La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/2003 | CJUE | N°C-39/03

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Artegodan GmbH et autres., 24/07/2003, C-39/03


Avis juridique important

|

62003J0039

Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 24 juillet 2003. - Commission des Communautés européennes contre Artegodan GmbH et autres. - Pourvoi - Directives 65/65/CEE et 75/319/CEE - Médicaments à usage humain - Anorexigènes: amfépramone, clobenzorex, fenproporex, norpseudoép

hédrine, phentermine - Retrait d'une autorisation de mise sur le marché - Co...

Avis juridique important

|

62003J0039

Arrêt de la Cour (assemblée plénière) du 24 juillet 2003. - Commission des Communautés européennes contre Artegodan GmbH et autres. - Pourvoi - Directives 65/65/CEE et 75/319/CEE - Médicaments à usage humain - Anorexigènes: amfépramone, clobenzorex, fenproporex, norpseudoéphédrine, phentermine - Retrait d'une autorisation de mise sur le marché - Compétence de la Commission - Conditions de retrait. - Affaire C-39/03 P.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-07885

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Rapprochement des législations - Spécialités pharmaceutiques - Autorisation de mise sur le marché - Retrait de l'autorisation - Autorisations octroyées selon la procédure de reconnaissance mutuelle assortie de procédures d'arbitrage - Compétence de la Commission à l'égard des autorisations initialement octroyées dans le cadre de procédures nationales - Absence

irective du Conseil 75/319, art. 15 bis)

Sommaire

$$L'article 15 bis de la directive 75/319, relative aux spécialités pharmaceutiques, telle que modifiée par la directive 93/39, s'applique aux autorisations de mise sur le marché qui ont été octroyées selon la procédure de reconnaissance mutuelle assortie de procédures d'arbitrage, prévue par le chapitre III de la directive 75/319. Cette disposition ne peut servir de base légale à des décisions de la Commission ordonnant aux États membres de retirer les autorisations de mise sur le marché
initialement octroyées dans le cadre de procédures purement nationales.

( voir points 45-46, 51 )

Parties

Dans l'affaire C-39/03 P,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. R. B. Wainwright et H. Støvlbæk, en qualité d'agents, assistés de Me B. Wägenbaur, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (deuxième chambre élargie) du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00, Rec. p. II-4945), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

les autres parties à la procédure étant:

Artegodan GmbH, établie à Lüchow (Allemagne), représentée par Me U. Doepner, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

Bruno Farmaceutici SpA, établie à Rome (Italie),

Essential Nutrition Ltd, établie à Brough (Royaume-Uni),

Hoechst Marion Roussel Ltd, établie à Denham (Royaume-Uni),

Hoechst Marion Roussel SA, établie à Bruxelles (Belgique),

Marion Merrell SA, établie à Puteaux (France),

Marion Merrell SA, établie à Barcelone (Espagne),

Sanova Pharma GmbH, établie à Vienne (Autriche),

Temmler Pharma GmbH & Co.KG, établie à Marburg (Allemagne),

Schuck GmbH, établie à Schwaig (Allemagne),

Laboratórios Roussel Lda , établie à Mem Martins (Portugal),

Laboratoires Roussel Diamant SARL, établie à Puteaux,

Roussel Iberica SA, établie à Barcelone,

représentées par Mes B. Sträter et M. Ambrosius, Rechtsanwälte, ayant élu domicile à Luxembourg,

Gerot Pharmazeutika GmbH, établie à Vienne, représentée par Me K. Grigkar, Rechtsanwalt, ayant élu domicile à Luxembourg,

Cambridge Healthcare Supplies Ltd, établie à Rackheath (Royaume-Uni), représentée par M. D. Vaughan, QC, Mme K. Bacon, barrister, et M. S. Davis, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

et

Laboratoires pharmaceutiques Trenker SA, établie à Bruxelles, représentée par Mes L. Defalque et X. Leurquin, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties demanderesses en première instance,

