ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)
13 décembre 2006
Affaire F-17/05
José António de Brito Sequeira Carvalho
contre
Commission des Communautés européennes
« Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé de maladie d’office »
Objet : Recours, introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA, par lequel M. de Brito Sequeira Carvalho demande, notamment, au Tribunal de constater l’inexistence de la décision de la Commission, du 18 juin 2004, le plaçant en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois, d’annuler tous les actes ultérieurs qui se réfèrent à cette décision, la confirment ou visent à en prolonger les effets, ainsi que de condamner la Commission à réparer les préjudices matériel et moral que ladite
décision a causés à sa famille et à lui‑même.
Décision : La décision du 13 juillet 2004 de la Commission interdisant au requérant l’accès aux bâtiments de la Commission est annulée. La décision du 22 septembre 2004 de la Commission prolongeant de six mois le congé de maladie d’office du requérant et les décisions subséquentes de prolongation dudit congé sont annulées. Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. La Commission supporte ses propres dépens et les deux tiers des dépens exposés par le requérant.
Sommaire
1. Procédure – Procédure orale – Dépôt de pièces nouvelles à l’audience – Conditions
2. Fonctionnaires – Dossier individuel – Interdiction de prise en compte d’éléments n’y figurant pas
(Statut des fonctionnaires, art. 26, alinéa 2)
3. Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé d’office
(Statut des fonctionnaires, art. 2, § 1, et 59, § 5)
4. Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé d’office
(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, et 59, § 5)
5. Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé d’office
(Statut des fonctionnaires, art. 59, § 5)
6. Actes des institutions – Acte inexistant – Notion
(Statut des fonctionnaires, art. 59, § 5)
7. Procédure – Délais de recours – Forclusion – Erreur excusable – Notion
8. Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé d’office
(Statut des fonctionnaires, art. 59, § 5)
9. Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé d’office
(Statut des fonctionnaires, art. 59, § 5, alinéa 1)
10. Fonctionnaires – Recours – Arrêt d’annulation – Effets – Obligation d’adopter des mesures d’exécution
(Art. 23 CE ; statut des fonctionnaires, art. 59, § 5)
1. Si aucune disposition du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, ne prévoit expressément les conditions dans lesquelles des pièces nouvelles peuvent être déposées à
l’audience, la pratique constante du juge communautaire, inspirée par le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense, est de n’accepter le versement de telles pièces au dossier que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, pour des motifs valables, elles n’ont pu être produites au cours de la procédure écrite.
(voir point 31)
Référence à :
Tribunal de première instance : 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, point 22
2. S’il est vrai que les dispositions de l’article 26, deuxième alinéa, du statut font interdiction à une institution d’opposer à un fonctionnaire ou d’alléguer contre lui des pièces devant figurer dans son dossier individuel et qui ne lui auraient pas été communiquées avant classement au dossier, de sorte qu’une décision de l’administration fondée sur de telles pièces encourt ainsi l’annulation, ces dispositions n’ont, en revanche, pas pour objet de permettre au Tribunal d’écarter certaines
pièces de la procédure contentieuse.
(voir point 39)
Référence à :
Tribunal de première instance : 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 42
3. Une décision de mise en congé d’office, signée par une autorité qui n’est pas habilitée à cet effet selon les dispositions relatives à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination en vigueur dans l’institution concernée, est entachée d’incompétence en l’absence d’une délégation régulière de pouvoir ou de signature, et ce même si le signataire a pris ladite décision en plein accord avec l’autorité compétente. Par ailleurs, le fait que celle‑ci a
été informée de la décision et l’a confirmée postérieurement ne peut exercer d’influence sur la compétence de son signataire.
(voir points 52 à 57)
4. L’obligation de motivation d’une décision mettant un fonctionnaire en congé de maladie d’office en application de l’article 59, paragraphe 5, du statut doit se concilier avec les nécessités du secret médical qui laissent chaque médecin – sauf circonstances exceptionnelles – juge de la possibilité de communiquer aux patients qu’il soigne ou examine la nature des affections dont ils pourraient être atteints. Cette conciliation s’opère par la faculté, pour l’intéressé, de demander et d’obtenir
que les motifs d’inaptitude soient communiqués au médecin traitant de son choix.
À cet égard, le médecin-conseil de l’institution est tenu de communiquer l’avis médical sur la base duquel a été prise la décision de mise en congé d’office à un médecin désigné par le fonctionnaire intéressé dans un délai raisonnable et, en tout état de cause, inférieur au délai de réclamation, afin que ce dernier, informé par son médecin, soit en mesure de contester, en connaissance de cause, les motifs de sa mise en congé de maladie d’office. Un refus de communiquer cet avis laisse le
fonctionnaire dans l’ignorance des raisons médicales ayant conduit à décider sa mise en congé de maladie d’office. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que la décision de mise en congé d’office est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire et lui permettant de comprendre la portée d’une mesure qui le concerne personnellement.
De surcroît, des modalités particulières de communication de la motivation d’une telle décision, plus exigeantes pour l’institution, peuvent s’imposer pour tenir compte de la situation spéciale des fonctionnaires qui, en raison de leurs troubles mentaux, ne sont pas entièrement capables de défendre leurs intérêts, à la différence de ceux qui ne souffrent pas de tels troubles. L’incapacité de l’intéressé d’agir pour son propre compte et d’apprécier l’existence même de sa maladie peut impliquer, le
cas échéant, une obligation positive de la part de l’institution, confrontée à la passivité de l’intéressé, de prendre contact avec un médecin ou une autre personne le représentant.
(voir points 67 à 69 et 72)
Référence à :
Cour : 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, points 14 à 16
Tribunal de première instance : 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, point 36 ; 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, Rec. p. II‑1465, point 62
5. Les appréciations médicales proprement dites, émises par les commissions médicales et d’invalidité, doivent être tenues pour définitives dès lors qu’elles sont intervenues dans des conditions régulières. Cela vaut également pour les avis du médecin-conseil de l’institution ayant conduit à une mise en congé de maladie d’office si l’avis médical contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles les conclusions qu’il contient sont basées et s’il a établi un lien
compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles il arrive.
(voir points 81 à 84)
Référence à :
Cour : 10 décembre 1987, Jänsch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 15
Tribunal de première instance : 27 février 1992, Plug/Commission, T‑165/89, Rec. p. II‑367, point 75 ; 15 décembre 1999, Nardone/Commission, T‑27/98, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1293, point 30 ; 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, RecFP p. I‑A‑113 et II‑497, point 43 ; 12 mai 2004, Hecq/Commission, T‑191/01, RecFP p. I‑A‑147 et II‑659, point 62
6. Le juge communautaire, s’inspirant des principes dégagés par les ordres juridiques nationaux, ne déclare inexistants que les actes qui sont entachés de vices particulièrement graves et évidents. La gravité des conséquences qui s’attachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation, qui peut être faite à tout moment, soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes.
Tel n’est pas le cas d’une décision de mise en congé d’office signée par une autorité non habilitée à le faire, dont le vice d’incompétence, dans les circonstances de l’espèce, n’apparaît pas d’une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante. Il en va ainsi même si cette décision est également entachée d’un défaut de motivation grave, mais qui, en l’absence d’une intention de nuire à l’intéressé, et compte tenu de l’existence d’un lien
compréhensible entre la mise en congé d’office et les raisons médicales retenues par l’administration, ne présente pas un caractère exceptionnel d’évidence et de gravité.
(voir points 106, 107 et 111)
Référence à :
Cour : 10 décembre 1957, Société des usines à tubes de la Sarre/Haute Autorité, 1/57 et 14/57, Rec. p. 201, 220 ; 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555 ; 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec. p. I‑8923
7. Dans le cadre de la réglementation communautaire relative aux délais de recours, la notion d’erreur excusable doit être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence requise d’une personne normalement
avertie.
Le requérant est en droit d’invoquer une erreur excusable susceptible de justifier la tardiveté de son recours lorsque, notamment, l’acte faisant grief attaqué ne se présente pas comme une décision, mais comme le simple rappel d’une conséquence d’une décision antérieure. Une telle formulation, en effet, est de nature à induire en erreur le requérant sur la nature dudit acte en lui faisant croire qu’il ne constitue pas une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en
annulation.
(voir points 116, 119 et 120)
Référence à :
Cour : 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, points 26 à 28
Tribunal de première instance : 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89, Rec. p. II‑249, points 34 à 36 ; 3 février 1998, Polyvios/Commission, T‑68/96, Rec. p. II‑153, point 43
8. La mise en congé de maladie d’office d’un fonctionnaire et l’interdiction d’accès aux bâtiments de son institution sont des mesures distinctes, cette dernière n’étant pas, dans tous les cas, l’accessoire de la première. Il s’ensuit qu’une décision de mise en congé de maladie d’office n’implique pas nécessairement l’interdiction totale d’accès aux locaux de l’institution. Cette interdiction, par ailleurs, n’est pas de la compétence du médecin-conseil de l’institution.
