Affaire T-392/02
Solvay Pharmaceuticals BV
contre
Conseil de l'Union européenne
«Directive 70/524/CEE – Autorisation communautaire, liée au responsable de la mise en circulation, d'un additif dans l'alimentation des animaux – Régime transitoire – Retrait de l'autorisation – Recours en annulation – Recevabilité – Conditions de retrait – Principe de précaution – Principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique, de bonne administration et de bonne foi»
Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 21 octobre 2003 I
Sommaire de l'arrêt
1..
Agriculture – Politique agricole commune – Additifs dans l'alimentation des animaux – Directive 70/524 – Remplacement d'une autorisation provisoire d'un additif par une autorisation définitive – Mise en oeuvre parallèle d'une procédure de retrait de l'additif – Admissibilité
(Directive du Conseil 70/524, art. 9 H, 9 M et 11)
2..
Agriculture – Politique agricole commune – Mise en oeuvre – Prise en compte des exigences en matière de protection de la santé publique, de la sécurité et de l'environnement – Application du principe de précaution
[Art. 3, sous p), CE, 6 CE, 152, § 1, CE, 153, § 1 et 2, CE et 174, § 1 et 2, CE]
3..
Agriculture – Politique agricole commune – Additifs dans l'alimentation des animaux – Subsistance d'incertitudes scientifiques concernant l'innocuité d'une substance – Application du principe de précaution – Portée – Limites
4..
Agriculture – Politique agricole commune – Additifs dans l'alimentation des animaux – Directive 70/524 – Réévaluation d'un additif – Obligation de la Commission d'informer le responsable de la mise en circulation de l'additif des principales lacunes de son dossier
(Directive du Conseil 70/524, art. 9 M, 5e tiret)
1.
Dans l'économie de la directive 70/524, concernant les additifs dans l'alimentation des animaux, les dispositions transitoires de l'article 9 H ne s'opposent pas à la mise en oeuvre, parallèlement à la procédure purement administrative de remplacement de l'autorisation provisoire d'un additif par une autorisation définitive, d'une mesure de sauvegarde au titre de l'article 11 de cette directive ou d'une procédure de retrait de l'additif fondée sur l'article 9 M de ladite directive. En
particulier, eu égard au caractère formel du contrôle effectué aux fins de l'octroi d'une nouvelle autorisation sur la base de l'article 9 H de la directive 70/524, l'octroi d'une autorisation au titre de cette disposition n'est pas de nature à créer une présomption relative à l'innocuité de la substance considérée ni, par conséquent, à exercer une incidence sur l'examen totalement autonome de ladite substance effectué dans le cadre de la procédure de réévaluation. voir points 112-113
2.
Le principe de précaution constitue un principe général du droit communautaire imposant aux autorités concernées de prendre, dans le cadre précis de l'exercice des compétences qui leur sont attribuées par la réglementation pertinente, des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l'environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques. Dans la mesure où les
institutions communautaires sont responsables, dans l'ensemble de leurs domaines de compétence, de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l'environnement, le principe de précaution peut être considéré comme un principe autonome découlant des articles 3, sous p), CE, 6 CE, 152, paragraphe 1, CE, 153, paragraphes 1 et 2, CE et 174, paragraphes 1 et 2, CE. Dans le domaine de la santé publique, le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à
l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de précaution sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsque l'évaluation scientifique ne permet pas de déterminer l'existence du risque avec suffisamment de certitude, le recours ou l'absence de recours au principe de précaution dépend du niveau de protection choisi par l'autorité compétente dans l'exercice de son pouvoir
discrétionnaire, compte tenu des priorités qu'elle définit au regard des objectifs qu'elle poursuit conformément aux règles pertinentes du traité et du droit dérivé. Ce choix doit cependant être conforme au principe de la prééminence de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l'environnement sur les intérêts économiques, ainsi qu'aux principes de proportionnalité et de non-discrimination. voir points 121-122, 125
3.
Dans le domaine des additifs pour l'alimentation des animaux, l'existence d'indices sérieux qui, sans écarter l'incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l'innocuité d'une substance, justifie le retrait de l'autorisation de cette substance. Le principe de précaution tend en effet à prévenir les risques potentiels. En revanche, des risques purement hypothétiques ─ reposant sur de simples hypothèses scientifiquement non étayées ─ ne sauraient être retenus. En effet, la
subordination du maintien de l'autorisation d'une substance à la preuve de l'absence de tout risque même purement hypothétique serait à la fois irréaliste ─ dans la mesure où une telle preuve est en règle générale impossible à fournir du point de vue scientifique, dès lors qu'un niveau de risque zéro n'existe pas en pratique ─ et contraire au principe de proportionnalité. Par ailleurs, l'adoption d'une mesure de précaution en vue de prévenir un risque non démontrable en l'état des
connaissances scientifiques à la date de cette adoption, mais étayé par des indices suffisamment sérieux, peut, dans certains cas, être différée en fonction de la nature, de la gravité et de l'étendue de ce risque, dans le cadre d'une mise en balance des divers intérêts en présence. Lors de cette mise en balance, l'autorité compétente jouit d'un large pouvoir d'appréciation. voir points 129-130, 135
4.
Dans la mesure où l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524, concernant les additifs dans l'alimentation des animaux, se réfère à des demandes d'informations adressées au responsable de la mise en circulation d'un additif aux fins de la réévaluation de cette substance, il doit être interprété, en relation avec les principes de sécurité juridique et de bonne administration, dans le sens qu'il constitue la base juridique d'un droit du responsable de la mise en circulation d'un
additif à être informé des principales lacunes de son dossier d'autorisation. Hormis les situations d'urgence, la Commission ne saurait en effet retirer l'autorisation d'un additif sans avoir mis son titulaire en mesure de fournir les données qu'elle estime appropriées pour combler ces lacunes. Il en résulte que, si l'on ne saurait exiger une mise en demeure formelle du responsable de la mise en circulation d'un additif par la Commission, en l'absence de toute disposition procédurale
expresse dans ce sens, celui-ci doit cependant être étroitement associé à la procédure de réévaluation de cet additif et peut se prévaloir du droit d'être informé des principales lacunes de son dossier d'autorisation faisant obstacle au maintien de l'autorisation. Le respect de ces garanties procédurales est soumis au contrôle du juge, saisi d'un recours contre le règlement attaqué qui met fin à la procédure de réévaluation. voir points 186-188
ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
21 octobre 2003 (1)
«Directive 70/524/CEE – Autorisation communautaire, liée au responsable de la mise en circulation, d'un additif dans l'alimentation des animaux – Régime transitoire – Retrait de l'autorisation – Recours en annulation – Recevabilité – Conditions de retrait – Principe de précaution – Principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique, de bonne administration et de bonne foi»
Dans l'affaire T-392/02,
Solvay Pharmaceuticals BV, établie à Weesp (Pays-Bas), représentée par M ^es C. Meijer, F. Herbert et M. L. Struys, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
Conseil de l'Union européenne, représenté par M ^me M. Balta et M. Ruggeri Laderchi, en qualité d'agents,
partie défenderesse,
ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n° 1756/2002 du Conseil, du 23 septembre 2002, modifiant la directive 70/524/CEE du Conseil concernant les additifs dans l'alimentation des animaux quant au retrait de l'autorisation d'un additif, ainsi que le règlement (CE) n° 2430/1999 de la Commission (JO L 265 p. 1),
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 17 juillet 2003,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
Régime communautaire des additifs dans l'alimentation des animaux
Présentation générale
1
La directive 70/524/CEE du Conseil, du 23 novembre 1970, concernant les additifs dans l'alimentation des animaux (JO L 270, p. 1), établit le régime communautaire applicable à l'autorisation et au retrait de l'autorisation des additifs dans l'alimentation des animaux.
2
Le septième considérant de cette directive énonce que, «dans un premier stade, certaines substances purement médicamenteuses, telles que les coccidiostatiques, doivent être considérées du point de vue de l'alimentation des animaux comme des additifs; étant donné que la plupart des États membres les ont utilisées jusqu'à présent dans le cadre d'une prophylaxie collective, principalement en aviculture; qu'elles feront cependant l'objet d'un nouvel examen si une directive est élaborée pour les
aliments médicamenteux».
3
La directive 70/524 a été modifiée et complétée à plusieurs reprises. En particulier, elle a été substantiellement modifiée par la directive 84/587/CEE du Conseil, du 29 novembre 1984 (JO L 319, p. 13), et par la directive 96/51/CE du Conseil, du 23 juillet 1996 (JO L 235, p. 39). Elle a été complétée par les décisions citées aux points 22 et 23 ci-après.
4
La directive 96/51 est entrée en vigueur le 7 octobre 1996, conformément à l'article 254, paragraphe 2, CE. Elle a instauré un nouveau régime d'autorisation et de retrait d'autorisation des additifs dans l'alimentation des animaux (ci-après le «nouveau régime» ou le «régime institué par la directive 96/51») remplaçant le régime applicable jusqu'alors (ci-après le «régime initial»). Ce nouveau régime est entré en application le 1 ^er octobre 1999, à l'issue d'une période transitoire prévue
par ladite directive en ce qui concerne certains additifs.
Régime initial
5
L'article 3, paragraphe 1, de la directive 70/524, abrogé par la directive 96/51, disposait que «[l]es États membres prescrivent que, dans le cadre de l'alimentation animale, seuls les additifs énumérés à l'annexe I qui répondent aux dispositions de la présente directive peuvent être commercialisés et qu'ils ne peuvent être contenus dans les aliments des animaux que dans les conditions prévues dans cette annexe».
6
Afin que les dossiers devant accompagner toute demande d'inscription d'un additif soient établis selon des lignes directrices communes définissant notamment les études nécessaires pour évaluer l'efficacité et l'innocuité des substances concernées pour l'homme, l'animal et l'environnement, le Conseil a adopté, le 16 février 1987, la directive 87/153/CE portant fixation de lignes directrices pour l'évaluation des additifs dans l'alimentation des animaux (JO L 64, p. 19), modifiée en dernier
lieu par la directive 2001/79/CE de la Commission, du 17 septembre 2001 (JO L 267, p. 1, ci-après la «directive 87/153»).
7
Dans le cadre du régime initial, la substance nifursol, un coccidiostatique de la famille des nitrofuranes, a été autorisée, à titre provisoire, comme additif alimentaire par la quarante et unième directive 82/822/CEE de la Commission, du 19 novembre 1982, modifiant les annexes de la directive 70/524 (JO L 347, p. 16). La directive 89/23/CEE de la Commission, du 21 décembre 1988, modifiant les annexes de la directive 70/524 (JO 1989, L 11, p. 34), a inscrit le nifursol définitivement à
l'ancienne annexe I de la directive 70/524. Cette annexe a été supprimée à partir du 1 ^er avril 1998, conformément à l'article 1 ^er , paragraphe 19, de la directive 96/51.
Régime institué par la directive 96/51
─ Autorisation communautaire des additifs
8
Dans le cadre du nouveau régime, défini par la directive 70/524 telle que modifiée par la directive 96/51 (ci-après la «directive 70/524»), l'article 3 de la directive 70/524 énonce que seuls les additifs ayant fait l'objet d'une autorisation communautaire, accordée par voie de règlement de la Commission, peuvent être mis en circulation.
9
Selon l'article 4, paragraphe 1, de la directive 70/524, pour l'obtention d'une telle autorisation, le demandeur choisit un État membre pour rapporter, lors de la procédure d'examen, le dossier qu'il a établi conformément aux dispositions de la directive 87/153.
10
L'article 3 A de la directive 70/524 définit les conditions d'octroi de l'autorisation communautaire d'un additif.
11
Aux termes du considérant 3 de la directive 96/51, il est apparu nécessaire de distinguer, dans le cadre du nouveau régime, les «additifs utilisés communément et sans risque particulier pour la fabrication des aliments des animaux» des «additifs de haute technologie répondant à une composition très précise et qui, de ce fait, doivent faire l'objet d'une autorisation de mise en circulation liée [à un responsable de la mise en circulation] afin d'éviter des copies plus ou moins conformes et
dès lors plus ou moins sûres».
12
Cette distinction a été opérée à l'article 2 de la directive 70/524, précisant que les additifs faisant l'objet d'une autorisation liée au responsable de la mise en circulation sont visés à l'annexe C, partie I. Il ressort de cette annexe que tous les additifs relevant du groupe des antibiotiques, du groupe des coccidiostatiques et autres substances médicamenteuses ainsi que du groupe des facteurs de croissance font l'objet d'une telle autorisation.
13
L'article 2, sous l), de la directive 70/524 définit le «responsable de la mise en circulation» comme la «personne physique ou morale qui assume la responsabilité de la conformité de l'additif ayant fait l'objet de l'autorisation communautaire et de sa mise en circulation».
─ Régime transitoire
14
Pour les additifs autorisés sous le régime initial et dont la directive 96/51 lie désormais l'autorisation au responsable de la mise en circulation, les articles 9 G, 9 H et 9 I de la directive 70/524, introduits par la directive 96/51, instaurent des procédures transitoires.
15
L'article 9 H, paragraphe 1, de la directive 70/524 prévoit l'autorisation provisoire, à partir du 1 ^er avril 1998, et le transfert à l'annexe B, chapitre II, ajoutée par l'article 1 ^er , paragraphe 20, de la directive 96/51, des additifs, comme le nifursol, qui ont été inscrits, sous le régime initial, à l'annexe I de la directive après le 31 décembre 1987 (voir point 7 ci-dessus). Ces additifs doivent faire l'objet, au plus tard le 1 ^er octobre 1998, d'une demande d'autorisation, selon
la procédure prévue par l'article 9 H, paragraphes 2 et 3.
16
En vertu de l'article 9 H, paragraphe 2, de la directive 70/524, la nouvelle demande d'autorisation doit être accompagnée d'une «monographie» et d'une «fiche signalétique» ─ établies selon les lignes directrices figurant à l'annexe de la directive 87/153 ─ conformes au dossier sur la base duquel l'autorisation a été accordée sous le régime initial.
17
L'article 9 H, paragraphe 3, de la directive 70/524 prévoit le retrait ou le remplacement de l'autorisation provisoire, par voie de règlement arrêté selon la procédure du comité de réglementation régie par l'article 23 de cette directive (cité au point 21 ci-après). Aux termes de l'article 9 H, paragraphe 3, sous a), l'autorisation est retirée «si les documents requis au paragraphe 2 n'ont pas été transmis dans le délai fixé, ou si, après vérification des documents, il est établi que la
monographie ou la fiche signalétique ne sont pas conformes aux données du dossier à partir duquel l'autorisation initiale a été accordée». Si aucune des deux hypothèses de retrait susmentionnées ne se présente, l'article 9 H, paragraphe 3, sous b), de la directive 70/524 prévoit le remplacement des autorisations provisoires visées au paragraphe 1 «par des autorisations liées au responsable de leur mise en circulation accordées pour une durée de dix ans par voie de règlement prenant effet le
1 ^er octobre 1999 au plus tard» et l'inscription par voie de conséquence des additifs concernés au chapitre I de la liste des additifs autorisés publiée chaque année au Journal officiel des Communautés européennes , conformément à l'article 9 T, sous b), de la directive 70/524.
