Avis juridique important
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61996J0161
Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 29 janvier 1998. - Südzucker Mannheim/Ochsenfurt AG contre Hauptzollamt Mannheim. - Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne. - Organisation commune des marchés dans le secteur du sucre - Non-accomplissement des formalités douanières relatives à l'exportation hors de la Communauté - Conséquences - Principe de proportionnalité. - Affaire C-161/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-00281
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1 Droit communautaire - Principes - Proportionnalité - Obligation principale et obligation secondaire - Sanction identique - Inadmissibilité
2 Agriculture - Organisation commune des marchés - Sucre - Production hors quota (sucre C) - Montant dû pour le sucre écoulé sur le marché intérieur - Perception en cas d'exportation, mais en l'absence d'accomplissement des formalités douanières - Principe de proportionnalité - Violation - Absence
(Règlements de la Commission n_ 2670/81, art. 2, § 2, et 3, et n_ 3183/80)
Sommaire
3 Afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont appropriés et nécessaires pour atteindre le but recherché. A cet égard, lorsqu'une réglementation communautaire établit une distinction entre une obligation principale, dont l'accomplissement est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, et une obligation secondaire, à caractère essentiellement administratif, elle ne peut, sans
méconnaître le principe de proportionnalité, sanctionner aussi sévèrement la méconnaissance de l'obligation secondaire et celle de l'obligation principale.
4 Le respect des formalités douanières prévues pour l'exportation de la production hors quota dans le secteur du sucre (sucre C), tout comme l'exportation elle-même, doit être considéré comme faisant partie des obligations principales du régime en question, dans la mesure où ces formalités ne doivent pas seulement faciliter des processus administratifs, mais sont également indispensables au bon fonctionnement du régime des quotas dans le secteur du sucre. Elles ne sauraient dès lors relever des
obligations secondaires, à caractère essentiellement administratif, dont le non-respect, sous peine de méconnaître le principe de proportionnalité, ne peut être sanctionné aussi sévèrement que la violation d'une obligation principale.
Est en conséquence compatible avec le principe de proportionnalité la perception du montant dû pour le sucre C écoulé sur le marché intérieur, tel que prévu à l'article 3 du règlement n_ 2670/81, établissant les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre, lorsqu'il est, certes, incontestable que le sucre en question a été exporté hors de la Communauté, alors que les formalités douanières n'ont pas été accomplies, et, par conséquent, sans que la preuve de cette
exportation ne puisse être produite au moyen de l'exemplaire n_ 1 du certificat d'exportation pourvu des imputations et visas requis, conformément à l'article 2, paragraphe 2, dudit règlement, lu en combinaison avec le règlement n_ 3183/80, portant modalités communes d'application du régime de certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles.
Parties
Dans l'affaire C-161/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Bundesfinanzhof et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Südzucker Mannheim/Ochsenfurt AG
et
Hauptzollamt Mannheim,
une décision à titre préjudiciel sur la validité du règlement (CEE) n_ 2670/81 de la Commission, du 14 septembre 1981, établissant les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre (JO L 262, p. 14), lu en combinaison avec le règlement (CEE) n_ 3183/80 de la Commission, du 3 décembre 1980, portant modalités communes d'application du régime de certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 338, p. 1),
LA COUR
(cinquième chambre),
composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,
avocat général: M. P. Léger,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour Südzucker Mannheim/Ochsenfurt AG, par Me Hans-Joachim Prieß, avocat au barreau de Bruxelles,
- pour la Commission des Communautés européennes, par M. Klaus-Dieter Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de Südzucker Mannheim/Ochsenfurt AG et de la Commission à l'audience du 25 septembre 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 novembre 1997,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par ordonnance du 19 mars 1996, parvenue à la Cour le 13 mai suivant, le Bundesfinanzhof a posé, en application de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à la validité du règlement (CEE) n_ 2670/81 de la Commission, du 14 septembre 1981, établissant les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre (JO L 262, p. 14), lu en combinaison avec le règlement (CEE) n_ 3183/80 de la Commission, du 3 décembre 1980, portant modalités communes
d'application du régime de certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 338, p. 1).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Südzucker Mannheim/Ochsenfurt AG (ci-après «Südzucker»), entreprise productrice de sucre établie à Mannheim (Allemagne), au Hauptzollamt Mannheim (ci-après le «Hauptzollamt») à propos d'une demande de paiement a posteriori du montant visé à l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n_ 2670/81.
