CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉger
présentées le 2 mai 2006 (1)
Affaire C-196/04
Cadbury Schweppes plc,
Cadbury Schweppes Overseas Ltd
contre
Commissioners of Inland Revenue
[demande de décision préjudicielle formée par les Special Commissioners (Royaume‑Uni)]
«Libre circulation des personnes – Liberté d’établissement – Loi sur les sociétés étrangères contrôlées – Attribution à la société mère des bénéfices de sa filiale établie dans un autre État membre dès que ces bénéfices sont réalisés – Entrave – Justification – Lutte contre l’évasion fiscale»
1. La présente procédure préjudicielle a pour objet d’apprécier la compatibilité avec le droit communautaire d’une législation nationale telle que la législation du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord relative aux «sociétés étrangères contrôlées» (2).
2. Cette législation a pour objet de lutter contre l’évasion fiscale. Elle vise, en effet, à combattre la pratique consistant pour une société résidente au Royaume‑Uni à transférer ses bénéfices imposables à une société sous son contrôle et implantée dans un autre État, qui applique un taux d’imposition beaucoup plus faible que celui en vigueur au Royaume‑Uni.
3. La législation en cause a donc vocation à s’appliquer lorsque les bénéfices obtenus par une SEC d’une société résidente fiscale au Royaume‑Uni se trouvent soumis à une imposition très inférieure à celle en vigueur dans cet État membre. Ladite législation prévoit que, par dérogation au régime de droit commun et sauf si l’une des exceptions visées est satisfaite, ces bénéfices sont inclus dans l’assiette imposable de la société mère dès qu’ils sont réalisés.
4. Comme l’ont indiqué les nombreux États membres qui sont intervenus dans le cadre de la présente procédure, plusieurs d’entre eux ont adopté une législation de ce type. L’adoption d’une telle législation a été recommandée par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) dans le but, notamment, de lutter contre la concurrence fiscale dommageable (3). Selon une étude publiée par cette organisation en 1996, si les législations sur les SEC en vigueur dans les États qui sont
membres de celle-ci varient dans leur contenu, elles ont pour point commun de prévoir la taxation dans le chef des actionnaires résidents de tout ou partie des bénéfices de la SEC quand ils ne sont pas distribués (4).
5. C’est la première fois que la Cour est invitée à examiner la compatibilité d’une telle législation avec le droit communautaire.
6. Le droit dérivé ne nous paraît pas contenir de dispositions pertinentes pour cet examen. En ce qui concerne, d’une part, la lutte contre l’évasion fiscale, l’action engagée au niveau communautaire en cette matière demeure très limitée. Dans la mesure où la fiscalité directe continue de relever de la compétence des États membres et où, par conséquent, les régimes d’imposition varient au sein de l’Union européenne, il paraît logique que les mesures destinées à lutter contre la fraude ou
l’évasion fiscales soient également propres à chaque État. Si, dans sa résolution du 10 février 1975 (5), le Conseil de l’Union européenne a affirmé son intention de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, il a cantonné les actions envisagées au niveau communautaire à l’amélioration de la coopération entre les administrations des différents États membres afin de permettre l’établissement correct de l’impôt (6).
7. En ce qui concerne, d’autre part, les dispositions de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (7), elles ne sont pas pertinentes en l’espèce, puisqu’elles tendent uniquement à l’instauration d’un régime commun en ce qui concerne l’imposition des bénéfices distribués par une filiale. Ces dispositions ne portent pas sur un système tel que celui prévu par la législation du
Royaume‑Uni sur les SEC, consistant à attribuer à la société mère les bénéfices de sa filiale étrangère, dès qu’ils sont réalisés.
8. C’est donc avec les règles du traité CE relatives aux libertés de circulation que les Special Commissioners (Royaume-Uni) demandent à la Cour d’examiner la compatibilité de la législation en cause. La juridiction de renvoi cherche ainsi à savoir si cette législation constitue une discrimination ou une restriction à l’exercice de ces libertés de circulation et, le cas échéant, si elle peut être justifiée au titre de la lutte contre l’évasion fiscale.
9. Avant de procéder à cette analyse, il convient de présenter le contenu de la législation nationale en cause ainsi que les faits à l’origine du litige au principal.
I – La législation nationale
10. Selon la législation fiscale du Royaume‑Uni, une société résidente dans cet État membre au sens de cette législation, c’est-à-dire une société de droit britannique ou dont les organes centraux de gestion ou de contrôle se trouvent dans ledit État, est soumise à l’impôt des sociétés sur son bénéfice mondial. Elle est ainsi imposée sur les bénéfices obtenus en dehors du Royaume‑Uni par l’intermédiaire d’un établissement permanent, tel qu’une succursale ou une agence. Elle est également imposée
sur les dividendes qui lui sont distribués par une société étrangère dans laquelle elle détient une participation.
11. Afin d’éviter que ces bénéfices d’origine étrangère fassent l’objet d’une double imposition, la législation fiscale du Royaume‑Uni prévoit que la société résidente se voit octroyer un crédit d’impôt à concurrence de l’impôt étranger qui a été acquitté.
12. Une société mère résidente au Royaume‑Uni n’est pas imposée sur les bénéfices de ses filiales lorsqu’ils sont réalisés. En ce qui concerne les bénéfices obtenus par une filiale établie au Royaume‑Uni, ils ne sont pas non plus imposés lorsqu’ils sont distribués sous forme de dividendes à la société mère résidente dans cet État.
13. La législation du Royaume‑Uni sur les SEC apporte une exception à la règle selon laquelle une société mère résidente dans cet État membre n’est pas imposée sur les bénéfices obtenus par une filiale établie à l’étranger, lorsqu’ils sont réalisés.
14. Cette législation figure aux articles 747 à 756 et aux annexes 24 à 26 de la loi de 1988 relative à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les sociétés (Income and Corporation Taxes Act 1988). En vertu de cette législation, une filiale étrangère, dans laquelle, selon la version applicable à l’époque des faits, la société mère détient une part de plus de 50 %, est traitée comme une entité transparente. Ainsi, les bénéfices réalisés par cette filiale étrangère sont attribués à la société mère au
Royaume‑Uni et inclus dans l’assiette imposable de celle-ci, bien qu’ils n’aient pas été perçus par cette dernière. Ils sont imposés moyennant un crédit d’impôt au titre de l’impôt acquitté par la filiale dans l’État d’établissement. Si ces mêmes bénéfices sont versés ensuite sous forme de dividendes à la société mère, l’impôt payé par celle-ci au Royaume‑Uni au titre des bénéfices de sa filiale est assimilé à un impôt additionnel payé par la filiale à l’État d’établissement et il donne lieu à un
crédit sur l’impôt payable au titre des dividendes.
15. La législation sur les SEC a vocation à s’appliquer lorsque la filiale établie dans un autre État que le Royaume‑Uni est soumise dans cet autre État à un «niveau inférieur d’imposition». Il y a «niveau inférieur d’imposition» pour tout exercice comptable au cours duquel l’impôt payé par la filiale étrangère est inférieur aux trois quarts du montant de l’impôt qui aurait été payé au Royaume‑Uni si les bénéfices de la filiale avaient été imposés dans cet État membre.
16. La législation sur les SEC prévoit cependant un certain nombre d’exceptions qui ont varié dans le temps. Selon la version de cette législation applicable à l’époque des faits du litige au principal, elle ne trouvait pas à s’appliquer si l’une des conditions suivantes était remplie:
1) La filiale étrangère respecte une «politique de distribution acceptable». Cela signifie qu’un pourcentage déterminé (90 % en 1996) des bénéfices de la filiale est distribué dans les 18 mois et imposé au nom d’une société résidente au Royaume‑Uni.
2) La filiale étrangère exerce des «activités exonérées». Il s’agit des activités visées dans la législation, telles que certaines activités commerciales exercées par un établissement commercial.
3) La filiale étrangère respecte la «condition de la cotation publique». Cela signifie que 35 % des droits de vote sont détenus par le public, que la filiale est inscrite à la cote et que ses titres font l’objet d’opérations dans le cadre d’une bourse d’actions reconnue.
4) Le bénéfice imposable de la société ne dépasse pas 50 000 GBP.
5) L’établissement et l’activité de la filiale étrangère satisfont au «test du mobile». Ce test comporte deux éléments et le contribuable doit démontrer qu’il se conforme à chacun d’eux.
– Le premier élément porte sur les transactions passées entre la SEC et sa société mère. Ainsi, si les transactions que reflètent les bénéfices de la filiale pour l’exercice en cause produisent une diminution de l’imposition au Royaume-Uni (il s’agit d’une diminution en comparaison avec l’impôt qui aurait été dû au Royaume‑Uni si ces transactions n’avaient pas été effectuées) et que celle-ci va au-delà d’un montant minimal, le contribuable doit démontrer que la diminution de l’impôt au
Royaume‑Uni n’était pas l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux de ces transactions.
– Le second élément a trait à l’implantation de la SEC. Le contribuable doit démontrer que la raison principale ou l’une des raisons principales de l’existence de la filiale n’était pas, pour l’exercice concerné, l’obtention d’une diminution de l’impôt au Royaume‑Uni par la voie d’une distraction de bénéfices. Selon la loi, il y a distraction de bénéfices si, raisonnablement, il est permis de supposer que, si la filiale ou toute société apparentée non résidente au Royaume‑Uni n’avaient pas
existé, leurs revenus auraient été perçus par un résident dans cet État membre et imposés au nom de ce résident.
17. La juridiction de renvoi indique que, si aucune des quatre premières conditions ne trouve à s’appliquer, le test du mobile permet au fisc de prendre en compte la situation particulière du contribuable au regard de la finalité de la législation sur les SEC, qui vise l’imposition de bénéfices qui sont soit accumulés à l’étranger, soit distraits du Royaume‑Uni vers l’étranger.
18. Elle précise également que, à cette fin, le fisc a publié, en 1996, une liste de pays dans lesquels, sous certaines conditions, une filiale pourrait être créée et être considérée comme remplissant les conditions permettant d’échapper à l’application de la loi sur les SEC.
II – Les faits du litige au principal
19. La présente procédure a pour origine le litige qui oppose les sociétés Cadbury Schweppes plc (8) et Cadbury Schweppes Overseas Ltd (9), d’une part, et les Commissioners of Inland Revenue, d’autre part, à propos de l’imposition de CSO par le fisc britannique au titre des bénéfices obtenus par une des filiales du groupe Cadbury en Irlande.
20. Cadbury est une société résidente au Royaume‑Uni. Elle est la société mère d’un groupe de sociétés qui comprend des filiales établies dans cet État et dans d’autres États membres ainsi que dans des pays tiers, à la tête desquelles se trouve CSO. Le groupe comprend ainsi deux filiales détenues indirectement par Cadbury à 100 %, Cadbury Schweppes Treasury Services (10) et Cadbury Schweppes Treasury International (11), qui ont été constituées au sein du Centre international de services financiers
(International Financial Services Centre) , à Dublin (Irlande).
