Avis juridique important
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61997C0374
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 18 mars 1999. - Anton Feyrer contre Landkreis Rottal-Inn. - Demande de décision préjudicielle: Bayerischer Verwaltungsgerichtshof - Allemagne. - Directive 85/73/CEE - Redevances en matière d'inspections et de contrôles sanitaires des viandes fraîches - Effet direct. - Affaire C-374/97.
Recueil de jurisprudence 1999 page I-05153
Conclusions de l'avocat général
1 Dans la présente affaire, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne) vous invite à interpréter certaines dispositions communautaires relatives à l'harmonisation des redevances à percevoir au titre des inspections sanitaires dans les abattoirs. Il vous est, notamment, demandé de dire si certaines dispositions de la directive 85/73/CEE du Conseil, du 29 janvier 1985, relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille (1), telle que
modifiée par la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993 (2) (ci-après la «directive»), non transposées dans les délais impartis dans l'ordre juridique interne, produisent des effets directs.
La législation communautaire pertinente
2 La directive a pour objet d'harmoniser les règles relatives au financement des inspections et contrôles sanitaires dans les abattoirs (3) et d'empêcher les distorsions de concurrence résultant d'une diminution ou d'une suppression des redevances (4) à percevoir au titre de ces inspections et contrôles.
3 Son article 1er, paragraphe 1, impose aux États membres de prélever une redevance communautaire pour les frais occasionnés par les inspections et contrôles sanitaires des viandes visées par différentes directives communautaires.
4 Le paragraphe 2 de cette même disposition définit ce que ces frais recouvrent. Ainsi, il est prévu que: «Les redevances visées au paragraphe 1 sont fixées de manière à couvrir les coûts que supporte l'autorité compétente au titre:
- des charges salariales, incluant les charges sociales;
- des frais administratifs auxquels peuvent être imputés des frais nécessaires à la formation permanente des inspecteurs
pour l'exécution des contrôles et inspections visés au paragraphe 1».
5 Le montant de ces frais est précisément arrêté au point 1 du chapitre I de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive et varie, notamment, selon l'espèce de l'animal, son âge et son poids.
6 L'article 2, paragraphe 3, de la directive prévoit, en outre, que: «Les États membres sont autorisés à percevoir un montant supérieur aux niveaux des redevances communautaires, sous réserve que la redevance totale perçue par chaque État membre ne soit pas supérieure au coût réel des frais d'inspection».
7 Le point 4 du chapitre I de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive précise les différentes hypothèses dans lesquelles un État peut fixer des redevances d'un montant supérieur au forfait. Il se lit comme suit:
«Les États membres peuvent, pour couvrir des coûts plus élevés:
a) majorer pour un établissement donné, les montants forfaitaires prévus aux points 1 a) et 2 a).
Les conditions à remplir à cet effet peuvent ... être les suivantes:
...
b) ou percevoir une redevance spécifique couvrant les frais effectivement encourus.»
8 Ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 1994 (article 3, paragraphe 1, de la directive).
La législation nationale pertinente
9 Le Fleischhygienegesetz (loi sur l'hygiène des viandes), du 18 décembre 1992 (5), dans la version applicable au moment de l'adoption des décisions attaquées dans l'espèce au principal (6), dispose, en son article 24, paragraphe 1, que les actes donnant lieu à la perception de la redevance sont déterminés par le droit des Länder et que la redevance est calculée «conformément à la directive 85/73/CEE du Conseil du 29 janvier 1985, relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des
viandes fraîches et des viandes de volaille (JO L 32, p. 14) et aux actes juridiques adoptés par les organes de la Communauté européenne sur la base de cette directive...» (paragraphe 2 de la même disposition).