18
En application de l'article 9 H de la directive 70/524, l'article 1 ^er du règlement (CE) n° 2430/1999 de la Commission, du 16 novembre 1999, liant l'autorisation de certains additifs appartenant au groupe des coccidiostatiques et autres substances médicamenteuses dans l'alimentation des animaux aux responsables de la mise en circulation (JO L 296, p. 3), remplace les autorisations provisoires des additifs inscrits à son annexe I, dont l'additif E 769 nifursol, par des autorisations
accordées au responsable de la mise en circulation jusqu'au 30 septembre 2009.
─ Retrait de l'autorisation des additifs
19
Dans le cadre du nouveau régime, l'article 9 M de la directive 70/524 détermine les conditions de retrait de l'autorisation d'un additif.
20
En vertu de l'article 9 R de la directive 70/524, le retrait de l'autorisation d'un additif est soumis à la procédure du comité de réglementation régie par l'article 23 de cette directive.
21
L'article 23 de la directive 70/524, tel que modifié par la directive 84/587 et, en dernier lieu, par l'annexe I de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21), tel qu'adapté par la décision 95/1/CE, Euratom, CECA du Conseil de l'Union européenne, du 1 ^er janvier 1995, portant adaptation des instruments relatifs à
l'adhésion de nouveaux États membres à l'Union européenne (JO L 1, p. 1), dispose: «[...] 2. Le représentant de la Commission soumet au comité permanent des aliments des animaux un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l'urgence de la question en cause [...] 3. La Commission arrête les mesures et les met immédiatement en application lorsqu'elles sont conformes à l'avis du comité. Si elles ne sont pas
conformes à l'avis du comité ou en l'absence d'avis, la Commission soumet aussitôt au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. Le Conseil arrête les mesures à la majorité qualifiée. [...]»
─ Comité permanent des aliments des animaux et comité scientifique de l'alimentation animale
22
Le comité permanent des aliments des animaux (ci-après le «comité permanent»), auquel fait référence l'article 23 de la directive 70/524, a été institué par la décision 70/372/CEE du Conseil, du 20 juillet 1970 (JO L 170, p. 1).
23
Par la décision 76/791/CEE, du 24 septembre 1976, relative à l'institution d'un comité scientifique de l'alimentation animale (JO L 279, p. 35), remplacée par la décision 97/579/CE de la Commission, du 23 juillet 1997, instituant des comités scientifiques dans le domaine de la santé des consommateurs et de la sûreté alimentaire (JO L 237, p. 18), la Commission s'est adjoint un comité scientifique de l'alimentation animale (Scientific Committee for Animal Nutrition, ci-après le «SCAN»).
24
Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, de la directive 70/524, le SCAN «est, à la demande de la Commission, chargé de l'assister pour toute question scientifique relative aux additifs utilisés dans l'alimentation des animaux». Selon l'article 8, paragraphe 2, sur demande de la Commission, l'État membre rapporteur veille à ce que tout ou partie du dossier visé à l'article 4 soit transmis officiellement aux membres du SCAN.
Régime communautaire des médicaments vétérinaires
25
Selon l'article 5 du règlement (CEE) n° 2377/90 du Conseil, du 26 juin 1990, établissant une procédure communautaire pour la fixation des limites maximales de résidus de médicaments vétérinaires dans les aliments d'origine animale (JO L 224, p. 1), s'il apparaît qu'une limite maximale de résidus ne peut être fixée pour une substance pharmacologique active utilisée dans des médicaments vétérinaires parce que les résidus des substances en question, quelle que soit leur limite, dans les denrées
alimentaires d'origine animale, constituent un risque pour la santé du consommateur, cette substance est incluse dans la liste faisant l'objet de l'annexe IV.
26
En vertu du règlement (CEE) n° 2901/93 du Conseil, du 18 octobre 1993, modifiant les annexes I, II, III et IV du règlement n° 2377/90 (JO L 264, p. 1), les nitrofuranes (à l'exception de la furazolidone) ont été inscrits à l'annexe IV du règlement n° 2377/90. Cette inscription a pour conséquence que l'administration en tant que médicament vétérinaire de ces nitrofuranes aux animaux producteurs d'aliments est interdite. Cette interdiction a été étendue à la furazolidone par le règlement (CE)
n° 1442/95 de la Commission, du 26 juin 1995, modifiant les annexes I, II, III et IV du règlement n° 2377/90 (JO L 143, p. 26).
Faits et procédure
Antécédents du litige
Statut d'additif du nifursol
27
Le nifursol est un additif employé dans l'alimentation des animaux, produit par Solvay Pharmaceuticals BV (ci-après la «requérante»). Il est utilisé pour prévenir l'apparition d'une parasitose, l'histomonose («blackhead», «maladie de la tête noire»), chez les dindes.
28
Le nifursol appartient au groupe des nitrofuranes, des substances médicamenteuses faisant partie de la classe des coccidiostatiques, traités du point de vue de l'alimentation des animaux comme des additifs dans la directive 70/524, dans l'attente de l'élaboration d'une directive concernant les aliments médicamenteux, ainsi qu'il ressort du septième considérant de la directive 70/524 (voir point 2 ci-dessus). Comme le relève le Conseil, le législateur communautaire a en effet estimé opportun,
à titre provisoire, de traiter ces substances comme des additifs, car la réglementation relative à l'alimentation animale était plus harmonisée que celle relative aux médicaments.
29
Il est constant entre les parties que le nifursol n'a jamais fait l'objet d'une demande d'autorisation en tant que médicament vétérinaire, dans la Communauté.
Autorisation initiale du nifursol en tant qu'additif
30
En 1982, le nifursol a été autorisé provisoirement en tant qu'additif alimentaire pour les animaux. En 1988, à la suite d'une évaluation de cette substance sur la base d'un dossier établi conformément à la directive 87/153, le nifursol a été définitivement autorisé et inscrit à l'ancienne annexe I de la directive 70/524 (voir points 6 et 7 ci-dessus).
Interdiction des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires
31
En 1995, l'administration de l'ensemble des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires a été interdite (voir point 26 ci-dessus).
32
Il ressort du préambule de l'avis du SCAN du 11 octobre 2001 (voir point 46 ci-après) que cette interdiction a été édictée à la suite de l'examen par le «comité des médicaments vétérinaires» de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments de quatre substances (nitrofurazone, nitrofurantoine, furaltadone et furazolidone) appartenant au groupe des nitrofuranes, au cours de la période comprise entre 1990 et 1995. Ce comité avait estimé que deux de ces substances (la furazolidone et le
nitrofurazone) présentaient des risques de génotoxicité et de cancérogénicité et que l'innocuité des deux autres substances ne pouvait pas être appréciée, en raison de l'insuffisance des données toxicologiques disponibles. Le nifursol n'a pas été examiné par le comité des médicaments vétérinaires.
Nouvelle autorisation du nifursol en tant qu'additif, en application des dispositions transitoires de la directive 96/51, et retrait de cette autorisation par le règlement (CE) n° 1756/2002
33
Il ressort des pièces du dossier que la procédure de réévaluation du nifursol, qui a abouti au retrait de l'autorisation de cette substance par le règlement (CE) n° 1756/2002 du Conseil, du 23 septembre 2002, modifiant la directive 70/524 (JO L 265, p.1, ci-après le «règlement attaqué»), a été engagée pendant la procédure d'octroi d'une nouvelle autorisation de cette substance prévue par le régime transitoire institué par la directive 96/51 (voir points 15 à 18 ci-dessus).
34
En effet, dans sa lettre du 20 juillet 1998 à la requérante, la Veterinary Medicines Directorate du Royaume-Uni (ci-après la «VMD») se réfère, en tant qu'autorité désignée par l'État membre rapporteur, à la nouvelle demande d'autorisation concernant le nifursol qui lui a été adressée, par la requérante, au mois de mai 1998, en vue de sa transmission à la Commission avant le 1 ^er octobre 1998, comme le prévoit l'article 9 H, paragraphe 2, de la directive 70/524. Dans cette lettre, la VMD,
tout en soulignant que le nifursol ne sera pas soumis à une procédure de réévaluation en vue du maintien de son autorisation en vertu des nouvelles dispositions introduites par la directive 96/51, informe la requérante de la décision de la Commission de réévaluer la partie du dossier concernant le nifursol relative à la sécurité, sans demander d'études complémentaires. Interrogée, lors d'une réunion du comité permanent (voir point 22 ci-dessus), par la VMD et l'Allemagne qui nourrissaient
des doutes sur le fondement juridique d'une telle réévaluation, la Commission, relevant que le nifursol appartenait au groupe chimique des nitrofuranes, avait invoqué en substance l'exigence de cohérence entre la réglementation relative aux médicaments et celle relative aux additifs, à la suite de l'interdiction des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires destinés aux animaux producteurs d'aliments. Par ailleurs, elle avait indiqué, lors de cette réunion, qu'elle souhaitait obtenir
de la part de la requérante un résumé de la partie du dossier relative à la sécurité ainsi que des avis d'experts sur les différences existant en matière de toxicité entre le nifursol et les autres nitrofuranes, en particulier la furazolidone. À cet égard, la VMD mentionne la nécessité d'examiner le rapport du comité des médicaments vétérinaires concernant ces substances (voir point 32 ci-dessus), afin de vérifier s'il est utile aux fins de ce contrôle.
35
À la suite d'une lettre de la requérante du 10 septembre 1998 dans laquelle cette dernière, se référant à divers rapports et données déjà disponibles, demandait si ceux-ci étaient suffisants pour que la Commission puisse se prononcer sur l'innocuité du nifursol, la VMD a indiqué à la requérante, par courrier du 23 septembre 1998, que, selon les services de la Commission, «les aspects relatifs à la génotoxicité et la mutagénicité avaient été traités de façon adéquate», mais qu'il fallait
«réexaminer la sécurité du nifursol en se concentrant sur les aspects relatifs à la cancérogénicité et sur les différences de toxicité entre le nifursol et les autres nitrofuranes, en particulier la furazolidone».
36
Le 24 décembre 1998, la requérante a adressé à la VMD un dossier complémentaire contenant notamment un rapport réexaminant la question de la cancérogénicité.
37
Par courrier du 28 janvier 1999, la VMD a informé la requérante que la Commission était satisfaite par le dossier complémentaire concernant l'innocuité du nifursol et a demandé à la requérante que des copies de celui-ci soient envoyées aux membres du SCAN et du comité permanent.
38
La VMD a informé la requérante, par courrier du 3 août 1999, qu'un groupe de travail du SCAN venait d'être mis en place pour examiner le dossier.
39
Le 16 novembre 1999, en application de l'article 9 H de la directive 70/524, le règlement n° 2430/1999 a remplacé l'autorisation provisoire du nifursol par une autorisation liée au responsable de la mise sur le marché de cette substance, la requérante, valable jusqu'au 30 septembre 2009 (voir points 15 et 18 ci-dessus).
40
À la suite de questions soulevées par la Suède, l'Espagne et la Finlande, la VMD a indiqué à la requérante, dans une lettre du 9 février 2000 à laquelle elle avait joint les observations de la Suède, que la Commission suggérait que la requérante propose, après avoir reçu l'avis du SCAN, un programme d'études complémentaires sur l'innocuité du nifursol en vue de traiter cette question.
41
Par courrier du 22 mai 2000, la VMD a transmis à la requérante le rapport d'évaluation établi par cette autorité à la demande de la Commission sur la base des données fournies par la requérante. Ce rapport, rédigé par un expert devenu par la suite membre du groupe de travail du SCAN, susmentionné, n'a pas été communiqué à la Commission par la VMD, celle-ci estimant opportun d'éviter la distribution de ce rapport aux autres experts du SCAN chargés de la réévaluation du nifursol, afin de ne
pas influencer leur appréciation. Selon les conclusions de ce rapport (p. 11 et 12), il est prouvé que certains nitrofuranes sont génotoxiques et l'on suppose que ce risque est associé à la présence dans la molécule d'un «groupe 5-nitro» (cycle furanique portant un atome d'azote en position 5; «This property is thought to be associated with the presence in the molecule of a furan ring with a nitrogen atom at the 5-position»). Comme le nifursol présente cette structure moléculaire, il est,
selon la VMD, également suspecté de présenter un risque de génotoxicité.
42
Dans ce rapport, la VMD estime que les données toxicologiques disponibles concernant le nifursol sont incomplètes. En effet, il n'y aurait pas d'études sur la toxicité du développement («studies of developmental toxicity»), et les données pharmacocinétiques seraient incomplètes. Pour ce qui est du risque de mutagénicité, la VMD souligne que les résultats d'essais in vitro n'étaient pas clairs, mais ont suscité des inquiétudes en ce qui concerne l'existence d'un tel risque. Les résultats
négatifs d'études in vivo sur la moelle osseuse (épreuve du micronucléus et test de cytogénétique) et le foie [test UDS (synthèse d'ADN non programmée)] auraient laissé penser que le nifursol n'était pas génotoxique après un passage dans le foie. Toutefois, le résultat positif du test UDS sur l'intestin et du test de liaison à l'ADN aurait suggéré que le nifursol est génotoxique. Il aurait été suggéré que le résultat positif du test UDS sur l' intestin pourrait résulter d'une irritation
mais, selon la VMD, la possibilité que le nifursol puisse être à la fois irritant et génotoxique ne peut pas être exclue. Les observations faites lors des tests de mutagénicité concorderaient avec l'hypothèse selon laquelle le nifursol est un agent génotoxique à action directe qui fait l'objet d'un métabolisme rapide et extensif. Des études supplémentaires seraient nécessaires pour confirmer ou pour infirmer cette hypothèse. En attendant, il serait prudent de considérer que le nifursol
présente des risques potentiels de génotoxicité et de cancérogénicité.
43
Par ailleurs, la VMD souligne qu'il est possible de démontrer que le risque pour les consommateurs est minimal en montrant l'absence de résidus mesurables de nifursol et de ses métabolites du groupe des nitrofuranes dans les aliments provenant d'animaux traités avec cette substance. Elle suggère, à cet égard, que la requérante fournisse, conformément au chapitre IV, paragraphe 1.3, de la directive 87/153, un certain nombre de données et d'études précises.
