Avis juridique important
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61999C0207
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 15 juin 2000. - Commission des Communautés européennes contre Claudine Hamptaux. - Pourvoi - Fonctionnaires - Promotion - Examen comparatif des mérites. - Affaire C-207/99 P.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-09485
Conclusions de l'avocat général
1 Le présent pourvoi vous invite à examiner la légalité de la procédure mise en place par la Commission des Communautés européennes pour procéder à la promotion en grade de ses fonctionnaires.
La Commission vous demande d'annuler l'arrêt du Tribunal de première instance du 25 mars 1999 (1) en ce qu'il a jugé que la procédure litigieuse ne garantissait pas un «examen comparatif des mérites» des candidats, conformément à l'article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»).
I - Le cadre juridique
2 L'article 45, paragraphe 1, du statut dispose:
«La promotion est attribuée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur de la catégorie ou du cadre auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d'un minimum d'ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.
Ce minimum d'ancienneté est, pour les fonctionnaires nommés au grade de base de leur cadre ou de leur catégorie, de six mois à compter de leur titularisation; il est de deux ans pour les autres fonctionnaires.»
3 En novembre 1988, la Commission a publié un Guide pratique à la procédure de promotions des fonctionnaires à la Commission des CE (ci-après le «Guide pratique») (2). En vertu de ce Guide pratique, la promotion annuelle des fonctionnaires de la Commission se déroule selon une procédure qui comporte cinq étapes. Celles-ci peuvent être décrites de la manière suivante (3).
Dans la première étape de la procédure, l'administration publie aux Informations administratives la liste des fonctionnaires susceptibles d'être promus au cours de l'exercice de promotion considéré. Cette publication vise à permettre aux intéressés de signaler à l'administration d'éventuelles erreurs ou omissions.
Au cours de la deuxième étape, chaque directeur général de la Commission procède, selon ses propres procédures internes, à l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires de son service qui sont susceptibles d'être promus. Le directeur général arrête ses propositions de promotion en établissant un ordre de priorité et les communique au comité de promotion.
Lors de la troisième étape, le comité de promotion procède à la sélection des fonctionnaires les plus méritants, en comparant les mérites des candidats selon une méthode d'appréciation adaptée au grade concerné. Le comité de promotion établit ainsi un projet de «liste des fonctionnaires les plus méritants» qu'il adresse à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN»). Ce projet de liste comporte généralement un nombre de fonctionnaires plus élevé que ne le permettent les
disponibilités budgétaires.
Dans la quatrième étape, l'AIPN entérine la liste des fonctionnaires les plus méritants et la publie, par ordre alphabétique, aux Informations administratives.
Enfin, dans la dernière étape, l'AIPN décide des promotions à partir de la liste susvisée et signe les décisions individuelles. L'administration publie ensuite la liste des fonctionnaires promus aux Informations administratives.
II - Les faits et la procédure
4 Il ressort du dossier (4) que Mme Hamptaux (5) - partie requérante en première instance - a été nommée en qualité de fonctionnaire de la Commission le 1er juin 1973. Exerçant ses fonctions à la direction générale «Personnel et administration» (DG IX), elle occupe le grade B 3 depuis le 1er avril 1992.
5 Au cours de l'exercice de promotion 1997, la requérante fut proposée par sa direction générale en vue de bénéficier d'une promotion au grade B 2. Dans l'ordre de priorité établi par la DG IX, elle occupait la treizième position sur un nombre total de quatorze candidats (6).
6 La requérante n'a cependant pas obtenu la promotion souhaitée. Elle n'a été inscrite ni sur la liste des fonctionnaires les plus méritants (7) ni sur la liste des fonctionnaires promus au titre de l'exercice 1997 (8).
Au cours de cet exercice, l'AIPN a promu dix fonctionnaires de la DG IX. Parmi ceux-ci, deux candidates - Mme B. et Mme D. - avaient déjà figuré sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir la promotion lors de l'exercice précédent, mais n'avaient pu être promues. Les huit autres candidats avaient tous été proposés l'année précédente par la DG IX, mais n'avaient pas été inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants.
