Affaire C-526/04
Laboratoires Boiron SA
contre
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS)
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Cour de cassation (France))
«Aides d'État — Articles 87 et 88, paragraphe 3, CE — Taxe sur les ventes directes de médicaments — Assujettissement des laboratoires pharmaceutiques et non des grossistes répartiteurs — Interdiction de mettre à exécution une mesure d'aide non notifiée — Possibilité d'exciper de l'illégalité d'une mesure d'aide pour obtenir le remboursement d'une taxe — Compensation représentant la contrepartie d'obligations de service public imposées aux grossistes répartiteurs — Charge de la preuve d'une
surcompensation — Modalités prévues par le droit national — Interdiction de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile le remboursement de la taxe»
Conclusions de l'avocat général M. A. Tizzano, présentées le 30 mars 2006
Arrêt de la Cour (deuxième chambre) du 7 septembre 2006
Sommaire de l'arrêt
1. Aides accordées par les États — Projets d'aides — Interdiction de mise à exécution avant la décision finale de la Commission — Portée — Obligations des juridictions nationales
(Art. 87, § 1, CE et 88, § 3, CE)
2. Aides accordées par les États — Récupération d'une aide illégale
(Art. 88, § 2, al. 1, CE)
1. Une mesure d'aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE, mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l'article 88, paragraphe 3, CE, est illégale. Il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l'interdiction de mise à exécution des aides, en tirant toutes les conséquences, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes
comportant mise à exécution des mesures d'aide en cause que le recouvrement des soutiens financiers accordés.
Si les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'État pour se soustraire au paiement de ladite taxe ou pour en obtenir le remboursement, cela n'est vrai que lorsqu'il s'agit d'une exonération au bénéfice de certains opérateurs d'une taxe ayant une portée générale. La situation est tout autre lorsqu'il s'agit d'une taxe à laquelle n'est assujettie qu'une seule des deux catégories d'opérateurs en situation
concurrentielle. Dans un tel cas d'assujettissement asymétrique à une taxe, l'aide peut, en effet, résulter du fait qu'une autre catégorie d'opérateurs économiques, avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence, n'est pas assujettie à ladite taxe.
C'est ainsi que, dans un système où il existe deux circuits directement concurrents de distribution des médicaments, à savoir, d'une part, celui des grossistes répartiteurs et, d'autre part, celui des laboratoires pharmaceutiques qui pratiquent la vente directe, et dans lequel le non-assujettissement des grossistes répartiteurs à la taxe sur les ventes directes constitue un objectif délibéré, voire l'objectif principal de ladite taxe, la taxe sur les ventes directes visant, notamment, à rééquilibrer
les conditions de concurrence entre les deux circuits de distribution des médicaments, lesquelles sont, selon le législateur, faussées par l'existence d'obligations de service public qui sont imposées aux seuls grossistes répartiteurs, l'assujettissement d'un laboratoire pharmaceutique à une telle taxe est susceptible de constituer un acte comportant la mise à exécution d'une mesure d'aide et il incombe donc, le cas échéant, au juge national d'en tirer toutes les conséquences, conformément à son
droit national, en ce qui concerne la validité d'un tel acte, dès lors que le non-assujettissement des grossistes répartiteurs entraîne une surcompensation à leur profit, dans la mesure où l'avantage que ces derniers en tirent excède les surcoûts qu'ils supportent pour l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées.
C'est pourquoi, dans un tel cas de figure, où c'est la taxe sur les ventes directes elle-même, et non une quelconque exonération dissociable de celle-ci, qui constitue la mesure d'aide en cause, il y a lieu d'admettre qu'un laboratoire pharmaceutique, redevable d'une telle contribution, est en droit d'exciper de ce que l'absence d'assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d'État pour obtenir la restitution de la partie des sommes versées qui correspond à
l'avantage économique injustement obtenu par les grossistes répartiteurs. Cela n'a pas pour conséquence de conduire le juge national à permettre que le nombre des bénéficiaires de l'aide soit élargi. Au contraire, un tel remboursement constitue une mesure particulièrement adéquate pour réduire le nombre d'opérateurs économiques lésés par la mesure réputée constituer une aide et, partant, pour limiter les effets anticoncurrentiels de celle-ci. Accorder à un opérateur économique le droit d'exciper de
l'illégalité d'une taxe en pareilles circonstances, pour obtenir le remboursement des sommes versées au titre de celle-ci, est, par ailleurs, cohérent avec les principes qui sous-tendent la jurisprudence de la Cour en matière de taxes parafiscales.