21. Au moment des faits, ces deux filiales s’y trouvaient soumises à un taux d’imposition de 10 %.
22. Les activités de CSTS et de CSTI consistent à lever des fonds et à les fournir aux filiales du groupe Cadbury.
23. Selon la juridiction de renvoi, Cadbury a créé CSTS, qui s’est substituée à une structure antérieure, laquelle incluait une société établie à Jersey, dans trois buts. Il s’agissait, premièrement, de résoudre un problème fiscal canadien pour les résidents canadiens titulaires d’actions de préférence de Cadbury, deuxièmement, d’éviter de devoir obtenir des autorisations de la Trésorerie du Royaume‑Uni pour prêter à l’étranger et, troisièmement, de réduire l’impôt à la source sur les dividendes
versés au sein du groupe en bénéficiant de la directive 90/435. La juridiction de renvoi précise que tous ces buts auraient été atteints si CSTS avait été établie au Royaume‑Uni.
24. Elle indique également que Cadbury a constitué CSTS et CSTI en tant que filiales indirectes, résidentes fiscales en Irlande, uniquement pour que les activités de prêts financiers effectuées à l’intérieur du groupe puissent bénéficier du régime du Centre international de services financiers pour les sociétés de financement de groupe en Irlande et ne soient pas imposées au Royaume‑Uni.
25. Compte tenu du taux d’imposition appliqué aux sociétés constituées dans ledit Centre, les bénéfices obtenus par CSTS et par CSTI se trouvaient soumis à un niveau inférieur d’imposition au sens de la loi sur les SEC. Le fisc britannique a également estimé que, au titre de l’exercice comptable de 1996, aucune des conditions permettant d’écarter l’application de cette loi ne trouvait à s’appliquer. Il a réclamé à CSO, première société résidente au Royaume‑Uni dans la chaîne du groupe, la somme de
8 638 633,54 GBP au titre de l’impôt des sociétés sur les bénéfices réalisés par CSTI pour l’exercice comptable prenant fin le 28 décembre 1996. L’avis d’imposition ne concerne que les bénéfices réalisés par CSTI parce que, pour l’exercice concerné, CSTS a subi des pertes.
26. Cadbury et CSO ont formé un recours contre cet avis d’imposition devant les Special Commissioners, le tribunal des recours contre les décisions de l’administration fiscale. Devant cette juridiction, elles ont soutenu que la législation sur les SEC était contraire à la liberté d’établissement prévue à l’article 43 CE, à la libre prestation des services visée à l’article 49 CE ainsi qu’à la libre circulation des capitaux énoncée à l’article 56 CE.
III – La question préjudicielle
27. La juridiction de renvoi expose qu’elle se trouve confrontée aux incertitudes suivantes:
«En constituant et en dotant de capitaux des sociétés dans d’autres États membres, uniquement en raison d’un régime fiscal plus favorable (comparé au régime fiscal du Royaume‑Uni) disponible dans cet État membre, [Cadbury] a-t-[elle] exercé des libertés fondamentales ou a-t-[elle] exercé de façon abusive de telles libertés?
Si [Cadbury] exerce en l’occurrence les libertés fondamentales, est-il exact de considérer que, dans les circonstances de l’espèce, la législation du Royaume‑Uni relative aux [SEC] peut être perçue comme constitutive d’une restriction à l’exercice de ces libertés, ou convient-il d’estimer que cette législation entraîne une discrimination?
Si la législation en cause devait être perçue comme constitutive d’une restriction, l’éventualité que [Cadbury] ne paie pas un impôt supérieur à celui que CSTS et CSTI auraient payé si elles avaient été établies au Royaume‑Uni implique-t-elle l’inexistence d’une telle restriction et les éléments suivants sont-ils pertinents:
a) les règles de calcul de la dette fiscale concernant les revenus de CSTS et CSTI diffèrent sous certains aspects des règles habituellement applicables aux filiales de [Cadbury] établies au Royaume‑Uni, et
b) il n’y a pas de dégrèvement pour des pertes d’une filiale sur les bénéfices de l’autre ou sur les bénéfices de [Cadbury] et de ses filiales établies au Royaume‑Uni (un tel dégrèvement pour pertes aurait été admis si CSTS et CSTI avaient été établies au Royaume‑Uni plutôt qu’en Irlande)?
Si la législation en cause devait être perçue comme entraînant une discrimination, quelle comparaison conviendrait-il d’opérer et une comparaison quelconque est-elle possible? Plus particulièrement, conviendrait-il de comparer les faits à la situation dans laquelle [Cadbury] établit des filiales au Royaume‑Uni (en admettant que les bénéfices de [Cadbury] ne peuvent pas inclure les bénéfices de ses filiales du Royaume‑Uni) ou dans un État membre qui n’applique pas un taux inférieur d’imposition?
S’il y a restriction à l’établissement ou discrimination, la législation en cause peut-elle être justifiée au titre de la prévention de l’évasion fiscale, dès lors que cette législation vise à prévenir la réduction ou la distraction de bénéfices imposables au Royaume‑Uni? Et si cette législation peut être justifiée à ce titre, est-elle justifiée réellement, comme constitutive d’une mesure proportionnée en vue d’atteindre l’objectif légitime, au regard de la finalité de la législation et des
exonérations, et en particulier au regard de la possibilité offerte à [Cadbury], par le test du mobile, de démontrer qu’[elle] ne poursuivait pas un but d’évasion fiscale en satisfaisant aux deux [éléments] du test du mobile, ce que [Cadbury] n’est pas en mesure de faire?»
28. C’est au vu de ces interrogations que les Special Commissioners ont décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les articles 43 [CE], 49 [CE] et 56 CE s’opposent-ils à une législation fiscale nationale telle que celle en cause dans la procédure au principal qui, dans des circonstances spécifiques déterminées, prévoit d’imposer une société résidant dans cet État membre à raison des bénéfices d’une filiale résidant dans un autre État membre et soumise à un niveau inférieur d’imposition?»
IV – Analyse
29. Il est de jurisprudence constante que si les impôts directs ne relèvent pas en tant que tels du domaine de la compétence de la Communauté, il n’en reste pas moins que les États membres doivent exercer leurs compétences retenues dans le respect du droit communautaire (12). Cette limitation à l’exercice par les États membres de leurs compétences réservées s’applique également aux mesures visant à prévenir la fraude et l’évasion fiscales. Si la compétence des États membres pour prendre de telles
mesures est expressément rappelée tant par le traité (13) que par des actes de droit dérivé (14), il n’en demeure pas moins que lesdites mesures ne doivent pas enfreindre les engagements qu’ils ont pris dans le cadre dudit traité et, notamment, les libertés de circulation instaurées par celui-ci.
30. La juridiction de renvoi cherche à savoir, en l’espèce, si la législation du Royaume‑Uni sur les SEC est compatible avec la liberté d’établissement, la libre prestation des services ainsi que la libre circulation des capitaux.
31. Nous sommes d’avis, à l’instar de plusieurs parties intervenantes, que c’est à l’aune de la liberté d’établissement qu’il convient d’examiner la compatibilité de la législation en cause.
32. Il ressort de la jurisprudence que lorsque le ressortissant d’un État membre détient dans le capital d’une société établie dans un autre État membre une participation lui permettant d’exercer une influence certaine sur les décisions de cette société et d’en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement qui trouvent à s’appliquer et non celles ayant trait à la libre circulation des capitaux (15). En outre, l’article 48 CE étend les droits
conférés par l’article 43 CE aux sociétés constituées en conformité de la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté.
33. Il peut donc être déduit de ces éléments que la législation du Royaume‑Uni sur les SEC, qui définit les règles applicables à l’imposition des bénéfices d’une filiale étrangère dont le lien avec la société mère résidente ne se limite pas à une simple participation, mais consiste dans un contrôle par cette dernière, ne relève pas de la liberté de circulation des capitaux, mais bien de la liberté d’établissement.
34. Les parties requérantes soutiennent que les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services auraient également vocation à s’appliquer en l’espèce. Elles font valoir que la législation litigieuse rendrait plus difficile la fourniture de services financiers par CSTS et par CSTI à leur société mère résidente au Royaume‑Uni. Elles citent en exemples les arrêts Safir (16) et Eurowings Luftverkehr (17).
35. Nous ne sommes pas convaincu par l’argumentation des requérantes. La présente procédure porte sur la compatibilité avec le droit communautaire d’une législation d’un État membre qui prévoit d’attribuer à une société mère résidente les bénéfices de sa filiale créée dans un autre État membre lorsque cette filiale se trouve soumise dans celui-ci à un niveau très inférieur d’imposition. La nature de l’activité exercée par CSTS et par CSTI n’est pas spécifiquement visée par cette législation. La
situation est donc différente de celles dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités Safir et Eurowings Luftverkehr (18).
36. Il est vrai que, si la législation litigieuse a pour effet de dissuader une société résidente de créer une filiale dans un autre État membre, elle aboutit aussi à empêcher la fourniture de services par une telle filiale à partir de cet État membre. Toutefois, cette dernière restriction apparaît comme une conséquence de l’entrave à l’établissement. Dans notre cas de figure, c’est bien la liberté de créer une filiale dans ledit État membre qui se trouve au centre du litige (19). Nous ne voyons
donc pas l’intérêt d’invoquer également les règles relatives à la libre prestation des services. En tout état de cause, nous ne croyons pas que l’examen de la législation en cause à l’aune de cette liberté, en plus de la liberté d’établissement, puisse modifier le résultat de notre analyse.
37. Par conséquent, nous proposons de limiter l’examen de la question préjudicielle à la question de savoir si les articles 43 CE et 48 CE s’opposent à une législation fiscale nationale qui prévoit l’inclusion dans l’assiette imposable d’une société mère résidente des bénéfices réalisés par une SEC établie dans un autre État membre lorsque ces bénéfices sont soumis dans cet autre État à un niveau d’imposition très inférieur à celui en vigueur dans l’État de résidence de la société mère.
38. L’analyse devant permettre de répondre à cette question va nous conduire à examiner successivement les trois principales interrogations auxquelles la juridiction de renvoi a exposé être confrontée. Nous étudierons, tout d’abord, si le fait pour une société mère de créer une filiale dans un autre État membre dans le but de bénéficier d’un régime fiscal plus favorable que celui en vigueur dans l’État dans lequel elle est établie constitue en soi un usage abusif de la liberté d’établissement.
Nous analyserons, ensuite, le cas échéant, si la législation du Royaume‑Uni sur les SEC constitue une entrave à l’exercice de cette liberté. Nous examinerons, enfin, si cette entrave peut être justifiée.
A – Sur l’existence d’un usage abusif de la liberté d’établissement
39. Il s’agit donc, premièrement, de déterminer si le fait pour une société mère de créer une filiale dans un autre État membre dans le but de bénéficier du régime fiscal plus favorable de cet autre État constitue, en soi, un usage abusif de la liberté d’établissement. La juridiction de renvoi indique se poser cette question parce que Cadbury a constitué CSTS et CSTI en tant que filiales indirectes, résidentes fiscales en Irlande, uniquement pour que les activités de prêts financiers effectuées à
l’intérieur du groupe puissent bénéficier du régime du Centre international de services financiers.
40. Nous ne croyons pas que le fait pour une société mère de créer une filiale dans un autre État membre dans le but avoué de bénéficier du régime fiscal plus favorable en vigueur dans celui-ci constitue, en soi, un usage abusif de la liberté d’établissement, qui priverait ainsi cette société de la possibilité de se prévaloir des droits conférés par les articles 43 CE et 48 CE. Nous fondons cette analyse sur la portée de ces dispositions, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence.
