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12/03/1998 | CJUE | N°C-270/96

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS)., 12/03/1998, C-270/96


Avis juridique important

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61996J0270

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 12 mars 1998. - Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisation de sucre dan

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Avis juridique important

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61996J0270

Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 12 mars 1998. - Laboratoires Sarget SA contre Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS). - Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France. - Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits antiasthéniques - Classement tarifaire. - Affaire C-270/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01121

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Tarif douanier commun - Positions tarifaires - Produit dépourvu de profil spécifique thérapeutique ou prophylactique - Classement en tant que «médicament» dans la position 3004 de la nomenclature combinée - Exclusion - Produit ayant la qualité de «médicament» au sens de la directive 65/65 - Défaut de valeur déterminante à l'égard du classement tarifaire

(Règlement du Conseil n_ 1010/86; directive du Conseil 65/65)

Sommaire

Un produit présenté sous forme de comprimés à croquer, de comprimés effervescents et de solution buvable sous forme d'ampoules ayant une composition en principe actif identique, une ampoule buvable de 5 ml contenant 1 g d'aspartate d'arginine comme principe actif unique, des excipients et du sodium, ainsi qu'un produit présenté sous forme de poudre pour solution buvable en sachets et de solution buvable sous forme d'ampoules, qui contient 3 g de glutamate d'arginine, principe actif du produit,
présentant les mêmes effets thérapeutiques que l'aspartate d'arginine, et qui a sensiblement la même composition que le premier produit et des indications thérapeutiques identiques, ne peuvent faire l'objet d'une classification sous la position 3004 de la nomenclature combinée et, partant, ne relèvent pas du règlement n_ 1010/86 établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique, lorsqu'il n'a
été démontré ni que les produits avaient un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain ni qu'ils étaient susceptibles d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection spécifique.

Ne peuvent davantage, pour des raisons identiques, être classés sous la position 3004, et ne relèvent donc pas du règlement n_ 1010/86, un produit commercialisé en solution buvable présentée en ampoules de 5 ou 10 ml, une ampoule de 5 ml contenant 15 microgrammes de vitamine B12 et une ampoule de 10 ml le double, ainsi que des acides aminés et des conservateurs, et un produit présenté sous forme d'ampoules buvables pour adultes de 5 ou 10 ml comprenant 500 microgrammes de vitamine B12 par ampoule de
10 ml et 250 microgrammes de vitamine B12 par ampoule de 5 ml, ainsi que des acides aminés et des conservateurs.

N'ont de valeur déterminante pour le classement de tels produits ni le fait qu'ils ont bénéficié d'autorisations de mise sur le marché en tant que «médicaments» délivrées par les autorités nationales compétentes en application de la directive 65/65 relative aux spécialités pharmaceutiques, ni le fait qu'ils sont considérés comme des «médicaments» au regard de la législation de cet État, ni encore la présentation de ces produits.

Parties

Dans l'affaire C-270/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal administratif de Paris et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Laboratoires Sarget SA

et

Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation du règlement (CEE) n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 94, p. 9), tel que modifié par l'article 9 du règlement (CEE) n_ 1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988, modifiant certains règlements relatifs à l'application de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre
suite à l'introduction de la nomenclature combinée (JO L 152, p. 23), ainsi que sur l'interprétation du chapitre 30 de la nomenclature combinée, telle qu'établie par l'annexe I du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1),

LA COUR

(quatrième chambre),

composée de MM. R. Schintgen, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la quatrième chambre, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. B. Elmer,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour les Laboratoires Sarget SA, par Mes François Meunier et Jean-Claude Demoulin, avocats au barreau de Paris,

- pour le gouvernement français, par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Frédéric Pascal, attaché d'administration centrale à la même direction, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Michel Nolin, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales des Laboratoires Sarget SA, représentés par Me Jean-Dominique Touraille, avocat au barreau de Paris, assisté de M. Alain Gillet, en qualité d'expert, du gouvernement français, représenté par M. Frédéric Pascal, et de la Commission, représentée par M. Michel Nolin, à l'audience du 5 juin 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 juillet 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par jugement du 12 juin 1996, parvenu à la Cour le 8 août suivant, le tribunal administratif de Paris a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation du règlement (CEE) n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique (JO L 94, p. 9), tel que modifié par l'article 9 du règlement (CEE) n_
1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988, modifiant certains règlements relatifs à l'application de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre suite à l'introduction de la nomenclature combinée (JO L 152, p. 23), ainsi que du chapitre 30 de la nomenclature combinée, telle qu'établie par l'annexe I du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1, ci-après la «NC»).

