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07/05/2003 | CJUE | N°T-23/01

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Eugène Émile Marie Kimman contre Commission des Communautés européennes., 07/05/2003, T-23/01


Avis juridique important

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62001A0023

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 7 mai 2003. - Eugène Émile Marie Kimman contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Congé annuel - Affectation dans un pays tiers - Exception d'illégalité. - Affaire T-23/01.
Recueil de

jurisprudence - fonction publique 2003 page IA-00135
page II-00649

Part...

Avis juridique important

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62001A0023

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre) du 7 mai 2003. - Eugène Émile Marie Kimman contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Congé annuel - Affectation dans un pays tiers - Exception d'illégalité. - Affaire T-23/01.
Recueil de jurisprudence - fonction publique 2003 page IA-00135
page II-00649

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties

Dans l'affaire T-23/01,

Eugène mile Marie Kimman, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du 25 mai 2000 par laquelle la Commission a réduit d'un jour le congé annuel du requérant pour l'année 2000,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 2 octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

Cadre juridique

1 Aux termes de l'article 57 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»):

«Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de vingt-quatre jours ouvrables au minimum et de trente jours ouvrables au maximum, conformément à une réglementation à établir d'un commun accord entre les institutions des Communautés après avis du comité du statut [...].»

2 L'article 60 du statut dispose:

«Sauf en cas de maladie ou d'accident, le fonctionnaire ne peut s'absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l'application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l'intéressé. En cas d'épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante [...].»

3 L'article 61 du statut prévoit:

«La liste des jours fériés est arrêtée d'un commun accord entre les institutions des Communautés, après avis du comité du statut.»

4 L'annexe X du statut comporte les dispositions particulières et dérogatoires applicables aux fonctionnaires affectés dans un pays tiers. L'article 6 de cette annexe est rédigé comme suit:

«Le fonctionnaire a droit, par année civile, à un congé annuel de cinq jours [de] calendrier par mois de service.»

5 L'article 9, paragraphe 1, de l'annexe X du statut précise:

«Le congé annuel peut être pris en une ou plusieurs fois, selon les convenances du fonctionnaire et compte tenu des nécessités du service. Il doit toutefois comporter au moins une fois une période de vingt jours de calendrier.»

6 La réglementation fixant la liste des jours fériés des fonctionnaires des Communautés européennes, adoptée par les institutions communautaires sur la base de l'article 61 du statut (ci-après la «réglementation commune»), est entrée en vigueur le 1er octobre 1966. Son article 1er, paragraphe 1, détermine une liste de onze jours fériés. Le paragraphe 2 du même article indique en outre cinq autres jours pouvant être considérés comme fériés. Le paragraphe 3 de l'article 1er précise que, «[p]ar
décision spéciale, l'institution peut déroger aux règles énoncées aux paragraphes 1 et 2».

7 Le 14 décembre 1998, la Commission a adopté, sur la base de l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune, par la voie de la procédure écrite (E/2488/98), la liste des jours fériés, au nombre de 17, pour l'année 1999 (publiée aux Informations administratives dans le numéro spécial du 21 décembre 1998).

8 La décision de la Commission, du 17 juillet 1997, adoptée sur la base de l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune prévoit:

«1. Dorénavant, les délégations du service extérieur unifié dans les pays tiers doivent observer, au titre des jours de fermeture des bureaux, ceux suivis par l'administration publique du pays d'affectation dans la limite d'un plafond de six jours maximum par an.

2. Chaque chef de délégation décidera de la répartition sur l'année de ce forfait de six jours en tenant compte du paragraphe précédent et des pratiques diplomatiques des ambassades des États membres.

3. La présente décision entre en vigueur le 1er janvier 1997 et remplace à partir de cette date la circulaire administrative n_ 27 de 1989.»

9 Une directive interne de la Commission, également du 17 juillet 1997, relative à la gestion des congés des fonctionnaires affectés dans un pays tiers, prévoit ce qui suit:

«1. Le fonctionnaire affecté dans un pays tiers a droit, par année civile, à un congé annuel de cinq (5) jours de calendrier par mois de service et, en conséquence, pour l'année civile à un congé annuel de soixante (60) jours de calendrier, qui sont comptabilisés, en terme de gestion, en jours ouvrables en appliquant le multiple de 5/7 et en arrondissant au nombre entier le plus proche.

