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28/03/2000 | CJUE | N°C-389/98

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 28 mars 2000., Hans Gevaert contre Commission des Communautés européennes., 28/03/2000, C-389/98


Avis juridique important

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61998C0389

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 28 mars 2000. - Hans Gevaert contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Demande de révision du classement en grade - Recours - Expiration des délais - Fait nouveau - Egalité de traitement. -

Affaire C-389/98 P.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-00065

Conclus...

Avis juridique important

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61998C0389

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 28 mars 2000. - Hans Gevaert contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Demande de révision du classement en grade - Recours - Expiration des délais - Fait nouveau - Egalité de traitement. - Affaire C-389/98 P.
Recueil de jurisprudence 2001 page I-00065

Conclusions de l'avocat général

1. Le présent pourvoi s'inscrit dans le cadre du contentieux généré au sein de la fonction publique communautaire par l'arrêt du Tribunal de première instance du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission .

M. Gevaert (autrement dénommé le «requérant»), fonctionnaire de la Commission, demande à votre Cour d'annuler l'ordonnance du Tribunal du 19 août 1998 en ce qu'elle a déclaré irrecevable le recours qu'il avait formé contre la décision de la Commission portant rejet de sa demande de réexamen de classement en grade.

I - Le contexte juridique et factuel

2. L'article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») régit le classement des fonctionnaires lors de leur recrutement.

Le paragraphe 1 de ce texte prévoit que les fonctionnaires choisis par les institutions sont nommés au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre. Le paragraphe 2 permet à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») de déroger à cette disposition dans la limite d'une certaine proportion des postes à pourvoir.

3. Les articles 90 et 91 du statut portent sur les voies de recours qui sont ouvertes aux fonctionnaires.

L'article 90, paragraphe 1, dispose que «Toute personne visée au ... statut peut saisir l'[AIPN] d'une demande l'invitant à prendre à son égard une décision».

L'article 90, paragraphe 2, énonce que «Toute personne visée au ... statut peut saisir l'[AIPN] d'une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu'elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois».

Enfin, l'article 91, paragraphe 2, prévoit qu'«Un recours [auprès du Tribunal de première instance] ... n'est recevable que si l'[AIPN] a été préalablement saisie d'une réclamation au sens de l'article 90 paragraphe 2 et dans le délai y prévu...».

4. Le 1er septembre 1983, la Commission a adopté une décision relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement (ci-après la «décision du 1er septembre 1983»). Aux termes de l'article 2, premier alinéa, de cette décision:

«L'[AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.»

5. En 1995, le Tribunal fut saisi d'un recours introduit par une fonctionnaire de la Commission qui avait été classée au grade de base de sa catégorie en application de la décision susvisée. Mme Alexopoulou, considérant qu'elle présentait des qualifications exceptionnelles, avait sollicité l'annulation de la décision de la Commission portant refus de la nommer à un grade supérieur au grade de base.

Dans l'arrêt Alexopoulou, le Tribunal a rappelé que la décision de classement en grade, fondée sur l'article 31, paragraphe 2, du statut, relevait d'un «large pouvoir discrétionnaire» de l'administration . Toutefois, il a considéré que l'AIPN était tenue, en présence de circonstances particulières, telles que les qualifications exceptionnelles d'un candidat, de procéder à une appréciation concrète de l'application éventuelle de cette disposition .

Le Tribunal a précisé que: «Une telle obligation s'impose notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié et justifient ainsi le recours aux dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du statut ... ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions» .

Le Tribunal a également rejeté l'argument de la Commission selon lequel, en adoptant la décision du 1er septembre 1983, elle avait renoncé au pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 31, paragraphe 2, du statut. Il a jugé que cette décision était incompatible avec le statut dans la mesure où elle ne permettait pas à l'AIPN de nommer un fonctionnaire à un grade supérieur au grade de base .

