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29/11/2001 | CJUE | N°C-332/00

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 29 novembre 2001., Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes., 29/11/2001, C-332/00


Avis juridique important

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62000C0332

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 29 novembre 2001. - Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997. - Affaire C-332/00

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Recueil de jurisprudence 2002 page I-03609

Conclusions de l'avocat ...

Avis juridique important

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62000C0332

Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 29 novembre 2001. - Royaume de Belgique contre Commission des Communautés européennes. - Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997. - Affaire C-332/00.
Recueil de jurisprudence 2002 page I-03609

Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Le présent recours en annulation du royaume de Belgique est dirigé contre deux décisions de la Commission du 5 juillet 2000 (1) (ci-après les «décisions litigieuses») dans la mesure où ces décisions excluent du financement communautaire, dans la première pour l'exercice financier 1995 et dans la seconde pour les exercices financiers 1996 et 1997, certaines dépenses exposées par le royaume de Belgique au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie».

2 Le litige porte sur la réglementation communautaire des aides relatives à la vente à prix réduit de beurre et sur l'octroi d'une aide à la crème au beurre concentré destiné à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires. Il s'agit en substance de savoir si l'article 1er du règlement (CEE) n_ 570/88 de la Commission (2) habilitait le royaume de Belgique à accorder une aide pour un beurre industriel technologiquement adapté (ci-après le «BITA») ou
si ce produit, comme le pense la Commission, relève de la réglementation des aides établie aux articles 9 ou 9 bis du règlement précité.

II - Cadre juridique

A - Aide pour les produits à base de beurre

L'article 1er du règlement n_ 570/88

3 Dans le cadre de mesures de promotion de la consommation de beurre, la Commission a pris le 16 février 1988 le règlement n_ 570/88.

4 L'article 1er du règlement n_ 570/88 définit les conditions dans lesquelles une aide peut être accordée pour le beurre et le beurre concentré. Au moment de l'octroi des aides litigieuses sur la base de cet article, le libellé en était le suivant, après les modifications apportées par les règlements (CEE) n_ 1048/89 de la Commission (3), (CEE) n_ 1157/91 de la Commission (4) et (CEE) n_ 2443/93 de la Commission (5):

«Il est procédé, dans les conditions prévues au présent règlement, à la vente de beurre acheté conformément à l'article 6 paragraphe 1 du règlement (CEE) n_ 804/68 et entré en stock avant une date à déterminer ainsi qu'à l'octroi d'une aide à l'utilisation de beurre, de beurre concentré et de crème visés au deuxième alinéa.

Sans préjudice de l'article 9 bis point a), ne peuvent bénéficier de l'aide que:

a) le beurre répondant dans l'État membre de fabrication à la définition et au classement figurant à l'article 1er paragraphe 3 point b) du règlement (CEE) n_ 985/68 et dont l'emballage est marqué en conséquence. Lorsque la fabrication du beurre et l'addition des traceurs ont lieu dans le même établissement, l'emballage du beurre préalablement à l'addition des traceurs n'est pas requis;

b) le beurre concentré produit dans un établissement agréé conformément à l'article 10, à partir de beurre ou de crème et répondant aux spécifications de l'annexe IV;

c) la crème relevant des codes NC ex 0401 30 39 et ex 0401 30 99, d'une teneur en matières grasses supérieure ou égale à 35 % et inférieure ou égale à 49 %, tracée conformément à l'article 6 paragraphe 1 deuxième tiret et utilisée directement dans les produits finaux visés à l'article 4 paragraphe 2.»

5 L'article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n_ 455/95 de la Commission, du 28 février 1995, modifiant les règlements (CEE) n_ 1547/87 et (CEE) n_ 1589/87 en ce qui concerne l'achat de beurre par les organismes d'intervention ainsi que les règlements (CEE) n_ 2191/81 et (CEE) n_ 570/88 en ce qui concerne l'octroi d'une aide à l'achat de beurre et la vente à prix réduit de beurre à certaines catégories de consommateurs et d'industries (6), a modifié de nouveau l'article 1er, deuxième alinéa, sous
a), du règlement n_ 570/88:

«[...] le beurre produit directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée et répondant aux conditions visées à l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CEE) n_ 804/68 et aux exigences de la classe nationale de qualité figurant à l'annexe II du règlement (CEE) n_ 454/95 dans l'État membre de fabrication et dont l'emballage est marqué en conséquence [...]»

6 Bien que cette modification, qui faisait dépendre l'octroi d'une aide expressément du fait que le beurre avait été produit directement et exclusivement à partir de crème pasteurisée, ne fût entrée en vigueur que le 1er mars 1995, donc après la période d'octroi des aides litigieuses, il convient de la citer eu égard aux arguments avancés par les parties.

L'article 1er du règlement n_ 985/68

7 Lors de l'entrée en vigueur du règlement n_ 570/88 - et dans les passages pertinents en l'occurrence non modifiés au moment de l'octroi des aides litigieuses - l'article 1er du règlement (CEE) n_ 985/68 du Conseil établissant les règles générales régissant les mesures d'intervention sur le marché du beurre et de la crème de lait (7), dans la version modifiée par les règlements (CEE) n_ 2714/72 du Conseil (8) et (CEE) n_ 1897/87 du Conseil (9) s'énonçait ainsi (extraits):

«1. Les organismes d'intervention n'achètent que du beurre: a) produit par une entreprise agréée,

b) répondant à la définition et au classement figurant au paragraphe 3 respectivement sous a) et b),

[...]

2. Jusqu'à la date de mise en application des dispositions arrêtées en vertu de l'article 27 du règlement (CEE) n_ 804/68, une entreprise n'est agréée que si elle fabrique du beurre répondant aux exigences prévues au paragraphe 3 sous a) et b).