2. La présente directive entre en vigueur le 1er janvier 1997. Elle annule et remplace, à compter de cette date, les directives internes relatives à la gestion des congés en vigueur depuis le 10 octobre 1987.»

Faits et procédure

10 Le requérant, fonctionnaire de la Commission de catégorie B, a été affecté à la délégation de la Commission à Riga (Lettonie) (ci-après la «délégation») du 5 mars 1996 au 10 février 2000.

11 Le 25 novembre 1998, le chef de la délégation a transmis au chef de l'unité «Politique de représentation extérieure, formation, information, coopération avec les services extérieurs nationaux» de la direction «Gestion du service extérieur» de la direction générale (DG) «Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur» une liste de huit jours de fermeture des bureaux, établie conformément «à la législation et à la pratique
locales».

12 Par note du 2 décembre 1998, le directeur de la direction «Gestion du service extérieur» de la DG «Relations extérieures: Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur» a rappelé au chef de la délégation la décision de la Commission du 17 juillet 1997 de fixer à six jours la période maximale annuelle de fermeture des bureaux. Dans cette même note, il a indiqué que deux jours de congé annuel seraient déduits lors de l'établissement du décompte
des jours de congé des fonctionnaires pour l'année 1999.

13 Par note du 22 avril 1999, l'unité «Droits et obligations» de la direction «Gestion du service extérieur» a communiqué au requérant le décompte de ses jours de congé pour l'année 1999, sur lequel il apparaît que le report annuel des jours de congé est réduit des deux jours correspondant aux jours de fermeture de la délégation en 1998 dépassant les six jours autorisés par la décision de la Commission du 17 juillet 1997.

14 Le 16 juillet 1999, le requérant a introduit une réclamation contestant le bien-fondé de la décision de l'administration de réduire de deux jours la durée de son congé annuel. Cette réclamation a été rejetée par décision implicite du 16 novembre 1999, que le requérant n'a pas contestée devant le Tribunal.

15 Par note du 4 juin 1999, adressée notamment au requérant, le directeur de la direction «Gestion du service extérieur» a indiqué que, si le nombre de jours de fermeture de la délégation pour l'année 1999, fixé à sept par une décision du chef de la délégation du 26 janvier 1999, n'était pas réduit à six, un jour de congé devrait être imputé sur la durée du congé annuel des fonctionnaires concernés pour l'année 2000.

16 Par note du 25 mai 2000, le chef de l'unité «Droits et obligations» de la direction «Service extérieur» de la DG «Relations extérieures» a informé le chef de la délégation qu'un jour de congé annuel avait été déduit des droits à congé pour l'année 2000 des fonctionnaires affectés à cette délégation en 1999. Le 8 août 2000, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision pour autant qu'elle le concerne (ci-après la «décision attaquée»). Cette réclamation a été rejetée par décision
explicite de la Commission du 13 octobre 2000.

17 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 janvier 2001, le requérant a introduit le présent recours.

Conclusions des parties

18 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision attaquée en ce que son droit au congé annuel pour l'année 2000 est réduit d'un jour;

- condamner la Commission aux dépens.

19 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours comme étant irrecevable et, subsidiairement, comme étant non fondé;

- statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

20 Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité, la Commission s'interroge sur la recevabilité du présent recours. Elle relève que le requérant n'a pas introduit de recours en annulation à l'encontre de la décision de la Commission du 22 avril 1999, après que celle-ci eut cependant fait l'objet d'une réclamation le 16 juillet 1999, implicitement rejetée par la Commission. Or, le présent recours devant le Tribunal reposerait sur une contestation identique sur le fond.

21 Le requérant réplique que la décision de la Commission du 22 avril 1999 et la décision attaquée sont des actes distincts qui lui ont chacun porté préjudice. La circonstance, à la supposer exacte, que les griefs invoqués par le requérant dans ses deux réclamations et dans le présent recours en annulation seraient identiques n'aurait donc aucune incidence sur la recevabilité dudit recours.