(voir points 122 et 123)
9. L’article 59, paragraphe 5, premier alinéa, du statut concernant la mise en congé de maladie d’office d’un fonctionnaire doit être interprété comme imposant que la prolongation d’un tel congé soit, au même titre que le placement initial en congé, décidée après un examen médical. En effet, cette disposition, en n’autorisant la mise en congé d’office d’un fonctionnaire que lorsque son état de santé l’exige ou lorsqu’une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer, limite implicitement,
mais nécessairement, la durée de ce congé à ce qui est strictement nécessaire. Si un nouvel examen médical n’était pas requis avant que ne soit décidée la prolongation, un tel congé pourrait être prolongé par l’administration sans prise en considération de l’état de santé du fonctionnaire.
Cette disposition implique, pour l’administration, l’obligation de vérifier que tout fonctionnaire est placé dans la position statutaire correspondant à son état de santé et d’assurer un réexamen périodique de cet état à des intervalles raisonnables. Une telle obligation serait violée si l’administration laissait au seul fonctionnaire le soin et l’initiative de l’informer de l’évolution de sa maladie.
(voir points 127 à 130)
10. L’annulation, par le juge communautaire, d’une décision de prolongation de la mise en congé de maladie d’office d’un fonctionnaire implique nécessairement que le requérant soit replacé en position d’activité de manière rétroactive à compter de la date à laquelle ont pris fin les effets de la décision le plaçant en congé de maladie d’office.
(voir point 136)
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)
13 décembre 2006 (*)
« Fonctionnaires – Congé de maladie – Mise en congé de maladie d’office »
Dans l’affaire F‑17/05,
ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,
José António de Brito Sequeira Carvalho, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par M^e K. H. Hagenaar, puis par M^es O. Martins et M. Boury, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. J. Currall, puis par M. D. Martin, en qualité d’agents, assistés de M^e C. Falmagne, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (troisième chambre),
composé de MM. P. Mahoney, président, H. Kanninen et S. Gervasoni (rapporteur), juges,
greffier : M. S. Boni, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 septembre 2006,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 4 avril 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 11 avril suivant), M. de Brito Sequeira Carvalho demande, notamment, au Tribunal de constater l’inexistence de la décision de la Commission des Communautés européennes du 18 juin 2004 le plaçant en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois, d’annuler tous les actes ultérieurs qui se réfèrent à cette décision, la
confirment ou visent à en prolonger les effets ainsi que de condamner la Commission à réparer les préjudices matériel et moral que la décision du 18 juin 2004 a causés à sa famille et à lui-même.
Cadre juridique
2 Aux termes de l’article 59 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa version postérieure au 1^er mai 2004 (ci-après le « statut ») :
« 1. Le fonctionnaire qui justifie être empêché d’exercer ses fonctions par suite de maladie ou d’accident bénéficie de plein droit d’un congé de maladie.
L’intéressé doit aviser, dans les délais les plus brefs, son institution de son indisponibilité en précisant le lieu où il se trouve. Il est tenu de produire, à partir du quatrième jour de son absence, un certificat médical. Ce certificat doit être envoyé au plus tard le cinquième jour de l’absence, le cachet de la poste faisant foi. À défaut, et sauf si le certificat n’est pas envoyé pour des raisons indépendantes de la volonté du fonctionnaire, l’absence est considérée comme injustifiée.
Le fonctionnaire en congé de maladie peut, à tout moment, être soumis à un contrôle médical organisé par l’institution. Si ce contrôle ne peut avoir lieu pour des raisons imputables à l’intéressé, son absence est considérée comme injustifiée à compter du jour où le contrôle était prévu.
Si le contrôle médical révèle que le fonctionnaire est en mesure d’exercer ses fonctions, son absence, sous réserve de l’alinéa ci-après, est considérée comme injustifiée à compter du jour du contrôle.
Si le fonctionnaire estime que les conclusions du contrôle médical organisé par l’autorité investie du pouvoir de nomination sont médicalement injustifiées, le fonctionnaire ou un médecin agissant en son nom peut, dans les deux jours, saisir l’institution d’une demande d’arbitrage par un médecin indépendant.
L’institution transmet immédiatement cette demande à un autre médecin désigné d’un commun accord par le médecin du fonctionnaire et le médecin-conseil de l’institution. À défaut d’un tel accord dans les cinq jours, l’institution choisit l’une des personnes inscrites sur la liste de médecins indépendants constituée chaque année à cette fin d’un commun accord par l’autorité investie du pouvoir de nomination et le comité du personnel. Le fonctionnaire peut contester, dans un délai de deux jours
ouvrables, le choix de l’institution, auquel cas celle-ci choisit une autre personne dans la liste ; ce nouveau choix est définitif.
L’avis du médecin indépendant donné après consultation du médecin du fonctionnaire et du médecin-conseil de l’institution est contraignant. Lorsque l’avis du médecin indépendant confirme les conclusions du contrôle organisé par l’institution, l’absence est traitée comme une absence injustifiée à compter du jour dudit contrôle. Lorsque l’avis du médecin indépendant ne confirme pas les conclusions dudit contrôle, l’absence est traitée à tous égards comme une absence justifiée.
2. Lorsque les absences pour maladie sans certificat médical non supérieures à trois jours dépassent, sur une période de douze mois, un total de douze jours, le fonctionnaire est tenu de produire un certificat médical pour toute nouvelle absence pour cause de maladie. L’absence est considérée comme injustifiée à compter du treizième jour d’absence pour maladie sans certificat médical.
3. Sans préjudice de l’application des dispositions relatives aux procédures disciplinaires, le cas échéant, toute absence considérée comme injustifiée au titre des paragraphes 1 et 2 est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante.
4. L’autorité investie du pouvoir de nomination peut saisir la commission d’invalidité du cas du fonctionnaire dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans.
5. Le fonctionnaire peut être mis en congé d’office à la suite d’un examen pratiqué par le médecin-conseil de l’institution, si son état de santé l’exige ou si une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer.
En cas de contestation, la procédure prévue au paragraphe 1, cinquième à septième alinéas, s’applique.
[…] »
Faits à l’origine du litige
3 M. de Brito Sequeira Carvalho est fonctionnaire de grade A*11 à la direction générale (DG) « Développement » de la Commission.
4 Le requérant a attiré l’attention de sa hiérarchie sur son comportement à partir de 1999 par l’envoi de rapports, études et critiques en tous genres, rédigés de sa propre initiative, et envoyés tant à ladite hiérarchie qu’aux États membres.
5 En 2001, un avis a été demandé au service médical sur la santé mentale du requérant. Le 7 mars 2001, le requérant a eu un entretien avec les docteurs Heisbourg et Mancini, qui ont fait état dans leur compte rendu de son « état pathologique ». Ce constat n’a pas été porté à la connaissance de l’intéressé et il ne lui a été réservé aucune suite dans l’immédiat.
6 Le 20 avril 2001, M^me de Solà, alors chef de l’unité « Procédures disciplinaires et administratives » de la direction générale (DG) « Personnel et administration », a eu un entretien avec le requérant pour lui rappeler ses obligations de fonctionnaire communautaire et, plus spécialement, la nécessaire séparation de ses activités privées et professionnelles.
7 Le comportement du requérant ayant donné lieu à des plaintes à partir d’octobre 2003, le service médical lui a adressé des convocations auxquelles l’intéressé s’est abstenu de déférer. Le 18 mars 2004, le directeur général de la DG « Développement » a demandé au directeur général de la DG « Personnel et administration » de « prendre les mesures qui s’imposent […] ».
8 Devant l’insistance du docteur Dolmans, conseiller médical au service médical de la Commission, le requérant a accepté de passer, le 19 mai 2004, un examen psychiatrique auprès du docteur Owieczka, médecin psychiatre, qui a été complété par un examen psychologique, réalisé le 31 mai 2004 par M^me Kept, psychologue clinicienne. Dans son rapport en date du 4 juin 2004, le docteur Owieczka a diagnostiqué « une décompensation d’une personnalité paranoïaque avec des risques sub-délirants » et a
considéré que l’état du patient nécessitait un arrêt de travail de longue durée.
9 Par note du 16 juin 2004, le docteur Dolmans a demandé à M. Theodorakis, alors directeur général faisant fonction de la DG « Développement », de mettre le requérant en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois.
10 Le 18 juin 2004, M. Theodorakis a décidé la mise en congé d’office du requérant pour une durée de trois mois et lui a notifié sa décision le jour même.
11 Le 22 juin 2004, le requérant a demandé à bénéficier d’un examen d’arbitrage, conformément à l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéa, du statut.
12 Le 28 juin 2004, M. Reichenbach, directeur général de la DG « Personnel et administration », a confirmé la décision du 18 juin 2004, sans toutefois indiquer la durée pour laquelle la mise en congé d’office était décidée.
13 Par note du 13 juillet 2004, le docteur Dolmans a informé le requérant que sa mise en congé de maladie d’office impliquait que l’accès aux bâtiments de la Commission lui était désormais défendu.
14 En dépit de longues tractations, la demande d’arbitrage par un médecin indépendant n’a pas abouti, le requérant ayant refusé de se soumettre à l’examen du docteur Denys, désigné d’un commun accord en janvier 2005 par le médecin-conseil de la Commission et le médecin représentant le malade, conformément à la procédure prévue par l’article 59 du statut.