41. Il convient de rappeler, tout d’abord, que les articles 43 CE et 48 CE confèrent expressément à une société qui satisfait aux exigences énoncées à ce dernier article le droit de créer une agence, une succursale ou encore une filiale dans un autre État membre, dans les conditions définies par la législation de celui-ci pour ses propres ressortissants. Cette liberté fondamentale, consacrée par ces dispositions qui sont revêtues d’effet direct depuis la fin de la période de transition (20), vise
ainsi à permettre à une telle société de créer un établissement secondaire dans n’importe quel autre État membre. Toute société constituée en conformité de la législation d’un État membre peut donc ouvrir une filiale à l’endroit de son choix à l’intérieur de la Communauté.
42. Ensuite, il paraît important de souligner, dans le cadre de la présente affaire, que la notion d’«établissement» implique la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer de façon stable et continue à la vie économique de n’importe quel État membre autre que son État d’origine et d’en tirer profit (21). La liberté d’établissement vise ainsi à permettre l’exercice d’une activité économique réelle et effective dans l’État d’accueil (22). Comme l’indiquait l’avocat général Darmon
au point 3 de ses conclusions dans l’affaire Daily Mail and General Trust (23), «[s]’établir, ‘c’est s’intégrer à une économie nationale’». C’est donc l’exercice d’une activité économique dans l’État membre d’accueil qui constitue la raison d’être de la liberté d’établissement.
43. Enfin, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’objectif poursuivi par la liberté d’établissement se trouve satisfait, les raisons pour lesquelles le ressortissant communautaire ou la société en cause ont entendu exercer cette liberté ne sauraient remettre en cause la protection qu’ils tirent du traité.
44. Ainsi, dans l’arrêt Centros (24), la question à trancher était de savoir si les autorités danoises compétentes pouvaient refuser d’immatriculer une succursale d’une société à responsabilité limitée régulièrement constituée au Royaume‑Uni, au motif que celle-ci n’exerçait aucune activité dans cet État membre et que, en définitive, elle cherchait uniquement à éluder les règles danoises relatives à la création d’une SARL (25).
45. Il s’agissait donc de déterminer si l’État d’accueil pouvait refuser à une société remplissant les conditions requises à l’article 48 CE de créer un établissement secondaire sur son territoire en raison des motivations qui avaient poussé les associés à choisir de constituer leur société dans un autre État membre. En d’autres termes, les motifs qui avaient guidé les associés pouvaient-ils les empêcher de se prévaloir des droits conférés par l’article 43 CE alors même que cette disposition était
invoquée conformément à sa finalité, à savoir permettre à une société régulièrement constituée selon les règles d’un État membre d’exercer ses activités à titre secondaire dans un autre État membre?
46. La Cour a fait prévaloir la finalité du droit d’établissement conféré par le traité. Ainsi, elle a indiqué, dans l’arrêt Centros, précité, que le droit de constituer une société en conformité avec la législation d’un État membre et de créer des succursales dans d’autres États membres est inhérent à l’exercice, dans un marché unique, de la liberté d’établissement garantie par le traité. Elle a jugé que le fait, pour un ressortissant d’un État membre qui souhaite créer une société, de choisir de
la constituer dans l’État membre dont les règles de droit des sociétés lui paraissent les moins contraignantes et de créer des succursales dans d’autres États membres ne saurait constituer en soi un usage abusif du droit d’établissement (26).
47. Cette solution, qui a été adoptée en grand plenum, n’est pas isolée. Elle a été confirmée dans l’arrêt Inspire Art (27), dans lequel elle a été étendue à la législation néerlandaise qui, dans des circonstances comparables à celles de l’affaire Centros, précitée, ne s’opposait pas à l’immatriculation d’une succursale mais soumettait la création de cet établissement secondaire au respect de certaines conditions prévues en droit interne pour la constitution de sociétés.
48. Dans l’arrêt Inspire Art, précité, la Cour a indiqué expressément que les raisons pour lesquelles une société choisit de se constituer dans un État membre sont, hors les cas de fraude, sans conséquence au regard de l’application des règles relatives à la liberté d’établissement (28). Elle a confirmé que la circonstance selon laquelle la société se prévalant des articles 43 CE et 48 CE n’a été créée dans un État membre que dans le but de bénéficier d’une législation plus avantageuse n’est pas
constitutive d’un abus, et ce même si ladite société exerce l’essentiel, voire l’ensemble, de ses activités dans l’État où est créé l’établissement secondaire (29).
49. Nous pouvons déduire de cette jurisprudence, pour la présente affaire, que, dès lors que la filiale contrôlée exerce une activité réelle et effective dans l’État membre où elle a été créée, les motifs pour lesquels la société mère a décidé d’implanter cette filiale dans cet État d’accueil ne sauraient remettre en cause les droits que ladite société tire du traité (30).
50. Le droit pour Cadbury de se prévaloir de la protection conférée par les articles 43 CE et 48 CE dépend donc, en l’espèce, de la question de savoir si CSTS et CSTI exercent bien des activités réelles et effectives en Irlande. C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient de trancher cette question, qui fait l’objet d’une vive contestation entre les parties requérantes et le Royaume‑Uni. Cependant, à ce stade, nous croyons pouvoir affirmer que le fait que Cadbury a décidé d’implanter ses
filiales en Irlande uniquement dans le but que ces dernières soient soumises au régime fiscal très favorable applicable dans le Centre international de services financiers, ne constitue pas en soi un usage abusif de la liberté d’établissement.
51. Le niveau d’imposition constitue un élément qu’une société peut légitimement prendre en compte dans le choix de l’État d’accueil dans lequel elle envisage de créer une filiale. Une société peut, sans enfreindre la portée et l’esprit de l’article 43 CE, décider d’exercer ses activités à titre secondaire dans un autre État membre afin de bénéficier du régime fiscal plus favorable de cet autre État pour la taxation des activités qui sont imposables dans celui-ci.
52. Cette analyse se trouve confirmée par une jurisprudence constante, selon laquelle un État membre ne saurait empêcher une société d’exercer son droit d’établissement dans un autre État membre au motif qu’une telle opération entraînerait pour lui une perte fiscale en ce qui concerne les impôts qui auraient été exigibles en raison d’une activité future, si la société avait exercé cette activité dans son État d’origine (31).
53. Dans le même sens, il est également de jurisprudence établie que la simple circonstance qu’une société résidente crée un établissement secondaire dans un autre État membre ne saurait fonder une présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales et justifier une mesure portant atteinte à l’exercice d’une liberté fondamentale garantie par le traité (32). Comme la Cour l’a jugé à plusieurs reprises, l’établissement d’une société dans un autre État membre n’implique pas, en soi, une évasion
fiscale, puisque la société en question est, en tout état de cause, soumise à la législation de cet État (33).
54. Enfin, il peut également être déduit de la jurisprudence qu’un État membre ne peut entraver l’exercice des libertés de circulation dans un autre État membre en prenant prétexte du faible niveau d’imposition dans celui-ci (34).
55. Au vu de ces considérations, en l’absence d’harmonisation communautaire, force est d’admettre que les régimes fiscaux des différents États membres peuvent ainsi être mis en situation de concurrence. Cette concurrence, qui se traduit notamment par une grande disparité des taux d’imposition des bénéfices des sociétés entre les États membres, peut avoir un impact significatif sur le choix, par les sociétés, de la localisation de leurs activités au sein de l’Union européenne (35). Il est permis de
regretter qu’une concurrence en ce domaine puisse jouer entre les États membres sans aucune limite. Il s’agit toutefois d’une question de nature politique.
56. Il convient de rappeler, à cet égard, que le Conseil «Questions économiques et financières» (Conseil «Ecofin») a adopté un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (36), qui vise «les mesures ayant, ou pouvant avoir, une incidence sensible sur la localisation des activités économiques au sein de la Communauté» et aux termes duquel les États membres se sont engagés à procéder au gel et au démantèlement de telles mesures. Il paraît utile de souligner ici que le régime
fiscal irlandais applicable aux sociétés établies dans le Centre international de services financiers a été cité dans le rapport du groupe «Code de conduite», chargé d’évaluer les mesures nationales susceptibles d’entrer dans le champ d’application dudit code, comme étant une mesure dommageable. Ce régime fiscal a donc dû faire l’objet d’une suppression progressive (37).
57. Cependant, ces éléments ne sauraient avoir une influence sur la portée des droits conférés aux opérateurs économiques par les articles 43 CE et 48 CE. Ainsi qu’il ressort de son préambule, le code de conduite constitue un engagement de nature politique et il n’affecte donc pas les droits et les obligations des États membres ni les compétences respectives des États membres et de la Communauté telles qu’elles découlent du traité. L’adoption du code de conduite et la mention du régime fiscal
irlandais en cause parmi les mesures fiscales nationales dommageables pour le marché unique ne sauraient donc limiter ni a fortiori restreindre rétroactivement le droit conféré par le traité à toute société conforme à l’article 48 CE de créer un établissement secondaire dans l’État membre de son choix, y compris dans un État dans lequel s’applique un régime fiscal analysé comme étant dommageable pour le marché unique.
58. La circonstance que ce régime fiscal puisse également être qualifié d’aide d’État incompatible avec le marché commun (38) ne modifie pas cette analyse. Comme la Commission l’a indiqué dans ses observations, le traité contient des dispositions particulières, à ses articles 87 CE et 88 CE, qui visent à assurer le contrôle de la compatibilité d’une telle mesure avec le marché commun et l’annulation de ses effets préjudiciables à celui-ci. La circonstance qu’un tel régime fiscal ne soit pas
conforme aux règles du traité ne saurait donc autoriser un État membre à prendre des mesures unilatérales destinées à en combattre les effets en portant atteinte aux libertés de circulation.
59. Il pourrait encore être objecté à cette analyse que le problème demeure entier en ce qui concerne la disparité des taux d’imposition qui sont fixés dans les législations des États membres ayant une portée générale. D’une part, en effet, l’évaluation des mesures fiscales réputées dommageables, à laquelle il a été procédé par le groupe «Code de conduite» et dont la suppression a été programmée, s’est limitée aux régimes particuliers ou spécifiques. D’autre part, en vertu de l’article 94 CE, un
rapprochement des législations nationales en ce qui concerne les taux d’imposition applicables relève toujours de la règle de l’unanimité au sein du Conseil. Or, à ce jour, aucune mesure en ce sens n’a été prise et ne paraît envisageable dans un proche avenir, ainsi que des États membres l’ont indiqué lors de l’audience.
60. Toutefois, les effets dommageables d’une absence totale d’harmonisation des taux d’imposition des bénéfices de sociétés relèvent, nous l’avons dit, d’une solution de nature politique et ne nous paraissent pas justifier de mettre en cause la portée des droits conférés par les articles 43 CE et 48 CE, telle qu’elle a été définie par la jurisprudence. Nous sommes donc d’avis de retenir que le fait pour une société résidente fiscale d’un État membre de créer une filiale dans le Centre
international de services financiers, dans le but avoué de profiter du régime fiscal plus favorable qui y est applicable, ne constitue pas, en soi, un usage abusif de la liberté d’établissement.
61. Nous allons examiner, à présent, si la législation du Royaume‑Uni sur les SEC constitue une entrave à la liberté d’établissement.