Appréciation du Tribunal

22 Il suffit de relever que la décision attaquée n'est pas confirmative de la décision de la Commission du 22 avril 1999, dès lors qu'elle a pour objet de déterminer les droits à congé du requérant pour l'année 1999 en tenant compte de ses absences pendant l'année 1998. En revanche, la décision attaquée détermine ses droits à congé pour l'année 2000 en tenant compte de ses absences en 1999. Dans ces conditions, la circonstance que les griefs du requérant à l'égard des deux décisions en question sont
les mêmes ne le prive pas du droit de les contester l'une et l'autre, dès lors que la seconde n'est nullement un acte purement confirmatif de la première.

23 Il découle de ce qui précède que le présent recours est recevable.

Sur le fond

24 Le requérant soulève trois moyens tirés, le premier, de l'illégalité de la décision de la Commission du 17 juillet 1997, le deuxième, d'une violation de la décision de la Commission du 14 décembre 1998 et, le troisième, d'une violation de l'article 60 du statut.

Sur le premier moyen, tiré de l'illégalité de la décision de la Commission du 17 juillet 1997

Arguments des parties

25 Le requérant relève que, selon les termes de l'article 6 de l'annexe X du statut, les fonctionnaires affectés dans un pays tiers ont droit, par année civile, à un congé annuel de cinq jours de calendrier par mois de service. Or, par une directive interne adoptée le 17 juillet 1997, ces jours de calendrier auraient été convertis en 43 jours ouvrables. Rien ne permettrait pourtant de considérer que le congé annuel ainsi octroyé aux fonctionnaires placés dans cette situation contient un certain
nombre de jours fériés communautaires, comme l'énonce la Commission dans sa décision du 17 juillet 1997. Cette décision serait donc incompatible avec l'article 6 de l'annexe X du statut et, partant, illégale.

26 En outre, la décision du 17 juillet 1997 serait contraire au principe du libre choix des congés. Par ailleurs, la décision du 17 juillet 1997 serait entachée d'une violation du principe d'égalité de traitement. Étant donné que les fonctionnaires affectés au siège de la Commission (à Bruxelles et à Luxembourg) bénéficient de 17 jours fériés, le fait de limiter à six le nombre de jours fériés pour les fonctionnaires affectés dans les pays tiers serait constitutif d'une discrimination injustifiée à
leur égard.

27 L'argument de la Commission tiré de ce que les fonctionnaires affectés dans un pays tiers bénéficient d'un nombre de jours de congé plus important que les fonctionnaires affectés au siège, ce qui justifierait qu'il leur soit accordé un nombre de jours fériés moins important, serait sans pertinence. En effet, le nombre de jours de congé plus élevé prévu à l'article 6 de l'annexe X du statut aurait pour finalité de compenser l'éloignement du siège de la Commission ainsi que les conditions de vie
souvent moins favorables dans les pays tiers, notamment en ce qui concerne la qualité des soins médicaux.

28 Par ailleurs, la décision du 17 juillet 1997 aboutirait à une discrimination injustifiée entre les fonctionnaires affectés dans un pays tiers et les agents locaux en service dans les délégations situées dans un tel pays. En effet, ces deux catégories de personnel seraient confrontées aux mêmes conditions locales propres au lieu d'affectation et il n'y aurait donc aucune raison d'établir une distinction entre elles pour la détermination du nombre de jours fériés.

29 En ce qui concerne les travaux préparatoires de l'annexe X du statut, produits par la Commission (annexe 13 au mémoire en défense), le requérant relève que s'il en ressort que l'article 6 de cette annexe a été conçu en vue de répondre aux conditions particulières propres à certains pays, ce système a ensuite été étendu à tous les pays tiers de manière forfaitaire, pour des raisons de simplification. La référence à une solution qui «tiendrait compte [...] des jours fériés propres à chaque pays» ne
saurait être interprétée en ce sens que les jours de congé y prévus comprennent des jours fériés.

30 Le requérant relève que la position prise par le Conseil dans ses dispositions générales d'exécution de ladite annexe pour ses fonctionnaires en poste à Genève (Suisse) ou à New York (États-Unis), produites également par la Commission (annexe 14 au mémoire en défense), n'est pas transposable à la situation des diverses délégations de la Commission. En outre, la circulaire administrative n_ 27, du 13 avril 1989, adoptée par la direction de l'administration des délégations et à laquelle se réfère
la Commission, prévoirait que les délégations doivent observer les jours fériés qui sont repris dans la liste officielle de chaque pays hôte ainsi que, en outre, le 9 mai. La décision de la Commission du 17 juillet 1997 serait donc en contradiction avec cette circulaire.