15 Par une décision en date du 22 septembre 2004, l’administration a prolongé le congé de maladie d’office du requérant jusqu’au 31 mars 2005. Le congé a ensuite été prolongé pour une nouvelle période de six mois, puis jusqu’au 30 juin 2006.
16 Le requérant a saisi l’administration de plusieurs réclamations qui ont toutes été rejetées.
17 Ainsi, le 22 juillet 2004, le requérant a introduit une première réclamation contre la décision le mettant en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois. Cette réclamation a été rejetée par une décision du 18 novembre 2004, notifiée au requérant le 22 novembre suivant.
18 Le 18 octobre 2004, le requérant a également introduit une réclamation à l’encontre de la décision du 22 septembre 2004 prolongeant son congé de maladie d’office. Le rejet, en date du 22 décembre 2004, de cette deuxième réclamation lui a été notifié le 3 janvier 2005.
19 Le 21 mars 2005, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre du refus de la Commission de lui donner accès à son dossier administratif, laquelle a aussi été rejetée par une décision en date du 2 août 2005.
20 Le 18 avril 2005, le requérant a introduit une réclamation contre les effets de deux décisions qui lui ont été opposées mais qui ne lui auraient pas été notifiées. L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rendu une décision de rejet le 4 août 2005.
Procédure et conclusions des parties
21 Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑145/05.
22 Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance a renvoyé l’affaire devant le Tribunal, en application de l’article 3 paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p.7). Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑17/05.
23 Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal de première instance, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier, le Tribunal a demandé, en date du 10 mai 2006, à la Commission de déposer à son greffe un exemplaire du dossier individuel du requérant, de lui communiquer deux documents et de
répondre par écrit à plusieurs questions. Il a été déféré à ces demandes.
24 Par télécopie parvenue au greffe du Tribunal le 10 septembre 2006, le requérant a demandé à être autorisé à verser au dossier, lors de l’audience, un ensemble de pièces nouvelles.
25 Par télécopie parvenue le 12 septembre 2006, le requérant a transmis au greffe du Tribunal le texte des commentaires qu’il entendait présenter à l’audience sur les réponses écrites apportées par la Commission aux questions du Tribunal.
26 Le requérant conclut, dans sa requête, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– déclarer l’inexistence et la nullité de la décision en date du 18 juin 2004 par laquelle M. Theodorakis, alors directeur général faisant fonction de la DG « Développement », l’a placé en congé de maladie d’office avec effet au 21 juin 2004 ;
– annuler ou retirer tous les actes ultérieurs qui se réfèrent, confirment ou visent à prolonger les prétendus effets de la décision du 18 juin 2004 ;
– ordonner la cessation des voies de fait dont il est victime, sous peine d’une astreinte à fixer par le Tribunal ;
– ordonner le paiement d’un dédommagement pour les conséquences préjudiciables de la décision du 18 juin 2004 estimé à titre provisionnel à une somme de 30 000 euros, sur un dommage estimé à 300 000 euros ;
– mettre à la charge de l’administration les frais de justice et dépens.
27 Le requérant a modifié ses conclusions dans son mémoire en réplique, dans lequel il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater le défaut de qualité d’AIPN de M. Theodorakis ;
– déclarer l’inopposabilité de la décision du 18 juin 2004 à la partie défenderesse et l’annuler ;
– annuler tous les actes ultérieurs qui se réfèrent, confirment ou visent à prolonger les prétendus effets de la décision du 18 juin 2004 ;
– condamner la Commission ex aequo et bono au paiement d’un dédommagement pour les conséquences morales et matérielles préjudiciables pour lui et pour sa famille de la décision du 18 juin 2004, estimé à titre provisionnel à une somme de 30 000 euros, sur un dommage estimé à 300 000 euros sous toutes réserves et sans préjudice d’augmentation en cours d’instance ;
– condamner la Commission ex aequo et bono au paiement d’un dédommagement additionnel pour les conséquences morales et matérielles extrêmement graves et difficilement réparables pour lui et pour sa famille advenant de la confection et la mise en circulation depuis 2001, y compris à l’extérieur de la Commission et même à la résidence privée du requérant, par des fonctionnaires de cette institution et sans que le requérant le sache, d’un prétendu document médical le déclarant « malade mental »,
un prétendu document médical qui intègre un dossier parallèle constitué et utilisé pour lui porter préjudice et dont l’existence a été confirmée par la nature et la teneur des pièces qui composent le mémoire en défense de la Commission, estimé à titre provisionnel à une somme de 100 000 euros, sur un dommage estimé à 1 000 000 euros ;
– condamner la Commission ex aequo et bono au paiement d’un dédommagement additionnel pour les conséquences morales et matérielles extrêmement graves et difficilement réparables pour lui et pour sa famille advenant de la mauvaise tenue et l’utilisation de son dossier administratif personnel, ainsi que pour le contenu préjudiciable, la mauvaise tenue et l’irrégularité des pièces portant son nom qui ont été incluses dans le mémoire en défense de la Commission et dont quelques-unes ont été
envoyées par l’AIPN au juge d’instruction du tribunal de première instance de Bruxelles, estimé à titre provisionnel à une somme de 75 000 euros sur un dommage estimé à 750 000 euros ;
– condamner la Commission à supporter les dépens.
28 Le requérant conclut également à ce qu’il plaise au Tribunal, avant de statuer au fond :
– inviter l’administration à déposer un dossier administratif complet et dûment inventorié le concernant ;
– ordonner des mesures d’instruction quant à la question de l’existence d’un dossier parallèle se trouvant en divers endroits à identifier, notamment au sein des services de la Commission ;
– prévoir une audience où il sera dressé inventaire et procès-verbal des pièces opposables et non opposables au demandeur au cours de la suite de la procédure ;
– en ce cas, réserver les frais de justice et dépens.
29 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
Sur l’adjonction au dossier des documents communiqués par le requérant au Tribunal les 10 et 12 septembre 2006
30 Les 10 et 12 septembre 2006, soit postérieurement à la clôture de la procédure écrite, le requérant a adressé au greffe du Tribunal un ensemble de documents et de nouvelles écritures, qu’il indiquait avoir l’intention de déposer à l’audience.
31 Si aucune disposition du règlement de procédure du Tribunal de première instance ne prévoit expressément les conditions dans lesquelles des pièces nouvelles peuvent être déposées à l’audience, la pratique constante du juge communautaire, inspirée par le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense, est de n’accepter le versement de telles pièces au dossier que dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, pour des motifs valables, elles n’ont pu être produites au
cours de la procédure écrite (arrêt du Tribunal de première instance du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T‑71/96, RecFP p. I‑A‑339 et II‑921, point 22).
32 En l’espèce, le requérant n’a justifié ni de circonstances exceptionnelles ni de motifs valables pour n’avoir pas produit ces pièces nouvelles au cours de la procédure écrite.
33 Il s’ensuit que lesdites pièces ne peuvent être versées au dossier.
Sur les conclusions tendant à ce que certaines pièces soient écartées de la procédure
Arguments des parties
34 Le requérant demande au Tribunal de considérer comme preuves nulles et non avenues pour la procédure les pièces B 1, B 4, B 5, B 7, B 43 et B 44 annexées au mémoire en défense de la Commission. Il considère qu’elles ne lui sont pas opposables devant le Tribunal en vertu de l’article 26 du statut et des principes de légalité, de loyauté, de confiance légitime et de respect des droits. Le requérant demande néanmoins au Tribunal de considérer lesdites pièces comme des pièces à conviction et des
preuves de la machination de longue durée menée contre lui.
35 Le requérant demande également que soient écartées les pièces B 10, B 12, B 18, B 26, B 27, B 34, B 35, B 37, B 45 et B 46 annexées au mémoire en défense de la Commission, aux motifs qu’elles ne sont pas présentées en bonne et due forme en termes administratifs, qu’elles sont produites en violation de l’article 26 du statut, du code de bonne conduite administrative de la Commission, des droits statutaires du requérant et des principes de légalité et de loyauté des preuves qui lui sont
opposables, et qu’elles pourraient, en conséquence, induire le Tribunal en erreur et faire obstacle au droit légitime du requérant à un procès équitable.
36 Le requérant demande enfin au Tribunal d’écarter de la procédure la pièce B 16 annexée au mémoire en défense pour les motifs énoncés précédemment et, en outre, parce que cette pièce serait de nature à porter préjudice à un tiers absent de l’instance.
Appréciation du Tribunal
37 S’agissant des pièces B 1, B 4, B 5, B 7, B 43 et B 44 annexées au mémoire en défense de la Commission, le requérant demande conjointement au Tribunal de les considérer comme preuves nulles et non avenues pour la procédure et comme pièces à conviction et preuves de la machination dont il se dit victime. Eu égard à leur caractère contradictoire, le Tribunal n’est pas en mesure de statuer sur ces conclusions, qu’il y a lieu, en conséquence, de rejeter.
