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17/05/2001 | CJUE | N°C-159/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République italienne., 17/05/2001, C-159/99


Avis juridique important

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61999J0159

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 mai 2001. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'Etat - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Recevabilité. - Affaire C-159/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-

04007

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dé...

Avis juridique important

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61999J0159

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 mai 2001. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'Etat - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Recevabilité. - Affaire C-159/99.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-04007

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Recours en manquement - Objet du litige - Détermination au cours de la procédure précontentieuse - Avis motivé complémentaire introduisant un grief nouveau non formulé dans la lettre de mise en demeure - Irrecevabilité

raité CE, art. 169 (devenu art. 226 CE))

Sommaire

$$Dans le cadre d'un recours en manquement, lorsque, dans un avis motivé complémentaire, la Commission formule à l'encontre de l'État membre un nouveau grief qui n'était pas formulé dans sa lettre de mise en demeure et que cette modification des griefs, malgré la généralité des termes admise pour une lettre de mise en demeure, va au-delà d'une simple précision du premier résumé succinct des griefs, le second grief de la Commission ne peut être examiné dans le cadre de la procédure devant la Cour.

( voir point 54 )

Parties

Dans l'affaire C-159/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Stancanelli, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République italienne, représentée par M. U. Leanza, en qualité d'agent, assisté de MM. P. G. Ferri et M. Fiorilli, avvocati dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que:

- en instaurant un régime réglementaire qui autorise la capture et la détention de trois espèces (Passer italiae, Passer montanus et Sturnus vulgaris) en violation des dispositions combinées des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1), et en prévoyant que ce régime s'applique comme une dérogation générale et permanente, en violation des dispositions de l'article 9 de cette même
directive, ce qui créerait par ailleurs une situation d'insécurité juridique inadmissible, et

- en instaurant un régime réglementaire pour les conditions et modalités d'application de la dérogation aux interdictions imposées par la directive 79/409 qui n'est pas pleinement conforme aux exigences précisées à son article 9, en particulier en ce qui concerne les motifs de dérogation prévus au paragraphe 1, sous a) et b), dudit article,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire,

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann (rapporteur), président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, chef de division,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 9 novembre 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 février 2001,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 avril 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que:

- en instaurant un régime réglementaire qui autorise la capture et la détention de trois espèces (Passer italiae, Passer montanus et Sturnus vulgaris) en violation des dispositions combinées des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO L 103, p. 1, ci-après la «directive oiseaux» ou la «directive»), et en prévoyant que ce régime s'applique comme une dérogation générale et permanente, en violation des
dispositions de l'article 9 de la directive, ce qui créerait par ailleurs une situation d'insécurité juridique inadmissible, et

- en instaurant un régime réglementaire pour les conditions et modalités d'application de la dérogation aux interdictions imposées par la directive oiseaux qui n'est pas pleinement conforme aux exigences précisées à son article 9, en particulier en ce qui concerne les motifs de dérogation prévus au paragraphe 1, sous a) et b), dudit article,

la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire.

Le droit communautaire

2 La directive oiseaux a trait, en vertu de son article 1er, à la conservation de toutes les espèces d'oiseaux vivant naturellement à l'état sauvage sur le territoire européen des États membres auquel le traité CE est d'application. Elle a pour objet la protection, la gestion et la régulation de ces espèces et elle en réglemente l'exploitation.

3 L'article 5, sous a) et e), de la directive interdit de manière générale de tuer, de capturer et de détenir toutes les espèces d'oiseaux visées par la directive.

4 Toutefois, la directive prévoit, en son article 7, paragraphe 1, que les espèces énumérées à son annexe II peuvent être l'objet d'actes de chasse dans le cadre de la législation nationale.

