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13/07/2000 | CJUE | N°C-160/99

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre République française., 13/07/2000, C-160/99


Avis juridique important

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61999J0160

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 juillet 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Libre prestation des services - Règlement (CEE) nº 3577/92 - Cabotage maritime - Navires battant pavillon français. - Affaire C

-160/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-06137

Sommaire
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Avis juridique important

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61999J0160

Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 13 juillet 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Libre prestation des services - Règlement (CEE) nº 3577/92 - Cabotage maritime - Navires battant pavillon français. - Affaire C-160/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-06137

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

tats membres - Obligations - Manquement - Maintien d'une disposition nationale incompatible avec le droit communautaire

Sommaire

$$Le maintien inchangé, dans la législation d'un État membre, d'un texte incompatible avec une disposition du droit communautaire, même directement applicable dans l'ordre juridique des États membres, donne lieu à une situation de fait ambiguë en maintenant les sujets de droit concernés dans un état d'incertitude quant aux possibilités qui leur sont réservées de faire appel au droit communautaire. Un tel maintien constitue, dès lors, dans le chef dudit État, un manquement aux obligations qui lui
incombent en vertu du traité. (voir point 22)

Parties

Dans l'affaire C-160/99,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. F. Benyon, conseiller juridique, et B. Mongin, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. D. Colas, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en maintenant inchangé l'article 257, paragraphe 1, du code des douanes français du 11 mai 1977 en ce qui concerne les armateurs communautaires couverts par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO L 364, p. 7), la République française a manqué aux
obligations qui lui incombent en vertu dudit règlement,

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward, président de chambre, L. Sevón, P. J. G. Kapteyn (rapporteur), P. Jann et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 30 mars 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 avril 1999, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que, en maintenant inchangé l'article 257, paragraphe 1, du code des douanes français du 11 mai 1977 (ci-après le «code») en ce qui concerne les armateurs communautaires couverts par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant
l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO L 364, p. 7, ci-après le «règlement»), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit règlement.

2 Le règlement prévoit, en son article 1er, que, à partir du 1er janvier 1993, la libre prestation des services de transport maritime à l'intérieur d'un État membre (cabotage maritime) s'applique aux armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre, sous réserve que ces navires remplissent toutes les conditions requises pour être admis au cabotage dans cet État membre, y compris les navires immatriculés dans le registre Euros dès
que ce registre aura été approuvé par le Conseil.

3 L'article 6 dudit règlement dispose:

«1. Par dérogation, les services maritimes suivants effectués dans la Méditerranée et le long de la côte de l'Espagne, du Portugal et de la France sont temporairement exemptés de l'application du présent règlement:

- les croisières jusqu'au 1er janvier 1995,

- le transport de marchandises stratégiques (pétrole, produits pétroliers et eau potable), jusqu'au 1er janvier 1997,

- les services effectués par des navires jaugeant moins de 650 tonnes brut, jusqu'au 1er janvier 1998,

- les services réguliers de transport de passagers et de transport par transbordeur, jusqu'au 1er janvier 1999.

2. Par dérogation, le cabotage avec les îles de la Méditerranée et le cabotage concernant les archipels des Canaries, des Açores et de Madère, ainsi que Ceuta et Melilla, les îles françaises le long de la côte atlantique et les départements français d'outre-mer sont temporairement exemptés de l'application du présent règlement jusqu'au 1er janvier 1999.

3. ...»

4 Aux termes de l'article 9 du règlement, les États membres doivent, avant d'adopter les dispositions législatives, réglementaires ou administratives en application dudit règlement, consulter la Commission et l'informer de toute mesure ainsi adoptée.

5 Le règlement est entré en vigueur le 1er janvier 1993.

6 L'article 257, paragraphe 1, du code prévoit que les transports effectués entre les ports de la France métropolitaine sont réservés aux bateaux battant pavillon français. Toutefois, le ministre chargé de la marine marchande peut autoriser un navire étranger à assurer un transport déterminé.

7 Une note en bas de page relative à cet article (ci-après la «note en bas de page») énonce:

«Voir également le règlement (CEE) n_ 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime)».

8 Aux termes de l'article 258 du code:

«1. Sont également réservés au pavillon français les transports effectués:

a) entre les ports d'un même département français d'outre-mer;

b) entre les ports des départements de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique.

2. Des arrêtés du ministre chargé de la marine marchande, pris après avis du ministre du Budget, peuvent réserver aux navires français les transports de certaines marchandises effectués:

a) entre les ports des départements français d'outre-mer et ceux de la France métropolitaine;

b) entre les ports de la Réunion et des autres départements français d'outre-mer.

3. Il peut être dérogé aux dispositions prévues par le paragraphe 1er et par le paragraphe 2 du présent article par des décisions de l'administration locale de l'inscription maritime.»

9 L'article 259, paragraphe 1, du code prévoit que, en cas d'événements exceptionnels ayant pour effet d'interrompre temporairement les relations maritimes réservées au pavillon français, le gouvernement peut suspendre par décret pris en conseil des ministres et pendant tout le temps que dure cette interruption l'application de l'article 257.

10 Le 4 août 1994, la Commission a rappelé aux autorités françaises l'obligation qui leur incombait au titre de l'article 9 du règlement. La Commission a également demandé que lui soient notifiées, avant la fin du mois d'août 1994, la législation en vigueur en France en matière de cabotage maritime et toute nouvelle disposition législative ou administrative adoptée à compter de l'entrée en vigueur du règlement.