38 À l’appui de ses conclusions tendant à ce que soient écartées de la procédure les pièces B 10, B 12, B 18, B 26, B 27, B 34, B 35, B 37, B 45 et B 46 ainsi que la pièce B 16 annexées au mémoire en défense de la Commission, le requérant soutient, d’une part, que ces pièces ont été présentées en violation du code de bonne conduite administrative de la Commission, des droits statutaires du requérant et des principes de légalité et de loyauté des preuves qui lui sont opposables, et qu’elles
pourraient induire le Tribunal en erreur en faisant obstacle au droit légitime à un procès équitable. À défaut d’être assortis d’une quelconque explication ou précision, ces griefs ne peuvent qu’être écartés.
39 Le requérant soutient, d’autre part, que les pièces mentionnées au point précédent ont été présentées en violation de l’article 26 du statut des fonctionnaires. À supposer que le requérant ait entendu se prévaloir des dispositions de l’article 26, deuxième alinéa, du statut, ces dispositions font interdiction à l’institution d’opposer à un fonctionnaire ou d’alléguer contre lui des pièces devant figurer dans son dossier individuel et qui ne lui auraient pas été communiquées avant classement
au dossier. Une décision de l’administration fondée sur de telles pièces encourt ainsi l’annulation en application de l’article 26, deuxième alinéa, du statut (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 5 mars 1997, Rozand-Lambiotte/Commission, T‑96/95, RecFP p. I‑A‑35 et II‑97, point 42). Ces dispositions n’ont, en revanche, pas pour objet de permettre au Tribunal d’écarter certaines pièces de la procédure contentieuse.
40 Le requérant soutient enfin que la pièce B 16 annexée au mémoire en défense porterait préjudice à un tiers absent du litige et que cette pièce devrait, en conséquence, être écartée de la procédure. Il convient également de rejeter cette demande qui ne peut être regardée comme étayée, dès lors que le requérant n’indique ni en quoi ni à qui cette pièce serait de nature à porter préjudice.
41 Il résulte de ce qui précède que les demandes du requérant tendant à ce que certaines pièces soient écartées de la procédure doivent être rejetées.
Sur les conclusions dirigées contre la décision de mise en congé d’office du 18 juin 2004
1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 18 juin 2004
42 La Commission a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions en annulation susmentionnées.
Arguments des parties
43 La Commission fait valoir que la requête a été présentée plus de trois mois après le rejet, notifié le 22 novembre 2004, de la réclamation présentée par l’intéressé à l’encontre de la décision du 18 juin 2004 le plaçant en congé de maladie d’office et que les conclusions de la requête dirigées contre cette décision sont, par conséquent, tardives. Dans sa réplique, le requérant n’a pas contesté cette présentation des faits.
Appréciation du Tribunal
44 La réclamation contre la décision du 18 juin 2004 plaçant le requérant en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois a été introduite le 22 juillet 2004 et a fait l’objet d’une décision de rejet, en date du 18 novembre 2004. Il n’est pas contesté que la réponse à la réclamation a été notifiée au requérant le 22 novembre 2004.
45 Or, en vertu de l’article 91, paragraphe 3, du statut, un recours en annulation contre une décision de l’administration doit être formé dans un délai de trois mois à compter du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation.
46 En l’espèce, ce délai était depuis longtemps dépassé à la date de l’enregistrement de la requête au greffe du Tribunal de première instance, à savoir le 4 avril 2005.
47 Il s’ensuit que, comme le fait valoir la Commission, les conclusions de la requête tendant à l’annulation de la décision du 18 juin 2004 sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.
2. Sur les conclusions tendant à ce que le Tribunal déclare la décision du 18 juin 2004 inexistante
Observations liminaires
48 Une demande de déclaration d’inexistence est recevable hors délai. Mais, afin de préserver la stabilité des relations juridiques, la qualification d’inexistence est réservée aux actes entachés d’une irrégularité dont la gravité est si évidente qu’elle ne peut être tolérée par l’ordre juridique communautaire et qui doivent en conséquence être réputés n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire (voir, notamment, arrêt de la Cour du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec.
p. I‑8923, point 19).
49 Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu des irrégularités alléguées, il est nécessaire d’examiner, en premier lieu, les moyens de la requête dirigées contre la décision du 18 juin 2004 et d’apprécier, en second lieu, si les illégalités dont cette décision est entachée, le cas échéant, présentent un caractère d’évidence et de gravité justifiant qu’elle soit déclarée inexistante.
Analyse des moyens
Sur le moyen tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 18 juin 2004
– Arguments des parties
50 S’agissant de la recevabilité du moyen, le requérant soutient que M. Theodorakis, directeur général faisant fonction de la DG « Développement » à la date du 18 juin 2004, n’était pas compétent pour signer la décision le plaçant en congé de maladie d’office, puisqu’en vertu des articles 2 et 7 du statut, le directeur général de la DG « Personnel et administration » est l’AIPN. La Commission fait valoir que le moyen tiré de l’incompétence de M. Theodorakis est irrecevable, faute d’avoir été
soulevé dans la réclamation préalable. Sur le fond, l’institution répond que M. Theodorakis agissait en plein accord avec M. Reichenbach, directeur général de la DG « Personnel et administration », qui ne s’est nullement opposé à la décision du 18 juin 2004 dont il a reçu copie et qu’il a confirmée expressément par la décision du 28 juin 2004, en précisant que le requérant était mis en congé d’office à compter de ce même jour.
– Appréciation du Tribunal
51 Sans même qu’il soit nécessaire de s’interroger quant à la présence en substance, dans la réclamation, d’un grief pouvant être rattaché au présent moyen, il y a lieu de rappeler que le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur d’un acte faisant grief est un moyen d’ordre public. Il appartient dès lors, en tout état de cause, au Tribunal de l’examiner d’office (voir arrêt du Tribunal de première instance du 13 juillet 2006, Vounakis/Commission, T‑165/04, non encore publié au Recueil, point 30,
et la jurisprudence citée).
52 Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du statut, « [c]haque institution détermine les autorités qui exercent en son sein les pouvoirs dévolus par le présent statut à l’[AIPN] ».
53 En vertu de la table des AIPN annexée à la décision COM (2004) 1606 de la Commission, du 28 avril 2004, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) et par le régime applicable aux autres agents (RAA) à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (AHCC), publiée aux Informations administratives n° 31‑2004, du 5 mai 2004, les pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN en ce qui concerne la mise en
congé d’office sont exercés par le directeur général de la DG « Personnel et administration ».
54 Or, la décision du 18 juin 2004 a été signée par M. Theodorakis, alors directeur général faisant fonction de la DG « Développement ».
55 À supposer même que, comme le soutient la Commission, M. Theodorakis ait pris la décision en plein accord avec le directeur général de la DG « Personnel et administration », le directeur général faisant fonction de la DG « Développement » ne pouvait cependant pas agir compétemment sans bénéficier d’une délégation régulière de pouvoir ou de signature aux fins de signer la décision de mise en congé d’office. Or, il n’est pas même allégué que M. Theodorakis était titulaire d’une telle
délégation.
56 Par ailleurs, si le directeur général de la DG « Personnel et administration » a été informé de la décision du 18 juin 2004 et s’il l’a confirmée le 28 juin 2004, ces circonstances, qui sont postérieures à l’édiction de la décision du 18 juin 2004, ne peuvent exercer d’influence sur la compétence de son signataire.
57 Il résulte de ce qui précède que la décision du 18 juin 2004 est entachée d’incompétence.
Sur le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision du 18 juin 2004
– Arguments des parties
58 Le requérant soutient que l’ensemble des pièces sur lesquelles la décision du 18 juin 2004 prend appui ne lui a été communiqué qu’au cours de l’instance. L’accès à son dossier médical aurait, en particulier, été refusé à son médecin, le docteur Pelissolo. Quant aux autres documents au vu desquels l’administration a décidé sa mise en congé d’office, notamment le rapport du docteur Mancini, du 7 mars 2001, exposant le diagnostic fait par elle et par le docteur Heisbourg sur sa santé mentale et
les pièces faisant état des perturbations entraînées dans le service par son comportement, le requérant en aurait ignoré l’existence. Par ces observations, le requérant doit être regardé comme soulevant le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision le plaçant en congé d’office.
59 La Commission répond à ce moyen dans son mémoire en défense. S’agissant de son refus d’autoriser l’accès au dossier médical du requérant, elle fait valoir que, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 59 du statut visant à contester un contrôle médical effectué à la demande de l’institution, le médecin indépendant choisi par le requérant aurait pu avoir connaissance des éléments médicaux pertinents et du rapport du docteur Owieczka, si le requérant n’avait pas fait échouer cette
procédure. Quant aux pièces de l’enquête menée à l’égard du requérant, la Commission soutient dans son mémoire en duplique qu’elle était en droit de ne pas les lui communiquer et de ne pas les verser à son dossier administratif (arrêt du Tribunal de première instance du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T‑86/97, RecFP p. I‑A‑167 et II‑521, points 33 et 36).
– Appréciation du Tribunal
60 Aux termes de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, « toute décision faisant grief doit être motivée ».