3. Jusqu'à la date prévue au paragraphe 2, le beurre visé au paragraphe 1 doit:

a) avoir la composition et les caractéristiques suivantes:

aa) - avoir une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau, - être fabriqué à partir de crème acide, ou

bb) - avoir une teneur minimale en poids de matière grasse butyrique de 82 %,

- avoir une teneur maximale en poids de 16 % d'eau, - être fabriqué à partir de crème douce; b) être

- classé `beurre marque de contrôle' en ce qui concerne le beurre belge, [...] [(10)]»

B - Les aides pour les produits intermédiaires du beurre (11)

8 À l'article 9 du règlement n_ 570/88 était envisagée la possibilité d'octroyer aussi une aide au cas «où le beurre concentré ou le beurre, additionnés ou non des traceurs, sont incorporés à un stade intermédiaire dans des produits autres que les produits finaux et dans un établissement autre que celui de la transformation finale». Dans ce cas, l'octroi de l'aide était subordonné à certaines conditions, notamment l'agrément de l'établissement dans lequel avait lieu la transformation des produits
intermédiaires et l'obligation de porter sur l'emballage la mention «produit intermédiaire».

9 Cet article a été modifié et complété par le règlement (CEE) n_ 1813/93 de la Commission (12), entré en vigueur au 1er août 1993. À cette occasion a été introduite à l'article 9, paragraphe 1, sous a), du règlement n_ 570/88 la condition suivante d'agrément des produits intermédiaires:

«conformément à l'article 10, l'établissement de transformation et les produits intermédiaires sont agréés ou non sur la base d'une demande qui précise notamment la composition des produits fabriqués, leur teneur en matière grasse butyrique et démontre que le passage par ces produits intermédiaires est justifié pour la fabrication des produits finaux visés à l'article 4 [...]»

10 De plus, le règlement n_ 1813/93 a inséré dans le règlement n_ 570/88 un article 9 bis, portant définition des produits intermédiaires, dont le texte est le suivant:

«Les produits intermédiaires visés à l'article 9 sont, sans préjudice de l'article 4, des produits autres que les produits relevant des codes NC 0401 et 0405.

Toutefois:

a) sont considérés comme produits intermédiaires les produits d'une teneur en matière grasse butyrique d'au moins 82 % fabriqués exclusivement à partir du beurre concentré visé à l'article 1er deuxième alinéa sous b) dans un établissement agréé à cet effet conformément à l'article 10, à condition qu'ils soient additionnés des traceurs visés à l'article 6 paragraphe 1; dans ce cas, le prix minimal de vente payé et le montant maximal de l'aide octroyée correspondent respectivement au prix minimal de
vente et au montant maximal de l'aide fixés conformément à l'article 18 pour le beurre tracé d'une teneur en matière grasse de 82 % [...]»

C - Apurement des comptes

11 Le financement de la politique agricole commune est régi par le règlement (CEE) n_ 729/70 du Conseil, du 21 avril 1970, relatif au financement de la politique agricole commune (13), dans la version du règlement (CE) n_ 1287/95 du Conseil (14).

12 Les articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 indiquent le cadre général du financement par le FEOGA. D'après ces dispositions, sont financées, d'une part, les restitutions à l'exportation «accordées selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles» (article 2) et, d'autre part, les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles «entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles»
(article 3).

13 Son article 5, paragraphe 2, a la teneur suivante (extraits):

«La Commission, après consultation du comité du Fonds [...]

c) décide des dépenses à écarter du financement communautaire visé aux articles 2 et 3, lorsqu'elle constate que des dépenses n'ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires [...]

La Commission évalue les montants à écarter au vu notamment de l'importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte, à cet effet, de la nature et de la gravité de l'infraction, ainsi que du préjudice financier causé à la Communauté [...]»

14 De plus, il convient de se référer à l'article 8 qui fait obligation aux États membres de s'assurer que les opérations financées par le FEOGA ont été réellement et régulièrement exécutées, de prévenir et de poursuivre les irrégularités ainsi que de récupérer les sommes perdues à la suite d'irrégularités ou de négligences.

15 Selon l'article 8, paragraphe 2, du règlement, la Communauté ne supporte pas les conséquences financières des irrégularités ou des négligences imputables aux administrations ou organismes des États membres.

III - Le contexte et les conclusions des parties

16 Dans les décisions litigieuses, la Commission a décidé de corrections financières portant sur les exercices 1995, 1996 et 1997, en excluant au total une somme de 116 684 858 BEF du financement communautaire dans le cadre du FEOGA, section «garantie».

17 Il est constant que ce montant de corrections correspond au total des aides que le royaume de Belgique a versées à la SA N. Corman entre les 22 février 1994 et 14 février 1995 sur la base de l'article 1er du règlement n_ 570/88 en vue de la fabrication de BITA.

18 Le BITA est obtenu au moyen d'un procédé dans lequel les produits de base - 65 % de beurre et 35 % de crème - sont concentrés. La matière grasse (beurre concentré) ainsi obtenue est ensuite décomposée puis recombinée en fonction des produits à fabriquer et des propriétés souhaitées.

Ce procédé permet d'obtenir un beurre standardisé qui contient 82 % de matière grasse, 16 % d'eau et 2 % de matières sèches lactées dépourvues de matières grasses et qui se prête particulièrement bien à la fabrication de produits de pâtisserie.

19 Une aide est accordée depuis 1989 au BITA sur la base de l'article 9 du règlement n_ 570/88.

20 L'exportation de BITA vers la France a donné lieu en 1991 à un échange de correspondance entre la Commission, d'une part, et les autorités belges et françaises, d'autre part, dans lequel la Commission considérait que le BITA devait être considéré comme un produit intermédiaire au sens de l'article 9 du règlement n_ 570/88 et ne pouvait en aucun cas être classé comme beurre au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68. Le ministère de l'Agriculture belge a confirmé cette
conception dans une lettre du 22 août 1991.

21 À la suite d'une modification de la réglementation nationale sur l'expertise du beurre, le royaume de Belgique a toutefois classé le BITA dans la catégorie «Beurre de laiterie: qualité extra» le 28 février 1994.

22 Par la suite, le royaume de Belgique a accordé au BITA, qui jusqu'alors bénéficiait d'une aide, en tant que «produit intermédiaire», en vertu de l'article 9 ou - après la modification apportée par le règlement n_ 1813/93 - de l'article 9 bis du règlement n_ 570/88, une aide communautaire en application de l'article 1er du même règlement.

