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20/03/2003 | CJUE | N°C-378/01

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République italienne., 20/03/2003, C-378/01


Avis juridique important

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62001J0378

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 20 mars 2003. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'État - Directive 79/409/CEE - Zones de protection spéciale - Conservation des oiseaux sauvages. - Affaire C-378/01.
Recueil de jurispru

dence 2003 page I-02857

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur l...

Avis juridique important

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62001J0378

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 20 mars 2003. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'État - Directive 79/409/CEE - Zones de protection spéciale - Conservation des oiseaux sauvages. - Affaire C-378/01.
Recueil de jurisprudence 2003 page I-02857

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Parties

Dans l'affaire C-378/01,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valero Jordana et R. Amorosi, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, et M. Fiorilli, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en n'ayant pas classé en zones de protection spéciale un nombre et une superficie suffisants des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l'annexe I de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), telle que modifiée ultérieurement, ainsi que des autres espèces migratrices dont la venue en Italie est régulière, et en n'ayant pas communiqué à la Commission
toutes les informations nécessaires à propos de la plus grande partie desdites zones classées par ses soins, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, de ladite directive,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de M. J.-P. Puissochet, président de chambre, MM. R. Schintgen et C. Gulmann (rapporteur), Mmes F. Macken et N. Colneric, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 14 novembre 2002, au cours de laquelle la Commission a été représentée par M. R. Amorosi et la République italienne par M. A. Cingolo, avvocato dello Stato,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 12 décembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 octobre 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l$article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en n$ayant pas classé en zones de protection spéciale (ci-après les «ZPS») un nombre et une superficie suffisants des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l$annexe I de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103,
p. 1, ci-après la «directive»), telle que modifiée ultérieurement, ainsi que des autres espèces migratrices dont la venue en Italie est régulière, et en ne lui ayant pas communiqué toutes les informations nécessaires à propos de la plus grande partie desdites zones classées par ses soins, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l$article 4, paragraphes 1, 2 et 3, de ladite directive.

Le cadre juridique

2 L$article 2 de la directive prévoit que «[l]es États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de toutes les espèces d$oiseaux [vivant naturellement à l$état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité est d$application] à un niveau qui corresponde notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, compte tenu des exigences économiques et récréationnelles».

3 L'article 4, paragraphes 1, 2 et 3, de la directive dispose:

«1. Les espèces mentionnées à l$annexe I font l$objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d$assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

À cet égard, il est tenu compte:

a) des espèces menacées de disparition;

b) des espèces vulnérables à certaines modifications de leurs habitats;

c) des espèces considérées comme rares parce que leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est restreinte;

d) d$autres espèces nécessitant une attention particulière en raison de la spécification de leur habitat.

Il sera tenu compte, pour procéder aux évaluations, des tendances et des variations des niveaux de population.

Les États membres classent notamment en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces dernières dans la zone géographique maritime et terrestre d$application de la présente directive.

2. Les États membres prennent des mesures similaires à l$égard des espèces migratrices non visées à l$annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d$application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d$hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. À cette fin, les États membres attachent une importance particulière à la protection des zones humides et tout
particulièrement de celles d$importance internationale.

3. Les États membres adressent à la Commission toutes les informations utiles de manière à ce qu$elle puisse prendre les initiatives appropriées en vue de la coordination nécessaire pour que les zones visées au paragraphe 1, d$une part, et au paragraphe 2, d$autre part, constituent un réseau cohérent répondant aux besoins de protection des espèces dans la zone géographique maritime et terrestre d$application de la présente directive.»

La procédure précontentieuse

4 Estimant que la République italienne avait manqué à certaines des obligations découlant de l'article 4 de la directive, la Commission a, par lettre du 18 mars 1994, mis cet État membre en demeure de présenter ses observations à cet égard.

5 Dans cette lettre, la Commission soulignait notamment que la République italienne n'était pas encore parvenue à désigner les ZPS appropriées en nombre et en superficie tant pour les espèces visées à l'annexe I de la directive que pour les autres espèces migratrices qui viennent régulièrement en Italie. Selon la Commission, les autorités italiennes n'avaient désigné que 74 ZPS correspondant à une superficie de 310 400 ha environ et, au surplus, 22 de ces 74 zones concernaient des territoires ne
constituant pas des aires importantes pour l'avifaune. En outre, la Commission reprochait auxdites autorités l'absence de transmission des données quantitatives appropriées pour la plupart des ZPS désignées, de sorte qu'elle n'était pas en mesure d'effectuer toutes les vérifications nécessaires ni de procéder à la coordination du réseau de ces ZPS en Italie.