(cf. points 29-30, 32-41, 46, 48, disp. 1)
2. En l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l'effet direct du droit communautaire, pour autant que, par application du principe d'équivalence, ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne
et que, par application du principe d'effectivité, elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire.
À cet égard, le droit communautaire ne s'oppose pas à l'application de règles du droit national qui subordonnent le remboursement d'une contribution obligatoire, telle que la taxe sur les ventes directes de médicaments supportée en France par les laboratoires pharmaceutiques, à la preuve, incombant à l'auteur de la demande de remboursement, que l'avantage tiré par les grossistes répartiteurs de leur non-assujettissement à cette contribution excède les surcoûts qu'ils supportent pour
l'accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale et, en particulier, que l'une au moins des conditions dites «Altmark» n'est pas réunie.
Toutefois, afin d'assurer le respect du principe d'effectivité, le juge national, s'il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique la charge de la preuve de l'existence d'une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d'aide d'État de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l'administration d'une telle preuve, du fait, notamment, que celle-ci porte sur des données dont un tel
laboratoire ne peut disposer, est tenu d'avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d'ordonner les mesures d'instruction nécessaires, y compris la production par l'une des parties ou par un tiers d'un acte ou d'une pièce.
(cf. points 51, 56-57, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
7 septembre 2006 (*)
«Aides d’État – Articles 87 et 88, paragraphe 3, CE – Taxe sur les ventes directes de médicaments – Assujettissement des laboratoires pharmaceutiques et non des grossistes répartiteurs – Interdiction de mettre à exécution une mesure d’aide non notifiée – Possibilité d’exciper de l’illégalité d’une mesure d’aide pour obtenir le remboursement d’une taxe – Compensation représentant la contrepartie d’obligations de service public imposées aux grossistes répartiteurs – Charge de la preuve d’une
surcompensation – Modalités prévues par le droit national – Interdiction de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile le remboursement de la taxe»
Dans l’affaire C-526/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour de cassation (France), par décision du 14 décembre 2004, parvenue à la Cour le 29 décembre 2004, dans la procédure
Laboratoires Boiron SA
contre
Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS),
LA COUR (deuxième chambre),
composée de M. C. W. A. Timmermans (rapporteur), président de chambre, M. J. Makarczyk, M^me R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et G. Arestis, juges,
avocat général: M. A. Tizzano,
greffier: M^me K. Sztranc, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 octobre 2005,
considérant les observations présentées:
– pour les Laboratoires Boiron SA, par M^es A. Lyon-Caen, J. Philippe, C.‑M. Dorémus et O. Cavézian, avocats,
– pour l’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon, venant aux droits et obligations de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), par M^es H. Calvet et O. Billard, avocats,
– pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et M^me S. Ramet, en qualité d’agents,
– pour la Commission des Communautés européennes, par M. V. Di Bucci, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 30 mars 2006,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des dispositions du traité CE relatives aux aides d’État et, en particulier, des articles 87 CE et 88, paragraphe 3, CE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours introduit par les Laboratoires Boiron SA (ci-après «Boiron») en vue d’obtenir le remboursement des sommes versées à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ci-après l’«ACOSS») au titre de la taxe sur les ventes directes de médicaments. L’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon est ultérieurement venue aux droits et obligations de l’ACOSS.
La réglementation nationale
3 Aux termes de l’article R. 5106 5° du code de la santé publique, on entend par «grossiste répartiteur» «toute entreprise se livrant à l’achat et au stockage de médicaments autres que ceux destinés à être expérimentés sur l’homme, en vue de leur distribution en gros et en l’état».
