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10/07/2003 | CJUE | N°C-500/01

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 10 juillet 2003., Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne., 10/07/2003, C-500/01


Avis juridique important

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62001C0500

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 10 juillet 2003. - Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. - Manquement d'État - Marché des services de télécommunications - Rééquilibrage tarifaire - Accès à la boucle locale - Directive 90/38

8/CEE - Article 4 quater. - Affaire C-500/01.
Recueil de jurisprudence 2004 p...

Avis juridique important

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62001C0500

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 10 juillet 2003. - Commission des Communautés européennes contre Royaume d'Espagne. - Manquement d'État - Marché des services de télécommunications - Rééquilibrage tarifaire - Accès à la boucle locale - Directive 90/388/CEE - Article 4 quater. - Affaire C-500/01.
Recueil de jurisprudence 2004 page 00000

Conclusions de l'avocat général

1 La Commission des Communautés européennes introduit un recours visant à faire constater que le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui découlent de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (1), telle que modifiée par la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996 (2) (ci-après la «directive 90/388 modifiée»).

2 La Commission considère que les autorités espagnoles n'ont pas adopté l'ensemble des mesures nécessaires pour permettre à l'opérateur historique de télécommunications, Telefónica de España SA (ci-après «Telefónica»), de procéder au rééquilibrage de ses tarifs, conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée.

I - Cadre juridique

A - Le droit communautaire

3 Le rééquilibrage tarifaire est l'une des opérations préalables à l'ouverture du marché de la téléphonie vocale à la concurrence.

4 Avant le début du processus de libéralisation, en 1990, le tarif des services de télécommunications faisait l'objet d'un encadrement strict dans les différents États membres. En règle générale, les tarifs de certains services - comme la redevance initiale de connexion, l'abonnement mensuel ou les communications locales - étaient fixés à un niveau inférieur aux coûts supportés pour la fourniture de ces services. En revanche, d'autres services - comme les communications nationales et internationales
- étaient facturés à un prix supérieur aux coûts réels. Les organismes de télécommunications opéraient ainsi une compensation entre les pertes subies sur certains services et les marges dégagées sur d'autres.

5 Dans ce contexte, l'ouverture immédiate du marché de la téléphonie vocale à la concurrence aurait présenté certains risques.

6 En effet, les nouveaux opérateurs auraient pu concentrer leurs activités sur les segments les plus profitables du marché (à savoir, les communications nationales et internationales). En raison des prix élevés pratiqués par l'opérateur historique, ils auraient pu fixer des tarifs inférieurs et dégager ainsi rapidement des bénéfices et des parts de marché. Cette évolution aurait contraint l'opérateur historique à réduire ses marges sur les segments rentables et l'aurait ainsi privé de la possibilité
de compenser les pertes subies sur les services moins rentables, qu'il continuait pourtant à offrir (à savoir, l'abonnement mensuel et les communications locales).

7 Avant d'ouvrir le marché à la concurrence, le législateur communautaire a donc exigé que les États membres mettent les organismes de télécommunications en mesure de «rééquilibrer» leurs tarifs, c'est-à-dire d'aligner leurs tarifs sur les coûts réels. Concrètement, cette opération devait se traduire par une baisse des tarifs des communications nationales et internationales et par une hausse de la redevance de connexion, de l'abonnement mensuel et du prix des communications locales.

8 La directive 96/19 a pour objectif de libéraliser les services de téléphonie vocale et la fourniture d'infrastructures de télécommunications au plus tard le 1er janvier 1998 (3). Le cinquième considérant de ce texte prévoit:

«[...] le maintien de droits spéciaux et exclusifs pour la téléphonie vocale ne se justifie plus; [...] l'exception admise par la directive 90/388/CEE doit être supprimée et ladite directive modifiée en conséquence [...]; [...] afin de permettre aux organismes de télécommunications d'achever de se préparer à la concurrence, et en particulier de continuer le rééquilibrage nécessaire de leurs tarifs, les États membres peuvent maintenir les droits exclusifs et spéciaux actuels relatifs à la téléphonie
vocale jusqu'au 1er janvier 1998 au plus tard; [...] les États membres dotés de réseaux moins développés ou de très petits réseaux doivent pouvoir bénéficier d'une exception temporaire [...]; [...] ces États membres devraient se voir accorder un délai supplémentaire respectivement de cinq ans au maximum ou de deux ans au maximum, sur leur demande, pour autant que ce délai soit requis afin d'achever les ajustements structurels nécessaires; [...] les États membres qui pourraient demander à bénéficier
de cette possibilité sont l'Espagne, l'Irlande, la Grèce et le Portugal en ce qui concerne les réseaux moins développés [...]».

9 Le vingtième considérant de la directive 96/19 est libellé comme suit:

«[...] en matière de structure tarifaire de la téléphonie vocale, il convient de distinguer entre la redevance initiale de connexion, l'abonnement mensuel et les tarifs locaux, nationaux et internationaux; [...] ces différents éléments tarifaires du service fourni par les organismes de télécommunications de certains États membres sont actuellement encore déphasés par rapport aux coûts; [...] certaines catégories d'appels sont fournies à perte et sont subventionnées par les profits réalisés sur
d'autres catégories; [...] ces tarifs artificiellement bas restreignent toutefois la concurrence car les entrants potentiels n'ont aucun intérêt à s'attaquer à ce segment du marché de la téléphonie vocale; [...] de tels prix sont contraires à l'article 86 du traité, à moins d'être justifiés sur la base de l'article 90, paragraphe 2, [du traité CE]; [...] les États membres devraient procéder, dans les meilleurs délais, à la suppression graduelle des restrictions subsistantes non justifiées au
rééquilibrage des tarifs de la part des organismes de télécommunications, et en particulier celles empêchant l'adaptation des tarifs qui ne sont pas liés aux coûts et qui accroissent la charge de la fourniture du service universel [...]».