6 Par plusieurs lettres adressées à la Commission entre le 21 novembre 1994 et le 15 mai 1997, les autorités italiennes ont informé cette dernière de la désignation d$un total de 34 nouvelles ZPS et lui ont transmis les données techniques relatives à celles-ci.

7 Considérant que les mesures prises par la République italienne pour se conformer aux obligations prévues à l'article 4 de la directive demeuraient insuffisantes, la Commission a, par lettre du 18 août 1998, émis un avis motivé dans lequel elle constatait que, d'une part, le classement en ZPS était encore largement insuffisant au regard des exigences dudit article 4 et que, d'autre part, elle n'avait toujours pas eu communication de toute une série de données et d'informations concernant un grand
nombre de ZPS désignées par ledit État membre. La Commission invitait ce dernier à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis motivé dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

8 Entre le 19 novembre 1998 et le 9 août 2000, le gouvernement italien a adressé plusieurs communications à la Commission, par lesquelles il informait cette dernière des nouvelles désignations de ZPS et lui transmettait une documentation technique se rapportant à celles-ci tout comme aux ZPS désignées précédemment.

9 Considérant que ces communications ne lui permettaient pas de conclure que la République italienne s$était conformée aux obligations lui incombant en vertu de l$article 4 de la directive, la Commission a décidé d$introduire la présent recours.

Sur le recours

Sur l$insuffisance en nombre et en superficie des territoires classés en ZPS

Arguments des parties

10 La Commission se fonde sur l$Inventory of Important Bird Areas in the European Community (inventaire des aires importantes pour l$avifaune dans la Communauté européenne), publié en 1989 (ci-après l$«inventaire IBA 89»), pour soutenir que la République italienne n$a pas classé en ZPS un nombre et une superficie suffisants des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l$annexe I de la directive ainsi que des autres espèces migratrices dont la venue en Italie est
régulière, manquant ainsi aux obligations qui lui incombent en vertu de l$article 4, paragraphes 1 et 2, de celle-ci. En effet, sauf à rapporter la preuve scientifique contraire, les sites énumérés dans l$inventaire IBA 89 pourraient être considérés comme des territoires essentiels pour la conservation des espèces mentionnées à ladite annexe et des autres espèces migratrices. Par conséquent, ils devraient être classés en ZPS au sens de la disposition susmentionnée. Or, sur la base dudit inventaire,
il existerait en Italie 164 aires importantes pour l$avifaune, couvrant une superficie totale de 3 609 070 ha. Les autorités italiennes auraient classé jusqu$à présent 336 sites en ZPS, soit une superficie complète de 1 370 700 ha. 194 de ces ZPS ne coïncideraient, même partiellement, avec aucune des 164 aires importantes pour l$avifaune répertoriées dans l$inventaire IBA 89. Ainsi, un grand nombre des sites énumérés dans cet inventaire et une superficie importante de ceux-ci devraient encore être
classés en ZPS par les autorités italiennes pour que les dispositions de la directive soient respectées.

11 Selon le gouvernement italien, les mesures que les États membres adoptent pour assurer une diversité et une superficie suffisantes d$habitats pour toutes les espèces d$oiseaux sont conformes à la directive dès lors qu$elles sont proportionnelles à la population des espèces d$oiseaux protégés. À cet égard, il précise que celle-ci doit être déterminée en relation avec les exigences écologiques, scientifiques et culturelles propres à chacune des espèces, en prenant également en considération les
exigences économiques et récréatives de la zone géographique considérée.

12 Ledit gouvernement fait valoir que le grief tiré d$un manquement à l$obligation de protection doit indiquer les critères scientifiques sur lesquels il se fonde. Or, la Commission se serait bornée à émettre des critiques purement formelles, dans un domaine qui n$admet pas le renversement de la charge de la preuve, sans aucune référence aux espèces protégées, aux voies de migration ni aux aires de stationnement, non plus qu$aux cultures locales et aux activités économiques des zones concernées. Les
critiques ainsi formulées seraient donc demeurées purement abstraites et, comme telles, impropres à fonder un recours en manquement.