7 Le 8 octobre 1997, la requérante a déposé une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, qui fut rejetée par une décision de la Commission du 30 janvier 1998.
8 Mme Hamptaux a introduit son recours devant le Tribunal le 13 mai 1998. Elle sollicitait l'annulation de deux actes, à savoir la décision de l'AIPN portant refus de l'inscrire sur la liste des fonctionnaires les plus méritants pour obtenir une promotion au grade B 2 au titre de l'exercice 1997 et la décision de l'AIPN portant refus de la promouvoir au grade B 2 au titre du même exercice 1997 (ci-après les «décisions litigieuses») (9).
III - L'arrêt attaqué
9 Devant le Tribunal, la requérante a fait valoir que, en adoptant les décisions litigieuses, la Commission avait violé les dispositions de l'article 45, paragraphe 1, du statut (10). Elle soutenait que l'AIPN avait omis de procéder à un véritable examen comparatif des mérites des candidats à la promotion (11).
10 Dans son mémoire en défense, la Commission a soutenu que l'exercice de promotion 1997 s'était déroulé conformément à la procédure définie par le Guide pratique (12).
Elle a rappelé que, parmi les dix fonctionnaires promus au grade B 2, deux candidates avaient déjà figuré sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au cours de l'exercice 1996, mais n'avaient pu être promues. Elle a également rappelé que les huit autres candidats avaient déjà été proposés par la DG IX lors de l'exercice précédent, mais n'avaient été inscrits ni sur la liste des fonctionnaires les plus méritants ni sur la liste des fonctionnaires promus.
La Commission a ajouté que ces dix fonctionnaires bénéficiaient d'une sorte de «priorité» sur la requérante. En effet, il ressortirait du Guide pratique que:
- les candidats qui figurent sur la liste des fonctionnaires les plus méritants lors d'un exercice de promotion, mais qui n'ont pu être promus au cours de cet exercice (13), sont automatiquement inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants lors de l'exercice suivant et sont automatiquement promus, sauf s'ils ont «démérité»; et que
- les candidats qui ont été proposés par leur direction générale lors d'un exercice de promotion, mais qui n'ont pas été inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, sont, sauf «justification contraire et motivée», automatiquement repris l'année suivante sur la liste des propositions établie par leur direction générale.
11 La requérante a exposé qu'une telle justification était inadmissible au regard des dispositions de l'article 45, paragraphe 1, du statut (14). Elle estimait que l'examen comparatif des mérites des candidats, pour un exercice de promotion déterminé, ne pouvait dépendre de la question de savoir si les fonctionnaires avaient déjà été proposés à la promotion lors d'un exercice antérieur.
12 Dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à l'appréciation suivante:
«35 Il convient de rappeler, tout d'abord, qu'il ressort d'une jurisprudence constante que l'AIPN a le pouvoir statutaire, en décidant des promotions, de faire un choix sur la base d'un examen comparatif des mérites des candidats promouvables réalisé suivant la méthode qu'elle juge la plus appropriée...
36 Pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d'une décision de promotion au titre de l'article 45 du statut, l'AIPN dispose donc d'un large pouvoir d'appréciation, et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l'administration à son appréciation, celle-ci s'est tenue dans des limites non critiquables et n'a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc
substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l'AIPN...
37 Il ressort du guide de promotions et des explications que la Commission a fournies lors de l'audience que les fonctionnaires figurant déjà l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, mais qui n'avaient pas été promus, figurent automatiquement sur la liste des plus méritants l'année suivante sauf s'ils ont démérité. La Commission a ajouté que, dans ces conditions, ces fonctionnaires sont automatiquement promus.
38 Il convient de vérifier si cette procédure a violé les droits de la requérante dans le cadre de la procédure de promotion.
39 L'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose:
...
40 C'est dans ce contexte qu'il convient d'examiner le premier grief, tiré par la requérante de l'absence d'examen comparatif des mérites.
41 Il ressort de l'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut que tout fonctionnaire ayant vocation à la promotion, c'est-à-dire justifiant d'un minimum d'ancienneté dans son grade, a le droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de ses mérites et des rapports dont il a fait l'objet...