En conséquence, le Tribunal a constaté que la décision de nomination de Mme Alexopoulou était entachée d'une erreur de droit. En effet, la Commission avait refusé de classer la requérante à un grade supérieur au seul motif que la décision du 1er septembre 1983 excluait une telle possibilité, sans procéder à une appréciation concrète des qualifications de Mme Alexopoulou, en application de l'article 31, paragraphe 2, du statut.

6. En vue de se conformer à l'arrêt Alexopoulou, la Commission a modifié sa décision du 1er septembre 1983 par une seconde décision, adoptée le 7 février 1996 (ci-après la «décision du 7 février 1996») et publiée aux Informations administratives du 27 mars 1996. L'article 2 de sa première décision se lit désormais comme suit:

«L'[AIPN] nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté.

Par exception à ce principe, l'AIPN peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles.

Cette décision prend effet au 5 octobre 1995 (date de l'arrêt du Tribunal)».

7. L'arrêt Alexopoulou a été perçu par de nombreux fonctionnaires de la Commission comme un changement substantiel d'orientation de la jurisprudence. Dans les mois qui suivirent son prononcé, quelque 950 fonctionnaires ont introduit une demande visant à obtenir un réexamen de leur classement en grade sur le fondement de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Plus de 80 recours ont ensuite été déposés devant le Tribunal de première instance .

Saisi de ces dossiers, le Tribunal a essentiellement distingué deux catégories de recours :

a) les recours introduits par les fonctionnaires qui avaient présenté une demande de reclassement plus de trois mois après la décision de classement définitif en grade (première catégorie), et

b) les recours introduits par les fonctionnaires qui avaient contesté la décision de classement en grade dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut (seconde catégorie).

S'agissant de la première catégorie de recours, le Tribunal a jugé, dans une série d'ordonnances , que les requérants étaient forclos à attaquer la décision relative à leur classement en grade. Il a constaté que ces requérants n'avaient pas rapporté la preuve de l'existence de faits nouveaux et substantiels susceptibles de rouvrir les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut.

S'agissant de la seconde catégorie d'affaires, le Tribunal a, dans une autre série de décisions , rejeté certains recours comme non fondés. En substance, il a considéré que les requérants n'avaient soumis aucun élément permettant de conclure que, en rejetant leur demande de réexamen de classement en grade, l'AIPN avait commis une erreur manifeste dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 31, paragraphe 2, du statut.

8. Le recours formé par M. Gevaert devant le Tribunal de première instance relevait de la première catégorie d'affaires.

II - Les faits et la procédure

9. Il ressort de l'ordonnance attaquée que le requérant a été nommé, le 18 janvier 1995, en qualité de fonctionnaire stagiaire de la Commission avec un classement au grade B 5. Il a été titularisé dans son emploi le 1er juin 1995.

10. Le 24 juin 1996, soit peu après la publication de la décision du 7 février 1996, le requérant a introduit, au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut, une demande visant à obtenir un réexamen de son classement en grade.

11. Le 26 août 1996, la Commission a rejeté cette demande au motif qu'elle avait été introduite plus de trois mois après la décision de classement initial qui avait été prise à l'égard du requérant.

12. Le 25 novembre 1996, M. Gevaert a déposé une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, qui fut rejetée par une décision de la Commission du 3 février 1997.

13. Le requérant a introduit son recours devant le Tribunal le 23 mai 1997. Il concluait à l'annulation de la décision de la Commission du 26 août 1996 portant rejet de sa demande de reclassement en grade.

14. Le 14 novembre 1997, le Tribunal a invité les parties au litige, ainsi que les parties dans plusieurs autres affaires de «reclassement», à participer à une réunion informelle devant le juge rapporteur. À la suite de cette réunion, la plupart des parties requérantes ont désigné l'affaire Gevaert/Commission en tant qu'affaire «pilote».

