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10/02/1998 | CJUE | N°C-245/95

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 10 février 1998., Commission des Communautés européennes contre NTN Corporation et Koyo Seiko Co. Ltd. et Conseil de l'Union européenne., 10/02/1998, C-245/95


Avis juridique important

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61995J0245

Arrêt de la Cour du 10 février 1998. - Commission des Communautés européennes contre NTN Corporation et Koyo Seiko Co. Ltd. et Conseil de l'union européenne. - Pourvoi - Dumping - Roulements à billes originaires du Japon. - Affaire C-245/95 P.
Recueil de jurisprudence 1998

page I-00401

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions su...

Avis juridique important

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61995J0245

Arrêt de la Cour du 10 février 1998. - Commission des Communautés européennes contre NTN Corporation et Koyo Seiko Co. Ltd. et Conseil de l'union européenne. - Pourvoi - Dumping - Roulements à billes originaires du Japon. - Affaire C-245/95 P.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-00401

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Procédure - Délais - Délais de distance - Application aux institutions communautaires - Lieu de résidence à prendre en considération dans le cas d'un pourvoi

(Règlement de procédure de la Cour, annexe II, art. 1er)

2. Politique commerciale commune - Défense contre les pratiques de dumping - Procédure de réexamen - Ouverture d'une nouvelle enquête - Conditions - Éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice y afférent

(Règlement du Conseil n° 2423/88, art. 4, 7, 14 et 15)

Sommaire

1. La Commission, dont le siège est à Bruxelles, bénéficie, pour l'introduction d'un pourvoi, du délai de distance de deux jours prévu par l'article 1er de la décision de la Cour sur les délais de distance, formant l'annexe II du règlement de procédure de la Cour, nonobstant le fait qu'elle ait déjà élu domicile à Luxembourg aux fins de la procédure devant le Tribunal.

En effet, cette disposition prend en considération le lieu de résidence habituelle de la partie concernée, à l'exclusion de l'endroit où elle a élu domicile aux fins de signification, conformément aux articles 44, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal ou 38, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

Par ailleurs, la procédure sur pourvoi constitue une procédure distincte de la procédure antérieure devant le Tribunal de sorte que l'élection de domicile aux fins de celle-ci n'a pas d'effets aux fins d'un pourvoi éventuel.

2. L'ouverture d'une enquête, au sens de l'article 7 du règlement antidumping de base n° 2423/88, que ce soit l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte.

A cet égard, lorsque, dans le cadre d'une procédure de réexamen ouverte au titre des articles 14 et 15 du règlement de base, les institutions communautaires doivent analyser si l'expiration d'une mesure antidumping antérieurement imposée peut de nouveau conduire à un préjudice ou à une menace de préjudice, cette analyse doit être effectuée en respectant les dispositions de l'article 4 du règlement de base.

Parties

Dans l'affaire C-245/95 P,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Eric White et Nicholas Khan, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil (T-163/94 et T-165/94, Rec. p. II-1381), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

les autres parties à la procédure étant:

NTN Corporation, société de droit japonais, établie à Osaka (Japon), représentée par Mes Jürgen Schwarze et Malte Sprenger, avocats à Düsseldorf, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Claude Penning, 78, Grand-Rue,

Koyo Seiko Co. Ltd, société de droit japonais, établie à Osaka (Japon), représentée par Me Jacques Buhart, avocat au barreau de Paris, et M. Charles Kaplan, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt et Medernach, 8-10, rue Mathias Hardt,

parties demanderesses en première instance,

soutenues par

NSK Ltd, société de droit japonais, établie à Tokyo (Japon), et huit de ses filiales européennes, NSK Bearings Europe Ltd, société de droit anglais, établie à Londres, NSK-RHP France SA, société de droit français, établie à Guyancourt (France), NSK-RHP UK Ltd, société de droit anglais, établie à Ruddington (Royaume-Uni), NSK-RHP Deutschland GmbH, société de droit allemand, établie à Ratingen (Allemagne), NSK-RHP Italia SpA, société de droit italien, établie à Milan (Italie), NSK-RHP Nederland BV,
société de droit néerlandais, établie à Amstelveen (Pays-Bas), NSK-RHP European Distribution Centre BV, société de droit néerlandais, établie à Amstelveen (Pays-Bas), et NSK-RHP Iberica SA, société de droit espagnol, établie à Barcelone (Espagne), toutes représentées par M. David Vaughan, QC, mandaté par M. Robin Griffith, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Marc Loesch, 8, rue Zithe,