B – Sur l’existence d’une entrave à la liberté d’établissement
62. À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 43 CE ne prohibe pas seulement les restrictions à la création d’une filiale dans un autre État membre qui émanent de l’État d’accueil, mais également celles qui sont imputables à l’État d’origine. Ainsi, conformément à une jurisprudence établie, même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent notamment à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles
s’opposent également à ce que l’État d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre d’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité de sa législation (39). Cette prohibition des entraves «à la sortie» s’applique également aux mesures fiscales (40).
63. Il ressort également de la jurisprudence que les restrictions prohibées par l’article 43 CE peuvent prendre différentes formes. Il peut s’agir de discriminations ostensibles fondées sur la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, sur leur siège social. Elles peuvent également prendre la forme de «discriminations indirectes», c’est-à-dire de mesures qui, sans être fondées sur le siège social, reposent sur des conditions indistinctement applicables, qui ont pour effet de défavoriser
essentiellement les ressortissants des autres États membres, telles que le critère de la résidence fiscale (41). Enfin, dans sa jurisprudence plus récente, la Cour ne recherche pas si la mesure en cause doit être qualifiée de discrimination directe ou indirecte. Elle se borne à constater l’existence d’une différence de traitement fiscal, qui crée un désavantage au préjudice de l’opérateur économique qui a exercé les droits conférés par l’article 43 CE et qui serait susceptible de le dissuader
d’exercer de tels droits (42).
64. Le dernier élément qu’il paraît utile de signaler ici dans la jurisprudence relative à l’examen de régimes fiscaux nationaux à l’aune des libertés de circulation tient aux justifications possibles d’une restriction. En principe, les discriminations ostensibles fondées sur la nationalité ne peuvent être justifiées que par un motif visé à l’article 46, paragraphe 1, CE, relevant de l’ordre public, de la sécurité publique et de la santé publique. Seules les mesures indistinctement applicables
peuvent l’être également par une raison impérieuse d’intérêt général, c’est-à-dire par une raison non visée à cette disposition, mais qui est reconnue par la jurisprudence comme poursuivant un intérêt légitime. Par ailleurs, dans le contexte des articles 43 CE et 48 CE, le siège social des sociétés sert à déterminer leur rattachement à l’ordre juridique d’un État membre, à l’instar de la nationalité des personnes physiques (43). Toutefois, en matière fiscale, la constatation de l’existence d’une
différence de traitement fondée sur le siège social des sociétés n’exclut pas que cette inégalité de traitement puisse être justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (44).
65. C’est au vu de ces considérations que nous allons examiner si la législation en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement. La juridiction de renvoi se demande, à cet égard, si cette législation doit être analysée comme une restriction à l’exercice de la liberté d’établissement ou bien comme une discrimination.
66. Dans le premier cas de figure, elle se demande si l’éventualité que Cadbury ne paie pas un impôt supérieur à celui que CSTS et CSTI auraient payé si elles avaient été établies au Royaume‑Uni ou encore le fait que les pertes subies par ces filiales étrangères ne peuvent faire l’objet d’un dégrèvement sur les bénéfices imposables au Royaume‑Uni, alors qu’un tel dégrèvement aurait été possible si ces filiales avaient été établies dans cet État membre, ont une incidence sur l’existence d’une
restriction.
67. Dans le second cas de figure, elle s’interroge sur la comparaison qu’il convient d’effectuer afin d’établir l’existence d’une discrimination. Ainsi, elle se demande si la situation de Cadbury doit être comparée à celle d’une société résidente qui aurait créé une filiale au Royaume‑Uni ou bien à celle d’une société résidente qui aurait créé un tel établissement secondaire dans un autre État membre, dans lequel le taux d’imposition n’est pas suffisamment avantageux pour que la législation sur
les SEC ait vocation à s’appliquer.
68. Le Royaume‑Uni soutient que la législation litigieuse ne constitue pas une entrave discriminatoire à la liberté d’établissement. Il fait valoir, tout d’abord, que la situation de Cadbury doit être comparée uniquement à celle d’une société résidente dont la filiale aurait été établie sur le territoire national. Il expose ensuite, soutenu en cela par les gouvernements danois, allemand, français, portugais, finlandais et suédois, que ladite législation ne serait pas discriminatoire parce que
l’impôt réclamé à Cadbury ne serait pas supérieur à celui qui aurait été supporté globalement par cette société et ses filiales si ces dernières avaient été établies au Royaume‑Uni. L’effet économique sur les avoirs de Cadbury serait donc le même dans les deux cas de figure.
69. Selon ces États membres, la législation sur les SEC poursuivrait ainsi un objectif de neutralité fiscale, en faisant en sorte que la charge fiscale globale pesant sur l’unité économique que constituent une société mère britannique et ses filiales soit identique, que les filiales soient établies au Royaume‑Uni ou dans un autre État membre.
70. Enfin, les gouvernements allemand et français exposent que la différence de traitement prévue par la législation en cause en fonction du lieu d’implantation des filiales serait objectivement justifiée par la différence entre les taux d’imposition auxquels ces filiales se trouveraient soumises dans leur État d’établissement respectif.
71. Nous ne partageons pas cette analyse pour les motifs suivants.
72. Ainsi que nous l’avons vu, la législation en cause instaure un régime particulier, qui a vocation à s’appliquer uniquement aux sociétés résidentes ayant créé une filiale dans un État membre qui prévoit un taux d’imposition des bénéfices des sociétés très inférieur à celui en vigueur au Royaume‑Uni. La législation sur les SEC ne s’applique pas, rappelons-le, si la filiale est établie au Royaume‑Uni ou si elle l’est dans un autre État membre dont le régime fiscal n’aboutirait pas à une
imposition des bénéfices de cette filiale inférieure aux trois quarts de l’impôt qui serait dû sur ces mêmes bénéfices au Royaume‑Uni.
73. La législation en cause prévoit que les bénéfices de la filiale contrôlée sont susceptibles d’être inclus dans l’assiette imposable de la société mère dès qu’ils sont réalisés.
74. Elle constitue donc un désavantage pour la société mère à laquelle elle s’applique par rapport, d’une part, à une société résidente qui a créé sa filiale au Royaume‑Uni et, d’autre part, à une société résidente qui a créé une telle filiale dans un État membre dont le régime fiscal n’est pas suffisamment avantageux pour tomber dans son champ d’application. Dans le premier cas, en effet, la société résidente n’est jamais imposée sur les bénéfices de sa filiale nationale. Dans le second cas, la
société résidente n’est pas imposée sur les bénéfices de sa filiale étrangère lorsqu’ils sont réalisés. Elle ne peut l’être qu’au moment où ces bénéfices lui sont distribués sous forme de dividendes.
75. Nous sommes donc en présence d’un traitement fiscal différencié, qui désavantage les sociétés qui, comme Cadbury, ont créé une filiale en Irlande, dans le Centre international de services financiers, et un tel traitement est bien de nature à dissuader une société résidente d’y exercer son droit d’établissement.
76. La circonstance selon laquelle l’impôt réclamé à Cadbury n’excéderait pas le montant global de l’imposition qui aurait été supporté par l’unité économique constituée par la société mère et ses filiales si ces dernières avaient été résidentes au Royaume‑Uni ne remet pas en cause cette analyse. En effet, cette circonstance ne fait pas disparaître l’inégalité de traitement au niveau des sociétés mères.
77. Mais, même à supposer que la législation litigieuse soit fiscalement neutre par rapport à une situation purement interne, cela ne mettrait pas en cause l’existence de l’inégalité de traitement et le désavantage de Cadbury par rapport à la situation d’une société résidente ayant créé une filiale dans un autre État membre dont la fiscalité est moins avantageuse que celle en vigueur dans le Centre international de services financiers.
78. Contrairement au Royaume‑Uni, nous ne voyons pas pourquoi la situation de Cadbury ne devrait pas être comparée à celle d’une telle société. Nous estimons que l’appréciation de la compatibilité de la législation en cause avec le droit communautaire doit permettre d’examiner celle-ci dans toutes ses implications. La notion de «discrimination» est définie, nous le savons, comme l’application de règles différentes à des situations comparables ou bien comme l’application de la même règle à des
situations différentes (45). La seule question qui se pose afin de déterminer si le traitement différent de deux situations constitue une discrimination est donc de savoir si ces deux situations sont comparables. Nous sommes d’avis que tel est le cas entre la situation de Cadbury et celle d’une société résidente ayant créé une filiale dans un autre État membre dont la fiscalité est moins avantageuse que celle en vigueur dans le Centre international de services financiers, puisque, dans les deux cas
de figure, une société résidente au Royaume‑Uni a créé une filiale dans un autre État membre.
79. À l’encontre de notre analyse, il est soutenu que la disparité des taux d’imposition des bénéfices des sociétés en vigueur au sein de l’Union constitue une différence objective de situation justifiant le traitement différencié prévu par la législation en cause.
80. Si cette thèse devait être suivie, cela reviendrait à admettre qu’un État membre serait en droit, sans enfreindre les règles du traité, de sélectionner les autres États membres dans lesquels ses sociétés nationales peuvent créer des filiales en bénéficiant du régime fiscal applicable dans l’État d’accueil. Or, comme l’ont soutenu les parties requérantes et l’Irlande, une telle solution aboutirait manifestement à un résultat contraire à la notion même de «marché unique».
81. La fixation du taux d’imposition des bénéfices des sociétés relève, nous l’avons vu, de la compétence souveraine de chaque État membre et les articles 43 CE et 48 CE confèrent à chaque société conforme à ce dernier article le droit de créer une filiale à l’endroit de son choix à l’intérieur de l’Union. Un État membre ne peut donc pas traiter de manière différente ses sociétés résidentes qui créent des filiales dans d’autres États membres en fonction du taux d’imposition applicable dans l’État
d’accueil.
82. Cette solution irait également à l’encontre de la position adoptée par la Cour dans les arrêts précités Eurowings Luftverkehr et Barbier, dans lesquels il a été jugé que la fiscalité peu élevée en vigueur dans un État membre ne saurait justifier un traitement fiscal défavorable par un autre État membre (46) et qu’un ressortissant communautaire ne saurait être privé de la possibilité de se prévaloir des dispositions du traité au motif qu’il profite des avantages fiscaux légalement offerts par
les normes en vigueur dans un État membre autre que celui dans lequel il réside (47).
83. La différence de traitement prévue par la législation du Royaume‑Uni sur les SEC en fonction du taux d’imposition dans l’État membre d’établissement suffit, selon nous, pour que ce régime soit analysé comme constituant une entrave à la liberté d’établissement et pour que sa compatibilité avec les règles du traité soit nécessairement soumise au contrôle de la Cour.
84. Nous allons examiner à présent si cette entrave peut être justifiée.
C – Sur la justification tirée de la lutte contre l’évasion fiscale
85. Ainsi qu’il ressort du dossier, la législation du Royaume‑Uni sur les SEC a été adoptée afin de lutter contre un mode spécifique d’évasion fiscale, réalisée par le détournement artificiel de bénéfices obtenus au Royaume‑Uni. Il s’agit, selon cet État membre, de lutter contre les détournements de bénéfices, réalisés par une société résidente en créant une filiale dans un pays à faible niveau d’imposition et en effectuant des transactions intragroupes dont le but principal est le transfert de
ces bénéfices à cette filiale. La juridiction de renvoi demande si la législation nationale en cause peut être justifiée par cet objectif.