23 L'aide de l'article 1er pouvait être accordée sans que le BITA fût additionné d'un traceur et sans que l'emballage fût pourvu de la mention «produit intermédiaire», ce qui est obligatoire, dans le cas d'une aide de l'article 9 bis, depuis l'introduction de cette disposition. Ce changement n'a pas eu d'incidence sur le montant de l'aide.

24 Le 28 février 1995, la Commission a pris le règlement n_ 455/95, qui a introduit à l'article 1er du règlement n_ 570/88 la condition que le beurre soit produit «directement et exclusivement» à partir de crème pasteurisée.

25 À compter de l'entrée en vigueur de cette modification au 1er mars 1995, le royaume de Belgique a accordé de nouveau l'aide pour le BITA sur la base de l'article 9 bis du règlement, en tant que produit intermédiaire.

26 L'adoption du règlement n_ 455/95 a donné lieu à un échange de courrier entre les autorités belges et la Commission. Le royaume de Belgique expliquait que le règlement n_ 455/95 avait entraîné une restriction du champ d'application de l'article 1er du règlement n_ 570/88, de sorte que cette disposition ne s'appliquait plus au BITA. La Commission était de l'avis contraire et attirait l'attention sur le fait que le BITA était un produit intermédiaire au sens de l'article 9 bis du règlement n_
570/88 et, partant, ne pouvait être simultanément un produit de base au sens de l'article 1er du même règlement.

27 Le règlement n_ 455/95 a aussi fait l'objet, devant le Tribunal de première instance, d'un recours de la SA Corman contre la Commission (15), laquelle s'est fondée en partie, dans la procédure d'apurement des comptes, sur l'arrêt rendu par le Tribunal.

28 Par lettres des 16 février 1998 et 19 juin 1999, la Commission a annoncé son intention de procéder à une correction financière. Le royaume de Belgique a répondu par un mémoire qu'il a remis le 28 juin 1999 lors d'une réunion de l'unité d'apurement des comptes du FEOGA. Le 2 septembre 1999, la Commission a fait savoir officiellement qu'elle était déterminée à ne pas reconnaître des dépenses d'un montant de 116,7 millions de BEF exposées dans le cadre de l'encouragement de la production de BITA. Le
14 octobre 1999, le royaume de Belgique a sollicité l'introduction d'une procédure de conciliation.

29 Dans le rapport de conciliation, présenté le 7 avril 2000, l'organe de conciliation a déclaré entre autres que, s'il est clair que le BITA ne relève pas actuellement de la réglementation des aides concernant les produits de base visée à l'article 1er du règlement n_ 570/88, il peut néanmoins être aidé à concurrence de la même somme en tant que produit intermédiaire, sous réserve en particulier qu'il fût marqué. D'après les autorités belges, les quantités de BITA pour lesquelles une aide avait été
octroyée étaient marquées, à l'exception de 84 tonnes. L'organe de conciliation s'est donc demandé dans son rapport s'il était approprié de procéder à une correction à hauteur de 100 % des aides versées.

La procédure de conciliation n'a pas permis de rapprocher les positions.

30 Le 5 juillet 2000, la Commission a pris les décisions qui font maintenant l'objet du recours enregistré le 11 septembre au greffe de la Cour de justice.

31 Le royaume de Belgique conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) déclarer le recours recevable et fondé;

2) annuler la décision 2000/448/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, modifiant la décision 1999/187/CE relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), «section garantie», pour l'exercice financier 1995, en tant qu'elle exclut du financement communautaire des dépenses d'un montant de 50 763 827 BEF exposées par le royaume de Belgique dans le cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit
de beurre et à l'octroi d'une aide à la crème et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires et d'annuler partiellement la décision 2000/449/CE de la Commission, du 5 juillet 2000, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), «section garantie», pour les exercices financiers 1996 et 1997, en tant
qu'elle exclut du financement communautaire des dépenses d'un montant de, respectivement, 1 602 256,45 euros et 31 883,22 euros exposées par le royaume de Belgique, également, dans le cadre d'une aide relative à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide à la crème et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires;

3) condamner la Commission aux dépens.

32 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

1) rejeter le recours comme non fondé;

2) condamner la partie requérante aux dépens.

IV - Les moyens

33 Le gouvernement belge fonde son recours sur quatre moyens, faisant valoir que les décisions litigieuses ont violé le règlement n_ 570/88 ainsi que plusieurs principes du droit communautaire.

34 Il invoque comme premier moyen l'absence de fondement juridique. Ce moyen se décompose en trois branches: dans la première, le gouvernement belge nie avoir enfreint l'article 1er du règlement n_ 570/88 dans la version du règlement n_ 1157/91. Dans la deuxième, il fait valoir que les autorités belges ne sauraient se voir reprocher aucune irrégularité ou négligence. La troisième branche a trait à la compétence résiduaire qui autoriserait le royaume de Belgique à classer le BITA en «beurre marque de
contrôle».

35 Les trois moyens suivants visent la violation du principe de proportionnalité, du principe de coopération loyale et du principe de protection de la confiance légitime.

V - Appréciation juridique

A - Premier moyen: absence de fondement juridique

1. Première et troisième branches du premier moyen

a) Arguments des parties

36 D'après le gouvernement belge, une aide communautaire pouvait être octroyée à bon droit pour le BITA, en vertu de l'article 1er du règlement n_ 570/88 dans sa version en vigueur au moment pertinent, dès lors que les autorités belges avaient valablement classé celui-ci en «beurre de laiterie: qualité extra».

37 L'article 1er, deuxième alinéa, du règlement, qui régit les conditions d'octroi de l'aide, renvoie en effet seulement à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68, donc aux catégories énoncées et, partant, le classement correspondant constitue d'après le gouvernement belge la seule condition d'éligibilité du beurre en vertu de l'article 1er du règlement n_ 570/88. L'article 1er, paragraphe 3, du règlement n_ 985/68 ne comporte aucune définition générale du beurre qui soit à
considérer comme une telle condition.