LA COUR (assemblée plénière),

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet, M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans, présidents de chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann (rapporteur) et V. Skouris, Mmes F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha Rodrigues et A. Rosas, juges,

avocat général: M. S. Alber,

greffier: Mme M. Múgica Arzamendi, administrateur principal,

vu la décision du président de la Cour de soumettre le pourvoi à une procédure accélérée conformément à l'article 62 bis du règlement de procédure,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 10 juin 2003,

l'avocat général entendu, ,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 3 février 2003, la Commission des Communautés européennes a formé, conformément aux articles 225 CE et 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission (T-74/00, T-76/00, T-83/00 à T-85/00, T-132/00, T-137/00 et T-141/00, Rec. p. II-4945, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a annulé, en ce qu'elles visaient les médicaments
commercialisés par les demanderesses en première instance, les décisions C (2000) 452, C (2000) 453 et C (2000) 608 de la Commission, du 9 mars 2000, concernant le retrait des autorisations de mise sur le marché des médicaments à usage humain contenant respectivement de la phentermine [décision C (2000) 452], de l'amfépramone [décision C (2000) 453] et d'autres substances anorexigènes «de type amphétaminique», notamment de la norpseudoéphédrine, du clobenzorex et du fenproporex [décision C (2000)
608] (ci-après les «décisions litigieuses»).

Le cadre juridique

La directive 65/65/CEE

2 L'article 3 de la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux médicaments (JO 1965, 22, p. 369), telle que modifiée par la directive 93/39/CEE du Conseil, du 14 juin 1993 (JO L 214, p. 22, ci-après la «directive 65/65»), énonce le principe selon lequel aucun médicament ne peut être mis sur le marché d'un État membre sans qu'une autorisation ait été délivrée par l'autorité compétente
de cet État membre en vertu de ladite directive ou qu'une autorisation ait été délivrée conformément au règlement (CEE) n° 2309/93 du Conseil, du 22 juillet 1993, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et à usage vétérinaire et instituant une agence européenne pour l'évaluation des médicaments (JO L 214, p. 1).

3 L'article 4, premier alinéa, de la directive 65/65 prévoit que, en vue de l'octroi de l'autorisation de mise sur le marché (ci-après l'«AMM») prévue à l'article 3, le responsable de la mise sur le marché introduit une demande auprès de l'autorité compétente de l'État membre. Le troisième alinéa de la même disposition énumère les renseignements et documents qui doivent être joints à cette demande. Parmi ceux-ci figure, sous le point 9, un résumé des caractéristiques du produit.

4 Aux termes de l'article 4 bis de la directive 65/65:

«Le résumé des caractéristiques du produit, visé à l'article 4 [troisième] alinéa point 9, comporte les renseignements suivants:

1. dénomination de la spécialité;

2. composition qualitative et quantitative en principes actifs, en constituants de l'excipient dont la connaissance est nécessaire à une bonne administration du médicament; [¼ ]

3. forme pharmaceutique;

4. propriétés pharmacologiques et, dans la mesure où ces renseignements sont utiles pour l'utilisation thérapeutique, éléments de pharmacocinétique;

5. informations cliniques:

5.1. indications thérapeutiques,

5.2. contre-indications,

5.3. effets indésirables (fréquence et gravité),

5.4. précautions particulières d'emploi,

5.5. utilisation en cas de grossesse et de lactation,

5.6. interactions médicamenteuses et autres,

5.7. posologie et mode d'administration pour les adultes et, dans la mesure où cela est nécessaire, pour les enfants,

5.8. surdosage (symptômes, conduites d'urgence, antidotes),

5.9. mises en garde spéciales,

5.10. effets sur la capacité de conduite et l'usage de machines;

6. informations pharmaceutiques:

6.1. incompatibilités (majeures),

6.2. durée de stabilité, si nécessaire après reconstitution du produit ou lorsque le récipient est ouvert pour la première fois,

6.3. précautions particulières de conservation,

6.4. nature et contenu du récipient,

6.5. nom ou raison sociale et domicile ou siège social du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché;

6.6 précautions particulières d'élimination des produits non utilisés ou des déchets dérivés de ces produits, s'il y a lieu.»