10 L'article 4 quater de la directive 90/388, tel qu'inséré par la directive 96/19, dispose:

«[...] Les États membres autorisent leurs organismes de télécommunications à rééquilibrer leurs tarifs en tenant compte des conditions spécifiques du marché et de la nécessité d'assurer un service universel abordable, et notamment ils les autorisent à adapter les tarifs actuels qui ne sont pas liés aux coûts et qui augmentent la charge de la fourniture du service universel, afin d'asseoir leur structure tarifaire sur les coûts réels. Lorsque ce rééquilibrage ne peut être achevé avant le 1er janvier
1998, les États membres concernés font rapport à la Commission sur la suppression graduelle des déséquilibres tarifaires subsistant. Ce rapport contient un calendrier détaillé de mise en oeuvre [...]»

11 Le 10 juin 1997, la Commission a adopté la décision 97/603/CE concernant l'octroi à l'Espagne de délais supplémentaires pour la transposition de la directive 90/388 en ce qui concerne la pleine concurrence dans les marchés des télécommunications (4).

12 En vertu de l'article 1er de cette décision, le royaume d'Espagne a été autorisé à reporter jusqu'au 1er décembre 1998 l'exécution de certaines obligations et, notamment, l'octroi effectif de nouvelles licences pour la fourniture de la téléphonie vocale et des réseaux publics de télécommunications.

13 Enfin, le 18 décembre 2000, le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne ont adopté le règlement (CE) n_ 2887/2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale (5).

14 Conformément au deuxième considérant de ce texte, le dégroupage de la boucle locale intervient en complément des dispositions existantes du droit communautaire qui garantissent le service universel et l'accès à un prix abordable à tous les citoyens de l'Union européenne, en accroissant la concurrence, en assurant l'efficacité économique et en offrant les avantages maximaux pour les utilisateurs.

15 Selon le troisième considérant du règlement n_ 2887/2000, l'expression «boucle locale» désigne le circuit physique à paire torsadée métallique du réseau téléphonique public fixe qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente du réseau téléphonique public fixe (6).

16 Le septième considérant du règlement n_ 2887/2000 énonce que l'accès dégroupé à la boucle locale permet aux nouveaux entrants d'entrer en concurrence avec les opérateurs notifiés en offrant des services de transmission de données à haut débit pour un accès permanent à l'Internet et pour des applications multimédia à partir de la technologie de ligne d'abonné numérique (DSL), ainsi que des services de téléphonie vocale.

17 L'article 3, paragraphe 3, du règlement n_ 2887/2000 dispose:

«Sans préjudice de l'article 4, paragraphe 4, les opérateurs notifiés orientent les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale et aux ressources connexes en fonction des coûts.»

B - Le droit espagnol

18 Les autorités espagnoles ont adopté plusieurs mesures pour permettre le rééquilibrage des tarifs pratiqués par Telefónica (7).

19 La première mesure est l'Orden du 18 mars 1997 por la que se determinan las tarifas y condiciones de interconexión a la red adscrita al servicio público de telefonía básica que explota el operador dominante para la prestación del servicio final de telefonía básica y el servicio portador soporte del mismo (8) (arrêté portant détermination des tarifs et des conditions d'interconnexion au réseau public de téléphonie vocale exploité par l'opérateur dominant). Cette mesure a consisté à augmenter le
prix de l'abonnement mensuel et celui des appels locaux de 16 et 13 % et à diminuer le montant des appels provinciaux, interprovinciaux et internationaux de 5, 15 et 12 %.

20 Ensuite, les autorités espagnoles ont adopté l'Orden du 31 juillet 1998 sobre reequilibrio tarifario de servicios prestados por «Telefónica Sociedad Anónima» (9) (arrêté relatif au rééquilibrage tarifaire des services offerts par Telefónica). Elles ont fixé le prix mensuel de l'abonnement téléphonique à 1 442 ESP pour les lignes dites résidentielles et à 1 797 ESP pour les «líneas de enlace».

21 Le 16 avril 1999, les autorités espagnoles ont procédé à une nouvelle réduction des tarifs des services provinciaux, interprovinciaux et internationaux.

22 Le 15 octobre 1999, elles ont adopté le Real Decreto-Ley 16/1999 por el que se adoptan medidas para combatir la inflación y facilitar un mayor grado de competencia en las telecomunicaciones (10) (décret-loi royal comportant certaines mesures pour combattre l'inflation et accroître la concurrence sur le marché des télécommunications), qui a prévu de nouvelles hausses pour l'abonnement téléphonique. Selon le calendrier prévu, la redevance devait augmenter de 100 ESP à trois reprises: le 1er août
2000, le 1er mars 2001 et le 1er août 2001.