38 De l'avis de la Commission, il ne suffit pas, aux fins du règlement n_ 570/88, de remplir la condition formelle du classement. Le beurre devait aussi répondre aux exigences relatives à sa composition et à sa fabrication qui ressortaient de l'article 1er, paragraphe 2, sous a), du règlement n_ 985/68.

39 Les deux parties se réfèrent en outre à la modification apportée par le règlement n_ 455/95 à l'article 1er, deuxième alinéa, du règlement n_ 570/88, dont le but, d'après le gouvernement belge, n'a pu être que d'interdire désormais l'octroi d'aides au BITA dans le cadre de cet article alors que la Commission ne voit dans cette modification qu'un éclaircissement de la situation juridique préexistante.

40 Le gouvernement belge se fonde en outre, dans la troisième branche de ce moyen, sur le principe de subsidiarité et la compétence résiduaire qui lui revient en matière de classement du beurre.

41 Sans contester dans son principe l'existence de cette compétence résiduaire, la Commission est d'avis que le royaume de Belgique ne pouvait exercer celle-ci au point de méconnaître ou de contourner les exigences relatives à la composition et à la fabrication du beurre qui ressortent des dispositions combinées des règlements nos 570/88 et 985/68.

b) Appréciation

42 D'après une jurisprudence constante de la Cour, «il est de l'essence d'une organisation commune de marché que, dans les domaines couverts, les États membres ne peuvent plus intervenir par des dispositions nationales prises unilatéralement [...] Leur compétence législative ne saurait être que résiduaire et se limite aux situations non régies par la règle communautaire et aux cas où celle-ci leur reconnaît expressément compétence» (16).

43 Ce dernier cas de figure se présente en l'occurrence dans la mesure où l'article 1er, deuxième alinéa, sous a), du règlement n_ 570/88 renvoie comme condition d'octroi d'une aide pour le beurre aux classements énoncés à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68, auxquels il appartient aux États membres de fabrication de procéder. Dans le cas du beurre belge, celui-ci doit recevoir la dénomination de «beurre marque de contrôle» pour relever du régime des aides de l'article 1er
du règlement n_ 570/88.

44 Au sens de la jurisprudence précitée, il ne saurait donc s'agir ici que d'une compétence résiduaire qui s'exerce à l'intérieur des limites posées par le droit communautaire. Il y a donc lieu de vérifier si les autorités belges ont tenu compte lors du classement des exigences résultant des dispositions combinées des règlements nos 570/88 et 985/68 relatives à la composition et à la fabrication du beurre.

45 À ce propos, on tiendra compte non seulement des dispositions expresses du règlement n_ 570/88, mais aussi de leur esprit et de leur objet (17), qu'indique en particulier la place de ce règlement dans le cadre de l'organisation commune de marché correspondante:

46 Le règlement n_ 570/88, de même que le règlement n_ 985/68, trouve un fondement juridique dans le régime d'intervention établi par l'article 6 du règlement (CEE) n_ 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (18).

47 À côté des bases du régime d'intervention, cet article contient aussi, en son paragraphe 3, des dispositions concernant l'écoulement du beurre acheté par les offices d'intervention (ci-après le «beurre d'intervention») et prévoit que des mesures particulières peuvent être prises pour le beurre de stockage public, qui ne peut être écoulé à des conditions normales pendant un exercice laitier.

48 Les règles essentielles et les conditions des mesures d'intervention pour le beurre, instituées à l'article 6, sont fixées conformément au paragraphe 6 de celui-ci au règlement n_ 985/68. Ce règlement régit l'achat et la vente de beurre d'intervention par les offices d'intervention, ainsi que le stockage de ce beurre, et énonce en particulier les conditions que le beurre doit satisfaire pour être acheté par les offices d'intervention.

49 Les stocks de beurre ne pouvant plus être écoulés à des conditions normales pendant les années 70 à cause de la surproduction, il a été fait usage de la possibilité, envisagée à l'article 6 du règlement n_ 804/68, de prendre des mesures destinées à encourager l'écoulement du beurre.

50 Afin d'accroître les débouchés, on a d'abord envisagé, dans le règlement (CEE) n_ 262/79 (19), la vente à des prix réduits, en vue de la fabrication de certains produits, du beurre d'intervention acheté sur la base du règlement n_ 985/68.

51 L'instauration par le règlement (CEE) n_ 1932/81 (20) d'un régime d'aides au beurre et au beurre concentré visait aussi le même but. Ce régime d'aides devait permettre à des fabricants qui bénéficiaient du régime précité d'écoulement du beurre d'intervention de se procurer, en cas d'insuffisance (temporaire) des stocks, du beurre sur le marché, à un prix comparable à celui du beurre d'intervention (21).

52 Le règlement n_ 570/88 se substitue aux deux règlements précités et réunit en un seul règlement les mesures d'encouragement à consommer du beurre - donc, d'une part, le régime d'écoulement du beurre d'intervention et, d'autre part, les aides visant à ramener sur le marché le prix du beurre à un niveau comparable à celui du beurre d'intervention (22).

53 Les liens indiqués ci-dessus entre le règlement n_ 570/88 et le règlement n_ 985/68 expliquent que les mesures prévues au règlement n_ 570/88 pour encourager l'écoulement du beurre forment un mécanisme complémentaire au régime d'intervention pour le beurre établi au règlement n_ 985/68: par ces mesures, soit le beurre stocké en application du règlement n_ 985/68 est rendu, canalisé, à la consommation, soit le prix du beurre présent sur le marché est amené au niveau du prix du beurre
d'intervention.

54 Eu égard à l'économie desdites dispositions, il convient de concéder à la Commission que, pour être éligible en vertu de l'article 1er du règlement n_ 570/88, le beurre doit aussi répondre impérativement à des conditions qui en permettent l'achat par les offices d'intervention sur la base de l'article 1er du règlement n_ 985/68. Pour être éligible en vertu de l'article 1er du règlement n_ 570/88, le beurre doit satisfaire en particulier les conditions afférentes à la fabrication et à la
composition prescrites à l'article 1er, paragraphe 3, sous a), du règlement n_ 985/68.