10 Le Bayerisches Gesetz zur Ausführung des Fleischhygienegesetzes (loi bavaroise portant application de la loi sur l'hygiène des viandes, ci-après l'«AGFIHG»), du 24 août 1990 (7), droit du Land concerné par l'affaire au principal, habilite entre autres les Landkreise à déterminer par voie de règlement les actes qui donnent lieu à perception de la redevance pour leur territoire. Sur cette base, le Landkreis Rottal-Inn, collectivité territoriale compétente, a adopté la Satzung über die Erhebung von
Gebühren und Auslagen für Amtshandlungen im Vollzug fleischhygienischer Vorschriften (règlement relatif à la perception de redevances et de frais divers pour des actes administratifs effectués dans le cadre de l'exécution des dispositions en matière d'hygiène des viandes), du 20 août 1997 (8) (ci-après la «Satzung»), entrée rétroactivement en vigueur le 1er janvier 1994, qui constitue la base juridique des décisions attaquées.
11 Selon l'article 3, paragraphe 1, de l'AGFIHG, les autorités compétentes du Land en cause supportent les charges consécutives à l'exécution des tâches qui leur sont confiées, notamment, lorsque ces collectivités territoriales exploitent les services d'inspection vétérinaire.
12 Toutefois, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont ainsi conférés, ces collectivités territoriales sont tenues de respecter des critères préétablis. Ainsi, aux termes de l'article 3, paragraphe 2, de l'AGFIHG, elles déterminent «par règlement, de manière uniforme pour leur territoire, les actes donnant lieu à perception de la redevance au sens de l'article 24, paragraphe 1, de la FIHG ainsi que de manière uniforme pour leur territoire, et séparément des redevances afférentes à l'utilisation des
abattoirs, des redevances couvrant les coûts conformément à l'article 24, paragraphe 2, de la FIHG».
13 Les différents actes qui donnent lieu à la perception de la redevance sont énumérés par la Satzung.
Les faits et la procédure
14 M. Feyrer, un boucher qui exerce son activité dans le ressort du Landkreis Rottal-Inn et qui procède lui-même à des abattages d'animaux, conteste le montant des redevances qui lui ont été réclamées à la suite des inspections sanitaires et des contrôles des viandes effectués par les autorités compétentes en 1995.
15 Selon lui, ces autorités ne peuvent pas lui imposer de s'acquitter d'une redevance d'un montant dépassant celui forfaitairement prévu par le point 1 de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive. Cependant, il ne conteste pas que les redevances qui lui sont imposées correspondent au coût réel des frais d'inspection exposés par le Landkreis Rottal-Inn.
16 Le Landkreis Rottal-Inn estime, quant à lui, que le but de la directive ne consiste pas à harmoniser le montant des redevances et que les États membres sont au contraire autorisés à percevoir des redevances d'un montant supérieur aux montants forfaitaires quand ceux-ci sont inférieurs au coût des frais réellement exposés par les services d'inspection vétérinaire.
17 La décision rendue par le Bayerisches Verwaltungsgericht Regensburg, juridiction nationale saisie en premier ressort de la contestation, a fait l'objet d'un appel de la part du Landkreis Rottal-Inn devant le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof qui se demande si votre arrêt du 10 novembre 1992, Hansa Fleisch Ernst Mundt (9), est transposable en l'espèce. A l'occasion de cet arrêt, vous étiez interrogés sur le caractère inconditionnel et suffisamment précis de l'article 2, paragraphe 1, de la
décision 88/408/CEE du Conseil, du 15 juin 1988, concernant les niveaux de la redevance à percevoir au titre des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches, conformément à la directive 85/73/CEE (10), qui établissait des montants de redevances fixés forfaitairement par espèce animale.
18 Dans cet arrêt, vous avez dit pour droit que: «L'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408 ... peut être invoqué par un particulier à l'encontre d'un État membre afin de s'opposer à la perception de redevances d'un montant supérieur à celui prévu par cette disposition, lorsque les conditions auxquelles l'article 2, paragraphe 2, de cette décision subordonne la possibilité de majorer les niveaux de la redevance fixés par l'article 2, paragraphe 1, ne sont pas réunies. Toutefois, l'article 2,
paragraphe 1, de la décision 88/408/CEE ne peut être invoqué que pour s'opposer aux avis de recouvrement de la redevance émis après l'expiration du délai prévu par l'article 11 de la décision» (11).