44
La VMD conclut que, sur la base des données disponibles, l'administration du nifursol à des animaux devrait être interdite. Elle indique les informations complémentaires requises:
─
des rapports complets sur toutes les études existantes;
─
des études de toxicité du développement;
─
des données pharmacocinétiques sur la vitesse et l'étendue du métabolisme;
─
des études de cancérogénicité par voie orale de bonne qualité;
─
des études complémentaires de mutagénicité;
─
des informations sur les résidus détectés dans des aliments par la méthode analytique utilisée dans l'étude d'élimination des résidus (tous les résidus potentiellement génotoxiques sont-ils détectés?).
45
À la suite de ce rapport, qui identifiait un certain nombre de questions nécessitant la production de données complémentaires ou nouvelles, la requérante a envoyé à la VMD, le 27 juin 2000, plusieurs études dont des copies ont été communiquées au SCAN le 28 septembre 2000.
46
Le 11 octobre 2001, le SCAN a adopté un avis sur le nifursol. En ce qui concerne, en premier lieu, la mutagénicité et la génotoxicité, le SCAN constate (point 4.2.6 de l'avis): «Les résultats des études de mutagénicité in vivo qui ont utilisé la moelle osseuse comme tissu cible (tests de cytogénétique et épreuve du micronucléus) ont été clairement négatifs. Aucune des études in vivo qui ont utilisé d'autres tissus cibles n'a donné un résultat négatif convaincant, même si le résultat négatif
d'une épreuve biologique de cancérogénicité restreinte est de nature à rassurer. Seule la fourniture de résultats rassurants provenant de nouvelles études de mutagénicité in vivo utilisant deux tissus cibles différents pourrait dissiper les inquiétudes générées par les alertes structurelles et les résultats positifs de certains essais in vitro. Normalement, un essai UDS in vivo sur le foie employant une dose maximale d'au moins 2000 mg/kg de poids corporel serait considéré comme une étude
supplémentaire utile, mais, au vu du résultat négatif de l'étude UDS in vitro sur les hépatocytes, la valeur d'une telle étude est douteuse. Un des essais plus récents sur des tissus multiples, comme le test de Comet in vivo, qui examine plusieurs tissus cibles comprenant l'estomac, les intestins et le foie, pourrait fournir des résultats plus pertinents.» («One of the newer multi-tissue assays such as the in vivo comet essay, looking at several tissues including the stomach, intestines and
liver might give some relevant results»). En deuxième lieu, pour ce qui est de la cancérogénicité, le SCAN constate que les données disponibles ne donnent pas une indication claire d'une tumorigénicité provenant du nifursol. Il est cependant d'avis que ces résultats doivent être considérés comme provisoires, en raison de lacunes dans la structure de l'étude et de l'absence de détails sur l'histopathologie, notamment de données concernant les tumeurs des animaux individuels (point 5 de
l'avis). En troisième lieu, examinant la sécurité du nifursol pour le consommateur (point 6 de l'avis), le SCAN fait d'abord observer, en ce qui concerne le métabolisme et les résidus de nifursol chez la dinde, que les études fournies ont permis d'identifier deux «voies métaboliques» distinctes, mais qu'il n'a été procédé à aucune identification de résidus tissulaires et à aucune investigation sur l'absorption, la distribution et l'excrétion du nifursol (point 6.1). Il conclut que, sur la
base des études de mutagénicité, de génotoxicité et de cancérogénicité fournies par la requérante, et en raison notamment du manque de données disponibles sur la toxicité du développement et du fait qu'une seule voie métabolique soit commune à la dinde et au rat, il n'est pas possible de fixer une dose journalière acceptable pour les consommateurs (à savoir un niveau d'absorption, par l'être humain, de résidus de ladite substance dans les denrées alimentaires, qui pourrait être considéré
comme sûr, ci-après la «DJA») (point 6.3 de l'avis). Le SCAN en déduit que, puisque ni la DJA ni l'exposition humaine aux résidus du nifursol (y compris les métabolites) ne peuvent être établies, l'innocuité du nifursol ne peut pas être assurée (point 7 de l'avis).
47
Le 22 novembre 2001, la Commission a, lors d'une réunion avec les représentants de la requérante, fait part à celle-ci de son intention, à la lumière de l'avis du SCAN, de retirer l'autorisation de mise sur le marché du nifursol.
48
Par lettres du 3 décembre 2001 et du 15 janvier 2002 à la Commission, la requérante a confirmé qu'elle avait entrepris de nouvelles études, qui devaient être achevées avant le 1 ^er janvier 2003, pour combler les lacunes de son dossier. Elle a rappelé qu'elle avait soumis à cette institution, lors de la réunion susvisée du 22 novembre 2001, un protocole établi en août 2001 par TNO Pharma (département pharmaceutique de l'organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée),
afin de quantifier les résidus de nifursol présents dans la viande de dinde. Elle a également transmis certains documents portant sur le profil toxicologique ainsi que sur le risque de cancérogénicité présenté par le nifursol. Enfin, elle a souligné que le retrait de l'autorisation du nifursol priverait le secteur de l'élevage de dindes du dernier moyen de contrôle de l'histomonose, les produits vétérinaires destinés à contrôler cette maladie ayant été depuis longtemps retirés du marché.
49
Parallèlement, la Commission a procédé à des consultations, auprès des administrations des États membres et des entreprises concernées, en vue d'évaluer l'impact sanitaire et socio-économique d'un éventuel retrait du nifursol du marché. Dans une lettre de consultation ouverte du 20 décembre 2001, la Commission a déclaré que le SCAN avait émis un avis défavorable sur le nifursol. Elle relevait que cet avis «indiquait clairement que le nifursol présente un risque de mutagénicité et est
suspecté de cancérogénicité, comme les autres nitrofuranes [... et que, de] plus, il n'a pas été possible de fixer une DJA pour le consommateur, de sorte que l'innocuité [du nifursol] ne peut être garantie». Cette consultation portait sur les conséquences probables d'un retrait du nifursol, eu égard à l'interdiction du dimetridazole à partir du 1 ^er juillet 2002, et sur les alternatives possibles, telles que les «bonnes pratiques d'hygiène» actuellement appliquées en Suède.
50
Le 8 janvier 2002, la requérante a été informée par le secrétariat du SCAN que la production de données scientifiques complémentaires détaillées, comblant les lacunes identifiées par le SCAN, serait nécessaire pour obtenir une révision de l'avis adopté par ce comité.
51
Lors de ses séances des 5 et 6 février 2002, dont le procès-verbal a été approuvé lors des séances des 17 et 18 avril 2002, le SCAN a conclu que les données complémentaires fournies par la requérante confirmaient l'absence de mise en évidence du risque de cancérogénicité. Néanmoins, au vu des doutes persistants quant à la génotoxicité potentielle du nifursol et en l'absence d'études kinétiques sur les résidus de cette substance dans la viande de dinde, le SCAN a estimé que la conclusion
selon laquelle la sécurité du nifursol n'est pas démontrée devait être maintenue.
52
Par lettre du 8 mars 2002 au secrétariat du SCAN, la requérante a rappelé qu'elle avait informé la Commission que de nouvelles études portant sur les résidus de nifursol et ses métabolites dans les tissus de dinde avaient d'ores et déjà été entamées par TNO Pharma et qu'elle avait l'intention d'entreprendre des essais de mutagénicité supplémentaires in vivo. La requérante exprimait le souhait de prendre contact avec un membre du groupe de travail du SCAN pour discuter du protocole et de la
planification dans le temps de ces études. Par lettre du 8 avril 2002, le secrétariat du SCAN a répondu qu'il n'appartenait pas à ce groupe de conseiller les entreprises. Selon la procédure instituée par la directive 70/524, c'est l'État membre rapporteur qui serait l'intermédiaire entre ces dernières et la Commission, aux fins de la présentation des dossiers d'autorisation. Cela vaudrait également pour le SCAN. En outre, l'implication du SCAN dans l'élaboration des protocoles d'études
porterait atteinte à son indépendance.
53
Au cours des séances des 17 et 18 avril, dont le procès-verbal a été approuvé lors des séances des 18 et 19 juin 2002, le SCAN a examiné une étude kinétique soumise par la requérante et ne l'a trouvée que partiellement satisfaisante. Par ailleurs, en ce qui concerne la preuve de l'absence de génotoxicité du nifursol, il a examiné la proposition de la requérante d'effectuer un test classique de mutation génétique in vitro. Bien que le SCAN ait admis qu'il n'existait pas d'essai de
mutagénicité in vivo validés en dehors des essais sur la moelle osseuse et des essais UDS sur le foie, il a estimé que des essais in vitro supplémentaires ne permettraient pas de dissiper les inquiétudes suscitées par les résultats positifs de certains des essais déjà communiqués. Pour confirmer l'absence de mutagénicité in vivo du nifursol, déjà démontrée dans la moelle osseuse, le SCAN réaffirme la nécessité d'un essai supplémentaire in vivo adéquat (à savoir un essai différent du test
UDS) sur un tissu autre que la moelle osseuse.
54
Conformément à la procédure prévue à l'article 23 de la directive 70/524, la Commission a soumis au comité permanent, pour avis, une proposition de règlement portant retrait de l'autorisation de l'additif nifursol.
55
Cette proposition n'ayant pas obtenu la majorité qualifiée lors du vote du comité permanent au cours de sa réunion du 23 mai 2002, la Commission a soumis au Conseil, le 8 juillet 2002, une proposition de règlement de retrait de l'autorisation du nifursol [COM (2002) 367 final].
56
Par lettre du 23 juillet 2002 à la Commission, la requérante a notamment rappelé que ses courriers, informant cette institution que les résultats des essais nécessaires seraient disponibles à la fin de l'année, étaient restés sans réponse. Elle a annoncé qu'elle lui enverrait le lendemain un résumé complet de ces essais avec documents à l'appui ─ ce qu'elle a fait, ainsi que l'a confirmé la Commission lors de l'audience ─ et a sollicité un délai raisonnable pour fournir les résultats de ces
essais. Par lettre du 30 juillet 2002, la Commission a répondu en substance que, dans la mesure où l'innocuité du nifursol ne pouvait pas être garantie en raison de l'insuffisance des données scientifiques fournies, elle était tenue de proposer le retrait de l'autorisation de cette substance. Lorsque les lacunes du dossier seraient comblées, la requérante aurait la possibilité de demander une nouvelle autorisation selon la procédure habituelle. La Commission a ajouté que la requérante avait
été pleinement informée de la politique suivie, lors de ses contacts avec les services techniques de la Commission, notamment au cours de la réunion du 22 novembre 2001.
57
Le 23 septembre 2002, le Conseil a adopté le règlement attaqué.
Règlement attaqué
58
Le règlement attaqué se fonde sur la directive 70/524, et notamment sur son article 9 M. Le Conseil se réfère, au considérant 3, aux avis du «comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires» et du «comité des médicaments vétérinaires» de l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments émis entre 1990 et 1995 en ce qui concerne l'«administration de médicaments vétérinaires du groupe des substances appelées nitrofuranes aux animaux producteurs d'aliments». Il relève que, selon
ces avis, en raison de la génotoxicité et de la cancérogénicité de ces substances, il n'est pas possible de déterminer une DJA. C'est la raison pour laquelle tous les nitrofuranes on été inscrits à l'annexe IV du règlement n° 2377/90, avec pour conséquence l'interdiction, dans toute la Communauté, d'administrer ces substances en tant que médicaments vétérinaires à des animaux producteurs d'aliments. Selon les considérants 4 et 5 du règlement attaqué, la Commission a en conséquence invité le
SCAN à procéder à une réévaluation des risques présentés par le nifursol. Ce comité ayant conclu, dans son avis du 11 octobre 2001, confirmé le 18 avril 2002, à l'impossibilité ─ sur la base des études fournies par la requérante et en raison du manque de données disponibles en matière de toxicité du développement ─ de déterminer une DJA en ce qui concerne le nifursol, le Conseil en déduit, au considérant 6, qu'«il n'est plus possible de garantir que le nifursol ne présente pas de risque pour
la santé humaine». Aux considérants 7 et 8, il précise que les conditions fixées à l'article 3 A, sous b), de la directive 70/524 ne sont plus remplies et qu'il convient dès lors de ne plus permettre l'utilisation du nifursol en tant qu'additif dans l'alimentation des animaux.
59
Par conséquent, l'article 1 ^er du règlement attaqué supprime l'inscription du nifursol à l'annexe I du règlement n° 2430/1999 et à l'annexe B, chapitre II, de la directive 70/524. L'article 2 du règlement attaqué dispose que cette suppression est applicable à partir du 31 mars 2003.
Procédure devant le Tribunal
60
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 décembre 2002, la requérante a saisi le Tribunal d'un recours en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE tendant, principalement, à l'annulation du règlement attaqué et à la condamnation du Conseil aux dépens.
61
Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, conformément à l'article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a demandé qu'il soit statué selon une procédure accélérée sur son recours en annulation. Dans ses observations sur cette demande, déposées le 21 janvier 2003, le Conseil a conclu à son rejet.
62
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 janvier 2003, la Commission a présenté une demande d'intervention à l'appui des conclusions du Conseil.
63
La deuxième chambre du Tribunal, à laquelle l'affaire a été attribuée par décision du 22 janvier 2003, a rejeté la demande de traitement accéléré par décision du 4 février 2003, notifiée le lendemain aux parties.
64
Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2003, la requérante a présenté une demande de sursis à l'exécution des articles 1 ^er et 2 du règlement attaqué ainsi qu'une demande de sursis conservatoire au titre de l'article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure.
65
Par ordonnance du 17 mars 2003 du président de la deuxième chambre du Tribunal, la Commission a été admise à intervenir dans l'affaire au principal à l'appui des conclusions du Conseil. Elle a déposé son mémoire en intervention le 14 mai 2003.
66
Par ordonnance du 11 avril 2003, Solvay Pharmaceuticals/Conseil (T-392/02 R, Rec. p. II-1825), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé en se fondant sur la mise en balance des intérêts en présence.
67
Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 21 mai 2003, la requérante a renoncé à déposer un mémoire en réplique. Elle a déposé ses observations sur le mémoire en intervention le 11 juin 2003.
68
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a ouvert la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, la Commission a été invitée à produire un document. Elle a déféré à cette demande.
69
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 17 juillet 2003. Au cours de cette audience, les experts assistant la requérante et la Commission à la demande du Tribunal ont répondu aux questions du Tribunal.