5 S'agissant de l'octroi d'une AMM, l'article 5, premier alinéa, de la directive 65/65 dispose:

«L'autorisation prévue à l'article 3 sera refusée lorsque, après vérification des renseignements et des documents énumérés à l'article 4, il apparaît que le médicament est nocif dans les conditions normales d'emploi, ou que l'effet thérapeutique du médicament fait défaut ou est insuffisamment justifié par le demandeur, ou que le médicament n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée.»

6 S'agissant de la suspension ou du retrait d'une AMM, l'article 11, premier alinéa, de la directive 65/65 prévoit:

«Les autorités compétentes des États membres suspendent ou retirent l'autorisation de mise sur le marché lorsqu'il apparaît que le médicament est nocif dans les conditions normales d'emploi ou que l'effet thérapeutique fait défaut ou enfin que le médicament n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée. [¼ ]»

La deuxième directive 75/319/CEE

7 La deuxième directive 75/319/CEE du Conseil, du 20 mai 1975, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO L 147, p. 13), telle que modifiée par la directive 93/39 (ci-après la «directive 75/319»), contient un chapitre III, intitulé «Comité des spécialités pharmaceutiques» (ci-après le «CSP») et constitué des articles 8 à 15 quater, qui a été entièrement réécrit par la directive 93/39.

8 L'article 9 de la directive 75/319 instaure une procédure de reconnaissance mutuelle des AMM nationales. Il dispose:

«1. Afin d'obtenir la reconnaissance, suivant les procédures prévues au présent chapitre, par un ou plusieurs États membres, de l'autorisation délivrée par un État membre selon l'article 3 de la directive 65/65/CEE, le titulaire de l'autorisation soumet une demande à l'autorité compétente du ou des États membres concernés, ainsi que les informations et documents visés aux articles 4, 4 bis et 4 ter de la directive 65/65/CEE. [¼ ]

[¼ ]

4. Sauf dans le cas exceptionnel visé à l'article 10 paragraphe 1, chaque État membre reconnaît l'autorisation de mise sur le marché octroyée par le premier État membre dans les quatre-vingt-dix jours [¼ ]»

9 L'article 10, paragraphes 1 et 2, de la directive 75/319 prévoit:

«1. Nonobstant l'article 9 paragraphe 4, lorsqu'un État membre considère qu'il y a des motifs de supposer que l'autorisation du médicament concerné peut présenter un risque pour la santé publique [¼ ], il en informe immédiatement le demandeur, l'État membre qui a octroyé l'autorisation initiale, les autres États membres concernés par la demande et le [CSP]. [¼ ]

2. Tous les États membres concernés déploient tous leurs efforts pour se mettre d'accord sur les mesures à prendre concernant la demande. [¼ ] Cependant, si les États membres ne sont pas parvenus à un accord dans le délai visé à l'article 9 paragraphe 4, ils en informent immédiatement le [CSP], pour application de la procédure prévue à l'article 13.»

10 L'article 11 de la directive 75/319 dispose que, lorsqu'un même médicament a fait l'objet de plusieurs demandes d'AMM nationales et que les États membres ont adopté des décisions divergentes, un État membre, la Commission ou la personne responsable de la mise sur le marché du médicament peuvent saisir le CSP pour application de la procédure prévue à l'article 13 de la même directive.

11 L'article 12, premier alinéa, de la directive 75/319 prévoit:

«Dans des cas particuliers présentant un intérêt communautaire, les États membres ou la Commission ou le demandeur ou le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché peuvent saisir le [CSP] pour application de la procédure prévue à l'article 13 avant qu'une décision ne soit prise sur la demande, la suspension, le retrait de l'autorisation de mise sur le marché ou sur toute autre modification des termes de l'autorisation de mise sur le marché apparaissant nécessaire, notamment pour tenir compte
des informations recueillies [dans le cadre du système de pharmacovigilance prévu au] chapitre V bis.»