19 Le juge de renvoi constate que le libellé des dispositions relatives à la faculté pour les États membres de déroger à la hausse aux montants forfaitaires prescrits a été modifié par la directive 93/118. Tel est notamment le cas du point 4, sous b), de l'annexe de son article 2, paragraphe 1.
20 Doutant du sens et de la portée de l'arrêt Hansa Fleisch Ernst Mundt, précité, ainsi que de l'interprétation des nouvelles dispositions de la directive 93/118, directement utiles à la solution du litige pour lequel il est saisi, le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof a ordonné le sursis à statuer pour vous poser les questions préjudicielles suivantes:
«1) Un particulier peut-il s'opposer à la perception de redevances supérieures aux niveaux des montants forfaitaires visés au point 1 de l'annexe à l'article 2, paragraphe 1, de la directive 85/73/CEE du Conseil dans la version de la directive 93/118/CE du Conseil, lorsque l'État membre n'a pas transposé la directive 93/118/CE dans le délai imparti?
2) Un État membre peut-il percevoir, sans autres conditions préalables, des redevances supérieures aux niveaux des montants forfaitaires sur la base du point 4, sous b), de l'annexe à l'article 2, paragraphe 1, de la directive 85/73/CEE dans la version de la directive 93/118/CE, aussi longtemps que les redevances perçues ne dépassent pas le coût réel des frais exposés?
3) Le pouvoir des États membres de percevoir un montant supérieur aux niveaux des redevances communautaires conformément à l'article 2, paragraphe 3, de la directive 85/73/CEE du Conseil dans la version de la directive 93/118/CE dépend-il de la redevance totale perçue dans l'ensemble de l'État membre et du coût réel des frais d'inspection exposés dans l'ensemble de cet État, ou suffit-il, lorsque l'État membre a transféré le pouvoir de percevoir les redevances aux autorités communales, que la
redevance totale perçue par l'autorité communale en cause ne dépasse pas le coût réel des frais d'inspection exposés par cette autorité?»
Réponses aux questions
La première et la deuxième question
21 Par ces deux premières questions qu'il convient d'examiner ensemble, le juge de renvoi vous demande de dire si la réponse que vous avez donnée à la question relative à l'effet direct de l'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408 à l'occasion de votre arrêt Hansa Fleisch Ernst Mundt, précité, doit être identique depuis l'entrée en vigueur de la directive 93/118 et plus particulièrement de son article 2, paragraphe 1, et du point 4, sous b), de son annexe. En d'autres termes, vous êtes
interrogés sur le point de savoir si un particulier peut, en l'absence de transposition de l'article 2, paragraphe 1, de la directive dans les délais impartis, se prévaloir directement des effets de cette disposition devant les juridictions nationales pour s'opposer à la perception par des administrations d'un État membre qui lui réclament le paiement de redevances d'un montant supérieur aux montants forfaitaires prévus par la directive, lorsque le montant des frais réclamés ne dépasse pas le coût
réel des frais exposés par les services d'inspection vétérinaire et que la faculté de déroger à la hausse au montant forfaitaire de la redevance est librement offerte aux États membres sans qu'il leur faille justifier au préalable du respect de certaines conditions.
22 Afin de répondre à cette question, il nous semble indispensable de commenter la solution que vous avez adoptée à l'occasion de l'arrêt Hansa Fleisch Ernst Mundt, précité.
23 Le cadre factuel de cet arrêt était très proche de celui qui fait l'objet de la présente procédure. Une société, Hansa Fleisch Ernst Mundt, qui exploitait un abattoir, avait été soumise à des inspections vétérinaires. La redevance qui lui était réclamée conformément à la réglementation en vigueur du Land concerné étant supérieure aux niveaux forfaitaires prévus par la législation communautaire non encore en vigueur à l'époque des faits (12), la société Hansa Fleisch Ernst Mundt avait formé des
réclamations contre les avis de recouvrement des redevances émis en faisant valoir qu'ils étaient illégaux au motif, notamment, que les redevances facturées étaient supérieures à celles prévues par l'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408, dont le délai de transposition n'était pas encore venu à expiration.