Conclusions des parties
70
La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
─
annuler le règlement attaqué;
─
condamner le Conseil aux dépens;
─
subsidiairement, dans l'hypothèse où le recours serait rejeté comme non fondé, condamner le Conseil à l'ensemble des dépens, en raison du manque allégué de coopération et de transparence dans la gestion de son dossier par la Commission.
71
Le Conseil, soutenu par la Commission, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
─
rejeter le recours;
─
condamner la requérante aux dépens.
En droit
1.Sur la recevabilité
Arguments des parties
72
La requérante soutient que son recours est recevable. Elle fait valoir que le règlement attaqué n'est pas un acte de portée générale, mais une décision déguisée prise contre elle. En effet, ce règlement aurait exclusivement pour objet de retirer l'autorisation de mise sur le marché du nifursol, alors que seule la requérante est titulaire d'une telle autorisation.
73
En outre, à supposer même que le règlement attaqué ait une portée générale, il revêt, selon la requérante, un caractère décisionnel contre elle, dans la mesure où il la concerne directement et individuellement, au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE (arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T-13/99, Rec. p. II-3305, et Alpharma/Conseil, T-70/99, Rec. p. II-3495).
74
Le Conseil ne soulève pas formellement une exception d'irrecevabilité. Il souligne cependant, en premier lieu, que le règlement attaqué revêt une portée générale.
75
En second lieu, le Conseil admet que la situation de la requérante présente certaines analogies avec celle des requérantes dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Pfizer Animal Health/Conseil et Alpharma/Conseil, précités. Il relève néanmoins que, dans ces arrêts, le Tribunal a admis la qualité pour agir des producteurs d'additifs considérés en se fondant sur les droits particuliers dont ils jouissaient dans le cadre des procédures de réévaluation prévues par les dispositions
transitoires introduites par la directive 96/51. Or, ce régime transitoire ne serait pas applicable en l'espèce.
Appréciation du Tribunal
76
La portée générale d'un règlement n'exclut pas qu'il puisse concerner directement et individuellement certaines personnes physiques ou morales qui sont, dès lors, recevables à l'attaquer au titre de l'article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt de la Cour du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19; arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 84, et Alpharma/Conseil, précité, point 76).
77
En l'occurrence, la requérante est directement concernée par le règlement attaqué. En effet, cet acte, qui s'impose directement aux opérateurs concernés sans appeler l'adoption de mesures intermédiaires, a pour effet de supprimer l'autorisation de commercialiser cette substance dont bénéficiait la requérante (voir, en ce sens, arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 87, et Alpharma/Conseil, précité, point 79).
78
S'agissant de la question de savoir si la requérante est individuellement concernée par le règlement attaqué, il y a lieu de rappeler qu'une personne physique ou morale ne saurait prétendre être concernée individuellement par un acte de portée générale que si elle est atteinte en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197,
223, et arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 88, et Alpharma/Conseil, précité, point 80).
79
En l'espèce, la requérante soutient à bon droit qu'elle se trouve, en sa qualité de responsable de la mise en circulation du nifursol à la suite de l'adoption du règlement n° 2430/1999, dans une situation particulière de nature à la caractériser par rapport à toute autre personne. En effet, d'une part, en application de l'article 2, sous l), de la directive 70/524, la requérante assumait en tant que «responsable de la mise en circulation du nifursol» la responsabilité de la conformité de
l'additif considéré et de sa mise en circulation (voir point 13 ci-dessus). En cette qualité, d'autre part, elle bénéficiait de certains droits procéduraux dans le cadre de la procédure de réévaluation du nifursol, la Commission étant tenue de l'informer des principales lacunes du dossier, ainsi qu'il est jugé au point 187 ci-après.
80
Il en résulte que la requérante a été atteinte par le retrait de l'autorisation du nifursol en raison d'une qualité particulière de nature à l'individualiser par rapport à toute autre personne.
81
Cette individualisation est d'ailleurs confirmée par le fait que l'article 1 ^er du règlement attaqué supprime l'inscription du nifursol dans l'annexe I du règlement n° 2430/1999 et dans l'annexe B, chapitre II, de la directive 70/524. En effet, ces annexes comportent, en relation avec chaque additif enregistré, la mention expresse du nom du responsable de sa mise en circulation, en l'occurrence le nom de la requérante pour ce qui est du nifursol.
82
Dans ces conditions, le recours est recevable.
2.Sur le fond
83
La requérante invoque, à l'appui de son recours, trois groupes de moyens tirés, premièrement, de la violation des articles 9 M, deuxième tiret, et 3 A, sous b), de la directive 70/524 ainsi que, à titre subsidiaire, du «principe de précaution», deuxièmement, de la violation de l'article 9 M, cinquième tiret, de ladite directive et des principes d'égalité de traitement et de bonne administration et, troisièmement, de la méconnaissance des principes de sécurité juridique, de bonne
administration et de bonne foi dans la procédure ayant conduit à l'adoption du règlement attaqué.
84
Le Tribunal estime opportun d'examiner d'abord le premier groupe de moyens susmentionné, puis d'aborder ensemble les deux autres groupes de moyens invoqués par la requérante.
Sur le premier groupe de moyens, tirés de la violation des articles 9 M, deuxième tiret, et 3 A, sous b), de la directive 70/524 ainsi que du principe de précaution
Arguments des parties
85
La requérante soutient que, en motivant le retrait de l'autorisation du nifursol par le fait qu'«il n'est pas possible de garantir que le nifursol ne présente pas de risque pour la santé humaine» (considérant 6 du règlement attaqué), le Conseil a altéré de façon significative le critère défini par l'article 9 M de la directive 70/524, en relation avec l'article 3 A, sous b), de cette directive. En effet, en vertu de cette dernière disposition, une autorisation ne pourrait être retirée que
lorsqu'il apparaît que l'additif en cause a une influence défavorable sur la santé humaine. Or, en l'espèce, le règlement attaqué se fonderait sur un risque purement hypothétique.
86
De plus, la requérante fait observer que le retrait de l'autorisation du nifursol ne se fonde pas sur le principe de précaution. En attesterait l'absence de toute référence audit principe dans le règlement attaqué. En outre, le recours au principe de précaution ─ impliquant selon la jurisprudence l'existence d'un niveau de risque inacceptable pour la santé humaine (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, précité, points 149 à 151) ─ serait inconciliable avec le dispositif du règlement attaqué,
qui ne prévoit le retrait de l'autorisation du nifursol qu'à partir du 31 mars 2003, soit six mois après la date de son adoption, afin de permettre l'adaptation des conditions d'alimentation des animaux et de prendre en considération leur bien-être. Cela confirmerait d'ailleurs le caractère hypothétique du risque allégué pour la santé humaine. Le recours au principe de précaution serait également difficilement conciliable avec le fait que le SCAN a mis plus d'un an pour émettre son avis et
la Commission près de quatre ans pour proposer le retrait de l'autorisation du nifursol.
87
Subsidiairement, en admettant même que le règlement attaqué se fonde sur le principe de précaution, il en ferait une application erronée, en retenant un risque pour la santé humaine purement hypothétique (arrêt Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 145).
88
La requérante fait valoir que les avis auxquels se réfère le règlement attaqué n'établissent pas l'existence d'un risque sérieux identifié. Elle allègue d'abord que les avis du comité mixte FAO-OMS d'experts des additifs alimentaires et du comité des médicaments vétérinaires, visés au considérant 3 du règlement attaqué, ne portaient pas sur le nifursol, mais sur deux autres substances du groupe des nitrofuranes. Or, les diverses substances de ce groupe ne sauraient être assimilées,
s'agissant de leurs effets, à ces deux substances, ainsi que le montrerait l'emploi de plusieurs substances du groupe des nitrofuranes comme molécules actives dans des médicaments à usage humain. Par ailleurs, ce serait en raison du manque d'études disponibles sur les substances considérées, aucune entreprise n'étant disposée à effectuer l'investissement nécessaire, que l'administration des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires à des animaux producteurs d'aliments a été
interdite.
89
Quant à l'avis du SCAN du 11 octobre 2001, confirmé le 18 avril 2002, sur lequel se fonde le règlement attaqué (considérant 5), il ne serait pas défavorable à l'autorisation du nifursol comme le soutient la Commission et aurait fait l'objet de citations incomplètes dans ce règlement. En ce qui concerne les risques de génotoxicité et de mutagénicité présentés par le nifursol, le SCAN aurait estimé que des études in vitro réalisées en 1985 avaient indiqué que cette substance présentait un
potentiel mutagénétique dans des circonstances spécifiques (point 4.1.4 de l'avis). Toutefois, ces études seraient antérieures à l'inscription du nifursol à l'ancienne annexe I de la directive 70/524 et auraient été examinées à l'occasion de cette inscription. Pour ce qui est des études in vivo, effectuées sur des rats, elles se seraient révélées négatives ou non concluantes. Le SCAN aurait conclu à la nécessité d'études in vivo supplémentaires afin de dissiper le doute résultant de certains
résultats d'études in vitro (point 4.2.6 de l'avis). Le SCAN n'aurait dès lors pas pu établir la DJA pour le consommateur, parce qu'il estimait ne pas disposer de données suffisantes.
90
À cet égard, la requérante souligne que l'insuffisance des données scientifiques ne saurait lui être imputée. Dans sa lettre du 23 septembre 1998, la VMD lui aurait indiqué que le responsable de la Commission considérait que les questions relatives à la génotoxicité et à la mutagénicité avaient été examinées de manière adéquate (dans les documents déjà soumis dans le cadre de la procédure d'autorisation de 1988) et que la réévaluation de la sécurité du nifursol devait être concentrée sur les
aspects relatifs à la cancérogénicité et aux différences de toxicité entre le nifursol et les autres nitrofuranes, en particulier la furazolidone.
91
En ce qui concerne la cancérogénicité, l'absence de risque aurait été confirmée dans le procès-verbal des séances du SCAN des 5 et 6 février 2002. Le règlement attaqué (considérant 5) ferait dès lors état du risque de cancérogénicité de manière totalement injustifiée.
92
La Commission aurait instruit le dossier de réévaluation du nifursol en amalgamant cette substance et certaines autres substances du groupe des nitrofuranes, comme l'indiquerait notamment la lettre de la VMD du 20 juillet 1998. Or, contrairement à ce qu'insinuerait la Commission dans ses observations, le choix du statut d'additif pour le nifursol ne viserait pas à échapper à une mesure d'interdiction.
93
En outre, le raisonnement du Conseil et de la Commission renfermerait une contradiction. En effet, selon la requérante, soit il était possible en 1995 d'établir un lien clair entre le nifursol et certains nitrofuranes dont l'utilisation en tant que médicaments vétérinaires avait été interdite et, dans cette hypothèse, l'autorisation du nifursol en 1999 serait significative (ordonnance Solvay Pharmaceuticals/Conseil, précitée, point 75), soit, comme le souligne la Commission dans ses
observations, le risque pour la santé humaine présenté par le nifursol aurait été encore «insuffisamment défini» en 1995, de sorte que seuls des éléments nouveaux auraient pu justifier le retrait de l'autorisation de cette substance en 2002.
94
À cet égard, la mention de la possibilité d'un retrait des autorisations d'additifs à tout moment, au considérant 5 du règlement n° 2430/1999, ne ferait pas obstacle à la création d'une attente légitime des bénéficiaires d'autorisations en ce qui concerne la conformité des substances autorisées aux conditions énoncées par l'article 3 A de la directive 70/524, d'autant moins que ce considérant 5 vise l'article 9 G de la directive 70/524, qui ne serait pas pertinent en l'espèce.
95
Le Conseil écarte cette argumentation. Il fait valoir que la directive 70/524 est fondée sur un système de «liste positive», selon lequel les additifs sont interdits sauf si la preuve du respect des exigences énumérées à l'article 3 A de cette directive est fournie par le producteur. Ladite directive prévoirait une «tolérance zéro à l'égard des risques potentiels pour lesquels le producteur n'a pas apporté la preuve de leur acceptabilité». Le règlement attaqué serait fondé sur le principe de
précaution, en relation avec le régime de la preuve (arrêt du Tribunal du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00, Rec. p. II-4945).
96
Contrairement à ce qu'allègue la requérante, le Conseil aurait, au considérant 6 du règlement attaqué, uniquement appliqué la règle selon laquelle il incombe au producteur d'un additif de prouver que ce dernier n'a pas d'influence défavorable sur la santé, dès lors qu'un risque potentiel a été identifié.
97
En effet, il serait loisible au législateur communautaire d'avoir une politique de «tolérance zéro» à l'égard de certains facteurs de risque pour lesquels le producteur ne peut apporter la preuve de leur caractère acceptable (arrêt de la Cour du 24 octobre 2002, Hahn, C-121/00, Rec. p. I-9193, et conclusions de l'avocat général M. Geelhoed sous cet arrêt, p. I-9195 point 29).
98
Le Conseil allègue que le risque pour la santé humaine présenté par le nifursol est loin d'être hypothétique. Les études in vitro concernant cette substance auraient confirmé que les risques liés à certains caractères de la structure moléculaire des nitrofuranes sont également présents dans le nifursol. Les études in vivo auraient été lacunaires et non concluantes, et n'auraient donc pas permis d'établir que les phénomènes décelés lors des essais in vitro ne peuvent pas se reproduire dans
les conditions d'administration réelle du nifursol.
99
Enfin, contrairement à ce que soutient la requérante, la durée de la procédure de réévaluation du nifursol et le fait que l'entrée en vigueur de l'interdiction de cette substance a été fixée six mois après l'adoption du règlement attaqué ne démontreraient pas l'absence de risque sérieux pour la santé. En effet, la meilleure stratégie de gestion du risque n'aurait pas été d'interdire immédiatement le nifursol. En raison du risque marginal d'exposition à cette substance, il aurait été
acceptable et proportionné de prendre le temps nécessaire pour consulter le producteur de celle-ci et le SCAN et pour tenir compte de certains intérêts concurrents en réduisant les conséquences du retrait de l'autorisation litigieux sur la santé humaine et le bien-être des animaux.
100
La Commission se rallie à l'argumentation du Conseil. Elle souligne que le nifursol n'a échappé, en 1995, à l'interdiction générale des nitrofuranes comme médicaments vétérinaires qu'en raison de sa classification administrative antérieure comme additif alimentaire pour animaux. À compter de cette période, le risque de génotoxicité, liée à la présence d'un «groupe 5-nitro» dans la structure moléculaire du nifursol, aurait cependant été considéré comme étant «sérieux», même s'il était encore
«insuffisamment défini».