23 Les autorités espagnoles ont ensuite mis en place un nouveau régime de prix, fondé sur un mécanisme de plafonnement, en adoptant l'Orden du 31 juillet 2000 por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos de 27 de julio de 2000, por el que se establece un nuevo marco regulatorio de precios para los servicios prestados por «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (11) (arrêté portant publication de la résolution de la
commission déléguée aux affaires économiques du 27 juillet 2000 établissant un nouveau mécanisme de prix pour les services offerts par Telefónica).

24 Ce nouveau mécanisme (autrement dénommé le «price cap») s'applique aux services offerts par Telefónica et couvre la période 2001-2002. Il est fondé sur des formules de calcul faisant intervenir les prévisions du gouvernement espagnol en matière d'évolution de l'indice des prix à la consommation (ci-après l'«IPC») et des facteurs d'ajustement. Il a été étendu à l'année 2003 par l'Orden du 10 mai 2001 por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos
Económicos del Acuerdo por el que se modifica el Acuerdo de 27 de julio de 2000, por el que se establece un nuevo marco regulatorio de precios para los servicios prestados por «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (12) (arrêté portant publication de la résolution de la commission déléguée aux affaires économiques modifiant la résolution de ladite commission du 27 juillet 2000 établissant un nouveau mécanisme de prix pour les services offerts par Telefónica).

25 Le mécanisme de «price cap», tel qu'il résulte des Ordenes précités, prévoit les éléments suivants:

- l'ensemble des services de téléphonie fixe et des appels fixes vers les services de téléphonie mobile sera soumis à une norme d'évolution égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel - 9 % en 2001, au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel - 8 % en 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel - 4 % en 2003;

- les redevances d'abonnement ne peuvent pas être augmentées en 2001, mais peuvent l'être dans une limite égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel + 9,4 % en 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel + 6 % en 2003;

- les frais de connexion peuvent augmenter dans une limite égale au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel - 16,5 % en 2001 et 2002 et au taux de variation annuel de l'IPC prévisionnel - 2 % en 2003.

26 Les autres dispositions de droit interne pertinentes pour l'examen du litige sont les mesures relatives au dégroupage de la boucle locale.

27 Le Real Decreto-Ley 7/2000, du 23 juin 2000, de Medidas Urgentes en el Sector de las Telecomunicaciones (13) (décret-loi royal sur les mesures urgentes dans le secteur des télécommunications) a rendu obligatoire la fourniture de services d'accès totalement dégroupé et d'accès partagé à la boucle locale. Cette mesure a été complétée par le Real Decreto 3456/2000, du 22 décembre 2000, por el que se aprueba el Reglamento que establece las condiciones para el acceso al bucle de abonado de la red
pública telefónica fija de los operadores dominantes (14) (décret royal portant approbation de la réglementation établissant les conditions d'accès à la boucle locale des abonnés du réseau public de téléphonie fixe des opérateurs dominants).

28 L'article 5, paragraphe 1, de ce texte prévoit que les tarifs pour l'accès à la boucle locale doivent être déterminés sur la base d'une orientation sur les coûts.

29 L'Orden du 29 décembre 2000 por la que se dispone la publicación del Acuerdo de la Comisión Delegada del Gobierno para Asuntos Económicos, por el que se establecen los precios de la primera oferta de acceso al bucle de abonado en las modalidades de acceso completamente desagregado, de acceso compartido y de acceso indirecto, a la red pública telefónica fija de «Telefónica de España, Sociedad Anónima Unipersonal» (15) (arrêté portant publication de l'accord de la commission déléguée aux affaires
économiques établissant les prix de la première offre pour l'accès des abonnés à la boucle et les modalités de l'accès totalement dégroupé, de l'accès partagé et de l'accès indirect au réseau de téléphonie fixe de Telefónica) établit les tarifs mensuels pour l'accès dégroupé à la boucle locale. Ceux-ci s'élèvent à 2 163 ESP en 2001, à 2 100 ESP en 2002 et à 2 050 ESP en 2003.

II - Procédure précontentieuse

30 La procédure précontentieuse a comporté deux phases successives.

31 Dans la première phase, la Commission reprochait aux autorités espagnoles de ne pas lui avoir transmis de rapport concernant la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire, conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée.

32 Ainsi, le 11 décembre 1998, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure pour indiquer que le royaume d'Espagne ne lui avait pas encore adressé de calendrier détaillé pour la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire.

33 Le 11 février 1999, les autorités espagnoles ont répondu que l'Orden du 31 juillet 1998 réalisait le rééquilibrage tarifaire et que le calendrier pourrait s'étaler jusqu'au 31 décembre 2000.

34 Estimant que les mesures adoptées étaient insuffisantes et que les autorités espagnoles avaient reconnu qu'elles n'avaient pas établi de calendrier détaillé de mise en oeuvre, la Commission a émis son avis motivé le 4 mai 1999.

35 Par lettre du 26 avril 1999, les autorités espagnoles avaient entre-temps communiqué à la Commission les nouvelles mesures de réduction des tarifs provinciaux, interprovinciaux et internationaux, adoptées le 16 avril 1999.

36 Pour tenir compte de ces mesures, la Commission a, par lettre du 26 mai 1999, indiqué au royaume d'Espagne que son avis motivé était devenu obsolète.

37 Dans la seconde phase de la procédure, la Commission a poursuivi l'examen de l'affaire à la lumière d'une plainte déposée par Telefónica le 23 novembre 1998.

