La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/07/2000 | CJUE | N°C-69/99

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 13 juillet 2000., Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord., 13/07/2000, C-69/99


Avis juridique important

|

61999C0069

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 13 juillet 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. - Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à par

tir de sources agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollu...

Avis juridique important

|

61999C0069

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 13 juillet 2000. - Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. - Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollution - Détermination des eaux douces superficielles. - Affaire C-69/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-10979

Conclusions de l'avocat général

1 Par le présent recours, formé au titre de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), la Commission des Communautés européennes vous demande de constater que, en n'adoptant pas toutes les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, et 5 de la directive 91/676/CEE (1), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive. Elle vous invite en outre à condamner
le Royaume-Uni aux dépens.

I - Le cadre légal

2 La directive vise à réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et à prévenir toute nouvelle pollution de ce type (2). Par «pollution», on entend «le rejet de composés azotés de sources agricoles dans le milieu aquatique, directement ou indirectement, ayant des conséquences de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources vivantes et au système écologique aquatique, à porter atteinte aux agréments ou à gêner d'autres
utilisations légitimes des eaux» (3).

3 La directive impose trois types d'obligations aux États membres. En premier lieu, conformément aux dispositions de son article 3, paragraphe 1, et aux critères énoncés à l'annexe I, les États membres doivent identifier les eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être si les mesures prévues par l'article 5 de la directive ne sont pas prises. En deuxième lieu, en vertu de l'article 3, paragraphe 2, ils sont tenus de désigner «comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur
territoire qui alimentent les eaux définies conformément au paragraphe 1 et qui contribuent à la pollution». En troisième lieu, l'article 5 de la directive leur impose d'établir «des programmes d'action portant sur les zones vulnérables désignées» destinés, conformément au but énoncé à l'article 1er de la directive, à éviter ou à remédier aux problèmes de pollution des eaux par les nitrates à partir des sources agricoles.

4 La désignation des zones vulnérables doit être effectuée dans un délai de deux ans à compter de la notification de la directive (4) et doit être notifiée à la Commission dans un délai de six mois. L'établissement des programmes d'action susceptibles de répondre aux objectifs de la directive, tels qu'énoncés à son article 1er, doit avoir lieu dans un délai de deux ans à compter de la désignation visée à l'article 3, paragraphe 2 (5).

5 Les États membres sont en outre tenus de procéder à la révision de la liste des zones vulnérables originairement désignées afin de tenir compte des changements et des facteurs imprévisibles au moment de la désignation initiale (6). De la même manière, les États membres procèdent à la révision des programmes d'action initialement établis (7).

6 De plus, en vue d'assurer pour toutes les eaux un niveau général de protection contre la pollution, conformément à l'article 4 de la directive, les États membres sont tenus d'établir, dans un délai de deux ans à compter de la notification de la directive, des codes de bonne pratique agricole devant être mis en oeuvre volontairement par les agriculteurs et d'élaborer au besoin des programmes prévoyant la formation et l'information de ces derniers en vue de promouvoir l'application desdits codes.

7 Enfin, l'article 10, paragraphe 1, de la directive prévoit que, dans un délai de quatre ans suivant la notification de la présente directive, les États membres doivent rendre compte à la Commission des actions de prévention mises en oeuvre pour éviter la pollution des eaux, établir une carte des eaux ainsi identifiées et des zones vulnérables désignées, et faire un résumé des résultats de la surveillance des zones ainsi définies et des programmes d'actions élaborés en vertu de l'article 5.

8 La directive a été notifiée aux États membres le 19 décembre 1991 (8).

II - La procédure précontentieuse

9 Après avoir reçu notification par le Royaume-Uni des mesures prises en application de la directive, la Commission lui a adressé, le 17 octobre 1997, une lettre de mise en demeure aux fins d'obtenir un complément d'informations.

10 À la suite de l'échange de courriers relatifs aux mesures ainsi adoptées par le Royaume-Uni, la Commission, non satisfaite des réponses fournies, a émis, le 9 juin 1998, un avis motivé dans lequel elle a conclu au non-respect par cet État des articles 3, paragraphes 1 et 2, et 5 de la directive et elle a invité le Royaume-Uni à se conformer à cet avis dans un délai de deux mois.

11 Dans ses réponses communiquées par courriers des 14 octobre, 23 novembre, 7 décembre 1998 ainsi que 11 janvier 1999, le Royaume-Uni a admis que les griefs exposés par la Commission étaient fondés et il s'est engagé à procéder à la mise en conformité de sa législation nationale.