42 Il s'ensuit que la requérante disposait du droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de ses mérites ainsi que des rapports dont elle avait fait l'objet, dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse.
43 L'article 45, paragraphe 1, du statut ne distingue pas la situation des fonctionnaires ayant déjà figuré l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, de celle des autres fonctionnaires. En effet, il ne formule aucune condition supplémentaire à celle du minimum d'ancienneté dans le grade...
44 Il ressort tant des écrits déposés par la Commission que des explications de cette dernière, lors de l'audience, que les fonctionnaires ayant figuré l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, qui n'avaient pas été promus figurent automatiquement sur la liste des plus méritants l'année suivante et sont automatiquement promus, sauf s'ils ont démérité. En conséquence, contrairement à l'obligation que lui impose l'article 45, paragraphe 1, du statut, l'AIPN n'a pas
procédé, dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse, à l'examen comparatif des mérites de la requérante ainsi que des rapports dont elle avait fait l'objet avec ceux des deux fonctionnaires déjà inscrits l'année précédente sur la liste des plus méritants établie par l'AIPN, violant ainsi un droit incontestable de la requérante dans le cadre de la procédure de promotion.
45 Lors de l'audience, la Commission a justifié cette démarche en soutenant que les mérites de la requérante avaient été comparés l'année précédente à ceux de l'ensemble de ses collègues. Elle a ajouté que les propositions de l'année précédente ont créé une attente légitime auprès des fonctionnaires proposés. Enfin, elle a souligné avec insistance que le fait d'avoir été inscrit par l'AIPN sur la liste des plus méritants est considéré par la Commission comme un droit acquis pour les plus méritants
qui n'ont pas été promus l'année précédente et qui n'ont pas démérité.
46 À cet égard, le Tribunal rappelle que les fonctionnaires disposent du droit de voir l'AIPN procéder à un examen comparatif de leurs mérites ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet, dans le cadre de la procédure de chaque promotion. Ce droit est d'autant plus important que les fonctionnaires ayant eu le plus de mérite l'année précédente ne sont pas nécessairement les mêmes l'année suivante. De même, la Commission n'a pas démontré non plus que les mérites de la requérante auraient été
comparés au titre de l'exercice de promotion 1996 avec ceux des fonctionnaires les plus méritants de l'année 1996.
47 Le Tribunal ne peut retenir non plus les arguments de la Commission selon lesquels le principe de confiance légitime serait applicable dans le cas d'espèce. Le droit à la protection de la confiance légitime bénéficie à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées... Cependant, des promesses qui ne tiennent pas compte des dispositions
statutaires ne sauraient créer une confiance légitime dans le chef de celui auquel elles s'adressent...
48 En conséquence, même si la Commission avait donné des assurances aux fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, ces assurances seraient manifestement illégales et ne pourraient pas créer une confiance légitime dans le chef desdits fonctionnaires. Du reste, la Commission n'a pas prétendu leur avoir donné des `assurances précises' ayant pu créer une confiance légitime. Au contraire, il est constant que, au moins lors de la publication de cette liste en 1997, il y a
eu un avertissement selon lequel `les fonctionnaires inscrits sur ces listes et non promus à cette date ne [jouiraient] pas d'un droit à figurer d'office sur les listes ultérieures' (voir Informations administratives n_ 998 du 8 août 1997, p. 4).
49 Quant à l'argument selon lequel les fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, auraient un droit acquis à être promus l'année suivante sauf s'ils ont démérité, il y a lieu de rappeler que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires qui réunissent toutes les conditions pour pouvoir être promus...
50 Il résulte de tout ce qui précède que la procédure de promotion litigieuse est entachée d'une irrégularité constitutive d'un vice substantiel, en ce qu'il n'a pas été satisfait à l'examen comparatif des mérites de l'intéressée et des deux fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants, établie par l'AIPN, exigé par l'article 45, paragraphe 1, du statut...»
13 En conséquence, le Tribunal, sans examiner les autres griefs formulés par la requérante (15), a annulé la décision de la Commission portant refus de promouvoir l'intéressée au grade B 2 au titre de l'exercice de promotion 1997.