parties intervenantes au pourvoi,

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Antonio Tanca, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse en première instance,

et

Federation of European Bearing Manufacturers' Associations, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),

partie intervenante en première instance,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, C. Gulmann, H. Ragnemalm (rapporteur) et M. Wathelet, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray , D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 12 juillet 1995, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 2 mai 1995, NTN Corporation et Koyo Seiko/Conseil (T-163/94 et T-165/94, Rec. p. II-1381, ci-après l'«arrêt entrepris»), par lequel celui-ci a annulé l'article 1er du règlement (CEE) n° 2849/92 du Conseil, du 28 septembre 1992, modifiant le droit antidumping
définitif institué par le règlement (CEE) n° 1739/85 sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres (JO L 286, p. 2, rectificatif JO 1993, L 72, p. 36), dans la mesure où il impose un droit antidumping à NTN Corporation (ci-après «NTN») et à Koyo Seiko Co. Ltd (ci-après «Koyo Seiko»).

2 Le règlement (CEE) n° 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1, ci-après le «règlement de base»), énonce, en son article 2, paragraphe 1, le principe selon lequel tout produit faisant l'objet d'un dumping peut être soumis à un droit antidumping «lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice».

3 L'article 4 du même règlement énumère les facteurs pertinents pour déterminer l'existence d'un préjudice important ou d'une menace de préjudice important à une production établie de la Communauté ou encore un retard sensible dans l'établissement de cette production.

4 L'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base prévoit que la conclusion d'une enquête menée par la Commission «doit normalement avoir lieu dans un délai d'un an après l'ouverture de la procédure». L'enquête peut être clôturée pour diverses raisons: soit parce que, selon l'article 9, des mesures de défense ne sont pas nécessaires, soit lorsque, en vertu de l'article 10, des engagements sont acceptés par les parties en cause, ou encore lorsque, conformément à l'article 12, des droits
définitifs sont imposés.

5 L'article 14 dispose que les règlements instituant des droits antidumping font l'objet d'un réexamen, intégral ou partiel, soit à la demande d'un État membre, soit à l'initiative de la Commission ou bien encore à la demande d'une partie intéressée qui présente des éléments de preuve d'un changement de circonstances suffisants pour justifier la nécessité de ce réexamen, à condition qu'une année au moins se soit écoulée depuis la conclusion de l'enquête. L'enquête est alors rouverte conformément à
l'article 7 si les circonstances l'exigent.

6 En vertu de l'article 15, paragraphe 3, du règlement de base, «Lorsqu'une partie intéressée prouve que l'expiration de la mesure conduirait de nouveau à un préjudice ou à une menace de préjudice», la Commission procède à un réexamen de la mesure.

7 Le règlement (CEE) n° 1739/85 du Conseil, du 24 juin 1985, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains roulements à billes et à rouleaux coniques originaires du Japon (JO L 167, p. 3), qui a été modifié par le règlement n° 2849/92, avait institué des droits antidumping définitifs variant de 1,2 % à 21,7 % sur les importations de roulements à billes originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres. Les produits fabriqués par NTN et par
Koyo Seiko avaient ainsi été frappés d'un droit antidumping définitif s'élevant, respectivement, à 3,2 % et à 5,5 %.

8 La Federation of European Bearing Manufacturers' Associations (ci-après la «FEBMA») a, le 27 décembre 1988, introduit une demande de réexamen des droits antidumping institués par le règlement n° 1739/85.

9 La Commission a estimé que cette demande contenait des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure de réexamen et a ouvert une enquête, conformément aux dispositions de l'article 14 du règlement de base.

