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13/12/2001 | CJUE | N°C-93/00

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001., Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne., 13/12/2001, C-93/00


Avis juridique important

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62000J0093

Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Règlement (CE) nº 2772/1999 - Système d'étiquetage de la viande bovine - Compétence du Conseil. - Affaire C-93/00.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-10119

Som

maire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

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Avis juridique important

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62000J0093

Arrêt de la Cour du 13 décembre 2001. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Règlement (CE) nº 2772/1999 - Système d'étiquetage de la viande bovine - Compétence du Conseil. - Affaire C-93/00.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-10119

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Agriculture - Organisation commune des marchés - Viande bovine - Système d'étiquetage de la viande bovine - Règlement n° 820/97 - Prorogation - Base juridique - Règlement n° 2772/1999 - Invalidité

(Règlements du Conseil n° 820/97, art. 19, et n° 2772/1999)

2. Recours en annulation - Arrêt d'annulation - Effets - Limitation par la Cour - Invalidité du règlement n° 2772/1999

(Art. 231, al. 2, CE; règlement du Parlement et du Conseil n° 1760/2000; règlements du Conseil n° s 820/97 et 2772/1999)

Sommaire

1. En prorogeant par le règlement n° 2772/1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, la validité des règles relatives au système d'étiquetage facultatif élaborées par le règlement n° 820/97, le Conseil a, en réalité, modifié le champ d'application dans le temps du règlement n° 820/97. Or, la modification de ce règlement ne pouvait intervenir que sur le fondement d'une base juridique de nature équivalente à celle sur le fondement de laquelle il
avait été adopté, c'est-à-dire sur le fondement du traité lui-même et dans le respect du processus décisionnel prévu par ce dernier. C'est donc à tort que le Conseil s'est fondé sur l'article 19 du règlement n° 820/97 pour adopter le règlement n° 2772/1999, de sorte que le Conseil n'était pas compétent pour adopter le règlement n° 2772/1999 sur le fondement de cette disposition et qu'il y a lieu d'annuler le règlement n° 2772/1999.

( voir points 41-44 )

2. Même si le règlement n° 2772/1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, a entre-temps été remplacé par le règlement n° 1760/2000, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine et abrogeant le règlement n° 820/97, son annulation pourrait créer un vide juridique permettant, notamment, une remise en cause des décisions que les États
membres ont pu prendre en application du règlement n° 820/97, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, pendant le délai de prorogation prévu par le règlement n° 2772/1999. Pour des motifs de sécurité juridique, il y a donc lieu pour la Cour de faire usage du pouvoir que lui confère l'article 231, second alinéa, CE et de décider que les effets des dispositions du règlement n° 2772/1999
en exécution desquelles les États membres ont pu adopter des décisions qui pourraient être remises en cause doivent être considérés comme définitifs.

( voir point 48 )

Parties

Dans l'affaire C-93/00,

Parlement européen, représenté par M. C. Pennera et Mme E. Waldherr, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. G. Maganza et J. Monteiro, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme R. Silva de Lapuerta, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

Commission des Communautés européennes, représentée par M. G. Berscheid, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet l'annulation du règlement (CE) n° 2772/1999 du Conseil, du 21 décembre 1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine (JO L 334, p. 1),

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. P. Jann, Mmes F. Macken et N. Colneric, et M. S. von Bahr, présidents de chambre, MM. A. La Pergola, J.-P. Puissochet, L. Sevón (rapporteur), M. Wathelet, V. Skouris et J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: Mme C. Stix-Hackl,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu le Parlement européen, le Conseil et la Commission en leur plaidoirie à l'audience du 3 juillet 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 9 octobre 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 mars 2000, le Parlement européen a, en vertu de l'article 230 CE, demandé l'annulation du règlement (CE) n° 2772/1999 du Conseil, du 21 décembre 1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine (JO L 334, p. 1, ci-après le «règlement attaqué»).

2 Le royaume d'Espagne et la Commission des Communautés européennes ont été admis à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil, par ordonnances du président de la Cour des 4 août et 13 septembre 2000 respectivement.

Le règlement (CE) n° 820/97

3 Le 21 avril 1997, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 820/97, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine (JO L 117, p. 1), sur le fondement de l'article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE).