101
Ce risque n'aurait cependant pas nécessité de «gestion urgente», en raison de l'utilisation limitée du nifursol dans les élevages de dindes et des ajustements nécessaires dans le secteur économique concerné. La Commission n'aurait dès lors demandé la réévaluation de cette substance qu'en juillet 1998, afin de traiter la question dans le cadre des nouvelles dispositions de la directive 70/524, dont la proposition de modification aurait été déposée en 1993. Par ailleurs, ce serait en raison du
caractère lacunaire des études soumises par la requérante, souligné dans les avis du SCAN du 11 octobre 2001 et du mois d'avril 2002, que le groupe de travail du SCAN n'aurait pu examiner le dossier de réévaluation du nifursol qu'à partir du 28 septembre 2000.
102
Dans ces conditions, les institutions communautaires n'auraient pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans leur choix de gestion du risque.
Appréciation du Tribunal
103
D'une part, la requérante soutient, à titre principal, que, au vu des études disponibles, le retrait de l'autorisation du nifursol se fonde sur un risque purement hypothétique pour la santé humaine. Les institutions concernées auraient, de manière erronée, établi un lien entre le nifursol et d'autres substances du groupe des nitrofuranes, dont l'évaluation par le comité des médicaments vétérinaires entre 1990 et 1995 a conduit, en 1995, à l'interdiction d'administrer toute substance de ce
groupe comme médicament vétérinaire dans la Communauté.
104
D'autre part, la requérante allègue que le caractère purement hypothétique du risque pris en considération en l'espèce est également confirmé par le fait que le nifursol a fait l'objet d'une nouvelle autorisation en 1999, sur la base de l'article 9 H de la directive 70/524. À cet égard, la requérante suggère (voir point 96 ci-dessus) que, si un lien pouvait être établi dès 1995 entre, d'une part, la présence d'une structure moléculaire comportant un «groupe 5-nitro», qui caractérise les
nitrofuranes ─ dont le nifursol ─ et, d'autre part, des risques de génotoxicité et de cancérogénicité, la nouvelle autorisation du nifursol en 1999 montre que ces risques ont été exclus pour le nifursol. À l'appui de cette thèse, la requérante a allégué lors de l'audience, en réponse à une question du Tribunal, que, aux fins de l'octroi de cette nouvelle autorisation au titre de l'article 9 H de la directive 70/524, les autorités compétentes étaient tenues de vérifier au préalable que le
nifursol remplissait la condition relative à l'innocuité pour la santé humaine énoncée à l'article 3 A de cette directive. En effet, l'article 9 H de la directive 70/254 ne dérogerait pas aux conditions définies par l'article 3 A de celle-ci. Dans les affaires à l'origine des arrêts Pfizer Animal Health/Conseil et Alpharma/Conseil, précitée, les autorisations des substances considérées auraient ainsi été retirées malgré le fait que la procédure prévue par l'article 9 H était en cours. La
requérante en conclut que, en l'espèce, seuls des éléments nouveaux auraient dès lors pu justifier le retrait de l'autorisation du nifursol en 2002. Or, tous les éléments scientifiques pris en considération en 2002 auraient déjà été disponibles en 1995.
─ Sur la portée de l'autorisation du nifursol octroyée en 1999
105
Il convient dès lors d'apprécier, en premier lieu, la portée de l'autorisation du nifursol en tant qu'additif octroyée, en 1999, postérieurement à l'interdiction totale de l'emploi des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires.
106
À cet égard, il y a lieu de relever que cette nouvelle autorisation a été octroyée en novembre 1999 pour une durée de dix ans, alors que la procédure de réévaluation de la sécurité présentée par le nifursol avait déjà été engagée depuis le mois de juillet 1998 et que la Commission disposait des avis défavorables, émis entre 1990 et 1995, concernant certains nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires.
107
Sous cet aspect, le présent litige se distingue des faits en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Pfizer Animal Health/Conseil et Alpharma/Conseil précités, invoquées par la requérante, dans lesquelles le retrait de l'autorisation de certains des additifs considérés (des antibiotiques) était intervenu ─ à titre de mesure de sauvegarde fondée sur l'article 11 de la directive 70/524 ─ avant le remplacement de leur autorisation provisoire par une autorisation liée au responsable
de la mise sur le marché selon la procédure prévue par le régime transitoire institué par la directive 96/51.
108
En l'espèce, l'incohérence entre, d'une part, l'octroi d'une nouvelle autorisation en 1999 et, d'autre part, la poursuite concomitante de la procédure de retrait de cette même autorisation, ouverte au 1998 sur la base de l'article 9 M de la directive 70/524, résulte exclusivement d'une application stricte des dispositions prévues par le régime transitoire. L'application de ce régime transitoire n'a cependant ni eu d'incidence sur la procédure de réévaluation du nifursol et sur le contenu du
règlement attaqué, ni été source d'insécurité juridique pour la requérante, contrairement à ce qu'elle soutient (voir point 116 ci-après).
109
En effet, dans le cadre de ce régime transitoire, l'article 9 H de la directive 70/524, applicable en l'espèce, prévoyait le remplacement, à la demande de son titulaire, de l'autorisation provisoire de l'additif considéré par une autorisation liée au responsable de la mise en circulation, dès lors que les deux conditions suivantes étaient réunies: premièrement, la transmission dans le délai fixé de la monographie et de la fiche signalétique concernant cet additif et, deuxièmement, la
conformité de ces deux documents aux données du dossier à partir duquel l'autorisation initiale avait été accordée. Il résulte en particulier de l'article 9 H, paragraphe 3, sous b), de la directive 70/524 que, lorsque ces deux conditions étaient réunies, la nouvelle autorisation devait impérativement être accordée, pour une durée de dix ans, par voie de règlement prenant effet le 1 ^er octobre 1999 au plus tard.
110
Il ressort ainsi clairement de ces dispositions que l'article 9 H de la directive 70/524 instituait une procédure purement administrative dérogeant au régime commun invoqué par la requérante. Ces dispositions transitoires excluaient en effet toute réévaluation scientifique de la sécurité de l'additif considéré et, en conséquence, toute marge d'appréciation des institutions concernées sur cet aspect. Contrairement à ce qu'allègue la requérante, l'octroi d'une autorisation au titre de cet
article n'était dès lors pas subordonné au contrôle préalable du respect de la condition relative à l'innocuité pour la santé humaine de la substance en cause, énoncée à l'article 3 A, sous b), de la directive 70/524.
111
Cette interprétation de l'article 9 H de la directive 70/524 est corroborée par l'économie et la finalité du régime transitoire instauré par la directive 96/51. En effet, afin de veiller aux exigences de la protection de la santé publique et dans un souci d'économie de procédure, ce régime transitoire prévoyait uniquement la réévaluation des substances dont l'autorisation initiale avait été accordée avant l'expiration du délai de transposition de la directive 87/153, conformément aux
explications fournies par le Conseil et la Commission lors de l'audience. La procédure instituée par l'article 9 H de la directive 70/524, applicable aux additifs inscrits à l'annexe I de la directive 70/524 après le 31 décembre 1997, se fondait sur l'idée selon laquelle, en règle générale, ces substances ─ initialement évaluées sur la base d'un dossier conforme aux dispositions de la directive 87/153 ─ ne nécessitaient pas de réévaluation, à la différence des additifs inscrits à l'annexe I
avant cette date dont la nouvelle autorisation était subordonnée à une réévaluation préalable en vertu de l'article 9 G de la directive 70/524.
112
Dans ce contexte, il importe de souligner que, dans l'économie de la directive 70/524, les dispositions transitoires de l'article 9 H ne s'opposaient pas à la mise en oeuvre, parallèlement à la procédure purement administrative de remplacement de l'autorisation provisoire d'un additif par une autorisation définitive, d'une mesure de sauvegarde au titre de l'article 11 de cette directive, comme dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Pfizer Animal Health/Conseil et Alpharma/Conseil,
précités, ou d'une procédure de retrait de l'additif fondée sur l'article 9 M de ladite directive, comme c'est le cas en l'espèce.
113
En particulier, eu égard au caractère formel du contrôle effectué aux fins de l'octroi d'une nouvelle autorisation sur la base de l'article 9 H de la directive 70/524, l'octroi d'une autorisation au titre de cette disposition n'est pas de nature à créer une présomption relative à l'innocuité de la substance considérée ni, par conséquent, à exercer une incidence sur l'examen totalement autonome de ladite substance effectué dans le cadre de la procédure de réévaluation.
114
En l'espèce, il est constant que les conditions purement formelles d'octroi d'une nouvelle autorisation sur la base de l'article 9 H de la directive 70/524 étaient réunies en ce qui concerne le nifursol.
115
Il s'ensuit que seuls l'adoption d'une mesure de sauvegarde ou le retrait de l'autorisation provisoire du nifursol sur la base de l'article 9 M de la directive 70/524, avant le 1 ^er octobre 1999, pouvaient faire échec à l'octroi d'une nouvelle autorisation à partir de cette date. Or, lors de l'audience, le Conseil et la Commission ont indiqué à cet égard que, en l'espèce, une mesure de sauvegarde n'avait pas été considérée appropriée et que la longueur de la procédure de réévaluation du
nifursol au titre de l'article 9 M, susvisé, s'expliquait par l'importance des exigences procédurales, et en particulier par la nécessité de recueillir un avis scientifique aux fins de l'application du principe de précaution.
116
De plus, contrairement à ce que prétend la requérante (voir point 97 ci-dessus), la nouvelle autorisation du nifursol par le règlement n° 2430/1999 n'a pu faire naître aucune attente légitime en ce qui concerne l'innocuité de cette substance. La requérante n'a jamais pu douter du caractère purement administratif de cette autorisation, qui pouvait être retirée à tout moment sur la base des articles 9 M ou 11 de la directive 70/524, comme le spécifiait d'ailleurs expressément le règlement
n° 2430/1999, en son considérant 5. En particulier, la référence faite dans ce même considérant à l'article 9 G de la directive 70/524, qui est privé de toute pertinence en l'espèce, n'était pas de nature à susciter des doutes dans l'esprit de la requérante sur la possibilité d'un retrait de la nouvelle autorisation du nifursol à l'issue de la réévaluation en cours de cette substance. En effet, la requérante avait été immédiatement avertie de la décision de la Commission de procéder à cette
réévaluation, par la lettre de la VMD du 20 juillet 1998, et a ensuite été régulièrement informée des différentes étapes de cette procédure tout au long de son déroulement.
117
Il en résulte que, avant l'adoption du règlement attaqué, le nifursol avait uniquement fait l'objet d'une évaluation sur la base d'un dossier conforme aux dispositions de la directive 87/153, lors de son autorisation initiale en 1988 (voir points 6 et 7 ci-dessus). Contrairement à ce que prétend la requérante, les avis émis entre 1990 et 1995 dans le domaine des médicaments vétérinaires n'avaient dès lors pas été pris en considération aux fins d'un examen de l'innocuité de cette substance.
118
La nouvelle autorisation du nifursol en 1999 ne saurait dès lors être prise en considération dans le cadre de l'examen des griefs se rapportant au risque allégué pour la santé humaine.
─ Sur le caractère prétendument hypothétique du risque allégué pour la santé humaine
119
Dans ce contexte juridique, il convient d'examiner, en second lieu, l'argument principal de la requérante selon lequel le règlement attaqué se fonde sur un risque purement hypothétique pour la santé humaine. À cet égard, la requérante invoque, à titre principal, la violation des articles 9 M et 3 A, sous b) de la directive 70/524, et, à titre subsidiaire, la violation du principe de précaution (voir point 83 ci-dessus).
120
Or, il est à noter que, en l'espèce, au vu de l'argumentation de la requérante, et contrairement à la présentation qu'elle fait des moyens susmentionnés, la violation du principe de précaution ne saurait être invoquée isolément, à titre subsidiaire. En l'occurrence, les moyens tirés, d'une part, de la violation des articles 9 M et 3 A, sous b), de la directive 70/524 et, d'autre part et à titre subsidiaire, de la violation du principe de précaution doivent être entendus dans le sens que la
requérante invoque une violation des dispositions combinées des articles 9 M et 3 A, sous b), de la directive 70/524, en relation avec le principe de précaution.
121
En effet, le principe de précaution constitue un principe général du droit communautaire imposant aux autorités concernées de prendre, dans le cadre précis de l'exercice des compétences qui leur sont attribuées par la réglementation pertinente, des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels pour la santé publique, la sécurité et l'environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la protection de ces intérêts sur les intérêts économiques. Dans la mesure où les
institutions communautaires sont responsables, dans l'ensemble de leurs domaines de compétence, de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l'environnement, le principe de précaution peut être considéré comme un principe autonome découlant des dispositions du traité, en particulier de ses articles 3, sous p), CE, 6 CE, 152, paragraphe 1, CE, 153, paragraphes 1 et 2, CE et 174, paragraphes 1 et 2, CE (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 182 à 184; voir, également
en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, précité, points 114 et 115, et Alpharma/Conseil, précité, points 135 et 136).
122
Selon une jurisprudence bien établie, dans le domaine de la santé publique, le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent prendre des mesures de précaution sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C-180/96, Rec. p. I-2265, point 99, et National Farmers'
Union e.a., C-157/96, Rec. p. I-2211, point 63; arrêts du Tribunal du 16 juillet 1998, Bergaderm et Goupil/Commission, T-199/96, Rec. p. II-2805, point 66; Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 139; Alpharma/Conseil, précité, point 152, et Artegodan e.a./Commission, précité, point 185).
123
En l'espèce, le principe de précaution s'applique dès lors en relation avec les dispositions combinées des articles 9 M et 3 A, sous b), de la directive 70/524.
124
Comme le fait valoir le Conseil (voir point 95 ci-dessus), l'absence de référence explicite au principe de précaution dans le règlement attaqué ne signifie pas que cette institution ne s'est pas appuyée sur ce principe, aux fins de l'appréciation des mesures à prendre en vertu de l'article 9 M, deuxième tiret, de la directive 70/524 pour prévenir les risques allégués. Il ressort, au contraire, expressément de ce règlement qu'il se fonde sur l'impossibilité, s'agissant du nifursol, de
déterminer une DJA, en raison notamment du manque de données scientifiques disponibles en matière de toxicité du développement. En retenant ainsi l'existence d'un risque potentiel, le règlement attaqué applique de manière implicite mais certaine le principe de précaution, sans préjudice du contrôle juridictionnel limité de cette application.
