Avis juridique important
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62000C0093
Conclusions de l'avocat général Stix-Hackl présentées le 9 octobre 2001. - Parlement européen contre Conseil de l'Union européenne. - Règlement (CE) nº 2772/1999 - Système d'étiquetage de la viande bovine - Compétence du Conseil. - Affaire C-93/00.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-10119
Conclusions de l'avocat général
I - Remarques liminaires
1. Le présent litige entre le Parlement européen et le Conseil fait partie d'une série d'affaires dans le secteur de la viande bovine . En l'occurrence, le recours en annulation du Parlement européen est dirigé contre le règlement (CE) n° 2772/1999 du Conseil, du 21 décembre 1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine . Cette procédure porte principalement sur la base juridique dudit règlement, à savoir le règlement (CE) n° 820/97 du Conseil, du 21
avril 1997, établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine . À cet égard, il s'agit également de la question essentielle de savoir si et sous quelles conditions le Conseil est habilité à arrêter un acte sur le fondement d'un autre acte qu'il a adopté seul ou conjointement avec le Parlement européen.
II - Cadre juridique
A - Le règlement n° 820/97
2. Le règlement n° 820/97 a été arrêté en réaction à la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), en vue d'améliorer la transparence des conditions de production et de commercialisation de la viande bovine et des produits à base de viande bovine. Tandis que le titre I (articles 1er à 11) régit l'identification et l'enregistrement des bovins, le titre II (articles 12 à 20) porte sur l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine.
3. L'article 3 dispose:
«Le système d'identification et d'enregistrement des bovins comprend les éléments suivants:
a) des marques auriculaires pour l'identification individuelle des animaux;
b) des bases de données informatisées;
c) des passeports pour les animaux;
d) des registres individuels tenus dans chaque exploitation.
La Commission et l'autorité compétente de l'État membre concerné ont accès à toutes les informations visées par le présent titre. Les États membres et la Commission prennent les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les intéressés, parmi lesquels les organisations de consommateurs intéressées reconnues par l'État membre, aient accès à ces données, à condition que la confidentialité et la protection des données requises en vertu du droit national soient garanties, conformément au droit
national.»
4. L'article 12, paragraphe 1, dispose:
«1. Si un opérateur ou une organisation, tel que défini à l'article 13, désire étiqueter de la viande bovine sur le lieu de vente de manière à fournir des informations concernant l'origine, certaines caractéristiques ou conditions de production de la viande étiquetée ou de l'animal dont elle provient, il est tenu de le faire conformément au présent titre.
Toutefois, le présent titre n'affecte pas:
- les mentions obligatoires visées à l'article 3 paragraphe 1 de la directive 79/112/CEE, à l'exception du point 7,
[...]
- les indications visées dans les règlements (CEE) n° 1208/81 et (CEE) n° 1186/90,
- les indications relatives au marquage sanitaire, prévues par la directive 64/433/CEE ou autres indications similaires prévues par la législation vétérinaire applicable,
[...]».
5. L'article 19 est ainsi libellé:
«1. Un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine est mis en place et est obligatoire dans tous les États membres à compter du 1er janvier 2000. Toutefois, ce système obligatoire n'exclut pas la possibilité pour un État membre de décider de n'appliquer ce système qu'à titre facultatif à la viande bovine commercialisée dans ce même État membre. Le système d'étiquetage prévu par le présent règlement reste en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999.
En conséquence, sur la base du rapport prévu au paragraphe 3, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, arrête avant le 1er janvier 2000 les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, conformément aux obligations internationales de la Communauté, à compter de cette date.
2. Sauf décision contraire du Conseil, le système d'étiquetage, obligatoire à compter du 1er janvier 2000, devra, conformément aux obligations internationales de la Communauté, rendre obligatoire, en plus de la mention sur l'étiquette visée à l'article 16 paragraphe 3, la mention de l'État membre ou de l'État tiers où est né l'animal dont la viande provient, des États membres ou des États tiers où il a été détenu et de l'État membre ou de l'État tiers où il a été abattu.
3. Les États membres transmettent à la Commission d'ici au 1er mai 1999 des rapports sur la mise en oeuvre du système d'étiquetage de la viande bovine. La Commission transmet au Conseil un rapport sur l'état d'avancement de la mise en oeuvre des systèmes d'étiquetage de la viande bovine dans les différents États membres.
4. Toutefois, lorsqu'il existe pour les bovins un système d'identification et d'enregistrement suffisamment développé, les États membres peuvent imposer, dès avant le 1er janvier 2000, un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine provenant d'animaux nés, engraissés et abattus sur leur territoire. En outre, ils peuvent décider qu'un ou plusieurs des éléments énumérés à l'article 16 paragraphes 1 et 2 doivent figurer sur les étiquettes.
5. Un système obligatoire, tel qu'il est prévu au paragraphe 4, ne doit provoquer aucune désorganisation des échanges entre les États membres.
Les modalités de mise en oeuvre applicables dans les États membres, désireux de recourir aux dispositions du paragraphe 4, nécessitent l'accord préalable de la Commission.
6. D'ici au 1er janvier 2000, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, décide si l'indication obligatoire d'autres données que celles prévues au paragraphe 2 et si l'extension du champ d'application du présent règlement à d'autres produits que ceux qui sont indiqués à l'article 13 premier tiret sont possibles et souhaitables.»
B - Le règlement n° 2772/1999
1. Genèse
6. Le 13 octobre 1999, la Commission a présenté au Parlement européen et au Conseil, conformément à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 820/97, un rapport sur la situation concernant la mise en oeuvre des systèmes d'étiquetage de la viande bovine dans les différents États membres . En ce qui concerne l'identification et l'enregistrement des bovins, la Commission y constatait un certain nombre de carences des États membres tenant notamment au fait que les passeports étaient disponibles
uniquement pour les bovins nés après le 1er janvier 1998, que des difficultés existaient au niveau de la transmission des informations relatives à un animal déterminé lorsque celui-ci est exporté et que les bases de données ne pouvaient pas non plus être mises en place pour la date prévue.
