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18/04/2002 | CJUE | N°C-332/00

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes., 18/04/2002, C-332/00


Avis juridique important

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62000J0332

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 avril 2002. - Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997. - Affaire C-332/00.
Recueil de juris

prudence 2002 page I-03609

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
...

Avis juridique important

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62000J0332

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 18 avril 2002. - Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997. - Affaire C-332/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-03609

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Agriculture - Politique agricole commune - Financement par le FEOGA - Principes - Refus de prise en charge des dépenses liées à des pratiques incompatibles avec le droit communautaire - Marge d'appréciation de la Commission - Absence

èglement du Conseil n° 729/70, art. 2 et 3)

Sommaire

$$Les articles 2 et 3 du règlement n° 729/70, relatif au financement de la politique agricole commune, ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles et laissent à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette organisation commune. La
Commission ne dispose à cet égard d'aucune marge d'appréciation, même dans les cas où les pratiques nationales incompatibles avec le droit communautaire entraînent des effets favorables sur les montants inscrits à d'autres postes du FEOGA. En effet, la finalité de la procédure d'apurement des comptes du FEOGA, qui est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles communautaires et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs
économiques, serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l'irrégularité d'une pratique nationale, se prévaloir d'une marge d'appréciation pour l'accepter ou la rejeter du financement communautaire, en fonction de ses effets plus ou moins graves sur le plan financier pour le FEOGA.

( voir points 44-46 )

Parties

Dans l'affaire C-332/00,

Royaume de Belgique, représenté par Mme A. Snoecx, en qualité d'agent,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. A. Bordes et M. Niejahr, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, l'annulation de la décision 2000/448/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, modifiant la décision 1999/187/CE relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1995 (JO L 180, p. 46), en tant qu'elle exclut du financement communautaire des dépenses d'un montant de 50 763 827 BEF exposées par le royaume de Belgique dans le
cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit de beurre et de l'octroi d'une aide à la crème au beurre concentré en vue de la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et d'autres produits alimentaires et, d'autre part, l'annulation partielle de la décision 2000/449/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section
«garantie» (JO L 180, p. 49), en tant qu'elle exclut dudit financement des dépenses d'un montant de 1 602 256,45 euros et d'un montant de 31 883,22 euros exposées respectivement par le royaume de Belgique dans le cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit de beurre et de l'octroi d'une aide à la crème au beurre concentré en vue de la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et d'autres produits alimentaires,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de Mme F. Macken, président de chambre, MM. C. Gulmann, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et J. N. Cunha Rodrigues (rapporteur), juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 4 octobre 2001, au cours de laquelle le royaume de Belgique a été représenté par M. J. Devadder et Mme C. Pochet, en qualité d'agents, et la Commission par M. A. Bordes,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 novembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 11 septembre 2000, le royaume de Belgique a, en vertu de l'article 230 CE, demandé, d'une part, l'annulation de la décision 2000/448/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, modifiant la décision 1999/187/CE relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1995 (JO L 180, p. 46), en tant qu'elle exclut du
financement communautaire des dépenses d'un montant de 50 763 827 BEF exposées par le royaume de Belgique dans le cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit de beurre et de l'octroi d'une aide à la crème au beurre concentré en vue de la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et d'autres produits alimentaires et, d'autre part, l'annulation partielle de la décision 2000/449/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses
effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 180, p. 49), en tant qu'elle exclut dudit financement des dépenses d'un montant de 1 602 256,45 euros et d'un montant de 31 883,22 euros exposées respectivement par le royaume de Belgique dans le cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit de beurre et de l'octroi d'une aide à la crème au beurre concentré en vue de la fabrication de produits de pâtisserie, de
glaces alimentaires et d'autres produits alimentaires.

2 Les corrections en cause correspondent au total des aides que le royaume de Belgique a versées à N. Corman SA (ci-après «Corman»), entre les 22 février 1994 et 14 février 1995, sur le fondement de l'article 1er du règlement (CEE) n_ 570/88 de la Commission, du 16 février 1988, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires (JO L 55, p.
31), dans la version applicable au moment de l'octroi de ces aides à savoir celle résultant du règlement (CEE) n_ 2443/93 de la Commission, du 2 septembre 1993 (JO L 224, p. 8, ci-après le «règlement n_ 570/88 modifié»), en vue de la fabrication de beurre industriel technologiquement adapté (ci-après le «BITA»).