61 La décision de mise en congé d’office, signée le 18 juin 2004 et notifiée le jour même au requérant, est rédigée de la façon suivante :
« Nous vous informons que le [s]ervice médical nous a demandé de vous mettre en congé de maladie d’office pour une durée de trois mois.
Cette mesure prend effet à partir du lundi 21 juin 2004.
Nous vous souhaitons un prompt rétablissement. »
62 Le texte de la décision ne comporte ainsi aucune motivation.
63 Toutefois, ainsi que l’a jugé la Cour, notamment dans un arrêt du 23 mars 1988, Hecq/Commission (19/87, Rec. p. 1681, point 16), pour savoir si une décision faisant grief satisfait à l’exigence de motivation prévue par le statut, il convient de prendre en considération non seulement les documents par lesquels la décision est communiquée, mais également les circonstances dans lesquelles celle-ci a été prise et portée à la connaissance de l’intéressé. À cet égard, il y a lieu d’examiner,
notamment, si le requérant était déjà en possession des informations sur lesquelles la Commission a fondé sa décision.
64 La décision du 18 juin 2004 a été prise par M. Theodorakis à la demande du docteur Dolmans, médecin-conseil de l’institution. Cette demande était motivée par les conclusions du rapport psychiatrique sur la santé mentale du requérant rédigé par le docteur Owieczka en date du 4 juin 2004.
65 Or, le requérant soutient dans son mémoire en réplique que ce rapport n’a été porté à sa connaissance qu’en août 2005, comme pièce annexe au mémoire en défense produit par l’institution dans le cadre de la présente instance.
66 Le requérant déclare dans sa requête qu’il a été convoqué vers le 15 juin 2004 par le docteur Dolmans et que celui-ci lui a déclaré qu’au vu du rapport établi par le docteur Owieczka, dont il ne pouvait pas lui communiquer le contenu, il allait le mettre en congé de maladie d’office en application des dispositions de l’article 59 du statut. Compte tenu de la spécialité du docteur Owieczka, le requérant pouvait supposer qu’un diagnostic défavorable avait été posé sur sa santé mentale, mais, à
la date de sa mise en congé d’office, il continuait d’ignorer lequel.
67 Il est vrai que l’obligation de motivation doit se concilier avec les nécessités du secret médical qui laissent chaque médecin – sauf circonstances exceptionnelles – juge de la possibilité de communiquer aux patients qu’il soigne ou examine la nature des affections dont ils pourraient être atteints. Cette conciliation s’opère par la faculté, pour l’intéressé, de demander et d’obtenir que les motifs d’inaptitude soient communiqués au médecin traitant de son choix (voir, en ce sens, arrêt de
la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, points 14 et 15). Le médecin-conseil de l’institution pouvait donc légalement refuser que le rapport psychiatrique du docteur Owieczka soit communiqué au requérant lui-même.
68 En revanche, le médecin-conseil était dès lors tenu de communiquer ce rapport à un médecin désigné par le requérant dans un délai raisonnable et en tout état de cause inférieur au délai de réclamation (voir, notamment, arrêt de la Cour du 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, point 16, et arrêt du Tribunal de première instance du 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, point 36), afin que le requérant, informé par son médecin, soit en mesure de
contester, en connaissance de cause, les motifs de sa mise en congé de maladie d’office.
69 Or, il ressort des pièces du dossier que l’institution a refusé la communication du rapport du docteur Owieczka aux médecins qui en ont fait la demande au nom du requérant, comme l’atteste notamment le courrier du docteur Pélissolo au requérant en date du 13 octobre 2004. Ainsi, le requérant a été laissé dans l’ignorance des raisons médicales ayant conduit à décider sa mise en congé de maladie d’office. Dans ces conditions, il ne saurait être soutenu que la décision du 18 juin 2004 est
intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et lui permettant de comprendre la portée d’une mesure qui le concerne personnellement (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, Rec. p. II‑1465, point 62).
70 À supposer que la Commission ait finalement adressé le 16 décembre 2004, comme elle le soutient, le rapport du docteur Owieczka au docteur Pélissolo, cette communication, postérieure à la décision de rejet de la réclamation prise le 18 novembre 2004, est intervenue trop tardivement pour permettre à l’administration de satisfaire à l’obligation de motivation qui lui incombait.
71 La Commission fait valoir que le retard avec lequel elle aurait transmis le rapport du docteur Owieczka au médecin désigné par le requérant serait imputable au retard avec lequel celui-ci aurait décidé d’engager la procédure de contestation de l’avis médical du médecin-conseil, en application des dispositions de l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéa, du statut et, en particulier, au retard avec lequel il aurait désigné le médecin chargé de le représenter dans cette
procédure. Cependant, la Commission ne peut valablement prétendre subordonner le respect de l’obligation de motiver ses décisions faisant grief qui lui incombe à l’exercice par le requérant de la faculté de contester, selon la procédure statutaire susmentionnée, un avis médical émis par le médecin-conseil de l’institution. En outre, l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut mentionne la saisine de l’institution non seulement par le fonctionnaire mais aussi par « un médecin agissant en
son nom », ce qui présuppose que, pour être en mesure d’émettre l’avis selon lequel « les conclusions du contrôle médical organisé par [l’AIPN] sont médicalement injustifiées », le médecin ait déjà eu la possibilité d’étudier le rapport médical en question.
72 De surcroît, des modalités particulières, plus exigeantes pour l’institution, de communication de la motivation de la décision de mise en congé de maladie d’office peuvent s’imposer pour tenir compte de la situation spéciale des fonctionnaires qui, en raison de leurs troubles mentaux, ne sont pas entièrement capables de défendre leurs intérêts, à la différence de ceux qui ne souffrent pas de tels troubles. L’incapacité de l’intéressé d’agir pour son propre compte et d’apprécier l’existence
même de sa maladie peut impliquer, le cas échéant, une obligation positive de la part de l’institution, confrontée à la passivité de l’intéressé, de prendre contact avec un médecin ou une autre personne le représentant. En l’occurrence, le service médical de la Commission, par l’intermédiaire du docteur Dolmans, était saisi d’un rapport psychiatrique qui diagnostiquait chez le requérant « une décompensation d’une personnalité paranoïaque avec des risques sub-délirants ». Or, selon ses propres dires,
la Commission a estimé qu’elle pouvait s’acquitter de son obligation de motivation dans le seul cadre de la procédure statutaire d’arbitrage. Si le raisonnement de la Commission était retenu, un fonctionnaire qui ne conteste pas, en vertu de l’article 59, paragraphe 5, deuxième alinéa, du statut, sa mise en congé d’office pour motif de maladie mentale grave ne se verrait pas nécessairement communiquer le rapport issu de l’examen pratiqué par le médecin-conseil de l’institution, avec le risque d’être
laissé sans traitement adéquat.
73 Enfin, la mise en congé de maladie du requérant n’a pas été décidée d’office pour des motifs uniquement médicaux. Ainsi qu’il ressort notamment de la décision de rejet de la réclamation prise le 18 novembre 2004 et du mémoire en défense, confirmés par les courriers de M. Richelle du 18 mars 2004 et de M. Theodorakis du 9 juillet 2004, la décision de mise en congé d’office a également été prise en raison du comportement du requérant jugé perturbateur pour le service.
74 Pourtant, il ressort des pièces du dossier que ce motif essentiel de la mise en congé de maladie d’office n’a pas non plus été porté à la connaissance de l’intéressé lors de la notification de la décision du 18 juin 2004. Même la réponse du 18 novembre 2004 à la réclamation du requérant n’évoque le comportement de celui-ci dans le service que pour expliquer que sa hiérarchie a été conduite à suspecter une altération de sa santé mentale et à solliciter un avis du service médical. L’AIPN a
ainsi méconnu l’obligation qui pesait sur elle de communiquer à l’intéressé tous les motifs de sa décision pour lui permettre d’en apprécier le bien-fondé et de la contester, le cas échéant, en connaissance de cause.
75 Il résulte de tout ce qui précède que la décision du 18 juin 2004 n’a pas satisfait à l’obligation de motivation énoncée par l’article 25 du statut.
Sur le moyen tiré de l’erreur de diagnostic
– Arguments des parties
76 Le requérant soutient que la décision le plaçant en congé de maladie d’office est entachée d’une erreur de fait, puisqu’il venait d’être déclaré en bonne santé aux termes d’un contrôle médical. Divers médecins ayant confirmé qu’il était en parfaite santé physique et mentale, la compétence professionnelle et le sérieux du docteur Owieczka et de la psychologue M^me Kept seraient sujets à caution.
77 Selon la Commission, le requérant confond santé physique et santé mentale. En arguant du fait que son bilan de santé annuel serait parfaitement normal, le requérant « ne répond[rait] pas de manière pertinente à la motivation du congé pour maladie d’office, à savoir sa santé mentale ».
78 La mise en congé de maladie d’office relèverait fondamentalement d’une appréciation médicale et donc de la compétence des médecins, seuls habilités à examiner les questions d’ordre médical. Le juge communautaire se refuserait à contrôler les appréciations médicales proprement dites.
