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10/02/2000 | CJUE | N°C-45/99

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 10 février 2000., Commission des Communautés européennes contre République française., 10/02/2000, C-45/99


Avis juridique important

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61999C0045

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 10 février 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Non-transposition de la directive 94/33/CE. - Affaire C-45/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-03615>
Conclusions de l'avocat général

1 Par requête déposée le 16 février 1999, ...

Avis juridique important

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61999C0045

Conclusions de l'avocat général Saggio présentées le 10 février 2000. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Non-transposition de la directive 94/33/CE. - Affaire C-45/99.
Recueil de jurisprudence 2000 page I-03615

Conclusions de l'avocat général

1 Par requête déposée le 16 février 1999, la Commission fait grief à la République française de ne pas avoir transposé en temps utile dans l'ordre juridique national la directive 94/33/CE du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au travail (1) (ci-après la «directive»), ou - à titre subsidiaire - de ne pas avoir communiqué les mesures de transposition.

Réglementation communautaire et réglementation nationale pertinentes

2 La directive, qui a été adoptée sur la base de l'article 118 A du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE), contient des prescriptions minimales destinées à protéger les jeunes dans le milieu du travail. À l'article 17, paragraphe 1, sous a) et c), il est prévu, d'une part, que les États membres mettent en vigueur, «au plus tard le 22 juin 1996», les dispositions nécessaires pour se conformer aux obligations découlant de ladite directive ou
s'assurent, «au plus tard à cette date, que les partenaires sociaux mettent en place les dispositions nécessaires par voie d'accord» et, d'autre part, que les États membres en informent «immédiatement la Commission». L'article 17, paragraphe 2, fait en outre obligation à ces États d'insérer une référence à la directive dans les dispositions nationales de transposition.

3 Le droit du travail en vigueur en France comporte maintes dispositions relatives au domaine régi par la directive. En particulier, le code du travail (articles D 211, L 211 à L 213, L 221, R 234 et R 241) concerne des matières couvertes par la directive, tandis que la loi n_ 97-1051 (2) contient des dispositions spéciales pour le secteur maritime.

Les faits et la procédure

4 Par lettre du 16 janvier 1997 la Commission, n'ayant reçu du gouvernement français aucune information sur la transposition de la directive, a invité ce gouvernement, en application de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), à présenter d'éventuelles observations à cet égard. Ce gouvernement a répondu par une note de son représentant permanent datée du 13 mars 1997, note que la Commission n'a pas tenu pour satisfaisante. Le 12 janvier 1998, la Commission a par conséquent notifié, au
titre de l'article 169 du traité CE, un avis motivé à la République française, selon lequel, «en ne prenant pas les dispositions ... nécessaires pour se conformer à la directive ..., la France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive», et l'invitait à s'y conformer dans un délai de deux mois. Le gouvernement français a répondu à cet avis motivé par une note de son représentant permanent du 13 mars 1998, que la Commission a jugée également insuffisante.

5 En conséquence, la Commission a déposé, le 16 février 1999, une requête en application de l'article 169, deuxième alinéa, du traité CE, concluant à ce qu'il plaise à la Cour:

«a) constater que, en ne prenant pas et, subsidiairement, en ne communiquant pas à la Commission, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer pleinement à la directive 94/33/CE, du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au travail, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et de ladite directive;

b) condamner la République française aux dépens».

6 La République française n'a pas formulé de conclusions particulières dans le mémoire en défense déposé le 4 mai 1998, en se bornant à affirmer que «le gouvernement français communiquera ... dès que possible à la Cour de justice ainsi qu'à la Commission» un projet de loi sur la durée du travail, en cours d'élaboration par les autorités compétentes.

Sur l'existence du manquement

7 Selon la Commission, la République française n'aurait pas pleinement transposé la directive dans son ordre juridique, en violant ainsi les dispositions prévues à l'article 17, paragraphe 1, sous a), de la directive, qui fixent le délai de transposition au 22 juin 1996, et en toute hypothèse, elle n'aurait pas communiqué les mesures de transposition adoptées, en violant ainsi l'obligation qui découle à cet égard de la lettre c) de ce même article.