4 Le titre I de ce règlement organise le système d'identification et d'enregistrement des bovins. Selon l'article 3 dudit règlement, ce système comprend des marques auriculaires pour l'identification individuelle des animaux, des bases de données informatisées, des passeports pour les animaux et des registres individuels tenus dans chaque exploitation. Les dispositions relatives à ce système remplacent, en ce qui concerne les bovins, celles qui figurent dans la directive 92/102/CEE du Conseil, du 27
novembre 1992, concernant l'identification et l'enregistrement des animaux (JO L 355, p. 32).

5 Le titre II du règlement n° 820/97 concerne l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine. Ce règlement autorise l'étiquetage par les opérateurs ou organisations qui le désirent, selon un système d'agrément par les États membres, et énumère, à l'article 16, les informations pouvant figurer sur les étiquettes.

6 L'article 12, paragraphe 1, du règlement n° 820/97 dispose:

«Si un opérateur ou une organisation, tel que défini à l'article 13, désire étiqueter de la viande bovine sur le lieu de vente de manière à fournir des informations concernant l'origine, certaines caractéristiques ou conditions de production de la viande étiquetée ou de l'animal dont elle provient, il est tenu de le faire conformément au présent titre.

Toutefois, le présent titre n'affecte pas:

- les mentions obligatoires visées à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 79/112/CEE [du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des denrées alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO 1979, L 33, p. 1), telle que modifiée par la directive 97/4/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 janvier 1997 (JO L 43, p. 21)], à l'exception du point 7,

- [...]

- les indications visées dans les règlements (CEE) n° 1208/81 [du Conseil, du 28 avril 1981, établissant la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 123, p. 3), dans sa version modifiée par le règlement (CEE) n° 1026/91 du Conseil, du 22 avril 1991 (JO L 106, p. 2),] et (CEE) n° 1186/90 [du Conseil, du 7 mai 1990, portant extension du champ d'application de la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 119, p. 32)],

- les indications relatives au marquage sanitaire, prévues par la directive 64/433/CEE [du Conseil, du 26 juin 1964, relative aux conditions sanitaires de production et de mise sur le marché de viandes fraîches, dans sa version modifiée et mise à jour par la directive 91/497/CEE du Conseil, du 29 juillet 1991 (JO L 268, p. 69), telle que modifiée par la directive 95/23/CE du Conseil, du 22 juin 1995 (JO L 243, p. 7),] ou autres indications similaires prévues par la législation vétérinaire
applicable,

[...]»

7 L'article 19 du règlement n° 820/97 prévoit:

«1. Un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine est mis en place et est obligatoire dans tous les États membres à compter du 1er janvier 2000. Toutefois, ce système obligatoire n'exclut pas la possibilité pour un État membre de décider de n'appliquer ce système qu'à titre facultatif à la viande bovine commercialisée dans ce même État membre. Le système d'étiquetage prévu par le présent règlement reste en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999.

En conséquence, sur la base du rapport prévu au paragraphe 3, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête avant le 1er janvier 2000 les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, conformément aux obligations internationales de la Communauté, à compter de cette date.

2. Sauf décision contraire du Conseil, le système d'étiquetage, obligatoire à compter du 1er janvier 2000, devra, conformément aux obligations internationales de la Communauté, rendre obligatoire, en plus de la mention sur l'étiquette visée à l'article 16 paragraphe 3, la mention de l'État membre ou de l'État tiers où est né l'animal dont la viande provient, des États membres ou des États tiers où il a été détenu et de l'État membre ou de l'État tiers où il a été abattu.

3. Les États membres transmettent à la Commission d'ici au 1er mai 1999 des rapports sur la mise en oeuvre du système d'étiquetage de la viande bovine. La Commission transmet au Conseil un rapport sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des systèmes d'étiquetage de la viande bovine dans les différents États membres.

4. Toutefois, lorsqu'il existe pour les bovins un système d'identification et d'enregistrement suffisamment développé, les États membres peuvent imposer, dès avant le 1er janvier 2000, un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine provenant d'animaux nés, engraissés et abattus sur leur territoire. En outre, ils peuvent décider qu'un ou plusieurs des éléments énumérés à l'article 16 paragraphes 1 et 2 doivent figurer sur les étiquettes.