Le cadre réglementaire
3 Le règlement (CEE) n_ 1785/81 du Conseil, du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (JO L 177, p. 4, ci-après le «règlement de base»), a procédé, selon son premier considérant, à une refonte des dispositions fondamentales en matière d'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre.
4 Les garanties en matière de prix et d'écoulement, qui ont été mises en place par le règlement de base en vue, notamment, de stabiliser le marché communautaire du sucre, varient en fonction des quotas de production attribués aux entreprises. Le règlement de base a en effet institué un régime de quotas de production, valable pour les campagnes de commercialisation 1981/1982 à 1985/1986, afin de maîtriser la production de sucre dans la Communauté. Le règlement (CEE) n_ 934/86 du Conseil, du 24 mars
1986, modifiant le règlement n_ 1785/81 (JO L 87, p. 1), a prévu le maintien du régime de quotas de production pour les campagnes de commercialisation 1986/1987 à 1990/1991.
5 S'agissant des quantités relevant du quota A (sucre A) attribué aux entreprises, quantités qui restent en dessous des besoins communautaires, elles bénéficient de la garantie des prix d'intervention et d'une aide à l'exportation sous forme de restitutions; les quantités produites dans la limite du quota B (sucre B) attribué aux entreprises ne bénéficient que du régime des restitutions à l'exportation, le total des quotas A et B dépassant normalement la consommation dans la Communauté.
6 Le financement des mesures de soutien en faveur de la production du sucre A et du sucre B est assuré par les producteurs au moyen, notamment, de cotisations à la production (article 28 du règlement de base) et aux frais de stockage (article 8). Ainsi que le souligne le onzième considérant du règlement de base, ce dernier met en place un régime devant assurer de façon juste et efficace le financement intégral par les producteurs eux-mêmes des charges à l'écoulement des excédents résultant du
rapport entre la production de la Communauté et sa consommation.
7 Enfin, s'agissant de la production hors quota (sucre C), qui correspond à la quantité de sucre produite au titre d'une campagne de commercialisation déterminée et qui dépasse la somme des quotas A et B attribuée à une entreprise déterminée, tout en n'étant soumise à aucune restriction quantitative, elle ne bénéficie d'aucune garantie de prix et d'écoulement. Par ailleurs, le sucre C ne peut, en principe, être écoulé sur le marché intérieur et doit, par conséquent, être exporté en l'état avant le
1er janvier suivant la fin de la campagne de commercialisation en cause (article 26, paragraphe 1, du règlement de base).
8 En vertu de l'article 26, paragraphe 3, du règlement de base:
«Les modalités d'application du présent article sont arrêtées selon la procédure prévue à l'article 41.
Ces modalités prévoient notamment la perception d'un montant sur le sucre C et sur l'isoglucose C visés au paragraphe 1 dont l'exportation en l'état dans le délai requis n'a pas été prouvée à une date à déterminer.»
9 Conformément à l'article 13 du règlement de base, toute exportation hors de la Communauté est soumise à la présentation d'un certificat d'exportation dont la délivrance est subordonnée à la constitution d'une caution, qui garantit l'engagement d'exporter pendant la durée de validité du certificat et qui reste acquise en tout ou en partie si l'opération n'est pas réalisée dans ce délai ou n'est réalisée que partiellement.
10 L'article 1er, paragraphe 1, du règlement n_ 2670/81, qui comporte les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre, dispose:
«Le sucre C et l'isoglucose C visés à l'article 26, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 1785/81 doivent être exportés à partir de l'État membre sur le territoire duquel ils ont été produits.
Tout fabricant de sucre C ou d'isoglucose C doit apporter la preuve que celui-ci a été exporté:
- comme sucre blanc ou sucre brut non dénaturé ou comme isoglucose en l'état,
- sans restitution ni prélèvement,
- à partir de l'État membre sur le territoire duquel il a été produit.
Si la preuve n'est pas apportée que le sucre ou l'isoglucose a été exporté hors de la Communauté avant le 1er janvier suivant la fin de la campagne de commercialisation pendant laquelle le sucre C ou l'isoglucose C a été produit, la quantité en cause est considérée comme écoulée sur le marché intérieur.»