15. Par un acte déposé le 26 février 1998, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité en vertu de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

La Commission excipait de l'irrecevabilité du recours au motif que le requérant avait omis d'introduire, dans le délai de trois mois prescrit par l'article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation contre l'acte lui faisant grief, à savoir la décision de l'AIPN du 18 janvier 1995 arrêtant son classement définitif. Elle a ajouté que ni l'arrêt Alexopoulou ni la décision du 7 février 1996 ne constituait un fait nouveau et substantiel de nature à rouvrir ce délai de réclamation .

III - L'ordonnance attaquée

16. Devant le Tribunal, le requérant a souligné que sa demande de reclassement ne visait pas à remettre en cause la décision de l'AIPN portant sur son classement initial. Au contraire, elle aurait visé à obtenir un examen de ses qualifications en vue d'une révision de son classement actuel. Sa demande aurait donc uniquement porté sur une éventuelle application de l'article 31, paragraphe 2, du statut et, partant, sur une revalorisation de son classement en grade à la suite de la décision du 7
février 1996.

Le requérant a soutenu que, dans ces conditions, il n'était pas nécessaire de s'interroger sur l'existence d'un fait nouveau de nature à rouvrir le délai de réclamation à l'encontre de son classement initial . En tout état de cause, la décision du 7 février 1996 aurait effectivement constitué un fait nouveau et substantiel d'une telle nature .

Le requérant a également fait valoir que la décision du 7 février 1996 avait créé une situation nouvelle pour tous les fonctionnaires entrés en fonction entre le 1er septembre 1983 et le 5 octobre 1995, et qui avaient été classés selon les critères déclarés illégaux par l'arrêt Alexopoulou. De ce fait, il aurait été autorisé à déposer une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut en vue d'obtenir une révision de son classement à compter du 5 octobre 1995 .

En outre, le requérant considérait que, en refusant de procéder à un réexamen de son classement en grade, la Commission avait méconnu son devoir de sollicitude et violé le principe de l'égalité de traitement consacré par l'article 5, paragraphe 3, du statut .

17. Dans l'ordonnance attaquée, le Tribunal a procédé à l'appréciation suivante:

«32 Selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont d'ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge...

33 Il est constant que le requérant n'a pas, dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation dirigée contre la décision de l'AIPN du 18 janvier 1995 portant sur son classement lors du recrutement. Par conséquent, le classement en grade du requérant est devenu définitif à partir de l'expiration du délai de réclamation, soit le 31 août 1995, le requérant ayant accusé réception de la décision de l'AIPN le 31 mai 1995...

34 Le Tribunal rappelle que, ainsi que le juge communautaire l'a déjà jugé, un fonctionnaire ne saurait remettre en question les conditions de son recrutement initial après que celui-ci est devenu définitif...

35 Le Tribunal considère que la demande [de reclassement] du requérant du 24 juin 1996 vise précisément à remettre en question les conditions de son recrutement initial, notamment son classement en grade. Il y a lieu de souligner, à cet égard, qu'il ressort du libellé de ladite demande que le requérant était d'avis qu'il avait l'expérience et les qualifications suffisantes pour demander un réexamen de [son] classement réel... Toutefois, l'article 31, paragraphe 2, du statut porte sur le classement
en grade lors du recrutement initial. Dès lors, même s'il convient, comme le soutient le requérant, d'interpréter sa demande en ce sens qu'elle ne tendait qu'à obtenir la révision de son classement actuel et non pas de son classement à la date de son recrutement, il n'en reste pas moins que cette demande, fondée sur l'article 31, paragraphe 2, du statut, visait nécessairement à remettre en question les conditions de son recrutement initial.

36 À supposer même que la demande [de reclassement] du 24 juin 1996 doive être interprétée de manière restrictive, ainsi que l'a proposé le requérant ... c'est-à-dire comme visant uniquement à obtenir une appréciation de ses qualifications en vue d'une application éventuelle de l'article 31, paragraphe 2, du statut, il n'en reste pas moins que cette demande est susceptible de mettre indirectement en cause la décision de l'AIPN du 18 janvier 1995, laquelle est devenue définitive.