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant les Laboratoires Sarget SA (ci-après «Sarget») au Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (ci-après le «FIRS»), à propos du remboursement de restitutions à la production qui avaient été accordées à Sarget en tant qu'entreprise utilisant du sucre dans la fabrication de certains produits chimiques.

3 Le règlement n_ 1010/86, tel que modifié par l'article 9 du règlement n_ 1714/88 à la suite de l'introduction de la NC, concerne l'octroi de restitutions aux entreprises utilisant du sucre pour la fabrication de certains produits chimiques.

4 Dans le but de développer le marché du sucre et de compenser la différence de prix entre le cours communautaire et le cours mondial, le règlement n_ 1010/86 accorde des restitutions à la production pour la fabrication de produits comprenant du saccharose. Selon ses articles 1er et 2, paragraphe 1, la restitution est accordée par l'État membre sur le territoire duquel a lieu la transformation des «produits de base» en «produits chimiques» répertoriés à l'annexe du règlement. Les produits
pharmaceutiques visés au chapitre 30 du tarif douanier commun (ci-après le «TDC») et, à la suite du règlement n_ 1714/88 applicable au litige au principal, au chapitre 30 de la NC figurent parmi ces produits chimiques.

5 En application du règlement n_ 1010/86, le FIRS a invité, en 1986, les utilisateurs potentiels à lui adresser des demandes d'agrément préalables afin de bénéficier, le cas échéant, de ces restitutions.

6 Par lettre du 11 juillet 1986, Sarget a demandé au FIRS un agrément en vue de l'utilisation de sucre dans la fabrication de produits qui relevaient, selon lui, de l'annexe du règlement n_ 1010/86. Cette demande comportait la déclaration, parmi les produits à fabriquer, des spécialités Sargenor, Lysivit, Sarvit et Dynamisan, qui étaient déclarées comme relevant de la classification 3003 du TDC. En vertu de cette déclaration, l'agrément a été accordé, le 15 juillet 1986, par le FIRS, en sorte que
Sarget a perçu des restitutions pour le sucre entrant dans la fabrication desdits produits.

7 Par lettre du 15 novembre 1988, Sarget a demandé le renouvellement de son agrément pour ces mêmes produits qu'il a alors déclarés comme relevant de la classification 3004 de la NC. En vertu de cette déclaration, un nouvel agrément a été accordé le 17 novembre 1988.

8 Après avoir analysé des échantillons de Sargenor, de Lysivit, de Sarvit et de Dynamisan, la direction générale des douanes et droits indirects a dressé, le 22 juin 1990, un procès-verbal à l'encontre de Sarget, estimant que ces produits devaient être classés sous le chapitre 21 de la NC, à savoir «Préparations alimentaires diverses», chapitre qui n'est pas repris à l'annexe du règlement n_ 1010/86, dans sa version modifiée, et qui regroupe donc des produits ne bénéficiant pas de restitutions à la
production.

9 A la suite de ce procès-verbal, le FIRS a émis, le 17 février 1995, un titre exécutoire à l'encontre de Sarget pour un montant de 2 545 059,66 FF correspondant aux restitutions indues dont il avait bénéficié au cours des années 1989 à 1991.

10 Par requête du 18 avril 1995, Sarget a demandé au tribunal administratif l'annulation dudit redressement.

11 Estimant que la solution du litige dont elle était saisie dépendait de l'interprétation des dispositions communautaires, la juridiction de renvoi a sursis à statuer et a demandé à la Cour si,

«compte tenu de leurs composition, présentation et fonctions, les produits Sargenor, Sarvit, Lysivit et Dynamisan relèvent de l'application du règlement n_ 1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, relatif au classement de marchandises dans la sous-position 30 du tarif douanier commun ou d'une autre sous-position».

