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16/05/2002 | CJUE | N°C-63/00

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Land Baden-Württemberg contre Günther Schilling et Bezirksregierung Lüneburg contre Hans-Otto Nehring., 16/05/2002, C-63/00


Avis juridique important

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62000J0063

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 mai 2002. - Land Baden-Württemberg contre Günther Schilling et Bezirksregierung Lüneburg contre Hans-Otto Nehring. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Politique agricole commune - Règlement (CEE)

nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certain...

Avis juridique important

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62000J0063

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 mai 2002. - Land Baden-Württemberg contre Günther Schilling et Bezirksregierung Lüneburg contre Hans-Otto Nehring. - Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Politique agricole commune - Règlement (CEE) nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires - Modalités d'application - Demandes d'aides 'animaux' - Contrôle des animaux - Réduction du montant de l'aide. - Affaire
C-63/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-04483

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Agriculture - Politique agricole commune - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides - Aides «animaux» - Différence constatée entre le nombre d'animaux déclarés dans la demande d'aide et le nombre constaté lors d'un contrôle - Réduction du montant de l'aide - Conditions

èglement de la Commission n° 3887/92, art. 10, § 2, al. 1)

Sommaire

$$L'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n° 3887/92, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, doit être interprété en ce sens que le montant unitaire de l'aide doit être diminué alors même que l'excédent du nombre d'animaux déclarés sur le nombre d'animaux constatés lors du contrôle ne repose pas sur une fausse déclaration du demandeur, mais tient au fait que, pour
certains animaux, les conditions requises pour l'octroi de la prime ne sont pas réunies.

( voir point 42 et disp. )

Parties

Dans l'affaire C-63/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Bundesverwaltungsgericht (Allemagne) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre

Laden Baden-Württemberg

et

Günther Schilling,

en présence de

Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht,

et entre

Bezirksregierung Lüneburg

et

Hans-Otto Nehring,

en présence de

Oberbundesanwalt beim Bundesverwaltungsgericht,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken (rapporteur), président de chambre, MM. C. Gulmann, R. Schintgen, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Nehring, par Me F. Schulze, Rechtsanwalt,

- pour le Land Baden-Württemberg, par M. Koch, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. G. Braun et M. Niejahr, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Nehring, représenté par Me F. Schulze, et de la Commission, représentée par MM. G. Braun et N. Niejahr, à l'audience du 5 juillet 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 septembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 18 janvier 2000, parvenue à la Cour le 28 février suivant, le Bundesverwaltungsgericht a posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre de deux litiges opposant, d'une part, le Land Baden-Württemberg à M. Schilling, exploitant agricole, et, d'autre part, la Bezirksregierung Lüneburg à M. Nehring, un autre exploitant agricole, au sujet des sanctions qui leur ont été infligées par les autorités nationales en vertu de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92.

La réglementation communautaire

Le régime d'aides applicable aux bovins

Le règlement (CEE) n_ 805/68

3 Le règlement (CEE) n_ 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), dans sa version résultant du règlement (CEE) n_ 2066/92 du Conseil, du 30 juin 1992 (JO L 215, p. 49), prévoit, à ses articles 4a à 4i, l'octroi de différentes primes, dont la prime spéciale pour les bovins mâles instituée par l'article 4b de ce dernier règlement.

Les modalités d'application des régimes d'aides

Le règlement (CEE) n_ 3508/92

4 Le règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992 (JO L 355, p. 1), établit un système intégré de gestion et de contrôle (ci-après le «SIGC») relatif à certains régimes d'aides communautaires octroyées dans le cadre de la politique agricole commune.

5 Conformément à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), premier tiret, du règlement n_ 3508/92, le SIGC s'applique, dans le secteur de la production animale, aux régimes de prime au bénéfice des producteurs de viande bovine établis par les articles 4a à 4h du règlement n_ 805/68, tel que modifié par le règlement n_ 2066/92.

6 L'article 6, paragraphe 8, du règlement n_ 3508/92 prévoit que, pour être admis au bénéfice de l'un des régimes communautaires visés à son article 1er, paragraphe 1, sous b), chaque exploitant présente une ou plusieurs demandes d'aides «animaux» au plus tard aux dates prévues par les régimes concernés.