11 Il résulte de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 2670/81:
«Pour les quantités qui, au sens de l'article 1er, paragraphe 1, ont été écoulées sur le marché intérieur, l'État membre concerné perçoit un montant qui est égal à la somme:
a) en ce qui concerne le sucre C, par 100 kilogrammes du sucre en cause:
- du prélèvement à l'importation le plus élevé, applicable par 100 kilogrammes de sucre blanc ou brut selon le cas, au cours de la période comprenant la campagne de commercialisation pendant laquelle le sucre en cause a été produit et les six mois suivant cette campagne,
et
- de 1,25 écu;»
12 Conformément à l'article 2, paragraphe 2, de ce règlement, la preuve de l'exportation du sucre C est apportée à l'organisme compétent de l'État membre sur le territoire duquel ce sucre a été produit par la présentation:
«a) d'un certificat d'exportation délivré, conformément à l'article 3 du règlement (CEE) n_ 2630/81, au fabricant en cause par l'organisme compétent de l'État membre visé au paragraphe 1;
b) des documents visés à l'article 30 du règlement (CEE) n_ 3183/80 nécessaires à la libération de la caution.
c) d'une déclaration du fabricant attestant que le sucre C ou l'isoglucose C a été produit par lui».
13 L'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement (CEE) n_ 2630/81 de la Commission, du 10 septembre 1981, portant modalités particulières d'application du régime des certificats d'importation et d'exportation dans le secteur du sucre (JO L 258, p. 16), dispose que, «Pour le sucre C et l'isoglucose C, il est délivré un certificat valable seulement pour l'exportation à partir du territoire de l'État membre où il a été produit». A cet égard, l'article 4 de ce règlement précise que le
fabricant doit rapporter la preuve que la quantité pour laquelle le certificat est demandé a été effectivement produite au-delà des quotas A et B de l'entreprise concernée.
14 L'article 30, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 3183/80 subordonne la libération de la caution à la production de la preuve, «en ce qui concerne l'exportation, de l'accomplissement des formalités douanières visées à l'article 22, paragraphe 1, sous b), relatives au produit concerné; en outre, il faut apporter la preuve:
- s'il s'agit d'une exportation hors de la Communauté ... que le produit a, dans un délai de soixante jours à compter du jour de l'accomplissement des formalités douanières d'exportation sauf cas de force majeure, selon le cas, quitté le territoire géographique de la Communauté au sens de l'article 9 du règlement susvisé ou atteint sa destination au sens de l'article 5 de ce règlement,
...»
15 En vertu de l'article 22, paragraphe 1, sous b), premier tiret, de ce même règlement, l'exemplaire n_ 1 du certificat d'exportation est présenté au bureau où sont accomplies les formalités douanières relatives à l'exportation hors de la Communauté. Selon le paragraphe 3 de cette disposition, après imputation et visa par ledit bureau, l'exemplaire n_ 1 du certificat est remis à l'intéressé. Les États peuvent toutefois prescrire ou permettre que l'intéressé impute le certificat; cette imputation
est dans tous les cas vérifiée et visée par le bureau compétent.
16 En vertu de l'article 31, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 3183/80, les preuves prévues à l'article 30, paragraphe 1, sous b), sont apportées, sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, par la production de l'exemplaire n_ 1 du certificat et, le cas échéant, de l'exemplaire n_ 1 du ou des extraits de certificats visés conformément aux dispositions des articles 22 ou 23 de ce même règlement.
17 Conformément à l'article 31, paragraphe 2, du règlement n_ 3183/80, s'il s'agit d'une exportation de la Communauté, la production d'une preuve complémentaire est exigée, qui, dans un cas comme celui de l'espèce au principal, doit être apportée par «le ou les exemplaires de contrôle visés à l'article 10 du règlement (CEE) n_ 223/77». L'article 31, paragraphe 4, du règlement n_ 3183/80 prévoit que, lorsque l'exemplaire de contrôle précité n'a pu être produit dans un délai de trois mois à compter de
sa délivrance par suite de circonstances non imputables à l'intéressé, celui-ci peut introduire, auprès de l'organisme compétent, une demande motivée d'équivalence assortie de pièces justificatives.