79 Le seul moyen pour le requérant de s’opposer aux conclusions du contrôle médical organisé par l’AIPN aurait d’ailleurs été de prendre part à la procédure d’arbitrage prévue à cet effet à l’article 59, paragraphe 1, cinquième alinéa, du statut. Or, bien que cette possibilité lui ait été rappelée à plusieurs reprises, il aurait refusé de coopérer malgré la souplesse témoignée par l’administration. L’ensemble des certificats « à qui de droit » avancés par le requérant ne saurait se substituer à
la procédure expressément prévue par le statut en cas de contestation.
– Appréciation du Tribunal
80 Le requérant produit plusieurs avis médicaux contredisant celui du médecin-conseil de la Commission, le docteur Dolmans, porté sur sa santé mentale et établi au vu du rapport psychiatrique du docteur Owieczka.
81 Toutefois, d’une part, l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéa, du statut prévoit le cadre dans lequel les appréciations médicales du médecin-conseil de l’institution peuvent être contestées. Or, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait échouer cette procédure en refusant de se soumettre à un examen psychiatrique par un médecin indépendant.
82 D’autre part, il résulte de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal de première instance que le juge communautaire n’exerce pas de contrôle sur les appréciations médicales proprement dites émises par les commissions médicales et d’invalidité. Il convient, en l’espèce, de transposer cette jurisprudence à l’avis du médecin-conseil.
83 Selon cette jurisprudence, les appréciations médicales doivent être tenues pour définitives dès lors qu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (arrêts du Tribunal de première instance 15 décembre 1999, Nardone/Commission, T‑27/98, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1293, point 30, et du 12 mai 2004, Hecq/Commission, T‑191/01, RecFP p. I‑A‑147 et II‑659, point 62).
84 Le Tribunal est en revanche compétent pour examiner si l’avis médical contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles les conclusions qu’il contient sont basées et s’il a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles il arrive (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1987, Jänsch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 15 ; du Tribunal de première instance du 27 février 1992,
Plug/Commission, T‑165/89, Rec. 1992 p. II‑367, point 75, et du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, RecFP p. I‑A‑113 et II‑497, point 43).
85 Dès lors qu’il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause le diagnostic posé par le docteur Owieczka sur la santé mentale du requérant, il est difficile d’affirmer que la recommandation de ce médecin de faire bénéficier l’intéressé d’un arrêt de travail de longue durée ne présente pas un lien compréhensible avec la maladie mentale qu’il a diagnostiquée, eu égard à la gravité de cette dernière.
86 En conséquence, le moyen tiré de l’erreur de diagnostic dont serait entaché l’avis du médecin-conseil doit être regardé, comme non fondé.
Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir
– Arguments des parties
87 Le requérant soutient que le véritable but de la décision du 18 juin 2004 serait sa mise à l’écart du service de la Commission et que cette décision constituerait l’aboutissement d’une stratégie de longue date en vue de nuire à sa carrière.
88 Comme le prouverait la réponse de la Commission en date du 11 juin 2002 à la réclamation du requérant relative à la disparition de son nom des listes de promotion A 4 de la Commission en 2001, alors qu’il figurait sur ces listes au titre des exercices 1999 et 2000, la carrière du requérant aurait été bloquée par des interventions non motivées faites en marge des règles et des procédures statutaires.
89 Un diagnostic médical aurait été posé à son insu sur sa santé mentale par le docteur Mancini, le 8 mars 2001. De même, toutes les pièces sur lesquelles l’administration se serait appuyée pour décider sa mise en congé de maladie d’office lui auraient été dissimulées. Un dossier parallèle aurait été constitué, en violation aussi bien des règles du statut que des principes de confiance légitime et de non-discrimination. Le refus persistant de l’administration de lui permettre d’accéder à son
dossier administratif comme à son dossier médical serait destiné à éviter la mise au jour d’un détournement de pouvoir et de procédure.
90 La décision de mise en congé de maladie d’office constituerait une sanction disciplinaire déguisée, l’administration ayant pris conscience de l’impossibilité d’obtenir la mise à l’écart recherchée par la voie d’une procédure disciplinaire. C’est pourquoi l’enquête diligentée dans ce but à son encontre en 2001, comme il ressort du mémoire en défense de la Commission, aurait tourné court, se limitant à une audition informelle du requérant par M^me de Solà, qui n’aurait, à la connaissance du
requérant, jamais donné lieu à un procès-verbal.
91 L’affirmation contenue dans le mémoire en défense selon laquelle le requérant se serait fait remarquer depuis 1999 par l’envoi de rapports, études et critiques en tous genres tant à la hiérarchie de la Commission qu’aux États membres de l’Union européenne serait dépourvue de fondement. Aucun grief de cette nature ne figurerait dans ses rapports de notation et d’évaluation.
92 Le requérant aurait été convoqué au premier trimestre 2004 par la directrice du service du personnel de la DG « Développement » dans le but de lui proposer de figurer sur la liste des fonctionnaires de cette même direction générale mis en situation de « dégagement ».
93 Pour le contraindre à se rendre chez le docteur Dolmans et à se soumettre à l’examen psychiatrique du docteur Owieczka, il aurait été demandé à un membre du service de sécurité de la Commission de le menacer d’une mise en congé de maladie d’office.
94 La circonstance que le docteur Dolmans l’aurait fait physiquement expulser de son bureau le 13 juillet 2004, devant ses collègues, mettrait en lumière la malveillance de l’administration à son endroit.
95 Enfin, sa « révocation déguisée » serait contraire à l’intérêt du service puisque sa manière de servir aurait toujours été jugée favorablement dans ses rapports de notation.
96 Dans ses écritures, la Commission n’a pas répondu au moyen tiré du détournement de pouvoir. Elle a contesté ce grief à l’audience, en soutenant que la décision du 18 juin 2004 n’aurait été inspirée que par des considérations médicales.
– Appréciation du Tribunal
97 Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre un but autre que celui poursuivi par la réglementation en cause (arrêts de la Cour du 25 février 1987, Banner/Parlement, 52/86, Rec. p. 979, point 6, et du 8 juin 1988, Vlachou/Cour des comptes, 135/87, Rec. p. 2901, point 27).
98 Le requérant soutient que le but poursuivi par l’administration était sa mise à l’écart du service.
99 Cependant, le fait que l’administration ait effectivement décidé de mettre le requérant à l’écart du service de la Commission en le plaçant en congé pour maladie d’office ne suffit pas à démontrer qu’elle ait recherché cette mise à l’écart en tant que telle.
100 Ainsi qu’il a été exposé précédemment, au point 87, la mise en congé de maladie d’office doit, en l’état du dossier, être regardée comme motivée par l’état de la santé mentale du requérant. Dans ces conditions, même l’ensemble des agissements illégaux reprochés à l’administration, à les supposer établis, ne permettrait pas de considérer que la Commission a fait usage des dispositions de l’article 59, paragraphe 5, du statut dans un but illégitime.
101 Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.
Sur les autres moyens de la requête
102 Le requérant soutient, en premier lieu, que M. Theodorakis a usé de son autorité hiérarchique pour lui faire signer l’accusé de réception de la décision du 18 juin 2004 avant de verser celle-ci dans son dossier administratif. Ce moyen, qui est tiré des conditions de la notification de la décision du 18 juin 2004, est sans effet sur la légalité de cet acte et doit, en conséquence, être rejeté.
103 Le requérant soutient, en deuxième lieu, que la décision du 18 juin 2004 constitue une voie de fait et, en troisième lieu, qu’il a fait l’objet d’un traitement discriminatoire, inhumain, dégradant et contraire au respect de la dignité humaine. Toutefois, ces moyens ne sont pas assortis des précisions permettant d’en apprécier la portée et le bien-fondé et doivent, par suite, être écartés.
3. Sur l’existence de la décision du 18 juin 2004
Arguments des parties
104 Le requérant soutient que la décision du 18 juin 2004 est entachée d’une irrégularité si évidente qu’elle ne peut être tolérée dans l’ordre juridique communautaire. Cette décision devrait ainsi être réputée n’avoir produit aucun effet juridique, même provisoire, c’est-à-dire être regardée comme juridiquement inexistante.
105 La Commission objecte que la jurisprudence de la Cour réserve la constatation de l’inexistence d’un acte des Communautés à des actes entachés d’une irrégularité particulièrement grave et évidente, dans des hypothèses tout à fait extrêmes, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l’espèce.
Appréciation du Tribunal
106 Le juge communautaire, s’inspirant des principes dégagés par les ordres juridiques nationaux, ne déclare inexistants que les actes qui sont entachés de vices particulièrement graves et évidents (arrêt de la Cour du 10 décembre 1957, Société des usines à tubes de la Sarre/Haute Autorité, 1/57 et 14/57 Rec. p. 201, 220). La gravité des conséquences qui s’attachent à la constatation de l’inexistence d’un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique,
cette constatation, qui peut être faite à tout moment, soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (arrêts de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C‑137/92 P, Rec. p. I‑2555, et Commission/Grèce, précité).