Le règlement n_ 3887/92

7 Le règlement n_ 3887/92 établit des modalités d'application relatives au SIGC prévu par le règlement n_ 3508/92.

8 Conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement n_ 3887/92, sans préjudice des exigences relatives aux demandes d'aides établies dans les règlements sectoriels, la demande d'aides «animaux» contient toute information nécessaire et notamment l'identification de l'exploitant, le nombre et l'espèce des animaux pour lesquels le bénéfice d'une aide est demandé, le cas échéant, l'engagement de l'exploitant de les maintenir sur son exploitation pendant la période de rétention et l'indication du
lieu ou des lieux où cette rétention sera effectuée et une déclaration de l'exploitant indiquant qu'il a pris connaissance des conditions à remplir pour l'octroi des aides concernées.

9 L'article 6 du règlement n_ 3887/92 dispose:

«1. Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et primes.

[...]

3. Les contrôles sur place portent au moins sur un échantillon significatif de demandes. Cet échantillon doit représenter au moins:

- 10 % des demandes d'aides `animaux' ou des déclarations de participation,

[...]

4. Les demandes faisant l'objet de contrôles sur place sont déterminées par l'autorité compétente notamment sur base d'une analyse des risques ainsi que d'un élément de représentativité des demandes d'aides introduites. [...]

[...]»

10 L'article 10, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 est libellé comme suit:

«Lorsqu'il est constaté que le nombre d'animaux déclarés dans une demande d'aides dépasse le nombre d'animaux constatés lors du contrôle, le montant de l'aide est calculé sur base du nombre d'animaux constatés. Toutefois, sauf cas de force majeure et après application du paragraphe 5, le montant unitaire de l'aide est diminué:

a) dans les cas d'une demande concernant au maximum vingt animaux:

- du pourcentage correspondant à l'excédent constaté lorsque celui-ci est inférieur ou égal à deux animaux,

- du double [du] pourcentage correspondant à l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à deux et inférieur ou égal à quatre animaux.

Si l'excédent est supérieur à quatre animaux, aucune aide n'est octroyée;

b) dans les autres cas:

- du pourcentage correspondant à l'excédent constaté lorsque celui-ci est inférieur ou égal à 5 %,

- de 20 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 5 % et égal ou inférieur à 10 %,

- de 40 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal ou inférieur à 20 %.

Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 %, aucune aide n'est octroyée.

Les pourcentages visés au point a) sont calculés sur base du nombre demandé, ceux visés au point b), sur base du nombre déterminé.

Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave:

- l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause

et

- en cas d'une fausse déclaration faite délibérément, du bénéfice du même régime d'aides au titre de l'année civile suivante.

Lorsque l'exploitant n'a pas pu respecter son obligation de rétention en raison de cas de force majeure, le droit à la prime est maintenu pour le nombre d'animaux effectivement éligibles au moment où ce cas de force majeure est survenu.

Dans aucun cas, des primes ne sont octroyées pour un nombre d'animaux au-delà du nombre indiqué dans la demande d'aides.

Pour l'application du présent paragraphe, sont pris en compte séparément les animaux pouvant bénéficier d'une prime différente.»

Les litiges au principal et la question préjudicielle

11 Deux litiges sont à l'origine de la présente demande préjudicielle. Le premier litige oppose le Land Baden-Württemberg à M. Schilling au sujet de la demande présentée par celui-ci le 14 mai 1993 en vue d'obtenir la prime spéciale pour bovins mâles pour vingt-trois animaux qui avaient déjà été abattus en janvier de ladite année, ainsi que pour quatre taureaux exportés à destination de l'Italie le 14 avril 1993. L'autorité compétente a rejeté la demande en ce qui concerne ces derniers animaux, au
motif que la demande de prime n'avait pas été introduite trois jours avant le départ de ceux-ci. Elle a également diminué de 40 % la prime totale octroyée pour les autres animaux, en se fondant sur l'article 10, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92.

12 Saisi par l'exploitant, le Verwaltungsgericht a jugé que c'était à bon droit que la prime avait été refusée pour les animaux exportés, mais que cette circonstance ne justifiait pas une diminution supplémentaire de la prime à l'égard des autres animaux.

13 Le jugement de première instance ayant été confirmé par le Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg (Allemagne), devant lequel le litige avait été porté en appel, un recours en «Revision» a été introduit devant la juridiction de renvoi par le Land Baden-Württemberg.

14 Le second litige résulte du fait que la Bezirksregierung Lüneburg a rejeté la demande de M. Nehring tendant à obtenir le bénéfice de la prime spéciale pour bovins mâles pour quatre animaux, au double motif que, d'une part, trois de ceux-ci avaient été abattus sans attendre le délai de deux semaines après la remise de la déclaration de participation, prévue par le règlement national relatif aux primes pour bovins et caprins, et, d'autre part, que le quatrième animal n'atteignait pas le poids de
carcasse minimal.