5 Par ailleurs, les États membres peuvent, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, déroger à ce régime restrictif de la chasse, ainsi qu'aux autres restrictions et interdictions visées aux articles 5, 6 et 8 de la directive oiseaux, pour les motifs énumérés à son article 9, paragraphe 1, sous a) à c), à savoir:

- premièrement, en vertu de l'article 9, paragraphe 1, sous a), pour la sauvegarde de la santé, de la sécurité publique et de la sécurité aérienne, pour prévenir les dommages importants à l'agriculture, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux, ainsi que pour la protection de la flore et de la faune;

- deuxièmement, en vertu de l'article 9, paragraphe 1, sous b), à des fins de recherche et d'enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l'élevage se rapportant à ces actions;

- troisièmement, en vertu de l'article 9, paragraphe 1, sous c), pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités.

6 Aux termes de l'article 9, paragraphe 2, de la directive:

«Les dérogations doivent mentionner:

- les espèces qui font l'objet des dérogations,

- les moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort autorisés,

- les conditions de risque et les circonstances de temps et de lieu dans lesquelles ces dérogations peuvent être prises,

- l'autorité habilitée à déclarer que les conditions exigées sont réunies, à décider quels moyens, installations ou méthodes peuvent être mis en oeuvre, dans quelles limites et par quelles personnes,

- les contrôles qui seront opérés.»

Le droit national

7 En vertu de l'article 1er, paragraphe 4, de la loi italienne n° 157/92, du 11 février 1992 (GURI n° 46, du 25 février 1992, supplément ordinaire n° 41, ci-après la «loi 157/92»), la directive oiseaux est intégralement transposée et mise en oeuvre selon les modalités et dans les délais prévus par ladite loi.

8 L'article 1er, paragraphe 3, de la loi 157/92 dispose que les régions à statut ordinaire arrêtent les dispositions régissant la gestion et la protection de toutes les espèces de la faune sauvage conformément à ladite loi, aux conventions internationales et aux directives communautaires. Cette disposition prévoit également que les régions à statut spécial et les provinces autonomes sont soumises à cette obligation dans les limites de leurs compétences exclusives, telles qu'elles sont définies par
leurs constitutions respectives.

9 L'article 2, paragraphe 3, de la loi 157/92 prévoit que le contrôle du niveau de population des oiseaux dans les aéroports est confié au ministre des Transports.

10 L'article 4, paragraphe 4, de la loi 157/92 énumère un certain nombre d'espèces d'oiseaux sauvages pour lesquelles la capture en vue de la cession comme appelant est permise. Parmi ces espèces, figurent les trois espèces concernées par le présent recours.

11 L'article 5, paragraphe 2, de la loi 157/92 dispose:

«Les régions prennent aussi des dispositions relatives à la constitution et à la gestion du patrimoine d'appelants vivants de capture relevant des espèces visées à l'article 4, paragraphe 4, et qui autorisent tout chasseur qui exerce une activité cynégétique, conformément à l'article 12, paragraphe 5, sous b), à détenir un maximum de dix exemplaires de chaque espèce jusqu'à un maximum de quarante. Pour les chasseurs qui exercent l'activité de chasse à l'affût temporaire et à appelants vivants,
l'effectif susmentionné ne peut dépasser un total maximum de dix unités».

12 La version initiale de l'article 18 de la loi 157/92 autorisait la chasse de diverses espèces, dont celles visées par le présent recours, qui, pourtant, ne figuraient pas parmi les espèces pouvant être chassées en Italie selon l'annexe II de la directive.

13 L'article 19, paragraphe 2, de la loi 157/92 dispose qu'il incombe aux régions de procéder au contrôle des espèces de la faune sauvage, y compris dans les zones interdites à la chasse, afin de réaliser les objectifs suivants: amélioration de la gestion du patrimoine zoologique, protection du sol, raisons sanitaires, sélection biologique, protection du patrimoine historico-artistique, protection des productions zoo-agro-forestières et des réserves halieutiques. Le contrôle en question doit être
effectué de manière sélective et, en règle générale, par le recours à des méthodes écologiques.