107 Dans le présent litige, le vice d’incompétence dont la décision du 18 juin 2004 est entachée n’apparaît pas, dans les circonstances de l’espèce, d’une gravité à ce point évidente que ladite décision doive être regardée comme juridiquement inexistante. Si l’administration n’a, dans la décision du 28 juin 2004, fait aucune mention de la décision du 18 juin 2004, paraissant ainsi nier l’existence matérielle de cette dernière décision, cette circonstance est seulement constitutive d’un indice de
ce que l’AIPN était consciente de l’irrégularité des conditions d’adoption de ladite décision. Elle ne permet nullement d’établir que la décision du 18 juin 2004 serait juridiquement inexistante.
108 En revanche, le manquement constaté à l’obligation de motivation de la décision du 18 juin 2004 présente un caractère de gravité certain. En effet, selon la jurisprudence communautaire, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 23 février 1994,
Coussios/Commission, T‑18/92 et T‑68/92, RecFP p. I‑A‑47 et II-171, point 45). Or, compte tenu de la gravité de l’objet de la décision du 18 juin 2004, à savoir la mise en congé de maladie d’office du requérant, et de l’importance pour l’intéressé d’en connaître le motif, c’est-à-dire un diagnostic de maladie mentale, l’exigence de motivation de ladite décision était particulièrement élevée.
109 Si le médecin-conseil de la Commission était en droit, ainsi qu’il a été exposé aux points 67 et 68, de refuser de communiquer au requérant lui-même le rapport psychiatrique dont ce dernier avait fait l’objet, il ne pouvait en revanche opposer le même refus à ses médecins, comme il l’a fait illégalement. Ainsi qu’il ressort clairement du mémoire en duplique, l’erreur commise par l’administration réside dans le fait qu’elle a cru qu’elle n’était tenue de communiquer ledit rapport psychiatrique
que dans le cadre de la procédure prévue en cas de contestation à l’article 59, paragraphe 1, cinquième à septième alinéa, du statut.
110 En outre, le refus d’indiquer au requérant les considérations d’intérêt du service ayant motivé sa mise en congé d’office, lesquelles ne se heurtaient à aucune considération de secret médical, constitue, de ce fait, une violation plus grave encore de l’obligation de motivation.
111 Toutefois, le manquement à l’obligation de motivation dans le cas d’espèce ne présente pas un caractère exceptionnel d’évidence et de gravité qui permettrait de déclarer inexistante la décision du 18 juin 2004. En effet, il n’a été nullement établi que les vices dont cette décision est entachée résulteraient d’une intention de nuire au requérant ni que sa mise en congé d’office ne présenterait pas de lien compréhensible avec les raisons médicales retenues par l’administration.
112 Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête tendant à ce que le Tribunal constate l’inexistence de la décision du 18 juin 2004 doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de tous les actes ultérieurs qui se réfèrent, confirment ou visent à prolonger les effets de la décision du 18 juin 2004
113 Faisant suite à la décision du 18 juin 2004, plusieurs autres décisions ont été prises à l’encontre du requérant, notamment, la décision du 28 juin 2004, qui confirme sa mise en congé d’office, la décision du 13 juillet 2004 lui interdisant l’accès aux bâtiments de la Commission, la décision du 22 septembre 2004 prolongeant de six mois son congé de maladie d’office et les décisions subséquentes de prolongation dudit congé.
1. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 28 juin 2004
114 Le requérant a manifestement entendu obtenir l’annulation de la décision du 28 juin 2004 par voie de conséquence de celle de la décision du 18 juin 2004, car il n’a articulé aucun moyen à son encontre. Par conséquent, les conclusions dirigées contre cette décision ne peuvent qu’être rejetées.
2. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 13 juillet 2004 interdisant au requérant l’accès aux bâtiments de la Commission
Sur la recevabilité
115 La Commission n’a opposé aux conclusions susmentionnées aucune fin de non-recevoir. Néanmoins, leur recevabilité n’apparaît pas certaine au regard des dispositions des articles 90 et 91 du statut. En effet, si le requérant a protesté dans ses différentes réclamations préalables contre les conditions de l’exécution de sa mise en congé d’office et, en particulier, contre son expulsion de son lieu de travail, l’administration n’a été saisie d’aucune réclamation expressément dirigée contre la
décision du 13 juillet 2004 dans le délai de trois mois à compter de la notification de cette décision.
116 Il s’ensuit que les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 13 juillet 2004 doivent être rejetées comme irrecevables, à moins que le Tribunal ne constate que le requérant a commis une erreur excusable. La notion d’erreur excusable doit, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêts de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C‑195/91 P, Rec. p. I‑5619, points 26 à 28 ; du Tribunal de première instance du 16 mars 1993, Blackman/Parlement, T‑33/89 et T‑74/89,
Rec. p. II‑249, points 34 à 36, et ordonnance du Tribunal de première instance du 3 février 1998, Polyvios/Commission, T‑68/96, Rec. p. II‑153, point 43), être interprétée de façon restrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l’institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit d’un justiciable de bonne foi et faisant preuve de toute la diligence
requise d’une personne normalement avertie.
117 En l’espèce, la note en date du 13 juillet 2004 adressée par le docteur Dolmans au requérant est rédigée de la manière suivante :
118 « Par décision du 28 juin 2004, vous avez été mis en congé de maladie d’office.
Ceci implique automatiquement une défense d’accès aux bâtiments de la Commission ainsi qu’aux infrastructures informatiques.
[…] »
119 Ainsi la note du 13 juillet 2004 ne se présente pas comme une décision, mais comme le rappel d’une conséquence de la décision du 28 juin 2004, à savoir la défense d’accès aux bâtiments de la Commission. Cette formulation était de nature à induire en erreur le requérant sur la nature de cette note en lui faisant accroire que cette dernière ne constituait pas une décision faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. De surcroît, le requérant n’était pas en mesure de
vérifier que la décision du 28 juin 2004 avait bien la portée juridique que lui prêtait la note du 13 juillet 2004, puisqu’il ressort des pièces du dossier et n’est pas utilement contesté par la Commission, que la décision du 28 juin 2004 ne lui a pas été notifiée et n’a été portée à sa connaissance qu’au cours de la présente instance.
120 En conséquence, il convient de constater que le requérant a commis, en l’espèce, une erreur excusable en ne saisissant pas l’administration d’une réclamation expressément dirigée contre la décision du 13 juillet 2004. Il s’ensuit que les conclusions du présent recours dirigées contre cette décision doivent être regardées comme recevables.
Sur le moyen unique tiré de l’incompétence du médecin-conseil
Arguments des parties
121 Dans sa requête, le requérant fait grief au docteur Dolmans d’avoir, dans sa note du 13 juillet 2004, voulu « s’arroger la compétence de décider d’empêcher le requérant d’accéder à son bureau de travail et à son matériel informatique ». La Commission n’a pas répondu à ce moyen.
Appréciation du Tribunal
122 Contrairement à l’affirmation du docteur Dolmans dans son courrier du 13 juillet 2004, la mise en congé de maladie d’office et la défense d’accès aux bâtiments de la Commission sont des mesures distinctes. La Commission, dans sa réponse à la quatrième question du Tribunal relative aux motifs ayant justifié cette défense d’accès, a d’ailleurs indiqué que cette interdiction faisait partie, « la plupart du temps », d’une mise en congé d’office, « exception faite pour les bâtiments du [s]ervice
médical et de la [c]aisse [m]aladie ». La défense d’accès n’est donc pas dans tous les cas l’accessoire de la mise en congé d’office et n’a pas, le plus souvent, le caractère général et absolu de la mesure prise le 13 juillet 2004 à l’encontre du requérant. La décision du 18 juin 2004, confirmée par l’AIPN le 28 juin 2004, n’impliquait donc pas nécessairement que le requérant se voit interdire tout accès aux locaux de la Commission.
123 Dès lors, le docteur Dolmans, en interdisant un tel accès, a pris une décision faisant grief. Or, le docteur Dolmans, en sa qualité de médecin-conseil de l’institution, n’avait pas compétence pour prendre une telle décision.
124 Il s’ensuit que la décision du 13 juillet 2004 est entachée d’illégalité et doit être annulée.
3. Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 22 septembre 2004 et des décisions subséquentes prolongeant le congé de maladie d’office
125 Il convient de répondre au moyen tiré de ce que le congé d’office du requérant a été prolongé sans que celui-ci ait été à nouveau examiné par un médecin, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen présenté par le requérant.
Arguments des parties
126 Le moyen susmentionné est présenté par le requérant de la manière la plus brève. La Commission répond que la prolongation du congé de maladie d’office était justifiée par le refus du requérant d’être pris en charge médicalement.
Appréciation du Tribunal
127 En vertu de l’article 59, paragraphe 5, premier alinéa, du statut, le fonctionnaire peut être mis en congé d’office à la suite d’un examen pratiqué par le médecin-conseil de l’institution, si son état de santé l’exige ou si une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer.
128 Ces dispositions doivent être interprétées comme imposant que la prolongation d’un congé de maladie d’office soit, au même titre que le placement initial en congé de maladie d’office, décidée après un examen médical.