III - La position des parties

12 La Commission a déposé, le 26 février 1999, la présente requête auprès de votre Cour dans laquelle elle expose que le droit britannique ne respecterait pas la directive sur les trois points suivants.

1. Non-respect des obligations découlant de l'article 3, paragraphe 1, de la directive

13 La Commission rappelle que, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, les États membres sont tenus de définir, conformément aux critères fixés à l'annexe I, les eaux atteintes par la pollution et celles qui sont susceptibles de l'être si les mesures prévues par l'article 5 ne sont pas prises. Selon ces critères, les eaux douces superficielles, notamment celles servant ou destinées au captage d'eau potable, qui contiennent ou risquent de contenir, si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas
prises, une concentration de nitrates supérieure à celle prévue par la directive 75/440/CEE (9), doivent être définies comme des eaux atteintes par la pollution (10). Il en est de même des eaux souterraines qui ont, ou risquent d'avoir, une teneur en nitrate supérieure à 50 milligrammes par litre si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises (11), des lacs naturels d'eau douce, des autres masses d'eau douce, des estuaires et des eaux côtières et marines qui ont subi ou risquent dans un
avenir proche de subir une eutrophisation (12) si les mesures prévues à l'article 5 ne sont pas prises (13).

14 Or, il ressort du rapport du gouvernement du Royaume-Uni communiqué à la Commission en vertu de l'article 10 de la directive que l'État membre en cause n'a désigné parmi les eaux douces superficielles atteintes par la pollution que celles destinées au captage d'eau potable. En revanche, les eaux douces superficielles qui ne sont pas prévues ou utilisées pour le captage d'eau potable et qui contiennent ou risquent de contenir des concentrations de nitrates excessives n'ont pas été identifiées.

15 En outre, la Commission observe que ledit rapport mentionne que seules les sources d'eaux souterraines destinées à la consommation humaine ont été retenues comme étant susceptibles d'être qualifiées d'eaux atteintes par la pollution au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive. Cette manière de procéder serait contraire tant à la lettre de l'annexe I, A, point 2, de la directive qu'à son esprit. Il ressortirait en effet des dispositions précitées que la définition des eaux atteintes par
la pollution tient compte de la totalité des eaux souterraines et pas uniquement de celles destinées à la consommation humaine.

16 Dès lors, la Commission conclut que la définition donnée par le gouvernement du Royaume-Uni des eaux superficielles telles que mentionnées à l'article 3, paragraphe 1, de la directive ne respecte pas les conditions et les critères prévus tant par cet article que par l'annexe I.

2. Non-respect des obligations prévues à l'article 3, paragraphe 2

17 La Commission note que, à la date du 18 décembre 1997, le Royaume-Uni n'avait toujours pas établi la liste des zones vulnérables en Irlande du Nord, bien qu'une zone au moins ait été identifiée, en vertu de l'article 3, paragraphe 1, de la directive, comme contenant des eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être. Elle ajoute que, bien que, au 11 janvier 1999, trois zones aient été désignées pour l'Irlande du Nord, la définition erronée des eaux atteintes par la pollution, au sens
de l'article 3, paragraphe 1, retenue par le Royaume-Uni et dénoncée au titre du premier grief, comporte nécessairement le risque que la désignation des zones vulnérables imposée par l'article 3, paragraphe 2, de la directive soit incorrecte.

3. Non-respect des obligations prévues à l'article 5

18 La Commission constate que, au 31 janvier 1997, le Royaume-Uni n'avait toujours pas établi les programmes d'action susceptibles d'éviter les problèmes de pollution des eaux par les nitrates à partir des sources agricoles portant sur les zones vulnérables désignées au titre de l'article 3, paragraphe 2, de la directive ou de remédier à ces problèmes. Cette obligation aurait dû être remplie pour le 20 décembre 1995 au plus tard. La Commission observe que, bien que, en ce qui concerne l'Angleterre,
l'Écosse et le pays de Galles, le Royaume-Uni se soit soumis à cette exigence, il en va différemment pour l'Irlande du Nord.

19 Dans son mémoire en défense déposé le 28 mai 1999, le gouvernement du Royaume-Uni explique que, à la suite de l'échange de correspondance avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse, il s'est rendu compte que les griefs de la Commission étaient fondés. En conséquence, il conclut que votre Cour doit y faire droit. Il fait cependant valoir que la limitation du champ d'application des dispositions de la directive avait été opérée à la suite d'une interprétation erronée des articles
3, paragraphes 2 et 3, et 5 de la directive. Il précise qu'il a d'ores et déjà adopté certaines mesures en vue d'opérer une transposition correcte des dispositions de la directive dans son ordre national. Il ajoute que, en outre, l'entière et fidèle transposition de la directive sur l'ensemble du territoire national est imminente dans la mesure où toutes les mesures nécessaires à cette fin sont en cours d'adoption.