18 Aux termes de l'article 10 du règlement (CEE) n_ 223/77 de la Commission, du 22 décembre 1976, portant dispositions d'application ainsi que mesures de simplification du régime du transit communautaire (JO 1977, L 38, p. 20), «Lorsque l'application d'une mesure communautaire arrêtée en matière d'importation ou d'exportation de marchandises ou de leur circulation à l'intérieur de la Communauté est subordonnée à la preuve que les marchandises qui en font l'objet ont reçu l'utilisation et/ou la
destination prévue ou prescrite par cette mesure, ladite preuve est fournie par la production de l'exemplaire de contrôle T n_ 5».
Le litige au principal
19 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que Südzucker a vendu à une entreprise établie en Allemagne du sucre C qu'elle avait fabriqué au cours de la campagne 1986/1987. Le lot de sucre en question a été exporté en Suisse sans qu'il fût procédé aux opérations de dédouanement à la sortie et à la délivrance de l'exemplaire de contrôle T n_ 5. Aucune imputation n'a en conséquence été portée sur le certificat d'exportation de Südzucker et aucun visa n'y a été apposé.
20 Les demandes de délivrance a posteriori de l'exemplaire de contrôle T n_ 5 et d'imputation a posteriori sur le certificat d'exportation ont été rejetées par le Hauptzollamt. Le Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnungen (Office fédéral pour l'organisation des marchés agricoles, ci-après le «BALM») a cependant admis que les pièces justificatives fournies par Südzucker, à savoir les documents d'expédition et déclarations d'exportation, la copie des lettres de transport ferroviaire et les
quittances de droits établies par les autorités douanières helvétiques, étaient «équivalentes» à un exemplaire de contrôle T n_ 5, au sens de l'article 31, paragraphe 4, du règlement n_ 3183/80. Le BALM a ensuite informé le Hauptzollamt que le sucre en question avait été exporté hors de la Communauté.
21 Après avoir, dans un premier temps, considéré que Südzucker avait rempli l'obligation d'exportation découlant de la réglementation communautaire, le Hauptzollamt a, à la suite d'une vérification, estimé que la preuve de l'exportation n'avait pas été apportée en bonne et due forme, à savoir notamment par la présentation d'un certificat d'exportation portant les visas et imputations requis [article 31, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 3183/80]. En effet, selon le Hauptzollamt, si des pièces
justificatives équivalentes peuvent, le cas échéant, remplacer la présentation d'un exemplaire de contrôle T n_ 5, elles ne peuvent pas remplacer la preuve de l'exportation du sucre par la présentation d'un certificat d'exportation portant les visas et imputations requis. Il a, en conséquence, demandé, par décision du 9 juin 1992, confirmée par décision du 29 septembre 1993, le versement a posteriori du montant prévu à l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n_ 2670/81.
22 Le recours introduit contre cette décision devant le Finanzgericht Baden-Württemberg a été rejeté par jugement du 25 avril 1995. Devant le Bundesfinanzhof, saisi d'un pourvoi en «Revision», Südzucker fait notamment valoir que l'obligation de présenter un certificat d'exportation à titre de preuve de l'exportation est contraire au principe de proportionnalité. La présentation du certificat ne serait pas un moyen apte à prouver que le sucre a quitté le territoire douanier de la Communauté; elle ne
serait pas nécessaire à cet effet, en particulier lorsque l'intéressé dispose de l'exemplaire de contrôle T n_ 5 ou de pièces justificatives équivalentes. De même, la perception du montant visé à l'article 3 du règlement n_ 2670/81 en cas de non-respect des dispositions de l'article 2, paragraphe 2, sous a), de ce règlement serait contraire au principe de proportionnalité. En effet, dans la mesure où il s'agit d'une obligation administrative accessoire, sa violation ne saurait entraîner des
sanctions aussi sévères qu'en cas de non-respect de l'obligation principale, à savoir l'exportation du sucre.
23 Selon le Bundesfinanzhof, sa décision dépend du point de savoir si le paiement du montant prévu par le règlement n_ 2670/81 pouvait être exigé de Südzucker pour du sucre C dont l'exportation, parfaitement réelle, n'avait pas été, faute d'accomplissement des formalités douanières, prouvée au moyen de la présentation d'un certificat d'exportation muni des imputations et visas requis.