Le cadre juridique

3 L'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié définit les conditions dans lesquelles une aide peut être accordée pour le beurre et le beurre concentré. Il est libellé comme suit:

«Il est procédé, dans les conditions prévues au présent règlement, à la vente de beurre acheté conformément à l'article 6 paragraphe 1 du règlement (CEE) n_ 804/68 et entré en stock avant une date à déterminer ainsi qu'à l'octroi d'une aide à l'utilisation de beurre, de beurre concentré et de crème visés au deuxième alinéa.

Sans préjudice de l'article 9 bis point a), ne peuvent bénéficier de l'aide que:

a) le beurre répondant dans l'État membre de fabrication à la définition et au classement figurant à l'article 1er paragraphe 3 point b) du règlement (CEE) n_ 985/68 et dont l'emballage est marqué en conséquence. Lorsque la fabrication du beurre et l'addition des traceurs ont lieu dans le même établissement, l'emballage du beurre préalablement à l'addition des traceurs n'est pas requis.

[...]»

4 Lors de l'entrée en vigueur du règlement n_ 570/88, l'article 1er du règlement (CEE) n_ 985/68 du Conseil, du 15 juillet 1968, établissant les règles générales régissant les mesures d'intervention sur le marché du beurre et de la crème de lait (JO L 169, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n_ 1897/87 du Conseil, du 2 juillet 1987 (JO L 182, p. 35, ci-après le «règlement n_ 985/68»), disposait:

«1. Les organismes d'intervention n'achètent que du beurre:

a) produit par une entreprise agréée,

b) répondant à la définition et au classement figurant au paragraphe 3 respectivement sous a) et b),

[...]

2. Jusqu'à la date de mise en application des dispositions arrêtées en vertu de l'article 27 du règlement (CEE) n_ 804/68, une entreprise n'est agréée que si elle fabrique du beurre répondant aux exigences prévues au paragraphe 3 sous a) et b).

3. Jusqu'à la date prévue au paragraphe 2, le beurre visé au paragraphe 1 doit:

a) avoir la composition et les caractéristiques suivantes:

aa) - avoir une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau,

- être fabriqué à partir de crème acide,

ou

bb) - avoir une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau,

- être fabriqué à partir de crème douce;

b) être:

- classé `beurre marque de contrôle' en ce qui concerne le beurre belge,

[...]»

5 L'article 9 du règlement n_ 570/88 modifié prévoit également la possibilité d'octroyer une aide «[a]u cas où le beurre concentré ou le beurre, additionnés ou non des traceurs, sont incorporés à un stade intermédiaire dans des produits autres que les produits finaux et dans un établissement autre que celui de la transformation finale». Dans ce cas, l'octroi de l'aide est subordonné à certaines conditions, notamment l'agrément de l'établissement dans lequel a lieu la transformation des produits
intermédiaires et l'indication sur l'emballage qu'il s'agit d'un produit intermédiaire.

6 L'article 9 bis du règlement n_ 570/88 modifié, qui a été inséré par le règlement (CEE) n_ 1813/93 de la Commission, du 7 juillet 1993, modifiant le règlement n_ 570/88 (JO L 166, p. 16), définit les produits intermédiaires. Il est libellé comme suit:

«Les produits intermédiaires visés à l'article 9 sont, sans préjudice de l'article 4, des produits autres que les produits relevant des codes NC 0401 et 0405.

Toutefois:

a) sont considérés comme produits intermédiaires les produits d'une teneur en matière grasse butyrique d'au moins 82 % fabriqués exclusivement à partir du beurre concentré visé à l'article 1er deuxième alinéa point b) dans un établissement agréé à cet effet conformément à l'article 10, à condition qu'ils soient additionnés des traceurs visés à l'article 6 paragraphe 1; [...]

[...]»

7 En vertu des articles 1er à 3 du règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 94, p. 13), tel que modifié par le règlement (CE) n_ 1287/95 du Conseil, du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1, ci-après le «règlement n_ 729/70»), la section «garantie» du FEOGA finance, d'une part, les restitutions à l'exportation «accordées selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles» et, d'autre part,
les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles «entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles».

8 D'après l'article 5, paragraphe 2, sous c), premier alinéa, du règlement n_ 729/70, la Commission «décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3, lorsqu'elle constate que des dépenses n'ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires».

9 Aux termes de l'article 8, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n_ 729/70:

«Les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour:

- s'assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le Fonds,

- prévenir et poursuivre les irrégularités,

- récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.»