125
En ce qui concerne l'étendue du pouvoir d'appréciation de l'institution compétente, il est à noter que, lorsque l'évaluation scientifique ne permet pas de déterminer l'existence du risque avec suffisamment de certitude, le recours ou l'absence de recours au principe de précaution dépend du niveau de protection choisi par l'autorité compétente dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, compte tenu des priorités qu'elle définit au regard des objectifs qu'elle poursuit conformément aux
règles pertinentes du traité et du droit dérivé. Ce choix doit cependant être conforme au principe de la prééminence de la protection de la santé publique, de la sécurité et de l'environnement sur les intérêts économiques, ainsi qu'aux principes de proportionnalité et de non-discrimination (arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 186).
126
Dans ce contexte, pour ce qui est de l'étendue du contrôle juridictionnel de la mise en oeuvre du principe de précaution, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, lorsqu'une institution communautaire est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation dont l'exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n'est pas entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou
si l'autorité compétente n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (arrêts Royaume-Uni/Commission, précité, point 97, et Artegodan e.a./Commission, précité, point 201).
127
En l'espèce, il convient, conformément aux règles qui viennent d'être rappelées au point précédent, de vérifier si les institutions concernées ont fait une application régulière des dispositions combinées des articles 9 M et 3 A, sous b), de la directive 70/524, en relation avec le principe de précaution.
128
Selon l'article 3 A de la directive 70/524, l'autorisation communautaire d'un additif est accordée pour autant «que, compte tenu des conditions d'emploi, l'additif n'ait pas d'influence défavorable sur la santé humaine ou animale ou sur l'environnement, et qu'il ne porte pas préjudice au consommateur en altérant les caractéristiques des produits animaux».
129
Il résulte de cette disposition, interprétée en liaison avec les principes susmentionnés (points 121 et 125), que, dans le domaine des additifs pour l'alimentation des animaux, l'existence d'indices sérieux qui, sans écarter l'incertitude scientifique, permettent raisonnablement de douter de l'innocuité d'une substance justifie le retrait de l'autorisation de cette substance. Le principe de précaution tend en effet à prévenir les risques potentiels. En revanche, des risques purement
hypothétiques ─ reposant sur de simples hypothèses scientifiquement non étayées ─ ne sauraient être retenus (voir, en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 146; Alpharma/Conseil, précité, point 159, et Artegodan e.a./Commission, précité, point 192).
130
La subordination du maintien de l'autorisation d'une substance à la preuve de l'absence de tout risque même purement hypothétique serait à la fois irréaliste ─ dans la mesure où une telle preuve est en règle générale impossible à fournir du point de vue scientifique, dès lors qu'un niveau de «risque zéro» n'existe pas en pratique (voir, en ce sens, arrêts Pfizer Animal Health/Conseil, précité, point 145, et Alpharma/Conseil, précité, point 158) ─ et contraire au principe de proportionnalité.
131
En l'espèce, pour démontrer que le règlement attaqué se fonde sur l'existence d'un risque purement hypothétique pour la santé humaine, la requérante invoque en substance, premièrement, le libellé du considérant 6 du règlement attaqué et l'absence de situation d'urgence (voir points 85 et 86 ci-dessus) et, deuxièmement, le défaut de pertinence des avis scientifiques susmentionnés émis entre 1990 et 1995 dans le domaine des médicaments vétérinaires (voir point 88 ci-dessus), ainsi que le
contenu de l'avis du SCAN sur lequel se fonde le règlement attaqué (voir points 89 à 91 ci-dessus).
132
S'agissant, premièrement, du libellé du considérant 6 du règlement attaqué, il convient d'admettre que celui-ci est équivoque. En effet, en concluant qu' «il n'est pas possible de garantir que le nifursol ne présente pas de risque pour la santé humaine», le Conseil semble se référer à un risque purement hypothétique.
133
La conclusion énoncée dans ce considérant 6 doit cependant être lue dans son contexte. Elle doit, en particulier, être interprétée au regard des motifs, exposés au considérant 5 du règlement attaqué, sur lesquels elle se fonde, dès lors que son libellé ne permet pas à lui seul de qualifier les risques pris en considération. En l'occurrence, il ressort de manière claire et explicite du considérant 5, susvisé, que le règlement attaqué se fonde sur l'avis du SCAN du 11 octobre 2001, confirmé le
18 avril 2002 et par ailleurs communiqué à la requérante, lequel faisait état de l'impossibilité de déterminer une DJA sur la base des données scientifiques disponibles. Interprété dans ce contexte, le considérant 6 du règlement attaqué ne permet donc pas de considérer que le Conseil a retenu en l'espèce un risque purement hypothétique, ainsi que le confirment les développements qui suivent (points 135 à 166 ci-après).
134
Par ailleurs, la longueur de la procédure de réévaluation et le délai de six mois prévu par le règlement attaqué pour l'entrée en vigueur de l'interdiction du nifursol ne sont pas susceptibles de constituer un indice de l'absence de risque sérieux, présenté par cette substance, pour la santé humaine.
135
En effet, le recours au principe de précaution n'implique pas nécessairement une situation d'urgence. L'adoption d'une mesure de précaution en vue de prévenir un risque non démontrable en l'état des connaissances scientifiques à la date de cette adoption, mais étayé par des indices suffisamment sérieux, peut, dans certains cas, être différée en fonction de la nature, de la gravité et de l'étendue de ce risque, dans le cadre d'une mise en balance des divers intérêts en présence. Lors de cette
mise en balance, l'autorité compétente jouit d'un large pouvoir d'appréciation (voir point 125 ci-dessus).
136
En l'espèce, il en découle que, contrairement à ce qu'allègue la requérante, ni l'absence de décision de réévaluation de la sécurité du nifursol avant le mois de juillet 1998, alors que l'usage de tous les nitrofuranes comme médicaments vétérinaires avait été interdit dès 1995, ni le recours à la procédure de retrait au titre de l'article 9 M de la directive 70/524, plutôt qu'à une mesure de sauvegarde sur la base de l'article 11 de cette directive, ni la longueur de la procédure de
réévaluation et le report dans le règlement attaqué de l'entrée en vigueur de l'interdiction du nifursol ne permettent de présumer que les risques retenus étaient purement hypothétiques.
137
Deuxièmement, compte tenu de l'argumentation de la requérante, il convient de vérifier, au vu des avis scientifiques visés dans le règlement attaqué, si ce règlement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les risques potentiels allégués (voir point 129 ci-dessus).
138
À cet égard, la requérante fait tout d'abord grief aux institutions concernées de s'être fondées sur des risques de cancérogénicité et de mutagénicité prétendument associés à la structure moléculaire du nifursol.
139
Lors de l'audience, les experts de la requérante ont admis que le groupe des nitrofuranes était «concerné» par ces deux risques, bien qu'il n'ait jamais été prouvé que la présence d'un «groupe 5-nitro» dans la structure moléculaire, caractérisant les nitrofuranes, soit la cause de l'existence de tels risques. Ils ont cependant insisté sur le fait que les substances appartenant au groupe des nitrofuranes et comportant par conséquent un «groupe 5-nitro» dans leur structure moléculaire
présentaient par ailleurs des structures annexes très différentes les unes par rapport aux autres et produisaient de ce fait des effets distincts. Ces différences seraient confirmées notamment par la conclusion du SCAN relative à l'absence de cancérogénicité du nifursol (voir point 51 ci-dessus) et par le fait qu'il a été prouvé que d'autres nitrofuranes, autorisés comme médicaments à usage humain (comme l'ercéfuryl), n'étaient pas mutagènes.
140
Or, force est de constater d'emblée que le règlement attaqué (considérant 5) ne se fonde pas sur la structure moléculaire du nifursol pour conclure que l'innocuité de cette substance n'a pas été établie, mais sur les avis émis par le SCAN sur la base de l'ensemble du dossier scientifique concernant le nifursol, tel qu'il a été communiqué par la requérante et complété par celle-ci au cours de la procédure administrative. En effet, les avis émis dans le domaine des médicaments vétérinaires en
ce qui concerne certains nitrofuranes autres que le nifursol sont uniquement invoqués afin de justifier la décision de la Commission de procéder à une nouvelle évaluation scientifique des risques présentés par le nifursol en tant qu'additif, ainsi qu'il ressort explicitement du règlement attaqué (considérants 3 et 4) et de la lettre de la VMD du 20 juillet 1998 (citée au point 34 ci-dessus) informant la requérante de cette décision.
141
En particulier, il n'est pas contesté par le Conseil et par la Commission que la seule appartenance du nifursol au groupe des nitrofuranes n'aurait pas été suffisante, en l'absence d'examen spécifique de la sécurité de cette substance, pour conclure que cette dernière présente les mêmes risques que ceux mis en évidence par le comité des médicaments vétérinaires en ce qui concerne la furazolidone et la nitrofurazone. Dans son avis du 11 octobre 2001(voir point 32 ci-dessus), le SCAN souligne
d'ailleurs que le comité des médicaments vétérinaires n'avait pas examiné le nifursol, dans ses avis émis entre 1990 et 1995, qui ont conduit à l'interdiction en 1995 de l'usage de l'ensemble des nitrofuranes comme médicaments vétérinaires.
142
Néanmoins, il est également constant que le principe selon lequel l'existence de certains groupes actifs dans une molécule implique à première vue un effet déterminé est généralement admis dans la communauté scientifique et appliqué par l'industrie pharmaceutique, comme l'ont fait observer les experts de la Commission, lors de l'audience, sans que cela ait été démenti par les experts de la requérante.
143
En l'occurrence, il est d'ailleurs à noter que la VMD a souligné ─ dans son rapport du 22 mai 2000, établi à la demande de la Commission à la suite de sa décision de réévaluer le nifursol (voir point 41 ci-dessus) ─ que l'on suppose que le risque de génotoxicité, prouvé en ce qui concerne certains nitrofuranes, est associé à la présence d'un groupe nitro-5 dans la structure moléculaire de ces substances. La VMD en a déduit que le nifursol était également suspecté de présenter un tel risque.
144
Dans ces conditions, bien que le rapport du 22 mai 2000 de la VMD n'ait pas été communiqué à la Commission, il ressort des considérations qui précèdent que cette institution n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que la mise en évidence, entre 1990 et 1995, de risques de génotoxicité et de cancérogénicité en ce qui concerne certains nitrofuranes était de nature à susciter des doutes suffisamment sérieux quant à l'innocuité du nifursol ─ dont la molécule renferme le même
principe actif (à savoir un groupe nitro-5) ─ pour justifier une réévaluation de cette substance. Cette analyse ne saurait être infirmée par le fait, invoqué par la requérante, que l'administration de l'ensemble des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires a été interdite en raison de l'absence d'études disponibles sur les diverses substances considérées, à l'exception de la furazolidone et de la nitrofurazone (voir point 91 ci-dessus). En effet, il ne résulte pas des considérations
susmentionnées que la Commission a outrepassé les limites de son pouvoir d'appréciation en estimant qu'il suffisait que les risques considérés aient été prouvés en ce qui concerne deux substances du groupe des nitrofuranes pour suspecter d'autres substances de ce groupe de présenter les mêmes risques et décider, en l'occurrence, de procéder à la réévaluation du nifursol afin de s'assurer que ces risques peuvent être écartés pour cette substance sur la base des données scientifiques qui lui
sont spécifiques.
145
À cet égard, il est à noter que le nifursol, qui avait uniquement été autorisé comme additif, n'était pas visé par l'interdiction des nitrofuranes en tant que médicaments vétérinaires (voir point 29 ci-dessus). Son autorisation demeurait donc valable aussi longtemps qu'il n'avait pas fait l'objet d'une réévaluation conformément aux procédures prévues, dans le domaine des additifs dans l'alimentation des animaux, par la directive 70/524. Dans ce contexte, la requérante souligne à bon droit
que son choix, remontant à 1982, de commercialiser le nifursol en tant qu'additif plutôt qu'en tant que médicament vétérinaire était pleinement conforme à la réglementation applicable (voir point 28 ci-dessus) et ne visait aucunement à échapper à une mesure d'interdiction.
146
Cependant, en l'espèce, dans la mesure où la Commission avait établi l'existence de doutes raisonnables concernant l'innocuité du nifursol et justifiant la réévaluation de cette substance, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir point 144 ci-dessus), il incombait à la requérante de prouver que ces doutes n'étaient pas fondés sur la base du dossier qu'elle avait présenté lors de la dernière évaluation du nifursol, en 1988 (voir point 117 ci-dessus), complété le cas échéant par des études ou des
rapports scientifiques postérieurs.
147
À défaut d'une telle preuve, il ne saurait être constaté que le Conseil et la Commission ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que les doutes susmentionnés pouvaient être considérés comme suffisamment sérieux pour justifier le retrait de l'autorisation de la substance considérée, en vertu du principe de précaution.
148
À cet égard, l'argument de la requérante selon lequel certains nitrofuranes sont autorisés comme médicaments à usage humain (voir points 88 et 139 ci-dessus) est privé de toute pertinence en l'espèce. En effet, comme le fait valoir le Conseil, la réglementation applicable soumet l'octroi ou le retrait de l'autorisation d'un médicament à usage humain à l'évaluation de son bilan bénéfices/risques (voir, en ce sens, arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, point 178).
149
En revanche, dans le domaine des additifs dans l'alimentation des animaux, la directive 70/524 subordonne l'octroi ou le maintien de l'autorisation d'une substance à la preuve de l'absence de risques pour la santé humaine. Conformément au principe de la prééminence de la protection de la santé humaine, cette directive ne prévoit pas la mise en balance de tels risques avec les bénéfices économiques ou les bénéfices en termes de bien-être animal résultant de l'usage de la substance considérée,
sans préjudice de la marge d'appréciation réservée aux institutions concernées en ce qui concerne la gestion du risque en cas d'incertitude scientifique (voir points 125 et 135 ci-dessus).
150
Dans ces conditions, le Conseil allègue à bon droit que, dans le domaine des additifs, les institutions compétentes ont légitimement adopté une politique de «tolérance zéro» à l'égard des risques potentiels présentés par les substances considérées pour la santé humaine. Cette notion de «tolérance zéro» ne vise pas les risques purement hypothétiques et n'est donc pas assimilable à la notion de «risque zéro» évoquée ci-dessus (point 133; voir, en ce sens, arrêt Hahn, précité au point 97). Dans
l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Hahn, précité, il était établi que, en l'état de la science à l'époque des faits, la présence du micro-organisme considéré (la listeria monocytogène) dans des denrées alimentaires pouvait constituer un danger réel pour la santé humaine. L'incertitude portait sur les valeurs limites admissibles de contamination par ce micro-organisme dans les groupes de personnes les plus vulnérables. L'avocat général M. Geelhoed a souligné que, «en raison de ces
incertitudes, le principe de précaution [pouvait] justifier, dans le cadre de l'examen de la proportionnalité, la stricte tolérance zéro» (points 40, 43, 50 et 51 des conclusions sous l'arrêt Hahn, précité). En l'espèce, il est possible de considérer par analogie que, si la notion de «tolérance zéro» peut conduire, en application du principe de précaution, à l'interdiction totale d'un additif même en cas d'incertitude sur l'étendue du risque potentiel considéré, il faut néanmoins que
l'existence de ce risque potentiel soit étayée par des données scientifiques.