38 Telefónica estimait, en effet, que la législation espagnole ne lui permettait pas d'augmenter le prix de l'abonnement mensuel de manière à couvrir le «déficit d'accès». Le déficit d'accès constitue la différence entre les revenus d'accès, c'est-à-dire les recettes provenant de l'abonnement mensuel et de la connexion initiale, et les coûts d'accès au réseau, c'est-à-dire le coût des infrastructures de téléphonie fixe qui relient les utilisateurs finals aux centraux téléphoniques de l'opérateur de
télécommunications.

39 Le 25 novembre 1999, la Commission a demandé certaines informations au gouvernement espagnol à propos de la plainte déposée par Telefónica.

40 Par lettre du 21 janvier 2000, les autorités espagnoles ont répondu qu'il leur était impossible de vérifier l'existence du déficit d'accès allégué par Telefónica. En outre, elles ont informé la Commission de leur intention de mettre en place le régime de «price cap».

41 Le 4 mai 2000, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure au gouvernement espagnol. Elle lui reprochait de ne pas avoir accordé suffisamment de flexibilité à Telefónica pour permettre à celle-ci de procéder au rééquilibrage tarifaire exigé par l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée.

42 N'étant pas satisfaite de la réponse que les autorités espagnoles ont apportée à cette lettre, la Commission a émis un avis motivé le 29 janvier 2001. Elle soulignait que le processus de rééquilibrage tarifaire n'avait pas été achevé en 1999 et ne le serait probablement pas non plus en 2001. La Commission précisait également que le déficit d'accès de Telefónica en 1999 s'élevait à 258 milliards de ESP.

43 Dans leur réponse du 29 mars 2001, les autorités espagnoles ont contesté l'évaluation faite par la Commission. Selon elles, le déficit d'accès prétendument subi par Telefónica en 1999 s'élèverait à 173, 449 milliards de ESP, soit 85 milliards de ESP de moins que le chiffre avancé. En outre, les autorités espagnoles ont annoncé une série d'amendements au mécanisme de «price cap».

44 Le 18 avril 2001, Telefónica a indiqué que, en raison des mesures annoncées par le gouvernement espagnol, elle retirerait sa plainte.

45 Le 27 juillet 2001, la Commission a adressé un avis motivé complémentaire au royaume d'Espagne pour tenir compte de trois événements survenus en 2001. Ces événements sont l'adoption des textes imposant à Telefónica d'offrir des services d'accès dégroupé à la boucle locale (16), les amendements au régime de «price cap» adoptés en mai 2001 (17) et l'estimation précise, par le gouvernement espagnol, du déficit d'accès de Telefónica en 1999 (18).

46 Les autorités espagnoles ont répondu à cet avis motivé complémentaire par lettre du 9 octobre 2001. N'étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a introduit le présent recours le 21 décembre 2001.

III - Prétentions et moyens des parties

47 Dans sa requête, la Commission soutient que le royaume d'Espagne n'a pas appliqué correctement les dispositions communautaires relatives au rééquilibrage tarifaire.

48 Selon elle, les autorités espagnoles auraient dû permettre à Telefónica de rééquilibrer ses tarifs conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée. En imposant à Telefónica de conserver une structure de tarifs nuisible à ses concurrents et en maintenant des tarifs non cohérents avec les coûts réels, les autorités espagnoles auraient créé une situation préjudiciable au développement de la concurrence.

49 La Commission estime, en tenant compte des contraintes imposées par le mécanisme de «price cap», que les tarifs de l'abonnement mensuel ne pourront pas être fondés sur les coûts réels avant le début de l'année 2003. À cet égard, elle souligne que les hypothèses de gains de productivité de 6 % par an, formulées par les autorités espagnoles et nécessaires pour supprimer le déficit d'accès, sont peu probables dans la mesure où les gains d'efficacité liés à l'infrastructure sont modérés.

50 Le gouvernement espagnol, pour sa part, relève que la directive 90/388 modifiée ne l'oblige pas à imposer à Telefónica des tarifs fondés sur les coûts réels. Cette directive l'obligerait simplement à supprimer les obstacles qui empêchent Telefónica d'aligner ses tarifs sur les coûts réels. L'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée ne lui imposerait donc pas une obligation de résultat, mais une obligation de moyens.

51 Le gouvernement espagnol souligne également que l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée n'impose aucun délai précis pour exécuter l'obligation de suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire. Au contraire, ce texte partirait de l'idée qu'il est difficile d'exécuter cette obligation avant le 1er janvier 1998 puisqu'il prévoit expressément la possibilité, en cas de retard, d'adresser un calendrier détaillé à la Commission.

52 En vue de déterminer le délai imparti aux États membres pour exécuter l'obligation litigieuse, il conviendrait donc de se reporter à la jurisprudence de la Cour, selon laquelle l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé par l'avis motivé. En l'espèce, le délai fixé par l'avis motivé complémentaire aurait expiré à la fin du mois d'octobre 2001.

53 Or, souligne le royaume d'Espagne, aucun manquement ne pourrait lui être reproché à cette date. En effet, il serait établi que, même en se fondant sur des gains de productivité de 3 à 4 %, Telefónica n'aura enregistré aucun déficit d'accès en 2002 et en 2003 (19). Le fait que Telefónica ait retiré sa plainte en avril 2001 serait la meilleure preuve de cet élément.