31 De surcroît, la réglementation commune prévoirait onze jours fériés pour les fonctionnaires et autres agents des institutions communautaires. Selon le requérant, la Commission ne saurait s'appuyer sur l'article 1er, paragraphe 3, de cette réglementation pour fonder sa décision du 17 juillet 1997, dès lors que, selon les termes de l'article 61 du statut, la liste des jours fériés est arrêtée d'un commun accord entre les institutions après avis du comité du statut. Or, ces deux conditions
n'auraient pas été respectées lors de l'adoption de ladite décision du 17 juillet 1997.

32 La Commission fait valoir que sa décision du 17 juillet 1997 limitant à six jours le nombre de jours de fermeture des délégations dans les pays tiers a été adoptée régulièrement sur la base de l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune. Contrairement à ce qu'affirme le requérant, ce serait la réglementation commune, et non la décision de la Commission du 17 juillet 1997, qui devait être adoptée dans les conditions prévues à l'article 61 du statut.

33 Par ailleurs, les cinq jours de calendrier de congé par mois contiendraient nécessairement aussi bien des week-ends que des jours chômés, ce qui ressortirait d'ailleurs clairement du document intitulé «Note à l'attention des membres de la Commission européenne» qui accompagne la décision du 17 juillet 1997. La Commission relève, à cet égard, que le nombre de jours de congé ainsi prévu, exprimé en jours ouvrables, est de 43 jours, comparé à un résultat de 24 jours pour les fonctionnaires affectés
au siège de la Commission.

34 Selon la Commission, cette différence de 19 jours est manifestement trop importante pour compenser l'éloignement du siège, d'autant plus que l'éloignement n'est pas une caractéristique commune de toutes les affectations dans des pays tiers. Elle souligne que sa décision du 17 juillet 1997 a rétabli l'équilibre, à cet égard, entre les fonctionnaires du siège et ceux affectés dans les délégations des pays tiers. En effet, elle aurait ramené cette différence, jours fériés compris, à six, à sept ou à
huit jours selon les années, soit 41 à 43 jours de congé ou fériés pour les fonctionnaires du siège et 49 jours de congé ou fériés pour ceux affectés dans une délégation d'un pays tiers.

35 Par ailleurs, la Commission fait valoir que les conditions de vie particulièrement éprouvantes dans certains lieux d'affectation sont prises en compte par une autre disposition, à savoir l'article 8 de l'annexe X du statut, et que les différences de conditions de vie dans certains pays tiers ne sauraient dès lors être invoquées pour justifier la différence très importante du nombre de jours de congé relevée ci-dessus. En outre, l'éloignement serait compensé également par l'augmentation des jours
de congé accordés à tous les fonctionnaires au titre du délai de route.

36 La Commission invoque les travaux préparatoires de l'annexe X du statut (annexe 13 au mémoire en défense), selon lesquels la solution ensuite retenue à son article 6 «tiendrait compte [...] des jours fériés propres à chaque pays [$] l'avantage relatif [apparaissant] limité par rapport aux fonctionnaires du siège». Elle relève, en outre, que le Conseil a adopté, conformément à l'article 110 du statut, des dispositions générales d'exécution (n_ 138/88) qui prévoient de déduire des droits au congé
annuel de ses fonctionnaires en poste à Genève ou à New York le contingent des jours fériés communautaires. Enfin, elle fait référence à la circulaire administrative n_ 27, du 13 avril 1989, adoptée par la direction de l'administration des délégations, qui, selon elle, prévoyait déjà à l'époque que les délégations devaient observer les seuls jours fériés du pays hôte ainsi que le 9 mai, tous les autres jours fériés communautaires étant «déjà pris en compte dans le droit de base de congé annuel pour
les fonctionnaires hors Communauté [...]». Toutefois, cette circulaire ne serait plus en vigueur, ayant été remplacée par la décision de la Commission du 17 juillet 1997, et le requérant ne saurait donc réclamer son application en l'espèce. La décision du 17 juillet 1997 aurait eu pour objectif supplémentaire de supprimer les divergences importantes entre le nombre de jours de fermeture des délégations dans les pays tiers résultant du fait que le nombre de jours fériés dans ces pays, observés
jusqu'alors par ces délégations conformément à la circulaire administrative n_ 27, du 13 avril 1989, variait de 6 à 27 jours.