151
C'est dans ce contexte qu'il y a lieu d'examiner l'argumentation de la requérante selon laquelle le SCAN n'aurait pas conclu, dans son avis du 11 octobre 2001, à l'existence de risques sérieux pour la santé humaine. Selon la requérante, le Conseil aurait en effet procédé à une lecture partielle de cet avis.
152
Dans le règlement attaqué, le Conseil a constaté que la condition relative à l'innocuité du nifursol n'était plus remplie en l'espèce, au motif, en substance, qu'il n'était pas possible de déterminer une DJA (voir point 58 ci-dessus). Il se fonde, au considérant 5 de ce règlement, sur la conclusion du SCAN, dans son avis du 11 octobre 2001, selon laquelle, «sur la base des études de mutagénicité, de génotoxicité et de cancérogénicité fournies par la requérante, et en raison notamment du
manque de données disponibles sur la toxicité du développement [tératogénicité], il n'est pas possible de fixer une [DJA] pour les consommateurs».
153
S'agissant tout d'abord du risque de cancérogénicité présenté par le nifursol, la requérante déduit du passage précité du règlement attaqué que ce règlement fait état d'un tel risque, tandis que l'existence de ce risque a été formellement écarté par le SCAN dans le procès-verbal de ses séances des 5 et 6 février 2002, approuvé les 17 et 18 avril suivants (voir point 51 ci-dessus).
154
Cet argument ne saurait être accueilli. Il est vrai que le règlement attaqué ne mentionne pas de manière explicite les risques qui, en l'espèce, feraient obstacle à la définition d'une DJA, mais renvoie à l'avis du SCAN dont il reprend les conclusions. Le passage précité de ce règlement ne permet cependant pas de conclure que le Conseil a retenu l'existence d'un risque de cancérogénicité, au seul motif qu'il mentionne l'ensemble des études fournies par la requérante, y compris en ce qui
concerne ce risque, en vue de l'examen de la sécurité du nifursol par le SCAN. En outre, l'interprétation du règlement attaqué proposée par la requérante est clairement contredite par la référence expresse, dans le considérant 5 du règlement attaqué, au procès-verbal des séances du SCAN des 5 et 6 février 2002, susvisé, dans lequel ce comité a écarté l'existence d'un risque de cancérogénicité, tout en maintenant la conclusion défavorable émise dans son avis du 11 octobre 2001. Aux termes de
ce procès-verbal, le SCAN a évoqué la génotoxicité potentielle du nifursol et l'absence d'études cinétiques sur les résidus de cette substance. Enfin, le Conseil et la Commission n'ont pas contesté, devant le Tribunal, que le risque de cancérogénicité avait été écarté par le SCAN.
155
S'agissant, ensuite, des risques de génotoxicité, de mutagénicité et de toxicité du développement (tératogénicité), examinés dans l'avis du SCAN, il ressort des explications concordantes fournies par les experts des parties, lors de l'audience, que ces trois risques résultent d'un phénomène commun consistant dans le fait que la substance considérée provoque des mutations génétiques dans la cellule. Selon que cet effet se produit sur les cellules d'un embryon, les cellules de reproduction ou
les cellules somatiques, il est qualifié, respectivement, d'effet tératogène, génotoxique ou mutagène. Les termes notamment de mutagénicité et de génotoxicité seraient souvent employés par les scientifiques de manière indistincte pour désigner le phénomène susvisé.
156
Par ailleurs, il est constant entre les parties qu'une DJA ─ c'est-à-dire le niveau d'absorption, par l'être humain, de résidus dans les denrées alimentaires, qui pourrait être considéré comme sûr ─ ne peut être fixée que si la substance ne présente pas les risques susmentionnés, car ceux-ci seraient susceptibles d'être enclenchés par une seule molécule, selon les explications des experts de la Commission lors de l'audience.
157
La requérante objecte cependant que, en l'espèce, l'impossibilité alléguée de définir une DJA ne résulte pas de la mise en évidence de risques pour la santé publique, mais du fait que le SCAN estimait ne pas disposer des données scientifiques suffisantes. Le SCAN, loin de constater l'existence d'un risque de génotoxicité/mutagénicité, aurait conclu, dans son avis, que des études complémentaires sur d'autres tissus étaient nécessaires afin de confirmer les résultats négatifs (à savoir
l'absence de mise en évidence d'un risque pour la santé humaine) des études in vivo déjà réalisées sur la moelle osseuse. Or, cette prétendue insuffisance de données ne serait pas imputable à la requérante, mais à la Commission (voir points 89 et 90 ci-dessus).
158
Toutefois, cette argumentation de la requérante n'infirme pas l'interprétation de l'avis du SCAN, retenue par les institutions concernées, selon laquelle ce comité a conclu à l'existence de risques potentiels sérieux pour la santé humaine.
159
En particulier, pour ce qui est des études in vitro, la circonstance, invoquée par la requérante, selon laquelle ces études étaient déjà disponibles lors de l'évaluation initiale du nifursol, en 1988, ne s'opposait pas à leur prise en considération dans le cadre de la réévaluation de cette substance en raison des doutes concernant son innocuité, suscités par l'interdiction des nitrofuranes comme médicaments vétérinaires (voir point 146 ci-dessus).
160
Par ailleurs, la requérante n'a pas contesté la nécessité en l'espèce d'études in vivo. Elle fait valoir, en revanche, que les résultats des études in vivo disponibles, qui portaient sur la moelle osseuse, étaient négatifs ou non concluants.
161
Or, dans son avis du 11 octobre 2001 (point 4.2.6), le SCAN conclut, en ce qui concerne les risques de mutagénicité et de génotoxicité, que seule la fourniture de résultats rassurants provenant de nouvelles études de mutagénicité in vivo utilisant deux tissus cibles différents pourrait dissiper les inquiétudes générées par les alertes structurelles et les résultats positifs de certains essais in vitro. Dans le procès-verbal de ses séances des 17 et 18 avril 2002, le SCAN réaffirme la
nécessité d'une étude supplémentaire in vivo adéquate (c'est-à-dire non UDS) sur un tissu autre que la moelle osseuse pour confirmer l'absence de mutagénicité in vivo, déjà démontrée sur la moelle osseuse. Lors de l'audience, les experts de la Commission ont souligné, en réponse à une question du Tribunal, que, dans son avis du 11 octobre 2001, le SCAN avait uniquement suggéré un essai multitissus, comme le test de Comet. Quant au risque de toxicité du développement, le SCAN souligne, dans
cet avis (point 6-3), l'absence de données disponibles.
162
Dans ce contexte, il convient de relever que l'incohérence alléguée par la requérante entre l'exigence d'études de mutagénicité in vivo supplémentaires sur deux tissus autres que la moelle osseuse, dans l'avis du SCAN du 11 octobre 2001, d'une part, et l'exigence d'une étude de mutagénicité supplémentaire sur un tissu autre que la moelle osseuse dans le procès-verbal des séances de ce comité des 17 et 18 juin 2002, d'autre part, n'est pas de nature à mettre en cause la cohérence et le
caractère compréhensible, au regard de la motivation de l'avis, de la constatation du SCAN selon laquelle les études disponibles sur la moelle osseuse ne sont pas suffisantes pour écarter les doutes quant aux risques de mutagénicité et de génotoxicité.
163
À cet égard, la requérante n'avance aucun autre argument susceptible de mettre en cause la cohérence interne et la motivation de l'avis du SCAN en ce qui concerne la constatation susmentionnée. Par ailleurs, bien que, lors de la procédure orale, elle ait fait valoir qu'elle avait communiqué des études de toxicité effectuées sur trois générations de rats, elle ne conteste pas l'absence d'étude portant sur la toxicité du développement, exigée par la directive 87/153. La régularité de l'avis du
SCAN n'est dès lors pas contestée (voir, en ce sens, arrêt Artegodan e.a./Commission, précité, points 199 et 200).
164
Dans ces conditions, force est de constater que, en adoptant le règlement attaqué, le Conseil n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'innocuité du nifursol n'était pas suffisamment assurée, au vu des conclusions très claires du SCAN selon lesquelles, en raison de la nécessité d'études supplémentaires sur la mutagénicité et la génotoxicité, et de l'absence de données sur la toxicité du développement (tératogenèse), il n'était pas possible de fixer une DJA.
165
Enfin, l'argument de la requérante selon lequel l'insuffisance de données scientifiques ne lui serait pas imputable a trait à la deuxième série de moyens, tirés de la violation de l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 ainsi que des principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique, de bonne administration et de bonne foi. Il sera, par conséquent, abordé dans le cadre de l'examen de ces moyens.
166
À ce stade, il suffit de rappeler, que, dans la mesure où il a été admis que certains éléments (les résultats des essais in vitro; l'appartenance du nifursol à un groupe de substances dont la structure moléculaire permet à première vue de présumer l'existence de risques graves pour la santé humaine) suscitaient des doutes sérieux quant à l'innocuité du nifursol, il appartenait à la requérante de fournir les données nécessaires en vue d'écarter ces doutes, ainsi qu'il a déjà été jugé (voir
points 146 et 147 ci-dessus). Or, si le SCAN a confirmé l'absence de risque de cancérogénicité, il a estimé que les données fournies par la requérante ne permettaient pas d'écarter les doutes sérieux concernant les risques de mutagénicité, de génotoxicité et de toxicité du développement, présentés par le nifursol.
167
Il s'ensuit que les moyens tirés de la violation des articles 9 M, deuxième tiret, et 3 A, sous b), de la directive 70/524 ainsi que du principe de précaution, ne sont pas fondés.
Sur les deuxième et troisième groupes de moyens, tirés de la violation de l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 ainsi que des principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique, de bonne administration et de bonne foi
Arguments des parties
168
La requérante estime, en premier lieu, que l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 habilite la Commission à enjoindre au responsable de la mise sur le marché d'un additif de lui fournir des informations dans un délai déterminé, sous peine de se voir retirer l'autorisation de mise sur le marché. La Commission ayant omis, en l'espèce, d'enjoindre à la requérante de fournir les données précises nécessaires aux fins de l'évaluation du nifursol, le Conseil ne saurait se fonder,
dans le règlement attaqué, sur l'insuffisance des données disponibles. Ce règlement serait ainsi entaché d'une violation des garanties procédurales prévues par l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524. En outre, dans la mesure où la Commission aurait renoncé sans raison objective à exercer son pouvoir de demander des informations, le règlement attaqué serait également contraire aux principes d'égalité de traitement et de bonne administration (voir, par analogie, arrêts de la
Cour du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C-324/90 et C-342/90, Rec. p. I-1173, et du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T-211/02, Rec. p. II-3781).
169
La requérante souligne, en second lieu, que la réglementation applicable ne précise pas la nature des études à effectuer et le type de protocole (c'est-à-dire la méthodologie) à employer, par le responsable de la mise sur le marché d'une substance, en cas de réévaluation de la sécurité de celle-ci par la Commission. Les autorités chargées de la réévaluation seraient dès lors tenues de fournir des indications («guidance») à cet égard afin d'éviter de créer une situation d'incertitude
juridique grave pour le titulaire de l'autorisation, ce dernier se trouvant dans l'incapacité d'entreprendre les études, souvent longues et coûteuses, nécessaires pour fournir les données que lesdites autorités estiment probantes.
170
En effet, la directive 87/153, qui fixe les lignes directrices pour l'évaluation des additifs dans l'alimentation des animaux, ne préciserait pas la nature des études requises et les procédures à suivre, notamment en ce qui concerne les essais portant sur la mutagénicité. En ce qui concerne les études de bilan et l'identification des métabolites, cette directive ne préciserait pas davantage en quoi consiste un marquage adéquat des molécules et ne définirait pas la période d'exposition
«convenable». Afin d'éviter tout malentendu quant à l'interprétation des notions visées par ladite directive, le concours des autorités chargées de la réévaluation serait donc indispensable.
171
En l'espèce, en omettant d'apporter les précisions nécessaires, le Conseil et la Commission auraient violé le principe de sécurité juridique. De plus, la Commission aurait méconnu les principes de bonne administration et de bonne foi en s'abstenant de répondre aux demandes de la requérante (arrêts de la Cour du 15 juillet 1960, Von Lachmüller e.a./Commission, 43/59, 45/59 et 48/59, Rec. p. 933, et du 19 octobre 1983, Lucchini/Commission, 179/82, Rec. p. 3083).
172
Les lettres de la requérante, notamment celles du 3 décembre 2001 et du 15 janvier 2002 (voir point 48 ci-dessus), montreraient que la requérante a, à maintes reprises, sollicité en vain l'assistance de la Commission en ce qui concerne la nature des études à effectuer et les protocoles à appliquer. En outre, par lettre du 8 avril 2002, le secrétariat du SCAN aurait refusé de fournir les indications demandées par la requérante, au motif que l'implication du SCAN dans l'élaboration des
protocoles d'études serait de nature à mettre en cause son indépendance lorsqu'il aura à connaître du résultat des études. À cet égard, la requérante soutient que, dans le domaine des médicaments à usage humain, malgré l'existence de lignes directrices («guidelines») détaillées, le comité des spécialités pharmaceutiques n'hésite pas à répondre aux demandes d'information (guidance) qui lui sont adressées par le titulaire ou le demandeur d'une autorisation de mise sur le marché d'un
médicament.
173
Par ailleurs, la Commission n'aurait à aucun moment mis en doute l'opportunité des questions qui lui étaient posées par la requérante au cours de la procédure administrative. Contrairement à ce qu'elle allègue, la Commission n'aurait cependant pas fourni, lors de la réunion du 22 novembre 2001, les indications demandées en ce qui concerne les études à fournir et le type de protocole à appliquer, à la suite de l'avis du SCAN du 11 octobre 2001 (voir point 46 ci-dessus). La requérante aurait
exprimé en vain le souhait, dans sa lettre du 15 janvier 2002, «de pouvoir discuter de la façon la plus appropriée de rencontrer les exigences de la Commission». En effet, dans son avis du 11 octobre 2001, le SCAN estimait que des études supplémentaires de mutagénicité in vivo, sur deux tissus autres que la moelle osseuse, étaient nécessaires. Or, comme le SCAN l'aurait reconnu lors de ses séances des 17 et 18 avril 2002, il n'existait pas d'études de mutagénicité in vivo validées autres que
celles portant sur la moelle osseuse et les études UDS sur le foie. Ce serait à la suite de la proposition alternative de la requérante d'entreprendre une étude in vitro que le SCAN, lors de ses séances susvisées, aurait limité sa demande à une étude de mutagénicité in vivo adéquate sur un seul tissu autre que la moelle osseuse (voir point 53 ci-dessus).