8 Le gouvernement français fait valoir que la plupart des dispositions de la directive seraient déjà intégrées dans la législation nationale en vigueur (3) et que, partant, cette législation ne devrait être modifiée que sur quelques points, à savoir précisément par rapport aux dispositions de la directive qui ne trouvent pas leur pendant dans la législation nationale. Ce même gouvernement affirme également qu'il entend adopter prochainement ces modifications et que l'acte y afférent sera communiqué
dès que possible à la Cour ainsi qu'à la Commission.

9 Nous estimons qu'en l'espèce l'infraction est établie. En effet, le gouvernement français reconnaît explicitement que, trois ans et demi après l'expiration du délai fixé pour l'adoption des mesures de transposition de la directive, maintes dispositions de celle-ci ne trouvent aucun pendant dans la législation applicable au moment de l'entrée en vigueur de la directive. Il s'agit, ainsi qu'il résulte des notes qui ont été transmises à la Commission par le représentant permanent de la France le 13
mars 1997 et le 13 mars 1998, de la durée du travail des adolescents entre quatorze et seize ans effectuant des travaux pendant les vacances scolaires, de la période minimale de repos quotidien des adolescents entre quatorze et seize ans et celle des jeunes de seize à dix-huit ans, du repos hebdomadaire des jeunes travailleurs, de la création d'une pause obligatoire de trente minutes au-delà de quatre heures et demie de travail et de l'application de la directive aux jeunes effectuant des formations
ou des stages en entreprise sans être soumis à un contrat de travail. Sur la base de ces éléments, on peut, selon nous, considérer comme établie l'existence de violations «claires de la directive» (4), en ce sens que certaines parties de celle-ci ne trouvent pas expression dans la législation en vigueur en France et que, en tout état de cause, la Commission n'a pas été informée de l'adoption des dispositions appropriées de transposition dans ces matières.

Nous ajouterons, pour ce qui concerne les dispositions en vigueur qui correspondraient aux prescriptions de la directive, qu'en toute hypothèse la simple préexistence dans l'ordre juridique d'un État membre de dispositions correspondant à celles voulues par une directive n'affranchit cet État ni de l'obligation de créer un cadre juridique qui assure - du point de vue de la sécurité juridique - la transposition complète et efficace de la directive en question grâce à l'ajustement de l'ensemble du
régime juridique visé par cette dernière (5), ni de l'obligation de communiquer à la Commission les dispositions éventuellement prises.

On observera, en outre, qu'en l'espèce la directive fait obligation aux États membres d'insérer dans les dispositions de transposition une référence expresse à la directive et que, selon une jurisprudence constante (6), le fait même qu'une telle obligation a été prévue est de nature à exclure que la réglementation nationale préexistante constitue la transposition d'une directive dans l'ordre juridique d'un État membre. Même sous cet angle le manquement en cause est donc confirmé.

Sur les dépens

10 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Par conséquent, puisque la Commission a conclu en ce sens, nous suggérons que la République française, qui a succombé en ses moyens, soit condamnée aux dépens.

Conclusion

11 Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit:

«1) En ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions nécessaires pour se conformer à la directive 94/33/CE du Conseil, du 22 juin 1994, relative à la protection des jeunes au travail, et, en tout état de cause, en omettant de communiquer l'adoption de ces dispositions, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ladite directive.

2) La République française est condamnée aux dépens.»

(1) - JO L 216, p. 12.

(2) - Journal officiel de la République française du 18 novembre 1997, p. 16723.

(3) - Et notamment dans les dispositions citées au point 3 des présentes conclusions.

(4) - Arrêt du 1er mars 1983, Commission/Belgique (301/81, Rec. p. 467, point 18).

(5) - «Les dispositions d'une directive doivent être mises en oeuvre avec ... la spécificité, la précision et la clarté requises, afin que soit satisfaite l'exigence de la sécurité juridique qui requiert que ... les bénéficiaires soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits» (arrêt du 4 décembre 1997, Commission/Italie, C-207/96, Rec. p. I-6869, point 26).

(6) - Voir, par exemple, l'arrêt du 27 novembre 1997, Commission/Allemagne (C-137/96, Rec. p. I-6749, point 8).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-45/99
Date de la décision : 10/02/2000
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Non-transposition de la directive 94/33/CE.

Politique sociale


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Saggio
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2000:81

Source

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