4 L’arrêté ministériel du 3 octobre 1962, relatif aux obligations des grossistes répartiteurs en ce qui concerne l’approvisionnement des officines en médicaments (JORF du 12 octobre 1962, p. 9999), en vigueur jusqu’au mois de février 1998, prévoyait notamment:
«Article 1^er – Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques visés à l’alinéa 4 de l’article R. 5115-6 du code de la santé publique ainsi que ses succursales doivent détenir en permanence un stock de médicaments spécialisés permettant d’assurer l’approvisionnement de la consommation mensuelle des officines du secteur qu’ils desservent et appartenant à leur clientèle habituelle.
Ce stock de médicaments doit correspondre en nature à une ‘collection’ de spécialités comportant au moins les deux tiers du nombre des présentations de spécialités effectivement exploitées et en importance il doit correspondre à la valeur moyenne des chiffres d’affaires mensuels de l’année précédente.
Article 2 – Tout établissement de vente en gros de produits pharmaceutiques ainsi que ses succursales doivent être en mesure d’assurer la livraison de toute spécialité exploitée à toute officine faisant partie de leur clientèle habituelle et relevant de leur secteur de répartition et, dans les vingt-quatre heures suivant la réception de la commande, de toute spécialité faisant partie de leur ‘collection’.
Ils doivent surveiller leur approvisionnement des spécialités afin d’éviter toute rupture de stock.»
5 Ce régime a été modifié notamment par le décret n° 98-79, du 11 février 1998, relatif aux établissements pharmaceutiques et modifiant le code de la santé publique (JORF du 13 février 1998, p. 2287).
6 L’article 12 de la loi n° 97-1164, du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998 (JORF du 23 décembre 1997, p. 18635), qui a inséré notamment l’article L. 245-6-1 dans le code de la sécurité sociale, institue une contribution de 2,5 % assise sur le chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par les laboratoires pharmaceutiques auprès des pharmacies d’officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières, au titre des ventes en gros
de spécialités pharmaceutiques. Cette contribution est appelée «taxe sur les ventes directes».
7 L’article L. 245-6-4 du code de la sécurité sociale dispose que la taxe sur les ventes directes est perçue au profit de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.
8 Dans sa décision 97-393, du 18 décembre 1997 (JORF du 23 décembre 1997, p. 18649), rendue sur un recours introduit contre l’article 12 de la loi n° 97-1164, le Conseil constitutionnel (France) a rappelé que la taxe sur les ventes directes, qui ne grève pas les ventes de médicaments effectuées par les grossistes répartiteurs, a été instituée en vue de contribuer au financement de la Caisse nationale d’assurance maladie et de rééquilibrer les conditions de concurrence entre les circuits de
distribution des médicaments, lesquelles étaient considérées comme faussées en raison du fait que les grossistes répartiteurs sont soumis à des obligations de service public qui ne s’imposent pas aux laboratoires pharmaceutiques.
9 L’article L. 245-6-1 du code de la sécurité sociale a été abrogé, à compter du 1^er janvier 2003, par l’article 16 de la loi nº 2002-1487, du 20 décembre 2002, de financement de la sécurité sociale pour 2003 (JORF du 24 décembre 2002, p. 21482).
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Boiron est une société de droit français qui produit des spécialités homéopathiques et, en France, elle distribue celles-ci exclusivement en pharmacie à travers un système de vente directe ou par l’intermédiaire de grossistes répartiteurs.
11 Elle n’a déclaré à l’ACOSS, au titre de la taxe sur les ventes directes pour les années 1998 et 1999, que le chiffre d’affaires réalisé par vente directe aux pharmacies, à l’exclusion de celui correspondant aux ventes réalisées par l’intermédiaire des grossistes répartiteurs.
12 L’ACOSS a considéré que ces dernières ventes devaient être réintégrées dans le total des ventes directes constituant l’assiette de ladite taxe et, par conséquent, elle a procédé au redressement correspondant à cette réintégration.
13 Boiron a payé les montants réclamés tout en les contestant. En l’absence de réponse du conseil d’administration de l’ACOSS, qu’elle avait saisi d’un recours gracieux, Boiron a réclamé la restitution des sommes versées devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon.