54 Le royaume d'Espagne demande donc à la Cour de rejeter le recours et de condamner la Commission aux dépens.

IV - Appréciation

55 L'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour permettre à leurs organismes de télécommunications de procéder au rééquilibrage de leurs tarifs, c'est-à-dire d'asseoir leur structure tarifaire sur les coûts réels.

56 En vue d'apprécier le bien-fondé du recours de la Commission, il convient donc de déterminer si Telefónica a effectivement aligné ses tarifs sur les coûts réels. Dans la négative, il faudra se demander si ce déséquilibre tarifaire résulte du comportement de Telefónica ou des mesures adoptées par les autorités espagnoles. Cette seconde étape du raisonnement est effectivement nécessaire dans la mesure où, comme l'a souligné le gouvernement espagnol, l'article 4 quater de la directive 90/388
modifiée ne l'oblige pas à réaliser le rééquilibrage tarifaire, mais à prendre les mesures nécessaires pour permettre à Telefónica d'effectuer cette opération.

57 À titre liminaire, il convient cependant d'écarter la thèse du gouvernement espagnol, selon laquelle le délai d'exécution de l'obligation litigieuse expirait à la fin du mois d'octobre 2001.

58 Il ressort, en effet, du vingtième considérant de la directive 96/19 que les États membres devaient procéder à la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire «dans les meilleurs délais». Le cinquième considérant de ce texte souligne, pour sa part, que le rééquilibrage tarifaire est une mesure préparatoire à l'ouverture du marché à la concurrence et que cette ouverture doit intervenir au plus tard le 1er janvier 1998. En outre, l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée précise
que le rééquilibrage tarifaire lui-même doit intervenir avant le 1er janvier 1998 puisque, dans le cas contraire, les États membres ont l'obligation d'adresser à la Commission un rapport contenant un calendrier détaillé de mise en oeuvre.

59 Il résulte de ces éléments que les États membres étaient tenus de supprimer les obstacles au rééquilibrage tarifaire dans les meilleurs délais à compter de l'entrée en vigueur de la directive 96/19 (20) et, au plus tard, le 1er janvier 1998.

60 Certes, l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée permet de déroger à ces délais si l'État membre transmet un calendrier détaillé à la Commission. Selon nous, cette exception ne saurait cependant être appliquée en l'espèce. En effet, le gouvernement espagnol n'a pas démontré qu'il avait adopté un calendrier détaillé de mise en oeuvre dans le délai prescrit (21) et que ce calendrier avait fait l'objet d'une approbation de la part de la Commission (22) .

61 De même, nous pensons que la décision 97/603 n'a pas eu pour effet de reporter l'exécution de l'obligation litigieuse. Comme l'a souligné la Commission (23), le dispositif de cette décision identifie précisément les obligations dont le report est autorisé et la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire ne fait pas partie de ces obligations (24).

62 En conséquence, nous pensons que le royaume d'Espagne était tenu de prendre les mesures nécessaires à la suppression des obstacles au rééquilibrage tarifaire dans les meilleurs délais à compter de l'entrée en vigueur de la directive 96/19 et, au plus tard, le 1er janvier 1998. C'est donc à la lumière de ces éléments que nous examinerons les deux éléments constitutifs du manquement imputé au royaume d'Espagne.

A - Sur l'existence d'un déséquilibre tarifaire

63 Selon le vingtième considérant de la directive 96/19, l'équilibre tarifaire doit être atteint pour les cinq éléments tarifaires du service fourni par l'organisme de télécommunications, à savoir la redevance initiale de connexion, l'abonnement mensuel ainsi que les tarifs locaux, nationaux et internationaux.

64 En vue de déterminer s'il existe un déséquilibre dans les éléments tarifaires du service de Telefónica, nous pensons que la Cour pourrait se fonder sur les deux méthodes de calcul proposées par la Commission (25).

1. Sur la première méthode de calcul

65 La première méthode consiste à apprécier l'existence d'un déficit d'accès à partir des comptes de Telefónica, validés par la Comisión del Mercado de Telecomunicaciones (la commission du marché des télécommunications). Comme nous l'avons indiqué (26), le déficit d'accès constitue la différence entre les revenus d'accès, c'est-à-dire les recettes provenant de l'abonnement mensuel et de la connexion initiale, et les coûts d'accès, c'est-à-dire le coût des infrastructures de téléphonie fixe qui
relient les utilisateurs finals aux centraux téléphoniques de l'opérateur de télécommunications.

66 Dans son mémoire en défense (27), le gouvernement espagnol a expressément reconnu que Telefónica avait subi un déficit d'accès de 173, 449 milliards de ESP en 1999. Il a ajouté que ce chiffre avait constitué la base des amendements apportés en mai 2001 au régime de «price cap». L'existence d'un déséquilibre tarifaire pour l'exercice 1999 est donc établie.

67 S'agissant des exercices suivants, nous relèverons que, dans leur lettre du 9 octobre 2001 (28), les autorités espagnoles avaient fourni plusieurs estimations des marges bénéficiaires de Telefónica en fonction de différentes hypothèses de gains de productivité.

