ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
26 octobre 2000 ( *1 )
«Fonctionnaires - Réclamation administrative préalable - Délais -Fait nouveau - Promotion - Examen comparatif des mérites»
Dans l'affaire T-138/99,
Luc Verheyden, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Angera (Italie), représenté par Me É. Boigelot, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me L. Schütz, 2, rue du Fort Rheinsheim,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis-Kayser et F. Clotuche-Duvieusart, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade A 4 avec effet rétroactif au 10 octobre 1989 et de la décision de ne pas promouvoir le requérant au titre de l'exercice de promotion 1998 et, d'autre part, une demande de réparation du dommage moral prétendument subi,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),
composé de M. R. Garcia-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,
greffier: M. G. Herzig, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 11 juillet 2000,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
1 Le requérant est entré au service de la Commission en avril 1964, en qualité de fonctionnaire scientifique. Il est actuellement affecté au Centre commun de recherche (CCR) à Ispra (Italie) dans l'unité «Services logistiques» où, depuis avril 1995, il est chargé de la récupération et de la revente du matériel obsolète au sein du CCR.
2 Le requérant a été promu au grade A 5 le 1er janvier 1977. Depuis cette date, il est resté dans ce grade et y est, actuellement, classé à l'échelon 8.
3 Par réclamation enregistrée à la Commission le 22 mai 1995, le requérant a demandé à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») de tirer les conséquences de la situation créée par l'absence et le retard dans l'établissement de ses rapports de notation, particulièrement en ce qui concernait la période 1989-1991 et de l'indemniser du dommage subi à la suite de cette situation.
4 Par décision du 30 novembre 1995, le directeur général du CCR a décidé de donner une suite favorable à la réclamation du requérant et lui a attribué la somme de 90000 francs belges (BEF) comme indemnisation du dommage moral subi à la suite de l'absence et du retard dans l'établissement de ses rapports de notation.
5 Le 19 décembre 1995, le directeur du CCR a adressé au requérant son rapport de notation pour la période 1989-1991. Le 16 janvier 1996, le requérant a contesté son rapport de notation et a demandé l'intervention du notateur d'appel.
6 En l'absence de réponse de la part de l'AIPN, le requérant a, par note du 28 août 1996, d'une part, redemandé l'examen de son rapport de notation 1989-1991 par le notateur d'appel et, d'autre part, contesté le fait de ne pas avoir été promu au grade A 4 au titre de l'exercice de promotion 1996. Par décision du 31 octobre 1996, le directeur général du CCR a rejeté cette demande. Le 20 janvier 1997, le requérant a introduit une réclamation contre cette décision. L'AIPN ne s'étant pas prononcée sur
ladite réclamation, celle-ci a fait l'objet, le 20 mai 1997, d'un rejet implicite.
7 Le 19 août 1997, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours en annulation de la décision du 31 octobre 1996 (affaire T-240/97).
8 Le 16 décembre 1997, le notateur d'appel, a modifié le rapport de notation du requérant pour la période 1989-1991. La nouvelle version, reçue par le requérant le 5 janvier 1998, améliorait sensiblement les appréciations portées sur le requérant dans la version précédente. À la suite d'un accord intervenu entre les parties, le requérant s'est désisté de son recours dans l'affaire T-240/97.
9 Par ordonnance du 16 janvier 1998 du président de la cinquième chambre du Tribunal, l'affaire T-240/97 a été radiée du registre du Tribunal.
10 Les rapports de notation du requérant pour les périodes 1991-1993, 1993-1995 et 1995-1997 ont été établis et sont devenus définitifs, respectivement, le 12 avril 1996, le 15 février 1996 et le 2 mars 1998.
11 Par lettre du 23 mars 1998, le requérant a demandé à l'AIPN à être promu au grade A 4, avec effet au 10 octobre 1989. Il demandait également une indemnisation de 200 millions de lires italiennes (ITL) pour le dommage moral qu'il aurait subi en raison, principalement, de sa non-promotion à ce jour.