7. La Commission en concluait que la plupart des États membres n'étaient pas en mesure de mettre en oeuvre un système d'étiquetage obligatoire. Il en résulterait «une situation préoccupante de confusion, d'injustice et d'incertitude pour l'ensemble du secteur communautaire de la viande bovine du producteur jusqu'au consommateur» .
8. Compte tenu de ces éléments, la Commission présentait deux propositions de règlements fondés sur l'article 152 CE établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine: la première visait à remplacer le règlement n° 820/97, à partir du 1er janvier 2003, par un système obligatoire, et la seconde avait pour objet une prolongation temporaire du règlement n° 820/97, afin d'assurer la transition
jusqu'à ce que la première proposition ait été adoptée.
9. Dans son rapport, la Commission précisait que la seconde proposition devrait être rapidement adoptée afin d'éviter l'effondrement du système d'étiquetage volontaire et son remplacement automatique par un système obligatoire ne s'appuyant pas sur des règles d'orientation générales. La Commission relevait en outre que, si le Conseil et le Parlement européen ne parvenaient pas à adopter une décision sur ces propositions avant le 31 décembre 1999, elle se réservait la possibilité de présenter au
Conseil une proposition urgente devant être adoptée avant la fin de 1999. Cette proposition fondée sur l'article 19 du règlement n° 820/97 serait destinée à éviter un vide juridique causé par la suppression automatique du système facultatif .
10. Le 14 décembre 1999, le Conseil déclara qu'il arrêterait un règlement fondé sur l'article 19 du règlement n° 820/97 dans le cas où le Parlement européen n'accepterait pas la proposition de la Commission telle quelle, sans autre modification que l'ajout de la base juridique de l'article 37 CE.
11. Le 16 décembre 1999, le Parlement européen vota, en première lecture dans le cadre de la procédure de codécision, plusieurs modifications à la proposition de modifier le règlement n° 820/97. Ces amendements visaient à introduire le système obligatoire - après une prorogation de huit mois de l'ancien système - le 1er septembre 2000, certains éléments du système d'information devenant obligatoires dès le 1er janvier 2000.
12. Le 21 décembre 1999 le Conseil a ensuite arrêté, sur la base de l'article 19 du règlement n° 820/97, le règlement n° 2772/1999.
2. Contenu du règlement n° 2772/1999
13. Le deuxième considérant est ainsi libellé:
«lesdites règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine ne s'appliqueront qu'à titre provisoire, pendant une période maximale de 8 mois, pour permettre au Parlement européen et au Conseil d'arrêter une décision sur la proposition de règlement établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine et abrogeant le règlement (CE) n° 820/97, présentée par la Commission le 13
octobre 1999».
14. Le troisième considérant dispose:
«il convient dès lors d'établir les règles générales simples d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine auquel tous les États membres puissent actuellement se conformer; il y a lieu que lesdites règles se réfèrent aux dispositions prévues à l'article 12, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 820/97».
15. L'article 1er prévoit que:
«1. Les opérateurs et les organisations commercialisant de la viande bovine au sens de l'article 13 du règlement (CE) n° 820/97 l'étiquettent conformément aux règles visées à l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, premier, troisième et quatrième tirets, du règlement (CE) n° 820/97.
Néanmoins, les États membres continuent à disposer de la possibilité prévue à l'article 19, paragraphe 4, dudit règlement après le 1er janvier 2000. S'ils y recourent, les dispositions de l'article 19, paragraphe 5, dudit règlement restent applicables.
2. Les règles relatives au système facultatif applicables jusqu'au 31 décembre 1999 conformément aux dispositions de l'article 19 du règlement (CE) n° 820/97 continueront à l'être à toute indication facultative fournie en complément du système d'étiquetage obligatoire visé au paragraphe 1.»
III - Procédure devant la Cour et conclusions des parties
16. La requête du Parlement européen a été enregistrée au greffe de la Cour le 10 mars 2000. Par ordonnances du président de la Cour respectivement des 4 août et 13 septembre 2000, le royaume d'Espagne et la Commission ont été admis à intervenir à l'appui des conclusions du Conseil.
17. Le Parlement européen conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler le règlement n° 2772/1999, en cas d'annulation, maintenir en vigueur les effets du règlement annulé jusqu'à l'adoption d'un acte fondé sur l'article 152 CE, et condamner la partie défenderesse aux dépens.
18. Le Conseil et les parties intervenues à ses côtés concluent à ce qu'il plaise à la Cour rejeter le recours comme non fondé et condamner la partie requérante aux dépens. La Commission demande qu'en cas d'annulation les effets du règlement soient maintenus.
IV - Premier moyen: incompétence du Conseil
19. Dans le cadre du premier moyen il convient d'examiner si le Conseil était compétent pour adopter le règlement n° 2772/1999 en se fondant sur la base juridique qu'il a retenue.
A - Argumentation des parties
20. Le Parlement européen soutient que le Conseil n'était habilité ni à prolonger l'application du système facultatif de l'étiquetage de la viande bovine au-delà du 31 décembre 1999 ni à reporter l'introduction du système obligatoire de l'étiquetage de la viande bovine. À supposer même que le Conseil se soit réservé une compétence pour arrêter des dispositions d'exécution du règlement n° 820/97, il n'en demeure pas moins que le principe même du système d'étiquetage obligatoire et la date de son
entrée en vigueur étaient fixés par le règlement. En modifiant ces éléments, le Conseil n'a pas pris une mesure d'exécution, mais a modifié ce règlement.
21. Le renvoi fait par l'article 1er, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 2772/1999 aux dispositions applicables visées dans le règlement n° 820/97 n'a, selon le Parlement européen, qu'une valeur confirmative en ce qu'il rappelle la législation existante, à savoir l'étiquetage des denrées alimentaires conformément à la directive 79/112/CEE du Conseil, du 18 décembre 1978, relative au rapprochement des législations des États membres concernant l'étiquetage et la présentation des données
alimentaires destinées au consommateur final ainsi que la publicité faite à leur égard (JO L 33, p. 1), les règlements (CEE) n° 1208/81 du Conseil, du 28 avril 1981, établissant la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 123, p. 3), et (CEE) n° 1186/90 du Conseil, du 7 mai 1990, portant extension du champ d'application de la grille communautaire de classement des carcasses de gros bovins (JO L 119, p. 32), ainsi que le marquage conformément à la directive 64/433/CEE du
Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches (JO 1964, 121, p. 2012). Ces dispositions concernent pour partie des obligations d'étiquetage générales, valables pour toutes les denrées alimentaires ou ne concernent pas l'étiquetage des produits alimentaires pour le consommateur.