68 Il ressort de ces estimations que, même avec des gains de productivité de 6 % par an à partir de 1999 (ce qui constitue l'hypothèse la plus favorable), Telefónica aura continué à subir un déficit d'accès jusqu'au début de l'année 2002. En outre, dans l'hypothèse (plus plausible, selon la Commission) de gains de productivité de 3 à 4 % par an à compter de 1999, le déficit d'accès de Telefónica n'aura pas été résorbé avant le début de l'année 2003.

69 Les arguments avancés par le gouvernement espagnol pour infirmer cette analyse ne sont pas de nature à convaincre.

70 D'une part, le gouvernement espagnol conteste l'estimation faite par la Commission du montant du déficit d'accès de Telefónica pour l'exercice 1999 (29). Il estime que ce montant est excessif dans la mesure où la Commission aurait inclus le coût afférent aux lignes téléphoniques non rentables, alors que ce coût serait déjà compris dans le coût net de l'obligation de service universel.

71 Sur ce point, il suffit de rappeler que le déficit d'accès pour l'exercice 1999 est une donnée que le gouvernement espagnol a lui-même avancée dans le cadre de la procédure précontentieuse (30) et qu'il a expressément confirmée dans le cadre du présent recours (31). On voit donc mal en quoi la Commission aurait pu commettre une erreur dans l'estimation du montant litigieux. En tout état de cause, les autorités espagnoles n'ont pas indiqué quel serait, selon elles, le montant exact du déficit
d'accès subi par Telefónica en 1999.

72 D'autre part, le gouvernement espagnol soutient que le déficit d'accès pour l'exercice 2000, qu'il avait lui-même transmis à la Commission dans sa lettre du 9 octobre 2001, est également erroné (32). Ce montant serait surévalué à hauteur de 30 milliards de ESP en ce qu'il inclurait, à tort, le coût du service universel destiné à des zones non rentables ou à des redevances spéciales appliquées à certains usagers .

73 Selon nous, cet argument ne saurait davantage être retenu dans la mesure où le gouvernement espagnol ne fournit aucun élément de preuve en ce qui concerne l'erreur qu'il aurait commise.

74 En tout état de cause, le gouvernement espagnol reconnaît que, même en tenant compte de cette erreur, le déficit d'accès de Telefónica n'aura pas été résorbé avant le début de l'année 2002 (en se fondant sur une hypothèse de gains de productivité de 3 à 4 % par an à compter de 1999) (33). Dans la mesure où cette résorption du déficit d'accès, à supposer même qu'elle soit établie, sera intervenue après l'expiration du délai fixé par l'avis motivé (le 27 octobre 2001) (34), elle ne pourrait être
prise en compte pour apprécier l'existence du présent manquement.

2. Sur la seconde méthode de calcul

75 La seconde méthode de calcul consiste à comparer le prix de l'abonnement mensuel facturé par Telefónica avec le tarif de l'accès dégroupé à la boucle locale.

76 Comme l'a souligné la Commission (35), les tarifs de l'accès dégroupé à la boucle locale doivent être fondés sur les coûts réels, conformément à l'article 3, paragraphe 3, du règlement n_ 2887/2000. Par ailleurs, le prix de l'abonnement mensuel doit également être fondé sur les coûts réels, en vertu de l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée.

77 En outre, les éléments entrant dans la composition du coût de l'accès dégroupé à la boucle locale devraient être comparables à ceux qu'implique la fourniture de l'abonnement mensuel. Dans les deux cas, l'infrastructure nécessaire est identique (il s'agit de la paire métallique du réseau téléphonique public fixe qui relie le central téléphonique de l'opérateur au poste de l'utilisateur final) et la structure des prix comprend des composantes comparables (à savoir les frais de mise en service et
les frais de connexion, d'une part, et la redevance d'utilisation des lignes dégroupées et la redevance d'abonnement, d'autre part). Le niveau du prix de l'abonnement mensuel devrait donc être globalement comparable à celui du tarif de l'accès dégroupé à la boucle locale.

78 En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que Telefónica a fixé le prix de l'abonnement mensuel pour les lignes résidentielles de la manière suivante:

- approximativement 1 742 ESP pour l'année 2001 (36);

- 1 942 ESP pour l'année 2002 (37), et - 2 100 ESP pour l'année 2003 (38).

79 Or, s'agissant de l'accès dégroupé à la boucle locale, nous avons vu que les autorités espagnoles ont fixé un tarif différent. En effet, l'Orden du 29 décembre 2000 (39), précité, a fixé ce tarif à 2 163 ESP en 2001, à 2 100 ESP en 2002 et à 2 050 ESP en 2003.

80 Il résulte de cette comparaison que le prix de l'abonnement mensuel sera resté inférieur au tarif de l'accès dégroupé à la boucle locale en 2001 (avec une différence de 19,43 %) et en 2002 (avec une différence de 7,52 %). Ce n'est qu'en 2003 que le prix de l'abonnement mensuel se situera à un niveau supérieur au tarif de l'accès à la boucle locale (avec une différence de 2,38 %).

81 Les arguments avancés par le gouvernement espagnol pour infirmer cette analyse ne sont pas de nature à convaincre.

82 Le gouvernement espagnol estime que le fait que le tarif de l'abonnement mensuel soit inférieur à celui de l'accès dégroupé à la boucle locale n'est pas de nature à entraver la concurrence ni à placer les nouveaux opérateurs dans une situation défavorable. Selon lui, on ne peut conclure à l'existence de distorsions de concurrence qu'en tenant compte de plusieurs facteurs et, notamment, du fait que les nouveaux entrants ne sont pas soumis aux obligations de service universel (40).