12 L'article 15 bis de la directive 75/319 énonce:

«1. Quand un État membre considère que la modification des termes de l'autorisation de mise sur le marché, qui a été octroyée selon les dispositions du présent chapitre, ou que sa suspension ou son retrait sont nécessaires à la protection de la santé publique, il en informe immédiatement le [CSP] pour application des procédures prévues aux articles 13 et 14.

2. Sans préjudice de l'article 12, dans des cas exceptionnels, lorsqu'une action d'urgence est indispensable pour protéger la santé publique, et jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise, un État membre peut suspendre la mise sur le marché et l'utilisation du médicament concerné sur son territoire. Il informe la Commission et les autres États membres, au plus tard le jour ouvrable suivant, des raisons d'une telle mesure.»

13 S'agissant des aspects procéduraux, l'article 13 de la directive 75/319, qui régit la procédure devant le CSP, prévoit que, au terme de celle-ci, le CSP émet un avis motivé. Le paragraphe 5 de cet article dispose que l'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments (ci-après l'«Agence») transmet l'avis final du CSP aux États membres, à la Commission et à la personne responsable de la mise sur le marché, en même temps qu'un rapport décrivant l'évaluation du médicament et les raisons qui
motivent ses conclusions.

14 L'article 14 de la directive 75/319 établit la procédure à suivre après la réception par la Commission de l'avis du CSP. Selon le paragraphe 1, premier alinéa, de cette disposition, la Commission prépare, dans les 30 jours suivant la réception de cet avis, un projet de décision concernant la demande. Le troisième alinéa précise que, «[d]ans le cas exceptionnel où le projet de décision n'est pas conforme à l'avis de l'[A]gence, la Commission joint également une annexe où sont expliquées en détail
les raisons des différences».

Les antécédents du litige

15 Artegodan GmbH, Bruno Farmaceutici SpA, Essential Nutrition Ltd, Hoechst Marion Roussel Ltd, Hoechst Marion Roussel SA, Marion Merrell SA (France), Marion Merrell SA (Espagne), Sanova Pharma GmbH, Temmler Pharma GmbH & Co. KG, Schuck GmbH, Laboratórios Roussel Lda, Laboratoires Roussel Diamant SARL, Roussel Iberica SA, Gerot Pharmazeutika GmbH, Cambridge Healthcare Supplies Ltd et Laboratoires pharmaceutiques Trenker SA sont titulaires d'AMM, initialement délivrées par les autorités nationales
compétentes, de médicaments contenant des substances anorexigènes «de type amphétaminique», à savoir, selon le cas, de la phentermine, de l'amfépramone, du clobenzorex, du fenproporex ou de la norpseudoéphédrine.

La décision C (96) 3608 final/1 de la Commission

16 Saisi par la République fédérale d'Allemagne au titre de l'article 12 de la directive 75/319, le CSP a ouvert la procédure prévue à l'article 13 de ladite directive, aux termes de laquelle il a émis, le 17 juillet 1996, trois avis finals relatifs à divers anorexigènes «de type amphétaminique».

17 Cette procédure a conduit à l'adoption de la décision C (96) 3608 final/1 de la Commission, du 9 décembre 1996, concernant l'AMM des médicaments à usage humain contenant les substances suivantes: clobenzorex, norpseudoéphédrine, phentermine, fenproporex, mazindol, amfépramone, phendimétrazine, phenmétrazine, méfénorex (ci-après la «décision de l996»).

18 Par cette décision, expressément fondée sur l'article 14 de la directive 75/319, la Commission a, conformément aux avis du CSP du 17 juillet 1996, enjoint aux États membres concernés de modifier certaines données cliniques figurant dans les résumés des caractéristiques du produit approuvés lors de l'octroi des AMM des médicaments en question. Elle a prescrit de mentionner une série de données cliniques relatives aux indications thérapeutiques, à la posologie, au mode d'administration, aux
contre-indications, aux mises en garde et aux précautions particulières d'emploi ainsi qu'aux effets indésirables desdits médicaments.