5. Un système obligatoire, tel qu'il est prévu au paragraphe 4, ne doit provoquer aucune désorganisation des échanges entre les États membres.

Les modalités de mise en oeuvre applicables dans les États membres, désireux de recourir aux dispositions du paragraphe 4, nécessitent l'accord préalable de la Commission.

6. D'ici au 1er janvier 2000, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, décide si l'indication obligatoire d'autres données que celles prévues au paragraphe 2 et si l'extension du champ d'application du présent règlement à d'autres produits que ceux qui sont indiqués à l'article 13 premier tiret sont possibles et souhaitables.»

Le règlement attaqué

8 Conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 820/97, la Commission a, le 13 octobre 1999, présenté au Parlement européen et au Conseil un rapport sur la situation concernant la mise en oeuvre des systèmes d'étiquetage de la viande bovine dans les différents États membres [COM (1999) 486 final, ci-après le «rapport de la Commission»]. Elle y constatait un certain nombre de carences en ce qui concerne l'identification et l'enregistrement des bovins. À cet égard, elle relevait
notamment, d'abord, que les passeports n'étaient opérationnels dans la plupart des États membres que pour les animaux nés après le 1er janvier 1998, ensuite, que des difficultés étaient observées au niveau de la transmission des informations relatives à un animal en cas d'exportation de celui-ci (perte d'informations lors de l'établissement d'un nouveau passeport) et, enfin, que des bases de données contenant les données pertinentes ne pourraient être mises en place pour la date prévue.

9 Le rapport de la Commission concluait que «la plupart des États membres [...] ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre efficacement le système d'étiquetage obligatoire, ce qui entraînerait une situation préoccupante de confusion, d'injustice et d'incertitude pour l'ensemble du secteur communautaire de la viande bovine du producteur jusqu'au consommateur».

10 Compte tenu de ces éléments, la Commission présentait deux propositions de règlements fondés sur l'article 152 CE:

- la première visait à remplacer le règlement n° 820/97 par un nouveau règlement ayant le même objet, mais prévoyant l'introduction des indications obligatoires en deux étapes distinctes, dont la seconde débuterait le 1er janvier 2003 (ci-après la «première proposition de la Commission»),

- la seconde avait pour objet une prolongation temporaire des dispositions d'étiquetage prévues par le règlement n° 820/97, jusqu'à ce que la première proposition de la Commission ait été adoptée (ci-après la «seconde proposition de la Commission»).

11 La Commission précisait dans son rapport à propos de sa seconde proposition:

«La proposition devra être rapidement adoptée afin d'éviter l'effondrement du système d'étiquetage volontaire actuel et son remplacement automatique par un système obligatoire ne s'appuyant pas sur des règles d'orientation générales.

Toutefois, si le Conseil et le Parlement ne parviennent pas à adopter une décision avant le 31. 12. 99, la Commission se réserve la possibilité de présenter au Conseil une proposition urgente devant être adoptée avant la fin de 1999 se basant sur l'article 19 du règlement (CE) n° 820/97 (c'est-à-dire une décision adoptée à la majorité qualifiée du Conseil sur proposition de la Commission). Cette proposition aurait pour objectif d'éviter un vide juridique causé par la suppression automatique du
système volontaire.»

12 Le 14 décembre 1999, le Conseil a décidé d'adopter une décision sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97 si, dans sa première lecture en procédure de codécision, le Parlement n'acceptait pas la seconde proposition de la Commission telle quelle, avec pour seule modification l'ajout de la base juridique de l'article 37 CE à celle de l'article 152 CE.

13 Le 16 décembre 1999, lors de la première lecture en procédure de codécision, le Parlement a voté plusieurs modifications à la seconde proposition de la Commission. Il souhaitait que certains éléments d'information deviennent obligatoires dès le 1er janvier 2000. Un autre amendement visait à proroger le système facultatif de huit mois seulement, et non pas d'un an ainsi que le proposait la Commission.

14 Le 21 décembre 1999, le Conseil a adopté le règlement attaqué sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97.