10 Il ressort de l'article 8, paragraphe 2, du même règlement que les conséquences financières des irrégularités ou des négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres ne sont pas supportées par la Communauté.

Le cadre factuel

11 Le royaume de Belgique a octroyé des aides à Corman pour la fabrication de BITA sur le fondement de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié. La Commission s'est opposée à l'interprétation donnée à cet article par les autorités belges et a considéré que ces aides auraient dû être octroyées sur le fondement de l'article 9 bis du même règlement, à condition que le beurre puisse être tracé.

12 Cette divergence concernait la nature des produits admis au bénéfice de l'aide instituée par l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié, visés respectivement à l'article 1er de ce règlement pour les produits «primaires», c'est-à-dire le beurre et le beurre concentré destinés à être incorporés dans des produits finaux comme les pâtisseries, les glaces et les pâtes à gâteaux, et à l'article 9 du même règlement pour les produits dits «intermédiaires», fabriqués soit à partir de beurre, soit à
partir de beurre concentré.

13 Par lettre du 16 février 1998, la Commission a indiqué qu'elle se proposait de sanctionner financièrement le royaume de Belgique en raison des aides litigieuses. Le gouvernement belge a déposé un mémoire à ce propos le 28 juin 1999, lors d'une réunion avec l'unité «Apurement des comptes du FEOGA» de la Commission.

14 Conformément à l'article 2, paragraphe 1, de la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d'une procédure de conciliation dans le cadre de l'apurement des comptes du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie» (JO L 182, p. 45), une requête en conciliation a été présentée par le royaume de Belgique le 14 octobre 1999.

15 Dans son rapport du 7 avril 2000 (Cas 99/BE/150), l'organe de conciliation institué par l'article 1er de la décision 94/442 a déclaré que, s'il était clair que le BITA ne relevait pas des produits de base visés à l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié, il pouvait néanmoins faire l'objet d'aides à concurrence des mêmes montants en tant que produit intermédiaire, sous réserve qu'il fût marqué. D'après les autorités belges, toutes les quantités de BITA pour lesquelles une aide a été octroyée
ont été marquées, à l'exception de 84 tonnes. L'organe de conciliation s'est donc demandé, dans son rapport, s'il était approprié de procéder à une correction à hauteur de 100 % des aides versées.

16 À la suite de ce rapport, la Commission a poursuivi la procédure d'apurement des comptes du FEOGA et, sans avoir modifié sa position, a adopté les décisions 2000/448 et 2000/449.

Sur le premier moyen

17 Par son premier moyen, le gouvernement belge invoque l'absence de fondement juridique des décisions 2000/448 et 2000/449. Ce moyen se décompose en trois branches, à savoir l'absence de violation, par le royaume de Belgique, de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié, l'absence d'irrégularités ou de négligences imputables aux autorités belges et la compétence résiduelle des États membres lorsqu'une harmonisation communautaire n'est pas complète.

Sur l'absence de violation de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié et la compétence résiduelle des États membres

Argumentation des parties

18 Par la première branche du premier moyen, le gouvernement belge soutient que le BITA pouvait faire l'objet d'aides sur le fondement de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié, dès lors qu'il avait été classé «beurre de laiterie: qualité extra» par les autorités belges.

19 D'après le gouvernement belge, l'article 1er, second alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 modifié, qui régit l'octroi des aides, renvoie seulement à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68 et, partant, le classement du beurre par les autorités nationales constitue la seule condition d'éligibilité de ce produit aux aides en vertu de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié. Ce serait donc en vain que la Commission prétend que les conditions fixées à l'article 1er,
paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68 étaient applicables, étant donné qu'elles formuleraient une définition générale du beurre.

20 Le gouvernement belge fait valoir en outre que l'exigence de fabrication du beurre directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée existe seulement depuis le 1er mars 1995, date de mise en application du règlement (CE) n_ 455/95 de la Commission, du 28 février 1995, modifiant les règlements (CEE) n_ 1547/87 et (CEE) n_ 1589/87 en ce qui concerne l'achat de beurre par les organismes d'intervention et les règlements (CEE) n_ 2191/81 et n_ 570/88 en ce qui concerne l'octroi d'une aide à
l'achat de beurre et la vente à prix réduit de beurre à certaines catégories de consommateurs et d'industries (JO L 46, p. 31).

21 Au contraire, la Commission soutient que la réglementation applicable exige non seulement que le beurre soit qualifié par les autorités belges de «beurre marque de contrôle», mais aussi que les qualités objectives de ce produit répondent à la définition prévue à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68.