12 L'AIPN ne s'étant pas prononcée sur cette demande, celle-ci a fait l'objet, le 26 juillet 1998, d'un rejet implicite.
13 La liste des fonctionnaires et des agents temporaires rémunérés sur les crédits de recherche, qui étaient promouvables et susceptibles de bénéficier d'une modification de classement en 1998, a été publiée aux Informations administratives no 1035 du 25 mars 1998. Le nom du requérant figurait sur cette liste.
14 La liste des emplois vacants à pourvoir par voie de promotion a été publiée aux Informations administratives no 1044 du 30 juillet 1998. Il apparaît que cinq emplois A 4 étaient vacants au CCR pour le cadre scientifique et technique (auquel appartient le requérant).
15 La liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour l'exercice de promotion 1998 a été publiée aux Informations administratives no 1046 du 4 août 1998. Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste.
16 La liste des fonctionnaires promus par l'AIPN en 1998 a été publiée aux Informations administratives no 1045 du 3 août 1998. Le nom du requérant ne figurait pas non plus sur cette liste.
17 Un corrigendum a été publié aux Informations administratives no 1048 du 21 septembre 1998 indiquant que les dates et numéros des Informations administratives n os 1045 et 1046 avaient été inversés.
18 Le 26 octobre 1998, le requérant a introduit une réclamation contre le rejet implicite de sa demande du 23 mars 1998.
19 Par courrier du 3 novembre 1998, le requérant a déposé une seconde réclamation dans laquelle il a contesté son exclusion de la liste des promus au grade A 4, publiée aux Informations administratives no 1046 du 4 août 1998 (telle que corrigée), et a demandé à être promu au grade A 4 avec effet rétroactif au 10 octobre 1989. Il a sollicité également une indemnisation de son dommage moral à concurrence de 200 millions de ITL.
20 Le 24 février 1999, l'AIPN a adopté une décision rejetant les deux réclamations du requérant, à savoir celle du 26 octobre 1998 et celle du 3 novembre 1998. Le requérant en a accusé réception le 8 mars 1999.
Procédure et conclusions des parties
21 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 1999, le requérant a introduit le présent recours.
22 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé, d'une part, d'ouvrir la procédure orale et, d'autre part, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues par l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, d'inviter la Commission à répondre à certaines questions et à produire un document.
23 Il a été déféré à cette invitation le 27 juin 2000. Dans sa réponse à une des questions du Tribunal, la Commission a renoncé à ses arguments relatifs à l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la décision du 4 août 1998 qui reprend la liste des fonctionnaires promus pour l'exercice 1998 et qui exclut le requérant.
24 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leur réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 11 juillet 2000.
25 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— annuler la décision implicite de rejet de sa demande introduite le 23 mars 1998, aux termes de laquelle il sollicite de l'AIPN sa promotion au grade A 4 avec effet au 10 octobre 1989;
— annuler la décision de ne pas le promouvoir au grade A 4 lors de l'exercice de promotion de 1998;
— annuler la décision du 24 février 1999 de rejet de ses deux réclamations introduites les 26 octobre et 3 novembre 1998;
— payer, à titre d'indemnité pour dommage moral, une somme de 500000 BEF (12394,68 euros), augmentée des intérêts calculés à 8 % l'an à dater de l'arrêt à intervenir jusqu'au complet paiement;
— condamner la défenderesse aux dépens.
26 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
— rejeter le recours comme étant irrecevable en ce qu'il vise à l'annulation de la décision de ne pas promouvoir le requérant avec effet rétroactif au 10 octobre 1989, et en tout état de cause, comme étant manifestement non fondé;
— statuer sur les dépens comme de droit.