15 Selon le deuxième considérant du règlement attaqué, les règles générales du système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine qu'il prévoit ne s'appliqueront qu'à titre provisoire, pendant une période maximale de huit mois, pour permettre au Parlement européen et au Conseil d'arrêter une décision sur la première proposition de la Commission.

16 Le troisième considérant du règlement attaqué indique qu'il convient d'établir des règles générales simples pour un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine auquel tous les États membres puissent se conformer et qu'il y a lieu que lesdites règles se réfèrent aux dispositions prévues à l'article 12, paragraphe 1, du règlement n° 820/97.

17 Par ailleurs, le règlement attaqué maintient en vigueur le système facultatif d'étiquetage de la viande bovine prévu par le règlement n° 820/97.

18 L'article 1er du règlement attaqué dispose:

«1. Les opérateurs et les organisations commercialisant de la viande bovine au sens de l'article 13 du règlement (CE) n° 820/97 l'étiquettent conformément aux règles visées à l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, premier, troisième et quatrième tirets, du règlement (CE) n° 820/97.

Néanmoins, les États membres continuent à disposer de la possibilité prévue à l'article 19, paragraphe 4, dudit règlement après le 1er janvier 2000. S'ils y recourent, les dispositions de l'article 19, paragraphe 5, dudit règlement restent applicables.

2. Les règles relatives au système facultatif applicables jusqu'au 31 décembre 1999 conformément aux dispositions de l'article 19 du règlement (CE) n° 820/97 continueront à l'être à toute indication facultative fournie en complément du système d'étiquetage obligatoire visé au paragraphe 1.»

Le recours en annulation

19 Le Parlement soulève trois moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen est tiré de l'incompétence du Conseil pour adopter le règlement attaqué sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97. Le deuxième moyen est tiré d'une violation des prérogatives du Parlement découlant de ce que, si le règlement prolongeant temporairement les dispositions d'étiquetage prévues par le règlement n° 820/97 avait été adopté sur la base juridique correcte, à savoir l'article 152 CE, le Parlement
aurait dû intervenir en qualité de colégislateur. Le troisième moyen est tiré du non-respect, par le Conseil, des obligations résultant du règlement n° 820/97 en ce que, d'une part, le Conseil aurait modifié le contenu du règlement n° 820/97 sans avoir recours à la procédure législative de codécision et que, d'autre part, le Conseil n'aurait pas adopté, dans le délai prévu à l'article 19 du règlement n° 820/97, les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine.

Arguments des parties

Sur le premier moyen

20 Par son premier moyen, le Parlement soutient que le Conseil n'était compétent ni pour prolonger l'application du système facultatif d'étiquetage de la viande bovine au-delà du 31 décembre 1999 ni pour reporter l'introduction du système obligatoire d'étiquetage de cette viande. En effet, selon le Parlement, s'il est exact que le Conseil s'était réservé une compétence d'exécution du règlement n° 820/97, le principe même du système d'étiquetage obligatoire et la date de son entrée en vigueur étaient
fixés par ce règlement. En modifiant ces éléments, le Conseil n'aurait pas pris une mesure d'exécution du règlement n° 820/97, mais l'aurait modifié.

21 Le Parlement fait valoir que le règlement attaqué ne contient aucune disposition spécifique relative à l'étiquetage de la viande bovine et ne peut, par conséquent, être considéré comme une mesure d'exécution pour la mise en place d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine.

22 Il soutient, en effet, que le renvoi fait par l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement attaqué aux règles visées par les dispositions de l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, premier, troisième et quatrième tirets, du règlement n° 820/97 n'a qu'une valeur confirmative, en ce que ces dispositions rappellent la législation existante relative à l'étiquetage des denrées alimentaires (la directive 79/112, telle que modifiée par la directive 97/4), à la grille communautaire de
classement des carcasses de gros bovins (le règlement n° 1208/81, tel que modifié par le règlement n° 1026/91 et le règlement n° 1186/90) et au marquage sanitaire (la directive 64/433, dans sa version modifiée et mise à jour par la directive 91/497, telle que modifiée par la directive 95/23).

23 Le Parlement conteste la validité de la thèse, soutenue par le Conseil, de la «base juridique dérivée», qui permettrait d'adopter, par une procédure décisionnelle simplifiée, un acte normatif dans le cadre de la politique agricole commune au mépris de l'article 37 CE.