14 Par la lettre circulaire n° 3/93, du 29 janvier 1993 (GURI n° 38, du 16 février 1993, ci-après la «circulaire 3/93»), le ministère de l'Agriculture a donné certaines précisions sur la loi 157/92. Ainsi, après avoir résumé les règles de la directive, le ministère a, d'une part, rappelé les espèces d'oiseaux pouvant être chassées selon l'article 18 de la loi 157/92 et, d'autre part, expliqué aux régions que les espèces visées par cette liste mais ne figurant pas dans l'annexe II de la directive ne
pouvaient être chassées que dans la mesure où les conditions des dérogations prévues à l'article 9 de la directive étaient remplies. Par ailleurs, la circulaire 3/93 a précisé que «la capture d'oiseaux en vue de leur cession comme appelants, visée aux articles 4, paragraphe 4, et 5, paragraphe 2, de la loi 157/92, est permise dans le cadre des dérogations autorisées sur la base de l'article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive 79/409/CEE».

15 Pour se conformer aux dispositions de la directive oiseaux relatives aux espèces pouvant faire l'objet d'actes de chasse en Italie, le décret du président du Conseil des ministres, du 21 mars 1997 (GURI n° 98, du 29 avril 1997, ci-après le «décret du 21 mars 1997»), a modifié l'article 18 de la loi 157/92 en excluant neuf espèces d'oiseaux, dont les trois espèces concernées par le présent recours, de la liste d'espèces pouvant être chassées.

16 L'Istituto Nazionale per la Fauna Selvatica (Institut national de la faune sauvage, ci-après l'«INFS») a adressé à un certain nombre de régions une lettre circulaire datée du 13 mai 1997 (ci-après la «circulaire du 13 mai 1997»), qui explique notamment ce qui suit:

«[Le décret du 21 mars 1997] a exclu des espèces susceptibles d'être chassées, entre autres, l'étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris), le moineau cisalpin (Passer italiae), le moineau friquet (Passer montanus) ainsi que le moineau domestique (Passer domesticus) qui faisaient précédemment encore l'objet de captures pour l'approvisionnement en appelants vivants utilisés pour la chasse à l'affût.

La protection accordée à ces quatre espèces ne permet pas de les employer comme appelants pour la chasse; il y a donc lieu d'apporter des modifications aux normes en vigueur pour la gestion des installations de capture.

[...]»

17 Le président du Conseil des ministres a adopté un décret, du 27 septembre 1997 (GURI n° 254, du 30 octobre 1997, ci-après le «décret du 27 septembre 1997»), qui définit les modalités d'exercice de la dérogation prévue à l'article 9, paragraphe 1, sous c), de la directive oiseaux. S'agissant des dérogations prévues à l'article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de ladite directive, le préambule de ce décret indique qu'elles sont régies par les articles 2, paragraphe 3, et 19 de la loi 157/92. À la
suite des recours formés par certaines régions, la Corte costituzionale (Italie) a annulé, par sa décision n° 169 du 14 mai 1999, le décret du 27 septembre 1997.

La procédure précontentieuse

18 Après un examen de la réglementation italienne, la Commission a, le 30 novembre 1993, envoyé au gouvernement italien, conformément à l'article 169 du traité, une lettre de mise en demeure lui demandant de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

19 Dans cette lettre de mise en demeure, la Commission a rappelé, aux points 1 et 2, la réglementation italienne relative à la chasse et à la capture des trois espèces concernées par le présent recours. Au point 3, elle a relevé ce qui suit:

«[...] la circulaire [3/93] - tout en excluant les espèces d'oiseaux en question de la chasse et de la capture et en rappelant que seul le régime de dérogation de l'article 9 de la directive [oiseaux] peut éventuellement être utilisé pour ces espèces - ne constitue pas, par sa nature juridique, un moyen suffisant, même si elle est publiée au GURI, pour s'imposer aux destinataires et prévaloir sur la liste des espèces qui peuvent être chassées et capturées contenue dans la loi 157/92.

Selon la jurisprudence de la Cour de justice, en effet, la circulaire n'est pas suffisante pour satisfaire pleinement à l'exigence de sécurité juridique.