86. La lutte contre l’évasion fiscale fait partie des raisons impérieuses d’intérêt général qui peuvent justifier une entrave à l’exercice des libertés de circulation. La Cour l’a admis à plusieurs reprises, en acceptant d’examiner si la restriction à la liberté d’établissement créée par la législation nationale concernée pouvait être justifiée par un tel motif (48). Nous avons également indiqué que, dans l’arrêt ICI, précité, elle a procédé à un tel examen à propos de la législation du
Royaume‑Uni qui utilisait le critère du siège des filiales contrôlées pour instaurer un traitement fiscal différencié des sociétés de consortium établies dans cet État membre.
87. Toutefois, la possibilité qu’une telle justification soit effectivement retenue a été encadrée par des limites assez strictes. Ainsi, selon une formule régulièrement reprise dans la jurisprudence, une entrave à une liberté de circulation garantie par le traité ne peut être justifiée par la lutte contre l’évasion fiscale que si la législation en cause a pour objet spécifique d’exclure d’un avantage fiscal les montages purement artificiels dont le but serait de contourner la loi nationale (49).
88. Le recours à cette formule, dont les termes reprennent ceux de la notion d’«abus de droit» (50), peut être compris comme la volonté d’éviter que la lutte contre l’évasion fiscale ne serve de prétexte à une attitude protectionniste. L’application du droit communautaire ne peut être refusée que lorsque la société en cause s’en prévaut de manière abusive, parce qu’elle a mis en place un montage artificiel afin d’échapper à l’impôt.
89. La Cour a donc refusé qu’une mesure nationale restrictive puisse être justifiée par la lutte contre l’évasion fiscale lorsque cette législation frappe une situation définie en termes trop généraux. Ainsi, selon la Cour, pour que cette justification puisse trouver à s’appliquer, la législation nationale litigieuse ne doit pas viser, «de manière générale, toute situation dans laquelle la majorité des sociétés filiales d’un groupement se trouvent établies, pour quelque raison que ce soit, en
dehors du Royaume‑Uni» (51) ni, «de manière générale, toute situation dans laquelle, pour quelque raison que ce soit, la cession à perte est effectuée au profit d’une société constituée en conformité avec la législation d’un autre État membre dans laquelle le cédant détient une participation ou d’une filiale créée dans le Royaume de Suède par une telle société» (52).
90. Elle ne doit pas viser non plus, «de manière générale, toute situation dans laquelle la société mère a son siège, pour quelque raison que ce soit, en dehors de la République fédérale d’Allemagne» (53) ni, «de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant des participations substantielles dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés transfère, pour quelque raison que ce soit, son domicile hors de France» (54).
91. En revanche, les juridictions nationales peuvent, au cas par cas, en se fondant sur des éléments objectifs, tenir compte du comportement abusif ou frauduleux des personnes concernées pour leur refuser le bénéfice des dispositions du droit communautaire invoquées (55).
92. Il s’ensuit que, pour pouvoir être justifiée par la lutte contre l’évasion fiscale, la législation nationale ne doit pas se contenter de viser une situation définie en termes généraux, mais elle doit permettre au juge national de refuser, au cas par cas, le bénéfice du droit communautaire à certains contribuables ou à certaines sociétés qui auraient mis en œuvre un montage artificiel dans le but d’échapper à l’impôt.
93. Dans l’arrêt Marks & Spencer, précité, la Cour, pour la première fois à notre connaissance, a fait une application plus large de la justification tirée de la lutte contre l’évasion fiscale. Cette application est intervenue dans un contexte particulier, à propos de la législation du Royaume‑Uni relative au «dégrèvement de groupe». Conformément à cette législation, les sociétés d’un même groupe, résidentes au Royaume‑Uni, peuvent procéder entre elles à une compensation de leurs bénéfices et de
leurs pertes. Toutefois, cette possibilité est refusée à une société mère résidente pour les pertes subies par ses filiales qui sont établies dans un autre État membre. Cette différence de traitement entre des filiales en fonction de leur résidence a été analysée de manière prévisible comme constituant une entrave à la liberté d’établissement.
94. Trois motifs étaient invoqués afin de justifier la différence de traitement en cause. Il était soutenu, premièrement, que les bénéfices et les pertes devaient être traités de façon symétrique dans le cadre d’un même système fiscal afin de sauvegarder une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres. Il s’agissait, deuxièmement, d’éviter que les pertes soient prises en compte deux fois. Le troisième motif avancé consistait à prévenir un risque d’évasion fiscale.
95. L’examen effectué par la Cour des justifications ainsi invoquées apporte des éléments qui nous semblent pertinents pour la présente affaire. Il paraît utile d’en rappeler ici le contenu.
96. En ce qui concerne la première justification, la Cour a rappelé sa jurisprudence constante, selon laquelle la réduction des recettes fiscales ne saurait être considérée comme une raison impérieuse d’intérêt général pouvant être invoquée pour justifier une mesure en principe contraire à une liberté fondamentale (56).
97. Elle a apporté cependant la précision suivante. Elle a ajouté que, néanmoins, la préservation de la répartition du pouvoir d’imposition entre les États membres pourrait rendre nécessaire l’application, aux activités économiques des sociétés établies dans l’un de ces États, des seules règles fiscales de celui-ci, en ce qui concerne tant les bénéfices que les pertes. En effet, selon la Cour, «donner aux sociétés la faculté d’opter pour la prise en compte de leurs pertes dans l’État membre de
leur établissement ou dans un autre État membre compromettrait sensiblement une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres, l’assiette d’imposition se trouvant augmentée dans le premier État et diminuée dans le second, à concurrence des pertes transférées» (57).
98. En ce qui concerne le risque de double emploi des pertes, la Cour indique que les États membres doivent pouvoir y faire face (58).
99. S’agissant, enfin, du risque d’évasion fiscale, la Cour admet que la possibilité de transférer les pertes d’une filiale non‑résidente à une société résidente comporte le risque que des transferts de pertes soient organisés au sein d’un groupe de sociétés en direction des sociétés établies dans les États membres appliquant les taux d’imposition les plus élevés et dans lesquels, par conséquent, la valeur fiscale des pertes est la plus importante. Elle indique qu’une exclusion du dégrèvement de
groupe pour les pertes subies par des filiales non‑résidentes fait obstacle à de tels transferts, qui seraient motivés par les écarts sensibles entre les taux d’imposition appliqués dans les différents États membres (59).
100. La Cour a estimé, au vu de ces trois motifs pris ensemble, que la restriction en cause poursuivait des objectifs légitimes et qu’elle était propre à les atteindre. Elle a procédé ensuite à l’examen de sa proportionnalité et a déterminé dans quelles conditions elle pouvait être justifiée.
101. Nous pouvons déduire de cette motivation deux considérations qui présentent un caractère pertinent pour la présente affaire.
102. La première d’entre elles tient au fait que les libertés de circulation instaurées par le traité ne visent pas à permettre aux sociétés de transférer leurs pertes ou leurs bénéfices d’un État membre à un autre en fonction de leur propre convenance. En d’autres termes, la Cour confirme que ces règles n’ont pas vocation à mettre en cause la répartition par les États membres de leur pouvoir d’imposition ni le droit de chaque État d’imposer les activités économiques qui sont réalisées sur son
territoire. Les États membres peuvent donc s’opposer à de tels transferts, qui visent à bénéficier des disparités des taux d’imposition applicables pour la taxation de bénéfices qui sont déjà réalisés.
103. La seconde considération pouvant être dégagée de l’arrêt Marks & Spencer, précité, tient au fait que la première considération ne doit pas mettre en cause la portée des articles 43 CE et 48 CE que nous avons décrite dans la première partie de notre analyse. Au point 44 dudit arrêt, la Cour confirme en effet sa jurisprudence constante, selon laquelle la réduction des recettes fiscales ne constitue pas une raison impérieuse d’intérêt général pouvant justifier une restriction à l’exercice des
libertés garanties par le traité. L’État membre dans lequel est établie la société mère ne peut donc pas faire obstacle à la création par celle-ci d’une filiale dans un autre État membre au prétexte, par exemple, que les activités qui y sont exercées par celle-ci pourraient l’être sur son propre territoire et être rattachées à sa souveraineté fiscale.
104. La question de savoir si, et dans quelle mesure, des transactions entre une SEC et sa société mère ayant pour effet la diminution du bénéfice imposable de cette dernière constituent une évasion fiscale passe par la recherche d’un juste équilibre entre ces deux principes.
105. Une telle recherche conduit, selon nous, à partir du critère pris en considération lorsqu’il s’agit d’apprécier l’existence d’une pratique abusive, qui est de savoir si l’objectif poursuivi par la disposition de droit communautaire invoquée est satisfait (60). Il s’agit donc d’apprécier si l’implantation de la SEC dans un État à faible niveau d’imposition et les transactions passées par celle-ci avec la société mère ayant eu pour effet une diminution de l’imposition due par cette dernière dans
l’État d’origine constituent des opérations qui entrent bien dans le cadre de l’objectif de la liberté d’établissement.
106. Nous avons vu que la notion d’«établissement», au sens des articles 43 CE et suivants du traité, comporte l’exercice effectif d’une activité économique dans l’État d’accueil. Si la filiale exerce effectivement une telle activité dans cet État et que, dans ce cadre, elle fournit à sa société mère des prestations réelles et effectives, nous ne croyons pas que cette situation puisse être analysée comme constituant, en soi, une fraude ou une évasion fiscales, et cela même si le paiement de ces
prestations se traduit par une diminution des bénéfices imposables de la société mère dans l’État d’origine.
107. Au regard de l’objectif de la liberté d’établissement, dès lors que la filiale exerce une activité économique réelle dans l’État d’accueil, il n’y a pas de différence entre la fourniture de services à des tiers et la fourniture de ces mêmes services à des sociétés appartenant au même groupe que celui de la filiale.
108. Par ailleurs, la fourniture de prestations de services par la filiale à sa société mère constitue une activité économique, qui se traduit par des transactions entre des personnes morales distinctes. La circonstance que ces sociétés sont liées ne fait pas obstacle à ce que le prix de ces transactions soit fixé dans des conditions normales de concurrence (61). Le risque d’évasion fiscale dans le cadre de telles transactions n’est donc pas comparable à celui qui serait créé par le transfert des
pertes de filiales étrangères à une société mère résidente, en cause dans l’affaire Marks & Spencer, précitée, puisqu’un tel transfert de pertes serait effectué par un simple jeu d’écritures comptables. Des transactions entre une SEC et sa société mère ayant pour effet de réduire les bénéfices imposables de cette dernière ne peuvent donc être analysées comme une évasion fiscale que si l’implantation de cette filiale et ces transactions constituent, selon la jurisprudence rappelée ci-dessus, un
montage purement artificiel dont le but serait de contourner la loi nationale.
109. De même, le fait qu’une société centralise dans un autre État membre à faible taux d’imposition la réalisation de certaines activités utiles à l’ensemble du groupe et qu’elle cherche par ce moyen à réduire la charge fiscale globale supportée par ledit groupe ne nous paraît pas non plus constituer en soi une pratique abusive. Dans un tel cas de figure, dès lors que la filiale en charge de ces prestations intragroupes exerce une activité économique réelle dans l’État d’accueil à la souveraineté
fiscale duquel elle est rattachée, il n’y a pas atteinte, a priori, à la répartition territoriale du pouvoir d’imposition des États membres. En effet, la perte de bénéfices imposables ressentie au niveau de l’État d’origine est le résultat de l’activité économique qui est effectuée dans l’État d’accueil et imposée dans celui-ci.