37 Or, il résulte d'une jurisprudence constante que, si, aux termes de l'article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l'AIPN de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet cependant pas au fonctionnaire d'écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 pour l'introduction d'une réclamation et d'un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d'une demande, une décision antérieure qui n'avait pas été contestée dans les délais. Seule l'existence
d'un fait nouveau substantiel peut justifier la présentation d'une demande tendant au réexamen d'une telle décision...

38 À ce stade du raisonnement, il y a donc lieu d'examiner la question de savoir si le requérant a démontré l'existence d'un fait nouveau et substantiel permettant d'introduire, après l'expiration du délai de réclamation, une demande de reclassement.

39 En ce qui concerne la décision du 7 février 1996 portant modification de la décision générale du 1er septembre 1983, le Tribunal considère que, par sa nature même et par sa portée juridique, elle ne saurait constituer un fait nouveau. Ladite décision n'avait pas pour objet, ni pour effet, de remettre en cause des décisions administratives devenues définitives avant son entrée en vigueur...

40 Il convient de relever, dans ce contexte, que la fixation de la prise d'effet de la décision du 7 février 1996 au 5 octobre 1995 (date de l'arrêt Alexopoulou) signifie qu'elle ne s'applique qu'aux fonctionnaires recrutés à partir du 5 octobre 1995. En effet, comme cela a déjà été rappelé (voir ci-dessus point 34), l'article 31, paragraphe 2, du statut porte sur le classement en grade lors du recrutement initial.»

18. Le Tribunal a également rejeté les arguments du requérant tirés de la méconnaissance du principe de sollicitude et de la violation du principe de l'égalité de traitement .

19. En conséquence, il a déclaré le recours du requérant irrecevable.

IV - Le pourvoi

20. Par le présent pourvoi, M. Gevaert demande à votre Cour d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer sur le fond du litige. Il vous invite ainsi à annuler la décision de la Commission du 26 août 1996 portant rejet de sa demande de réexamen de classement en grade et à condamner l'institution défenderesse aux dépens des deux instances.

21. La Commission, quant à elle, conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant aux dépens de la présente instance.

22. À l'appui de son pourvoi, le requérant invoque trois moyens:

- une erreur de qualification juridique de sa demande de reclassement;

- une erreur de qualification juridique de la décision du 7 février 1996, une violation du principe de l'égalité de traitement et une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut;

- un défaut de motivation de l'ordonnance attaquée.

23. Nous examinerons successivement ces trois moyens dans leur ordre de présentation.

Sur le premier moyen, tiré d'une erreur de qualification juridique de la demande de reclassement du requérant

24. Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que sa demande de reclassement du 24 juin 1996 visait à mettre en cause les conditions de son recrutement initial.

Il rappelle que la demande litigieuse ne visait pas à remettre en cause son classement initial. Au contraire, elle aurait visé à obtenir un examen de ses qualifications en vue d'une révision de son classement actuel avec effet au 5 octobre 1995.

Cette erreur de qualification juridique aurait entraîné des conséquences directes dans la mesure où elle a conduit le Tribunal à s'interroger sur l'existence d'un fait nouveau et substantiel, susceptible de rouvrir le délai de réclamation à l'encontre de la décision de l'AIPN portant sur le classement initial du requérant. Or, en lieu et place de cet examen, le Tribunal aurait dû s'interroger sur l'existence d'un changement substantiel de circonstances qui serait intervenu depuis l'adoption de
ladite décision de classement. En effet, il résulterait de votre jurisprudence qu'un tel changement de circonstances autorisait le requérant à déposer une demande au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut en vue d'obtenir un réexamen de sa situation administrative.

25. Il convient de rappeler que, aux termes de l'article 51 du statut CE de votre Cour, le pourvoi est limité aux questions de droit. Par ailleurs, l'article 112, paragraphe 1, sous c), de votre règlement de procédure énonce que le pourvoi doit spécifier les moyens et les arguments de droit soutenant les conclusions que le requérant demande à votre Cour d'accueillir. Aux termes d'une jurisprudence constante, votre Cour considère que:

«Il résulte de ces dispositions qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande» .