Dans le cas d'espèce, une situation d'insécurité juridique peut se créer, car la loi autorise la chasse et la capture des espèces susmentionnées, et ceci sans restriction, alors que la circulaire contient un message opposé.

Ni les administrations régionales ou locales ni les chasseurs ne peuvent déduire de ces deux textes, avec certitude, quels oiseaux peuvent être chassés et à quel moment.

À cela s'ajoute que l'article 9, paragraphe 2, de la directive [oiseaux] exige qu'une autorité administrative détermine, pour les cas tombant dans le champ d'application de l'article 9, paragraphe 1, si les conditions de ce paragraphe sont remplies, dans quelle localité et pour quels oiseaux la chasse peut exceptionnellement être autorisée.

Les autorités responsables en vertu de l'article 9, paragraphe 2, de la directive [oiseaux] doivent en outre examiner s'il existe une autre solution satisfaisante qui permet de résoudre le problème concret sans qu'il y ait nécessité de recourir à l'octroi d'une dérogation.

[...]»

20 Par lettre du 21 mars 1997, les autorités italiennes ont annoncé à la Commission l'adoption imminente de dispositions réglementaires afin de se conformer aux obligations imposées par la directive oiseaux. Le 29 mai 1997, le gouvernement italien a transmis à la Commission le texte du décret du 21 mars 1997.

21 Le 7 août 1997, la Commission, estimant insuffisantes les mesures adoptées par les autorités italiennes pour mettre fin au grief contenu dans la lettre de mise en demeure, a envoyé à la République italienne un avis motivé dans lequel elle a formulé un seul grief, identique en substance au premier grief du présent recours.

22 Par lettre du 1er octobre 1997, le gouvernement italien a transmis le texte du décret du 27 septembre 1997 à la Commission.

23 Après avoir analysé le contenu de ce décret, la Commission a, le 18 juin 1998, envoyé à la République italienne un avis motivé complémentaire, dans lequel elle a formulé un nouveau grief, identique au second grief du présent recours.

24 En l'absence de toute réaction de la part du gouvernement italien, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

Sur le premier grief

25 Par ce grief, la Commission reproche à la République italienne, d'une part, d'avoir instauré, en violation des dispositions combinées des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive oiseaux, un régime réglementaire qui autorise la capture et la détention des trois espèces concernées par le présent recours et, d'autre part, d'avoir prévu, en violation des dispositions de l'article 9 de cette directive, que ce régime s'applique comme une dérogation générale et permanente.

26 S'agissant de la première partie de ce grief, la Commission fait valoir qu'il résulte expressément des termes des articles 4, paragraphe 4, et 5, paragraphe 2, de la loi 157/92 que les trois espèces concernées par le présent recours peuvent être capturées et détenues en vue de leur cession aux fins d'appelants, en violation des dispositions combinées des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive oiseaux.

27 Le gouvernement italien prétend dans sa défense que, en excluant de la liste des espèces susceptibles d'être chassées les trois espèces concernées par le présent recours, le décret du 21 mars 1997 a également exclu la capture et la détention de ces espèces, étant donné qu'il existerait un lien étroit entre, d'une part, les dispositions des articles 4, paragraphe 4, et 5, paragraphe 2, de la loi 157/92 et, d'autre part, l'article 18, paragraphe 1, de la même loi. En effet, seules les espèces pour
lesquelles la chasse est autorisée pourraient être capturées ou détenues.

28 En outre, ce gouvernement fait valoir que la législation italienne organise l'activité de capture d'une manière précise, sous la surveillance directe des autorités et d'organismes publics. Le contrôle de l'activité de ces organismes aurait été confié à l'INFS qui, après l'adoption du décret du 21 mars 1997, a donné par la circulaire du 13 mai 1997 aux administrations intéressées les instructions nécessaires afin que soient exclues de l'activité de capture aux fins de l'utilisation comme appelants
les trois espèces concernées par le présent recours.