129 En effet, l’article 59, paragraphe 5, premier alinéa, du statut, en n’autorisant la mise en congé d’office que lorsque l’état de santé de l’intéressé l’exige ou lorsqu’une maladie contagieuse s’est déclarée dans son foyer, limite implicitement, mais nécessairement, la durée de ce congé à ce qui est strictement nécessaire. Si un nouvel examen médical n’était pas requis avant que ne soit décidé la prolongation d’un congé de maladie d’office, un tel congé pourrait être prolongé par
l’administration sans prise en considération de l’état de santé du fonctionnaire. Un fonctionnaire souffrant de troubles mentaux, par nature évolutifs, pourrait ainsi être maintenu en congé de maladie d’office alors même que son état de santé ne l’exigerait plus.
130 L’article 59, paragraphe 5, premier alinéa, du statut implique pour l’administration l’obligation de vérifier que tout fonctionnaire est placé dans la position statutaire correspondant à son état de santé et d’assurer un réexamen périodique de cet état à des intervalles raisonnables. Une telle obligation serait violée si l’administration laissait au seul fonctionnaire le soin et l’initiative de l’informer de l’évolution de sa maladie.
131 En l’espèce, il est constant que le requérant n’a pas été invité à subir un nouvel examen médical avant la prolongation de son congé de maladie par la décision du 22 septembre 2004. Celle-ci a, par suite, été adoptée en violation des dispositions de l’article 59, paragraphe 5, premier alinéa, du statut et doit donc être annulée.
132 Il ressort des déclarations faites à l’audience par les représentants de la Commission que les décisions de prolongation subséquentes ont également été prises sans que le requérant ait été invité à subir un nouvel examen médical. Par suite, elles sont aussi entachées d’illégalité. Le requérant ayant notamment conclu dans sa requête à l’annulation de tous les actes ultérieurs qui visent à prolonger les effets de la décision du 18 juin 2004, il y a lieu, dès lors, de prononcer l’annulation des
différentes décisions de prolongation de son congé de maladie d’office.
Sur les conclusions à fin d’injonction
133 En premier lieu, le requérant demande au Tribunal, dans sa requête, d’ordonner la cessation des voies de fait dont il est victime, sous peine d’une astreinte à fixer par ce même Tribunal.
134 Toutefois, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à une institution communautaire (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance, du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 150). Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées dans la requête sont irrecevables et doivent, dès lors, être rejetées.
135 En second lieu, le représentant du requérant a conclu à l’audience à ce que celui-ci soit réintégré dans ses fonctions. Ainsi qu’il vient d’être rappelé au point précédent, des conclusions tendant à ce que le Tribunal adresse une injonction à l’administration sont en tout état de cause irrecevables.
136 Les obligations qui s’imposent à l’administration ne peuvent découler que de l’annulation d’un de ses actes, conformément à l’article 233 CE (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 4 mai 2005, Castets/Commission, T‑398/03, non encore publié au Recueil, point 19). À cet égard, l’annulation par le présent arrêt de la décision du 22 septembre 2004, par laquelle le congé de maladie d’office du requérant a été prolongé de six mois, ainsi que des décisions subséquentes de
prolongation dudit congé, implique nécessairement que le requérant soit replacé en position d’activité de manière rétroactive à compter du 22 septembre 2004, date à laquelle ont pris fin les effets de la décision du 18 juin 2004 le plaçant en congé de maladie d’office à partir du 21 juin 2004 pour une durée de trois mois.
Sur les conclusions indemnitaires de la requête
1. Sur les conclusions tendant à obtenir réparation du préjudice moral et matériel causé au requérant et à sa famille par la décision du 18 juin 2004
Arguments des parties
137 Le requérant soutient que la décision du 18 juin 2004 a gravement nui, non seulement à sa carrière à la Commission, mais aussi à son image et à sa réputation de diplomate, de professeur d’université, d’écrivain et de conférencier et que les préjudices causés par cet acte s’étendent aussi à sa famille.
138 La Commission fait valoir que la décision du 18 juin 2004 n’ayant pas été contestée dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, une demande d’indemnisation du préjudice causé par elle est irrecevable. En outre, la demande d’indemnité susmentionnée serait également irrecevable, dès lors qu’elle n’a pas été formulée lors de la procédure précontentieuse.
139 En réponse à une question posée à l’audience par le Tribunal, la Commission a indiqué, sans être contredite par le requérant, que celui-ci avait conservé le bénéfice de son plein traitement depuis la date initiale de sa mise en congé d’office.
Appréciation du Tribunal
140 Il convient de rappeler qu’un requérant qui a omis d’introduire, dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un recours en annulation contre un acte lui faisant grief ne saurait, par le biais d’une demande d’indemnisation du préjudice causé par cet acte, réparer cette omission et se ménager ainsi de nouveaux délais de recours (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1993, Moat/Commission, T‑20/92, Rec. p. II‑799, point 46, et du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T‑547/93, RecFP
p. I‑A‑63 et II‑185, point 174).
141 En l’espèce, ainsi qu’il a été exposé précédemment, les conclusions dirigées contre la décision du 18 juin 2004 sont irrecevables en raison de leur tardiveté, faute d’avoir été introduites dans le délai prévu à l’article 91, paragraphe 3, du statut.
142 Il s’ensuit que, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre fin de non-recevoir opposée par la partie défenderesse, les conclusions tendant à obtenir réparation du préjudice prétendument causé au requérant et à sa famille par la décision du 18 juin 2004 doivent être rejetées comme irrecevables.
2. Sur les autres conclusions indemnitaires
Arguments des parties
143 Le requérant conclut également à la condamnation de la Commission à l’indemniser des préjudices qu’elle lui aurait causés ainsi qu’à sa famille, d’une part, en mettant en circulation à son insu, à partir de 2001, un document le présentant comme « un malade mental » et, d’autre part, en constituant un dossier parallèle en vue de lui nuire.
144 La partie défenderesse oppose à ces conclusions une fin de non-recevoir tirée de ce que lesdites conclusions ne lui auraient pas été présentées lors de la phase précontentieuse.
Appréciation du Tribunal
145 Il ressort de la jurisprudence de la Cour, telle qu’elle a été analysée et précisée par le Tribunal de première instance (voir les arrêts du Tribunal de première instance du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, Rec. p. II‑35, point 38 ; du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T‑5/90, Rec. p. II‑731, point 49, et du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission T‑17/90, T‑28/91 et T‑17/92, Rec. p. II‑841, point 46), que ce n’est que lorsqu’il existe un lien direct entre un recours
en annulation et une action en indemnité que cette dernière est recevable en tant qu’accessoire au recours en annulation, sans devoir être nécessairement précédée tant d’une demande invitant l’AIPN à réparer les préjudices prétendument subis que d’une réclamation contestant le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de la demande,
146 Or, en l’espèce, les conclusions indemnitaires susmentionnées ne tendent pas à obtenir réparation d’un préjudice résultant d’un acte dont l’annulation serait demandée, à l’instar des conclusions indemnitaires précédemment écartées. Dès lors, la procédure administrative précédant leur introduction aurait dû impérativement débuter par une demande de l’intéressé invitant l’AIPN à réparer ces autres préjudices (voir les ordonnances du Tribunal de première instance du 6 février 1992, Castelletti
e.a./Commission, T‑29/91, Rec. p. II‑77, point 30, et du 28 janvier 1993, Piette de Stachelski/Commission, T‑53/92, Rec. p. II‑35, point 18) et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande.
147 Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les conclusions indemnitaires susmentionnées n’ont fait l’objet d’aucune demande adressée à la Commission et ne figuraient dans aucune des réclamations que le requérant a adressées à l’AIPN. Il en résulte clairement que lesdites conclusions n’ont pas été introduites dans les conditions imposées par les articles 90 et 91 du statut et qu’elles sont ainsi irrecevables.
3. Sur les conclusions tendant au versement de provisions sur les indemnités demandées
148 Les demandes indemnitaires étant rejetées par le présent arrêt, les conclusions de la requête tendant au versement de provisions sur ces indemnités doivent par voie de conséquence l’être également.
Sur les dépens
149 Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.
150 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
151 La Commission ayant succombé sur plusieurs points substantiels dans la présente instance, il y a lieu, en application des dispositions susmentionnées, de la condamner à supporter ses propres dépens et les deux tiers des dépens exposés par le requérant.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La décision du 13 juillet 2004 de la Commission des Communautés européennes interdisant à M. de Brito Sequeira Carvalho l’accès aux bâtiments de la Commission est annulée.
2) La décision du 22 septembre 2004 de la Commission des Communautés européennes prolongeant de six mois le congé de maladie d’office de M. de Brito Sequeira Carvalho et les décisions subséquentes de prolongation dudit congé sont annulées.
3) Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
4) La Commission des Communautés européennes supporte ses propres dépens et les deux tiers des dépens exposés par le requérant.
Mahoney Kanninen Gervasoni
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2006.
Le greffier Le président
W. Hakenberg P. Mahoney
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* Langue de procédure : le français.