37 Quant à l'argument tiré d'une prétendue discrimination entre les fonctionnaires du siège et ceux affectés aux délégations dans les pays tiers, la Commission soutient qu'il s'agit de deux catégories de personnel bénéficiant de conditions de service différentes et, notamment, de droits à congé différents et qu'il ne saurait, dès lors, y avoir de discrimination entre eux. Elle relève par ailleurs que, selon l'article 79 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes et la
réglementation-cadre fixant les conditions d'emploi des agents locaux en service dans un pays tiers, les droits à congé de ces derniers sont fonction de la réglementation et des usages locaux, de sorte que toute comparaison entre les droits de cette catégorie de personnel et les fonctionnaires affectés aux délégations est sans pertinence.

38 Enfin, la Commission fait valoir que le «libre choix» du fonctionnaire concernant le moment où il prend ses congés, invoqué par le requérant, est limité, selon l'article 9 de l'annexe X du statut, par la nécessité de tenir compte des exigences du service.

Appréciation du Tribunal

39 Le requérant a excipé de l'illégalité de la décision du 17 juillet 1997, au motif que la Commission a violé l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune en l'invoquant comme base légale pour l'adoption de ladite décision. Ainsi qu'il a été rappelé au point 25, le requérant estime que la Commission ne peut utiliser le pouvoir qui lui est reconnu par ces dispositions pour modifier le nombre de jours de congé accordés aux fonctionnaires affectés dans les délégations des pays tiers. Il
soutient en effet que la différence entre le nombre de jours de congé accordés aux fonctionnaires du siège et à ceux des délégations situées dans les pays tiers est compensée de manière appropriée par l'article 6 de l'annexe X du statut. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le requérant reproche à la Commission, non seulement la violation d'une règle de droit, mais également l'utilisation de cette dernière dans un but différent de celui pour lequel elle a été édictée. Le requérant fait
en réalité grief à la Commission d'avoir, notamment, poursuivi un but différent de celui pour lequel ledit article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune était prévu, dans la mesure où elle a cherché à corriger ce qu'elle considérait être une surcompensation des sujétions inhérentes à la situation des fonctionnaires des délégations situées dans les pays tiers, matérialisée en termes de nombre total de jours chômés, fériés et de congé confondus. Il s'ensuit que le présent moyen est tiré, en
partie, d'un détournement de pouvoir.

40 À cet égard, il convient de rappeler d'emblée que le détournement de pouvoir est réputé exister s'il est prouvé qu'en adoptant l'acte litigieux l'institution a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s'il apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, que l'acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. I-A-61 et II-187, point 70).

41 En ce qui concerne le contexte spécifique de la présente affaire, il y a lieu de relever, à titre liminaire, que l'article 57 du statut dispose que le fonctionnaire a droit par année civile à un congé annuel de 24 jours ouvrables au minimum et de 30 jours ouvrables au maximum, conformément à une réglementation à établir par les institutions communautaires après avis du comité du statut. De même, l'article 6 de l'annexe X du statut crée un droit à congé de cinq jours de calendrier par mois de
service dans le chef du fonctionnaire affecté dans un pays tiers.

42 En revanche, ni l'article 61 du statut ni l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la réglementation commune ne se réfèrent à un droit au bénéfice de jours fériés pour les fonctionnaires. En effet, l'article 61 du statut prévoit une «liste des jours fériés » et l'article 1er de la réglementation commune, qui met en oeuvre cette disposition statutaire, dispose que certains jours sont, ou peuvent être, «considérés» comme jours fériés. En outre, l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation
commune, cité in extenso au point 5 ci-dessus, permet aux institutions de déroger à la liste des jours fériés ainsi établie.

43 Dans ces conditions, force est de constater que les jours de congé auxquels le fonctionnaire a droit, d'une part, et les jours fériés qui sont fixés par les institutions sans impliquer la création d'un droit dans le chef du fonctionnaire, d'autre part, sont de nature différente et que, dès lors, ils ne sont pas interchangeables. Ainsi, il n'y a pas lieu, en principe, de tenir compte du nombre de jours de congé auxquels les fonctionnaires ont droit, aux fins de la fixation des jours fériés.