24 Le Bundesfinanzhof observe que ses doutes quant à la validité de la réglementation communautaire applicable se rapportent essentiellement à l'obligation de remplir les formalités douanières à l'exportation, dont le non-respect a empêché Südzucker de présenter le certificat muni des visas douaniers nécessaires. En effet, le Bundesfinanzhof estime que, contrairement à la thèse défendue par Südzucker, l'article 26, paragraphe 3, du règlement de base habilitait la Commission à subordonner la preuve
de l'exportation au respect des formalités douanières correspondantes et à la présentation du certificat d'exportation. La juridiction de renvoi ne voit pas en quoi ledit certificat ne serait pas apte à constituer un moyen - supplémentaire - d'apporter une preuve concluante. Pour les mêmes raisons, cette juridiction ne considère pas comme disproportionnées, en tant que telles, l'obligation de faire la preuve de l'accomplissement des formalités douanières à l'exportation et celle de présenter le
certificat d'exportation muni des imputations et visas requis afin de ne pas être redevable du montant visé à l'article 3 du règlement n_ 2670/81.
25 Selon le Bundesfinanzhof, force est cependant de se demander si, en tant que conséquence d'une exportation réalisée sans respect des formalités douanières à l'exportation, l'obligation de payer le montant prévu par cette dernière disposition n'est pas contraire au principe de proportionnalité. La juridiction de renvoi rappelle à cet égard la jurisprudence de la Cour [arrêts du 24 septembre 1985, Man (Sugar), 181/84, Rec. p. 2889, et du 27 novembre 1986, Maas, 21/85, Rec. p. 3537], selon laquelle,
lorsqu'une réglementation communautaire distingue entre, d'une part, des obligations principales, à savoir celles dont le respect est d'une importance fondamentale pour le bon fonctionnement du régime en cause, et, d'autre part, des obligations secondaires, à savoir celles qui présentent un caractère essentiellement administratif, la violation d'une obligation secondaire ne peut, sans méconnaître le principe de proportionnalité, être sanctionnée avec la même rigueur que le non-respect d'une
obligation principale.
26 Or, selon le Bundesfinanzhof, le respect de l'obligation principale, à savoir l'exportation du sucre C, n'est en l'occurrence pas contesté. Il lui paraît douteux que cette obligation principale inclue également la preuve de l'accomplissement des formalités douanières à l'exportation et la présentation du certificat. Si l'on devait s'en tenir exclusivement au résultat économique, à savoir l'exportation, l'absence de traitement douanier à l'exportation et la non-présentation du certificat ne
suffiraient pas, à elles seules, à justifier la perception du montant visé à l'article 3 du règlement n_ 2670/81, de sorte que la réglementation communautaire litigieuse pourrait s'avérer incompatible avec le principe de proportionnalité.
27 Compte tenu de ces considérations, le Bundesfinanzhof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question suivante:
«Eu égard en particulier au principe communautaire de la proportionnalité, le règlement (CEE) n_ 2670/81 de la Commission, du 14 septembre 1981, établissant les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre (JO L 262, p. 14), lu en combinaison avec le règlement (CEE) n_ 3183/80 de la Commission, du 3 décembre 1980, portant modalités communes d'application du régime de certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 338, p.
1), est-il valide dans la mesure où il aboutit à ce que du sucre soit considéré comme écoulé sur le marché intérieur - ce qui entraîne la perception du `montant' sur la production de sucre - alors qu'il a en réalité été exporté, mais sans que les formalités douanières aient été remplies et sans que, par voie de conséquence, la preuve de l'exportation puisse être apportée au moyen de l'exemplaire n_ 1 du certificat d'exportation, pourvu des imputations et visas apposés par les autorités douanières?»
Sur la question préjudicielle
28 Par cette question, la juridiction de renvoi demande en substance si la perception du montant sur le sucre C, visé à l'article 3 du règlement n_ 2670/81, est compatible avec le principe de proportionnalité, lorsqu'il est incontestable que le sucre en question a été exporté hors de la Communauté, alors que les formalités douanières n'ont pas été accomplies, et, par conséquent, sans que la preuve de cette exportation ne puisse être produite au moyen de l'exemplaire n_ 1 du certificat d'exportation
pourvu des imputations et visas requis, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2670/81, lu en combinaison avec le règlement n_ 3183/80.