14 À l’appui de son recours, elle a fait valoir en substance que, au regard de l’article 87 CE, l’exonération de la taxe sur les ventes directes constituait une aide d’État illicite au bénéfice des grossistes répartiteurs.
15 Par jugement du 3 juin 2000, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a fait droit au recours de Boiron et a condamné l’ACOSS au remboursement des sommes versées à cette dernière.
16 La cour d’appel de Lyon, saisie par l’ACOSS, a, dans un premier temps, sursis à statuer jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Ferring (C‑53/00, Rec. p. I-9067), et, dans un second temps, elle a, par arrêt du 29 octobre 2002, infirmé le jugement rendu en premier instance.
17 Boiron s’est alors pourvue en cassation, en soulevant quatre moyens dont seul le premier, relatif à l’interprétation des dispositions du traité relatives aux aides d’État, fait l’objet des questions préjudicielles.
18 La Cour de cassation constate, en premier lieu, que la cour d’appel de Lyon a débouté Boiron en jugeant, sur le fondement de l’arrêt de la Cour du 20 septembre 2001, Banks (C-390/98, Rec. p. I‑6117, point 80 et jurisprudence citée), que les redevables d’une contribution obligatoire ne sauraient exciper de ce que l’exonération dont bénéficient d’autres personnes constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite contribution. Cette jurisprudence aurait été confirmée par l’arrêt
du 13 juin 2002, Sea-Land Service et Nedlloyd Lijnen (C‑430/99 et C‑431/99, Rec. p. I-5235, point 47).
19 La juridiction de renvoi relève que, dans d’autres arrêts, la Cour ne s’est pas opposée à la recevabilité de l’action en restitution de taxes ou de cotisations perçues en méconnaissance de l’obligation de notification préalable prévue à l’article 88, paragraphe 3, CE.
20 La Cour de cassation considère que ces arrêts soit ne se prononcent sur ce point que de façon implicite, alors même qu’une exception d’irrecevabilité a été soulevée (voir arrêt Ferring, précité), soit ont trait à des régimes d’aide dans lesquels les taxes ou contributions dont la restitution était demandée avaient été spécifiquement levées pour financer l’aide litigieuse (arrêts du 21 octobre 2003, Van Calster e.a., C‑261/01 et C-262/01, Rec. p. I-12249, et du 20 novembre 2003, GEMO,
C-126/01, Rec. p. I-13769).
21 La juridiction de renvoi rappelle, en second lieu, que, dans l’arrêt Ferring, précité, la Cour a dit pour droit que la taxe sur les ventes directes, en ce qu’elle grève uniquement les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, ne constitue une aide d’État aux grossistes répartiteurs que dans la mesure où l’avantage qu’ils tirent du non-assujettissement à ladite taxe excède les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service
public qui leur sont imposées par la réglementation nationale.
22 La Cour de cassation relève que, dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C-280/00, Rec. p. I-7747), la Cour a précisé que, pour que des subventions publiques puissent être considérées comme une compensation représentant la contrepartie des prestations effectuées par les entreprises bénéficiaires pour exécuter des obligations de service public, il incombe à la juridiction nationale de vérifier que les conditions suivantes sont réunies (ci-après les
«conditions dites ‘Altmark’»):
– premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies;
– deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente;
– troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations;
– quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’obligations de service public n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public, le niveau de la compensation nécessaire a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que
d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de telles obligations.
23 À cet égard, la juridiction de renvoi constate tout d’abord que les conditions dites «Altmark» portent sur des données auxquelles l’opérateur économique qui invoque l’illégalité de l’aide et qui est extérieur aux rapports juridiques liant le bénéficiaire de la subvention ou de l’exonération à l’État ou à l’organisme qu’il a institué ou désigné en vue de gérer l’aide n’a pas nécessairement accès en dehors d’une action en justice qui mettrait en cause le bénéficiaire lui-même.