Les décisions litigieuses

19 À la suite d'informations transmises par les gouvernements belge et autrichien, le CSP a ouvert la procédure prévue à l'article 13 de la directive 75/319 en ce qui concerne respectivement la phentermine, l'amfépramone et d'autres substances anorexigènes «de type amphétaminique», notamment le clobenzorex, le fenproporex et la norpseudoéphédrine. Le 31 août 1999, il a émis trois avis finals.

20 Le 9 mars 2000, la Commission a adopté, sur le fondement de l'article 15 bis de la directive 75/319, les décisions litigieuses concernant le retrait des AMM des médicaments à usage humain contenant respectivement de la phentermine [décision C (2000) 452], de l'amfépramone [décision C (2000) 453], ainsi que les substances suivantes: clobenzorex, fenbutrazate, fenproporex, mazindol, méfénorex, norpseudoéphédrine, phenmétrazine, phendimétrazine ou prophylhexédrine [décision C 2000) 608].

21 À l'article 1er du dispositif de chacune des décisions litigieuses, la Commission ordonne aux États membres de retirer «les autorisations nationales de mise sur le marché prévues à l'article 3, premier alinéa, de la directive 65/65, concernant les médicaments [contenant la ou les substances examinées], énumérés à l'annexe I» de la décision. Elle motive, à l'article 2 de chacune des décisions litigieuses, ce retrait en renvoyant aux conclusions scientifiques de l'Agence concernant cette ou ces
substances, jointes en annexe II à la décision. Elle impose, à l'article 3 de chacune des décisions litigieuses, aux États membres concernés d'exécuter la décision dans un délai de 30 jours à compter de sa notification.

L'arrêt attaqué

22 Par l'arrêt attaqué, le Tribunal a annulé les trois décisions litigieuses en ce qu'elles visent les médicaments commercialisés par les demanderesses en première instance.

23 En premier lieu, le Tribunal a fait droit au moyen tiré par les demanderesses en première instance de l'incompétence de la Commission pour adopter les décisions litigieuses.

24 Le Tribunal a tout d'abord constaté qu'il était constant entre les parties que les AMM des médicaments visés par les décisions litigieuses avaient été octroyées et, le cas échéant, renouvelées selon les procédures nationales respectivement applicables dans les divers États membres concernés, et non selon la procédure de reconnaissance mutuelle assortie de procédures d'arbitrage, prévue par le chapitre III de la directive 75/319 (point 113 de l'arrêt attaqué).

25 Le Tribunal en a déduit que, «[e]n faisant abstraction de la décision [de] 1996, ces autorisations revêtaient ainsi un caractère purement national» et que «leur suspension, leur modification ou leur retrait relevaient dès lors, au moment de l'adoption des décisions [litigieuses], de la compétence exclusive des États membres concernés, laquelle présente, en principe, un caractère résiduel à la suite de l'institution de la procédure de reconnaissance mutuelle par la directive 93/39» (point 114 de
l'arrêt attaqué). Selon l'interprétation faite par le Tribunal de la réglementation communautaire, cette compétence exclusive des États membres «se limite, depuis le 1er janvier 1995, d'une part, à l'octroi et à la gestion des AMM des médicaments uniquement commercialisés dans un seul État membre et, d'autre part, à la gestion des autorisations purement nationales octroyées avant cette date ou au cours de la période de transition comprise entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1997» (point 116
de l'arrêt attaqué).