Sur les conclusions en annulation
Sur la recevabilité du recours en ce qu'il porte sur la décision de ne pas promouvoir le requérant avec effet rétroactif au 10 octobre 1989
Arguments des parties
27 Selon la Commission, le recours doit être déclaré irrecevable en ce qu'il porte sur la demande de promotion du requérant avec effet rétroactif telle que formalisée dans la réclamation du 26 octobre 1998 et une partie de la réclamation du 3 novembre 1998 parce que, par cette prétention, le requérant sollicite en réalité la réouverture de délais expirés.
28 La Commission fait ainsi valoir que, pour ce qui est des exercices de promotion antérieurs à l'expiration de la période de référence de la notation 1989-1991 du requérant, l'élaboration de son rapport de notation n'a pas pu conditionner les décisions de ne pas le promouvoir. Dès lors, le retard dans l'établissement de cette notation ne faisait pas obstacle à ce que le requérant introduise une réclamation contre une décision de non-promotion pour les exercices de promotion antérieurs à 1991.
29 Pour ce qui est des exercices de promotion postérieurs à 1991, la Commission relève que le requérant aurait pu contester son absence de promotion chaque année, même en l'absence d'un rapport de notation définitif pour la période 1989-1991.
30 Enfin, la Commission fait valoir que le retard dans l'élaboration de ce rapport de notation du requérant a déjà fait l'objet d'une indemnisation par l'AIPN de 90000 BEF et que, s'étant désisté de son recours dans l'affaire T-240/97 portant sur l'établissement de son rapport de notation pour la période 1989-1991, le requérant a renoncé à faire valoir d'autres droits découlant de la rédaction tardive de ce rapport.
31 Le requérant fait valoir que ce n'est qu'après avoir introduit un recours devant le Tribunal (affaire T-240/97) que son rapport de notation pour la période 1989-1991 a fait l'objet d'une révision le 23 décembre 1997 et lui a été communiqué le 5 janvier 1998, ses termes ayant été améliorés. Ce ne serait, donc, que le 5 janvier 1998 qu'il disposait d'un dossier et d'un rapport de notation lui permettant de se prévaloir d'un droit à avancement de carrière et de faire valoir, au regard du statut et
dans le cadre d'un examen comparatif des mérites, qu'il était justifié de prendre en compte, rétroactivement, sa situation administrative. En effet, compte tenu du rapport de notation dont il disposait avant cette date et du nombre d'années qui ont été nécessaires pour que la correction légitime de ce rapport soit apportée, il n'aurait eu aucune chance de faire valoir son droit à être promu avant le 5 janvier 1998.
Appréciation du Tribunal
32 Il est constant entre les parties que, excepté celui de 1996, qui a fait l'objet d'un recours dans l'affaire T-240/97, les exercices de promotion de 1989 à 1997 n'ont pas été contestés par le requérant dans les délais prévus.
33 Or, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours fixés par les'articles 90 et 91 du statut sont d'ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, ayant été institués en vue d'assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques. Les éventuelles exceptions ou dérogations à ces délais doivent être interprétées de manière restrictive. Seule l'existence de faits nouveaux et substantiels peuvent justifier la présentation d'une demande tendant au
réexamen d'une décision définitive (ordonnances du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T-16/97, RecFP p. I-A-237 et II-681, point 37, et du 17 septembre 1998, Pagliarani/Commission, T-40/98, RecFP p. I-A-515 et II-1555, point 25).
34 À cet égard, le requérant fait valoir que ce n'est que le 5 janvier 1998, date à laquelle il a reçu son rapport de notation pour la période 1989-1991 modifié, qu'il disposait d'un dossier et d'un rapport de notation lui permettant de se prévaloir, avec des chances de succès, d'un droit à la carrière.
35 Il se pose dès lors la question de savoir si la modification du rapport de notation du requérant pour la période 1989-1991 est un fait nouveau et substantiel au sens de la jurisprudence précitée. Dans ce contexte, il convient de faire une distinction entre les exercices de promotion antérieurs à 1991 et ceux postérieurs à cette date.