15 L'exploitant a formé un recours contre la décision de rejet de la Bezirksregierung Lüneburg devant le Verwaltungsgericht Stade (Allemagne). Dans son arrêt du 14 décembre 1995, ce dernier n'a admis le motif de refus qu'en ce qui concerne le quatrième taureau, l'exploitant n'ayant pas apporté la preuve que le poids minimal à l'abattage était atteint. Cette juridiction a par ailleurs décidé que ladite décision ne pouvait avoir pour conséquence une réduction, en vertu de l'article 10, paragraphe 2,
du règlement n_ 3887/92, de la prime demandée pour les trois autres animaux.

16 La Bezirksregierung Lüneburg a fait appel devant le Niedersächsisches Oberverwaltungsgericht (Allemagne), puis, son appel ayant été rejeté par arrêt du 11 février 1999, il a formé un recours en «Revision» de cet arrêt devant la juridiction de renvoi.

17 Considérant que la solution des litiges dont elle était saisie exigeait l'interprétation de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92, le Bundesverwaltungsgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Y a-t-il lieu de diminuer le montant unitaire de l'aide, conformément à l'article 10, paragraphe 2, deuxième phrase, également lorsque l'excédent, supposé à la première phrase, du nombre d'animaux déclarés sur le nombre d'animaux constatés lors du contrôle ne repose pas sur une fausse déclaration du demandeur, mais tient au fait que l'autorité considère que, pour certains animaux, les conditions requises pour l'octroi de la prime ne sont pas réunies?»

Sur la question préjudicielle

18 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens que le montant unitaire de l'aide doit être diminué alors même que l'excédent du nombre d'animaux déclarés sur le nombre d'animaux constatés lors du contrôle ne repose pas sur une fausse déclaration du demandeur, mais tient au fait que, pour certains animaux, les conditions requises pour l'octroi de
la prime ne sont pas réunies.

19 M. Nehring soutient que l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92 ne prévoit de sanction que pour le cas où il serait constaté, dans le cadre du contrôle effectué, qu'une donnée fournie par l'exploitant agricole est erronée. Ces dispositions prévoiraient donc des sanctions lorsque, lors d'un contrôle, il serait constaté que le nombre d'animaux indiqués dans la demande d'aides est supérieur au nombre d'animaux effectivement constatés. Ce
serait la seule interprétation de ladite disposition compatible avec le principe de proportionnalité.

20 Pour sa part, le Land Baden-Württemberg soutient qu'il y a lieu de diminuer le montant de l'aide, conformément à l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase, du règlement n_ 3887/92, même si la différence entre le nombre d'animaux déclarés et celui des animaux constatés lors du contrôle ne résulte pas d'une fausse déclaration du demandeur, mais du fait que l'autorité compétente considère que certains animaux ne sont pas éligibles au régime des aides. L'interprétation de l'article
10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, dudit règlement préconisée par les demandeurs de l'aide en cause au principal serait contraire à l'objectif et à la finalité de ce règlement, qui a pour but de permettre la mise en oeuvre efficace de la réforme de la politique agricole commune et de prévenir ou de sanctionner les irrégularités et les fraudes.

21 Le Land Baden-Württemberg ajoute que, s'agissant d'une procédure de grande envergure, dans laquelle il est seulement possible de procéder à des contrôles par sondage, le demandeur est obligé d'attacher beaucoup de soin à l'établissement de ses demandes. Toute irrégularité devrait être imputée à ce dernier, le fait qu'il résulte de ses déclarations que le nombre d'animaux déclarés dépasse le nombre de ceux qui sont déclarés éligibles par l'administration devant seul être pris en compte par
celle-ci.

22 Selon la Commission, il convient de répondre par l'affirmative à la question posée. Les décisions administratives relatives à l'octroi d'aides communautaires seraient des décisions collectives qui ne permettent pas de traiter la liste des animaux figurant dans les demandes d'aides comme de simples données que le demandeur mettrait à la disposition des autorités compétentes, lesquelles devraient, dans un second temps et pour chaque demande, en contrôler minutieusement les divers aspects et les
corriger. Le système établi par le règlement n_ 3887/92 reposerait sur la coopération et la coresponsabilité du demandeur qui indique, en présentant sa demande, que celle-ci satisfait aux conditions requises pour l'octroi de la prime. La Commission fait valoir que l'interprétation de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, dudit règlement proposée par les exploitants agricoles en cause au principal pourrait avoir pour effet que les demandeurs d'aide pourraient être
tentés de faire des déclarations conformes à la vérité, mais fausses au regard des conditions d'éligibilité au régime des aides.