26 Le Tribunal a ensuite examiné la question de savoir si, à la suite de leur modification conformément à la décision de 1996, les AMM des médicaments en cause relevaient du champ d'application de l'article 15 bis, paragraphe 1, de la directive 75/319, qui constitue la base juridique sur le fondement de laquelle la Commission a adopté les décisions litigieuses. Constatant que cette disposition vise les AMM octroyées selon les dispositions du chapitre III de ladite directive, le Tribunal l'a
interprétée en ce sens que «la modification, la suspension ou le retrait de telles autorisations, à l'initiative d'un État membre en vue d'assurer la protection de la santé publique, relèvent de la compétence exclusive de la Commission, statuant après avis du CSP selon les procédures régies par les articles 13 et 14 de la directive 75/319», tandis que, «[à] l'inverse, la modification, la suspension et le retrait des AMM qui ne relèvent pas du champ de l'article 15 bis demeurent en principe soumis à
la compétence exclusive des États membres» (point 121 de l'arrêt attaqué).

27 Le Tribunal a considéré que, le libellé des articles 12 et 15 bis de la directive 75/319 ne fournissant aucune indication précise, il convenait de vérifier si, dans le système du chapitre III de cette directive, et à la lumière des objectifs poursuivis par celle-ci, l'article 15 bis, paragraphe 1, pouvait être interprété en combinaison avec l'article 12 dans le sens qu'il vise également les AMM nationales harmonisées dans le cadre de l'article 12 (point 125 de l'arrêt attaqué).

28 À cette fin, le Tribunal a examiné la question de savoir quelle autorité est compétente pour statuer après avis du CSP saisi au titre de l'article 12 de la directive 75/319, article qui se limiterait à prévoir expressément l'application de la procédure consultative régie par l'article 13 de la même directive. Il a jugé à cet égard que l'article 12 de la directive 75/319 «a vocation à s'appliquer dans le domaine résiduel de la compétence exclusive des États membres ou lors de l'octroi de l'AMM
initiale d'un médicament par l'État membre de référence» (point 142 de l'arrêt attaqué) et qu'il «ne peut pas être interprété dans le sens qu'il habilite implicitement la Commission à adopter une décision contraignante, selon la procédure prévue par l'article 14» de la même directive (point 147 de l'arrêt attaqué), et ce contrairement à l'article 10, paragraphe 2, qui, bien que renvoyant lui aussi à la procédure consultative prévue à l'article 13, s'insère toutefois dans un cadre différent, celui de
la procédure de reconnaissance mutuelle (points 130 à 133 de l'arrêt attaqué). Le Tribunal parvient à ces conclusions par le biais d'une démarche interprétative fondée notamment sur l'économie du chapitre III de la directive 75/319 et sur les objectifs de celle-ci.

29 Prenant acte du fait que la décision de 1996 avait été exécutée par les États membres, le Tribunal a considéré, enfin, qu'il y avait toutefois lieu de vérifier si, dans l'économie du chapitre III de la directive 75/319, des AMM harmonisées par ces derniers, à la suite de la consultation du CSP saisi au titre de l'article 12 de ladite directive, pouvaient néanmoins être assimilées à des AMM octroyées selon les dispositions dudit chapitre III (point 148 de l'arrêt attaqué).

30 À cet égard, le Tribunal a considéré que, «en l'absence de disposition explicite, le principe, énoncé à l'article 5, premier alinéa, CE, en vertu duquel la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées, s'oppose à l'interprétation de l'article 15 bis, paragraphe 1, de la directive 75/319 dans le sens que l'harmonisation de certaines AMM, conformément à un avis non liant du CSP au titre de l'article 12 de cette directive, peut avoir pour effet de dessaisir les États
membres concernés de leur compétence, en entraînant l'application de la procédure d'arbitrage prévue par l'article 15 bis pour l'adoption de toute décision ultérieure relative à la suspension ou au retrait de ces autorisations» (point 150 de l'arrêt attaqué). Il a donc jugé que, «dans l'économie de la directive 75/319, la notion d'AMM octroyée selon les dispositions du chapitre III de cette directive, visée à l'article 15 bis, paragraphe 1, ne peut pas être interprétée dans le sens qu'elle englobe
également les autorisations harmonisées à la suite de la consultation du CSP au titre de l'article 12» (point 155 de l'arrêt attaqué).