22 Par la troisième branche du premier moyen, le gouvernement belge fait valoir que, conformément au principe de subsidiarité et à la jurisprudence constante de la Cour en matière de compétence résiduelle des États membres lorsqu'une harmonisation communautaire n'est pas totale et complète, le royaume de Belgique est resté compétent pour définir le beurre répondant à la qualification de «beurre marque de contrôle». Dès lors qu'il avait exercé cette compétence résiduelle, il pouvait octroyer les
aides en cause sur le fondement de l'article 1er, second alinéa, du règlement n_ 570/88 modifié.

23 Sans contester l'existence de cette compétence résiduelle, la Commission soutient qu'elle ne permet pas au royaume de Belgique de se soustraire aux exigences résultant de l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68.

Appréciation de la Cour

24 Sur la branche du moyen tirée de l'absence de violation de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié, il y a lieu de constater que le second alinéa de cette disposition, malgré la référence qu'on y trouve à la définition et au classement du beurre comme conditions d'octroi de l'aide, renvoie à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68, lequel vise, s'agissant du beurre fabriqué en Belgique, seulement le classement de ce produit comme «beurre marque de contrôle» par les
autorités belges.

25 Il convient d'interpréter ces dispositions du règlement n_ 570/88 modifié en tenant compte non seulement de leur libellé mais aussi des objectifs dudit règlement, à savoir favoriser l'écoulement du beurre d'intervention, acheté sur le fondement du règlement n_ 985/68, et instaurer un régime d'aides visant à ramener le prix du beurre sur le marché à un niveau comparable à celui du beurre d'intervention.

26 Ainsi que l'a exposé Mme l'avocat général aux points 46 à 53 de ses conclusions, il existe un lien entre le règlement n_ 570/88 modifié et le règlement n_ 985/68, qui explique que les mesures prévues par le règlement n_ 570/88 modifié pour encourager l'écoulement du beurre forment un mécanisme complémentaire au régime d'intervention pour le beurre établi par le règlement n_ 985/68. Lesdites mesures visent à ce que, d'une part, le beurre stocké en application de ce dernier règlement soit consommé
et que, d'autre part, le prix du beurre soit amené au niveau du prix du beurre d'intervention.

27 En effet, ces deux règlements trouvent leur fondement juridique dans le régime d'intervention établi par l'article 6 du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 148, p. 13), ce qui justifie que le beurre doive satisfaire aux mêmes conditions dans le cadre de l'achat par les organismes d'intervention que dans le cadre de l'attribution des aides.

28 Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le royaume de Belgique, pour pouvoir faire l'objet des aides prévues par le règlement n_ 570/88 modifié, le beurre doit respecter les exigences imposées en vue de son achat sur le fondement du règlement n_ 985/68, y compris celles relatives à sa fabrication et à sa composition, prévues à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), de ce dernier règlement.

29 En ce qui concerne la branche du moyen tirée de la compétence résiduelle des États membres, il convient de relever que, en présence d'une réglementation communautaire, les États membres sont tenus de s'abstenir de toute mesure qui serait de nature à y déroger ou à y porter atteinte (voir, en ce sens, arrêt du 8 janvier 2002, Denkavit, C-507/99, non encore publié au Recueil, point 32).

30 Il y a donc lieu de conclure qu'un État membre ne peut exercer sa compétence de procéder au classement prévu à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68 qu'en tenant compte des exigences afférentes audit règlement.

31 Il s'ensuit que les première et troisième branches du premier moyen ne sont pas fondées.

Sur l'absence d'irrégularités ou de négligences imputables aux autorités nationales

Argumentation des parties

32 Par la deuxième branche de son premier moyen, le royaume de Belgique soutient que ses autorités et organismes n'ont jamais commis d'irrégularités ou de négligences au sens des articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70.

33 Selon cet État membre, si son interprétation de la réglementation applicable à l'espèce devait être considérée comme erronée, cela serait imputable avant tout à une violation du principe de sécurité juridique par la Commission elle-même. Ce principe imposerait aux institutions communautaires de ne pas adopter des règles juridiques obscures et imprévisibles. Or, dans ladite réglementation, il existerait au moins quinze définitions différentes du beurre.

34 La Commission fait valoir que cette argumentation est dénuée de pertinence dans la mesure où les décisions 2000/448 et 2000/449 se fondent principalement sur les articles 3, paragraphe 1, et 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n_ 729/70 et sur la constatation que les aides en cause ne sont pas conformes aux règles communautaires, indépendamment d'une appréciation des irrégularités ou des négligences commises par le royaume de Belgique.