24 Vous avez rappelé que le particulier peut invoquer directement en justice l'application de normes lui conférant des droits mais également lui imposant des obligations, car «il serait incompatible avec l'effet contraignant que l'article 189 du traité reconnaît à la ... [directive] d'exclure en principe que l'obligation qu'elle prévoit puisse être invoquée par des personnes concernées» (13).
25 Conformément à votre jurisprudence constante, vous avez souligné qu'«une disposition d'une ... [directive] adressée à un État membre pouvait être invoquée à l'encontre de cet État membre lorsque la disposition en cause imposait à son destinataire une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise...» (14).
26 A l'argument du gouvernement allemand selon lequel «l'obligation, faite aux États membres, de fixer le montant de la redevance aux niveaux prévus par l'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408 n'était pas une obligation inconditionnelle, en raison de la possibilité de déroger aux montants forfaitaires en question qui est laissée aux États membres par l'article 2, paragraphe 2, de la décision» (15), vous avez répondu que «le fait qu'une décision permette aux États membres qui en sont les
destinataires de déroger à des dispositions claires et précises de cette même décision ne saurait, en lui-même, priver ces dispositions d'effet direct. En particulier, de telles dispositions peuvent avoir un effet direct lorsque le recours aux possibilités de dérogation ainsi reconnues est susceptible d'un contrôle juridictionnel...» (16).
27 Vous avez toutefois précisé que «la possibilité accordée aux particuliers d'invoquer une décision à l'encontre des États membres qui en sont les destinataires est fondée sur le caractère obligatoire que la décision revêt à l'égard de ses destinataires. Par conséquent, lorsque la décision accorde aux États membres un certain délai pour se conformer aux obligations qui en résultent, cette décision ne saurait être invoquée par les particuliers à l'encontre des États membres avant l'expiration du
délai en cause» (17).
28 En conséquence, vous avez dit pour droit, rappelons-le, que: «L'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408 ... peut être invoqué par un particulier à l'encontre d'un État membre afin de s'opposer à la perception de redevances d'un montant supérieur à celui prévu par cette disposition, lorsque les conditions auxquelles l'article 2, paragraphe 2, de cette décision subordonne la possibilité de majorer les niveaux de la redevance fixés par l'article 2, paragraphe 1, ne sont pas réunies.
Toutefois, l'article 2, paragraphe 1, de la décision 88/408/CEE ne peut être invoqué que pour s'opposer aux avis de recouvrement de la redevance émis après l'expiration du délai prévu par l'article 11 de cette décision» (18).
29 Ce n'était donc que parce que le délai de transposition n'était pas encore venu à échéance que vous avez refusé au particulier qui le réclamait la possibilité d'invoquer directement devant les juridictions nationales compétentes l'article 2, paragraphe 1, de la décision pour s'opposer aux avis de recouvrement de la redevance émis avant l'expiration du délai prévu par l'article 11 de cette décision. En revanche, lorsque les dérogations au principe de la redevance communautaire d'un montant
forfaitaire sont soumises au respect strict de conditions susceptibles d'un contrôle juridictionnel, la disposition litigieuse peut être dotée d'effet direct.
30 Comme la plupart des intervenants (19), nous pensons que l'article 2, paragraphe 1, de la directive ne réunit plus les conditions qui permettent à un particulier de l'invoquer directement en justice à défaut de transposition de ce texte dans l'ordre juridique d'un État membre. Selon nous, depuis l'entrée en vigueur de la directive 93/118, l'obligation faite aux États membres de fixer le montant de la redevance aux niveaux prévus par son article 2, paragraphe 1, et par le point 1 de son annexe
n'est plus inconditionnelle en raison de la très large possibilité de prévoir des redevances d'un montant supérieur au forfait en question qui est offerte aux États membres par l'article 2, paragraphe 3, de la directive et par le point 4, sous b), de l'annexe de son article 2, paragraphe 1.