31 Le Tribunal en a conclu que les décisions litigieuses étaient privées de base légale et que le moyen tiré de l'incompétence de la Commission était fondé.

32 En second lieu, le Tribunal a jugé que, à supposer même que la Commission ait été compétente pour adopter les décisions litigieuses, celles-ci seraient néanmoins entachées d'irrégularité, pour violation des dispositions de l'article 11 de la directive 65/65 (points 156 et 170 à 221 de l'arrêt attaqué).

La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

33 Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 3 février 2003, la Commission a, en vertu de l'article 62 bis du règlement de procédure, demandé à la Cour que l'affaire soit soumise à une procédure accélérée.

34 Par acte séparé, également déposé au greffe de la Cour le même jour, la Commission a, en vertu de l'article 242 CE, demandé à la Cour d'ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêt attaqué.

35 Sur proposition du juge rapporteur, les défenderesses au pourvoi et l'avocat général entendus, le président de la Cour a décidé, le 26 février 2003, de soumettre l'affaire à une procédure accélérée.

36 Par ordonnance du 8 mai 2003, Commission/Artegodan e.a. (C-39/03 P-R, non encore publiée au Recueil), le président de la Cour a rejeté la demande de sursis à l'exécution de l'arrêt attaqué.

37 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt attaqué et condamner les défenderesses au pourvoi aux dépens.

38 Les défenderesses au pourvoi demandent à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens.

Sur le pourvoi

39 À l'appui de son pourvoi, la Commission fait valoir des moyens relatifs, d'une part, au raisonnement du Tribunal sur le défaut de compétence de la Commission pour adopter les décisions litigieuses et, d'autre part, à l'interprétation faite par le Tribunal des conditions de retrait des AMM, telles que ces conditions sont définies par l'article 11, premier alinéa, de la directive 65/65.

40 Quant à sa compétence pour adopter les décisions litigieuses, la Commission fait valoir, à titre principal, que le Tribunal a méconnu les articles 15 bis et l2 de la directive 75/319 en jugeant que ces articles ne lui conféraient pas de compétence pour arrêter les décisions litigieuses. À titre subsidiaire, elle allègue que le Tribunal a méconnu ces mêmes articles en omettant de prendre en considération les effets de l'harmonisation des AMM des médicaments en cause à laquelle la décision de 1996
avait procédé.

41 Par la première branche de son moyen principal, la Commission soutient que le Tribunal a méconnu tant le libellé que la finalité de l'article 15 bis de la directive 75/319. Celui-ci, en visant l'AMM «qui a été octroyée selon les dispositions du [chapitre III de la directive 75/319]», se référerait à l'ensemble de ce chapitre, et notamment à ses articles 10, 11 et 12. Comme ces trois articles, l'article 15 bis de la directive 75/319 aurait pour objectif d'empêcher que les États membres ne prennent
des mesures unilatérales divergentes par rapport à l'AMM d'un médicament donné, afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé publique dans l'ensemble des États membres. S'appuyant sur une interprétation historique du chapitre III de la directive 75/319, la Commission fait valoir que l'article 15 bis doit être considéré comme une «follow-up procedure» et doit s'appliquer à toutes les procédures prévues audit chapitre III.

42 Selon la Commission, le Tribunal a également méconnu la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres prévue par la directive 75/319. Contrairement à ce qu'aurait jugé le Tribunal, notamment aux points 116 et 121 de l'arrêt attaqué, ladite directive ne délimiterait pas des compétences «exclusives» respectives des États membres et de la Commission. En réalité, les dispositions du chapitre III de la directive 75/319 s'inscriraient dans une logique de compétences partagées et
complémentaires, les États membres étant compétents en matière d'AMM nationales des médicaments à usage humain et la Communauté étant compétente pour sauvegarder la santé publique et le marché intérieur des médicaments à chaque fois que cela est requis dans les différentes situations visées par les articles 10, 11, 12 et 15 bis de cette directive. Dans ces situations, les États membres seraient compétents pour déclencher une procédure d'arbitrage en informant le CSP pour application des procédures
prévues aux articles 13 et 14 de ladite directive. La Commission serait alors compétente pour adopter une décision, dont la mise en oeuvre incomberait aux États membres.