IV - Le pourvoi
14 Par le présent pourvoi, la Commission vous demande d'annuler l'arrêt attaqué et, statuant vous-mêmes sur le fond du litige, de rejeter le recours introduit par la requérante. À titre subsidiaire, la Commission vous invite à renvoyer l'affaire devant le Tribunal et à réserver votre décision sur les dépens.
15 Mme Hamptaux, quant à elle, conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la Commission aux dépens de la présente instance.
16 À l'appui de son pourvoi, la Commission invoque un moyen unique, tiré d'un défaut de motivation de l'arrêt attaqué et d'une erreur de droit.
Sur le moyen unique, tiré d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit
Arguments de la Commission
17 La Commission soutient que l'arrêt attaqué est entaché d'une motivation contradictoire et d'une erreur de droit. En effet, il existerait une contradiction entre:
a) l'affirmation du Tribunal (16) selon laquelle la procédure définie par le Guide pratique ne garantit pas un «examen comparatif des mérites» des candidats au motif que les «reliquats» figurent automatiquement sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, et
b) la constatation du Tribunal (17) selon laquelle, en vertu de la procédure litigieuse, les «reliquats» ne sont inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants qu'à la condition de n'avoir pas «démérité».
La Commission précise que le terme «démériter» signifie qu'il ne serait plus justifié que le candidat figure dans l'ordre de priorité des fonctionnaires les plus méritants. Du reste, elle voit mal comment elle pourrait vérifier si un fonctionnaire a «démérité» sans faire une comparaison avec les mérites des autres candidats à la promotion. En ce sens, l'examen du «démérite» s'apparenterait à un «examen comparatif des mérites» au sens de l'article 45 du statut.
Dans ces conditions, la Commission soutient que le Tribunal ne pouvait conclure que les reliquats figurent automatiquement sur la liste des fonctionnaires les plus méritants. Au contraire, il ressortirait des faits admis par le Tribunal lui-même que l'AIPN vérifie, dans chaque cas d'espèce, si les reliquats n'ont pas «démérité» d'un exercice à l'autre.
18 La Commission explique également que les reliquats bénéficient d'une sorte de «présomption réfragable» quant à leur inscription sur la liste des fonctionnaires les plus méritants.
En effet, dans la majorité des cas, les fonctionnaires auraient un niveau de prestation relativement constant au fil des années. Il serait donc rare qu'un candidat jugé «plus méritant» lors d'un exercice déterminé «démérite» subitement l'année suivante. En outre, les mérites d'un candidat ne sauraient s'apprécier par rapport à une seule année, mais devraient nécessairement être évalués sur une période plus longue - sauf à favoriser indûment les fonctionnaires qui se limiteraient à faire des efforts
ponctuels pendant les exercices au cours desquels ils peuvent espérer une promotion.
En conséquence, la Commission estime qu'il est justifié, voire nécessaire, que l'AIPN, lorsqu'elle procède à l'«examen comparatif des mérites» prévu par l'article 45 du statut, prenne en considération le fait qu'un candidat a déjà figuré sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au cours de l'exercice précédent.
Discussion
19 À titre liminaire, il convient d'observer que les deux griefs formulés par la Commission à l'encontre de l'arrêt attaqué - motivation contradictoire et erreur de droit - reposent sur une argumentation commune.
En substance, la Commission reproche au Tribunal d'avoir jugé que la procédure définie par le Guide pratique méconnaît les exigences de l'article 45 du statut au motif que les reliquats sont automatiquement inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants et sont automatiquement promus, sauf s'ils ont «démérité». La Commission soutient que cette conclusion est erronée et contradictoire dans la mesure où, en vertu du Guide pratique, l'AIPN vérifie dans chaque cas si les reliquats n'ont pas
«démérité». En effet, la Commission estime que l'examen du «démérite» s'identifie à un «examen comparatif des mérites» des candidats (18).
20 L'article 45, paragraphe 1, du statut impose à l'AIPN une obligation essentielle lors de chaque procédure de promotion. Il exige que l'administration procède à un examen «comparatif» des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet.