23 À titre liminaire, il convient de rappeler que, à la date des faits au principal, l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement n_ 3887/92 prévoyait que, lorsqu'il est établi que le nombre d'animaux déclarés dans une demande d'aides dépasse le nombre d'animaux constatés lors du contrôle, le montant de l'aide est calculé sur la base du nombre d'animaux constatés. Le montant unitaire de l'aide devait donc être diminué d'un pourcentage qui variait en fonction de l'ampleur
de l'excédent existant entre le nombre d'animaux mentionnés dans la demande et le nombre d'animaux constatés.

24 Le libellé de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement n_ 3887/92 présentant des difficultés d'interprétation quant à la question de savoir si les termes «animaux constatés lors du contrôle» visent des animaux dénombrés lors du contrôle ou des animaux dont les autorités compétentes ont constaté, lors dudit contrôle, qu'ils étaient éligibles au régime des aides communautaires, il y a lieu d'examiner cette disposition à la lumière des finalités dudit règlement et,
étant donné que celle-ci est susceptible de plusieurs interprétations, de donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (voir, notamment, arrêts du 24 février 2000, Commission/France, C-434/97, Rec. p. I-1129, point 21, et du 4 octobre 2001, Italie/Commission, C-403/99, Rec. p. I-6883, point 28).

25 Les objectifs du règlement n_ 3887/92 sont, conformément à ses premier, septième et neuvième considérants, respectivement de permettre la mise en oeuvre efficace de la réforme de la politique agricole commune, de contrôler de manière efficace le respect des dispositions en matière d'aides communautaires et d'établir des dispositions visant à prévenir et à sanctionner efficacement les irrégularités et les fraudes.

26 Au regard des particularités des différents régimes d'aides, les institutions communautaires ont prévu des sanctions échelonnées en fonction de la gravité de l'irrégularité commise. S'agissant des sanctions relatives aux demandes d'aides «animaux», l'article 10, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 prévoit des sanctions allant de la diminution du montant unitaire de l'aide jusqu'à l'exclusion totale du bénéfice du régime d'aides pour l'année civile concernée et l'année civile suivante.

27 Dès lors, l'article 10, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 vise à sanctionner de manière efficace et dissuasive non pas simplement les déclarations frauduleuses ou celles comportant une négligence grave, mais également toute irrégularité commise par un exploitant dans sa demande d'aides.

28 M. Nehring fait valoir que le montant de l'aide à laquelle il a droit ne peut être diminué en vertu de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase, du règlement n_ 3887/92 que si le nombre d'animaux qu'il a déclarés dans sa demande s'écarte du nombre d'animaux constatés, c'est-à-dire dénombrés, par les autorités compétentes lors du contrôle.

29 Il convient à cet égard de relever que cette interprétation irait à l'encontre tant du libellé des dispositions du règlement n_ 3887/92 concernant la présentation des demandes d'aides par des exploitants agricoles que des objectifs des règlements communautaires relatifs au SIGC, à savoir les règlements nos 3508/92 et 3887/92.

30 En effet, il ressort de l'article 5, paragraphe 1, du règlement n_ 3887/92 que, parmi les informations que doit contenir la demande d'aides «animaux» présentée par un exploitant agricole, figure une déclaration de ce dernier selon laquelle il a pris connaissance des conditions à remplir pour l'octroi des aides concernées.

31 En outre, l'article 6, paragraphe 1, du règlement n_ 3887/92 prévoit que les deux types de contrôle visés par celui-ci, à savoir les contrôles administratifs et le contrôle sur place, sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et des primes.

32 Il s'ensuit que «le nombre d'animaux constatés lors du contrôle», au sens de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première phrase, du règlement n_ 3887/92, doit s'entendre comme le nombre d'animaux constatés par les autorités compétentes comme éligibles au régime des aides, en ce sens qu'ils satisfont aux conditions requises pour l'attribution de celles-ci.

33 En présentant une demande d'aides «animaux», un exploitant agricole est tenu de déclarer les animaux qui remplissent les différentes conditions imposées par la réglementation communautaire en la matière pour l'octroi desdites aides.

34 En effet, le SIGC instauré par les règlements nos 3508/92 et 3887/92 vise à rendre plus efficaces les activités de gestion et de contrôle. Une procédure efficace suppose que les informations qui doivent être fournies par un demandeur d'aides soient complètes et exactes dès le départ afin de lui permettre de présenter une demande correcte d'octroi de paiements compensatoires et d'éviter de se voir infliger des sanctions (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2000, Fisher, C-369/98, Rec. p.
I-6751, points 27 et 28).