22. Le Parlement européen admet que l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 820/97 habilite le Conseil à prendre des dispositions d'exécution conformément au paragraphe 2 de ce même article.
23. Le Parlement européen conteste aussi la validité de la thèse avancée par le Conseil d'une base juridique dérivée, se caractérisant par une procédure décisionnelle simplifiée, c'est-à-dire celle qui, en l'espèce, aurait permis au Conseil d'adopter un acte législatif dans le cadre de la politique agricole commune, sans consulter le Parlement européen, en violation de l'article 37 CE.
24. Le Parlement européen relève que, selon une jurisprudence constante de la Cour, notamment lorsqu'il s'agit de politique agricole commune, si les éléments essentiels de la matière ont été réglés conformément à la procédure prévue par le traité, à savoir en l'occurrence l'article 37, paragraphe 2, troisième alinéa, CE, des dispositions d'exécution peuvent être arrêtées suivant une procédure différente. La mesure d'exécution doit alors observer le cadre et les limites prévues dans l'acte normatif
de base.
25. De l'avis du Parlement européen, en dehors des actes législatifs et des actes d'exécution il n'y a pas de troisième voie. Ou bien le règlement n° 2772/1999 est un acte législatif et il doit respecter les conditions de forme substantielles que le traité CE prévoit pour son adoption, ou bien c'est un acte d'exécution au sens de l'article 202 CE.
26. Le Parlement européen rappelle que, aux termes de l'article 7, paragraphe 1, second alinéa, CE, «[c]haque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées par le présent traité». Selon la jurisprudence de la Cour , les règles relatives à la formation de la volonté des institutions communautaires sont établies par le traité CE et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions.
27. Selon le Parlement européen, le traité n'autorise pas le Conseil à agir en tant que le législateur dans le cadre de l'article 37 CE en se soustrayant aux procédures obligatoires. Le traité ne comporte que quelques dispositions, tels l'article 175, paragraphe 2, second alinéa, CE ou l'article 67, paragraphe 2, deuxième tiret, CE, habilitant le Conseil à modifier, dans le respect de conditions strictes, les procédures décisionnelles prévues par le traité. Il s'agirait cependant de situations tout
à fait exceptionnelles, sans aucun rapport avec la situation litigieuse.
28. En supposant que le Conseil ait disposé d'une compétence normative du troisième type, le Parlement européen souligne que l'habilitation prévue à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 820/97 avait un champ d'application limité tant ratione materiae que ratione temporis, c'est-à-dire qu'elle ne permettait pas, en tout état de cause, de reporter la date d'entrée en vigueur d'un système d'étiquetage obligatoire au-delà du 1er janvier 2000.
29. S'agissant de l'argument selon lequel le Conseil, s'il avait voulu se réserver des compétences d'exécution, aurait dû le justifier, le Parlement européen estime qu'il ne convainc pas en droit. En effet, c'est non pas l'intention éventuelle du Conseil qui est déterminante, mais la situation objective créée. En outre, au vu de la pratique «comitologique» actuelle, le Parlement européen doute de manière générale que le Conseil prenne toujours soin de motiver clairement si et pourquoi il se réserve
de prendre des dispositions d'exécution.
30. Quant à sa prétendue incompétence, le Conseil conteste l'argumentation développée par le Parlement européen en ce qui concerne la portée de la base juridique établie par l'article 19 du règlement n° 820/97, ainsi que la qualification du règlement n° 2772/1999 comme mesure d'exécution. Le Conseil estime que la base juridique en question a un champ d'application bien plus large qui lui permettait d'adopter le règlement en cause, sur proposition de la Commission.
31. De l'avis du Conseil, il ne ressort nullement du traité CE que toute activité législative dans le domaine de la politique agricole commune doive être soumise à une participation du Parlement européen sous forme de consultation ou de codécision. Au contraire, il est loisible au législateur communautaire de prévoir, dans un acte législatif adopté en application de la procédure de consultation ou de codécision, une base juridique ne prévoyant pas l'intervention du Parlement européen.
32. Le Conseil tient en outre pour erronée l'assimilation faite par le Parlement européen entre les modalités de mise en oeuvre ou mesures d'exécution, prévues à l'article 11, paragraphes 5 et 6, de la proposition de la Commission qui est à l'origine du règlement n° 820/97, et les règles générales au sens de l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, de ce même règlement. En effet, en modifiant sur ce point la proposition de la Commission, le Conseil a voulu créer une base juridique dérivée pour
l'adoption, non pas de modalités de mise en oeuvre, mais de règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine. D'ailleurs, si le Conseil avait voulu se réserver simplement une compétence d'exécution, il aurait dû l'indiquer, conformément à l'article 202 CE, dans les considérants du règlement n° 820/97, ce qu'il n'a cependant pas fait.
33. Cette thèse du Conseil serait confirmée par le fait que, dans sa deuxième proposition d'octobre 1999, la Commission a prévu, pour ce qui concerne la base juridique dérivée, la participation du Parlement européen à la procédure décisionnelle.
34. Compte tenu du caractère expérimental de la mesure adoptée et des difficultés que son application était susceptible d'entraîner, le Conseil a décidé de créer une base juridique dérivée lui permettant, sur la base de l'expérience de l'application du système facultatif, de procéder aux éventuelles adaptations qui pouvaient s'avérer indispensables pour son évolution vers un système obligatoire.