L'utilisation du terme «comparatif» à l'article 45 suppose que l'administration procède à une analyse globale des mérites des candidats à la promotion pour dégager les similitudes, les ressemblances ou les différences qui les caractérisent. Il suppose ainsi, outre une appréciation intrinsèque des qualités de chaque candidat, une «confrontation» de leurs mérites et rapports respectifs en vue d'identifier le ou les fonctionnaire(s) qu'il est justifié de promouvoir. En vertu de l'article 45 du statut,
l'AIPN est donc tenue, lors de chaque procédure de promotion, de situer les mérites de chaque candidat par rapport aux mérites des autres candidats à la promotion.
21 L'exigence d'un examen «comparatif» des mérites n'exclut pas que l'AIPN puisse prendre en considération le fait qu'un candidat a déjà figuré sur la liste des fonctionnaires les plus méritants lors d'un exercice précédent.
En effet, il résulte d'une jurisprudence constante que «... pour procéder à l'examen des mérites prévu par l'article 45 précité, l'AIPN n'est pas tenue de se baser uniquement sur les rapports de notation des candidats mais peut également fonder son appréciation sur d'autres aspects de leurs mérites, tels que d'autres informations concernant leur situation administrative et personnelle...» (19).
À cet égard, l'inscription d'un candidat sur la liste des fonctionnaires les plus méritants lors d'un exercice antérieur relève manifestement des différents «aspects» des mérites professionnels de l'intéressé. En outre, comme l'a souligné la Commission, les mérites d'un candidat ne sauraient s'apprécier par rapport à une seule année, mais doivent raisonnablement être évalués sur une période plus étendue.
22 Cependant, contrairement à ce que soutient la Commission, nous pensons que l'examen du «démérite», dans la procédure organisée par le Guide pratique, ne s'identifie pas à un examen «comparatif» des mérites des candidats au sens de l'article 45 du statut.
En effet, comme l'a souligné Mme Hamptaux (20), le terme «démérite» suppose uniquement une appréciation individuelle des qualités du candidat. Il implique une comparaison des prestations professionnelles de l'intéressé avec ses propres prestations antérieures, en vue de vérifier s'il est possible de lui reconnaître des qualités d'un niveau au moins égal à celles dont il a fait preuve lors des exercices précédents. L'examen du «démérite» est donc limité à l'analyse du comportement de l'intéressé,
pris isolément. Il n'impose pas à l'AIPN de comparer les mérites du reliquat avec les mérites des autres candidats à la promotion.
23 La thèse de la Commission, selon laquelle la procédure litigieuse garantit un examen «comparatif» des mérites des candidats, n'est d'ailleurs étayée ni par le libellé du Guide pratique ni par les faits du présent litige.
24 En effet, le Guide pratique ne contient aucune indication qui permettrait d'établir que l'AIPN, lorsqu'elle examine le «démérite» éventuel d'un reliquat, procède également à une comparaison des mérites de l'intéressé avec ceux des autres candidats à la promotion.
Ainsi, s'agissant des propositions de promotion formulées par les directeurs généraux (deuxième étape de la procédure litigieuse), le Guide pratique se limite à préciser:
«Il faut souligner en outre - et il s'agit d'une pratique constante requise par les Comités de Promotion - que, sauf justification contraire et motivée, ceux proposés dans la liste de la Direction générale et non promus sont repris dans le même ordre l'année suivante» (21).
De même, s'agissant de l'établissement du projet de liste des fonctionnaires les plus méritants (troisième étape de la procédure litigieuse), le Guide pratique indique que les comités de promotion «... reportent normalement sur la liste, sans discussion, les `plus méritants' de l'année précédente qui n'avaient pas été promus» (22).
Certes, les réserves exprimées ci-dessus par le Guide pratique - au travers des expressions «sauf justification contraire et motivée» ou «normalement» - peuvent laisser supposer que la Commission vérifie dans chaque cas si les mérites des reliquats ne se sont pas «dépréciés» d'un exercice à l'autre. En revanche, elles n'offrent aucune garantie que l'AIPN procède, conformément à l'article 45 du statut, à une comparaison des mérites des reliquats avec ceux des autres candidats.