10 Le 28 septembre 1992, le Conseil a adopté le règlement n° 2849/92, dont l'article 1er dispose notamment:

«Les droits définitifs institués par l'article 1er du règlement (CEE) n° 1739/85 sur les produits définis ci-dessous sont modifiés conformément aux dispositions suivantes.

1) Un droit antidumping définitif est institué sur les importations de roulements à billes relevant du code NC 8482 10 90 et originaires du Japon dont le plus grand diamètre extérieur excède 30 millimètres.

2) Le droit antidumping exprimé en pourcentage du prix net, franco frontière communautaire, du produit non dédouané est fixé à 13,7 % (code additionnel Taric 8677), sauf si ces produits sont fabriqués par les sociétés suivantes, auquel cas le taux du droit antidumping indiqué ci-dessous est applicable:

...

- NTN Corporation, Osaka 11,6 %

...»

11 Par l'arrêt entrepris, le Tribunal a fait droit aux conclusions de NTN et de Koyo Seiko et a annulé l'article 1er du règlement n° 2849/92 dans la mesure où il leur impose un droit antidumping. Le Tribunal a en effet estimé qu'un certain nombre de constatations faites par le Conseil étaient entachées d'erreurs de fait ou de droit, ou étaient, dans l'évaluation du préjudice ou d'une menace de préjudice, trompeuses de par leur caractère incomplet. Le Tribunal a considéré, en outre, que la procédure
de réexamen avait été conclue dans un délai déraisonnable.

12 Pour un plus ample exposé des faits à l'origine du litige, il est renvoyé aux points 1 à 25 de l'arrêt entrepris.

Le pourvoi

13 La Commission demande à la Cour d'annuler l'arrêt entrepris, de renvoyer l'affaire devant le Tribunal et de condamner NTN et Koyo Seiko aux dépens. Le Conseil n'a pas déposé de mémoire, mais a informé la Cour qu'il se ralliait aux observations de la Commission. La FEBMA ayant laissé courir les délais, elle n'a pu déposer de mémoire (ordonnance du 14 février 1996, Commission/NTN Corporation, C-245/95 P, Rec. p. I-553).

14 NTN et Koyo Seiko concluent à ce qu'il plaise à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la Commission aux dépens. A titre subsidiaire, au cas où l'arrêt entrepris serait annulé, Koyo Seiko demande à la Cour d'annuler le règlement n° 2849/92 en ce qu'il la concerne.

15 Par ordonnance du 14 février 1996, Commission/NTN Corporation (C-245/95 P, Rec. p. I-559), la Cour a admis l'intervention de NSK Ltd et de huit de ses filiales européennes, NSK Bearings Europe Ltd, NSK-RHP France SA, NSK-RHP UK Ltd, NSK-RHP Deutschland GmbH, NSK-RHP Italia SpA, NSK-RHP Nederland BV, NSK-RHP European Distribution Centre BV et NSK-RHP Iberica SA (ci-après collectivement dénommées «NSK»), à l'appui des conclusions de NTN et de Koyo Seiko.

16 NSK conclut à ce qu'il plaise à la Cour de faire droit aux conclusions présentées par NTN et Koyo Seiko, de confirmer que l'annulation de l'article 1er du règlement n° 2849/92 la concerne également et, enfin, de condamner la Commission aux dépens afférents à son intervention.

17 Concernant les dépens de NSK, la Commission demande à ce qu'ils soient réservés jusqu'à l'arrêt définitif du Tribunal.

18 A l'appui de son pourvoi, la Commission invoque deux moyens. Elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, d'une part, dans l'interprétation de la notion de préjudice au sens du règlement de base et, d'autre part, dans l'interprétation et l'application de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du même règlement, dans la mesure où il a considéré que la durée excessive de l'enquête entraîne nécessairement l'annulation du règlement n° 2849/92.