35. Le Conseil observe en outre que, le 17 juillet 2000, le Parlement européen et le Conseil ont arrêté le règlement (CE) n° 1760/2000 établissant un système d'identification et d'enregistrement des bovins et concernant l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et abrogeant le règlement n° 820/97 (JO L 204, p. 1). Ce règlement est fondé sur les articles 37 CE et 152, paragraphe 4, sous b), CE. L'adoption du règlement n° 1760/2000 démontre le caractère provisoire du
règlement n° 2772/1999 en ce que celui-ci a pour but de ménager au Parlement européen et au Conseil le temps nécessaire pour élaborer et adopter un système d'étiquetage obligatoire efficace et adéquat tout en évitant une situation de vide juridique.
36. Au demeurant, le Conseil persiste à croire que le traité CE ne s'oppose pas à ce qu'un acte, adopté selon la procédure prévue par le traité, crée une base juridique dérivée prévoyant une procédure décisionnelle allégée. À cet égard, le Conseil conteste l'interprétation que le Parlement européen donne de la jurisprudence de la Cour. De l'avis du Conseil, le seul enseignement qui puisse être tiré de la jurisprudence mentionnée est que le traité s'oppose à une disposition en vertu de laquelle
l'adoption d'un acte, par le biais d'une base juridique dérivée, requiert l'unanimité alors que le traité prévoit une adoption à la majorité qualifiée. À ce propos, le Conseil cite, à titre d'exemple, plusieurs actes qui créent des bases juridiques dérivées.
37. Selon le gouvernement espagnol le Conseil était compétent, sur la base de l'article 19 du règlement n° 820/97, pour arrêter le règlement n° 2772/1999. Le règlement attaqué prévoit en effet des règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire, par renvoi à l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 820/97.
38. La Commission expose que, eu égard aux amendements proposés par le Parlement européen et compte tenu du délai, elle n'avait eu d'autre choix que de recourir à la procédure prévue à l'article 19 du règlement n° 820/97. Le but poursuivi par la Commission était l'établissement d'un système d'étiquetage réaliste qui évitait le risque de miner davantage la confiance du consommateur. Il existe en effet un lien entre le titre I du règlement n° 820/97 relatif à l'identification et à l'enregistrement des
bovins et le titre II relatif à l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine. L'étiquetage ne peut remplir son rôle que s'il est exact et cette exactitude résulte de la fiabilité des données recueillies conformément au titre I.
39. La Commission souligne que le règlement n° 2772/1999 était indispensable comme mesure provisoire pour éviter un vide juridique.
B - Analyse
40. Pour vérifier si le Conseil était habilité à fonder le règlement n° 2772/1999 sur l'article 19 du règlement n° 820/97, il convient d'examiner tout d'abord le contenu de cette disposition. Il conviendra ensuite d'aborder la question de savoir si le règlement n° 2772/1999 répond aux prescriptions de l'article 19.
41. Parmi d'autres dispositions, l'article 19 contient également une base juridique pour l'adoption d'actes. Étant donné que cette base juridique est établie non pas dans le droit primaire, mais au niveau du droit dérivé, c'est-à-dire dans un règlement du Conseil, il s'agit de ce qu'il est convenu d'appeler une base juridique dérivée. Ainsi que le Conseil le relève à juste titre, une telle base est en principe licite sous réserve que certaines conditions soient remplies.
42. L'article 19 énonce en effet plusieurs conditions auxquelles un acte peut être adopté sur le fondement de cet article.
43. D'une part, l'article 19 pose des conditions de forme.
S'agissant de la compétence, l'article 19, paragraphe 1, prévoit celle du Conseil, le terme «arrête» ne déterminant cependant pas la forme de l'acte juridique en question. Pour ce qui concerne la procédure, l'article 19 dispose que, sur la base du rapport de la Commission prévu au paragraphe 3 de ce même article, le Conseil statue à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. L'article 19 fixe en outre un délai. La décision doit ainsi être prise avant le 1er janvier 2000.
Le règlement n° 2772/1999 remplit ces conditions formelles.
44. D'autre part, l'article 19 énonce cependant aussi certaines conditions de fond. C'est ainsi que la décision doit contenir les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine qui soient conformes aux obligations internationales de la Communauté.
45. Si l'on mesure le règlement n° 2772/1999 à l'aune de ces critères, il appert que ce règlement n'instaure pas un système d'étiquetage obligatoire, mais proroge, comme en atteste le renvoi à certaines dispositions du règlement n° 820/97, l'ancien système d'étiquetage facultatif ainsi que la possibilité pour les États membres d'imposer un système d'étiquetage obligatoire. Enfin, le règlement n° 2772/1999 reprend de l'article 12, paragraphe 1, second alinéa, certaines règles d'étiquetage,
c'est-à-dire qu'il ne fait que répéter les obligations d'étiquetage existantes sans prévoir de nouvelles règles générales relatives à l'étiquetage de la viande bovine.
46. Quand bien même on qualifierait de système d'étiquetage obligatoire les dispositions que le Conseil a adoptées en arrêtant le règlement n° 2772/1999, il n'en reste pas moins qu'il ne s'agit pas en l'occurrence des «règles générales» au sens de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 820/97. En effet, en parlant de ces «règles générales», le législateur communautaire visait sans doute autre chose que les indications prévues à l'article 12 et la possibilité pour les États membres, prévue à
l'article 19, d'imposer un système obligatoire. Il était au contraire dans l'intention manifeste du législateur communautaire d'aller au-delà des systèmes d'étiquetage qui étaient déjà prévus dans le règlement n° 820/97 et de créer une réglementation supplémentaire. Sinon la disposition relative aux «règles générales» serait en effet superflue. Contrairement à la thèse de la Commission, il ne suffit donc pas que, en définitive, des règles d'étiquetage soient énoncées.
47. En arrêtant un règlement qui ne répond pas aux prescriptions de la disposition qu'il a retenue comme base juridique, le Conseil a excédé les pouvoirs qui lui sont conférés. Le Conseil n'était donc pas compétent pour arrêter le règlement n° 2772/1999. En conclusion, il convient dès lors de constater que l'article 19 du règlement n° 820/97 n'habilite pas le Conseil à adopter le règlement n° 2772/1999. Compte tenu de ces considérations, nous ne sommes pas non plus en présence d'un règlement
d'application.
48. À supposer même qu'il s'agisse en l'espèce d'une mesure provisoire destinée à éviter un vide juridique, il n'en reste pas moins qu'en pareille hypothèse le respect des prescriptions de l'article 19 du règlement n° 820/97 s'impose.