36 Pour ce qui est des promotions antérieures à 1991, il convient de souligner que, comme l'affirme la Commission à juste titre, elles ont pour cadre des exercices de promotion antérieurs à la date d'établissement du rapport de notation se rapportant à la période 1989-1991. Dès lors, ces exercices de promotion ne peuvent avoir été affectés par l'absence, le retard dans l'établissement ou la modification dudit rapport. Rien n'empêchait le requérant d'introduire une réclamation contre une décision de
non-promotion pour les périodes antérieures à 1991.
37 Pour ce qui est des promotions de 1991 à 1997, la modification du rapport de notation du requérant ne constituerait un fait nouveau et substantiel lui permettant de rouvrir les délais pour l'introduction de la réclamation que si, lors de l'examen comparatif des mérites pour ces promotions, l'AIPN avait tenu compte de la première version du rapport de notation pour la période 1989-1991, à savoir celle dans laquelle les qualifications du requérant étaient mauvaises. En effet, dans cette hypothèse,
et au vu de la modification postérieure du rapport de notation pour la période 1989-1991, l'AIPN aurait alors dû réexaminer ses décisions de non-promotion du requérant car elles auraient été prises au vu d'éléments et d'informations manifestement inexacts (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1994, Marcato/Commission, T-18/93, RecFP p. I-A-215 et II-681, point 28).
38 Il convient dès lors d'examiner si, pour les exercices de promotion de 1991 à 1997, l'AIPN s'est basée sur la première version du rapport de notation pour la période 1989-1991.
39 À cet égard, il importe de souligner que la première version du rapport de notation du requérant pour la période 1989-1991 lui a été adressée le 19 décembre 1995 et que, dès lors, elle n'était pas dans le dossier du requérant avant cette date. L'AIPN n'a pas pu, dès lors, se fonder sur un tel rapport avant 1995. L'AIPN ne s'étant pas fondée sur des éléments inexacts pour les promotions de 1991 à 1995, le requérant ne peut pas invoquer la modification de son rapport de notation pour la période
1989-1991 comme un fait nouveau et substantiel lui permettant d'attaquer une décision devenue définitive.
40 Pour ce qui est des promotions postérieures à 1995, il convient de souligner que l'AIPN ne pouvait pas non plus se fonder sur la première version du rapport de notation pour la période 1989-1991. En effet, même si l'AIPN ne disposait que de cette première version du rapport, elle ne pouvait pas s'en servir parce qu'elle était contestée par le requérant et que le rapport n'était pas, dès lors, définitif. Ainsi, selon la jurisprudence, un rapport de notation qui n'est pas définitif ne peut pas être
classé dans le dossier personnel d'un fonctionnaire (arrêt du Tribunal du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II-1429, point 50). En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que l'AIPN avait procédé à un examen comparatif des mérites au vu dudit rapport de notation.
41 En outre, il y a lieu de souligner que les rapports de notation du requérant pour les périodes 1991-1993 et 1993-1995 ont été établis et sont devenus définitifs respectivement le 12 avril et le 15 février 1996.
42 Il y a dès lors lieu de conclure que, l'AIPN ne s'étant pas fondée sur un rapport de notation inexact pour les exercices de promotion de 1991 à 1997, le requérant ne peut pas faire valoir que la modification d'un tel rapport constitue un fait nouveau et substantiel lui permettant de demander le réexamen d'une décision définitive.
43 Si le requérant s'estimait lésé par une décision de l'AIPN de ne pas le promouvoir, il aurait pu contester ses non-promotions même en l'absence d'un rapport de notation définitif. S'il pensait que l'absence de son rapport de notation avait influencé le déroulement de la procédure de promotion à son détriment, il aurait pu introduire un recours en annulation de cette procédure.
44 Il s'ensuit que la modification du rapport de notation pour la période 1989-1991 ne constitue pas un fait nouveau et substantiel pour rouvrir les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut.