Appréciation de la Cour

35 À titre liminaire, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles (arrêt du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C-263/98, Rec. p. I-6063, point 35). Par conséquent, il laisse à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à
payer dans le cadre de cette organisation commune (arrêt du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission, 347/85, Rec. p. 1749, point 52).

36 Ainsi qu'il ressort du point 28 du présent arrêt, le royaume de Belgique a effectué les dépenses correspondant aux aides en cause sur un fondement juridique inexact, ce qui a eu pour conséquence, par application de l'article 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n_ 729/70, leur exclusion du financement communautaire, indépendamment de la constatation d'irrégularités ou de négligences dans le chef des autorités belges. La deuxième branche du premier moyen n'est donc pas fondée.

37 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le premier moyen, tiré de l'absence de fondement juridique des décisions 2000/448 et 2000/449.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

38 Par son deuxième moyen, le gouvernement belge fait valoir que les décisions 2000/448 et 2000/449 ont été adoptées en violation du principe de proportionnalité.

39 À cet égard, le gouvernement belge soutient que Corman aurait obtenu une aide du même montant sur le fondement, prétendument inexact, de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié et sur celui, accepté par la Commission, de l'article 9 bis du même règlement.

40 En effet, à supposer que le BITA ne soit pas un produit de base mais un produit intermédiaire, il serait éligible à une aide semblable, à condition de pouvoir être tracé. Or, 96 % du BITA ayant fait l'objet des aides en cause aurait répondu à cette condition, ainsi qu'il ressortirait du rapport du 7 avril 2000 de l'organe de conciliation.

41 Selon le gouvernement belge, par application du principe de proportionnalité que la Commission aurait dû respecter lors de l'adoption des décisions 2000/448 et 2000/449, ces décisions n'auraient pu exclure du financement communautaire que, tout au plus, 4 % des aides en cause.

42 La Commission invoque la jurisprudence de la Cour pour faire valoir que le pouvoir d'appréciation qui lui est conféré à l'article 5 du règlement n_ 729/70 est épuisé dès lors qu'il est avéré que les dépenses dont l'apurement est contesté n'ont pas été effectuées en conformité avec le droit communautaire (arrêt du 7 février 1979, Pays-Bas/Commission, 11/76, Rec. p. 245, point 21). Selon cette jurisprudence, la Commission ne serait tenue de prendre en charge de telles dépenses que si l'application
erronée du droit communautaire pouvait être imputée à une institution de la Communauté (arrêt Pays-Bas/Commission, précité, point 25).

43 Quant à l'absence de conséquences financières pour le FEOGA de l'inexactitude du fondement juridique des aides en cause, la Commission soutient que, si une pratique nationale non conforme au droit communautaire ne peut faire l'objet d'un financement par le FEOGA dans un cas où l'effet en est favorable financièrement à celui-ci (arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 53), il doit en aller de même, à plus forte raison, lorsque cet effet est neutre.

Appréciation de la Cour

44 Il convient de rappeler que, ainsi qu'il ressort du point 35 du présent arrêt, les articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 ne permettent à la Commission de mettre à la charge du FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles et laissent à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de cette
organisation commune.

45 La Commission ne dispose à cet égard d'aucune marge d'appréciation, même dans les cas où les pratiques nationales incompatibles avec le droit communautaire entraînent des effets favorables sur les montants inscrits à d'autres postes du FEOGA (arrêt Royaume-Uni/Commission, précité, point 53).

46 En effet, la finalité de la procédure d'apurement des comptes du FEOGA, qui est de vérifier si les restitutions et les interventions ont été effectuées selon les règles communautaires et de garantir de ce fait les mêmes conditions concurrentielles aux opérateurs économiques, serait mise en péril si la Commission pouvait, après avoir constaté l'irrégularité d'une pratique nationale, se prévaloir d'une marge d'appréciation pour l'accepter ou la rejeter du financement communautaire, en fonction de
ses effets plus ou moins graves sur le plan financier pour le FEOGA.

47 Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en l'espèce, la Commission était en droit de refuser de mettre à la charge du FEOGA les dépenses correspondant aux aides versées par le royaume de Belgique sur le fondement erroné de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié.