55 L'analyse n'est en rien modifiée non plus par le fait qu'une aide peut être accordée pour le BITA, en tant que «produit intermédiaire», sur la base de l'article 9 bis. Le fait que de tels produits intermédiaires soient éligibles constitue en fait en réalité une addition a posteriori et contraire à l'économie initiale du règlement n_ 570/88.

56 Ainsi qu'il ressort en effet du libellé et des considérants du règlement n_ 570/88 dans sa version initiale, une aide au beurre, au beurre concentré ou - depuis la modification introduite par le règlement n_ 1157/91 - également à la crème peut être accordée lorsque ce produit est transformé soit directement, conformément à l'article 3, en un produit final au sens de l'article 4, soit d'abord, conformément à l'article 9, en un «produit intermédiaire» destiné à la préparation d'un tel produit
final.

57 Il convient donc de distinguer, d'après l'économie initiale, entre les produits de départ (le beurre, le beurre concentré ou la crème), pour lesquels l'aide pouvait être accordée, et les produits, qui ne sont pas éligibles en soi, dans lesquels ces produits de départ sont transformés, à savoir les produits finaux et intermédiaires.

58 C'est à la suite de trois règlements modificatifs, pris par la Commission en raison de malentendus sur la notion de «produits intermédiaires», que ceux-ci sont devenus des produits éligibles au sens de l'article 9, à côté de ceux de l'article 1er (23). Ainsi la Commission a-t-elle introduit l'article 9 bis, sous a), en vertu duquel sont désormais à considérer comme des produits intermédiaires au sens de l'article 9 des produits du beurre concentré dotés de certaines caractéristiques. De plus, il
a été expliqué que, pour les produits visés à l'article 9 bis, sous a), «une aide peut être demandée même si ces produits ne sont pas couverts par l'article 1er» (24), de même qu'une exception correspondante a été introduite à l'article 1er du règlement n_ 570/88 (25), de sorte que, désormais, étaient expressément éligibles, à côté du beurre, du beurre concentré et de la crème, des «produits intermédiaires» au sens de l'article 9 bis, sous a), donc des catégories de beurre recombiné comme le BITA.

59 Les développements qui précèdent indiquent que l'éligibilité du BITA en vertu de l'article 9 bis du règlement n_ 570/88 présente un caractère exceptionnel (26) et, partant, ne change rien au principe énoncé ci-dessus.

60 Enfin, il convient encore d'attirer l'attention sur le fait que l'on n'a inséré dans la liste des classements nationaux donnée à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68 que des catégories qui répondent aussi aux critères énoncés sous a) de la même disposition. En atteste par exemple l'addition à la liste des classements nationaux - après l'adhésion aux Communautés - du beurre fabriqué au Royaume-Uni et en Irlande de telle sorte que «ce beurre réponde à des conditions
correspondant à celles applicables au beurre qui peut faire actuellement l'objet d'interventions dans la Communauté» (27).

61 Il ressort de l'ensemble de ces considérations que l'article 1er du règlement n_ 570/88 en combinaison avec le règlement n_ 985/68 présuppose certaines conditions relatives à la fabrication et à la composition du beurre.

62 Pour en revenir à la question de l'ampleur de la compétence résiduaire dans le cas d'espèce et à la jurisprudence évoquée au début, il y a lieu de constater qu'un État membre ne peut exercer sa compétence de procéder au classement énoncé à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement n_ 985/68 qu'en tenant compte des exigences y afférentes.

63 Une autre interprétation permettrait aux États membres d'étendre le champ d'application d'un régime d'intervention ou d'aide à d'autres produits que ceux qui doivent être couverts d'après les conditions de ce régime, ce qui serait contraire au principe de l'application uniforme du droit communautaire et à celui d'égalité entre les consommateurs communautaires dans l'exécution de la politique agricole commune (28).

64 Des considérations qui précédent, il découle que le premier moyen porte à faux tant dans sa première que dans sa troisième branche.

2. Deuxième branche du premier moyen

a) Arguments des parties

65 Le gouvernement belge fait valoir en substance qu'il ne saurait être reproché à ses autorités d'avoir commis des irrégularités ou fait preuve de négligences au sens des articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 relatif au financement de la politique agricole commune, sur la base duquel la Commission a procédé aux corrections. S'il devait s'être mépris sur l'interprétation du règlement n_ 570/88, la faute en incomberait selon lui à l'incertitude de la situation juridique, qui régnait sur la question
en litige jusqu'à l'entrée en vigueur du règlement n_ 455/95 et l'on pourrait faire grief à la Commission d'avoir méconnu le principe de sécurité juridique.

66 De l'avis de la Commission, ce point de vue ne tient pas puisque les décisions litigieuses ont été prises essentiellement sur la base des articles 3, paragraphe 3, et 5, paragraphe 2, sous c), du règlement n_ 729/70 et, de fait, sur le fondement de la constatation que les dépenses n'étaient pas conformes au droit communautaire: il n'y avait donc pas lieu de tenir compte d'éventuelles irrégularités ou négligences.

b) Appréciation

67 L'article 5, paragraphe 2, du règlement n_ 729/70 constitue la base procédurale de la Commission lorsqu'elle décide d'écarter du financement communautaire certaines dépenses des États membres. Le cadre de ce financement communautaire FEOGA est fourni, en ce qui concerne le FEOGA, aux articles 2 et 3 de ce règlement. En l'occurrence, est pertinent l'article 3 selon lequel le FEOGA finance des interventions destinées à régulariser les marchés agricoles qui sont «entreprises selon les règles
communautaires dans le cadre de l'organisation commune des marchés agricoles». L'article 8 du règlement a trait à l'exécution régulière des opérations: d'une part, il comporte l'obligation pour les États membres de s'assurer de cette exécution régulière, d'autre part, il contient des dispositions concernant les conséquences des irrégularités ou négligences survenant dans l'exécution.

68 À la lumière de ces dispositions, il convient, lorsqu'on décide d'écarter certaines dépenses du financement communautaire, de distinguer en principe entre une situation dans laquelle les États membres ont procédé à des dépenses d'intervention en l'absence de tout fondement juridique communautaire et le cas où, si le fondement juridique du financement existe en droit communautaire, l'exécution des opérations s'est accompagnée d'irrégularités ou de négligences au sens de l'article 8.