110. Nous pouvons donc en déduire que l’appréciation de l’existence d’un montage purement artificiel destiné à contourner la loi fiscale nationale dans le cadre des relations d’une société mère avec une SEC passe nécessairement par un examen, au cas par cas, de la réalité de l’implantation de la filiale dans l’État d’accueil et de la substance de ses activités dans cet État par rapport aux prestations fournies à la société mère, dont le paiement a eu pour effet une diminution de l’imposition due par
celle-ci dans l’État d’origine.
111. Le Royaume‑Uni et la Commission ont cité à cet égard trois critères qui nous paraissent pertinents. Il s’agit, d’une part, du niveau de présence physique de la filiale dans l’État d’accueil, d’autre part, de la substance réelle de l’activité fournie par la filiale et, enfin, de la valeur économique de cette activité par rapport à la société mère et à l’ensemble du groupe.
112. Le premier de ces critères porte sur la réalité de l’implantation de la filiale dans l’État d’accueil. Il conduit à examiner si la filiale dispose des locaux, du personnel et des équipements nécessaires à la réalisation des prestations fournies à la société mère et qui ont eu pour effet la diminution de l’impôt dû dans l’État d’origine. Si tel n’est pas le cas, le rattachement de ces prestations à la souveraineté fiscale dudit État apparaît bien comme un montage purement artificiel destiné à
échapper à l’impôt.
113. Le deuxième de ces critères a trait au caractère effectif des prestations fournies par la filiale. Il s’agit, dans ce cadre, d’examiner la compétence du personnel de la filiale par rapport aux prestations fournies ainsi que le niveau de prise de décision dans la réalisation de ces prestations. Si, par exemple, la filiale se révèle n’être qu’un simple instrument d’exécution parce que les décisions qui sont nécessaires à la réalisation des prestations qui lui sont payées sont prises à un autre
niveau, il est également justifié de considérer que le rattachement de ces prestations à la souveraineté fiscale de l’État d’accueil constitue un montage purement artificiel.
114. Le troisième critère, tenant à la valeur ajoutée par l’activité de la filiale, est sans doute plus délicat à mettre en œuvre si les prestations fournies par celle-ci correspondent effectivement à l’exercice d’activités réelles dans l’État d’accueil. Ce critère nous semble toutefois pertinent dans la mesure où il pourrait permettre de prendre en compte la situation objective dans laquelle les prestations fournies par la filiale sont dépourvues de tout intérêt économique au regard de l’activité
de la société mère. Si tel est le cas, il nous semble possible d’admettre qu’il y a un montage purement artificiel parce que le paiement par la société mère des prestations en cause apparaît, en quelque sorte, dépourvu de contrepartie. Le paiement de telles prestations pourrait donc être analysé comme un transfert pur et simple de bénéfices de la société mère à la filiale.
115. En revanche, comme la Commission et contrairement au Royaume‑Uni, nous ne croyons pas que la motivation de la création de la filiale et du choix du pays de son implantation puisse constituer un critère pertinent. En d’autres termes, l’existence d’un montage purement artificiel ne peut pas être déduite de l’intention avouée de la société mère d’obtenir un allègement de son imposition dans l’État d’origine.
116. Ainsi que nous l’avons vu, les raisons subjectives pour lesquelles un opérateur économique a exercé les droits de circulation qui lui sont conférés par le traité ne peuvent remettre en cause la protection qu’il tire de ces droits à partir du moment où la finalité poursuivie par ceux‑ci est satisfaite. Dès lors que tel est le cas, le fait qu’une société mère a décidé de délocaliser certains services nécessaires à l’exercice de ses activités dans un État à faible niveau d’imposition dans le but
de réduire sa charge fiscale ne constitue pas un élément pertinent afin de caractériser une évasion fiscale.
117. L’existence d’un montage purement artificiel destiné à échapper à la loi fiscale nationale ne peut donc être établie que sur la base d’éléments objectifs.
118. C’est également à la même conclusion que nous aboutissons si nous nous référons à nouveau à la jurisprudence de la Cour relative à la notion d’«abus de droit». Selon cette jurisprudence, c’est sur la base d’éléments objectifs que l’existence d’une pratique abusive doit être établie (62). Ainsi que la Cour l’a jugé récemment dans l’arrêt Halifax e.a., précité, l’existence d’une telle pratique nécessite de constater, au vu d’«un ensemble d’éléments objectifs», que le but essentiel des opérations
en cause est l’obtention d’un avantage fiscal dont l’octroi serait contraire à l’objectif poursuivi par cette législation (63).
119. Les autorités nationales compétentes, auxquelles cette constatation incombe, ne sont donc pas invitées à rechercher quelle était l’intention subjective des parties, dont la preuve serait très difficile à rapporter et qui serait source d’insécurité juridique. Elles doivent se fonder sur des éléments tels qu’une collusion entre un exportateur et un importateur (64), ou le caractère purement artificiel des opérations en cause ainsi que les liens de nature juridique, économique et/ou personnelle
entre les opérateurs impliqués dans le plan de réduction de la charge fiscale (65).
120. Si nous transposons cette analyse dans le cadre de notre affaire, nous retrouvons les critères objectifs proposés par le Royaume‑Uni et la Commission. Nous sommes confronté, en effet, à une situation dans laquelle une société résidente a créé une filiale sous son contrôle dans un État membre à la fiscalité plus avantageuse que celui de l’État d’origine et qui a passé avec cette filiale des transactions qui ont eu pour effet une diminution de son imposition dans ledit État.
121. Dans un tel cas de figure, la preuve que l’implantation de cette filiale et que les transactions en cause ne pouvaient avoir d’autre but que l’obtention d’une réduction d’impôt qui serait contraire à la finalité de la liberté d’établissement passe bien, comme nous l’avons déjà indiqué, par un examen de la réalité de l’implantation de la filiale dans l’État d’accueil et de la substance desdites transactions, sans qu’il y ait lieu de s’attacher aux motivations ou aux intentions subjectives des
associés.
122. C’est au vu de ces considérations que nous allons examiner si la législation du Royaume‑Uni sur les SEC est propre à lutter contre l’évasion fiscale et si elle ne va pas au-delà de cet objectif (66).
123. La législation en cause a pour objet, ainsi que nous l’avons indiqué, de lutter contre les détournements de bénéfices, réalisés par une société résidente fiscale au Royaume‑Uni en créant une filiale dans un pays à faible niveau d’imposition et en effectuant des transactions intragroupes dont le but principal est le transfert de ces bénéfices à cette filiale.
124. Le procédé incriminé consiste donc, pour une société mère, à réduire ses bénéfices imposables par le paiement de prestations à sa filiale, en comptant sur le fait que les bénéfices de celle-ci seront imposés dans l’État d’accueil à un taux très inférieur à celui en vigueur dans l’État d’origine.
125. En intégrant les bénéfices réalisés par la SEC dans l’assiette imposable de la société mère, la législation en cause annule sans aucun doute les effets d’une telle pratique. Cette législation est donc bien propre à garantir la réalisation de l’objectif pour lequel elle a été adoptée.
126. Il reste à examiner si elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.
127. La législation du Royaume‑Uni sur les SEC, comme nous l’avons indiqué, a vocation à s’appliquer lorsqu’une filiale d’une société résidente, dont cette dernière détient le contrôle, se trouve établie dans un État dans lequel ses bénéfices sont imposés à un taux qui est inférieur aux trois quarts du montant de l’impôt qui aurait été payé si ces bénéfices avaient été imposés au Royaume‑Uni.
128. Cette législation prévoit également cinq exceptions en vertu desquelles elle est écartée. Ces exceptions, rappelons-le, trouvent à s’appliquer si la filiale distribue une part importante de ses bénéfices à la société mère, ou si elle exerce certaines activités comme, notamment, des activités commerciales, ou si elle respecte la «condition de la cotation publique», ou encore si le bénéfice imposable de la SEC n’excède pas un certain montant. Si aucune des quatre premières conditions n’est
remplie, la loi sur les SEC n’est écartée que si la société résidente satisfait au «test du mobile».
129. Ce test comprend deux conditions cumulatives qui portent, la première, sur les transactions passées entre la SEC et sa société mère et, la seconde, sur l’implantation de la filiale.
130. Premièrement, si les transactions que reflètent les bénéfices de la filiale pour l’exercice en cause produisent une diminution de l’imposition qui aurait été due au Royaume‑Uni si ces transactions n’avaient pas été effectuées et que cette diminution dépasse un certain montant, le contribuable doit démontrer que la diminution de l’impôt au Royaume‑Uni n’était pas l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux de ces transactions.
131. Deuxièmement, le contribuable doit démontrer que la raison principale ou l’une des raisons principales de l’existence de la filiale n’était pas, pour l’exercice concerné, l’obtention d’une diminution de l’impôt au Royaume‑Uni par la voie d’une distraction de bénéfices dans cet État membre.
132. Il existe également une liste de pays dans lesquels, sous réserve de certaines conditions, l’application de la législation sur les SEC est exclue.
133. Enfin, il convient de rappeler aussi que la législation du Royaume-Uni sur les SEC comporte un système d’imputation de l’impôt qui a été acquitté par la filiale dans l’État d’accueil afin d’éviter que ces bénéfices, en raison de leur attribution à la société mère, ne fassent l’objet d’une double imposition.
134. L’Irlande soutient que l’objectif poursuivi par ladite législation pourrait être atteint par des mesures moins contraignantes, telles que des échanges d’informations dans le cadre de la directive 77/799. Elle expose également que de tels échanges peuvent aussi intervenir dans le cadre de la convention conclue le 2 juin 1976 entre le Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Irlande pour l’élimination de la double imposition et la prévention de l’évasion fiscale en ce qui concerne
l’imposition des revenus et des gains en capital. Elle soutient, enfin, que l’application de la législation en cause impose une charge significative et disproportionnée aux sociétés mères résidentes au Royaume-Uni qui ont une filiale en Irlande.
135. Nous ne sommes pas réellement convaincu par cette appréciation de l’Irlande. Il est vrai que les échanges d’informations dans le cadre de la directive 77/799 ont vocation à permettre de lutter contre l’évasion fiscale et que cette directive a été souvent invoquée par la Cour comme offrant aux États membres des possibilités suffisantes pour surmonter les difficultés administratives liées à la connaissance de la situation des contribuables non‑résidents (67). Il est également vrai que la
législation du Royaume‑Uni sur les SEC instaure une présomption. Ainsi, lorsque aucune des quatre premières conditions susmentionnées ne trouve à s’appliquer et que les transactions passées entre la filiale et sa société mère ont eu pour effet une diminution, supérieure à un montant minimal, de l’impôt qui aurait été dû par celle-ci si lesdites transactions n’avaient pas été réalisées, c’est au contribuable qu’il incombe de démontrer l’absence d’évasion fiscale.