45 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne les conclusions en annulation de la décision du 24 février 1999, d'une part, en ce qu'elle rejette la réclamation du 26 octobre 1998 et la demande du 23 mars 1998 par lesquelles le requérant sollicitait sa promotion au grade A 4 avec effet au 10 octobre 1989, et, d'autre part, en ce qu'elle rejette la réclamation du 3 novembre 1998, en ce qui concerne le caractère rétroactif, au 10 octobre 1989, de la
prétention de promotion du requérant.
Sur le fond
Sur le moyen unique tiré d'une violation de l'article 45 du statut et du prìncipe de protection de la confiance légitime
Arguments des parties
46 Le requérant fait valoir qu'avec ses nombreuses années de service, son ancienneté dans le grade et les mérites dont il a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions, il devait être promu au grade A 4, en toute hypothèse, lors de l'exercice de promotion 1998.
47 Il fait valoir que, se trouvant bloqué au grade A 5 depuis le 1er janvier 1977, son profil de carrière a été qualifié par le chef de l'unité «Ressources humaines» du CCR de type «lent». Or, avec un tel retard de carrière, il faudrait que l'AIPN puisse justifier de mérites totalement insuffisants pour lui refuser une promotion. En effet, le profil de carrière serait déterminant puisqu'il s'agit d'une représentation statistique des fonctionnaires promouvables du CCR basée sur des éléments objectifs
d'âge et d'ancienneté.
48 Dans ce contexte, le requérant rappelle la jurisprudence tirée de l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement (293/87, Rec. p. 23), selon laquelle les éléments objectifs d'âge et d'ancienneté peuvent s'avérer décisifs à égalité de mérites et de qualification.
49 Pour ce qui est de ses mérites, le requérant fait valoir, en premier lieu, qu'il est un fonctionnaire très expérimenté, qui est l'auteur de quarante publications, a déposé huit brevets et géré cinq expositions.
50 En second lieu, le requérant expose que, dans son travail actuel, qui serait par ailleurs unique au sein des institutions, il obtient d'excellents résultats, reconnus tant par des tiers que par sa hiérarchie.
51 En effet, le requérant aurait reçu des félicitations pour son travail, tant de sa hiérarchie, par lettre du 4 juillet 1996 du directeur général du CCR, par note du 2 mars 1999 de l'attaché à la direction générale CCR de la Commission, par note du 18 mars 1999 de l'unité des contrats de la direction de la coordination des ressources du site d'Ispra du CCR et par note du 19 avril 1999 du service médical du CCR, que de tiers, par lettre non datée de la commune de Laveno Mombello (Italie), par note
du 20 septembre 1996 de la Technische Universität München (Allemagne), par note du 11 décembre 1996 de l'Institut für Physikalische Chemie de l'université de Münsterpar (Allemagne) et par lettre du 20 janvier 1999 du Consorzio per lo sviluppo dei sistemi a grande interfase (Italie).
52 Le requérant fait valoir, en troisième lieu, que ses qualités ont été reconnues par l'AIPN lorsque, en application du règlement (CEE) no 1857/89 du Conseil, du 21 juin 1989, instituant des mesures particulières et temporaires de cessation définitive des fonctions de fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 181, p. 2), elle l'a informé, par note du 10 octobre 1989, qu'elle envisageait de proposer à la Commission d'inscrire son nom sur la liste des fonctionnaires faisant l'objet d'une
cessation définitive des fonctions de fonctionnaires. Or, même si la procédure n'a jamais été poursuivie, une telle proposition impliquerait la reconnaissance par l'AIPN du fait que le requérant exerce des fonctions de conception, de direction et d'étude qui revêtent une importance speciale pour la réalisation des programmes de recherche, condition jugée nécessaire pour pouvoir bénéficier de ce règlement.
53 Enfin, le requérant fait valoir que, après qu'il se fut plaint au notateur d'appel du fait que son notateur pour le rapport de notation pour la période 1995-1997 lui avait indiqué que toute promotion le concernant était exclue, le notateur d'appel avait rédigé, le 2 mars 1998, une note selon laquelle il ne pensait pas qu'une promotion future était exclue le moment venu, compte tenu des procédures propres aux exercices de promotion, notamment en termes de priorités.