11 Par lettre du 29 septembre 1994, les autorités françaises ont répondu qu'aucune disposition législative, réglementaire ou administrative nouvelle n'avait été adoptée pour l'application dudit règlement.

12 Le 14 février 1996, considérant que l'article 257, paragraphe 1, du code des douanes était contraire aux dispositions de l'article 1er du règlement, la Commission a mis la République française en demeure de mettre fin à cette situation.

13 En l'absence de réponse dans le délai imparti dans la lettre de mise en demeure, la Commission a, le 25 avril 1997, adressé un avis motivé à cet État, l'invitant à s'y conformer dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

14 Le 25 juin 1997, en réponse à l'avis motivé, les autorités françaises ont communiqué à la Commission un avant-projet de loi portant modification des articles 257 à 259 du code. Elles ont sollicité, préalablement à son adoption, l'avis de la Commission, sans pour autant fournir d'indications quant à la date à laquelle ce projet de loi pourrait entrer en vigueur.

15 Par lettre du 17 octobre 1997, la Commission a demandé aux autorités françaises des clarifications au sujet des articles 258 et 259 de l'avant-projet de loi et suggéré une rédaction différente de l'article 258, paragraphe 3. Le 6 mai 1998, les autorités françaises ont informé la Commission qu'elles acceptaient cette suggestion. En revanche, elles refusaient la clarification de l'article 259, souhaitée par la Commission. Le 11 août 1998, la Commission a réitéré sa demande de clarification. Dans
leur réponse du 15 septembre 1998, les autorités françaises ont accepté l'amendement proposé et indiqué qu'elles s'efforceraient de faire adopter très rapidement les modifications législatives, sans préciser toutefois le calendrier.

16 Par lettre du 16 février 1999, les autorités françaises ont soumis à la Commission un nouvel avant-projet de loi portant modification des articles 257 et 259 du code, en tenant compte des suggestions proposées pour les rendre conformes au règlement. Il était précisé, dans cette lettre, que les autorités françaises comptaient proposer au Parlement l'adoption du projet de loi de mise en conformité avec le droit communautaire regroupant les projets en cours. Cependant, aucun calendrier n'était
fourni.

17 Par télécopie du 13 avril 1999, les autorités françaises ont communiqué une nouvelle version du projet de loi, identique à la précédente, à l'exception d'une référence aux navires immatriculés dans un État signataire de l'accord sur l'Espace économique européen. Cette télécopie annonçait, sans plus de précision, que ce texte serait présenté au Parlement dans le courant du mois de juillet 1999.

18 Dans ces conditions, la Commission a décidé d'introduire le présent recours.

19 La Commission fait valoir que l'article 257, paragraphe 1, du code est manifestement contraire à l'article 1er, paragraphe 1, du règlement, en ce qu'il réserve le cabotage (transport entre les ports de la France métropolitaine) aux navires battant pavillon national.

20 La République française ne conteste pas que la rédaction actuelle dudit article n'est pas conforme au règlement et que le projet de loi modificative n'a pas encore été voté. Elle a fait toutefois valoir qu'elle avait pris deux mesures pour assurer l'application temporaire de la réglementation communautaire en attendant la modification législative en préparation. Il s'agit, tout d'abord, d'une circulaire reprenant le contenu du règlement (circulaire n_ 93-S-030, du 19 mars 1993, Bulletin officiel
des douanes n_ 1139, du 19 mars 1993, ci-après la «circulaire»), et de la note en bas de page.

21 À cet égard, il convient de constater que ces deux mesures ne sont pas de nature à faire disparaître le manquement consistant en une absence de modification du code pour le rendre conforme au règlement.

22 En effet, selon une jurisprudence constante, le maintien inchangé, dans la législation d'un État membre, d'un texte incompatible avec une disposition du droit communautaire, même directement applicable dans l'ordre juridique des États membres, donne lieu à une situation de fait ambiguë en maintenant les sujets de droit concernés dans un état d'incertitude quant aux possibilités qui leur sont réservées de faire appel au droit communautaire; un tel maintien constitue, dès lors, dans le chef dudit
État, un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu du traité (voir, notamment, arrêt du 26 avril 1988, Commission/Allemagne, 74/86, Rec. p. 2139, point 10).

23 En outre, la Cour a rappelé à maintes reprises que l'incompatibilité de la législation nationale ne peut être définitivement éliminée qu'au moyen de dispositions internes à caractère contraignant ayant la même valeur juridique que celles qui doivent être modifiées (voir, notamment, arrêt du 15 octobre 1986, Commission/Italie, 168/85, Rec. p. 2945, point 13). À cet égard, il suffit de constater que ni la circulaire ni le simple renvoi au règlement dans la note en bas de page ne sauraient être
qualifiés comme constituant de telles dispositions.

24 Il résulte de ce qui précède que, en maintenant inchangé l'article 257, paragraphe 1, du code en ce qui concerne les armateurs communautaires couverts par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit règlement.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

25 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu en ce sens et la République française ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre)

déclare et arrête:

1) En maintenant inchangé l'article 257, paragraphe 1, du code des douanes français du 11 mai 1977 en ce qui concerne les armateurs communautaires couverts par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu dudit règlement.

2) La République française est condamnée aux dépens.


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : C-160/99
Date de la décision : 13/07/2000
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Libre prestation des services - Règlement (CEE) nº 3577/92 - Cabotage maritime - Navires battant pavillon français.

Libre prestation des services

Transports


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:410

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