24 Le Parlement soutient qu'il n'existe pas, à côté des actes normatifs et des actes d'exécution, des actes d'un troisième type. Selon lui, soit le règlement attaqué est un acte normatif ou législatif et, dans ce cas, il doit respecter les conditions de forme substantielles que le traité prévoit pour son adoption, soit c'est un acte d'exécution au sens de l'article 202 CE.

25 À titre subsidiaire, le Parlement fait valoir que, à supposer que le Conseil ait disposé d'une compétence pour adopter un acte d'un troisième type, l'habilitation figurant à l'article 19, paragraphes 1, second alinéa, et 2, du règlement n° 820/97 était limitée à la mise en place du système d'étiquetage obligatoire au 1er janvier 2000.

26 Le Conseil soutient, en revanche, qu'il était compétent pour adopter le règlement attaqué sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97.

27 Selon lui, il ne ressort nullement du traité que toute activité législative dans le domaine de la politique agricole commune implique une consultation du Parlement européen ou une codécision avec celui-ci. Au contraire, il serait loisible au législateur de prévoir, dans un acte législatif adopté après consultation du Parlement ou dans le cadre d'une codécision avec lui, une base juridique dérivée n'imposant pas l'intervention de ce dernier.

28 Le Conseil soutient à cet égard que, s'il avait voulu se réserver des compétences d'exécution, il aurait justifié cette démarche dans les considérants du règlement n° 820/97, ce qu'il n'a pas fait.

29 Le Conseil prétend que, en l'espèce, l'article 19 du règlement n° 820/97 constituait une base juridique dérivée lui permettant, sur la base de l'expérience de l'application du système d'étiquetage facultatif, d'une part, de procéder le cas échéant aux adaptations qui pouvaient s'avérer indispensables pour son évolution vers un système obligatoire et, d'autre part, d'édicter non pas des «modalités de mise en oeuvre» ou des «mesures d'exécution», mais les «règles générales» qui seraient applicables
à partir du 1er janvier 2000.

30 En application du principe selon lequel «Qui peut le plus peut le moins», l'article 19 du règlement n° 820/97 aurait également permis au Conseil d'opérer la transition entre l'ancien et le nouveau régime par l'adoption du règlement attaqué.

31 Le Conseil fait valoir que, dans ces conditions, il n'a pas excédé les compétences qui lui étaient attribuées par l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 820/97. Au contraire, il aurait utilisé la marge normale d'appréciation du législateur pour prendre, avant le 31 décembre 1999, les mesures indispensables afin d'éviter le vide juridique qui serait apparu en attendant la mise en place du régime définitif d'étiquetage de la viande bovine.

32 Le royaume d'Espagne soutient que le Conseil était compétent pour adopter, sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97, le règlement attaqué, qui prévoyait effectivement les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire, par renvoi à l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, premier, troisième et quatrième tirets, du règlement n° 820/97.

33 La Commission expose que, eu égard aux amendements apportés à sa seconde proposition par le Parlement et compte tenu du délai applicable, elle n'avait eu d'autre choix, afin d'éviter un vide juridique, que de recourir à la procédure prévue à l'article 19 du règlement n° 820/97.

34 Elle fait valoir, par ailleurs, que le règlement n° 820/97 ne définit pas la notion de «règles générales», ce qui donnerait un large pouvoir d'appréciation au Conseil agissant dans le cadre de la procédure prévue à l'article 19. Selon la Commission, l'adoption du règlement attaqué n'a pas fait l'objet d'un détournement de procédure puisque, d'une part, ce règlement a imposé des règles sur l'étiquetage en prévoyant l'application de certaines règles mentionnées à l'article 12 du règlement n° 820/97
et que, d'autre part, il a permis à certains États membres de continuer à imposer des règles qui sont obligatoires pour les opérateurs.

Appréciation de la Cour

35 Il convient au préalable de constater que l'objet essentiel du règlement attaqué est de proroger la validité des règles relatives au système d'étiquetage facultatif élaborées par le règlement n° 820/97.

36 On ne peut, en effet, considérer que le règlement attaqué contient en outre les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine visées à l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 820/97.