V - Deuxième moyen: violation des prérogatives du Parlement européen
49. Dans le cadre du deuxième moyen, il convient d'examiner sur quelle base juridique le règlement n° 2772/1999 aurait pu être fondé.
A - Argumentation des parties
50. Le Parlement européen conteste que le Conseil ait pu modifier le fond du règlement n° 820/97 sans respecter les prérogatives du Parlement européen qui, en tant que colégislateur dans le cadre de la procédure de codécision, aurait dû être consulté, si le règlement avait été adopté sur la base de l'article 152 CE, comme le prévoyait du reste la proposition de la Commission.
51. Le Parlement européen rejette le reproche qui lui est fait d'être responsable de la non-adoption de la mesure proposée avant le 31 décembre 1999. Il souligne que l'exercice de ses compétences dans le cadre de la procédure de codécision n'est pas limité à ce qui rencontre, dès la première lecture, l'agrément du Conseil. Il rappelle en outre que le Conseil avait déjà posé une condition sine qua non, à savoir l'ajout de l'article 37 CE comme base juridique.
52. De l'avis du Conseil, le règlement n° 2772/1999 vise à atteindre principalement les deux objectifs suivants: d'une part, se donner le temps nécessaire pour qu'un système d'étiquetage obligatoire efficace puisse être adopté selon la procédure de codécision et, d'autre part, suivre dans la mesure du possible la volonté exprimée par le Parlement européen, notamment en limitant à huit mois la période de transition. Compte tenu de ces circonstances, le Conseil estime que les prérogatives du Parlement
européen n'ont pas été violées.
53. Le Conseil rappelle que, en première lecture, le Parlement européen voulait établir un système d'étiquetage obligatoire qui comportait une série d'éléments d'information obligatoires bien que le Parlement européen aurait dû savoir que ces informations n'étaient pas disponibles et que cela aurait entraîné une interdiction quasi totale de commercialisation de la viande bovine, ce qui serait apparu difficilement compatible avec le principe de proportionnalité et aurait provoqué un contentieux avec
les opérateurs économiques qui auraient éventuellement mis en cause la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.
54. Le Conseil fait valoir que, en adoptant une résolution législative comportant des éléments inacceptables par le Conseil, le Parlement européen a empêché que la procédure de codécision puisse être menée à bien avant le 31 décembre 1999.
55. Le gouvernement espagnol estime que les prérogatives du Parlement européen n'ont pas été violées. Il résulterait en effet de l'arrêt de la Cour, Commission/Conseil , que l'article 152 CE ne constituait pas le fondement correct pour l'adoption du règlement n° 2772/1999, de sorte que ce règlement n'avait pas à être adopté dans le cadre de la procédure de codécision.
56. À propos de l'arrêt Commission/Conseil, le Parlement européen fait observer que celui-ci portait sur la base juridique avant l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam. Depuis, la pertinence de l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE serait incontestée pour un règlement tel que le règlement n° 2772/1999.
B - Analyse
57. Puisque le règlement n° 2772/1999 ne pouvait pas être adopté sur le fondement de l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 820/97, la question se pose de savoir quelle aurait été la base juridique appropriée pour le règlement en cause.
58. Trois solutions sont en principe envisageables: l'article 37 CE ou l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE ou encore, en tant que double base juridique, l'article 37 CE en combinaison avec l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE.
1. L'article 37 CE ou l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE
59. Selon une jurisprudence constante de la Cour , dans le cadre du système de compétences de la Communauté, le choix de la base juridique d'un acte doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel. Parmi de tels éléments figurent, notamment, le but et le contenu de l'acte.
60. Il convient dès lors d'examiner tout d'abord quel est le but poursuivi par le règlement n° 2772/1999, c'est-à-dire si ce règlement poursuit des objectifs de politique agricole ou des objectifs de santé publique.
61. Ainsi qu'il résulte, notamment, des deuxième, troisième et quatrième considérants, le règlement n° 2772/1999 vise à établir les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine. Du point de vue du but poursuivi, il s'agit par conséquent de dispositions relevant de la matière traitée dans le titre II du règlement n° 820/97, à savoir l'étiquetage de la viande bovine et des produits à base de viande bovine, et non pas de dispositions couvertes par le titre I concernant
l'identification et l'enregistrement des bovins. Il pourrait donc être question d'une mesure au sens de l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE, c'est-à-dire d'une mesure dans le domaine vétérinaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique.
62. Du point de vue du contenu du règlement n° 2772/1999, on peut constater que ce règlement comporte des règles relatives à l'étiquetage de la viande bovine. Le règlement attaqué concerne ainsi la commercialisation d'un produit agricole visé à l'annexe I du traité CE.
63. En particulier, le règlement n° 2772/1999 se borne, d'une part, à renvoyer aux dispositions du règlement n° 820/97 concernant l'étiquetage et, d'autre part, à proroger certaines dispositions à durée limitée du règlement n° 820/97. Ainsi qu'il résulte de l'article 1er, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 2772/1999, les États membres conservent la possibilité d'imposer ou de maintenir leur propre système d'étiquetage obligatoire. Le système d'étiquetage facultatif reste également
applicable.
64. Bien que cela ne crée pas un système d'étiquetage obligatoire, mais consiste à reprendre le système existant du règlement n° 820/97, il s'agit cependant de dispositions qui contribuent directement à la protection de la santé publique.
65. De ce point de vue, on pourrait d'ailleurs faire valoir que, selon un arrêt de la Cour, c'est à juste titre que le règlement de base n° 820/97, auquel se réfère précisément le règlement n° 2772/1999 qui le proroge sur certains points, a été adopté sur le seul fondement de l'article 43 du traité CE (devenu, après modification, article 37 CE).
66. En effet, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu dans l'affaire Commission/Conseil, dans la situation juridique de l'époque, c'est-à-dire selon l'article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, du traité CE, les exigences en matière de protection de la santé étaient une composante des autres politiques de la Communauté et il y avait donc lieu d'en tenir compte dans le cadre de la politique agricole commune . Il s'ensuit que, même si un règlement «aura des effets positifs sur la protection de la santé
publique», il y aurait lieu de l'adopter sur le fondement de l'article 43 du traité .