Sur la recevabilité

19 Koyo Seiko soutient que le pourvoi est irrecevable au motif que la Commission ne peut pas bénéficier de la décision de la Cour concernant les délais de distance (article 1er de l'annexe II au règlement de procédure de la Cour), selon laquelle, «Sauf si les parties ont leur résidence habituelle au grand-duché de Luxembourg, les délais de procédure sont augmentés, en raison de la distance comme suit: - dans le royaume de Belgique: de deux jours...». Elle précise que le pourvoi a été déposé deux
mois et deux jours après la notification de l'arrêt entrepris, c'est-à-dire après l'expiration du délai de deux mois prévu à l'article 49, premier alinéa, du statut CE de la Cour, sauf si ce délai devait être augmenté d'un délai de distance du fait que la Commission a son siège à Bruxelles. Koyo Seiko estime toutefois que la prorogation du délai en raison de la distance n'est pas applicable lorsque des procédures ont déjà eu lieu et que les parties ont désigné des mandataires ayant élu domicile à
Luxembourg.

20 A cet égard, il y a lieu de constater que la décision sur les délais de distance, formant l'annexe II du règlement de procédure de la Cour, prévoit, en son article 1er, que, sauf si les parties ont leur résidence habituelle au grand-duché de Luxembourg, les délais de procédure, en raison de la distance, sont augmentés d'un nombre de jours variant selon l'éloignement de l'État dans lequel réside la partie concernée.

21 Pour l'application de cette disposition, seul est pris en considération le lieu de résidence habituelle de la partie concernée, à l'exclusion de l'endroit où cette partie a élu domicile aux fins de signification, conformément aux articles 44, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal ou 38, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

22 Par ailleurs, il convient de rappeler que l'article 112, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour renvoie expressément à l'article 38, paragraphe 2, de ce règlement, ce qui indique que la procédure sur pourvoi constitue une procédure distincte de la procédure antérieure devant le Tribunal de sorte que l'élection de domicile aux fins de celle-ci n'a pas d'effets aux fins d'un pourvoi éventuel.

23 Il y a lieu, dès lors, de conclure que la Commission, dont le siège est à Bruxelles, bénéficiait d'un délai de procédure en raison de la distance de deux jours. Le pourvoi introduit le 12 juillet 1995 contre l'arrêt du 2 mai 1995, notifié à la Commission le 10 mai 1995, est donc recevable.

24 S'agissant des conclusions de NSK, il convient de rappeler que, en vertu de l'article 37, quatrième alinéa, du statut CE de la Cour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. Par conséquent, les conclusions de NSK tendant à ce que l'annulation de l'article 1er du règlement n° 2849/92 soit également applicable à son égard sont irrecevables.

Sur le préjudice

25 Selon la Commission, l'application des critères figurant à l'article 4 du règlement de base pour apprécier l'existence d'un préjudice ou d'une menace de préjudice dans le cadre d'une procédure de réexamen constitue une erreur de droit.

26 Ce moyen concerne les points 58 à 60 de l'arrêt entrepris rédigés ainsi:

«58 Il y a lieu de relever que, s'agissant du réexamen d'un règlement imposant des droits antidumping, le règlement de base ne contient des indications qu'en ce qui concerne les éléments qui doivent être établis pour qu'une procédure de réexamen puisse être ouverte. D'une part, l'article 14, paragraphe 2, dispose que, 'lorsqu'il apparaît qu'un réexamen est nécessaire, l'enquête est rouverte conformément à l'article 7 si les circonstances l'exigent'. Ainsi, dans son arrêt du 7 décembre 1993, Rima
Eletrometalurgia/Conseil (C-216/91, Rec. p. I-6303, point 16), la Cour a jugé, en se référant à l'article 7, paragraphe 1, du règlement de base, que 'l'ouverture d'une enquête, que ce soit à l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte'. D'autre part, l'article 15, paragraphe 3, du règlement de base
dispose que, 'lorsqu'une partie intéressée prouve que l'expiration de la mesure conduirait de nouveau à un préjudice ou à une menace de préjudice', la Commission procède à un réexamen de la mesure. Dès lors et bien que le règlement de base comporte des dispositions quant aux éléments qui doivent être établis pour qu'une procédure de réexamen puisse être ouverte, il ne comporte toutefois pas de dispositions spécifiques quant au préjudice dont l'existence doit être établie dans le règlement modifiant
les droits existants.