83 Par ailleurs, le gouvernement espagnol indique que le prix de l'abonnement mensuel a augmenté de plus de 56 % pour les lignes résidentielles depuis le mois d'août 1998, de sorte que l'effort demandé aux consommateurs concernant le coût fixe du service téléphonique aurait permis de supprimer le déficit d'accès en 2002.

84 Ces arguments nous paraissent inopérants. En effet, dans son mémoire en défense, le gouvernement espagnol ne semble pas réellement contester la pertinence de la seconde méthode de calcul ni même l'existence d'une différence entre le prix de l'abonnement mensuel et le tarif de l'accès à la boucle locale. Comme pour la première méthode de calcul, le gouvernement espagnol semble reconnaître l'existence d'un déficit d'accès jusqu'au début de l'année 2002 (41).

85 En conséquence, nous pensons que les éléments du dossier permettent à la Cour de conclure que le rééquilibrage tarifaire exigé par l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée n'aura pas été réalisé par l'opérateur historique espagnol avant le début de l'année 2003 et, en tout cas, avant l'expiration du délai imparti par l'avis motivé.

86 Il reste donc à vérifier si ce déséquilibre tarifaire résulte du comportement de Telefónica ou des mesures adoptées par les autorités espagnoles.

B - Sur l'imputabilité du déséquilibre tarifaire

87 Il est utile de rappeler que, sur le plan pratique, le rééquilibrage tarifaire devait se traduire par une hausse de la redevance initiale de connexion, du prix de l'abonnement mensuel et des tarifs des communications locales ainsi que par une baisse des tarifs des communications nationales et internationales.

88 Jusqu'à l'entrée en vigueur du régime de «price cap» en 2001, les autorités espagnoles procédaient elles-mêmes aux différentes hausses et baisses des tarifs des éléments du service de téléphonie vocale. Ainsi, nous savons que:

- l'Orden du 18 mars 1997, précité, a augmenté le prix de l'abonnement mensuel et des appels locaux de 16 et 13 % et a diminué le prix des appels provinciaux, interprovinciaux et internationaux de 5, 15 et 12 %;

- l'Orden du 31 juillet 1998, précité, a fixé le prix de l'abonnement mensuel à 1 442 ESP pour les lignes résidentielles et à 1 797 ESP pour les «líneas de enlace»;

- le 16 avril 1999, les autorités espagnoles ont procédé à une nouvelle réduction des tarifs provinciaux, interprovinciaux et internationaux, et que

- le Real Decreto-Ley 16/1999, précité, a procédé à trois hausses successives de 100 ESP pour l'abonnement mensuel, en août 2000, en mars 2001 et en août 2001.

89 Il en résulte que, jusqu'à la mise en oeuvre du mécanisme de «price cap», Telefónica ne disposait d'aucune marge de manoeuvre dans la fixation de ses tarifs. On peut donc considérer que l'absence de rééquilibrage tarifaire pour les années 1999 et 2000 relève exclusivement de la responsabilité des autorités espagnoles.

90 S'agissant des années suivantes, le régime de «price cap» a accordé une certaine liberté à l'opérateur historique espagnol (42). Ce régime, qui repose sur un système de plafonnement de prix, indique les limites dans lesquelles, chaque année, Telefónica est autorisée à augmenter ou à baisser ses prix.

91 Il semble néanmoins que la liberté accordée à Telefónica était insuffisante pour lui permettre de procéder au rééquilibrage tarifaire exigé par la directive 90/388 modifiée.

92 En effet, dans son mémoire en défense (43), le gouvernement espagnol a contesté l'affirmation de la Commission selon laquelle Telefónica n'aurait pas utilisé sa liberté tarifaire en 2002 et en 2003. Il a indiqué que «Telefónica a utilisé toute la marge de manoeuvre que lui offre [le régime de «price cap»] en augmentant les prix de l'abonnement des lignes professionnelles et résidentielles le 1er janvier 2002 jusqu'à la limite prévue pour l'ensemble de l'année».

93 Or, il ressort des considérations exposées ci-dessus (44) que l'usage, même maximal, de cette liberté n'a pas suffi pour atteindre l'équilibre tarifaire exigé par la directive 90/388 modifiée. Le déséquilibre tarifaire constaté pour la période 2001-2002 ne saurait donc être imputé au comportement de Telefónica. Au contraire, ce déséquilibre semble résulter des mesures, et notamment des plafonds, adoptées par les autorités espagnoles.

94 Sur la base des éléments du dossier, nous proposons donc à la Cour de constater que le royaume d'Espagne n'a pas adopté l'ensemble des mesures nécessaires pour permettre à son organisme de télécommunications de procéder au rééquilibrage de ses tarifs, conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388 modifiée.

V - Conclusion

95 Nous suggérons donc à la Cour d'accueillir le recours et de statuer comme suit:

«1) En omettant d'adopter l'ensemble des mesures nécessaires pour permettre à l'opérateur historique de télécommunications, Telefónica de España SA, de procéder au rééquilibrage de ses tarifs conformément à l'article 4 quater de la directive 90/388/CEE de la Commission, du 28 juin 1990, relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications, telle que modifiée par la directive 96/19/CE de la Commission, du 13 mars 1996, le royaume d'Espagne a manqué aux obligations qui lui
incombent en vertu desdites directives.