67. À cet égard, il convient cependant de rappeler que, pour l'adoption d'un acte, c'est la situation juridique au moment de son adoption qui est déterminante, soit le 21 décembre 1999 en ce qui concerne le règlement n° 2772/1999.
68. La date d'adoption du règlement revêt de l'importance en l'espèce en ce que, à cette date, le traité d'Amsterdam était déjà entré en vigueur. Il s'ensuit que les dispositions dans le domaine de la santé publique qui ont été modifiées par ce traité s'appliquaient également. Ces modifications constituent précisément une réaction à la crise de l'ESB .
69. Avec l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam, la situation juridique a changé en ce que les «exigences en matière de protection de la santé» ne sont plus une «composante des autres politiques de la Communauté», tandis qu'aux termes de l'article 152, paragraphe 1, CE «[u]n niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les politiques et actions de la Communauté». Tant cette «garantie» que l'intégration explicite des «actions» de la
Communauté ont valorisé la politique de la santé publique. La place de cette disposition au début de l'article est également l'expression de cette valorisation .
70. Cet aspect combiné avec la création de la nouvelle base juridique de l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE met en relief l'intention des auteurs du traité de renforcer le poids des dispositions en matière de santé publique également en leur qualité de base juridique par rapport à l'article 37 CE et de souligner leur caractère autonome .
71. Certes, l'article 152 CE prévoit, à l'instar du précédent article 129 du traité, que les actes sont adoptés conformément à la procédure de codécision, mais l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE se distingue toutefois de la disposition antérieure qu'il a remplacée en ce qu'il dispose que «des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique» sont adoptées «par dérogation à l'article 37». Cela traduit l'intention des
parties au traité de limiter le champ d'application de l'article 37 CE . Pour le Parlement européen, l'article 152 CE revêt de l'importance dans la mesure où de telles mesures sont justement soumises à la procédure de codécision et non pas simplement, comme c'était auparavant le cas dans le cadre de la politique agricole, à une simple procédure de consultation. Selon une approche qui s'écarte délibérément de la jurisprudence de la Cour, ce n'est d'ailleurs plus l'objet de l'acte mais son objectif
qui est réputé décisif .
72. Même la circonstance que le règlement n° 2772/1999 renvoie au règlement n° 820/97 n'enlève donc rien au fait qu'il y a lieu de recourir non pas à la base juridique pertinente au moment de l'adoption du règlement n° 820/97, mais à celle pertinente au moment de l'adoption du nouvel acte. En effet, des dispositions telles que celles figurant dans le règlement n° 820/97 ne peuvent plus être fondées sur la même base juridique après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam.
2. L'article 37 CE en combinaison avec l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE
73. Dans l'hypothèse où l'on ne considérait pas que l'essentiel du règlement n° 2772/1999 consiste à avoir directement pour objectif la protection de la santé publique, il convient d'examiner s'il n'y avait pas lieu de fonder ce règlement sur une double base juridique, à savoir l'article 37 CE et l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE. Car même après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam la question se pose de savoir si une double base juridique ne s'imposait pas, puisque le strict libellé de
l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE porte à croire que l'article 37 CE conserve un vaste champ d'application.
74. Si deux (voire plusieurs) aspects d'un acte constituent des «composantes essentielles» ou s'ils sont «également essentiels», l'institution est tenue d'adopter l'acte «sur le fondement des deux dispositions qui fondent sa compétence» .
75. Par contre, selon une jurisprudence constante de la Cour, le recours à une seule base juridique suffit si les mesures considérées «se rattachent principalement à un domaine d'action, les effets sur d'autres politiques ne présentant qu'un caractère accessoire» ou s'il ne s'agit que d'«effets indirects et accessoires» .
76. Si la protection de la santé ne constitue qu'un contenu ou objectif parmi d'autres d'un acte, l'article 37 CE reste une base juridique parmi d'autres. Cela résulte du fait que l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE vise des mesures «ayant directement pour objectif la protection de la santé publique» .
77. Toutefois, ainsi que nous l'avons déjà exposé plus haut, en reprenant seulement certains éléments du règlement n° 820/97, le règlement n° 2772/1999, à la différence de celui-ci, ne poursuit qu'un seul objectif principal, à savoir directement la protection de la santé publique. De même, son contenu - à la différence du règlement n° 820/97 avec ses titres I et II - ne présente pas de composantes qui sont également essentielles. Cela signifie qu'il y aurait eu lieu de fonder le règlement n°
2772/1999 sur une seule base juridique, à savoir l'article 152 CE. Par conséquent, le Parlement européen aurait dû être consulté dans le cadre de la procédure de codécision conformément à l'article 251 CE.
78. À supposer que, contrairement à la thèse défendue ici, on considère que le règlement n° 2772/1999, lui aussi, poursuit deux objectifs et présente deux composantes, à savoir la protection de la santé publique ainsi que des objectifs de la politique agricole dans le secteur de la viande bovine, selon la jurisprudence de la Cour , il resterait à apprécier si les procédures législatives prévues dans les deux bases juridiques, c'est-à-dire dans les articles 37 CE et 152 CE, sont compatibles. Cette
condition est remplie en l'espèce, puisque la procédure de codécision conformément à l'article 251 CE, qui est prévue pour les actes fondés sur l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE, est compatible avec la simple consultation prévue pour les actes fondés sur l'article 37 CE, en ce qu'elle constitue la procédure qui confère des droits plus importants au Parlement européen et, partant, absorbe en quelque sorte la simple procédure de consultation. Pour ce qui concerne les conditions de vote au
Conseil, il est prévu pour l'une et l'autre procédures que le Conseil statue à la majorité qualifiée.
79. C'est d'ailleurs sur le fondement de la double base juridique des articles 37 CE et 152 CE qu'a été adoptée la nouvelle réglementation destinée à remplacer le règlement n° 820/97, à savoir le règlement n° 1760/2000.