174
Enfin, la requérante écarte les griefs de la Commission selon lesquels elle aurait fait preuve de mauvaise foi ou de manque de diligence au cours de la procédure de réévaluation du nifursol. En revanche, les consultations auxquelles aurait procédé la Commission auraient dénaturé l'avis du SCAN dans le but de convaincre les utilisateurs de nifursol ainsi que les États membres de la prétendue dangerosité de cette substance.
175
Le Conseil, soutenu par la Commission, objecte, en premier lieu, que l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 ne confère pas de pouvoir d'injonction à la Commission.
176
En second lieu, le Conseil soutient que la requérante a bénéficié de toutes les informations nécessaires pour être en mesure de fournir les données scientifiques de nature à démontrer l'innocuité du nifursol.
177
Il souligne que la requérante n'indique pas clairement si elle conteste le règlement attaqué ou plutôt le caractère prétendument incomplet des directives 70/524 et 87/153. En outre, bien que les arguments de la requérante semblent se rapporter à des fautes de service de la Commission, la requérante ne mettrait pas en cause la responsabilité non contractuelle de cette institution. À cet égard, le Conseil a précisé, lors de l'audience, que les vices de procédure allégués sont imputables à la
Commission et ne sauraient de ce fait affecter la légalité du règlement attaqué, adopté par le Conseil qui n'est pas lié par l'avis du SCAN, ce dernier étant privé de valeur juridique.
178
Subsidiairement, le Conseil écarte l'argumentation de la requérante au motif qu'il appartiendrait au producteur d'une substance de planifier et d'effectuer les essais qui, eu égard aux caractéristiques de la substance considérée qui par hypothèse est connue de lui seul, sont susceptibles de démontrer que cette substance n'a notamment pas d'incidence défavorable sur la santé humaine ou animale ou sur l'environnement. La directive 70/524 et ses actes d'exécution, en particulier les lignes
directrices définies par la directive 87/153, se limiteraient à déterminer certains critères de portée générale concernant les dossiers présentés à l'appui d'une demande d'autorisation d'un additif. Il incomberait aux producteurs de développer les méthodologies expérimentales appropriées.
179
Par ailleurs, en l'espèce, la Commission se serait efforcée d'assister la requérante avec sollicitude par de nombreux contacts directs ou par l'intermédiaire de la VMD.
180
La Commission fait sienne l'argumentation du Conseil. Les données supplémentaires requises n'auraient pu être définies que dans les termes très génériques suivants: la requérante devait fournir «les résultats négatifs, suffisamment probants, d'études pertinentes au regard des risques identifiés de génotoxicité ainsi qu'au niveau de l'examen des métabolites et de leurs résidus, tenant compte des voies métaboliques identifiées».
181
La requérante aurait été dûment informée des études supplémentaires nécessaires pour établir l'innocuité du nifursol, grâce aux demandes exprimées par la Commission notamment lors de la réunion du 22 novembre 2001, à la lettre de la VMD du 9 février 2000 et à l'avis du SCAN du 11 octobre 2001.
182
En outre, de nombreuses normes techniques ou lignes directrices concernant la nature et la méthodologie des études à fournir auraient été définies à différents niveaux par les pouvoirs publics ou les institutions spécialisées. En particulier, la directive 87/153, tout en ménageant une certaine flexibilité, aurait fourni des indications appropriées concernant les diverses études à entreprendre par le producteur d'un additif.
Appréciation du Tribunal
183
S'agissant, en premier lieu, du moyen tiré de la violation de l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524, il convient de rappeler que cet article prévoit que l'autorisation d'un additif est retirée par voie de règlement notamment «si une des conditions liées à l'autorisation et visées à l'article 3 A n'est plus remplie» (deuxième tiret), et «si le responsable de la mise en circulation de l'additif ne fournit pas, dans un délai donné, les informations demandées par un responsable
de la Commission» (cinquième tiret).
184
Comme le soutient le Conseil, il ressort de l'économie de cet article qu'il énonce des hypothèses de retrait alternatives. En revanche, l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 ne confère pas de pouvoir d'injonction à la Commission. Il vise uniquement les «informations demandées par un responsable de la Commission» et non par la Commission elle-même. Il attribue à cette institution le pouvoir d'interdire un additif lorsque le producteur ne fournit pas ces informations. De même,
il suffit que l'une des conditions énoncées à l'article 3 A de la directive 70/524 ne soit plus remplie pour justifier le retrait de l'autorisation.
185
Dans ce cadre juridique, l'absence, en l'espèce, de décision formelle de la Commission enjoignant à la requérante de fournir les données précises considérées comme suffisamment probantes ne saurait constituer ni une violation des formes substantielles ni une violation des principes d'égalité de traitement et de bonne administration.
186
Néanmoins, il importe de relever que, dans la mesure où l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 se réfère à des demandes d'informations adressées au responsable de la mise en circulation d'un additif aux fins de la réévaluation de cette substance, il doit être interprété, en relation avec les principes de sécurité juridique et de bonne administration, dans le sens qu'il constitue la base juridique d'un droit du responsable de la mise en circulation d'un additif à être informé
des principales lacunes de son dossier. Hormis les situations d'urgence, la Commission ne saurait en effet retirer l'autorisation d'un additif sans avoir mis son titulaire en mesure de fournir les données qu'elle estime appropriées pour combler ces lacunes.
187
Il en résulte que, si l'on ne saurait exiger une mise en demeure formelle du responsable de la mise en circulation d'un additif par la Commission, en l'absence de toute disposition procédurale expresse dans ce sens, celui-ci doit cependant être étroitement associé à la procédure de réévaluation de cet additif et peut se prévaloir du droit d'être informé des principales lacunes de son dossier faisant obstacle au maintien de l'autorisation.
188
Contrairement à ce qu'allègue le Conseil, le respect de ces garanties procédurales est soumis au contrôle du juge, saisi d'un recours contre le règlement attaqué qui met fin à la procédure de réévaluation.
189
En l'espèce, il convient dès lors de vérifier, en second lieu, au vu des échanges de correspondance, entre la Commission ou la VMD, d'une part, et la requérante, d'autre part, ainsi que des indications contenues dans le rapport d'évaluation de la VMD concernant le nifursol et, surtout, dans l'avis du SCAN du 11 octobre 2001, si la requérante a été suffisamment informée des lacunes de son dossier pour être en mesure, le cas échéant, de fournir les données scientifiques nécessaires, voire
d'entreprendre des études appropriées afin de combler ces lacunes.
190
La requérante reproche en substance à la Commission de ne pas lui avoir fourni d'indications suffisantes (guidance) concernant les études in vivo à effectuer de manière à dissiper les doutes concernant en particulier les risques de mutagénicité présentés par le nifursol. Elle invoque notamment le fait que la directive 87/153, fixant les lignes directrices pour l'évaluation des additifs dans l'alimentation des animaux, ne précise pas la nature des études requises concernant la mutagénicité et
les procédures à suivre.
191
À cet égard, les doutes exprimés par le Conseil en ce qui concerne l'objet de la contestation de la requérante ne sont pas fondés. Cette dernière n'invoque pas l'illégalité de la réglementation applicable. Se référant au caractère, selon elle, très imprécis des lignes directrices définies par la directive 87/153, elle en déduit l'existence d'une obligation de guidance de la Commission, qui serait tenue de lui fournir, le cas échéant, les orientations nécessaires en vue de l'engagement
d'études supplémentaires appropriées.
192
Il convient d'examiner les éléments précis invoqués par la requérante pour démontrer qu'elle n'a pas bénéficié des informations nécessaires afin d'être en mesure d'entreprendre des études appropriées.
193
La requérante fait notamment grief à la Commission de lui avoir indiqué, dans la lettre de la VMD du 23 septembre 1998 (citée au point 35 ci-dessus), que les questions de génotoxicité et de mutagénicité du nifursol avaient été examinées de façon adéquate en 1988.
194
À cet égard, force est de constater qu'une telle affirmation, faite au début de la procédure de réévaluation, présentait nécessairement un caractère provisoire. De plus, la portée de cette affirmation avait été clairement relativisée dans la lettre de la VMD du 23 septembre 1996, qui mettait expressément l'accent sur la nécessité, selon la Commission, de se concentrer notamment sur les différences de toxicité existant entre le nifursol et les autres nitrofuranes, en particulier la
furazolidone.
195
De surcroît, il est à noter que la requérante a été avertie, tout au long de la procédure de réévaluation, des lacunes du dossier, au fur et à mesure de leur mise en évidence. À la suite de questions soulevées par certains États membres, la Commission a ainsi suggéré à la requérante, au mois de février 2000, de proposer un programme d'études complémentaires sur l'innocuité du nifursol, afin de traiter cette question, après avoir reçu l'avis du SCAN (voir point 40 ci-dessus).
196
En outre, le rapport d'évaluation du nifursol, établi par la VMD en tant qu'autorité compétente de l'État membre rapporteur et uniquement communiqué à la requérante dès le mois de mai 2000, soulignait de manière très claire et circonstanciée la nécessité d'études supplémentaires portant notamment sur la mutagénicité et la toxicité du développement ainsi que sur les résidus de nifursol décelés dans la viande de dinde (voir points 41 à 44 et 155 ci-dessus).
197
Par ailleurs, la requérante soutient en substance que, à la suite de l'avis du SCAN du 11 octobre 2001, elle s'est trouvée dans l'incapacité de déterminer le type d'étude à engager, en raison de l'exigence, dans cet avis, d'études adéquates de mutagénicité in vivo supplémentaires sur deux tissus autres que la moelle osseuse, alors que seules des études de ce type sur la moelle osseuse et le foie avaient été validées. Or, la Commission n'aurait pas donné suite à la demande d'assistance que la
requérante aurait formulée notamment dans ses lettres du 3 décembre 2001 et du 15 janvier 2002.
198
À cet égard, comme l'admet la requérante elle-même (voir point 173 ci-dessus), il ressort du procès-verbal des séances du SCAN des 17 et 18 avril 2002 (voir point 53 ci-dessus) que ce comité a reconnu l'impossibilité de fournir les études sur deux tissus autres que la moelle osseuse, préconisées dans son avis du 11 octobre 2001, et a modulé en conséquence les exigences qui avaient été formulées dans cet avis. Cela montre que les observations de la requérante non seulement ont été prises en
considération, mais ont conduit le SCAN à modifier son appréciation des lacunes du dossier en ce qui concerne les risques de mutagénicité présentés par le nifursol.
199
L'association de la requérante à la procédure de réévaluation est également corroborée par la circonstance selon laquelle, lors de ses séances des 5 et 6 février 2002, le SCAN a confirmé la conclusion provisoire relative à l'absence de risque de cancérogénicité du nifursol qu'il avait émise dans son avis du 11 octobre 2001, à la suite de la présentation de données complémentaires par la requérante (voir point 51 ci-dessus).
200
Par ailleurs, contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ne ressort ni du dossier ni des explications fournies par les parties en réponse aux questions du Tribunal, lors de l'audience, que la requérante a demandé au cours de la procédure de réévaluation certains éclaircissements sur des questions précises se rapportant à l'exigence d'une étude de mutagénicité in vivo appropriée. À cet égard, il ressort des lettres de la requérante à la Commission du 3 décembre 2001 et du 15 janvier
2002, et au SCAN du 8 mars 2002 (voir points 48 et 52 ci-dessus), que le protocole d'étude établi par TNO Pharma, soumis à la Commission lors de la réunion du 22 novembre 2001, ne se rapportait pas à une étude de mutagénicité, mais visait à déterminer les résidus décelables. Lors de l'audience, la Commission a confirmé, sans être contredite par la requérante, que l'étude «TNO» ne portait pas sur le risque de mutagénicité. Or, en l'absence de données scientifiques suffisantes susceptibles
d'écarter ce risque, une DJA ne pouvait en tout état de cause être fixée (voir point 156 ci-dessus).
201
Il s'ensuit que la thèse de la requérante, selon laquelle la Commission n'aurait pas répondu à ses demandes concernant les études in vivo suggérées dans l'avis du SCAN, n'est pas fondée.
202
Dans ces conditions, en l'absence de présentation par la requérante de tout projet précis d'étude in vivo appropriée portant, en particulier, sur la mutagénicité du nifursol, la Commission a légitimement soumis au comité permanent une proposition de retrait de l'autorisation du nifursol. Cette proposition n'ayant pas obtenu la majorité qualifiée auprès de ce comité, la Commission a aussitôt soumis au Conseil une proposition de règlement portant retrait de cette autorisation, conformément à
l'article 23 de la directive 70/524. Ce n'est qu'à la suite de cette proposition que la requérante a transmis à la Commission, à la fin du mois de juillet 2002, un résumé complet des études en cours, avec documents à l'appui.
203
Enfin, contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ne ressort pas de la lettre de consultation ouverte adressée par la Commission aux administrations des États membres et aux entreprises concernées, le 20 décembre 2001, que la Commission a dénaturé l'avis du SCAN du 11 octobre 2001 (voir point 49 ci-dessus).
204
Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, les moyens tirés de la violation de l'article 9 M, cinquième tiret, de la directive 70/524 ainsi que des principes d'égalité de traitement, de sécurité juridique, de bonne administration et de bonne foi ne sauraient être accueillis.
205
Il en résulte que le recours doit être rejeté comme non fondé.
Sur les dépens
206
Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en l'ensemble de ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens de la présente instance et de l'instance en référé. A cet égard, il convient en effet de rejeter également ses conclusions subsidiaires, tendant à la condamnation du Conseil aux dépens en raison du manque allégué de coopération et de
transparence dans la gestion de son dossier par la Commission, aucun de ces griefs ne pouvant être retenu, ainsi qu'il ressort de l'examen du deuxième groupe de moyens (voir points 189 et suivants ci-dessus).
207
Aux termes de l'article 87, paragraphe 4, du même règlement, les institutions communautaires qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre)
déclare et arrête:
1)
Le recours est rejeté.
2)
La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil, y compris les dépens exposés dans le cadre de la procédure de référé.
3)
La Commission supportera ses propres dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure de référé.
Forwood Pirrung Meij
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 octobre 2003.
Le greffier Le président
H. Jung N. J. Forwood
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1 –
Langue de procédure: le français.