35 Il y a lieu également de constater que l'interprétation que les demandeurs d'aides en cause au principal cherchent à donner à l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92 irait directement à l'encontre de l'objectif de celui-ci et du système de sanctions instauré par les institutions communautaires dans le cadre du SIGC.

36 Ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, une telle interprétation aurait pour résultat qu'un demandeur d'aides pourrait être tenté de faire des déclarations conformes à la vérité, pour ce qui concerne le nombre d'animaux déclarés, mais fausses au regard des conditions d'éligibilité au régime des aides, étant donné que seul le bénéfice de l'aide pour les animaux qui, en fait, ne sont pas éligibles lui serait refusé. Une telle interprétation rendrait impossible une gestion efficace des
régimes d'aides communautaires.

37 Par ailleurs, il ressort des dispositions des règlements nos 3508/92 et 3887/92 que les autorités nationales ne sont pas obligées, ni surtout en mesure, d'effectuer des contrôles pour vérifier la véracité de toutes les déclarations figurant dans les demandes d'aides qui leur sont présentées. S'agissant, notamment, des contrôles sur place prévus à l'article 6, paragraphe 3, du règlement n_ 3887/92, ceux-ci portent sur un échantillon significatif de demandes, mais cet échantillon peut représenter
seulement 10 % des demandes d'aides «animaux» introduites par les exploitants. Il en résulte nécessairement que, dans le cadre du SIGC, il incombe aux exploitants, qui déclarent, conformément à l'article 5, paragraphe 1, dudit règlement, qu'ils ont pris connaissance des conditions à satisfaire pour l'octroi des aides concernées, de présenter des demandes d'aides pour des animaux qui remplissent lesdites conditions. L'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, deuxième phrase, du même règlement vise à
sanctionner les demandeurs qui ne respectent pas cette obligation, même lorsqu'ils n'ont pas commis de négligence ou ont agi sans intention de fraude.

38 L'argument de M. Nehring selon lequel une telle interprétation de l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92 ne serait pas conforme au principe de proportionnalité ne saurait être retenu.

39 En effet, il convient de relever, d'une part, que les institutions communautaires disposent d'un large pouvoir d'appréciation en matière agricole et, d'autre part, que le règlement n_ 3887/92 prévoit des sanctions échelonnées en fonction de la gravité et de l'ampleur de l'irrégularité commise (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 1997, National Farmers' Union e.a., C-354/95, Rec. p. I-4559, points 53 et 54).

40 Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré comme injustifié ou disproportionné d'infliger à un exploitant agricole qui a commis une erreur, même de bonne foi et sans intention de fraude, une sanction dissuasive et efficace telle que celle prévue par ladite disposition (voir arrêt National Farmers' Union e.a., précité, points 53 et 55).

41 En outre, il importe également de constater que, même si le règlement n_ 3887/92 peut présenter des difficultés d'interprétation, une lecture attentive dudit règlement permet de saisir le sens et les conséquences de l'application de ses dispositions qui sont destinées à des professionnels en la matière.

42 Eu égard à l'ensemble de ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens que le montant unitaire de l'aide doit être diminué alors même que l'excédent du nombre d'animaux déclarés sur le nombre d'animaux constatés lors du contrôle ne repose pas sur une fausse déclaration du demandeur, mais tient au fait que, pour certains animaux, les conditions
requises pour l'octroi de la prime ne sont pas réunies.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

43 Les frais exposés par la Commission, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le Bundesverwaltungsgericht, par ordonnance du 18 janvier 2000, dit pour droit:

L'article 10, paragraphe 2, premier alinéa, première et deuxième phrases, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, doit être interprété en ce sens que le montant unitaire de l'aide doit être diminué alors même que l'excédent du nombre d'animaux déclarés sur le nombre d'animaux constatés lors du contrôle ne repose pas sur une fausse déclaration du
demandeur, mais tient au fait que, pour certains animaux, les conditions requises pour l'octroi de la prime ne sont pas réunies.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-63/00
Date de la décision : 16/05/2002
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne.

Politique agricole commune - Règlement (CEE) nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires - Modalités d'application - Demandes d'aides 'animaux' - Contrôle des animaux - Réduction du montant de l'aide.

Agriculture et Pêche

Structures agricoles


Parties
Demandeurs : Land Baden-Württemberg
Défendeurs : Günther Schilling et Bezirksregierung Lüneburg

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Macken

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2002:296

Source

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