3. Conclusion
80. Étant donné que le Conseil a fondé le règlement n° 2772/1999 sur l'article 19 du règlement n° 820/97 et non pas sur l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE, il a exclu la participation du Parlement européen dans le cadre de la procédure de codécision et, partant, porté atteinte aux prérogatives du Parlement européen. À supposer même qu'il y aurait eu lieu de recourir pour le règlement n° 2772/1999 à une double base juridique, à savoir l'article 152, paragraphe 4, sous b), CE et l'article 37 CE,
le Conseil a violé les prérogatives du Parlement européen.
VI - Troisième moyen: violation du règlement n° 820/97
81. Le troisième moyen a pour objet la violation du règlement n° 820/97.
A - Argumentation des parties
82. Le Parlement européen fait valoir que le Conseil n'a pas respecté les obligations prévues par le règlement n° 820/97 à un double titre. En premier lieu, le Conseil en a modifié le contenu en prorogeant le système d'étiquetage facultatif de la viande bovine et en différant l'introduction du système d'étiquetage obligatoire, sans avoir recours à la procédure de codécision, requise par le traité CE. En second lieu, le Conseil n'a pas respecté l'obligation lui incombant en vertu de l'article 19 du
règlement n° 820/97 d'arrêter avant le 1er janvier 2000 les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine.
83. Le Parlement européen relève que le Conseil s'était réservé, à l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 820/97, le droit de réduire le contenu du système d'étiquetage obligatoire. Il lui aurait été loisible de le faire sur la base des rapports de la Commission.
84. Selon le Parlement européen, il n'y avait aucune raison impérative qui aurait empêché la mise en place du système d'étiquetage obligatoire à la date prévue. Le Parlement européen tient pour non convaincants les arguments tirés des carences de la part des États membres et de l'absence d'identification des bovins nés avant le 1er janvier 1998. En effet, c'est le Conseil lui-même qui a prescrit que seuls les bovins nés après cette date devaient être identifiés et c'est lui aussi qui a considéré que
ce fait n'empêchait pas de prévoir l'étiquetage obligatoire à partir du 1er janvier 2000.
85. Le Parlement européen en conclut que, puisque le passage au système d'étiquetage obligatoire n'était pas impossible, c'est donc qu'il a été jugé inopportun par le Conseil. Le report de la mise en place du système d'étiquetage obligatoire aurait dû être réalisé par une modification du règlement n° 820/97 et non par une mesure d'exécution.
86. Le Parlement européen rappelle en outre que c'est le Conseil lui-même qui a fixé la date du 1er janvier 2000. Le Parlement européen ne voit pas en quoi les difficultés liées à l'application de l'article 19 du règlement n° 820/97 seraient susceptibles de justifier l'adoption du règlement n° 2772/1999.
87. Le Parlement européen concède que l'on ne peut pas s'attendre à ce qu'une procédure de codécision puisse aboutir en moins de trois mois. Il souligne que la question est cependant de savoir pourquoi la proposition de la Commission n'a pas été faite plus tôt. Le règlement n° 820/97 obligeait en effet la Commission à soumettre une proposition quant aux règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire. Ce même règlement obligeait le Conseil à adopter lesdites règles avant le 1er janvier 2000.
L'argument selon lequel l'étiquetage obligatoire n'aurait pas pu être réalisé à défaut d'informations complètes ne saurait convaincre, puisque, pour l'adoption des règles générales, le Conseil jouissait d'un large pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les mentions figurant obligatoirement sur les étiquettes. Du reste, l'abrogation du système d'étiquetage facultatif n'aurait pas engendré un vide juridique, parce qu'il s'agissait de règles volontaires.
88. Le Parlement européen estime que la Commission a exposé clairement que la proposition qui a mené à l'adoption du règlement n° 820/97 était destinée à atteindre un résultat qui aurait dû l'être dans le cadre de la procédure de codécision.
89. Pour ce qui est des carences des États membres concernant l'identification et l'enregistrement des bovins, le Parlement européen croit déceler une contradiction chez la Commission. Il estime que, malgré diverses carences des États membres, il était possible, compte tenu des dispositions de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 820/97, d'adopter certaines règles au moins pour un étiquetage obligatoire.
90. Le Conseil soutient qu'il n'a pas violé le règlement n° 820/97, mais qu'il a au contraire utilisé un mécanisme que ce règlement prévoyait lui-même à l'article 19 et dont la légitimité en soi n'est d'ailleurs pas contestée par le Parlement européen.
91. Le Conseil fait valoir en outre que le règlement n° 2772/1999 ne constitue pas une mesure d'exécution. L'article 19 du règlement n° 820/97 constituait au contraire une base juridique dérivée que le Conseil a légitimement utilisée dans le cas d'espèce. Selon le Conseil, il va de soi qu'une telle base juridique dérivée lui permettait d'opérer la transition entre l'ancien et le nouveau régime, parce que cette base juridique dérivée lui permettait même l'introduction des règles générales de ce
nouveau régime.
92. Le Conseil souligne que le grief qui lui est fait par le Parlement européen de ne pas avoir adopté dans le délai prescrit les règles générales du système d'étiquetage obligatoire paraît singulier alors que de telles règles sont précisément en train de faire l'objet de la procédure de codécision. Le Conseil reconnaît l'obligation invoquée par le Parlement européen d'adopter de telles règles et souligne qu'il s'y est conformé dans le délai prescrit en arrêtant le règlement n° 2772/1999.
93. De l'avis du Conseil, il y a lieu de rejeter la thèse du Parlement européen selon laquelle l'exercice des compétences du Conseil dépend de la façon dont la Commission exerce son rôle de gardienne du traité CE. En effet, le Conseil ne peut se fonder que sur la situation économique et juridique existante et non pas sur une «situation hypothétique».
94. Le Conseil observe en outre que, lors de l'adoption du règlement n° 820/97, il s'est limité à exercer son pouvoir d'amender la proposition de la Commission, dans le respect des règles du traité CE.
95. Selon le gouvernement espagnol, il n'y a pas eu violation du règlement n° 820/97. Ainsi qu'il résulte du rapport de la Commission, les États membres n'étaient pas préparés à mettre en place un système d'étiquetage obligatoire. En adoptant le règlement n° 2772/1999, le Conseil a fait en sorte qu'il soit possible d'achever les bases de données et que les opérateurs économiques dans les États membres puissent se conformer aux prescriptions en matière d'étiquetage.