29 Il convient de relever à titre liminaire qu'il résulte des articles 5 et 7 de la directive oiseaux que sont interdites la chasse, la capture et la détention de spécimens d'espèces qui ne figurent pas à l'annexe II de cette directive. Les espèces Passer italiae, Passer montanus et Sturnus vulgaris ne sont pas reprises dans ladite annexe parmi celles pouvant être capturées et détenues en Italie.

30 Or, il résulte des termes de l'article 4, paragraphe 4, de la loi 157/92 que la capture de spécimens de ces trois espèces à des fins de cession comme appelants est autorisée en Italie. De même, l'article 5, paragraphe 2, de la loi 157/92 permet aux régions de réglementer les modalités de détention des spécimens de ces trois espèces destinés à être utilisés comme appelants.

31 Dès lors, il échet de constater que ce cadre réglementaire national se trouve en contradiction avec les dispositions combinées des articles 5 et 7 de la directive oiseaux et de son annexe II.

32 S'agissant de l'argumentation du gouvernement italien selon laquelle, en réalité, les interdictions découlant de la directive oiseaux sont respectées compte tenu, d'une part, de la modification de l'article 18 de la loi 157/92 par le décret du 21 mars 1997 et, d'autre part, de la circulaire du 13 mai 1997, il importe de rappeler les éléments suivants de la jurisprudence de la Cour relative aux obligations qui incombent aux États membres quand ils transposent des directives communautaires:

- les dispositions d'une directive doivent être mises en oeuvre avec une force contraignante incontestable, avec la spécificité, la précision et la clarté requises afin que soit satisfaite l'exigence de sécurité juridique (voir, notamment, arrêt du 19 mai 1999, Commission/France, C-225/97, Rec. p. I-3011, point 37), et

- de simples pratiques administratives, par nature modifiables au gré de l'administration et dépourvues d'une publicité adéquate, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable des obligations du traité (voir, notamment, arrêt du 11 novembre 1999, Commission/Italie, C-315/98, Rec. p. I-8001, point 10).

33 Or, la transposition en droit italien des obligations découlant des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive oiseaux ne répond pas aux exigences énoncées dans cette jurisprudence.

34 En effet, même à supposer que la modification de l'article 18 de la loi 157/92 par le décret du 21 mars 1997 ait entraîné l'exclusion de la capture, à des fins d'utilisation comme appelants, des trois espèces concernées par le présent recours, il n'en reste pas moins que les dispositions des articles 4 et 5 de cette loi permettant la capture et la détention de ces trois espèces à des fins d'utilisation comme appelants n'ont pas été modifiées d'une façon formelle ce qui crée dans le cas d'espèce
une ambiguïté rendant incertain le respect de l'interdiction de ces actes prévue par la directive oiseaux.

35 En outre, quand bien même la circulaire du 13 mai 1997 aurait, comme le prétend le gouvernement italien, les effets décrits au point 28 du présent arrêt, force est de constater qu'une telle circulaire, par nature modifiable au gré de l'administration, ne suffit pas pour transposer les articles en cause de la directive oiseaux.

36 Il convient donc de constater que les articles 5 et 7 et l'annexe II de la directive oiseaux n'ont pas été transposés en droit italien avec l'exactitude, la précision et la clarté exigées par le droit communautaire.

37 Par la seconde partie du premier grief, la Commission reproche à la République italienne d'avoir prévu que le régime réglementaire national visé par la première partie de ce grief s'applique comme une dérogation générale et permanente, en violation des dispositions de l'article 9 de la directive oiseaux, ce qui créerait une situation d'insécurité juridique.

38 La Commission explique cette partie de son grief en rappelant que les autorités italiennes lui ont transmis, à la suite de son premier avis motivé, le décret du 27 septembre 1997. Or, selon la Commission, ce décret ne pourrait mettre fin à la contradiction entre la loi 157/92 et la directive oiseaux que si l'on interprétait son article 3, relatif aux dérogations, comme s'appliquant à tous les cas de capture de spécimens d'espèces protégées à des fins de cession comme appelants, à savoir à tous
les cas régis par l'article 4, paragraphe 4, de la loi 157/92.