54 Selon le requérant, ses mérites seraient d'autant plus importants qu'il a dû accomplir son travail dans des circonstances personnelles et des conditions matérielles défavorables. Pour ce qui est des circonstances personnelles, ses nombreuses réclamations refléteraient l'existence d'une forme de vindicte de certains de ses supérieurs. Quant aux conditions matérielles, le requérant fait valoir que la fonction qu'il occupe a été créée pour lui et qu'il n'a disposé d'aucune aide logistique ou
administrative.
55 En outre, le retard dans l'établissement de ses rapports de notation aurait eu une incidence sur ses possibilités de promotion.
56 La Commission fait valoir que, eu égard au profil de carrière lent du requérant et malgré le fait qu'il n'avait pas été proposé par sa hiérarchie en vue d'une promotion, sa situation a fait l'objet d'un examen particulier au sein des comités paritaires de promotion successifs. Or, son nom n'a été repris sur aucune des listes établies par les différents comités. Il n'a pas non plus été proposé par le comité de promotion de seconde instance sur le projet de liste des fonctionnaires les plus
méritants adressé à l'AIPN.
57 Elle soutient que, étant donné que les mérites du requérant sont inférieurs à ceux des fonctionnaires promus, il ne peut pas se prévaloir de son âge et de son ancienneté comme éléments décisifs qui auraient dû orienter le choix de l'AIPN et amener celle-ci à le promouvoir.
58 En outre, le requérant ne contesterait pas le fait que son rapport de notation pour la période 1995-1997 est bien moins bon que ceux des fonctionnaires promus.
59 Enfin, la Commission relève certaines critiques sévères émanant de la hiérarchie du requérant quant à la manière dont il a effectué le travail qui lui a été confié. Selon une note du 10 novembre 1998 adressée au requérant, sa gestion a été qualifiée comme étant «au-dessous de tous les niveaux» et il lui a été reproché un grand désordre dans le hangar dont il est en charge, ainsi que le fait de ne pas se conformer aux procédures applicables pour l'élimination de certains déchets chimiques.
60 Le requérant rétorque qu'il a introduit un recours devant le Tribunal contre cette note (affaire T-213/99) et qu'il est, dès lors, juridiquement incorrect de s'en prévaloir.
61 La Commission souligne enfin les difficultés caractérielles du requérant et son incapacité croissante à communiquer normalement avec ses collègues, ce qui rendrait toute tentative de collaboration avec lui de plus en plus problématique. De tels éléments ne seraient pas à négliger dans l'examen des mérites et en sus des éléments découlant du rapport de notation (arrêt du Tribunal du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T-221/96, RecFP p. I-A-115 et II-307, point 18).
62 Le requérant rétorque que son passé judiciaire et précontentieux plaide en sa faveur car les douze réclamations qu'il a introduites, en dehors de celles liées à la présente affaire, ont conduit soit à la reconnaissance de son bon droit, soit à un désistement de son action moyennant reconnaissance de ses droits, indemnisation et prise en charge de ses dépens.
Appréciation du Tribunal
63 À titre préliminaire, il convient de souligner que, ainsi qu'il a été jugé au point 45 du présent arrêt, le recours n'est recevable qu'en ce qui concerne la demande d'annulation du rejet de la partie de la réclamation du 3 novembre 1998 qui a pour objet l'exclusion du requérant de la liste des promus pour l'exercice 1998 publiée dans les Informations administratives no 1046 du 4 août 1998 (telle que modifiée). Les arguments concernant le fond de l'affaire et, en particulier, l'examen comparatif
des mérites des fonctionnaires promouvables seront, dès lors, examinés uniquement par rapport à la non-promotion du requérant lors de l'exercice de promotion 1998.