29 A cet égard, Südzucker fait valoir que les conséquences juridiques attachées au non-respect de l'obligation de présenter le certificat d'exportation muni des imputations et visas requis méconnaissent le principe de proportionnalité. En effet, l'article 26 du règlement de base viserait à ce que le sucre C soit effectivement exporté hors de la Communauté. Or, le respect de cette obligation d'exportation - qui constituerait l'obligation principale - serait prouvé au moyen de l'exemplaire de contrôle
T n_ 5 ou des documents équivalents [article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement n_ 2670/81]. La présentation du certificat d'exportation [article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement n_ 2670/81] viserait, pour sa part, à assurer le respect de l'obligation administrative accessoire résultant de l'article 13 du règlement de base, qui n'autorise l'exécution des opérations d'exportation que sur la base de tels certificats. Ni le libellé ni l'économie de l'article 26, paragraphe 1, premier alinéa,
du règlement de base ne permettraient de conclure qu'il existerait également, à titre d'obligation principale à côté de l'obligation d'exportation, une obligation de preuve de l'exportation au moyen d'un certificat d'exportation.
30 Dans cette perspective, Südzucker rappelle qu'elle a incontestablement rempli son obligation d'exportation et qu'elle a fourni les pièces justificatives nécessaires à cet égard. Conformément aux arrêts Man (Sugar) et Maas, précités, la méconnaissance de l'obligation accessoire de présenter un certificat d'exportation ne saurait être sanctionnée de la même manière que la violation de l'obligation principale, à savoir l'exportation du sucre C hors de la Communauté.
31 A cet égard, il convient de rappeler que, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont appropriés et nécessaires pour atteindre le but recherché. Lorsqu'une réglementation communautaire établit une distinction entre une obligation principale, dont l'accomplissement est nécessaire pour atteindre l'objectif visé, et une obligation secondaire, à caractère essentiellement
administratif, elle ne peut, sans méconnaître le principe de proportionnalité, sanctionner aussi sévèrement la méconnaissance de l'obligation secondaire et celle de l'obligation principale [voir, notamment, arrêts précités Man (Sugar), point 20, et Maas, point 15].
32 Or, il est constant que, dans l'affaire au principal, l'obligation d'exportation à charge des producteurs de sucre C, qui résulte de l'article 26 du règlement de base, constitue une obligation principale au sens de la jurisprudence précitée.
33 Quant à l'obligation litigieuse de produire l'exemplaire n_ 1 du certificat d'exportation, pourvu des imputations et visas apposés par les autorités douanières, sous peine d'être redevable du montant sur la production de sucre C, elle est indissociable de l'obligation principale d'exportation.
34 En effet, contrairement à la thèse soutenue par Südzucker, l'obligation de prouver le respect des exigences relatives à l'exportation du sucre C par la présentation du certificat d'exportation muni des imputations et visas apposés lors de l'accomplissement des formalités douanières, à côté de la présentation de l'exemplaire de contrôle T n_ 5 et d'une déclaration du fabricant du sucre en question, est indispensable au bon fonctionnement du régime des quotas mis en place par le règlement de base,
qui tend à stabiliser le marché du sucre par des mesures de soutien en faveur de la production de sucre relevant des quotas A et B dont le financement doit être assuré par les producteurs eux-mêmes.
35 Ainsi, le bon fonctionnement du régime des quotas, outre qu'il suppose que le sucre C ait physiquement quitté le territoire de la Communauté, implique que les autorités compétentes disposent d'éléments de preuve fiables leur permettant d'assurer le paiement du montant par les fabricants ayant produit du sucre hors quota qui n'a pas été exporté avant le 1er janvier suivant la fin de la campagne de commercialisation en question.
36 Contrairement aux affirmations de Südzucker, la preuve de l'exportation du sucre C au moyen de l'exemplaire de contrôle T n_ 5 ou de pièces justificatives reconnues comme équivalentes au sens de l'article 31 du règlement n_ 3183/80 n'est pas suffisante pour prouver le respect de l'ensemble des exigences liées à l'exportation du sucre C.
37 En effet, afin d'atteindre les objectifs poursuivis par le régime des quotas, les autorités douanières compétentes doivent disposer d'éléments de preuve fiables et clairs que l'exportation est réalisée à partir de l'État membre sur le territoire duquel le sucre destiné à l'exportation a été produit, que la quantité de sucre en question a été exportée comme sucre blanc ou sucre brut non dénaturé, qu'il ne relève pas des quotas A et B attribués à l'entreprise en question et que l'exportation a eu
lieu avant le 1er janvier suivant la fin de la campagne de commercialisation en question (voir article 1er du règlement n_ 2670/81).