20 La Commission a renoncé à son droit de répliquer.

IV - Appréciation

21 Conformément à l'article 189, troisième alinéa, du traité CE (devenu article 249, troisième alinéa, CE), la directive lie tout État membre quant aux résultats à atteindre. Cette dernière obligation implique le respect des délais fixés par les directives (14).

22 En outre, il résulte de votre jurisprudence constante que «l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'État membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et que les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour» (15).

23 En l'espèce, l'article 3, paragraphes 1 et 2, impose aux États membres de respecter les obligations suivantes pour le 20 décembre 1993 au plus tard:

- identifier comme eaux atteintes par la pollution ou susceptibles de l'être si les mesures prévues par l'article 5 de la directive ne sont pas prises la totalité des eaux douces superficielles et des eaux souterraines qui contiennent ou risquent de contenir une concentration de nitrates supérieure à 50 milligrammes par litre et pas seulement celles destinées à la consommation humaine (article 3, paragraphe 1);

- désigner comme zones vulnérables toutes les zones connues sur leur territoire qui alimentent les eaux définies conformément à l'article 3, paragraphe 1, précité et qui contribuent à la pollution (article 3, paragraphe 2).

24 En outre, l'article 5 de la directive impose aux États membres de respecter l'obligation d'établir les programmes d'action susceptibles d'éviter les problèmes de pollution des eaux par les nitrates à partir de sources agricoles portant sur les zones vulnérables désignées au titre de l'article 3, paragraphe 2, de la directive ou de remédier à ces problèmes pour le 20 décembre 1995 au plus tard.

25 Il ressort des pièces de la procédure que, au terme du délai fixé dans l'avis motivé (16), le Royaume-Uni ne s'est pas conformé à ces obligations - ce que du reste il ne conteste pas.

26 Il convient dès lors d'accueillir le recours de la Commission.

V - Les dépens

27 Aux termes de l'article 69 du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu en ce sens, nous considérons dès lors que le Royaume-Uni devrait être condamné aux dépens.

Conclusion

28 À la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à votre Cour de déclarer que:

«1) En n'adoptant pas les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux obligations prévues aux articles 3, paragraphes 1 et 2, et 5 de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord est condamné aux dépens.»

(1) - Directive du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (JO L 375, p. 1, ci-après la «directive»).

(2) - Article 1er.

(3) - Article 2, sous j).

(4) - Article 3, paragraphe 2.

(5) - Article 5, paragraphe 1.

(6) - Article 3, paragraphe 4.

(7) - Article 5, paragraphe 7.

(8) - Article 12, paragraphe 1.

(9) - À savoir 50 milligrammes par litre. Voir les dispositions de la directive 75/440/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États membres (JO L 194, p. 26), modifiée par la directive 79/869/CEE du Conseil, du 9 octobre 1979, relative aux méthodes de mesure et à la fréquence des échantillonnages et de l'analyse des eaux superficielles destinées à la production d'eau alimentaire dans les États
membres (JO L 271, p. 44), et arrêt du 29 avril 1999, Standley e.a. (C-293/97, Rec. p. I-2603).

(10) - Annexe I, A, point 1.

(11) - Ibidem, point 2.

(12) - Aux termes de l'article 2, sous i), de la directive, par «eutrophisation» on entend «l'enrichissement de l'eau en composés azotés, provoquant un développement accéléré des algues et des végétaux d'espèces supérieures qui perturbe l'équilibre des organismes présents dans l'eau et entraîne une dégradation de la qualité de l'eau en question».

(13) - Annexe I, A, point 3.

(14) - Voir, notamment, arrêt du 22 septembre 1976, Commission/Italie (10/76, Rec. p. 1359).

(15) - Arrêts du 16 décembre 1997, Commission/Italie (C-316/96, Rec. p. I-7231, point 14), et du 27 octobre 1998, Commission/Irlande (C-364/97, Rec. p. I-6593, point 8).

(16) - À savoir le 10 août 1998 au plus tard.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-69/99
Date de la décision : 13/07/2000
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Directive 91/676/CEE - Protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles - Identification des eaux atteintes par la pollution - Détermination des eaux douces superficielles.

Environnement

Pollution


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Macken

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:406

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award