12 A titre liminaire, il convient de rappeler que, si le règlement n_ 1010/86 énonce les règles relatives à l'octroi de restitutions aux entreprises utilisant du sucre pour la fabrication de certains produits chimiques et, notamment, les produits pharmaceutiques relevant du chapitre 30 de la NC, il n'a, en revanche, pas pour objet le classement de certaines marchandises dans certaines positions de la NC. Ce règlement indique seulement le code NC des produits pour la fabrication desquels une
restitution peut être octroyée.

13 Ainsi, un produit déterminé ne pourra relever du règlement n_ 1010/86, dans sa version résultant de l'article 9 du règlement n_ 1714/88, que s'il est classé dans l'une des positions de la NC énumérées dans son annexe.

14 Dans un cas tel que celui de l'espèce au principal, il apparaît que, parmi les différents chapitres, positions et sous-positions cités à l'annexe dudit règlement, seul le chapitre 30 est susceptible d'entrer en ligne de compte.

15 Dans ces conditions, il convient de comprendre la question posée comme visant à savoir si des produits dont la composition comprend des ingrédients identiques à ceux contenus dans le Sargenor, le Lysivit, le Sarvit ou le Dynamisan et dans les mêmes proportions relèvent du chapitre 30 de la NC et, partant, du règlement n_ 1010/86, dans sa version résultant de l'article 9 du règlement n_ 1714/88.

16 En vue de répondre à cette question, il y a lieu de préciser qu'il est de jurisprudence constante que, dans l'intérêt de la sécurité juridique et de la facilité des contrôles, le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises doit être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives, telles que définies dans le libellé de la position de la NC (voir, pour le TDC, arrêts du 1er juin 1995, Thyssen Haniel Logistic, C-459/93, Rec. p. I-1381,
point 8, et du 14 décembre 1995, Colin et Dupré, C-106/94 et C-139/94, Rec. p. I-4759, point 22, et, pour la NC, arrêt du 6 novembre 1997, LTM, C-201/96, point 17, non encore publié au Recueil). De plus, il existe des notes explicatives élaborées, en ce qui concerne la NC, par la Commission européenne et, en ce qui concerne le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, par le conseil de coopération douanière et qui contribuent de façon importante à l'interprétation de la
portée des différentes positions douanières sans toutefois avoir force obligatoire de droit (arrêts du 16 juin 1994, Develop Dr. Eisbein, C-35/93, Rec. p. I-2655, point 21, et LTM, précité, point 17).

17 La position 3004 de la NC englobe les «Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 3002, 3005 ou 3006) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail».

18 Selon la première note figurant en tête du chapitre 30 de la NC, ce dernier ne comprend ni des aliments diététiques, enrichis ou pour diabétiques, ni des compléments alimentaires, ni des boissons toniques et eaux minérales, lesquels suivent leur régime propre établi à la section IV de la NC.

19 Au sein de cette dernière section, le chapitre 21 de la NC est intitulé «Préparations alimentaires diverses».

20 Selon les notes explicatives du conseil de coopération douanière qui s'y rapportent, la position 2106, intitulée «Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs», comprend, entre autres, les préparations désignées souvent sous le nom de compléments alimentaires à base d'extraits de plantes, de concentrats de fruits, de miel, de fructose, etc., additionnés de vitamines et parfois de quantités très faibles de composés de fer. Néanmoins, ces notes précisent également que les
préparations analogues qui sont destinées à prévenir ou à traiter des maladies ou affections sont exclues de ce chapitre et relèvent des positions 3003 ou 3004 de la NC.

21 Sarget rappelle que le Sargenor est enregistré comme médicament non seulement en France et dans huit États membres, mais encore dans une quarantaine d'autres pays dans le monde. En outre, il estime que la définition de «médicament» figurant à la directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 janvier 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques (JO 1965, 22, p. 369), est très proche de celle résultant de la
jurisprudence de la Cour concernant les critères décisifs pour la classification tarifaire des marchandises dans la NC. Il estime que le respect du principe de la sécurité juridique ne serait pas menacé si, en l'occurrence, la Cour prenait, notamment, en compte les nombreuses qualifications résultant des diverses législations nationales afin de déterminer le classement tarifaire du Sargenor.

22 A cet égard, il convient de rappeler que les considérations générales précédant les notes explicatives de la nomenclature combinée des Communautés européennes relatives au chapitre 30 de la NC précisent que, «pour le classement dans ce chapitre, n'a pas de valeur déterminante la description d'un produit comme médicament dans la législation communautaire (autre que celle qui se réfère au classement dans la NC), dans la législation nationale des États membres ou dans toute pharmacopée».