136. Toutefois, au regard de la situation particulière visée par la législation en cause, nous ne sommes pas convaincu que les échanges d’informations dans le cadre de la directive 77/799 puissent aboutir à une efficacité comparable à celle de ladite législation. De même, nous ne partageons pas l’analyse selon laquelle cette législation devrait être considérée, à cause de la présomption qu’elle instaure, comme imposant aux sociétés auxquelles elle s’applique une charge déraisonnable.
137. D’une part, en effet, la législation du Royaume‑Uni sur les SEC, au regard de l’ensemble de ses conditions d’application et d’exemption, n’a vocation à s’appliquer que dans des circonstances bien déterminées, qui correspondent au cas de figure dans lequel le risque d’évasion fiscale existe avec le plus de probabilité.
138. Ainsi, comme la Commission l’a exposé lors de l’audience, il est beaucoup plus facile de créer une SEC artificielle lorsqu’elle est censée fournir des services que lorsqu’elle doit assurer une activité de production d’un bien de consommation. Ainsi, lorsque les services en cause consistent, comme en l’espèce, à lever des fonds et à les fournir aux filiales du groupe mondial Cadbury, ils peuvent, grâce aux moyens modernes de communication, être assurés au nom de la SEC par du personnel et des
outils informatiques qui ne se trouvent pas physiquement et matériellement en Irlande. Dans le cas de tels services, la société créée formellement à Dublin peut n’y avoir aucune consistance matérielle et être uniquement ce qu’il est convenu d’appeler une «boîte à lettres».
139. En outre, il est probable que de tels montages soient davantage à redouter lorsque la SEC est créée dans un État à très faible niveau d’imposition. Enfin, la constatation que les transactions passées entre celle-ci et sa société mère ont eu pour effet une diminution supérieure à un montant minimal de l’impôt dû au Royaume‑Uni et l’absence de distribution de dividendes imposables dans l’État d’origine constituent des éléments objectifs qui peuvent corroborer l’hypothèse d’une évasion fiscale.
140. Dans un tel cas de figure, compte tenu de la facilité avec laquelle de tels services peuvent être délocalisés, nous ne trouvons pas excessif qu’un État membre instaure une présomption d’évasion fiscale au lieu de s’en remettre à une communication de renseignements a posteriori.
141. D’autre part, l’existence d’une telle législation présente l’intérêt de contribuer à la sécurité juridique des opérateurs économiques. Elle leur permet, en effet, de savoir à l’avance que, dans le cas de figure susmentionné, il existe une présomption d’évasion fiscale. Ces opérateurs sont ainsi avertis qu’ils doivent pouvoir justifier la réalité de l’implantation de leur filiale dans l’État d’accueil ainsi que la substance des transactions passées avec celle-ci.
142. Nous ne croyons pas pour autant que la préparation de ces justifications constitue une charge de travail déraisonnable. Il est permis de penser que de telles justifications pourraient également devoir être produites dans le cadre d’un contrôle fiscal «ordinaire», diligenté sur le fondement du régime national de droit commun visant à lutter contre l’évasion fiscale (68). La législation en cause, en ce qu’elle fixe par avance le cas de figure dans lequel de telles justifications sont à fournir,
nous paraît plutôt à l’avantage des opérateurs économiques.
143. Ce qui importe, en revanche, c’est que la présomption instaurée par la loi en cause puisse être effectivement renversée. Comme plusieurs États membres et la Commission l’ont relevé à bon droit, le fait qu’aucune des quatre premières exceptions ne trouve à s’appliquer et la circonstance que les transactions passées entre la filiale et sa société mère ont eu pour effet une diminution significative de l’imposition due au Royaume‑Uni ne suffisent pas à démontrer l’existence d’un montage purement
artificiel.
144. Il n’est pas exclu que les services ayant fait l’objet des transactions en cause correspondent à des activités réelles effectuées par la filiale dans l’État d’accueil. De même, une filiale peut avoir des motifs légitimes de ne pas procéder à une distribution de bénéfices d’un montant équivalent à celui prévu par la législation en cause. Il importe donc que la présomption instituée par la législation litigieuse puisse être écartée et que, partant, l’application de cette loi puisse être limitée
aux montages purement artificiels dont le but est de contourner la loi fiscale nationale.
145. Conformément à la jurisprudence, cette démonstration doit pouvoir être apportée par le contribuable selon les règles de preuve du droit national, pour autant qu’il ne soit pas porté atteinte à l’efficacité du droit communautaire (69).
146. C’est le test du mobile qui, dans le système de la législation litigieuse, doit permettre à l’administration nationale de prendre en compte la situation particulière de chaque contribuable.
147. La Commission, soutenue en cela par les gouvernements belge et chypriote, affirme que ce test n’est pas totalement satisfaisant parce que, d’une part, rien n’indique que le fisc britannique effectue une analyse quelconque des activités réelles de la filiale et, d’autre part, ledit test aurait pour effet de retenir dans le champ d’application de la législation sur les SEC les sociétés qui ont souhaité bénéficier du taux d’imposition inférieur dans l’État d’accueil. La Commission rappelle qu’un
tel choix ne constitue pas un montage purement artificiel.
148. Si l’interprétation faite par la Commission du test du mobile s’avérait fondée, nous serions également d’avis que la législation du Royaume‑Uni sur les SEC va au-delà de ce qui est nécessaire pour lutter contre l’évasion fiscale. Ainsi que nous l’avons vu, la circonstance qu’une société ait décidé de centraliser la réalisation de services dans un État membre ayant une fiscalité très avantageuse dans le but de réduire sa charge fiscale ne démontre pas l’existence d’un montage purement
artificiel.
149. Toutefois, il n’est pas certain, au vu de la description du cadre juridique faite par la juridiction de renvoi, que le test du mobile doive faire l’objet d’une telle interprétation. Ainsi, nous ne savons pas avec certitude si le premier élément de ce test, portant sur les prestations ayant eu pour effet une diminution significative de l’imposition due au Royaume‑Uni, permet ou non au contribuable de s’exonérer en justifiant la substance de ces prestations. De même, il n’apparaît pas clairement
si le second élément s’attache aux motivations subjectives des associés ou s’il peut être satisfait lorsque le contribuable prouve la réalité de l’implantation de la filiale dans l’État d’accueil.
150. Nous sommes d’avis, à ce stade, que c’est à la juridiction de renvoi, à laquelle il incombe de vérifier la compatibilité de sa loi nationale sur les SEC avec le droit communautaire, qu’il revient d’apprécier si le test du mobile peut faire l’objet d’une interprétation qui permette de limiter l’application de cette loi aux montages artificiels destinés à contourner la loi fiscale nationale.
151. Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, nous sommes d’avis de répondre à la question préjudicielle que les articles 43 CE et 48 CE ne s’opposent pas à une législation fiscale nationale qui prévoit l’inclusion dans l’assiette imposable d’une société mère résidente des bénéfices réalisés par une SEC établie dans un autre État membre lorsque ces bénéfices sont soumis dans cet État à un niveau d’imposition très inférieur à celui en vigueur dans l’État de résidence de la société mère,
si cette législation s’applique uniquement aux montages purement artificiels destinés à contourner la loi nationale. Une telle législation doit donc permettre au contribuable d’être exonéré en justifiant que la filiale sous contrôle est réellement implantée dans l’État d’établissement et que les transactions ayant eu pour effet une diminution de l’imposition de la société mère correspondent à des prestations effectivement réalisées dans cet État et qui n’étaient pas dépourvues d’intérêt économique
au regard de l’activité de ladite société.
V – Conclusion
152. Au vu de l’ensemble de ces considérations, nous proposons de répondre de la manière suivante à la question posée par les Special Commissioners:
«Les articles 43 CE et 48 CE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation fiscale nationale qui prévoit l’inclusion dans l’assiette imposable d’une société mère résidente des bénéfices réalisés par une société étrangère contrôlée établie dans un autre État membre lorsque ces bénéfices sont soumis dans cet État à un niveau d’imposition très inférieur à celui en vigueur dans l’État de résidence de la société mère, si cette législation s’applique uniquement aux
montages purement artificiels destinés à contourner la loi nationale. Une telle législation doit donc permettre au contribuable d’être exonéré en justifiant que la filiale sous contrôle est réellement implantée dans l’État d’établissement et que les transactions ayant eu pour effet une diminution de l’imposition de la société mère correspondent à des prestations effectivement réalisées dans cet État et qui n’étaient pas dépourvues d’intérêt économique au regard de l’activité de ladite société.»
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1 – Langue originale: le français.
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2 – Ci-après les «SEC».
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3 – Harmful Tax Competition – An Emerging Global Issue, OCDE, Paris, 1998, p. 44.
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4 – Controlled Foreign Company Legislation, OCDE, Paris, 1996, p. 19.
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5 – Résolution relative aux mesures à prendre par la Communauté dans le domaine de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales (JO C 35, p. 1).
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6 – Cette coopération a été instaurée par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15).
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7 – JO L 225, p. 6.
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8 – Ci-après «Cadbury».
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9 – Ci-après «CSO».
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10 – Ci-après «CSTS».
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11 – Ci-après «CSTI».
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12 – Arrêts du 4 octobre 1991, Commission/Royaume-Uni (C‑246/89, Rec. p. I‑4585, point 12), et du 11 mars 2004, De Lasteyrie du Saillant (C‑9/02, Rec. p. I‑2409, point 44 et jurisprudence citée).
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13 – L’article 58, paragraphe 1, sous b), CE dispose que l’article 56 CE, relatif à la libre circulation des capitaux, ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale.
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14 – L’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents (JO L 225, p. 1), dispose qu’un État membre peut refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions de celle-ci lorsque l’opération en cause a pour objectif la fraude ou l’évasion fiscales. Voir également article 1^er, paragraphe 2, de la
directive 90/435, aux termes duquel ladite directive ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d’éviter les fraudes et les abus, ainsi que, article 5, paragraphe 2, de la directive 2003/49/CE du Conseil, du 3 juin 2003, concernant un régime fiscal commun applicable aux paiements d’intérêts et de redevances effectués entre des sociétés associées d’États membres différents (JO L 157, p. 49), selon lequel les États membres peuvent, dans le cas
d’opérations dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la fraude ou l’évasion fiscales ou les abus, retirer le bénéfice de ladite directive ou refuser d’appliquer celle-ci.
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15 – Arrêt du 21 novembre 2002, X et Y (C‑436/00, Rec. p. I‑10829, point 37 et jurisprudence citée).
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16 – Arrêt du 28 avril 1998 (C‑118/96, Rec. p. I‑1897).
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17 – Arrêt du 26 octobre 1999 (C‑294/97, Rec. p. I‑7447).
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18 – Dans l’arrêt Safir, précité, il s’agissait d’un régime fiscal différent pour les assurances vie en capital selon qu’elles étaient souscrites auprès de compagnies établies ou non dans l’État membre. Dans l’arrêt Eurowings Luftverkehr, précité, la réglementation nationale en cause réservait un avantage fiscal, consistant en une dispense de réintégration dans l’assiette imposable du prix de la location de biens, aux entreprises louant ces biens auprès de bailleurs établis sur le territoire
national.
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19 – Voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2004, Omega (C‑36/02, Rec. p. I‑9609, point 26).
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20 – Arrêts du 21 juin 1974, Reyners (2/74, Rec. p. 631, point 25), et du 5 novembre 2002, Überseering (C‑208/00, Rec. p. I‑9919, point 60).