59 Il en résulte que, en l'absence de dispositions spécifiques quant à la détermination du préjudice, dans le cadre d'une procédure de réexamen ouverte au titre des articles 14 et 15 du règlement de base, un règlement modifiant, au terme d'une telle procédure, des droits antidumping existants doit établir l'existence d'un préjudice au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.

60 Il y a lieu, dès lors, de rechercher si les points du règlement litigieux établissent l'existence d'un préjudice, au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base.»

27 Selon la Commission, le Tribunal a interprété le règlement de base de manière erronée et n'a pas appliqué le critère adéquat en ce qui concerne le préjudice. Le recours à un critère erroné a influencé les constatations de fait et de droit, ainsi que sa conclusion, au point 115 de l'arrêt entrepris.

28 La Commission soutient que le réexamen, étant effectué afin de vérifier que les mesures en vigueur sont encore nécessaires et adéquates pour éliminer le préjudice causé par le dumping, doit tenir compte du fait que des mesures antidumping sont en vigueur. Le critère à appliquer ne serait donc pas celui de savoir s'il y a encore un préjudice ou une menace de préjudice, mais s'il y aurait continuation ou réapparition du dumping et du préjudice au cas où les mesures seraient supprimées.

29 La Commission rappelle que l'article 14, paragraphe 3, du règlement de base prévoit la modification de mesures antidumping existantes «lorsque le réexamen ... l'exige». Ce libellé très général indiquerait que la constatation d'un préjudice s'imposerait dans le cadre d'une enquête initiale, mais pas lors de la modification d'une mesure antidumping. Cette disposition indiquerait également que les droits antidumping peuvent faire l'objet d'un ajustement même si aucun préjudice supplémentaire n'est
constaté, comme ce serait le cas en l'espèce.

30 Selon la Commission, en n'appliquant pas le critère adéquat concernant le préjudice, le Tribunal aurait également constaté de manière erronée, au point 99 de l'arrêt entrepris, que le Conseil avait commis une erreur de droit en tenant compte de la récession dans l'industrie en cause.

31 NTN, Koyo Seiko et NSK considèrent, en revanche, que le Tribunal a fait une correcte application du critère adéquat, à savoir l'existence d'un préjudice ou d'une menace de préjudice, au sens de l'article 4 du règlement de base. Elles soutiennent notamment que la Commission a inventé le «critère du risque de réapparition du préjudice», qui ne serait pas mentionné dans la réglementation applicable et qui ne serait en outre pas pertinent. En tout état de cause, le Tribunal aurait, aux points 111 à
115 de l'arrêt entrepris, explicitement abordé la question de la réapparition du préjudice, dans le cadre d'une interprétation large de la notion de menace de préjudice, et conclu au rejet de cet argument, principalement au motif que des erreurs de fait avaient été commises par le Conseil.

32 A cet égard, il y a lieu de rappeler que les règlements instituant des droits antidumping peuvent, conformément aux articles 14 et 15 du règlement de base, faire l'objet d'un réexamen.

33 L'article 14 du règlement de base précise qu'un réexamen, mené avec ou sans réouverture de l'enquête, a lieu si une partie intéressée présente des éléments de preuve d'un changement de circonstances suffisants pour justifier la nécessité de ce réexamen. Selon l'article 14, paragraphe 3, le réexamen peut aboutir à la modification, à l'abrogation ou à l'annulation des droits instaurés.

34 Il s'ensuit que l'absence de référence à la notion de préjudice à l'article 14 du règlement de base s'explique par le fait que le critère déterminant pour procéder à un réexamen n'est pas, en vertu de cette disposition, nécessairement l'existence d'un préjudice ou d'une menace de préjudice, mais, plus généralement, un changement de circonstances, y compris le retour à des pratiques commerciales saines.

35 Or, lorsqu'une partie intéressée indique de façon circonstanciée que l'expiration des droits antidumping conduirait de nouveau à un préjudice ou à une menace de préjudice, la Commission, conformément à l'article 15 du règlement de base, procède à un réexamen de la mesure.