64 À cet égard, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'appréciation des mérites des fonctionnaires constitue le critère déterminant en matière de promotion et ce n'est qu'à titre subsidiaire que l'AIPN peut prendre en considération l'âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service (arrêt Vainker/Parlement, précité; arrêts du Tribunal du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-280/94, RecFP p. I-A-77 et II-239, point 138, et du 16 septembre 1998,
Rasmussen/Commission, T-234/97, RecFP p. I-A-507 et II-1533, point 27).
65 Selon une jurisprudence également constante, aux fins de l'examen comparatif des mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose d'un large pouvoir d'appréciation et, dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de
son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des fonctionnaires à celle de l'AIPN (voir arrêts de la Cour du 21 avril 1983, Ragusa/Commission, 282/81, Rec. p. 1245, points 9 et 13; du 4 février 1987, Bouteiller/Commission, 324/85, Rec. p. 529, point 6, et du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. I-A-195 et II-603, point 19; du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T-262/94, RecFP p.
I-A-257 et II-739, point 66, et du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 42).
66 Pour ce qui est des lettres et notes de remerciement présentées par le requérant pour prouver ses mérites ainsi que de l'éventuelle application au requérant du règlement no 1857/89, il y a lieu de signaler que de tels éléments tendent à faire constater que le requérant fait un travail important avec professionnalisme et productivité. À cet égard, il convient de souligner qu'une telle constatation est reprise dans le rapport de notation du requérant pour la période 1995-1997. En effet, au point 4,
sous b), 1 dudit rapport, il est indiqué que, pour la vente du matériel non utilisé par le CCR, le requérant a réussi à avoir des contacts productifs avec des organisations externes. Au point 5, sous a), le notateur émet un avis négatif sur la demande du requérant de retourner à des activités de recherche en raison du fait que, selon ce notateur, la vente du matériel obsolète devrait continuer à être faite avec professionnalisme. Enfin, au point 5, sous b), le notateur signale que l'activité
initiée par le requérant il y a quelques années est en train de donner les fruits attendus grâce à ses mérites.
67 Quant à l'argument du requérant concernant les maigres ressources en infrastructure dont il dispose pour travailler, ainsi que les problèmes qu'il aurait avec sa hiérarchie, il convient également de souligner que de tels éléments sont repris dans le rapport de notation du requérant. Ainsi, au point 4, sous b), 2, il est indiqué que le requérant réalise son travail sans grande infrastructure mais qu'il assure avec rapidité et précision un service de grande utilité pour le CCR. Par ailleurs, aux
points 5, sous c), et 6, le requérant fait des observations concernant les difficultés qu'il affronte pour mener son travail, difficultés qui seraient dues tant à la «bureaucratie externe» qu'à la hiérarchie interne.
68 Il s'ensuit que les éléments invoqués par le requérant pour prouver ses mérites figuraient dans son rapport de notation.
69 Le requérant ne conteste pas le fait que, malgré les appréciations positives mentionnées, qui ont été prises en compte par l'AIPN, son rapport de notation est bien moins bon que ceux des fonctionnaires promus. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le rapport de notation constitue un élément important d'appréciation chaque fois que la carrière d'un fonctionnaire est prise en considération (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C-68/91
P, Rec. p. I-6849, point 16; arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, précité, point 30, et du 12 décembre 1996, X/Commission, T-130/95, RecFP p. I-A-603 et II-1609, point 45).
70 Dès lors, le requérant n'a pas établi que ses mérites sont supérieurs à ceux des fonctionnaires promus. Dans ces conditions, les autres éléments, tels que l'âge et l'ancienneté, éventuellement plus favorables au requérant, ne pouvaient pas remettre en cause le résultat issu de la comparaison des rapports de notation par l'AIPN (arrêt du Tribunal du 21 septembre 1999, Oliveira/Parlement, T-157/98, RecFP p. I-A-163 et II-851, point 41).