31 Comparons les législations communautaires en cause.
32 En vertu de l'article 2, paragraphe 2, de la décision 88/408, les États membres ne pouvaient diminuer ou accroître jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection le montant de la redevance communautaire fixée forfaitairement au paragraphe 1 que si «les coûts salariaux, la structure des établissements et le rapport existant entre vétérinaires et inspecteurs s'écart[ai]ent de ceux de la moyenne communautaire retenue pour le calcul des montants forfaitaires fixés au paragraphe 1». De même, selon
le deuxième alinéa de ce même paragraphe 2: «Pour recourir aux dérogations prévues au premier alinéa, les États membres se fondent sur les principes énumérés dans l'annexe». L'annexe énonçait une série de conditions à respecter tant pour pouvoir déroger à la hausse qu'à la baisse.
33 Il fallait en déduire que le législateur communautaire n'accordait qu'une faible marge d'appréciation aux États membres dans la détermination du montant de la redevance.
34 Depuis l'entrée en vigueur de la directive 93/118, le respect de conditions préalables n'est exigé que pour les dérogations à la baisse par rapport au montant forfaitairement fixé par le législateur communautaire (20). En revanche, s'agissant des dérogations à la hausse, ces conditions n'existent plus. En d'autres termes, la directive a assoupli les conditions de mise en oeuvre de la faculté de percevoir des redevances d'un montant supérieur au forfait qui était jusqu'alors offerte aux États
membres par la décision 88/408. En effet, l'article 2, paragraphe 3, de la directive prévoit seulement que: «Les États membres sont autorisés à percevoir un montant supérieur aux niveaux des redevances communautaires, sous réserve que la redevance totale perçue par chaque État membre ne soit pas supérieure au coût réel des frais d'inspection». De même, le point 4 de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive précise simplement que: «Les États membres peuvent, pour couvrir des coûts plus
élevés ... b) ou percevoir une redevance spécifique couvrant les frais effectivement encourus».
35 Les États membres n'étant plus soumis au respect de conditions préalables pour majorer le montant forfaitaire des redevances prévu à l'article 2, paragraphe 1, de la directive, il leur est donc loisible d'opter comme ils l'entendent pour la redevance du montant forfaitairement fixé par le législateur communautaire ou pour celle spécifique d'un montant supérieur couvrant les frais réels engagés par les services d'inspection, sans devoir justifier ce choix. On doit en déduire que la directive offre
aux États membres une alternative: soit une redevance communautaire d'un montant forfaitaire fixé conformément à l'article 2, paragraphe 1, de la directive et au point 1 de son annexe, soit une redevance spécifique d'un montant déterminé par les autorités nationales compétentes couvrant les frais effectivement encourus. Il ressort des pièces de procédure que la République fédérale d'Allemagne a régulièrement choisi la seconde possibilité.
36 Il nous faut donc en conclure que, depuis l'entrée en vigueur de la directive 93/118, les assujettis aux redevances ne peuvent pas objecter l'obligation du respect des montants forfaitaires établis par le législateur communautaire aux administrations de leur État membre devant les juridictions nationales pour s'opposer au recouvrement de redevances d'un montant supérieur à celui prévu par l'article 2, paragraphe 1, de la directive qui correspond au coût réel des frais d'inspection. En d'autres
termes, l'article 2, paragraphe 1, de la directive auquel les États membres peuvent déroger facilement n'impose pas à son destinataire une obligation inconditionnelle.
37 Cette lecture de l'article 2, paragraphe 1, de la directive est corroborée par la finalité de la directive.
38 En effet, le but de cette législation n'est pas d'harmoniser le montant de la redevance à percevoir au titre des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches, mais d'harmoniser les règles de financement de ces contrôles et d'éviter les distorsions de concurrence. Il est donc prévu un montant minimal susceptible de dérogation lorsque les frais réels relatifs aux inspections et contrôles s'écartent des niveaux établis par le législateur communautaire. Ces frais comportent, notamment,
les charges salariales incluant les charges sociales des inspecteurs (21). Or, ce type de frais n'est pas identique sur l'ensemble du territoire communautaire. De ce fait, l'harmonisation du montant de la redevance ne peut être le but assigné à la directive. En revanche, en déterminant la procédure qui doit être suivie pour parvenir à la fixation de la redevance et les paramètres dont il faut tenir compte pour procéder à son calcul, le législateur communautaire met en place les instruments
permettant d'éviter les distorsions de concurrence.
39 Il découle de ce qui précède que l'article 2, paragraphe 1, de la directive, en raison de son caractère conditionnel, ne peut pas conférer directement aux assujettis au paiement de la redevance la possibilité de se prévaloir de l'obligation de verser le montant forfaitaire qu'il énonce, à défaut de mesures de transposition dans les délais lorsque l'État membre fixe une redevance d'un montant supérieur correspondant au coût réel des frais d'inspection exposés par l'autorité compétente concernée.
La troisième question
40 Par cette troisième question, le juge de renvoi vous demande de dire si l'article 2, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un État membre a délégué ses pouvoirs en matière de perception de redevances à des autorités communales, le «coût réel des frais d'inspection» énoncé dans cette disposition s'entend des frais exposés dans l'ensemble de l'État membre ou de ceux exposés par les autorités communales en question. En d'autres termes, il vous est demandé de dire
à quel niveau géographique doit être déterminé le coût réel des frais d'inspection dès lors que l'État membre a délégué ses pouvoirs à des autorités régionales ou locales, comme c'est le cas en Allemagne.
41 Cette disposition énonce, rappelons-le, que: «Les États membres sont autorisés à percevoir un montant supérieur aux niveaux des redevances communautaires, sous réserve que la redevance totale perçue par chaque État membre ne soit pas supérieure au coût réel des frais d'inspection».
42 Selon M. Feyrer, le «coût réel des frais d'inspection» énoncé à l'article 2, paragraphe 3, de la directive s'entend des frais exposés dans l'ensemble de l'État membre même si cet État a transféré le pouvoir de percevoir les redevances aux autorités communales.
43 Nous ne partageons pas cette opinion. Selon nous, cette disposition doit être lue en combinaison avec les articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la directive. Ces textes prévoient respectivement que: «Les redevances ... sont fixées de manière à couvrir les coûts que supporte l'autorité compétente au titre:
- des charges salariales, incluant les charges sociales;
- des frais administratifs auxquels peuvent être imputés des frais nécessaires à la formation permanente des inspecteurs
pour l'exécution des contrôles et inspections visés au paragraphe 1» et que: «Les États membres veillent, aux fins du financement des contrôles effectués conformément aux directives visées à l'article 1er par les autorités compétentes et à cette seule fin, à percevoir ... les redevances communautaires, conformément aux modalités stipulées en annexe...» (22).
44 Or, vous avez déjà jugé que «chaque État membre est libre de répartir les compétences sur le plan interne et de mettre en oeuvre les actes de droit communautaire qui ne sont pas directement applicables au moyen de mesures prises par les autorités régionales ou locales, pourvu que cette répartition des compétences permette une mise en oeuvre correcte des actes de droit communautaire en cause» (23).
45 Par conséquent, lorsqu'un État membre a délégué ses pouvoirs en matière de perception de la redevance communautaire visée à l'article 2, paragraphe 3, de la directive, l'«autorité compétente», au sens des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 1, de la directive est l'autorité régionale ou locale. Conformément à ces textes, le niveau géographique auquel doit être déterminé le coût réel des frais exposés par les services d'inspection vétérinaire qui exécutent les tâches qui leur sont
confiées est de ce fait le niveau régional ou local et non le niveau national.
46 En outre, selon nous, le concept même de «coût réel des frais d'inspection» s'oppose à l'interprétation proposée par M. Feyrer. Si vous admettiez, en effet, que le montant de la redevance, dans l'hypothèse où l'État membre délègue ses pouvoirs à des autorités communales, soit calculé au niveau national, il ne pourrait s'agir que d'une moyenne de frais totaux engagés par chaque service vétérinaire opérant sur le territoire national et aucunement des frais réels encourus par le service compétent
concerné.
47 Il découle de ce qui précède que l'article 2, paragraphe 3, de la directive doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un État membre a délégué ses pouvoirs en matière de perception de redevances à des autorités communales, le «coût réel des frais d'inspection» énoncé dans cette disposition s'entend du coût réel des frais exposés par les autorités communales en cause et non de la totalité des coûts encourus dans l'État membre.
Conclusion
48 A la lumière des observations qui précèdent, nous vous proposons de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Bayerischer Verwaltungsgerichtshof:
«1) Le point 1 du chapitre I de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive 85/73/CEE du Conseil, du 29 janvier 1985, relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille, telle que modifiée par la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, n'est pas suffisamment précis et inconditionnel pour conférer directement à un particulier la possibilité de se prévaloir, devant les juridictions nationales, de l'obligation de
verser le montant forfaitaire qu'il énonce, à défaut de mesures de transposition dans les délais, afin de s'opposer à la perception par des administrations d'un État membre qui lui réclament le paiement de redevances d'un montant supérieur aux montants forfaitaires prévus par la directive 93/118, lorsque le montant des redevances réclamées ne dépasse pas le coût réel des frais exposés par les services d'inspection vétérinaire. En outre, conformément au point 4, sous b), de l'annexe de l'article 2,
paragraphe 1, de la directive 93/118, la faculté de déroger ainsi au montant forfaitaire de la redevance est librement offerte aux États membres sans qu'il leur faille justifier au préalable du respect de certaines conditions.
2) L'article 2, paragraphe 3, de la directive 85/73, telle que modifiée par la directive 93/118, doit être interprété en ce sens que, lorsqu'un État membre a délégué ses pouvoirs en matière de perception de redevances à des autorités communales, le `coût réel des frais d'inspection' énoncé dans cette disposition s'entend des frais exposés par les autorités communales en cause et non de la totalité des coûts encourus dans l'État membre.»
(1) - JO L 32, p. 14.
(2) - JO L 340, p. 15.
(3) - Quatrième considérant de la directive.
(4) - Sixième considérant de la directive.
(5) - BGBl. I, p. 2022, ci-après la «FIHG».
(6) - Voir point 14 des présentes conclusions.
(7) - GVBl. I, p. 336.
(8) - Abl. des Landkreises Rottal-Inn 1997, p. 123.
(9) - C-156/91, Rec. p. I-5567.
(10) - JO L 194, p. 24.
(11) - Point 1 du dispositif.
(12) - Il s'agissait en l'espèce de la directive 85/73 et de la décision 88/408.
(13) - Arrêt Hansa Fleisch Ernst Mundt, précité, point 12.
(14) - Ibidem, point 13, souligné par nous.
(15) - Ibidem, point 14.
(16) - Ibidem, point 15, souligné par nous.
(17) - Ibidem, point 20.
(18) - Point 1 du dispositif.
(19) - A l'exception de M. Feyrer.
(20) - Voir le point 5, sous a) et sous b), de l'annexe de l'article 2, paragraphe 1, de la directive qui dispose ce qui suit:
«5) Les États membres dont les coûts salariaux, la structure des établissements et le rapport existant entre vétérinaires et inspecteurs s'écartent de ceux de la moyenne communautaire retenue pour le calcul des montants forfaitaires fixés aux points 1 a) et 2 a) peuvent y déroger à la baisse jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection:
a) d'une manière générale, lorsque le coût de la vie et les coûts salariaux présentent des différences particulièrement importantes;
b) pour un établissement donné, lorsque les conditions suivantes sont remplies...».
(21) - Article 1er, paragraphe 2, de la directive.
(22) - Souligné par nous.
(23) - Arrêt Hansa Fleisch Ernst Mundt, précité, point 23.