25 Les faits du présent litige confirment également l'absence d'un «examen comparatif des mérites» dans la procédure organisée par le Guide pratique.
Nous rappellerons que, lors de l'exercice litigieux, l'AIPN a promu dix fonctionnaires de la DG IX. Parmi ceux-ci, deux candidates - Mme B. et Mme D. - avaient déjà figuré sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au cours de l'exercice précédent, sans pour autant être promus. Les huit autres candidats avaient tous été proposés l'année précédente par leur direction générale, mais n'avaient pas été inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants.
Or, il est constant que l'AIPN a pris ses décisions de promotion sans procéder à une comparaison des mérites de la requérante avec ceux de Mme B. et de Mme D.
En effet, devant le Tribunal, la Commission n'a nullement contesté l'absence d'un examen comparatif des mérites et des rapports respectifs de la requérante avec ceux des deux candidates précitées (23). Au contraire, elle s'est limitée à rappeler que, conformément au Guide pratique, Mme B. et Mme D. avaient été automatiquement inscrites sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au cours de l'exercice 1997 (24).
Le Tribunal a, d'ailleurs, constaté cet élément de fait au point 44 de l'arrêt attaqué. Il a jugé:
«Il ressort [du dossier] que les [reliquats] figurent automatiquement sur la liste des plus méritants l'année suivante et sont automatiquement promus, sauf s'ils ont démérité. En conséquence, contrairement à l'obligation que lui impose l'article 45, paragraphe 1, du statut, l'AIPN n'a pas procédé, dans le cadre de la procédure de promotion litigieuse, l'examen comparatif des mérites de la requérante ... avec ceux des deux fonctionnaires déjà inscrits l'année précédente sur la liste des plus
méritants...» (25).
Au point 50 de l'arrêt attaqué, le Tribunal en a conclu «... que la procédure de promotion litigieuse est entachée d'une irrégularité constitutive d'un vice substantiel, en ce qu'il n'a pas été satisfait à l'examen comparatif des mérites de l'intéressée et des deux fonctionnaires figurant l'année précédente sur la liste des plus méritants...» (26).
26 Sur la base des considérations qui précèdent, nous estimons donc que l'examen du «démérite», dans la procédure organisée par le Guide pratique, ne s'identifie pas à un «examen comparatif des mérites» des candidats au sens de l'article 45 du statut. En particulier, la Commission n'a pas établi que l'AIPN, lorsqu'elle vérifie le «démérite» éventuel d'un reliquat, procède à une comparaison des mérites et des rapports de l'ensemble des fonctionnaires ayant vocation à la promotion.
27 Dans ces conditions, la conclusion du Tribunal, selon laquelle la procédure litigieuse ne garantit pas le respect des exigences posées par l'article 45 du statut, n'est entachée ni d'une motivation contradictoire ni d'une erreur de droit.
28 Nous proposons donc à votre Cour de rejeter le pourvoi comme non fondé.
Sur les dépens
29 Aux termes des articles 69, paragraphe 2, et 118 du règlement de procédure de votre Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la requérante.
Conclusion
30 Au vu des considérations qui précèdent, nous proposons à votre Cour de:
1) rejeter le pourvoi;
2) condamner la Commission aux dépens de la présente instance.
(1) - Hamptaux/Commission (T-76/98, RecFP p. I-A-59 et II-303, ci-après l'«arrêt attaqué»).
(2) - Annexe 1 du mémoire en réplique déposé par la Commission.
(3) - L'arrêt attaqué ne contient aucune description de la procédure litigieuse. Le Tribunal a cependant décrit cette procédure dans des arrêts qu'il a rendus à l'occasion d'autres affaires et, notamment, dans ses arrêts du 10 juillet 1992, Mergen/Commission (T-53/91, Rec. p. II-2041, point 27); du 6 juin 1996, Baiwir/Commission (T-262/94, RecFP p. I-A-257 et II-739, point 61); du 21 novembre 1996, Michaël/Commission (T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II-1429, point 1); du 22 février 2000,
Rose/Commission (T-22/99, non encore publié au Recueil, points 2 à 4), et du 24 février 2000, Jacobs/Commission (T-82/98, non encore publié au Recueil, point 2).