39 À cet égard, il convient de relever ce qui suit.

40 D'abord, s'il est certes exact, comme la Commission l'a indiqué, que l'article 9 de la directive ne peut aucunement justifier une dérogation à ses articles 5 et 7 et à son annexe II consistant à permettre de manière générale et permanente la capture et la détention des trois espèces concernées par le présent recours, il convient d'observer que le gouvernement italien conteste avoir, au cours de la présente procédure en manquement, fait valoir que l'article 3 du décret du 27 septembre 1997
s'appliquait comme une dérogation générale et permanente.

41 De fait, il est constant que ce gouvernement, dans ses observations devant la Cour, a fondé sa défense sur l'argumentation selon laquelle la capture et la détention des trois espèces concernées par le présent recours n'étaient pas permises en Italie et non sur une application de l'article 9 de la directive oiseaux.

42 Ensuite, il convient de rappeler que la Corte costituzionale a annulé, par sa décision du 14 mai 1999, le décret du 27 septembre 1997 en jugeant, notamment, que les autorités compétentes en matière de chasse, dont les régions, ne peuvent pas appliquer les dérogations prévues à l'article 9 de la directive oiseaux en l'absence d'une réglementation préalable générale de cette question, réglementation dont l'adoption relève de la compétence de l'État.

43 Enfin, il échet d'observer que la Commission, dans sa réplique, relève elle-même que toute discussion sur cette partie du premier grief est devenue théorique étant donné que le décret du 27 septembre 1997 a été annulé par la Corte costituzionale et que, dans l'état actuel des choses, aucune disposition législative ne limite l'application des articles 4, paragraphe 4, et 5, paragraphe 2, de la loi 157/92.

44 Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de statuer sur cette partie du premier grief.

Sur le second grief

45 Par ce grief, la Commission reproche à la République italienne d'avoir instauré, en ce qui concerne les conditions et modalités d'application des dérogations aux interdictions imposées par la directive oiseaux, un régime réglementaire qui n'est pas pleinement conforme aux exigences précisées à l'article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive.

46 La Commission fait valoir que le décret du 27 septembre 1997 ne constitue une mesure suffisante pour assurer la transposition des éléments essentiels de l'article 9 de la directive oiseaux qu'en ce qui concerne la possibilité de dérogation prévue au paragraphe 1, sous c), de cette disposition. En revanche, pour ce qui est des possibilités de dérogation prévues à l'article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive oiseaux, ce décret se contenterait d'effectuer un simple renvoi à un autre
texte législatif, en indiquant que les dérogations en cause sont régies par les articles 2, paragraphe 3, et 19 de la loi 157/92. Or, ni ces deux dernières dispositions ni aucune autre disposition de droit italien ne définiraient les conditions et les modalités d'octroi des dérogations dans les cas de figure envisagés à l'article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive oiseaux. Il n'existerait donc pas en droit italien de réglementation complète et conforme au droit communautaire qui
permette dans ces cas de figure une application concrète des dérogations prévues par la directive.

47 Le gouvernement italien soutient, dans sa défense, que ce grief doit être déclaré irrecevable compte tenu qu'il ne s'inscrit pas dans le cadre du différend circonscrit par la lettre de mise en demeure du 30 novembre 1993.

48 La Commission rétorque que les principes qui régissent la phase précontentieuse de la procédure ont été correctement appliqués dans la présente affaire. Elle aurait déjà exposé ce second grief de manière succincte et globale dans la lettre de mise en demeure, en faisant expressément référence à certaines des conditions auxquelles est soumise l'application des dérogations prévues à l'article 9 de la directive oiseaux.

49 La Commission fait valoir que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la phase précontentieuse de la procédure a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer aux obligations découlant du droit communautaire qui lui incombent et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission (voir arrêt du 20 mars 1997, Commission/Allemagne, C-96/95, Rec. p. I-1653, point 22).