69 Dans ce dernier cas, la Commission procède, en vertu de l'article 5, paragraphe 2, à une correction financière dont le montant est fonction du type et de la gravité de l'infraction ainsi que du préjudice causé au budget de l'Union européenne et qui est calculée sur la base soit d'irrégularités identifiées, soit sur la base du risque de pertes financières.

70 Si, au contraire, un État membre procède, comme en l'occurrence, à des dépenses d'intervention qui reposent sur une interprétation ou une application inexacte d'une prescription du droit communautaire, il ressort de la jurisprudence de la Cour «qu'une pareille situation ne saurait être appréhendée par l'article 8, mais qu'elle doit, en revanche, être appréciée au regard des dispositions générales des articles 2 et 3 du même règlement [...] ces dispositions ne permettent à la Commission de prendre
en charge pour le FEOGA que les montants versés en conformité avec les règles établies dans les différents secteurs des produits agricoles, laissant à la charge des États membres tout autre montant versé, notamment les montants que les autorités nationales se sont à tort estimées autorisées à payer dans le cadre de l'organisation commune des marchés» (29).

71 Dans un cas tel que le présent, les dépenses effectuées sur un fondement juridique inexact le sont donc d'emblée en dehors du régime financier fixé aux articles 2 et 3 du règlement n_ 729/70 et, partant, devraient être exclues du financement communautaire dans leur totalité sans que soit posée la question des irrégularités ou négligences au sens de l'article 8.

72 Il découle des développements qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

B - Deuxième moyen: violation du principe de proportionnalité

1. Arguments des parties

73 Le gouvernement belge fait valoir que la société Corman n'a pas bénéficié sur la base - litigieuse - de l'article 1er du règlement n_ 570/88 d'une aide plus élevée que celle qu'elle aurait perçue en vertu de l'article 9 bis. Or, même si l'on reconnaît la nécessité du marquage des produits intermédiaires en vertu de l'article 9 bis, 96 % du BITA pour lequel l'aide litigieuse a été accordée eussent rempli cette condition et pu obtenir l'aide en application de l'article 9 bis, ainsi qu'il ressort du
rapport de l'organe de conciliation.

74 D'après le principe de proportionnalité, dont il y a lieu de tenir compte tant dans le cas de compétences exclusives de la Communauté que de défaut de marge d'appréciation, le gouvernement belge estime que la Commission n'aurait pu exclure du financement que tout au plus 4 % de l'aide.

75 Or, la Commission fait valoir en défense que, en matière d'application de l'article 5 du règlement n_ 729/70, ses pouvoirs se limitent à constater purement et simplement la conformité au droit communautaire et que, partant, tout exercice d'un pouvoir d'appréciation plus étendu constituerait une violation manifeste du droit. D'après la jurisprudence de la Cour, il ne lui est même pas permis de couvrir l'effet d'une non-conformité dans un cas où cet effet serait favorable financièrement au FEOGA, a
fortiori lorsque cet effet serait financièrement neutre comme en l'espèce.

2. Appréciation

76 Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions n'aillent pas au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but poursuivi et que, lorsqu'il y a possibilité de choix entre plusieurs mesures, la moins contraignante soit choisie (30).

77 Il convient tout d'abord d'approuver le gouvernement belge lorsqu'il fait valoir que le principe de proportionnalité s'applique aussi aux mesures prises par la Commission dans le cadre de la politique agricole commune (31).

78 Il ne saurait toutefois être question de violation du principe de proportionnalité lorsqu'une institution communautaire prend un acte sur la base de dispositions qui ne lui laissent aucune marge d'appréciation pour recourir à une autre mesure ou décider d'une autre conséquence juridique.

79 Ainsi qu'on a déjà dû le constater dans l'appréciation du premier moyen, les dispositions combinées des articles 5, paragraphe 2, sous c), et 2 et 3 du règlement n_ 729/70 font obligation à la Commission d'écarter le financement de restitutions ou d'interventions lorsque celles-ci n'ont pas été accordées «selon les règles communautaires».

80 La Commission ne disposait donc, dans l'application de ces dispositions lorsqu'une aide avait été octroyée sur le fondement d'une base juridique objectivement inexacte, d'aucune marge d'appréciation qui lui eût permis de décider d'une autre conséquence juridique que l'exclusion de la totalité de l'aide en cause du financement par la Communauté.

81 En particulier, d'après la jurisprudence de la Cour concernant l'interprétation à faire des conditions de prise en charge des dépenses par le FEOGA (32), on ne saurait considérer que la Commission disposât d'une compétence lui permettant de vérifier et de prendre en charge des dépenses qu'un État membre avait fondées à tort sur une certaine base juridique, au vu de l'existence d'une autre base juridique - correcte celle-ci (33).

82 À défaut d'une marge d'appréciation de la Commission dans l'application du règlement n_ 729/70, la question de la proportionnalité de l'exclusion de l'aide dans son intégralité ne saurait se poser que par référence à ce règlement lui-même. Il n'a toutefois pas été soutenu que les dispositions du règlement n_ 729/70 seraient incompatibles avec le principe de proportionnalité.

83 Le grief de violation du principe de proportionnalité n'est donc pas fondé.

C - Troisième moyen: violation du principe de coopération loyale

1. Arguments des parties

84 De l'avis du gouvernement belge, la Commission eût été tenue, en vertu du principe de coopération loyale, de faire preuve de plus de sollicitude envers la partie belge lors de la procédure de conciliation, au cours de laquelle la Commission n'a jamais fait connaître la motivation réelle des décisions litigieuses, et de débattre en profondeur avec elle de l'interprétation de la réglementation et de l'applicabilité du principe de proportionnalité.

85 La Commission oppose au gouvernement belge les faits, établis aussi dans le rapport de conciliation et non contestés, ainsi que le déroulement de la procédure, qui, d'après elle, réfute directement les griefs précités.

2. Appréciation

86 Le gouvernement belge n'étaye le grief fait à la Commission d'avoir méconnu le principe de coopération loyale, quant à la participation de celle-ci à la procédure de conciliation, que par l'allégation vague selon laquelle la Commission n'a pris part que d'une façon «strictement formelle» à ladite procédure et ne s'est pas réellement efforcée de trouver un terrain d'entente.