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21 – Voir, en ce sens, arrêts Reyners, précité (point 21), et du 30 novembre 1995, Gebhard (C‑55/94, Rec. p. I‑4165, point 25).
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22 – Arrêts du 25 juillet 1991, Factortame e.a. (C‑221/89, Rec. p. I‑3905, point 20), et Commission/Royaume‑Uni, précité (point 21).
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23 – Arrêt du 27 septembre 1988 (81/87, Rec. p. 5483).
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24 – Arrêt du 9 mars 1999 (C‑212/97, Rec. p. I‑1459).
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25 – Les règles danoises soumettaient la constitution d’une SARL à la libération d’un capital minimal de 200 000 DKR alors que la législation applicable au Royaume‑Uni ne subordonnait la création de ce type de société à aucune exigence relative à la libération d’un capital social minimal.
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26 – Arrêt Centros, précité (point 27).
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27 – Arrêt du 30 septembre 2003 (C‑167/01, Rec. p. I‑10155).
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28 – Arrêt Inspire Art, précité, point 95.
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29 – Ibidem, point 96.
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30 – À l’inverse, lorsque les objectifs de la liberté d’établissement ne sont pas atteints, la société ne peut pas se prévaloir des dispositions de l’article 43 CE. Voir arrêt Daily Mail and General Trust, précité. Dans cette affaire, la société Daily Mail, constituée conformément à la législation du Royaume‑Uni, voulait transférer son siège de direction et son administration centrale en dehors de cet État membre sans perdre sa personnalité juridique ou sa qualité de société de droit britannique,
comme le prévoit le droit dudit État membre. Elle contestait, toutefois, devoir se soumettre à la condition prévue par ladite législation, tenant à l’obtention de l’autorisation du Trésor. La société Daily Mail voulait, en effet, réaliser le transfert de son siège de direction aux Pays‑Bas afin d’être en mesure, après avoir établi sa résidence fiscale dans cet État membre, de vendre une partie importante des titres composant son actif non permanent et de racheter, grâce au produit de cette vente,
une partie de ses propres actions sans avoir à payer les impôts auxquels ces opérations donneraient lieu en vertu de la législation fiscale britannique. La Cour a jugé que le droit communautaire, en l’état, ne s’opposait pas à une législation telle que celle en cause parce qu’il ne conférait pas aux sociétés de droit national le droit de transférer leur siège de direction et leur administration centrale dans un autre État membre tout en gardant leur qualité de sociétés de l’État membre selon la
législation duquel elles avaient été constituées.
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31 – Voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, ICI (C‑264/96, Rec. p. I‑4695, point 28); De Lasteyrie du Saillant, précité (point 60), et du 13 décembre 2005, Marks & Spencer (C‑446/03, non encore publié au Recueil, point 44).
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32 – Voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2000, Commission/Belgique (C‑478/98, Rec. p. I‑7587, point 45). Voir également arrêt X et Y, précité (point 62).
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33 – Arrêts ICI, précité (point 26); du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727, point 57), et du 12 décembre 2002, Lankhorst-Hohorst (C‑324/00, Rec. p. I‑11779, point 37).
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34 – Arrêt Eurowings Luftverkehr, précité (point 44). Voir également, en ce sens, arrêts du 26 juin 2003, Skandia et Ramstedt (C‑422/01, Rec. p. I‑6817, point 52), et du 11 décembre 2003, Barbier (C‑364/01, Rec. p. I‑15013, point 71).
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35 – Voir, à cet égard, les travaux de la Commission des Communautés européennes sur la fiscalité des entreprises au sein de l’Union, notamment la communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et au Comité économique et social européen – Vers un marché intérieur sans entraves fiscales [COM (2001)582 final], et le rapport des services de la Commission sur la fiscalité des entreprises dans le marché intérieur [SEC (2001)1681 final].
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36 – Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, du 1^er décembre 1997, sur un code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (JO 1998, C 2, p. 2).
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37 – Ce rapport est disponible sur le site Internet: http://ue.eu.int/ueDocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/misc/04901.f9.html
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38 – Il ressort du rapport du groupe «Code de conduite» que la Commission avait autorisé en 1987 la création du Centre international de services financiers, puis qu’elle avait estimé que les taux d’imposition préférentiels instaurés dans le cadre de ce centre constituaient des aides au fonctionnement contrevenant aux règles du traité et, enfin, qu’elle avait passé avec les autorités irlandaises un accord visant à la suppression progressive de ce régime.
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39 – Arrêts précités Daily Mail and General Trust (point 16) et Marks & Spencer (point 31).
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40 – La prohibition d’une entrave à la sortie par une mesure fiscale a reçu sa première application dans l’arrêt ICI, précité, à l’égard de la législation du Royaume-Uni qui réservait le bénéfice d’un dégrèvement fiscal aux sociétés résidentes qui contrôlaient uniquement ou principalement des filiales ayant leur siège sur le territoire national. Elle a fait l’objet, depuis cet arrêt, de plusieurs illustrations [voir, notamment, arrêts du 18 novembre 1999, X et Y (C‑200/98, Rec. p. I‑8261), ainsi que
De Lasteyrie du Saillant, précité, et pour une application récente, arrêt du 23 février 2006, Keller Holding (C‑471/04, non encore publié au Recueil)].
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41 – Arrêt du 13 juillet 1993, Commerzbank (C‑330/91, Rec. p. I‑4017, points 14 et 15).
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42 – Voir, notamment, arrêts du 14 décembre 2000, AMID (C‑141/99, Rec. p. I‑11619, points 22 et 23); du 21 novembre 2002, X et Y, précité (points 36 à 39); Lankhorst-Hohorst, précité (points 27 à 32); du 18 septembre 2003, Bosal (C‑168/01, Rec. p. I‑9409, point 27), ainsi que arrêts précités Marks & Spencer (points 32 à 34) et Keller Holding (points 31 à 35).
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43 – Arrêt ICI, précité (point 20 et jurisprudence citée).
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44 – Voir, notamment, arrêts précités ICI, à propos de la législation du Royaume-Uni réservant l’octroi d’un dégrèvement fiscal aux sociétés de consortium résidentes qui contrôlent uniquement ou principalement des filiales ayant leur siège sur le territoire national (points 23 et 24), et Lankhorst-Hohorst, à propos du régime allemand sur l’imposition des intérêts versés par des filiales à leur société mère, qui prévoyait un traitement différent en fonction du siège de celle-ci, selon qu’il se
trouvait ou non sur le territoire national.
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45 – Arrêt du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland (C‑311/97, Rec. p. I‑2651, point 26 et jurisprudence citée).
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46 – Arrêt Eurowings Luftverkehr, précité (point 44).
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47 – Arrêt Barbier, précité (point 71).
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48 – Arrêts précités ICI (point 26); du 21 novembre 2002, X et Y (points 60 et 61); Lankhorst-Hohorst (point 37), et De Lasteyrie du Saillant (point 50).
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49 – Idem.
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50 – Voir, notamment, arrêt du 14 décembre 2000, Emsland-Stärke (C‑110/99, Rec. p. I‑11569, point 56).
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51 – Arrêt ICI, précité (point 26).
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52 – Arrêt du 21 novembre 2002, X et Y, précité (point 61).
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53 – Arrêt Lankhorst-Hohorst, précité (point 37).
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54 – Arrêt De Lasteyrie du Saillant, précité (point 50).
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55 – Arrêts précités Centros (point 25) et du 21 novembre 2002, X et Y (point 42).
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56 – Arrêt Marks & Spencer, précité (point 44).
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57 – Ibidem, points 45 et 46.
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58 – Ibidem, points 47 et 48.
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59 – Ibidem, points 49 et 50.
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60 – Arrêts du 2 mai 1996, Paletta (C‑206/94, Rec. p. I‑2357, point 25); du 23 mars 2000, Diamantis (C‑373/97, Rec. p. I‑1705, point 34), et Emsland-Stärke, précité (point 52).
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61 – Ce type de transactions intragroupes a donné lieu à l’élaboration par l’OCDE des principes applicables en matière de prix de transfert, qui prévoient de quelle manière les prix de telles transactions doivent être calculés par les administrations nationales afin d’asseoir correctement l’impôt dû dans chaque pays et d’éviter les doubles impositions [voir, notamment, projet de l’OCDE sur les pratiques fiscales dommageables – Note d’application consolidée – Indications pour l’application du rapport
1998 aux régimes fiscaux préférentiels (p. 30 et suiv.), disponible sur le site Internet: http://www.oecd.org/dataoecd/60/31/30901141.pdf].
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62 – Voir arrêt Emsland-Stärke, précité (points 52 et 53), et l’analyse des critères énoncés dans cet arrêt effectuée par l’avocat général Poiares Maduro dans ses conclusions dans l’affaire Halifax e.a. (arrêt du 21 février 2006, C‑255/02, non encore publié au Recueil).
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63 – Arrêt Halifax e.a., précité (points 74 et 75).
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64 – Arrêt Emsland-Stärke, précité (point 53). Emsland-Stärke avait exporté des marchandises dans un pays tiers, qui avaient été réexpédiées presque aussitôt dans la Communauté, moyennant le paiement des droits à l’importation correspondant, mais dont le montant était inférieur aux restitutions à l’exportation allouées à l’exportateur. Il s’agissait de savoir si, dans un tel cas de figure, l’exportateur pouvait prétendre aux restitutions à l’exportation.
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65 – Arrêt Halifax e.a., précité (point 81). Il s’agissait, dans cette affaire, de pratiques de la part d’assujettis effectuant des opérations exonérées, qui ne pouvaient donc pas déduire, ou seulement en partie, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) acquittée dans le cadre de travaux de construction de locaux. Ces pratiques consistaient à transférer le bail de l’immeuble construit à une entité sous leur contrôle, laquelle avait le droit d’opter pour la taxation de la location de cet immeuble et, par
ce moyen, de déduire la totalité de la TVA en amont acquittée sur les frais de construction.
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66 – Arrêt du 15 mai 1997, Futura Participations et Singer (C‑250/95, Rec. p. I‑2471, point 26 et jurisprudence citée), ainsi que arrêts précités du 21 novembre 2002, X et Y (point 49), et De Lasteyrie du Saillant (point 49).
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67 – Voir, notamment, arrêts du 14 février 1995, Schumacker (C‑279/93, Rec. p. I‑225, point 45), et du 28 octobre 1999, Vestergaard (C‑55/98, Rec. p. I‑7641, point 26). Voir, pour un exemple récent, arrêt du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, Rec. p. I‑2229, point 31).
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68 – La juridiction de renvoi n’a pas fourni d’éléments à cet égard. Nous pouvons toutefois supposer que la création d’une SEC artificielle afin d’échapper à l’impôt national pourrait tomber sous le coup du principe dégagé par la House of Lords dans l’affaire W. T. Ramsay Ltd v. Inland Revenue Commissioners [1982] A. C. 300, selon lequel, dans le cas où une opération fiscale consiste en une série d’opérations artificielles n’ayant d’autre but qu’une diminution des impôts, l’approche à suivre est
celle de taxer l’effet de l’opération dans son ensemble. (Simon’s Direct Tax Service, Butterworths, Londres, 2005, vol. 7, paragraphes I2.203 à I2.211).
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69 – Voir, en ce sens, arrêt Emsland-Stärke, précité (points 52 à 54 et jurisprudence citée).