50 La Commission, se fondant encore sur la jurisprudence de la Cour, fait valoir à ce propos que la lettre de mise en demeure a certes pour but de circonscrire l'objet du différend et d'indiquer à l'État membre les éléments nécessaires à la préparation de sa défense mais que cette lettre ne saurait être soumise aux mêmes exigences d'exhaustivité que l'avis motivé. En effet, cette lettre pourrait consister en un simple premier résumé succinct des griefs, exposés de manière globale, étant entendu que
l'avis motivé qui suit devrait préciser ces griefs grâce à un exposé cohérent et détaillé des raisons ayant amené la Commission à la conviction que l'État membre intéressé a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire (voir arrêt du 16 septembre 1997, Commission/Italie, C-279/94, Rec. p. I-4743, points 14 et 15).

51 Il convient, d'abord, de relever qu'il ressort de la lettre de mise en demeure du 30 novembre 1993 que la Commission y a fait grief à la République italienne d'avoir autorisé, en violation de la directive, la chasse, la capture et la détention d'un certain nombre d'espèces d'oiseaux sauvages, dont les trois espèces concernées par le présent recours. La mention, dans cette lettre, de l'article 9 de la directive oiseaux s'expliquait par l'existence de la circulaire 3/93, à propos de laquelle la
Commission a rappelé que seul le régime de dérogation prévu à l'article 9 de la directive pourrait éventuellement être utilisé afin d'autoriser la chasse et la capture d'espèces pour lesquelles la loi 157/92 admet ces pratiques mais qui ne figurent pas dans l'annexe II de la directive.

52 Ensuite, il y a lieu d'observer que, dans son premier avis motivé du 7 août 1997, la Commission a formulé un seul grief à l'encontre de la République italienne, à savoir, en substance, le même grief que celui qu'elle avait énoncé dans sa lettre de mise en demeure.

53 Enfin, il échet de remarquer que, dans son avis motivé complémentaire du 18 juin 1998, la Commission a formulé deux griefs différents. Elle a, d'une part, réitéré le grief formulé dans son premier avis motivé, et, d'autre part, reproché à la République italienne d'avoir instauré, en ce qui concerne les conditions et modalités d'application des dérogations aux interdictions imposées par la directive oiseaux, un régime réglementaire qui n'était pas conforme aux exigences précisées à l'article 9,
paragraphe 1, sous a) et b), de la directive. À cet effet, la Commission a, notamment, analysé le décret du 27 septembre 1997 au regard des articles 2, paragraphe 3, et 19 de la loi 157/92.

54 Dès lors, il convient de constater que, dans son avis motivé complémentaire, la Commission a formulé à l'encontre de la République italienne un nouveau grief qui n'était pas formulé dans sa lettre de mise en demeure. Cette modification des griefs, malgré la généralité des termes admise pour une lettre de mise en demeure, va au-delà d'une simple précision du premier résumé succinct des griefs, de sorte que le second grief de la Commission ne peut être examiné dans le cadre de la présente
procédure.

55 Il y a donc lieu de rejeter comme irrecevable le second grief, relatif à la transposition de l'article 9, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive oiseaux.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

56 En vertu de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 69, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement, la Cour peut décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. La Commission et la République italienne ayant succombé partiellement en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres
dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) En instaurant un régime réglementaire qui autorise la capture et la détention des espèces Passer italiae, Passer montanus et Sturnus vulgaris, en violation des dispositions combinées des articles 5 et 7 et de l'annexe II de la directive 79/409/CEE du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) Chacune des parties supportera ses propres dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-159/99
Date de la décision : 17/05/2001
Type de recours : Recours en constatation de manquement - irrecevable, Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non-lieu à statuer

Analyses

Manquement d'Etat - Directive 79/409/CEE - Conservation des oiseaux sauvages - Recevabilité.

Environnement


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Gulmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2001:278

Source

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