87 Dans le cadre de la procédure de conciliation, telle que régie par la décision 94/442/CE de la Commission, du 1er juillet 1994, relative à la création d'une procédure de conciliation dans le cadre de l'apurement des comptes du FEOGA, section «garantie» (34), l'organe de conciliation institué à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), de cette décision entreprend de rapprocher les positions divergentes de la Commission et de l'État membre concerné. À cet effet, il se fonde, d'après l'article 2,
paragraphe 4, de ladite décision, «sur le dossier en cause» et sur une «audition équitable des services de la Commission et des autorités nationales concernées».

88 Ainsi qu'il ressort du point 5 du rapport de conciliation, les deux parties à la procédure, donc aussi la Commission, ont fait usage de la faculté de faire valoir devant l'organe de conciliation leurs points de vue respectifs, tels qu'ils sont résumés aux points 3 et 4 du rapport.

89 L'examen du rapport de conciliation n'ayant pas révélé d'indices, à cet égard ou à d'autres, d'une éventuelle participation non conforme de la part de la Commission, il y a lieu de conclure que celle-ci a pris part à la conciliation selon les modalités y relatives.

90 Du reste, le gouvernement belge ne saurait exciper du fait que, d'après lui, la Commission n'a jamais rencontré les représentants du royaume de Belgique et n'a pas communiqué les «motivations réelles» des décisions litigieuses (prises ultérieurement) pour faire grief à la Commission de n'avoir pas pris part sérieusement à la procédure de conciliation, puisque celle-ci ne comporte pas d'obligations de ce genre.

91 Partant, la Commission n'a pas violé le principe de coopération loyale dans le cadre de la procédure de conciliation.

92 En ce qui concerne de manière générale le différend sur l'interprétation du règlement en question, il ressort en outre du dossier que la Commission et les autorités belges ont aussi échangé de nombreuses informations en dehors de la procédure de conciliation.

93 Ainsi des courriers ont-ils été échangés entre les services de la Commission et les autorités belges tant en 1991 - à l'occasion de l'exportation de BITA vers la France - qu'au cours de l'année 1995 - au sujet de la modification du règlement n_ 570/88 par le règlement n_ 455/95. Ces échanges ont donné lieu à examen des questions relatives à l'application du règlement en cause au BITA. On ne saurait donc faire grief aussi à la Commission d'avoir manqué à son devoir de coopération loyale dans le
cadre du différend sur l'interprétation du règlement n_ 570/88 dans la mesure où cette coopération a eu lieu en dehors de la procédure de conciliation.

94 Il en découle que la Commission n'a pas violé le principe de coopération loyale.

D - Quatrième moyen: violation du principe de la confiance légitime

1. Arguments des parties

95 Le gouvernement belge estime que son interprétation de l'article 1er du règlement n_ 570/88 à la lumière du principe de la confiance légitime était justifiée. Il estime en revanche que la Commission a méconnu ce principe en s'appuyant essentiellement, lorsqu'elle a procédé aux constatations relatives aux corrections, sur un passage d'un arrêt prononcé le 30 janvier 1997 par le Tribunal de première instance (35) et, partant, sur une décision intervenue trois mois seulement après les événements en
cause et qui ne concernait pas le règlement n_ 570/88.

96 De son côté, la Commission se dit étonnée de ce grief. Selon elle, au contraire, le gouvernement belge s'est départi brusquement, quant au classement du BITA comme beurre marque, de sa position initiale où il reconnaissait que le BITA n'était pas éligible sur la base de l'article 1er du règlement. Qui plus est, la Commission dit n'avoir pas fondé «essentiellement» ses décisions sur l'arrêt en question du Tribunal. Celui-ci n'a fait selon elle que confirmer sa position constante.

2. Appréciation

97 Il n'est possible d'invoquer le principe de la confiance légitime à l'encontre d'une législation communautaire que si la Communauté a elle-même créé précédemment une situation de nature à susciter une confiance justifiée (36).

98 Or, dans le cas d'espèce, la Commission a informé les autorités belges d'emblée, de fait pour la première fois dans une lettre du 10 juin 1991, de ses doutes quant à l'éligibilité du BITA, tout au moins en ce qui concerne l'applicabilité de l'article 1er du règlement n_ 570/88: dans un courrier du 3 juillet 1991 aux autorités douanières françaises, dont le ministère de l'Agriculture belge a eu connaissance, la Commission faisait valoir que «le produit ne peut être considéré comme du beurre, et en
aucun cas ne peut être classé comme du beurre au sens de l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) n_ 985/68». Par lettre du 22 août 1991, le ministère de l'Agriculture belge confirmait qu'il partageait le point de vue de la Commission: «Toutefois, [le BITA] ne peut bénéficier du classement dans une des catégories visées à l'article 1er, paragraphe 3, sous b), du règlement (CEE) n_ 985/68, soit pour la Belgique: `Beurre marque de contrôle' [...]». En dépit de cette déclaration, les
autorités belges, ainsi qu'on le sait, ont, le 28 février 1994, classé en «Beurre marque de contrôle» le BITA qui, jusqu'alors, avait obtenu, en tant que produit intermédiaire, l'aide visée à l'article 9 bis du règlement n_ 570/88 et ont accordé, à compter de cette date, une aide sur la base de l'article 1er de ce règlement.

99 Dans ces conditions, le royaume de Belgique ne pouvait légitimement s'attendre à ce que la Commission mît à la charge du FEOGA les aides qu'il avait versées au BITA sur le fondement de l'article 1er, en application du nouveau classement. Peu importe du point de vue de la confiance légitime que la Commission se fût manifestement référée aussi à l'arrêt Corman/Commission (37) au cours de la procédure d'apurement des comptes qui précédait les décisions litigieuses, puisque, ainsi que nous l'avons
déjà exposé, elle avait exprimé constamment des réserves à l'égard de l'éligibilité du BITA sur le fondement de l'article 1er du règlement en cause.