48 Le deuxième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité, doit dès lors être rejeté.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

49 Par son troisième moyen, le gouvernement belge soutient que l'obligation de coopération loyale prévue à l'article 10 CE n'a pas été respectée par la Commission

50 Compte tenu de l'interprétation qui a été donnée à l'article 10 CE par la Cour, selon laquelle l'obligation de coopération loyale s'impose tant aux institutions communautaires qu'aux États membres, le gouvernement belge soutient que cette obligation s'applique d'autant plus à la Commission lorsque celle-ci n'est pas tenue de motiver ses décisions, comme ce serait le cas dans le cadre de l'apurement des comptes du FEOGA. Dès lors, la Commission aurait dû déployer des efforts de conciliation et,
notamment, débattre avec les autorités belges de l'interprétation de la réglementation applicable.

51 Selon la Commission, les allégations formulées par le gouvernement belge au soutien du troisième moyen, qui portent sur le refus prétendu de communiquer à ce gouvernement la motivation réelle des décisions 2000/448 et 2000/449 et de résoudre les difficultés d'interprétation liées à la définition du beurre, seraient contredites par l'examen des faits de l'espèce.

Appréciation de la Cour

52 À cet égard, il ressort du dossier qu'un grand nombre d'informations relatives à l'interprétation de la réglementation applicable à l'espèce ont été échangées, au cours des années 1991 et 1995, entre la Commission et les autorités belges à propos de l'éligibilité du BITA aux aides communautaires.

53 Il résulte également du dossier, spécialement du rapport du 7 avril 2000 de l'organe de conciliation, que le grief portant sur une absence d'efforts de rapprochement des points de vue de la part de la Commission ne peut pas être retenu.

54 Il s'ensuit que le troisième moyen, tiré de la violation de l'obligation de coopération loyale, n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen

Argumentation des parties

55 Par son quatrième moyen, le gouvernement belge reproche à la Commission d'avoir violé le principe du respect de la confiance légitime.

56 Il soutient que les décisions 2000/448 et 2000/449 ont été adoptées en violation dudit principe en ce que la Commission s'y serait fondée essentiellement sur un point des motifs d'un arrêt prononcé par le Tribunal de première instance des Communautés européennes trois ans après les faits, dans une affaire où le règlement n_ 570/88 n'était pas en cause (arrêt du 30 janvier 1997, Corman/Commission, T-117/95, Rec. p. II-95).

57 La Commission soutient que c'est sa propre confiance qui a été surprise par les autorités belges qui, après avoir reconnu l'inéligibilité du BITA aux aides, l'ont classé comme «beurre de laiterie: qualité extra» sans avertir la Commission de ce revirement. En outre, elle prétend n'avoir pas fondé «essentiellement» ses décisions 2000/448 et 2000/449 sur l'arrêt Corman/Commission, précité. Celui-ci n'aurait fait que confirmer sa position constante.

Appréciation de la Cour

58 Quant à ce moyen, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, le principe du respect de la confiance légitime ne peut être invoqué à l'encontre d'une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d'engendrer une confiance légitime (arrêt du 10 janvier 1992, Kühn, C-177/90, Rec. p. I-35, point 14).

59 Ainsi qu'il ressort du dossier, la Commission a informé les autorités belges, dès le mois de juin 1991, de ses doutes quant à l'éligibilité du BITA aux aides accordées dans le cadre de l'article 1er du règlement n_ 570/88. Elle a également indiqué très clairement, dans une lettre du 3 juillet 1991 adressée aux autorités douanières françaises, dont le ministère de l'Agriculture belge a eu connaissance, que le BITA ne pouvait pas être considéré comme un beurre visé à l'article 1er, paragraphe 3,
sous b), du règlement n_ 985/68.

60 Il en découle que la Commission n'a créé à aucun moment une situation de nature à susciter de la part du royaume de Belgique une confiance légitime en ce qui concerne la mise à charge du FEOGA des aides accordées au BITA sur le fondement de l'article 1er du règlement n_ 570/88 modifié. La référence faite par la Commission à l'arrêt Corman/Commission, précité, ne saurait, dans un tel contexte, remettre en cause cette appréciation.

61 Par conséquent, le quatrième moyen, tiré de la violation du principe du respect de la confiance légitime, ne peut être accueilli.

62 Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, le recours du royaume de Belgique doit être rejeté dans son intégralité.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

63 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du royaume de Belgique et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-332/00
Date de la décision : 18/04/2002
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997.

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Royaume de Belgique
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Stix-Hackl
Rapporteur ?: Cunha Rodrigues

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2002:235

Source

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