Ainsi, votre Cour a constamment déclaré irrecevables «... le pourvoi [ou les moyens] qui se limite[nt] à répéter ou ... à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient basés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction» . Vous estimez que «... un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l'article 49 du
statut CE de la Cour de justice, échappe à [votre] compétence...» .

Plus spécifiquement, votre Cour rejette comme manifestement irrecevable le pourvoi par lequel «Le requérant ... se limite à répéter sa critique à l'égard des arguments présentés par la Commission devant le Tribunal et considérés comme non pertinents par celui-ci» .

26. Or, en l'espèce, le requérant se limite précisément à réitérer les arguments qu'il a présentés devant le Tribunal en réponse à l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

En effet, dans les observations qu'il a déposées sur cette exception d'irrecevabilité, le requérant avait résumé la thèse de la Commission de la manière suivante:

«La Commission soutient que par sa demande de reclassement, ainsi que par le recours auquel elle a donné lieu, le requérant vise à remettre en cause son classement initial adopté plus de trois mois auparavant. Elle en déduit que cette contestation serait tardive, faute d'un fait nouveau de nature à rouvrir le délai statutaire de réclamation, entre-temps expiré» .

Et, se fondant sur une jurisprudence identique à celle qu'il invoque à l'appui du présent moyen, le requérant avait répondu à cette thèse dans les termes suivants:

«La demande de reclassement ne vise pas à remettre en cause la décision de classement initiale du requérant. Elle a uniquement pour objet de solliciter un examen de ses qualifications en vue d'une éventuelle révision de son classement actuel (voir, en ce sens, l'arrêt du 6 octobre 1982, Williams/Cour des comptes ... point 13 et l'arrêt du 6 mars 1996, Becker/Cour des comptes, T-93/94, RecFP p. II-301, points 6 et 10, dans lequel la question de la recevabilité n'a même pas été soulevée, ni par la
défenderesse, ni d'office par le Tribunal).

Il ne faut donc pas s'interroger sur l'existence ou non d'un fait nouveau de nature à rouvrir le délai de réclamation contre la décision de classement initiale. Il convient uniquement de s'interroger sur les questions de savoir si la survenance des nouveaux critères de classement est de nature à faire grief au requérant et quelle est la nature de la décision de rejet de sa demande (voir le point 13 de l'arrêt Williams précité)» .

27. Dans la mesure où il se limite à reproduire les arguments présentés devant le Tribunal, le premier moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une erreur de qualification juridique de la décision du 7 février 1996, d'une violation du principe de l'égalité de traitement et d'une violation de l'article 5, paragraphe 3, du statut

28. Par son deuxième moyen, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de qualification juridique des faits en jugeant que la décision du 7 février 1996 ne constituait pas un fait nouveau et substantiel de nature à rouvrir les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut. En outre, le requérant reproche au Tribunal d'avoir violé le principe de l'égalité de traitement et l'article 5, paragraphe 3, du statut.

29. Il convient d'observer que, dans les cinq pages du pourvoi consacrées au deuxième moyen, le requérant s'est limité à recopier textuellement les arguments qu'il avait présentés devant le Tribunal .

Pour les raisons exposées au point 25 des présentes conclusions, nous proposons donc à votre Cour de rejeter ce deuxième moyen comme manifestement irrecevable.

Sur le troisième moyen, tiré d'un défaut de motivation de l'ordonnance attaquée

30. Par son troisième moyen, le requérant soutient que la motivation de l'ordonnance attaquée est entachée d'une contradiction.

En effet, au point 39 de cette ordonnance, le Tribunal a jugé que «... la décision du 7 février 1996 ... ne saurait constituer un fait nouveau [au motif qu'elle] n'avait pas pour objet, ni pour effet, de remettre en cause des décisions administratives devenues définitives avant son entrée en vigueur». Le requérant précise que, par «décisions définitives», il faut entendre les décisions de classement en grade qui n'ont pas été contestées dans le délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe
2, du statut.