100 Partant, le grief de violation du principe de la confiance légitime est lui aussi inopérant.

VI - Conclusions

101 Sur la base des considérations qui précèdent, nous suggérons à la Cour de statuer comme suit:

«1) Le recours est rejeté comme non fondé.

2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.»

(1) - Décision 2000/448/CE, modifiant la décision 1999/187/CE relative à l'apurement des comptes des États membres au titre des dépenses financées par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «garantie», pour l'exercice financier 1995 [notifiée sous le numéro C(2000) 1813], et décision 2000/449/CE, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section
«garantie», pour les exercices financiers 1996 et 1997 [notifiée sous le numéro C(2000) 1847] (les deux décisions ont été publiées au JO 2000, L 180, p. 46 et 49).

(2) - Règlement du 16 février 1988, relatif à la vente à prix réduit de beurre et à l'octroi d'une aide au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires (JO L 55, p. 31).

(3) - Règlement du 21 avril 1989 (JO L 111, p. 24).

(4) - Règlement du 3 mai 1991 (JO L 112, p. 57).

(5) - Règlement du 2 septembre 1993 (JO L 224, p. 8).

(6) - JO L 46, p. 31.

(7) - Règlement du 15 juillet 1968 (JO L 169, p. 1).

(8) - Règlement du 19 décembre 1972 (JO L 291, p. 15).

(9) - Règlement du 2 juillet 1987 (JO L 182, p. 35).

(10) - Suivent les classements du beurre dans les autres États membres. Il est fait référence par la suite à cette énumération des classements nationaux du beurre dans la «Liste des classements nationaux».

(11) - Voir à ce sujet les explications des points 55 à 58.

(12) - Règlement du 7 juillet 1993 (JO L 166, p. 16).

(13) - JO L 94, p. 13.

(14) - Règlement du 22 mai 1995 (JO L 125, p. 1).

(15) - Arrêt du 30 janvier 1997, Corman/Commission (T-117/95, Rec. p. II-95). Le recours a été rejeté comme irrecevable faute d'intérêt à agir.

(16) - Voir, en particulier, les arrêts du 18 septembre 1986, Commission/Allemagne (48/85, Rec. p. 2549, point 12), et du 29 juin 1978, Dechmann (154/77, Rec. p. 1573, point 16).

(17) - Voir arrêt du 23 janvier 1975, Van der Hulst (51/74, Rec. p. 79, points 25 à 29).

(18) - JO L 148, p. 13.

(19) - Règlement de la Commission, du 12 février 1979, relatif à la vente à prix réduit de beurre destiné à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires (JO L 41, p. 1).

(20) - Règlement de la Commission, du 13 juillet 1981, relatif à l'octroi d'une aide au beurre et au beurre concentré destinés à la fabrication de produits de pâtisserie, de glaces alimentaires et autres produits alimentaires (JO L 191, p. 6). Ce règlement précise le régime des aides aux fabricants de produits de pâtisserie et de glaces alimentaires prévu au règlement (CEE) n_ 1723/81 du Conseil, du 24 juin 1981, établissant les règles générales relatives à des mesures destinées à maintenir le
niveau d'utilisation de beurre par certaines catégories de consommateurs et d'industries (JO L 172, p. 14).

(21) - Voir, à ce propos, le deuxième considérant du règlement n_ 1723/81.

(22) - Voir, à ce propos, les deux premiers considérants de ce règlement.

(23) - Règlements n_ 1813/93 (précité note 13), n_ 2443/93 (précité note 6) ainsi que (CE) n_ 3049/93 de la Commission, du 4 novembre 1993 (JO L 273, p. 7). Les considérants de chacun de ces trois règlements évoquent des incertitudes afférentes aux «produits intermédiaires».

(24) - Deuxième considérant du règlement n_ 2443/93.

(25) - Le deuxième alinéa commence ainsi: «Sans préjudice de l'article 9 bis point a) ne peuvent bénéficier de l'aide que [...]».

(26) - La Commission a déclaré à l'audience que l'insertion de l'article 9 bis représentait un compromis entre l'intérêt pour le royaume de Belgique à pouvoir octroyer une aide pour le BITA et le principe selon lequel, fondamentalement, seul le beurre «classique» peut faire l'objet d'un encouragement de la part de la Communauté.

(27) - Règlement n_ 2714/72 (précité note 9), dernier considérant.

(28) - En ce qui concerne ce principe, voir l'arrêt du 7 février 1979, Pays-Bas/Commission (11/76, Rec. p. 245, point 9).

(29) - Arrêts du 24 mars 1988, Royaume-Uni/Commission (347/85, Rec. p. 1749, point 52), et Pays-Bas/Commission, précité note 29, point 8.

(30) - Voir, par exemple, les arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland (15/83, Rec. p. 2171, point 25), et du 11 juillet 1989, Schräder (265/87, Rec. p. 2237, point 21).

(31) - Voir, par exemple, l'arrêt du 29 février 1996, France et Irlande/Commission (C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795, points 30 et 31).

(32) - Arrêt précité note 29, point 9.

(33) - Une telle interprétation de la procédure d'apurement des comptes pourrait en effet inciter les États membres à choisir des fondements juridiques qu'ils jugent plus favorables et ainsi compromettre le but de celle-ci, à savoir garantir que «les restitutions [ont été] accordées et les interventions entreprises dans le cadre de l'organisation commune de marché». Quant à ce but, voir l'arrêt Royaume-Uni/Commission (précité note 30, point 53).

(34) - JO L 182, p. 45.

(35) - Il s'agit de l'arrêt Corman/Commission, précité note 16.

(36) - Voir, par exemple, l'arrêt du 10 janvier 1992, Kühn (C-177/90, Rec. p. I-35, point 14).

(37) - Voir point 3 du rapport de conciliation.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-332/00
Date de la décision : 29/11/2001
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Apurement des comptes du FEOGA - Non-reconnaissance de dépenses - Exercices 1995 à 1997.

Agriculture et Pêche

Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA)


Parties
Demandeurs : Royaume de Belgique
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Stix-Hackl
Rapporteur ?: Cunha Rodrigues

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2001:653

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