37 Il y a lieu, à cet égard, de relever que les seules indications relatives à une obligation d'étiquetage figurent à l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement attaqué, qui, par renvoi à l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, premier, troisième et quatrième tirets, du règlement n° 820/97, se borne à rappeler des règles déjà existantes en matière d'étiquetage.

38 Il s'ensuit que l'examen du recours ne requiert en réalité que la vérification de la compétence du Conseil pour édicter la prorogation de ce système d'étiquetage facultatif.

39 À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l'article 7, paragraphe 1, second alinéa, CE, les institutions de la Communauté ne peuvent agir que dans les limites des attributions qui leur sont conférées par le traité.

40 Selon l'article 19, paragraphe 1, premier alinéa, dernière phrase, du règlement n° 820/97, «[l]e système d'étiquetage prévu par le présent règlement reste en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999».

41 Il y a lieu de constater que, en prorogeant par le règlement attaqué la validité des règles relatives au système d'étiquetage facultatif, le Conseil a, en réalité, modifié le champ d'application dans le temps du règlement n° 820/97.

42 Or, la modification de ce règlement ne pouvait intervenir que sur le fondement d'une base juridique de nature équivalente à celle sur le fondement de laquelle il avait été adopté, c'est-à-dire sur le fondement du traité lui-même et dans le respect du processus décisionnel prévu par ce dernier.

43 C'est donc à tort que le Conseil s'est fondé sur l'article 19 du règlement n° 820/97 pour adopter le règlement attaqué.

44 Il s'ensuit que le premier moyen du recours, tiré de l'incompétence du Conseil pour adopter le règlement attaqué sur le fondement de l'article 19 du règlement n° 820/97, est fondé et qu'il y a lieu d'annuler le règlement attaqué.

45 Il n'est dès lors pas nécessaire de trancher la question de savoir si le Conseil pouvait, sans enfreindre les règles du traité relatives à la compétence des institutions, s'attribuer la compétence d'adopter, en statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine.

Sur les deuxième et troisième moyens

46 Le premier moyen étant fondé, il n'y a pas lieu d'examiner les deuxième et troisième moyens.

Sur le maintien des effets du règlement attaqué

47 Le Parlement et la Commission demandent que, en cas d'annulation du règlement attaqué, les effets de celui-ci soient maintenus jusqu'à ce que le Parlement et le Conseil adoptent valablement un nouvel acte. Le Parlement justifie sa demande par l'intérêt des consommateurs et par le souci de maintenir à tout le moins un système d'étiquetage facultatif.

48 Il convient de constater que, même si le règlement attaqué a entre-temps été remplacé par le règlement (CE) n° 1760/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 17 juillet 2000, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine et abrogeant le règlement n° 820/97 (JO L 204, p. 1), son annulation pourrait créer un vide juridique permettant, notamment, une remise en cause des décisions que
les États membres ont pu prendre en application du règlement n° 820/97 pendant le délai de prorogation prévu par le règlement attaqué. Pour des motifs de sécurité juridique, il y a donc lieu pour la Cour de faire usage du pouvoir que lui confère l'article 231, second alinéa, CE et de décider que les effets des dispositions du règlement attaqué en exécution desquelles les États membres ont pu adopter des décisions qui pourraient être remises en cause doivent être considérés comme définitifs.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

49 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Parlement ayant conclu à la condamnation du Conseil et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application de l'article 69, paragraphe 4, premier alinéa, du même règlement, le royaume d'Espagne et la Commission, qui sont intervenus au litige, supportent leurs propres dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le règlement (CE) n° 2772/1999 du Conseil, du 21 décembre 1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, est annulé.

2) Les effets des dispositions du règlement attaqué en exécution desquelles les États membres ont pu adopter des décisions qui pourraient être remises en cause doivent être considérés comme définitifs.

3) Le Conseil de l'Union européenne est condamné aux dépens.

4) Le royaume d'Espagne et la Commission des Communautés européennes supportent leurs propres dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-93/00
Date de la décision : 13/12/2001
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Règlement (CE) nº 2772/1999 - Système d'étiquetage de la viande bovine - Compétence du Conseil.

Viande bovine

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Parlement européen
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Stix-Hackl
Rapporteur ?: Sevón

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2001:689

Source

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