24 La Cour de cassation rappelle ensuite que, selon la jurisprudence constante de la Cour, sont incompatibles avec le droit communautaire toutes modalités de preuve dont l’effet est de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’obtention de la restitution de taxes perçues en violation du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 14, et du 9 février 1999, Dilexport, C-343/96, Rec. p. I-579, point 48).
25 La juridiction de renvoi relève enfin que, en application des dispositions de droit national en matière de charge de la preuve, l’opérateur économique qui invoque au soutien de sa demande de restitution le caractère d’aide d’État de la mesure en cause peut être tenu de démontrer que les conditions dites «Altmark» ne sont pas réunies. Elle ajoute que la carence dans la production de la preuve nécessaire au succès de la prétention de cet opérateur peut constituer le seul obstacle à la
démonstration du caractère d’aide d’État de cette mesure.
26 Dans ces conditions, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Le droit communautaire doit-il être interprété en ce sens qu’un laboratoire pharmaceutique redevable d’une contribution telle que celle prévue à l’article 12 de la loi n° 97-1164, du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998, est en droit d’exciper de ce que l’absence d’assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d’État pour en obtenir la restitution?
2) Dans l’affirmative et dès lors que le succès de la demande de restitution peut dépendre des seuls éléments produits par son auteur, le droit communautaire doit-il être interprété en ce sens que constituent des modalités de preuve dont l’effet est de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile la restitution d’une contribution obligatoire, telle que la contribution prévue par l’article 245-6-1 du code de la sécurité sociale, dont la demande a été formée auprès de l’autorité
compétente au motif que l’exonération de contribution dont bénéficient les grossistes répartiteurs est constitutive d’une aide d’État qui n’a pas été notifiée à la Commission des Communautés européennes, des règles de droit national qui subordonnent cette restitution à la preuve, incombant à l’auteur de la demande, que l’avantage tiré par ces bénéficiaires excède les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation
nationale ou que les conditions fixées par la Cour dans son arrêt du 24 juillet 2003, [Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg] ne sont pas réunies?»
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
27 Il ressort de l’arrêt Ferring, précité, que l’article 87 CE doit être interprété en ce sens qu’une mesure telle que la taxe sur les ventes directes, en ce qu’elle grève uniquement les ventes directes de médicaments réalisées par les laboratoires pharmaceutiques, ne constitue une aide d’État aux grossistes répartiteurs que dans la mesure où elle comporte une surcompensation au profit de ces derniers, c’est-à-dire pour autant que l’avantage que ces opérateurs économiques tirent du
non-assujettissement à cette taxe excède les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale.
28 En l’espèce, Boiron, un laboratoire pharmaceutique assujetti à la taxe sur les ventes directes, soutient que le non-assujettissement à cette taxe des grossistes répartiteurs comporte une surcompensation au profit de ceux-ci et constitue donc, en tant que tel, une aide illégale en leur faveur. Sur ce fondement, cet opérateur a réclamé le remboursement des sommes payées au titre de ladite taxe pour les exercices 1998 et 1999.
29 À cet égard, il convient de rappeler qu’une mesure d’aide au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE mise à exécution en méconnaissance des obligations découlant de l’article 88, paragraphe 3, CE est illégale. Il appartient aux juridictions nationales de sauvegarder les droits des justiciables face à une éventuelle méconnaissance, de la part des autorités nationales, de l’interdiction de mise à exécution des aides, en tirant toutes les conséquences, conformément à leur droit national, en ce
qui concerne tant la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d’aide en cause que le recouvrement des soutiens financiers accordés (voir, notamment, arrêt du 27 octobre 2005, Distribution Casino France e.a., C‑266/04 à C-270/04, C-276/04 et C-321/04 à C‑325/04, Rec. p. I-9481, point 30 et jurisprudence citée).
30 Il est vrai que, dans plusieurs affaires qui lui ont été soumises, la Cour a jugé que les redevables d’une taxe ne sauraient exciper de ce que l’exonération dont bénéficient d’autres entreprises constitue une aide d’État pour se soustraire au paiement de ladite taxe ou pour en obtenir le remboursement (voir, notamment, arrêts précités Banks, point 80, et Distribution Casino France e.a., points 42 et 44, ainsi que du 15 juin 2006, Air Liquide, C-393/04 et C-41/05, non encore publié au Recueil,
point 43).