43 Les défenderesses au pourvoi contestent l'analyse de la Commission. Elles font valoir en substance que la clarté du libellé de l'article 15 bis, paragraphe 1, de la directive 75/319 rend superflu un examen détaillé de cette disposition. Celle-ci aurait pour seule finalité de garantir que les AMM ne connaissent pas un sort différent dans les différents États membres une fois qu'elles ont été délivrées dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle. La décision de 1996 n'aurait pas
débouché sur une harmonisation pour la simple raison que cette décision ne concernait que le résumé des caractéristiques des médicaments en cause. Il se serait agi de compléter les AMM nationales au sujet des substances actives des médicaments en cause. Une telle modification ne pourrait être assimilée à une décision dans le cadre d'une procédure de reconnaissance mutuelle, en sorte que la compétence pour modifier, suspendre ou retirer les AMM des médicaments en cause resterait aux États membres.
Toute autre interprétation de l'article 15 bis de la directive 75/319 ne trouverait aucun soutien dans une interprétation historique du chapitre III de ladite directive et ne résisterait par ailleurs pas au principe de subsidiarité inscrit à l'article 5 CE.

44 À cet égard, il convient de relever que les décisions litigieuses ont été arrêtées sur le seul fondement de l'article 15 bis de la directive 75/319.

45 Selon son libellé, l'article 15 bis de la directive 75/319 s'applique aux AMM qui ont été octroyées selon les dispositions du chapitre III de ladite directive.

46 Or, le Tribunal a constaté, sans que la Commission le conteste, que les AMM dont le retrait a été ordonné par les décisions litigieuses ont été initialement octroyées dans le cadre de procédures purement nationales.

47 À supposer que la finalité de l'article 15 bis de la directive 75/319 commande une interprétation large qui permette de l'appliquer à des AMM qui n'ont pas été octroyées dans le cadre du chapitre III mais qui ont fait l'objet d'une autre procédure d'harmonisation, il devient nécessaire en l'espèce de rechercher si la décision de 1996 peut être considérée comme ayant réalisé une telle harmonisation.

48 Or, il est constant que la décision de 1996 s'est bornée à ordonner la modification de certains termes des AMM initiales, à savoir le contenu des informations cliniques devant figurer, parmi d'autres données, dans le résumé des caractéristiques du produit, conformément à l'article 4 bis, point 5, de la directive 65/65.

49 Une telle modification partielle ne saurait équivaloir à une autorisation octroyée selon les dispositions du chapitre III de la directive 75/319.

50 Dès lors, il importe peu que cette modification partielle des AMM des médicaments en cause ait résulté de l'exécution d'une décision contraignante ou d'une harmonisation mise en oeuvre de manière volontaire par les États membres.

51 Il s'ensuit que l'article 15 bis de la directive 75/319 ne pouvait servir de base légale aux décisions litigieuses.

52 Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et arguments avancés par la Commission, il y a lieu de constater que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que la Commission était incompétente pour arrêter les décisions litigieuses et que celles-ci devaient en conséquence être annulées.

53 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

54 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 de ce règlement, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les défenderesses au pourvoi ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance et de l'instance en référé.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (assemblée plénière)

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens de la présente instance et de l'instance en référé.


Synthèse
Formation : Assemblée plénière
Numéro d'arrêt : C-39/03
Date de la décision : 24/07/2003
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Directives 65/65/CEE et 75/319/CEE - Médicaments à usage humain - Anorexigènes: amfépramone, clobenzorex, fenproporex, norpseudoéphédrine, phentermine - Retrait d'une autorisation de mise sur le marché - Compétence de la Commission - Conditions de retrait.

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Artegodan GmbH et autres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Alber
Rapporteur ?: Jann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2003:418

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award