71 Quant à l'argument du requérant basé sur la note du 2 mars 1998 selon laquelle son notateur d'appel ne pensait pas qu'une promotion future était exclue, il convient de souligner que, si tout fonctionnaire est en droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, il ne peut, toutefois, invoquer ce principe que s'il a obtenu de l'administration des assurances précises tenant compte des dispositions statutaires (arrêt du Tribunal du 12 mai 1998, Wenk/Commission, T-159/96,
RecFP p. I-A-193 et II-593, point 91). Dans le cadre d'une décision de promotion, l'AIPN doit respecter les critères définis par le statut et doit procéder à un examen comparatif des mérites en application de son article 45. Il s'ensuit qu'une telle promesse, à la supposer établie, n'aurait pu créer une confiance légitime dans le chef du requérant, étant donné qu'elle aurait été donnée sans tenir compte des dispositions statutaires applicables (arrêts du Tribunal, Wenk/Commission, précité, point
92, et du 26 octobre 1993, Weißenfels/Parlement, T-22/92, Rec. p. II-1095, point 92)
72 Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n'a pas violé le principe de protection de la confiance légitime.
73 Pour ce qui est de l'argument du requérant tiré du fait que le retard dans l'établissement de ses rapports de notation aurait influencé son absence de promotion, il suffit de souligner que, pour l'exercice de promotion considéré, l'AIPN disposait du rapport de notation du requérant le plus récent, à savoir celui pour la période 1995-1997.
74 Quant à la note du 10 novembre 1998, invoquée par la Commission et contenant des critiques du travail du requérant, il suffit de constater qu'une telle note n'a pas pu être utilisée par l'AIPN lors de l'examen comparatif des mérites pour l'exercice 1998 étant donné que la liste des promus a été publiée le 4 août 1998 (telle que modifiée).
75 Il découle de tout ce qui précède, que la Commission a exercé ses attributions conformément aux dispositions de l'article 45 du statut, en restant dans des limites non critiquables et sans user de son pouvoir de manière erronée. En conséquence, le moyen unique doit être rejeté.
76 Les conclusions en annulation doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les conclusions en indemnité
Arguments des parties
77 Le requérant sollicite le paiement d'une indemnité pour dommage moral de 500000 BEF. À cet égard, il fait valoir que le dossier laisse apparaître un désintéressement pour sa carrière ainsi qu'une volonté avouée de le maintenir dans un statut et une condition inférieurs à ceux auxquels il a droit. Il serait aussi victime de tracasseries injustes, de brimades et de frustrations, ce qui se refléterait dans les nombreuses réclamations qu'il a dû introduire.
78 La Commission fait valoir que l'AIPN n'ayant pas commis d'irrégularité dans le cadre de l'exercice de promotion 1998, la demande de dommages et intérêts est totalement dénuée de fondement.
Appréciation du Tribunal
79 L'engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué. La demande introduite par un fonctionnaire visant à obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé par le comportement de l'administration doit être rejetée, dès lors que l'illégalité de ce comportement n'est
pas établie (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30; arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. I-A-23 et II-83, points 63, 65 et 66, et du 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T-589/93, RecFP p. I-A-27 et II-77, points 141 et 142).
80 En l'espèce, en considération, notamment, de l'examen du moyen présenté au soutien des conclusions en annulation, le requérant n'a pas établi, d'une part, que sa non-promotion comportait une appréciation de ses capacités ou de son comportement susceptible de le blesser ni, d'autre part, qu'il était victime de tracasseries ou de brimades. Il ne ressort pas non plus du dossier qu'il existe un désintéressement coupable pour sa carrière ni une volonté avouée de le maintenir dans une condition
inférieure à celle à laquelle il a droit.
81 La demande en indemnité doit, dès lors, être rejetée.
Sur les dépens
82 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chaque partie supportera ses dépens.
Garcia-Valdecasas
Lindh
Cooke
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2000.
Le greffier
H.Jung
Le président
P. Lindh
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( *1 ) Langue de procédure: le français.