En revanche, au point 40 de l'ordonnance attaquée, le Tribunal a «... relev[é] ... que la fixation de la prise d'effet de la décision du 7 février 1996 au 5 octobre 1995 (date de l'arrêt Alexopoulou) signifie qu'elle ne s'applique qu'aux fonctionnaires recrutés à partir du 5 octobre 1995». Le requérant fait observer que, à la date de l'adoption de la décision du 7 février 1996, les décisions de classement en grade des fonctionnaires recrutés le 5 octobre 1995 étaient, elles aussi, devenues
définitives puisque plus de trois mois séparent ces deux dates.

Le requérant reproche ainsi au Tribunal de:

a) lui avoir refusé - en déclarant son recours irrecevable - la possibilité de contester sa décision de classement en grade au motif qu'elle était devenue définitive, mais

b) d'avoir admis - en constatant que la décision du 7 février 1996 s'appliquait aux fonctionnaires recrutés à partir du 5 octobre 1995 - que ces derniers puissent contester leur décision de classement en grade, alors que lesdites décisions étaient également devenues définitives.

31. Il convient de rappeler que, dans le cadre du premier moyen, le requérant n'a avancé aucun élément permettant de conclure que le Tribunal avait commis une erreur de droit en considérant que sa demande de reclassement visait à mettre en cause les conditions de son classement initial. Par ailleurs, à l'appui du deuxième moyen, le requérant n'a avancé aucun argument susceptible d'infirmer le raisonnement du Tribunal selon lequel la décision du 7 février 1996 ne constituait pas un fait nouveau et
substantiel de nature à rouvrir les délais statutaires de réclamation et de recours à l'encontre dudit classement. En l'état actuel de notre raisonnement, il nous faut donc conclure à l'inexistence d'un fait nouveau permettant au requérant de contester la décision de l'AIPN du 18 janvier 1995 portant sur son classement initial.

Or, comme votre Cour l'a récemment rappelé:

«Il est de jurisprudence constante que seule l'existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d'une demande tendant au réexamen d'une décision après l'expiration des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut» .

Dès lors, à supposer même que le Tribunal se soit contredit en constatant que la décision du 7 février 1996 était applicable aux fonctionnaires recrutés à partir du 5 octobre 1995, une annulation de l'ordonnance attaquée sur ce point ne saurait permettre au requérant de justifier la présentation de sa demande de reclassement en grade. En effet, dans la mesure où il ne rapporte pas la preuve d'une erreur de droit portant sur l'unique élément de nature à lui permettre d'introduire, après l'expiration
du délai de trois mois prévu par l'article 90, paragraphe 2, du statut, une demande visant à obtenir un réexamen de sa décision définitive de classement en grade, le requérant ne saurait utilement bénéficier d'une annulation de l'ordonnance attaquée sur le point critiqué dans le cadre du présent moyen.

32. Dans ces conditions, nous considérons que le troisième moyen du pourvoi est inopérant. Nous proposons donc à votre Cour de le rejeter comme tel .

Sur les dépens

33. En vertu des articles 69, paragraphe 2, et 118 du règlement de procédure de votre Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Aux termes de l'article 70 de ce même règlement, les frais exposés par les institutions dans le recours des fonctionnaires restent à la charge de celles-ci. Cependant, en vertu de l'article 122, deuxième alinéa, dudit règlement, l'article 70 n'est pas applicable au pourvoi formé par un fonctionnaire ou tout autre agent d'une
institution contre celle-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Conclusion

34. Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons donc à votre Cour de:

1) rejeter le pourvoi;

2) condamner le requérant aux dépens de la présente instance.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-389/98
Date de la décision : 28/03/2000
Type d'affaire : Pourvoi - fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Demande de révision du classement en grade - Recours - Expiration des délais - Fait nouveau - Egalité de traitement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Hans Gevaert
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Sevón

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:166

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