties.
128. Cependant, la question de savoir si tous les tribunaux dans le ressort desquels une livraison a été effectuée sont compétents pour connaître d’une telle demande, qui concerne toutes les livraisons, ou bien si ce type de litige ressortit à la compétence d’un de ces tribunaux en particulier relève, à notre avis, de l’autonomie procédurale de l’État membre sur le territoire duquel les marchandises ont été livrées.
129. C’est donc dans la mesure où le droit de cet État membre ne prévoirait pas de règles de compétence spéciale que le défendeur, lorsque la demande concerne toutes les livraisons, peut être assigné devant le tribunal de l’un des lieux de livraison, au choix du demandeur.
130. Au vu de ces éléments, nous proposons de répondre à la question posée par l’Oberster Gerichtshof que l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 est applicable en cas de pluralité de lieux de livraison lorsque les marchandises, conformément à ce qui a été convenu par les parties, ont été livrées en différents endroits situés sur le territoire d’un seul État membre. Lorsque la demande concerne toutes les livraisons, la question de savoir si le demandeur peut attraire le défendeur
devant le tribunal du lieu de livraison de son choix ou uniquement devant le tribunal de l’un de ces lieux relève du droit de l’État membre sur le territoire duquel les marchandises ont été livrées. Si le droit de cet État ne prévoit pas de règles de compétence spéciale, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison de son choix.
IV – Conclusion
131. Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre de la manière suivante à la question préjudicielle posée par l’Oberster Gerichtshof:
«L’article 5, point 1, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, est applicable en cas de pluralité de lieux de livraison lorsque les marchandises, conformément à ce qui a été convenu par les parties, ont été livrées en différents endroits situés sur le territoire d’un seul État membre. Lorsque la demande concerne toutes les livraisons, la question de
savoir si le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison de son choix ou uniquement devant le tribunal de l’un de ces lieux relève du droit de l’État membre sur le territoire duquel les marchandises ont été livrées. Si le droit de cet État ne prévoit pas de règles de compétence spéciale, le demandeur peut attraire le défendeur devant le tribunal du lieu de livraison de son choix.»
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1 – Langue originale: le français.
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2 – Règlement du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
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3 – (JO 1972, L 299, p. 32). Convention telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord (JO L 304, p. 1, et – texte modifié – p. 77), par la convention du 25 octobre 1982 relative à l’adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), par la convention du 26 mai 1989 relative à l’adhésion du Royaume d’Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1) ainsi que par la
convention du 29 novembre 1996 relative à l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède (JO 1997, C 15, p. 1). Une version consolidée de la convention de Bruxelles, telle que modifiée par ces quatre conventions d’adhésion, a été publiée (JO 1998, C 27, p. 1, ci‑après la «convention de Bruxelles»).
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4 – Trois États membres, le Royaume de Danemark, l’Irlande et le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, ont obtenu de ne pas participer en principe aux mesures prises sur le fondement du titre IV du traité. Néanmoins, l’Irlande et le Royaume‑Uni ont accepté d’être liés par le règlement n° 44/2001 (voir vingtième considérant de celui‑ci). Le Royaume de Danemark a également accepté d’appliquer le règlement n° 44/2001 en vertu d’un accord du 19 octobre 2005, approuvé par la décision
2005/790/CE du Conseil, du 20 septembre 2005, relative à la signature de l’accord, au nom de la Communauté, entre la Communauté européenne et le Royaume de Danemark sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 299, p. 61). Conformément à l’article 68 du règlement n° 44/2001, la convention de Bruxelles continue de s’appliquer à la partie de territoire des États membres qui ne relève pas du champ d’application du traité, tel qu’il
est défini à son article 299. Enfin, le règlement n° 44/2001 s’applique depuis le 1^er mai 2004 aux dix nouveaux États membres de l’Union européenne.
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5 – Article 66 du règlement.
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6 – Dix‑neuvième considérant du règlement n° 44/2001.
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7 – Ci-après «Color Drack».
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8 – Ci-après «LEXX International Vertrieb».
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9 – Le gouvernement allemand se réfère, à cet égard, à la version allemande («der Ort in einem Mitgliedstaat»), à la version anglaise («the place in a Membre State») et à la version française («le lieu d’un État membre»).
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10 – Arrêt du 19 février 2002 (C‑256/00, Rec. p. I‑1699).
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11 – Arrêts du 16 mai 2002, Schilling et Nehring (C‑63/00, Rec. p. I‑4483, point 24), ainsi que du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco (C‑491/01, Rec. p. I‑11453, points 203 à 206 et jurisprudence citée). Voir, pour une application récente, arrêt du 14 décembre 2006, ASML (C‑283/05, non encore publié au Recueil, points 16 et 22).
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12 – Devenu article 293 CE.
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13 – Arrêt du 13 juillet 1993, Mulox IBC (C‑125/92, Rec. p. I‑4075, point 11).