36 Il convient de relever qu'aucune disposition spécifique ne régit l'enquête dans le cadre d'une procédure de réexamen ouverte au titre des articles 14 et 15 du règlement de base. Ainsi que le Tribunal l'a relevé au point 59 de l'arrêt entrepris, il n'existe pas non plus de dispositions spécifiques quant à la détermination du préjudice.

37 Cependant, l'article 14 du règlement de base renvoie expressément à l'article 7 du même règlement en ce qui concerne le régime de l'enquête. Il en résulte que l'article 7 s'applique indistinctement à l'enquête initiale ou à la réouverture d'une enquête.

38 Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement de base, l'enquête porte à la fois sur le dumping et sur le préjudice qui en résulte. En effet, l'ouverture d'une enquête, au sens de l'article 7, que ce soit l'ouverture d'une procédure antidumping ou dans le cadre du réexamen d'un règlement instituant des droits antidumping, est toujours subordonnée à l'existence d'éléments de preuve suffisants de l'existence d'un dumping et du préjudice qui en résulte (voir arrêt Rima
Eletrometalurgia/Conseil, précité, point 16).

39 L'article 4, paragraphe 2, du règlement de base énonce les critères qu'il convient de prendre en considération pour apprécier l'existence d'un préjudice au cours d'une enquête. L'article 4, paragraphe 1, de ce règlement précise que les préjudices causés par certains autres facteurs ne doivent pas être attribués aux importations qui font l'objet d'un dumping.

40 A cet égard, il y a lieu de souligner que le Tribunal, dans l'arrêt entrepris, ne fait qu'appliquer, certes sans la citer, la jurisprudence de la Cour où celle-ci a examiné, dans des circonstances similaires, les conditions dans lesquelles le Conseil, dans le cadre d'un réexamen, avait substitué des engagements de prix à des droits antidumping afin de vérifier si cette substitution était fondée sur une détermination correcte du préjudice selon les critères retenus par l'article 4, paragraphe 2,
du règlement de base alors applicable (voir arrêts du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305/86 et 160/87, Rec. p. I-2945, point 50, et Sermes, C-323/88, Rec. p. I-3027, point 27).

41 Même si un critère relatif au risque de réapparition du préjudice ne figure pas dans le règlement de base, il n'en reste pas moins vrai qu'il doit être analysé, dans le cadre d'un réexamen, si l'expiration d'une mesure antidumping antérieurement imposée pouvait de nouveau conduire à un préjudice ou à une menace de préjudice. Toutefois, cette analyse doit être effectuée en respectant les dispositions de l'article 4 du règlement de base.

42 Par conséquent, en faisant application des critères figurant à l'article 4 du règlement de base pour examiner si l'expiration des droits antidumping institués par le règlement n° 1739/85 pouvait conduire de nouveau à un préjudice ou à une menace de préjudice, le Tribunal n'a pas commis d'erreur de droit.

43 Il en résulte que c'est également à bon droit que le Tribunal a jugé, aux points 98 et 99 de l'arrêt entrepris, que le Conseil avait commis une erreur de droit en tenant compte de la récession dans l'industrie tandis que l'article 4, paragraphe 1, du règlement de base ne le permet pas. Cette disposition énonce en effet que «les préjudices causés par d'autres facteurs, tels que ... la contraction de la demande, qui ... exercent également une influence défavorable sur la production communautaire,
ne doivent pas être attribués aux importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions».

44 Le premier moyen doit donc être rejeté comme étant non fondé.

45 Étant donné que l'omission du Conseil, constatée par le Tribunal, d'établir un préjudice ou une menace de préjudice au sens de l'article 4 du règlement de base suffit à entraîner l'annulation de l'article 1er du règlement n° 2849/92, il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen tiré d'une violation de l'article 7, paragraphe 9, sous a), du règlement de base.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

46 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens de la présente instance.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-245/95
Date de la décision : 10/02/1998
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Dumping - Roulements à billes originaires du Japon.

Relations extérieures

Dumping

Politique commerciale


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : NTN Corporation et Koyo Seiko Co. Ltd. et Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Ragnemalm

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1998:46

Source

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