23 La notion de produit pharmaceutique qui figure dans la NC se distingue en effet de celle de médicament visée à la directive 65/65. Cette dernière directive a pour but à la fois d'éliminer, au moins partiellement, les entraves aux échanges communautaires de spécialités pharmaceutiques et de réaliser l'objectif essentiel qu'est la sauvegarde de la santé publique (voir arrêt du 30 novembre 1983, Van Bennekom, 227/82, Rec. p. 3883, point 14). La directive 65/65 permet ainsi, en vue de favoriser les
échanges et, en même temps, de protéger la santé publique, qu'un spectre relativement large de produits relève du régime de contrôle fixé dans la législation sur les médicaments. Il y a lieu de rappeler en outre que, dans l'arrêt du 21 mars 1991, Delattre (C-369/88, Rec. p. I-1487, points 27 et 29), la Cour a constaté, en ce qui concerne la directive 65/65, que la circonstance qu'un produit soit qualifié d'alimentaire dans un autre État membre ne saurait interdire de lui reconnaître, dans l'État
intéressé, la qualité de médicament dès lors qu'il en présente les caractéristiques et a également reconnu que, aussi longtemps que l'harmonisation des mesures nécessaires à assurer la protection de la santé ne sera pas plus complète, des différences entre les États membres dans la qualification des produits dans le contexte de la directive subsisteront.

24 En revanche, le huitième considérant du règlement n_ 2658/87 prévoit «qu'il est indispensable que la nomenclature combinée et toute autre nomenclature qui la reprend en totalité ou en partie ... soient appliquées d'une manière uniforme par tous les États membres». Les dispositions de la NC doivent, par conséquent, être interprétées d'une manière identique par chacun des États membres.

25 A cet égard, le fait que, en application de la directive 65/65, une autorisation de mise sur le marché a été délivrée par les autorités compétentes françaises pour les produits visés au principal et, partant, qu'ils sont considérés comme des médicaments au regard de la législation de cet État n'implique pas nécessairement qu'ils doivent être classés en tant que produits pharmaceutiques dans la NC.

26 Il en va de même en ce qui concerne l'importance de la présentation d'un produit dans la détermination de sa classification au sein de la NC. Bien que, selon la jurisprudence de la Cour, un tel élément constitue un indice permettant de considérer les produits en cause comme des médicaments au sens de la directive 65/65 (voir, en ce sens, arrêt LTM, précité, point 27), le critère décisif pour la classification tarifaire des marchandises selon la NC doit, ainsi qu'il a été rappelé au point 16 du
présent arrêt, être recherché, d'une manière générale, dans leurs caractéristiques et propriétés objectives telles que définies dans le libellé de la position de la NC.

27 Or, les critères précisés dans les notes figurant en tête du chapitre 30 de la NC pour la classification tarifaire de produits dans ce chapitre ne font pas référence à la présentation de ces produits. Par conséquent, même si un tel élément pouvait être considéré comme pertinent, il n'aurait pas de valeur déterminante pour la classification des produits dans la NC.

28 Il y a lieu, par ailleurs, de rappeler que, dans l'arrêt du 14 janvier 1993, Bioforce (C-177/91, Rec. p. I-45, point 12), la Cour a affirmé qu'un produit pharmaceutique au sens de la position 3004 de la NC présente un profil thérapeutique et, surtout, prophylactique nettement défini, dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain.

29 Il convient, par conséquent, d'examiner si les produits en cause au principal ont des propriétés thérapeutique et prophylactique et, en particulier, sont susceptibles d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection.

Le Sargenor et le Dynamisan

30 Il ressort du dossier que, à l'époque des faits pertinents, le Sargenor existait sous trois présentations différentes: comprimés à croquer, comprimés effervescents et solution buvable sous forme d'ampoules qui avaient une composition en principe actif identique. Il ressort du rapport d'expertise clinique sur le Sargenor, annexé aux observations de Sarget, qu'une ampoule buvable de 5 ml de Sargenor contenait 1 g d'aspartate d'arginine comme principe actif unique, des excipients et du sodium.

31 Il ressort également de ce rapport que la posologie chez l'adulte est de deux ou trois ampoules par jour et chez l'enfant de plus de 30 mois d'une demi-ampoule à deux ampoules par jour selon l'âge. Le rapport ajoute que, en ce qui concerne l'aspartate d'arginine, le dépassement de cette posologie (doublement, voire triplement), compte tenu des données disponibles, ne porterait pas à conséquence.

32 Sarget et le gouvernement français soutiennent d'abord que l'aspartate d'arginine a des effets thérapeutiques et prophylactiques dans le traitement de la situation pathologique qui, selon eux, est l'asthénie.

33 Sarget et le gouvernement français soutiennent ensuite que le Sargenor est utilisé depuis longtemps pour lutter contre l'asthénie fonctionnelle, l'asthénie postinfectieuse et postopératoire, ainsi que contre les asthénies du diabétique. Ils affirment enfin, d'une part, que les causes de l'asthénie sont, notamment, les affections malignes, les infections, les maladies métaboliques et les maladies cardio-vasculaires et, d'autre part, que certaines asthénies accompagnent les maladies psychiatriques.

34 Il ressort du dossier au principal que le Dynamisan existe sous deux présentations différentes: poudre pour solution buvable en sachets et solution buvable sous forme d'ampoules. Il contient 3 g de glutamate d'arginine, principe actif du produit. Le glutamate d'arginine présente les mêmes effets thérapeutiques que l'aspartate d'arginine. Le Dynamisan présente sensiblement la même composition que le Sargenor et ses indications thérapeutiques sont identiques.

35 Sarget et le gouvernement français insistent sur le fait qu'il existe des différences entre l'asthénie et la fatigue. Selon eux, la fatigue est un état de lassitude survenant après un travail excessif ou un effort prolongé, alors que l'asthénie est un affaiblissement prononcé et généralisé, sans relation de cause à effet avec le travail ou l'effort.

36 Cette distinction entre l'asthénie et la fatigue a été contestée par la Commission lors de l'audience. Elle soutient que certains médecins considèrent que l'asthénie est un état de fatigue.

37 A cet égard, il n'appartient pas à la Cour d'établir si l'asthénie est une pathologie qui se distingue de la fatigue normale. Même si l'asthénie pouvait être considérée comme étant une pathologie, celle-ci ne serait en outre pas déterminante aux fins de savoir si le Sargenor et le Dynamisan présentent un profil thérapeutique et prophylactique nettement défini, dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain, et sont susceptibles d'application dans la prévention ou le
traitement d'une maladie ou d'une affection.

38 Il ressort du dossier au principal que les études fournies par Sarget ainsi que celles auxquelles le gouvernement français fait référence dans ses observations concernent l'effet de l'arginine ou de l'aspartate d'arginine dans différentes étiologies et non celui du Sargenor ou du Dynamisan. En outre, ces études portent, principalement, sur les effets de l'arginine et de l'aspartate d'arginine contre certaines pathologies, telles que le cancer, que ni le Sargenor ni le Dynamisan n'auraient
vocation à traiter. Au demeurant, Sarget n'a pas établi de lien entre, d'une part, le Sargenor et le Dynamisan et, d'autre part, les études sur les effets de l'arginine et de l'aspartate d'arginine dans le traitement des pathologies en cause dans ces études.

39 Il n'a été démontré ni que le Sargenor et le Dynamisan avaient un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini dont l'effet se concentre sur des fonctions précises de l'organisme humain ni qu'ils étaient susceptibles d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection spécifique.

40 Dans ces conditions, des produits tels que le Sargenor et le Dynamisan ne peuvent être classés dans la position 3004 de la NC.

Le Lysivit et le Sarvit

41 Il ressort du dossier que, à l'époque des faits pertinents, le Lysivit était commercialisé en solution buvable présentée en ampoules de 5 ou 10 ml. Une ampoule de 5 ml contenait 15 ìg de vitamine B12 et une ampoule de 10 ml le double. Les ampoules de Lysivit contenaient en outre des acides aminés et des conservateurs.

42 La posologie du Lysivit chez l'enfant est de une à trois ampoules de 5 ml par jour. Cette posologie apporte, en moyenne, 30 ìg de vitamine B12 par jour. Chez l'adulte, la posologie est de une à quatre ampoules de 10 ml par jour, soit une posologie moyenne de deux ampoules de 10 ml par jour, ce qui représente 60 ìg de vitamine B12 par jour et peut atteindre 120 ìg de vitamine B12 par jour. A titre de comparaison, l'apport journalier de vitamine B12 recommandé par les rapports du comité
scientifique de l'alimentation humaine (trente et unième série) «Substances nutritives et consommation énergétique pour la Communauté européenne» est de 1 ìg. La teneur en vitamine B12 du Lysivit excède donc nettement l'apport journalier recommandé.

43 Le gouvernement français soutient que le Lysivit est utilisé pour le traitement de l'asthénie fonctionnelle.

44 Le Sarvit, qui n'est plus commercialisé depuis 1987, se présentait sous forme d'ampoules buvables pour adultes de 5 ou 10 ml. Sa composition comprenait 500 ìg de vitamine B12 par ampoule de 10 ml et 25 ìg de vitamine B12 par ampoule de 5 ml. Les ampoules de Sarvit contenaient également des acides aminés et des conservateurs. La teneur en vitamine B12 du Sarvit excédait également l'apport journalier recommandé.

45 Le gouvernement français soutient que le Sarvit était utilisé dans le cadre du traitement de l'asthénie fonctionnelle.

46 Il a été indiqué au cours de la procédure qu'une carence en vitamine B12 peut se manifester de diverses façons: troubles fonctionnels du système nerveux central, troubles du myocarde et de l'appareil circulatoire. Plus précisément, il a été relevé qu'une carence en vitamine B12 pouvait se manifester par une anémie pernicieuse, maladie caractérisée par le fait que l'organisme ne peut pas absorber la vitamine B12.

47 Toutefois, il n'a pas été soutenu que le Lysivit et le Sarvit étaient commercialisés pour traiter ces maladies. D'ailleurs, lors de l'audience, il a été expliqué que l'absorption de vitamine B12 a principalement lieu, en cas d'anémie pernicieuse, par injections intramusculaires.

48 Il n'a été démontré ni que le Lysivit et le Sarvit avaient un profil thérapeutique ou prophylactique nettement défini dont l'effet se concentre sur les fonctions précises de l'organisme humain ni qu'ils étaient susceptibles d'application dans la prévention ou le traitement d'une maladie ou d'une affection spécifique.

49 Dans ces conditions, des produits tels que le Lysivit et le Sarvit ne sauraient être classés dans la position 3004 de la NC.

50 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de répondre à la question posée que des produits dont la composition reprend des ingrédients identiques à ceux contenus dans le Sargenor, le Dynamisan, le Lysivit et le Sarvit et dans les mêmes proportions ne peuvent faire l'objet d'une classification sous la position 3004 de la NC, telle qu'elle est établie dans l'annexe I du règlement n_ 2658/87, et, partant, ne relèvent pas du règlement n_ 1010/86, dans sa version résultant
de l'article 9 du règlement n_ 1714/88.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

51 Les frais exposés par le gouvernement français et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(quatrième chambre),

statuant sur la question à elle soumise par le tribunal administratif de Paris, par jugement du 12 juin 1996, dit pour droit:

Des produits dont la composition reprend des ingrédients identiques à ceux contenus dans le Sargenor, le Dynamisan, le Lysivit et le Sarvit et dans les mêmes proportions ne peuvent faire l'objet d'une classification sous la position 3004 de la nomenclature combinée, telle qu'elle est établie dans l'annexe I du règlement (CEE) n_ 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun, et, partant, ne relèvent pas du règlement (CEE) n_
1010/86 du Conseil, du 25 mars 1986, établissant les règles générales applicables à la restitution à la production pour certains produits du secteur du sucre utilisés dans l'industrie chimique, dans sa version résultant de l'article 9 du règlement (CEE) n_ 1714/88 de la Commission, du 13 juin 1988, modifiant certains règlements relatifs à l'application de l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre suite à l'introduction de la nomenclature combinée.


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : C-270/96
Date de la décision : 12/03/1998
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France.

Restitution pour l'utilisation de sucre dans la fabrication de certains produits chimiques - Produits antiasthéniques - Classement tarifaire.

Sucre

Agriculture et Pêche

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : Laboratoires Sarget SA
Défendeurs : Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS).

Composition du Tribunal
Avocat général : Elmer
Rapporteur ?: Murray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1998:103

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