(4) - Voir, en particulier, les points 1 à 13 ainsi que le point 32 de l'arrêt attaqué.
(5) - Autrement dénommée la «requérante».
(6) - La liste des fonctionnaires proposés par les directions générales en vue d'une promotion au titre de l'exercice 1997 a été publiée aux Informations administratives n_ 992, du 16 mai 1997 (annexe 7 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98).
(7) - Liste publiée aux Informations administratives n_ 998, du 8 août 1997 (annexe 11 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98).
(8) - Liste publiée aux Informations administratives n_ 999, du 12 août 1997 (annexe 12 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98).
(9) - La requérante a également demandé au Tribunal de condamner la Commission à lui verser une somme de 833 000 BEF à titre de réparation du préjudice subi du fait d'une discrimination en raison de sa situation de fonctionnaire «transcatégoriel». Le Tribunal a rejeté ce chef de conclusions aux points 54 et 55 de l'arrêt attaqué.
(10) - La requérante a également invoqué un second moyen, tiré de l'existence d'un vice de compétence. Elle soutenait que le membre de la Commission en charge du personnel n'était pas légalement compétent pour adopter et signer la décision portant rejet de sa réclamation du 8 octobre 1997 (points 15 à 17 de l'arrêt attaqué). Le Tribunal a cependant rejeté ce moyen comme non fondé (points 19 à 25 de l'arrêt attaqué).
(11) - Points 27 à 29 de l'arrêt attaqué.
(12) - Voir les points 30 à 34 de l'arrêt attaqué ainsi que les points 32 et 33 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98.
(13) - Dans le jargon de la fonction publique communautaire, les candidats qui ont été inscrits sur la liste des fonctionnaires les plus méritants au cours d'un exercice de promotion, mais qui n'ont pas été promus lors de cet exercice, sont appelés les «reliquats» (voir le point 29 de l'arrêt attaqué).
(14) - Point 29 de l'arrêt attaqué.
(15) - Dans le cadre de son moyen tiré de la violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut, Mme Hamptaux avait également soutenu que la Commission avait:
- privilégié, à tort, d'autres critères que ceux liés aux seuls mérites des candidats susceptibles d'être promus au grade B 2 lors de l'exercice 1997, et
- opéré une discrimination entre les fonctionnaires «transcatégoriels» (c'est-à-dire les fonctionnaires qui ont passé une partie de leur carrière dans une catégorie inférieure à celle qu'ils occupent) et les autres fonctionnaires (voir le point 26 de l'arrêt attaqué).
(16) - Aux points 37 et 44 de l'arrêt attaqué.
(17) - Aux points 37 et 44 de l'arrêt attaqué.
(18) - Voir le point 8 du mémoire en réplique déposé par la Commission.
(19) - Arrêt du Tribunal du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission (T-221/96, RecFP p. I-A-115 et II-307, point 18, souligné par nous). Voir également les arrêts du Tribunal du 25 novembre 1993, X/Commission (T-89/91, T-21/92 et T-89/92, Rec. p. II-1235, points 49 et 50); du 21 octobre 1997, Patronis/Conseil (T-168/96, RecFP p. I-A-299 et II-833, point 35), et du 27 avril 1999, Thinus/Commission (T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 48).
(20) - Au point 11 de son mémoire en défense et au point 5 de son mémoire en duplique.
(21) - Guide pratique, p. 2 (souligné par nous).
(22) - Idem (souligné par nous).
(23) - Voir les points 32 et 33 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98.
(24) - À l'inverse, devant le Tribunal, la Commission a clairement exposé les raisons pour lesquelles l'AIPN avait considéré que les huit autres candidats proposés par la DG IX présentaient des mérites supérieurs à ceux de la requérante. De la sorte, elle a confirmé que l'AIPN avait effectivement procédé à une comparaison des mérites de la requérante avec ceux des huit candidats précités (voir les points 34 et 35 du mémoire en défense déposé par la Commission dans l'affaire T-76/98).
(25) - Souligné par nous.
(26) - Souligné par nous.