31 Toutefois, la nature des mesures nationales en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts mentionnés au point précédent diffère de manière essentielle de celle de la taxe sur les ventes directes.
32 En effet, dans lesdites affaires, il s’agissait à chaque fois d’une exonération au bénéfice de certains opérateurs d’une taxe ayant une portée générale et il était allégué que cette exonération était par elle-même constitutive d’une mesure d’aide.
33 En revanche, dans l’affaire au principal, il ne s’agit pas d’un tel régime de taxation, mais d’une taxe à laquelle n’est assujettie qu’une seule des deux catégories d’opérateurs en situation concurrentielle, à savoir les laboratoires pharmaceutiques.
34 Dans un tel cas d’assujettissement asymétrique à une taxe, la prétendue aide résulte du fait qu’une autre catégorie d’opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence, en l’occurrence les grossistes répartiteurs, n’est pas assujettie à ladite taxe.
35 En l’espèce, il est constant que ce non-assujettissement constitue par ailleurs un objectif délibéré, voire l’objectif principal de la taxe sur les ventes directes.
36 À cet égard, il importe de rappeler que, au point 19 de l’arrêt Ferring, précité, la Cour a relevé qu’il existe en France deux circuits directement concurrents de distribution des médicaments: d’une part, celui des grossistes répartiteurs et, d’autre part, celui des laboratoires pharmaceutiques qui pratiquent la vente directe. En outre, audit point, la Cour a indiqué que la taxe sur les ventes directes vise notamment à rééquilibrer les conditions de concurrence entre les deux circuits de
distribution des médicaments, lesquelles sont faussées, selon le législateur français, par l’existence d’obligations de service public qui sont imposées aux seuls grossistes répartiteurs. Enfin, la Cour a ajouté que, à la suite de la création de ladite taxe par la loi n° 97-1164, non seulement la croissance des ventes directes enregistrée dans les années immédiatement antérieures s’est interrompue, mais la tendance s’est même inversée, des parts de marché ayant été récupérées par les grossistes
répartiteurs.
37 S’il était démontré que le non-assujettissement à la taxe sur les ventes directes entraîne une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, dans la mesure où l’avantage que ces derniers tirent de ce non-assujettissement excéderait les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées, l’assujettissement d’un laboratoire pharmaceutique tel que Boiron à une telle taxe constituerait un acte comportant la mise à exécution d’une
mesure d’aide.
38 Si tel était le cas, il incomberait au juge national, ainsi qu’il a été rappelé au point 29 du présent arrêt, de tirer toutes les conséquences, conformément à son droit national, en ce qui concerne la validité d’un tel acte.
39 En l’occurrence, la mesure dont il est allégué qu’elle constitue une aide est la taxe sur les ventes directes elle-même et non une quelconque exonération dissociable de celle-ci.
40 Dans un tel cas de figure, il y a lieu d’admettre qu’un opérateur économique tel que Boiron puisse exciper de l’illégalité de la taxe sur les ventes directes, au motif qu’elle constitue une mesure d’aide, pour en demander le remboursement.
41 Ceci n’aurait d’ailleurs pas pour conséquence de conduire le juge national à permettre que le nombre des bénéficiaires de l’aide soit élargi. Au contraire, un tel remboursement, pour autant qu’il s’avérerait dû, constituerait une mesure particulièrement adéquate pour réduire le nombre d’opérateurs économiques lésés par la mesure réputée constituer une aide et, partant, pour limiter les effets anticoncurrentiels de celle-ci.
42 La juridiction de renvoi ainsi que les parties qui ont déposé des observations devant la Cour ont soulevé la question de savoir si un tel droit d’exciper de l’illégalité de la taxe sur les ventes directes réputée constituer une aide d’État pour en obtenir le remboursement est cohérent avec les principes qui sous-tendent la jurisprudence de la Cour en matière de taxes parafiscales inaugurée par l’arrêt Van Calster e.a., précité, et développée dans des arrêts postérieurs à celui-ci.
43 Il ressort de cette jurisprudence que, lorsqu’une mesure d’aide dont le mode de financement fait partie intégrante a été mise en œuvre en méconnaissance de l’obligation de notification, les juridictions nationales sont tenues, en principe, d’ordonner le remboursement des taxes ou des cotisations spécifiquement levées pour financer cette aide (arrêt Van Calster e.a., précité, point 54).
44 À cet égard, la Cour a précisé que, pour que l’on puisse considérer une taxe comme faisant partie intégrante d’une mesure d’aide, il doit exister un lien d’affectation contraignant entre la taxe et l’aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l’aide (voir, notamment, arrêt Air Liquide, précité, point 46 et jurisprudence citée).
45 S’agissant de la taxe sur les ventes directes, sa particularité réside dans le fait que cette taxe et la prétendue mesure d’aide constituent les deux éléments indissociables d’une seule et même mesure fiscale. Dans un tel cas, le lien entre la taxe et l’aide est encore plus étroit que dans celui d’une taxe parafiscale telle que celle ayant fait l’objet de l’arrêt Van Calster e.a., précité.
46 Dans ces conditions, accorder à un opérateur économique tel que Boiron le droit d’exciper de l’illégalité de la taxe sur les ventes directes pour obtenir le remboursement des sommes versées au titre de celle-ci est cohérent avec les principes qui sous-tendent la jurisprudence de la Cour en matière des taxes parafiscales inaugurée par l’arrêt Van Calster e.a., précité, et développée dans des arrêts postérieurs à celui-ci.
47 Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, un tel remboursement ne pourra être accordé que s’il est démontré que lesdites sommes ou, à tout le moins la partie de celles-ci dont le remboursement est réclamé, représentent une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs et confèrent donc, dans cette mesure, un avantage économique à ces derniers et si, par ailleurs, sont également réunies les autres conditions énoncées à l’article 87, paragraphe 1, CE pour qu’une mesure soit
qualifiée d’aide d’État.
48 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la première question que le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu’un laboratoire pharmaceutique, redevable d’une contribution telle que celle prévue à l’article 12 de la loi n° 97-1164, est en droit d’exciper de ce que l’absence d’assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d’État pour obtenir la restitution de la partie des sommes versées qui correspond à l’avantage économique
injustement obtenu par les grossistes répartiteurs.
Sur la seconde question
49 Dans l’affaire au principal, un laboratoire pharmaceutique, redevable de la taxe sur les ventes directes, dont il est constant qu’elle n’a pas été notifiée au titre de l’article 88, paragraphe 3, CE, excipe de l’illégalité de cette taxe pour en obtenir le remboursement au motif que l’absence d’assujettissement à celle-ci des grossistes répartiteurs, qui sont les concurrents directs de ce laboratoire, constitue une aide d’État.
50 Dans ce contexte, la juridiction de renvoi demande en substance si le respect du principe d’effectivité est assuré lorsque, conformément aux règles nationales applicables en matière de la charge de la preuve et afin de pouvoir obtenir le remboursement des sommes versées au titre de la taxe sur les ventes directes, il incombe à l’opérateur économique sollicitant le remboursement de celles-ci d’établir que ce non-assujettissment des grossistes répartiteurs comporte une surcompensation au profit
de ces derniers, dès lors que l’une au moins des quatre conditions dites «Altmark» n’est pas remplie, et constitue donc, en tant que tel, un avantage économique visé par l’article 87, paragraphe 1, CE.
51 En l’absence de réglementation communautaire en la matière, comme c’est le cas dans l’affaire au principal, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne sont pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature
interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêt du 10 avril 2003, Steffensen, C-276/01, Rec. p. I‑3735, point 60 et jurisprudence citée).
52 À cet égard, la juridiction de renvoi observe, d’une part, que, si en principe la charge de la preuve d’une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, impliquant la démonstration que l’une au moins des quatre conditions dites «Altmark» n’est pas remplie, incombe, conformément au droit national applicable, à l’opérateur économique invoquant l’existence de l’aide pour obtenir le remboursement de la taxe en cause, ce droit national accorde également au juge un large pouvoir pour
ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.