44 En outre, l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune ne précise pas explicitement à quelles fins la Commission peut déroger à la liste de base des jours fériés communautaires prévue à son article 1er, paragraphes 1 et 2. Toutefois, il résulte clairement, tant du libellé que de l'économie générale de ladite réglementation, que cette disposition a pour objectif de permettre aux institutions de modifier séparément leur régime de jours fériés.

45 Par sa décision du 17 juillet 1997, la Commission a modifié son régime de jours fériés pour une catégorie de fonctionnaires seulement, à savoir ceux affectés dans les délégations des pays tiers. Cette utilisation du pouvoir de dérogation dont elle dispose ne constitue pas, en tant que telle, une violation de l'article 1er, paragraphe 3, de la réglementation commune.

46 Toutefois, il a été expressément précisé dans la note à l'attention des membres de la Commission, qui explique le projet de décision et le projet de directive interne adoptés le 17 juillet 1997, annexée au mémoire en défense, que l'un des motifs devant conduire à l'adoption de la décision proposée résidait dans le fait que le système en vigueur à l'époque, suivant lequel les délégations dans les pays tiers respectaient tous les jours fériés des différents pays hôtes, donnait lieu non seulement à
une discrimination entre les fonctionnaires des diverses délégations, mais aussi à une discrimination «entre ces fonctionnaires et ceux [du siège] qui bénéficient d'un nombre égal de 17 ou 18 jours fériés (suivant l'année) en plus de leur droit annuel de 24 jours ouvrables». Ladite note conclut à cet égard que «[l]e maintien de telles différences de traitement est difficilement justifiable».

47 Il y a lieu de déduire des circonstances relevées au point précédent que la Commission a voulu, notamment, par sa décision du 17 juillet 1997, compenser ce qu'elle percevait comme une discrimination au détriment des fonctionnaires du siège par rapport à ceux des délégations situées dans les pays tiers, résultant du fait que ces derniers ont droit à 43 jours de congé par an, contre 24 jours pour les fonctionnaires du siège. Or, quel que puisse être le mérite de cette appréciation, la Commission
n'est pas en droit d'utiliser un pouvoir de dérogation limité aux seuls jours fériés pour éliminer un prétendu déséquilibre en matière de jours de congé, lié au fait que les dispositions de l'annexe X du statut, applicables à certains de ses fonctionnaires mais non aux autres, seraient trop généreuses.

48 Si la Commission estimait, pour une quelconque raison, que le nombre de jours de congé attribués annuellement aux fonctionnaires des délégations était excessif, il lui appartenait d'entreprendre les démarches susceptibles d'aboutir à leur réduction plutôt que de compenser l'excès supposé en limitant, comme elle l'a fait, le nombre de jours fériés accordé dans les délégations situées dans les pays tiers.

49 En effet, l'article 6 de l'annexe X du statut créant des droits statutaires dans le chef des fonctionnaires concernés, la Commission ne saurait les en priver, que ce soit de manière directe ou, le cas échéant, indirecte, sauf à ce que cette disposition soit modifiée, une telle modification du statut ne pouvant être effectuée qu'en suivant la procédure spécifique prévue à cette fin.

50 En l'espèce, l'un des motifs avoués de la décision du 17 juillet 1997 est donc étranger à ceux pour lesquels le pouvoir de déroger à la liste des jours de congé a été attribué à la Commission. Par voie de conséquence, la décision de la Commission du 17 juillet 1997, qui sert de base légale à la décision attaquée, est entachée d'un détournement de pouvoir.

51 Il s'ensuit que le présent moyen est fondé et que la décision attaquée doit être annulée, sans qu'il y ait lieu de considérer les autres moyens et arguments avancés par le requérant.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

52 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(première chambre)

déclare et arrête:

1) La décision de la Commission du 25 mai 2000 est annulée en ce que le droit au congé annuel du requérant pour l'année 2000 est réduit d'un jour.

2) La Commission est condamnée aux dépens.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : T-23/01
Date de la décision : 07/05/2003
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Congé annuel - Affectation dans un pays tiers - Exception d'illégalité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Eugène Émile Marie Kimman
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2003:134

Source

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