2) Le royaume d'Espagne est condamné aux dépens.»

(1) - JO L 192, p. 10.

(2) - JO L 74, p. 13.

(3) - Voir deuxième considérant.

(4) - JO L 243, p. 48.

(5) - JO L 336, p. 4.

(6) - Voir, également, article 2, sous c), dudit règlement.

(7) - Voir requête (points 13 à 20) et mémoire en défense (points 13 à 29).

(8) - BOE n_ 74, du 27 mars 1997, p. 10079.

(9) - BOE n_ 188, du 7 août 1998, p. 26858.

(10) - BOE n_ 248, du 16 octobre 1999, p. 36561.

(11) - BOE n_ 183, du 1er août 2000, p. 27564.

(12) - BOE n_ 118, du 17 mai 2001, p. 17456.

(13) - BOE n_ 151, du 24 juin 2000, p. 22458.

(14) - BOE n_ 307, du 23 décembre 2000, p. 45567.

(15) - BOE n_ 131, du 30 décembre 2000, p. 49758.

(16) - Voir point 27 des présentes conclusions.

(17) - Ibidem (point 24).

(18) - Ibidem (point 43).

(19) - Il faut souligner le royaume d'Espagne a déposé son mémoire en défense le 25 mars 2002. À cette date, les parties ne pouvaient donc évidemment connaître les résultats de Telefónica pour les années 2002 et 2003 puisque ces résultats n'existaient pas.

(20) - La directive 96/19 est entrée en vigueur le 11 avril 1996 (conformément à son article 3).

(21) - Sur cette exigence, voir, notamment, conclusions de l'avocat général Geelhoed dans l'affaire Commission/France (arrêt du 6 décembre 2001, C-146/00, Rec. p. I-9767, point 44), qui indique que l'exigence d'un calendrier détaillé ne saurait évidemment se satisfaire de la mention d'une simple échéance finale.

(22) - L'exigence d'une telle approbation résulte, selon nous, implicitement de la directive 96/19. En effet, dans la mesure où le calendrier détaillé a pour effet de reporter le délai d'exécution de l'obligation litigieuse (ainsi que le rééquilibrage tarifaire) et dans la mesure où ce calendrier pourrait servir de base à l'introduction d'un nouveau recours en manquement, il est difficile d'imaginer que la Commission n'exerce aucun contrôle sur les calendriers transmis par les États membres.
L'économie et la finalité de la directive 96/19 nous semblent, au contraire, exiger que la Commission marque son accord sur ces calendriers de mise en oeuvre.

(23) - Voir requête (point 66).

(24) - Les obligations dont le report est autorisé sont l'octroi effectif de nouvelles licences pour la fourniture de la téléphonie vocale et des réseaux publics de télécommunications (voir point 12 des présentes conclusions) ainsi que la notification à la Commission et la publication de toutes les procédures d'autorisation ou de déclaration pour la fourniture de la téléphonie vocale et la mise en place de réseaux publics de télécommunications, et des modalités détaillées du régime national envisagé
pour partager le coût net de l'obligation de service universel [voir article 1er, sous a) et b), de la décision 97/603].

(25) - Voir requête (points 46 à 50).

(26) - Voir point 38 des présentes conclusions.

(27) - Points 27 et 28.

(28) - Annexe 24 de la requête.

(29) - Voir mémoire en défense (point 34).

(30) - Lettre du 29 mars 2001 (annexe 22 de la requête, point 3, deuxième alinéa).

(31) - Mémoire en défense (points 27 et 28).

(32) - Ibidem (point 35).

(33) - Ibidem (point 36, deuxième alinéa).

(34) - Le délai initial de deux mois imparti par la Commission a été prorogé d'un mois à la demande des autorités espagnoles (voir mémoire en défense, point 11). L'avis motivé complémentaire ayant été émis le 27 juillet 2001, le délai expirait trois mois plus tard, soit le 27 octobre 2001.

(35) - Voir requête (point 48).

(36) - Ce chiffre résulte de l'addition du prix de l'abonnement téléphonique fixé par l'Orden du 31 juillet 1998, précité (point 20 des présentes conclusions), soit 1 442 ESP, et des trois hausses successives de 100 ESP prévues en août 2000, en mars 2001 et en août 2001 par le Real Decreto-Ley 16/1999, précité (point 22 des présentes conclusions).

(37) - Ce chiffre a été avancé par la Commission (voir requête, point 56) et expressément confirmé par le gouvernement espagnol (voir mémoire en défense, points 28 et 35).

(38) - Ce chiffre a été avancé par la Commission (voir requête, point 56) et expressément confirmé par le gouvernement espagnol (voir mémoire en défense, point 28)

(39) - Voir point 29 des présentes conclusions.

(40) - Voir mémoire en défense (points 39 à 41).

(41) - Voir mémoire en défense (point 54).

(42) - Voir point 25 des présentes conclusions.

(43) - Points 51 et 52.

(44) - Voir points 63 à 85 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-500/01
Date de la décision : 10/07/2003
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'État - Marché des services de télécommunications - Rééquilibrage tarifaire - Accès à la boucle locale - Directive 90/388/CEE - Article 4 quater.

Télécommunications

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume d'Espagne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2003:405

Source

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