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14 – JO 1979, C 59, p. 1 et 22.
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15 – 14/76, Rec. p. 1497, points 11 et 13.
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16 – Cette interprétation a été confirmée lors de la conclusion de la convention du 9 octobre 1978 relative à l’adhésion du Royaume de Danemark, de l’Irlande et du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, laquelle a modifié, dans certaines versions linguistiques, l’article 5, point 1, de la convention de Bruxelles afin de préciser que l’obligation dont le lieu d’exécution détermine le tribunal compétent en matière contractuelle est «l’obligation qui sert de base à la demande». La même
formule a été reprise à l’article 5, point 1, sous a), du règlement nº 44/2001.
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17 – Arrêt du 6 octobre 1976 (12/76, Rec. p. 1473, point 13).
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18 – Arrêt Besix, précité (point 27 et jurisprudence citée).
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19 – Arrêt du 5 octobre 1999 (C‑420/97, Rec. p. I‑6747).
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20 – Arrêt du 15 janvier 1987 (266/85, Rec. p. 239).
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21 – Ibidem (point 19).
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22 – Arrêt Besix, précité (point 26 et jurisprudence citée).
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23 – Ibidem (point 25).
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24 – JO L 266, p. 1, ci‑après la «convention de Rome». Dans la mesure où la convention de Bruxelles contient des options de compétence permettant au demandeur de choisir entre les tribunaux d’États membres différents, les États membres pouvaient craindre que le demandeur choisisse de porter son action devant un tribunal pour la seule raison que la loi applicable dans celui-ci lui serait plus favorable. La convention de Rome a pour objet de réduire ce risque, communément appelé le «forum shopping»,
en déterminant la loi nationale matérielle applicable par le juge qui connaît du litige. Elle vise ainsi à ce que la solution au fond soit la même, quel que soit le tribunal choisi par les parties au litige. Cette convention est applicable dans les quinze États membres de l’Union avant l’élargissement du 1^er mai 2004. Les dix États membres qui ont adhéré à l’Union à cette même date ont également signé la convention de Rome le 14 avril 2005. Le 14 janvier 2003, la Commission a engagé des démarches
afin de transformer cette convention en un règlement. Le 15 décembre 2005, elle a présenté une proposition de règlement en ce sens [proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), COM(2005) 650 final].
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25 – Voir, notamment, en ce qui concerne la convention de Rome, le problème de l’articulation entre son article 4, paragraphe 2, qui prévoit une présomption en faveur de la loi de la résidence habituelle de la partie qui doit fournir la prestation caractéristique du contrat, et son article 4, paragraphe 5, qui dispose que cette présomption doit être écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre État.
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26 – Arrêt du 29 juin 1994, Custom Made Commercial (C‑288/92, Rec. p. I‑2913, points 14 et 15).
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27 – Rappelons que l’article 5, point 1, sous a), du règlement n° 44/2001 prévoit que, «en matière contractuelle, [une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre,] devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée».
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28 – Proposition de règlement (CE) du Conseil concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [COM(1999) 348 final].
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29 – Voir, à cet égard, arrêt Besix, précité (point 25).
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30 – La solution retenue dans l’arrêt Besix, précité, serait transposable, à notre avis, si les lieux de livraison se situaient dans des États membres différents. Dans une telle hypothèse, nous sommes d’avis que l’option de compétence prévue à l’article 5, point 1, sous b), du règlement n° 44/2001 ne serait pas applicable parce que l’objectif de prévisibilité ne pourrait pas être atteint, les tribunaux éventuellement compétents en vertu de cette disposition se situant sur le territoire de plusieurs
États membres. Nous sommes également d’avis que, dans un tel cas de figure, compte tenu de l’objectif de prévisibilité des règles de compétence poursuivi par le règlement n° 44/2001 et des difficultés d’application de l’article 5, point 1, sous a), de ce règlement, cette dernière disposition ne serait pas non plus applicable. Cette dernière disposition, en raison de son caractère purement subsidiaire, devrait voir son application cantonnée à l’hypothèse visée par la Commission dans sa proposition de
règlement de 1999, c’est‑à‑dire lorsque le lieu de livraison des marchandises ou celui de fourniture des services se situe dans un État tiers. Lorsque les marchandises sont livrées ou lorsque les services sont fournis dans plusieurs États membres, le tribunal compétent ne pourrait être, selon nous, que celui du domicile du défendeur, conformément au principe énoncé à l’article 2 du règlement n° 44/2001.
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31 – La situation serait différente si la demande concernait spécialement les marchandises d’une ou de plusieurs livraisons en particulier. Dans un tel cas de figure, nous sommes d’avis que l’objectif de proximité qui sous‑tend l’article 5, point 1, du règlement nº 44/2001 obligerait le demandeur à porter son action devant le tribunal ou l’un des tribunaux du lieu de livraison de ces marchandises.