96. La Commission relève que le règlement n° 820/97 ne définit pas la notion de «règles générales», ce qui implique nécessairement un large pouvoir d'appréciation pour le Conseil agissant dans le cadre de la procédure prévue à l'article 19. Dès lors que le règlement n° 2772/1999 prévoit l'application de certaines règles d'étiquetage mentionnées à l'article 12 du règlement n° 820/97 et permet à certains États membres de continuer à imposer un système d'étiquetage, il n'y a pas eu de détournement de
procédure. Ce sont en effet des règles sur l'étiquetage, obligatoires pour les opérateurs, qui sont prévues.
B - Analyse
97. Le troisième moyen porte sur la violation du règlement n° 820/97 du Conseil.
98. Dans la mesure où le Parlement européen fait valoir que le Conseil a violé le règlement n° 820/97 en ce qu'il aurait dû adopter les mesures prises par le règlement n° 2772/1999 en ayant recours à la procédure de codécision, nous renvoyons à l'analyse faite en ce qui concerne le deuxième moyen.
99. Dans la mesure où le Parlement européen soutient que le Conseil a violé l'article 19 du règlement n° 820/97 en n'adoptant pas dans le délai prescrit, c'est-à-dire avant le 1er janvier 2000, les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire, il fait en réalité grief d'une carence. Or, selon le système communautaire de protection juridique, cela fait l'objet d'un recours autonome, à savoir le recours en carence au titre de l'article 232 CE. Étant donné que l'action intentée en l'espèce
par le Parlement européen tend à obtenir, d'après les conclusions formulées dans la requête, l'annulation d'un acte du Conseil et non pas la constatation de la carence du Conseil, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant cet aspect.
100. Qui plus est, un litige relatif à une éventuelle carence du Conseil pourrait également être considéré comme étant devenu sans objet du fait de l'adoption entre-temps du règlement n° 1760/2000 qui contient les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire. En effet, un arrêt de la Cour constatant l'illégalité de l'abstention ne pourrait plus conduire aux conséquences prévues par l'article 232 CE .
101. Quand bien même le raisonnement du Parlement européen concernant la violation de l'obligation d'arrêter avant le 1er janvier 2000 les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire serait compris simplement comme un argument destiné à étayer le moyen de recours tiré de la violation du règlement n° 820/97, il n'y a pas lieu de traiter cet aspect séparément. Certes, l'obligation d'établir un système d'étiquetage obligatoire peut jouer un rôle, mais d'une autre manière. Ainsi, cette
obligation édictée à l'article 19 du règlement n° 820/97 pourrait notamment être concernée dans la mesure où le Conseil l'a modifiée en adoptant le règlement n° 2772/1999.
102. Comme le Parlement européen le fait du reste valoir à juste titre, dans le règlement n° 2772/1999, le Conseil a en effet différé la mise en place du système d'étiquetage obligatoire. Ce faisant, le Conseil a - sans qu'il faille ici approfondir la question - non seulement manqué à l'obligation qui lui incombait d'introduire un tel système, mais également modifié le contenu de cette obligation sur un point essentiel, d'ordre temporel. Certes, il ne l'a pas fait explicitement, mais on peut
néanmoins considérer le règlement n° 2772/1999 comme une dérogation matérielle à l'obligation de mise en place du système d'étiquetage obligatoire. En l'absence d'une compétence appropriée prévue par le règlement n° 820/97, le Conseil n'aurait pu procéder lui-même à cette modification de l'obligation qui pesait sur lui et la Commission que par une modification du règlement n° 820/97.
103. Notons, enfin, que les difficultés dont plusieurs parties ont fait état en ce qui concerne la mise en place d'un système d'étiquetage obligatoire ne sauraient, dans ce contexte, avoir une incidence sur l'appréciation juridique du règlement n° 2772/1999.
VII - Maintien en vigueur des effets du règlement n° 2772/1999
104. Le Parlement européen et la Commission ont demandé, conformément à l'article 231, paragraphe 2, CE, qu'en cas d'annulation du règlement n° 2772/1999 les effets de ce règlement soient maintenus en vigueur, dans l'intérêt des consommateurs.
105. Entre-temps a été adoptée la nouvelle réglementation remplaçant le règlement n° 820/97 et, partant, également le règlement n° 2772/1999, à savoir le règlement n° 1760/2000 .
106. Toutefois, le maintien en vigueur des effets du règlement n° 2772/1999 présente encore de l'intérêt. Cela concerne principalement la validité des actes que les États membres ont pu prendre depuis l'entrée en vigueur du règlement n° 2772/1999 jusqu'à l'entrée en vigueur de la réglementation successive contenue dans le règlement n° 1760/2000.
107. Il conviendrait d'accueillir cette demande, puisque le règlement attaqué constituait une mesure visant à lutter contre la crise provoquée par l'ESB et à fournir un minimum d'informations aux consommateurs. Pour éviter que l'effet en principe rétroactif de l'annulation du règlement n° 2772/1999 ne crée un vide juridique pour la période allant de l'entrée en vigueur de ce règlement jusqu'à celle de la réglementation successive contenue dans le règlement n° 1760/2000, ainsi que pour des motifs de
sécurité juridique, il y aurait donc lieu de faire droit à ladite demande.
VIII - Sur les dépens
108. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le Conseil ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application de l'article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, le royaume d'Espagne et la Commission, qui sont intervenus au litige, supporteront leurs propres dépens.
IX - Conclusion
109. Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:
«1) Le règlement (CE) n° 2772/1999 du Conseil, du 21 décembre 1999, prévoyant les règles générales d'un système d'étiquetage obligatoire de la viande bovine, est annulé.
2) Les effets du règlement annulé sont maintenus en vigueur jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle réglementation adoptée par le législateur communautaire sur la base juridique appropriée.
3) Le Conseil est condamné aux dépens.
4) Le royaume d'Espagne et la Commission supporteront leurs propres dépens.»