13 Au surplus, le gouvernement italien relève que les mesures qu$il a prises pour se conformer aux obligations découlant de la directive résultent déjà de la documentation produite par la Commission au soutien de son recours. Ces mesures de sélection et d$enquête se poursuivraient. Postérieurement à l$envoi de la lettre de mise en demeure, les autorités italiennes auraient désigné 269 ZPS, ce qui constitue une augmentation de la superficie de celles-ci de 1 518 000 ha. Néanmoins, la désignation de
nouvelles ZPS serait encore en cours. Enfin, le gouvernement italien indique que, afin de mettre à jour l$inventaire IBA 89, le ministère de l$Environnement a, en décembre 2000, confié à la Lega italiana protezione uccelli (Association italienne pour la protection des oiseaux) la mission de réviser la liste des IBA situées sur le territoire italien.

Appréciation de la Cour

14 Il convient de rappeler, en premier lieu, que l$article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive impose aux États membres de classer en ZPS les territoires obéissant aux critères ornithologiques déterminés par ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 2 août 1993, Commission/Espagne, C-355/90, Rec. p. I-4221, points 26, 27 et 32).

15 En second lieu, il importe de souligner que tant les exigences économiques que celles récréatives énoncées à l$article 2 de la directive ne sauraient être prises en compte lors du choix et de la délimitation des ZPS (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 1998, Commission/Pays-Bas, C-3/96, Rec. p. I-3031, point 59).

16 Or, il est constant que les autorités italiennes ont continué à classer des territoires en ZPS après l$expiration du délai fixé dans l$avis motivé, notamment pour se conformer aux exigences de celui-ci.

17 En outre, le gouvernement italien a laissé entendre que le choix des ZPS dépend également d$exigences économiques ou récréatives.

18 Au surplus, il n$est pas contesté qu$un grand nombre et une superficie importante des sites énumérés dans l$inventaire IBA 89 n$ont pas été classés en ZPS par les autorités italiennes. À cet égard, il convient de relever que le gouvernement italien, bien qu$ayant maintenu, lors de l$audience, que ledit inventaire nécessitait une révision, a reconnu qu$il n$avait pas été en mesure de lui opposer un instrument plus performant. Dans ces conditions, compte tenu du caractère scientifique de
l$inventaire IBA 89 et de l$absence de tout élément de preuve scientifique produit par la République italienne, tendant notamment à démontrer qu$il pouvait être satisfait aux obligations découlant de l$article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive en classant en ZPS des sites autres que ceux résultant dudit inventaire et couvrant une superficie totale inférieure à celle de ces derniers, celui-ci, bien que n'étant pas juridiquement contraignant pour l'État membre concerné, peut être utilisé par la
Cour comme élément de référence permettant d$apprécier si la République italienne a classé un nombre et une superficie suffisants de territoires en ZPS aux sens des dispositions susmentionnées de la directive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Pays-Bas, précité, points 68 à 70).

19 À la lumière de ce qui précède, force est de constater que le grief tiré de l$insuffisance en nombre et en superficie des territoires classés en ZPS est fondé.

Sur le défaut de transmission à la Commission de toutes les informations utiles relatives aux ZPS

20 La Commission fait valoir que, en ne lui communiquant pas des données ornithologiques complètes et exactes et une cartographie suffisamment précise, les autorités italiennes ont violé l$article 4, paragraphe 3, de la directive.

21 Le gouvernement italien ne conteste pas ce grief. D$ailleurs, dans la lettre qu$il a adressée le 19 novembre 1998 à la Commission, il reconnaissait le caractère partiel des informations et de la cartographie qu$il avait précédemment communiquées à la Commission quant aux 108 zones déjà classées en ZPS.

22 Par conséquent, le grief tiré du défaut de transmission à la Commission de toutes les informations utiles relatives aux ZPS doit également être accueilli.

23 Il y a donc lieu de constater que, en n$ayant pas classé en ZPS un nombre et une superficie suffisants des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l$annexe I de la directive, telle que modifiée ultérieurement, ainsi que des autres espèces migratrices dont la venue en Italie est régulière, et en n$ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires à propos de la plus grande partie desdites zones classées par ses soins, la République italienne a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l$article 4, paragraphes 1, 2 et 3, de la directive.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

24 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s$il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République italienne et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En n$ayant pas classé en zones de protection spéciale un nombre et une superficie suffisants des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces visées à l$annexe I de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, telle que modifiée ultérieurement, ainsi que des autres espèces migratrices dont la venue en Italie est régulière, et en n$ayant pas communiqué à la Commission toutes les informations nécessaires à propos de la plus
grande partie desdites zones classées par ses soins, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l$article 4, paragraphes 1, 2 et 3, de ladite directive.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-378/01
Date de la décision : 20/03/2003
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'État - Directive 79/409/CEE - Zones de protection spéciale - Conservation des oiseaux sauvages.

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Gulmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2003:176

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