53 La juridiction de renvoi relève, d’autre part, que ce pouvoir ne constitue qu’une simple faculté et que la carence dudit opérateur dans la production de la preuve nécessaire au succès de sa prétention peut constituer le seul obstacle à la démonstration du caractère d’aide d’État de la taxe sur les ventes directes, au sens de l’article 88, paragraphe 3, CE, dès lors que les conditions dites «Altmark» portent sur des données auxquelles cet opérateur n’a pas nécessairement accès en dehors d’une
action en justice qui mettrait en cause le bénéficiaire de la prétendue aide.
54 L’Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) de Lyon a en outre indiqué que le juge national dispose, en particulier, de la faculté d’ordonner à une partie ou à un tiers au litige la production d’un acte ou d’une pièce.
55 Dans ces conditions, afin d’assurer le respect du principe d’effectivité, le juge national, s’il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique tel que Boiron la charge de la preuve de l’existence d’une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d’aide d’État de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l’administration d’une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur
des données dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d’avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d’ordonner les mesures d’instruction nécessaires, y compris la production par l’une des parties ou par un tiers d’un acte ou d’une pièce.
56 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde question que le droit communautaire ne s’oppose pas à l’application de règles du droit national qui subordonnent le remboursement d’une contribution obligatoire, telle que celle prévue à l’article 12 de la loi n° 97-1164, à la preuve, incombant à l’auteur de la demande de remboursement, que l’avantage tiré par les grossistes répartiteurs de leur non-assujettissement à cette contribution excède les surcoûts qu’ils supportent pour
l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont imposées par la réglementation nationale et, en particulier, que l’une au moins des conditions dites «Altmark» n’est pas réunie.
57 Toutefois, afin d’assurer le respect du principe d’effectivité, le juge national, s’il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique tel que Boiron la charge de la preuve de l’existence d’une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d’aide d’État de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l’administration d’une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données
dont un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d’avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d’ordonner les mesures d’instruction nécessaires, y compris la production par l’une des parties ou par un tiers d’un acte ou d’une pièce.
Sur les dépens
58 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit:
1) Le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu’un laboratoire pharmaceutique redevable d’une contribution telle que celle prévue à l’article 12 de la loi n° 97-1164, du 19 décembre 1997, de financement de la sécurité sociale pour 1998, est en droit d’exciper de ce que l’absence d’assujettissement des grossistes répartiteurs à cette contribution constitue une aide d’État pour obtenir la restitution de la partie des sommes versées qui correspond à l’avantage économique injustement
obtenu par les grossistes répartiteurs.
2) Le droit communautaire ne s’oppose pas à l’application de règles de droit national qui subordonnent le remboursement d’une contribution obligatoire, telle que celle prévue à l’article 12 de ladite loi n° 97-1164, à la preuve, incombant à l’auteur de la demande de remboursement, que l’avantage tiré par les grossistes répartiteurs de leur non-assujettissement à cette contribution excède les surcoûts qu’ils supportent pour l’accomplissement des obligations de service public qui leur sont
imposées par la réglementation nationale et, en particulier, que l’une au moins des conditions précisées dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00) n’est pas réunie.
Toutefois, afin d’assurer le respect du principe d’effectivité, le juge national, s’il constate que le fait de faire supporter à un laboratoire pharmaceutique tel que Boiron la charge de la preuve de l’existence d’une surcompensation au profit des grossistes répartiteurs, et donc du caractère d’aide d’État de la taxe sur les ventes directes, est susceptible de rendre impossible ou excessivement difficile l’administration d’une telle preuve, du fait notamment que celle-ci porte sur des données dont
un tel laboratoire ne peut disposer, est tenu d’avoir recours à tous les moyens procéduraux mis à sa disposition par le droit national, au nombre desquels figure celui d’ordonner les mesures d’instruction nécessaires, y compris la production par l’une des parties ou par un tiers d’un acte ou d’une pièce.
Signatures
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* Langue de procédure: le français.