38 Or, c'est précisément le certificat d'exportation, muni des visas et imputations requis lors de l'accomplissement des formalités douanières, qui confirme que ces exigences ont été satisfaites. Ainsi, le règlement n_ 2630/81 limite, en ce qui concerne le sucre C, la validité du certificat à l'exportation à partir du territoire de l'État membre sur lequel il a été produit (article 3) et subordonne la délivrance du certificat à la preuve, par le fabricant, que la quantité pour laquelle le certificat
est demandé, ou une quantité équivalente, a été effectivement produite au-delà des quotas A et B de l'entreprise concernée (article 4). Les imputations figurant sur le certificat d'exportation donnent des informations sur les quantités exportées et les autres mentions douanières confirment le lieu de provenance et celui de destination du sucre en question, de même que le jour de son exportation. Ainsi, conformément à l'article 29, sous b), du règlement n_ 3183/80, l'obligation d'exportation est
considérée comme remplie le jour où sont accomplies les formalités douanières visées à l'article 22, paragraphe 1, sous b), du même règlement, lesquelles, s'agissant du sucre C, consistent à présenter le certificat d'exportation au service de douane compétent, afin que les quantités exportées soient imputées et que soient apposées les autres mentions.
39 En revanche, ni l'exemplaire de contrôle T n_ 5 ni les pièces justificatives qui lui sont assimilées ne peuvent fournir les informations figurant sur le certificat muni des imputations et visas requis par le bureau de douane compétent. Ainsi, l'exemplaire de contrôle T n_ 5 prouve seulement que la quantité de sucre mentionnée sur le document a quitté le territoire douanier de la Communauté sans pour autant comporter d'indications concernant l'accomplissement des exigences particulières liées à
l'exportation du sucre C.
40 D'abord, il ne comporte pas d'indication concernant le producteur du sucre qui est exporté hors de la Communauté et ne permet pas de déterminer si ce dernier provient effectivement de l'État membre sur le territoire duquel il a été produit. Ensuite, l'exemplaire de contrôle T n_ 5 ne permet pas de savoir si, ainsi que l'exige la réglementation applicable, le sucre C a été exporté avant le 1er janvier suivant la fin de la campagne de commercialisation pendant laquelle il a été produit. Enfin,
l'exemplaire de contrôle T n_ 5 ne permet pas d'imputer les quantités de sucre exportées, alors que cette imputation prouve que le producteur s'est acquitté de son obligation d'exportation imposée en vue d'assurer le bon fonctionnement du régime des quotas.
41 A cela s'ajoute que, admettre d'autres preuves, tels des certificats de chargement, alors que les produits en question auraient déjà été exportés, priverait les autorités douanières compétentes de toute possibilité de contrôle sur la réalité des indications figurant sur de tels documents et entraînerait des charges administratives disproportionnées pour les États membres devant procéder à l'appréciation de telles preuves (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland,
15/83, Rec. p. 2171, point 30).
42 Il en résulte que la Commission a pu valablement considérer que la production du certificat d'exportation muni des imputations et visas requis est nécessaire en vue d'assurer le respect des exigences en matière d'exportation de sucre C.
43 Dans ces conditions, le respect des formalités douanières prévues pour l'exportation du sucre C, tout comme l'exportation elle-même, doit être considéré comme faisant partie des obligations principales du régime en question, dans la mesure où ces formalités ne doivent pas seulement faciliter des processus administratifs, mais sont également indispensables au bon fonctionnement du régime des quotas dans le secteur du sucre. Elles ne sauraient dès lors relever des obligations secondaires, à
caractère essentiellement administratif, dont le non-respect, sous peine de méconnaître le principe de proportionnalité, ne peut être sanctionné aussi sévèrement que la violation d'une obligation principale.
44 Par conséquent, il convient de répondre à la juridiction de renvoi que l'examen de la question posée n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement n_ 2670/81, lu en combinaison avec le règlement n_ 3183/80.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
45 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(cinquième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par le Bundesfinanzhof, par ordonnance du 19 mars 1996, dit pour droit:
L'examen de la question posée n'a révélé aucun élément de nature à affecter la validité du règlement (CEE) n_ 2670/81 de la Commission, du 14 septembre 1981, établissant les modalités d'application pour la production hors quota dans le secteur du sucre, lu en combinaison avec le règlement (CEE) n_ 3183/80 de la Commission, du 3 décembre 1980, portant modalités communes d'application du régime de certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles.