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15/01/1998 | CJUE | N°C-351/96

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Fennelly présentées le 15 janvier 1998., Drouot assurances SA contre Consolidated metallurgical industries (CMI industrial sites), Protea assurance et Groupement d'intérêt économique (GIE) Réunion européenne., 15/01/1998, C-351/96


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. NIAL FENNELLY
présentées le 15 janvier 1998 (1)

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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. NIAL FENNELLY
présentées le 15 janvier 1998 (1)

Affaire C-351/96

Drouot assurances SA
contre
Consolidated metallurgical industries (CMI industrial sites) et Protea assurance, Groupement d'intérêt économique (GIE) Réunion européenne

(demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation française)

«Convention de Bruxelles – Interprétation de l'article 21 – Litispendance – Notion de mêmes parties – Société d'assurances et son assuré»

I ─
Introduction

1. La Cour est invitée, dans le cadre de la présente demande préjudicielle émanant de la Cour de cassation française, à interpréter la notion de mêmes parties telle qu'elle est utilisée à l'article 21 de la convention de Bruxelles (2) . La question qui se pose est celle de savoir si, dans le contexte d'une action en avaries communes intentée par un assureur devant une juridiction française et d'une action antérieurement engagée contre l'assuré et visant à faire constater, par une juridiction
néerlandaise, l'absence d'une telle responsabilité, on se trouve en présence d'une situation de litispendance au sens de l'article 21. En conséquence, la vraie question est celle de savoir si l'assuré doit être considéré comme étant la même partie que son assureur.

II ─
Le contexte juridique et factuel du renvoi préjudiciel

A ─
Les dispositions pertinentes de la convention

2. Le titre II de la convention traite de la compétence. Tandis que la section 1 énonce les règles générales, les sections 2 à 9 contiennent différentes dispositions particulières précisant celles-ci.

3. La section 8 est intitulée Litispendance et connexité et se compose des articles 21 à 23. Avant sa modification par la convention de Saint-Sébastien, l'article 21 de la convention était libellé comme suit:Lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'États contractants différents, la juridiction saisie en second lieu doit, même d'office, se dessaisir en faveur du tribunal premier saisi.La juridiction qui devrait se
dessaisir peut surseoir à statuer si la compétence de l'autre juridiction est contestée.

4. En cas de connexité, l'article 22 de la convention prévoit que la juridiction saisie en second lieu peut surseoir à statuer. Sont considérées comme des demandes connexes celles qui sont liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

5. Le titre III de la convention a pour objet la reconnaissance et l' exécution. Conformément à l'objectif d'ensemble de la convention (3) , le principe général énoncé à l'article 26 est que Les décisions rendues dans un État contractant sont reconnues dans les autres États contractants, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure. Toutefois, l'article 27 prévoit un nombre limité de raisons pour lesquelles cette reconnaissance peut être refusée. Seul le point 3 de cet article est
susceptible d'intéresser la présente affaire:3. si la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État requis.

B ─
Le contexte factuel et la procédure devant la juridiction de renvoi

6. Consolidated metallurgical industries (ci-après CMI) a chargé M. Velghe de transporter, sur une péniche appelée Sequana, une cargaison de ferrochrome de Rotterdam aux Pays-Bas à Garlinghem-Aire-la-Lys en France (4) . Le bateau, après avoir fait une voie d'eau, a coulé dans les eaux intérieures des Pays-Bas en début de journée le 4 août 1989, le capitaine semblant toutefois être parvenu à le conduire à temps en dehors du chenal. Drouot assurances SA (ci-après Drouot), l'assureur sur corps du
bateau, l'a fait renflouer à ses frais, permettant ainsi le sauvetage de la cargaison de CMI. Les 11 et 13 décembre 1990, Drouot a assigné devant le tribunal de commerce de Paris (5) CMI, Protea assurance (ci-après Protea, une société sud-africaine), l'assureur de la cargaison, ainsi que le représentant de Protea en Europe, le groupement d'intérêt économique (GIE) Réunion européenne (ci-après le GIE) (6) , en paiement de la somme de 99 485,53 HFL, fixée par le dispacheur comme montant de la
contribution de CMI et de Protea aux avaries communes (7) . Toutefois, CMI et Protea ont soulevé dans l'instance française une exception de litispendance fondée sur une instance qu'ils avaient antérieurement engagée à l'encontre de M. Walbrecq et de M. Velghe (8) devant l'Arrondissementsrechtbank te Rotterdam, le 31 août 1990 (9) . Il ressort du dossier et des observations présentées devant la Cour que CMI et Protea cherchaient à obtenir, dans le cadre de l'instance néerlandaise, une
constatation selon laquelle elles n'étaient pas tenues de contribuer aux avaries communes. Une telle constatation négative, qu'il n'aurait semble-t-il pas été possible de solliciter si l'instance avait été engagée en France, constituait un chef de conclusions subsidiaire à une demande visant à ce que M. Velghe fût déclaré responsable de la survenance de l'accident au motif qu'il aurait, en qualité de capitaine, rendu la péniche innavigable en la surchargeant à Rotterdam.

7. L'exception de litispendance a été rejetée le 11 mars 1992 par le tribunal de commerce au motif que les parties aux deux instances n'étaient pas les mêmes; plus précisément, Drouot n'était pas partie à l'instance néerlandaise et MM. Velghe et Walbrecq n'étaient pas parties à la procédure dont ce tribunal était saisi. En outre, selon le tribunal de commerce, les questions à trancher dans les deux instances n'étaient pas les mêmes. Les défendeurs ont alors saisi la cour d'appel de Paris.

8. Selon l'arrêt de la cour d'appel, CMI et Protea ont soutenu devant cette juridiction que l'objet des deux instances était le même et que Drouot n'était pas partie à l'instance néerlandaise au seul motif que les règles procédurales du royaume des Pays-Bas ne permettaient pas de mettre en cause les assureurs. Dans son arrêt du 29 avril 1994, la cour d'appel a affirmé qu'il n'était pas contesté que les règles procédurales du royaume des Pays-Bas empêchaient qu'une compagnie d'assurances fût
présente dans une instance mettant en cause son assuré. Après avoir rappelé la portée plus large de l'instance néerlandaise (qui comportait effectivement une demande relative à la responsabilité du propriétaire pour l'état d'innavigabilité du bateau), elle a estimé que cette instance englobait néanmoins l'objet de l'instance française. En outre, elle a estimé que Drouot pouvait être considérée comme partie à l'instance néerlandaise par assuré interposé. En conséquence, l'exception de
litispendance a été accueillie.

9. Dans son pourvoi devant la Cour de cassation, Drouot a soutenu, en premier lieu, que la cour d'appel n'aurait pas dû accueillir l'exception de litispendance puisque ni la nature du litige ni les parties n'étaient identiques dans les deux instances et que l'arrêt attaqué était incompatible avec l'article 21 de la convention (10) .

10. La Cour de cassation, estimant que le pourvoi dont elle était saisie portait sur l'interprétation de la notion de mêmes parties utilisée à l'article 21 de la convention (11) , a décidé, en application des articles 1 à 3 du protocole du 3 juin 1971 concernant l'interprétation de la convention (12) , d'inviter la Cour à dire:... notamment au regard de la notion autonome de mêmes parties utilisée par l'article 21 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et
l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, s'il existe une situation de litispendance internationale au sens de ce texte lorsqu'une juridiction d'un État contractant est saisie, de la part de l'assureur sur corps d'un bâtiment qui a fait naufrage, d'une demande tendant à obtenir du propriétaire et de l'assureur de la cargaison se trouvant à bord le remboursement partiel, à titre de contribution aux avaries communes, des frais de renflouement, tandis qu'une juridiction d'un
autre État contractant a été antérieurement saisie, par ces propriétaire et assureur, d'une demande, dirigée contre le propriétaire et l'affréteur du bâtiment, tendant à faire juger, au contraire, qu'ils ne devaient pas contribuer à l'avarie commune, dès lors que la juridiction saisie en second lieu, pour se dessaisir en dépit de l'obstacle tiré de l'absence d'identité formelle des parties dans les deux instances, relève que la loi de procédure applicable devant la juridiction saisie en premier
restreint la possibilité pour un assureur d'être présent au litige dans lequel est impliqué son assuré et qu'il en résulterait que l'assureur sur corps serait en fait également présent par assuré(s) interposé(s) dans l'instance introduite en premier lieu.

III ─ Observations

11. Des observations écrites et orales ont été présentées par Drouot, la République française et la Commission. Pour leur part, le GIE et la République fédérale d'Allemagne se sont bornés à présenter des observations écrites tandis que CMI et Protea ont présenté des observations orales communes. Ces observations peuvent être résumées comme suit.

12. A l'audience, le conseil de Drouot a souligné que les dispositions générales du droit maritime s'appliquaient aux transports fluviaux sur le Rhin et sur la Moselle; il a exposé que, conformément à ces dispositions, le contrat d'assurance de Drouot devait être considéré exclusivement, en l'absence de stipulation contraire expresse, comme une assurance sur corps. L'assurance du bateau couvre uniquement la responsabilité pour les dommages causés par le bateau à d'autres bateaux ou à des
installations portuaires ou fluviales. Drouot a également soutenu que les règles maritimes en matière d'avaries communes (voir en outre les points 17 à 19 plus loin) s'appliquaient à la navigation sur le Rhin et sur la Moselle. En se fondant sur la jurisprudence relative à l'article 21 de la convention (13) , Drouot soutient qu'il ne peut y avoir litispendance que si les mêmes parties figurent dans les deux procédures. Les critères énoncés à l'article 21 doivent faire l'objet d'une
interprétation autonome par rapport aux notions voisines dans les droits respectifs des États contractants. Tant l'arrêt que les conclusions de l'avocat général dans l'affaire Tatry viennent à l'appui de la thèse selon laquelle il n'y a litispendance que si l'on se trouve en présence d'une identité formelle des parties dans les deux procédures. A l'audience, Drouot a soutenu que, pour que les parties soient identiques, elles devaient avoir un intérêt commun à défendre ou, tout au moins, une
thèse commune à faire valoir, ce qui, à son avis, ne saurait être le cas de sa prétendue représentation par M. Velghe dans l'instance néerlandaise. Elle soutient que, en sa qualité d'assureur sur corps, elle ne garantissait pas l'éventuelle responsabilité générale du propriétaire du bateau. Dans ses observations écrites, Drouot soutient que la situation d'une personne en tant que partie devant une juridiction prétendument saisie en premier lieu doit être déterminée par le droit de la
juridiction saisie de l'exception de litispendance, à savoir, dans la présente affaire, par le droit français (14) . Enfin, Drouot a soutenu que, outre qu'elle n'était ni volontairement ni involontairement partie à l'instance néerlandaise, elle n'avait aucun intérêt à cette instance, puisque, en tant qu'assureur du Sequana, elle était tenue d'indemniser M. Velghe de sa contribution aux avaries communes, indépendamment des responsabilités éventuellement encourues dans la survenance de
l'accident.

13. Dans leurs observations orales, CMI et Protea ont tout d'abord soutenu que Drouot n'était pas seulement, comme elle le prétendait, l'assureur du bateau, mais également celui de la responsabilité personnelle de son capitaine et propriétaire, à savoir M. Velghe. Ensuite, le conseil de CMI et de Protea a souligné que ses clientes avaient à l'origine engagé une instance en France devant le tribunal de commerce de Béthune (lieu de résidence de M. Velghe), tant contre celui-ci que contre Drouot;
devant cette juridiction, Drouot aurait soutenu que l'instance à son encontre aurait dû être engagée à Rotterdam. En conséquence, CMI et Protea ont engagé l'instance néerlandaise, mais n'ont pas assigné Drouot, en raison, selon elles, des règles procédurales néerlandaises faisant obstacle à ce que l'assureur soit partie à une procédure intentée contre son assuré. En ce qui concerne l'interprétation de l'article 21 de la convention, CMI et Protea ont soutenu que l'aspect le plus important était
la nécessité d'éviter l'adoption de décisions incompatibles entre elles par des juridictions d'États contractants différents. Elles se sont fondées en particulier sur l'arrêt Gubisch, qui a admis l'identité d'objet et de cause de deux instances concernant respectivement l'annulation d'un contrat et l'exécution de celui-ci.

14. La République française soutient que l'autonomie des conditions exigées par l'article 21 de la convention pour admettre une litispendance serait réduite à néant si les particularités du droit procédural d'un État contractant devaient déterminer si l'on se trouve en présence des mêmes parties (15) . Elle souligne en particulier la nécessité de respecter les droits de la défense de l'assuré. Un assureur n'est pas représenté par son assuré dans une procédure nationale. Il ne peut saisir les
tribunaux dans un litige mettant en cause son assuré en vue de présenter ses propres arguments ou de défendre son point de vue, et les droits et intérêts d'un assureur et de son assuré sont souvent divergents. Dès lors, même en admettant une identité entre assureur et assuré, les droits de la défense des compagnies d'assurances ne pourraient être efficacement garantis que si l'article 21 de la convention était interprété comme exigeant, pour accueillir une exception de litispendance, que les
parties prétendument présentes dans les deux instances y apparaissent effectivement comme parties principales.

15. La République fédérale d'Allemagne souligne elle aussi l'importance d'une interprétation autonome, mais plaide en faveur d'une acception large de la notion de mêmes parties, de sorte à éviter la survenance de décisions inconciliables au sens de l'article 27, point 3, de la convention. Eu égard au lien entre la notion de litispendance et celle de chose jugée, la République fédérale d'Allemagne soutient que les parties à une seconde instance qui ne sont pas formellement identiques à celles
apparaissant dans une première instance ne doivent être considérées comme étant les mêmes que si elles sont susceptibles de se voir opposer les effets de la décision rendue par la juridiction saisie en premier lieu, ce qui créerait un risque de décisions inconciliables si l'exception n'était pas accueillie. A cet effet, la juridiction saisie en second lieu doit se référer aux règles de fond ou de procédure de la juridiction saisie en premier lieu, ainsi qu'à ses propres règles, en vue de
déterminer quels sont, le cas échéant, les effets opposables aux tiers qui seraient reconnus à la décision de la juridiction saisie en premier lieu. Enfin, la République fédérale d'Allemagne souligne la nécessité d'assurer que l'article 21 soit appliqué d'une manière qui respecte les exigences d'une protection juridictionnelle effective. Dès lors, si une exception de litispendance est accueillie mais que la première instance n'est pas couronnée de succès, il doit rester possible à la partie
dont la seconde instance s'était heurtée à cette exception de reprendre ultérieurement son instance devant la juridiction saisie en second lieu.

16. La Commission, tout en reconnaissant que la question déférée à la Cour ne se concentre que sur la notion de mêmes parties, soutient que les deux instances peuvent être considérées comme ayant le même objet et la même cause (16) . En ce qui concerne l'identité des parties, la Commission fait observer que la question préjudicielle soulève la question nouvelle de savoir si l'article 21 de la convention permet à une juridiction saisie d'une exception de litispendance d'aller au-delà de
l'identification formelle des parties faite dans la procédure devant la juridiction saisie en premier lieu. La notion de mêmes parties doit, à son avis, faire l'objet d'une interprétation stricte. Outre la nécessité de préserver l'autonomie de cette notion par rapport au droit de l'État contractant en ce qui concerne des questions telles que la subrogation, il existe différentes autres raisons qui militent à l'encontre de l'assimilation d'un assureur à son assuré. Les intérêts d'un assuré et
d'un assureur ne sont pas nécessairement identiques; il n'est pas forcément conforme à une bonne administration de la justice qu'un assureur doive attendre l'issue d'une première procédure à laquelle il n'est pas partie chaque fois qu'il souhaite, par exemple, voir juger, dans le cadre d'une instance différente, qu'il n'y a en réalité pas lieu à subrogation. De l'avis de la Commission, le libellé de l'article 21, lorsqu'il vise les mêmes parties et non pas d'autres parties pouvant avoir des
droits ou obligations découlant des droits ou obligations des véritables parties, corrobore cette approche. A l'audience, l'agent de la Commission a mis en doute le caractère praticable de l'approche suggérée par la République fédérale d'Allemagne: si la juridiction saisie en second lieu était tenue d'apprécier systématiquement les effets opposables aux tiers d'une décision susceptible d'être rendue par la juridiction saisie en premier lieu avant d'accueillir une exception, l'application
pratique de la notion de litispendance visée à l'article 21 deviendrait anormalement complexe.

IV ─
Analyse

A ─
Introduction

17. La demande en cause dans l'instance française a pour objet une contribution aux avaries communes. Bien que, comme la République française le souligne à juste titre, la Cour n'ait pas été invitée à se prononcer sur la similitude de cet objet avec celui sur lequel porte l'instance néerlandaise, nous pensons néanmoins qu'il serait utile de rappeler la nature d'une demande en contribution aux avaries communes. Un bref aperçu des particularités de la théorie juridique des avaries communes nous
aidera, à notre avis, à appliquer dans ce cas particulier la notion d'identité de parties visée à l'article 21 de la convention.

B ─
La notion d'avaries communes

18. La notion d'avaries communes se situe au coeur tant de la procédure engagée par Drouot en France que de la demande subsidiaire formée par Protea et CMI aux Pays-Bas (17) . C'est une notion de droit maritime très ancienne, qui remonte au droit maritime de Rhodes et se retrouve plus tard en droit romain; selon cette théorie, le propriétaire d'une cargaison jetée à la mer (jactus factus levandae navis gratia) en vue de sauver un navire pouvait faire partager sa perte par le propriétaire du
navire et ceux d'autres cargaisons en leur réclamant une contribution (18) . Au fil du temps, cette notion a peu à peu englobé des demandes fondées sur d'autres types de dommages et de dépenses exposées pour les éviter. De nos jours, elle trouve généralement son expression, en pratique, dans l'incorporation des règles conventionnelles d'York et d'Anvers dans les contrats d'affrètement et les polices d'assurance maritime. Ces règles, régulièrement révisées depuis leur adoption initiale à York en
1864, apparaissent être entrées en vigueur dans le droit français par une loi de 1967 (19) . Toutefois, l'événement ayant donné lieu aux instances engagées devant les juridictions néerlandaise et française ne s'est pas produit en mer mais sur une portion du réseau fluvial du Rhin et de la Moselle. Le conseil de Drouot a expliqué à l'audience que, en vertu d'une loi de 1895, adoptée pendant la période de rattachement de l'Alsace à l'Allemagne, le droit maritime était appliqué à la navigation
sur le Rhin et la Moselle. Dans la présente affaire, les règles spécialement déclarées applicables par la charte-partie sont celles du Rhin, d'Anvers et de Rotterdam et, ainsi qu'il ressort du dossier, les avaries communes sont définies dans ces règles comme les sacrifices et dépenses raisonnablement effectués et encourus en vue de sauver un bateau et sa cargaison d'un péril commun.

19. Dès lors, l'essence de la notion d'avaries communes est que les participants à une opération commerciale commune doivent contribuer équitablement aux dommages ou pertes subis par l'un d'eux qui a, au bénéfice de tous, consenti un sacrifice ou, par extension, raisonnablement exposé une dépense pour prévenir une perte. Les assureurs sur corps et sur facultés sont considérés comme des participants et peuvent demander ou se voir demander une contribution aux avaries communes. Une demande en
contribution aux avaries communes n'émane donc pas nécessairement d'un assureur.

20. Cette conclusion nous semble avoir une incidence sur la question de la qualité de M. Velghe (et de M. Walbrecq) devant la juridiction néerlandaise. Il est exact qu'un assureur, après avoir entièrement désintéressé son assuré, peut, dans certaines circonstances, en vertu d'un droit de subrogation, chausser effectivement les bottes de l'assuré pour former des demandes (y compris une demande en contribution aux avaries communes) contre des tiers. Selon le droit applicable, cette faculté peut
être exercée soit au nom de l'assuré soit par l'assureur en son propre nom, mais uniquement pour faire valoir les droits de l'assuré et après paiement. Tel n'est manifestement pas le cas de l'instance néerlandaise; ce n'est pas non plus le cas de l'instance française dès lors que la demande de Drouot n'est pas fondée sur une subrogation aux droits de M. Velghe, mais sur sa créance au titre des avaries communes. La nature précise de l'instance devant la juridiction néerlandaise n'est connue
qu'indirectement, mais il est admis qu'elle comprend, entre autres, une demande visant à obtenir une constatation négative selon laquelle CMI et Protea ne sont pas tenues de contribuer aux avaries communes. Dès lors, dans le contexte particulier d'une demande en avaries communes, on ne voit guère comment l'absence d'identité apparaissant à première vue entre M. Velghe et Drouot pourrait se dissoudre dans une identité d'intérêt.

21. Il existe toutefois d'autres problèmes d'ordre pratique qu'il faut aborder pour apprécier si une partie doit être considérée comme représentant ses assureurs aux fins de l'application de l'article 21 de la convention de Bruxelles. La juridiction de l'État contractant devant laquelle la litispendance au sens de l'article 21 de la convention est soulevée et qui est informée de l'existence d'une instance antérieure prétendument engagée entre les mêmes parties dans un autre État contractant
sera placée devant la nécessité de conclure qu'un assuré, qui est une partie nommément désignée dans l'autre État contractant, doit être considéré comme étant la même partie que son assureur. Pour commencer, cette juridiction devra se pencher sur la relation entre assureur et assuré. Il est bien connu qu'il peut y avoir de nombreuses sources de litige entre assureur et assuré. Nous n'en citerons que quelques-unes. L'existence même de la police peut être litigieuse; si son existence est établie
ou reconnue, sa validité peut être contestée pour des raisons de fraude, de fausse déclaration ou de réticence; son application à la perte particulière en cause peut être mise en doute, tout comme peuvent l'être le quantum de la perte, les moyens de preuve de celle-ci ou la date du paiement. Même dans la présente affaire, il y a litige entre CMI et Protea, d'une part, et Drouot, d'autre part (mais non pas, à notre connaissance, entre Drouot et M. Velghe), en ce qui concerne l'étendue de la
couverture conférée par la police d'assurance de Drouot. Dans notre hypothèse, la seconde juridiction nationale pourrait avoir à trancher l'une de ces questions potentiellement complexes en se référant au droit applicable dans l'autre, voire dans un tiers, État contractant.

22. La comparaison de la qualité en laquelle Drouot a formé sa demande en contribution aux avaries communes devant la juridiction française avec celle de M. Velghe devant la juridiction néerlandaise constitue la clé de l'application de l'article 21 de la convention. Drouot a formé sa demande en sa qualité de participante à l'opération ayant consenti un sacrifice. Elle ne l'a pas formée en tant que représentante de M. Velghe. Au contraire, une demande formée par le propriétaire d'un bateau ayant
sombré à l'encontre du propriétaire de la cargaison endommagée serait accueillie pour le moins avec surprise, à moins qu'elle ne soit fondée sur des avaries communes, c'est-à-dire sur un sacrifice. Or, dans la présente affaire, M. Velghe n'apparaît pas avoir participé au sauvetage du bateau et, dès lors, n'est guère susceptible d'avoir consenti un tel sacrifice.

23. En conséquence, si l'on considère la question uniquement dans le contexte de la présente demande en contribution aux avaries communes, l'on ne voit pas, entre Drouot et M. Velghe, d'identité d'intérêt de nature à justifier, même si cela était possible, que l'on passe outre à leurs différences nominale et réelle d'identité pour les considérer comme étant la même partie.

C ─
Les mêmes parties

24. En accueillant l'exception de litispendance dans la présente affaire, la cour d'appel, pour retenir l'identité des parties à l'instance néerlandaise, s'est fondée sur un principe qui, à son avis, fait partie du droit procédural du royaume des Pays-Bas. Il convient de souligner que les dispositions de la convention n'ont pas été évoquées devant la cour d'appel. Quoi qu'il en soit, l'approche qu'elle a adoptée n'est pas compatible, à notre avis, avec les décisions rendues par la Cour dans les
affaires Gubisch et Tatry, où elle avait déclaré sans ambiguïté que les conditions matérielles auxquelles l'article 21 de la convention subordonne le succès d'une exception de litispendance doivent être considérées comme autonomes (20) . Ces conditions matérielles traduisent un choix délibéré et le rejet implicite de toute possibilité de renvoi à la notion de litispendance telle qu'elle est utilisée dans les différents ordres juridiques nationaux des États contractants (21) . L'application de
la notion de mêmes parties visée par la convention ne peut, à notre avis, dépendre de l'existence et de la portée du principe du droit néerlandais invoqué par la cour d'appel, car cela impliquerait la prise en considération du droit de la juridiction saisie en premier lieu.

25. Ensuite, il est nécessaire d'examiner quelles sont les orientations fournies par la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la notion autonome de mêmes parties visée par la convention. L'arrêt Zelger est dépourvu de pertinence, car il portait uniquement sur les formalités procédurales déterminant le moment auquel une juridiction peut être considérée comme ayant été saisie d'une instance (22) . Dans l'affaire Gubisch, la Cour s'est penchée sur une situation dont les caractéristiques
consistaient en ce qu' une partie a formé devant un tribunal de première instance une demande en exécution d'une prestation prévue dans un contrat de vente international et se voit ultérieurement confrontée avec une demande, formée par l'autre partie dans un autre État contractant, en constatation de la nullité ou en résolution du même contrat (23) . La Cour a déclaré que les conditions énoncées par l'article 21 étaient exhaustives; cette disposition s'applique lorsque les parties aux deux
litiges sont les mêmes et lorsque les deux demandes ont la même cause et le même objet (24) . Elle a ensuite estimé, dans des circonstances où la présente question d'identité de parties ne se posait pas, que la notion de même objet ne (pouvait) être restreinte à l'identité formelle des deux demandes (25) . Le fait que la Cour a manifestement été guidée dans son choix par la nécessité d'éviter des solutions contradictoires ressort clairement de sa déclaration selon laquelle, dans un cas comme
celui dont elle était saisie (26) :... il ne saurait être mis en doute que la reconnaissance d'une décision judiciaire rendue dans un État contractant et prononçant la condamnation à l'exécution d'un contrat serait refusée dans l'État requis s'il existait une décision d'un tribunal de cet État prononçant l'annulation ou la résolution du même contrat. Pareil résultat comportant la limitation des effets de chaque décision judiciaire au territoire national irait à l'encontre des objectifs de la
convention visant à renforcer, dans tout l'espace juridique communautaire, la protection juridique et à faciliter la reconnaissance, dans chaque État contractant, des décisions judiciaires rendues dans tout autre État contractant.

26. CMI et Protea ont plaidé, en se fondant sur l'arrêt Gubisch, pour une interprétation large et souple de la notion de même objet et, par extension, de celle de mêmes parties telles que ces notions sont utilisées dans l'article 21 de la convention. Il est vrai que, dans l'arrêt Gubisch, la Cour a jugé que la notion de même objet, qu'elle a en réalité interprétée, dans le texte anglais, par référence aux autres versions linguistiques, ne pouvait être restreinte à l'identité formelle des deux
demandes (27) . En pratique, elle a appliqué ce raisonnement à deux instances dont l'une visait à l'exécution d'un contrat et l'autre à l'annulation ou à la résolution de celui-ci. Ce faisant, elle a attaché une grande importance à l'objectif exprimé, entre autres, à l'article 27, point 3, de la convention, à savoir celui d'éviter des décisions inconciliables entre les mêmes parties, et au risque de survenance de telles décisions si les demandes concurrentes devaient présenter une identité
formelle pour qu'une exception de litispendance puisse être accueillie. Ce raisonnement ne peut toutefois s'appliquer de la même façon à la notion de mêmes parties, puisque cet arrêt part de l'hypothèse que, quelles que soient les différences d'objet, les parties sont les mêmes. Ni cet arrêt ni le texte de l'article 21 ou l'objectif de la convention n'exigent qu'une approche souple soit adoptée dans le cas présent. Il faut plutôt retenir la solution contraire. A notre avis, des décisions ne
sont véritablement inconciliables que si elles sont contraires et rendues dans des instances opposant les mêmes parties.

27. L'arrêt Tatry confirme ce point de vue et a le mérite de porter sur la question de l'identité de parties, même si ce n'est pas d'une manière aussi nette que la présente affaire. La Cour était appelée à examiner si la convention pouvait être considérée comme applicable dans le cas de deux procédures ayant la même cause et le même objet mais dans lesquelles seulement certaines des parties, et non toutes, étaient les mêmes, plus précisément dans lesquelles l'un au moins des demandeurs et l'un
au moins des défendeurs à la première procédure introduite figuraient parmi les demandeurs et les défendeurs à la seconde procédure, ou inversement (28) . La Cour s'est tout d'abord ralliée à la recommandation de son avocat général selon laquelle l'identité de parties doit être entendue indépendamment de la position de l'une et de l'autre dans les deux procédures, le demandeur à la première procédure pouvant être le défendeur à la seconde (29) . Compte tenu du texte et de l'objectif de
l'article 21, pour éviter des procédures parallèles... (30) , la Cour a déclaré que l'article 21 doit être entendu en ce sens qu'il exige, comme condition de l'obligation du second for saisi de se dessaisir, que les parties aux deux procédures soient identiques (31) . Il en résulte que cette exigence doit faire l'objet d'une interprétation stricte.

28. Ainsi, dans l'arrêt Tatry, la Cour a jugé que, dans des cas où les parties coïncident partiellement avec des parties à une procédure engagée antérieurement, l'article 21 n 'impose au juge saisi en second lieu de se dessaisir que pour autant que les parties au litige pendant devant lui sont également parties à la procédure antérieurement engagée devant la juridiction d'un autre État contractant (32) . Nous sommes d'accord avec l'affirmation de la Commission selon laquelle l'application de
l'article 21 de la convention ne peut être tributaire d'une enquête effectuée par la juridiction saisie de l'exception de litispendance et visant à rechercher la véritable qualité des parties devant la juridiction d'un État contractant différent.

29. Nous estimons en conséquence que la notion de mêmes parties doit faire l'objet d'une interprétation littérale et stricte. La Cour a utilisé le terme identique. Cela signifie non seulement que les parties aux deux instances doivent être les mêmes au sens littéral de même personne physique ou morale, mais également qu'elles doivent figurer dans la même position juridique. En particulier, une personne exerçant une action en son propre nom et pour son propre compte ne peut manifestement pas
être assimilée à la même personne exerçant une action ou défendant à celle-ci en qualité de simple mandataire, par exemple en tant que représentant légal d'une personne décédée ou d'une personne incapable, ou dans l'un des nombreux cas où une personne peut, en droit, être appelée à représenter des personnes morales ou leurs créanciers dans des situations d'insolvabilité.

30. Cela ne crée pas, à notre avis, un cadre trop rigide pour l'application de l'article 21 de la convention. Au contraire, ce point de vue est conforme à l'objectif de simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires... énoncé à l'article 220 du traité CE (précédemment CEE), qui, entre autres, a autorisé les États membres à conclure la convention. Des règles simples et transparentes, susceptibles d'être appliquées
sur la base de facteurs objectifs et facilement identifiables, sont le mieux à même de servir cet objectif. L'article 22 de la convention prévoit des hypothèses où un pouvoir d'appréciation plus large doit être mis en oeuvre pour surseoir à statuer en cas de demandes connexes formées devant des juridictions d'États contractants différents. Comme l'avocat général M. Tesauro l'a expliqué dans ses conclusions dans l'affaire Tatry, le concept de solutions inconciliables, visé à l'article 22,
troisième alinéa, n'a pas la même signification restrictive qu'à l'article 27, point 3 (33) . Selon lui, l'article 22 tend plutôt à réaliser une meilleure coordination de l'exercice de la fonction judiciaire à l'intérieur de la Communauté, à éviter l'incohérence et la contradiction des décisions, même s'il n'en résulte pas une impossibilité d'exécution séparée; autrement dit, la raison d'être de l'article 22 est donc de favoriser des solutions harmonisées dans l'exercice de la fonction
juridictionnelle et, partant, d'éviter le risque de jugements contradictoires même du seul point de vue de la logique (34) . Une interprétation anormalement large des exigences de l'article 21 comporterait le risque de confondre la connexité avec la litispendance. Or, dans la présente affaire, la Cour n'a été saisie d'aucune question concernant l'exercice du pouvoir d'appréciation conféré par l'article 22.

31. En outre, nous partageons les préoccupations exprimées en particulier dans les observations de la République française et de la Commission, selon lesquelles une approche plus souple vis-à-vis de l'application de la condition exigeant que les parties doivent être les mêmes pour qu'une obligation de dessaisissement intervienne au titre de l'article 21 de la convention pourrait mettre gravement en cause les droits de la défense voire, dans certains cas, la bonne administration de la justice.
Dans la présente affaire, il convient de rappeler que le principe du droit procédural néerlandais qui est à la base de la prétendue présence implicite de Drouot dans l'instance néerlandaise ─ du moins si la Cour devait admettre la description non contredite fournie par le conseil de Drouot à l'audience ─ semble s'être glissé dans le dossier devant la cour d'appel (35) . Comme l'avocat général M. Tesauro l'a souligné dans ses conclusions dans l'affaire Tatry, le renvoi au droit interne des
États contractants, quand il est rendu nécessaire en raison du caractère incomplet de la réglementation établie par la convention de Bruxelles, est, en tout état de cause, un instrument destiné à permettre l'applicabilité des dispositions de cette dernière et ne saurait, en aucun cas, conduire à des résultats contraires à la finalité et à la ratio legis de la convention elle-même (36) . En conséquence, nous ne pensons pas qu'il serait conforme aux droits de la défense de Drouot d'interpréter
l'article 21 de la convention comme imposant à la cour d'appel l'obligation, dans des circonstances telles que celles de la présente affaire, de se dessaisir de sa demande dans l'instance française alors que son droit d'ester en justice dans l'instance néerlandaise dépendrait en réalité de l'attitude de M. Velghe.

32. La conclusion qui, à notre avis, doit être adoptée dans des circonstances telles que celles de la présente affaire est que l'on ne se trouve pas dans une situation de litispendance au sens de l'article 21 de la convention.

V ─
Conclusion

33. A la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre ainsi qu'il suit à la question qui lui est déférée par la Cour de cassation française:On ne se trouve pas dans une situation de litispendance au sens de l'article 21 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de
Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, lorsqu'une juridiction d'un État contractant est saisie, de la part de l'assureur sur corps d'un bâtiment qui a fait naufrage, d'une demande tendant à obtenir du propriétaire et de l'assureur de la cargaison se trouvant à bord le remboursement partiel, à titre de contribution aux avaries communes, des frais de renflouement, tandis qu'une juridiction d'un autre État contractant a été antérieurement saisie, par ces
propriétaire et assureur, d'une demande, dirigée contre le propriétaire du bâtiment, tendant à faire juger, au contraire, qu'ils ne devaient pas contribuer aux avaries communes.

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1 –
Langue originale: l'anglais.

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2 –
Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par la convention du 9 octobre 1978 relative à l'adhésion du royaume de Danemark, de l'Irlande et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (JO L 304, p. 1) et par la convention du 25 octobre 1982 relative à l'adhésion de la République hellénique (JO L 388, p. 1), ci-après désignée la convention.
L'article 21 a été modifié par l'article 8 de la convention du 26 mai 1989 relative à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise (JO L 285, p. 1, ci-après la convention de Saint-Sébastien), mais cette version modifiée n'est entrée en vigueur entre la République française et le royaume des Pays-Bas ─ les deux États contractants concernés par la présente procédure ─ que le 1 ^ er février 1991. Les faits de la présente affaire remontent à 1990, mais la convention de
Saint-Sébastien n'apporte aucune modification intéressant celle-ci.

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3 –
Le premier alinéa du préambule de la convention exprime le désir des États contractants d' assurer la simplification des formalités auxquelles sont subordonnées la reconnaissance et l'exécution réciproques des décisions judiciaires.

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4 –
Selon la décision de renvoi, le bateau appartenait à M. Walbrecq et était affrété par M. Velghe. Toutefois, il est apparu à l'audience que M. Walbrecq, décédé en 1981, avait été en réalité remplacé en tant que propriétaire du Sequana par M. Velghe quelque temps avant l'accident. Dans leurs observations écrites, Drouot et la Commission ont affirmé que M. Velghe était également le capitaine de la péniche au moment où elle a sombré et que la péniche avait été en réalité affrétée par une
autre société qui n'apparaît dans aucune des procédures faisant l'objet de l'affaire au principal. Cette thèse, qui a fait l'objet d'un consensus à l'audience, est conforme à l'arrêt de la cour d'appel qui figure dans le dossier transmis à la Cour.

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5 –
Pour des raisons de commodité, nous appellerons ci-après cette instance l' instance française.

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6 –
Il ressort des observations écrites de Drouot que l'instance contre le GIE a été engagée séparément, le 11 février 1991.

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7 –
Le système des avaries communes sera analysé plus loin (voir en particulier les points 17 à 19). Un dispacheur (ou expert répartiteur) est un professionnel spécialisé dans la détermination du montant des contributions mises à la charge respective de chacun des participants à l'opération dont relèvent les avaries communes.

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8 –
Du fait du décès de M. Walbrecq en 1981, l'instance engagée par CMI et Protea ne concerne sans doute plus, à présent, que M. Velghe, la situation de M. Walbrecq étant dès lors sans incidence sur la procédure préjudicielle.

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9 –
Pour des raisons de commodité, cette instance sera ci-après désignée l' instance néerlandaise. Lorsqu'il sera question conjointement des deux instances, elles seront désignées les deux instances.

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10 –
A l'audience, le conseil de Drouot a expliqué que, selon les règles procédurales de la Cour de cassation, il n'avait pas été possible pour cette juridiction de mettre en question la constatation de la cour d'appel relative à la présence de Drouot par assuré interposé dans l'instance néerlandaise.

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11 –
La décision de renvoi est parvenue au greffe de la Cour le 25 octobre 1996. Le rapport du conseiller rapporteur de la Cour de cassation, figurant dans le dossier transmis à la Cour, éclaire les raisons ayant motivé le présent renvoi préjudiciel. Le rapport fait observer que la jurisprudence de la Cour concernant l'article 21 de la convention exige que celui-ci fasse l'objet d'une interprétation autonome, ce qui fait obstacle à l'application du principe de droit français selon lequel il
y a identité de parties si la partie soulevant l'exception de litispendance est représentée par une autre partie dans une procédure étrangère prétendument connexe. Tout en exprimant des réserves quant à la nature précise du principe de droit néerlandais invoqué dans l'arrêt de la cour d'appel, le rapport indique que la présence présumée à la procédure pourrait répondre à la notion de droit français de représentation effective.

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12 –
JO 1975, L 204, p. 28.

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13 –
Elle se réfère aux arrêts du 7 juin 1984, Zelger (129/83, Rec. p. 2397); du 8 décembre 1987, Gubisch Maschinenfabrik (144/86, Rec. p. 4861, ci-après l' arrêt Gubisch), et du 6 décembre 1994, Tatry (C-406/92, Rec. p. I-5439).

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14 –
A l'appui de cette thèse, Drouot cite le point 15 de l'arrêt Zelger et soutient que, en droit français, elle ne pourrait être considérée, du seul fait qu'elle est l'assureur du Sequana, comme une partie à l'instance néerlandaise.

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15 –
Elle se réfère notamment au point 19 des conclusions de l'avocat général M. Tesauro dans l'affaire Tatry, précitée.

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16 –
A l'audience, l'agent de la Commission a cependant exprimé des réserves quant à la justesse de cette appréciation initiale.

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17 –
L'expression anglaise general average peut prêter à confusion, puisqu'elle diffère sensiblement du terme average dans son acception normale, qui signifie moyenne. En réalité, cette expression a la même étymologie qu' avaries communes en français, averij grosse en néerlandais et große Haverei en allemand (voir Ledocte, E.: Legal Dictionary in Four Languages , Maarten Kluwer, Anvers, 1982); il s'agit donc bien d'un dommage, ce qui est le point de départ de toute action en avaries
communes.

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18 –
Voir, par exemple, Arnould's Law of Marine Insurance and Average , 16 ^ e éd., Stevens and Sons, Londres 1981, volume 2, point 916; Ripert, Droit maritime, 4 ^ e éd., Éditions Rousseau et Cie, Paris 1953, tome III, points 2213 et suiv.

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19 –
Voir, selon le dossier, la loi n° 67-545, du 7 juillet 1967, relative aux événements de mer.

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20 –
Arrêt Gubisch, point 11; voir également l'arrêt Tatry, point 30.

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21 –
Voir la note 10 ci-dessus en ce qui concerne la situation possible en droit français.

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22 –
Loc. cit., voir points 13 à 16.

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23 –
Loc. cit., point 13.

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24 –
Arrêt Gubisch, point 14. La Cour a déclaré par inadvertance, dans ce même point 14, que seule la version allemande de l'article 21 (qui mentionne: ... Klagen wegen desselben Anspruchs zwischen denselben Parteien anhängig gemacht) ne distingue pas expressément entre les notions d'objet et de cause et que, en conséquence, elle doit être comprise dans le même sens que les autres versions linguistiques qui connaissent toutes cette distinction (c'est nous qui soulignons). En fait, au moins
les versions anglaise et irlandaise de l'article 21 de la convention ne font pas non plus cette distinction; ainsi, la version anglaise mentionne les demandes involving the same cause of action and between the same parties , tandis que la version irlandaise mentionne ... imeachtaí leis an gcúis chéanna chaingne agus idir na páirtithe céanna (c'est nous qui soulignons). Le texte danois, par exemple, semble lui aussi ne comporter que deux conditions: ... derhar samme genstand og hviler pa
samme grundlag (c'est nous qui soulignons). Toutefois, au point 38 de l'arrêt Tatry, la Cour a implicitement corrigé l'inexactitude commise dans l'arrêt Gubisch, en reconnaissant que la version anglaise de l'article 21 ne distingue pas expressément les notions d'objet et de cause. En reprenant le principe énoncé dans l'arrêt Gubisch, la Cour a déclaré que cette version linguistique doit toutefois être comprise dans le même sens que la plupart des autres versions linguistiques dans
lesquelles figure cette distinction.

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25 –
Arrêt Gubisch, point 17.

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26 –
Loc. cit., point 18.

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27 –
Point 17.

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28 –
Voir les points 29 et 30. La cinquième question concernait la prétendue identité d'objet et de cause entre les deux instances, à savoir une demande formée par les propriétaires de la cargaison dans un État contractant (les Pays-Bas) en raison d'un dommage causé à leurs marchandises en cours de transport et une demande antérieurement formée dans un autre État contractant (le Royaume-Uni) par le propriétaire du navire par laquelle ce dernier cherchait en réalité à obtenir une déclaration
de non-responsabilité pour les dommages subis par la cargaison. La Cour a estimé que ces demandes avaient le même objet et la même cause au motif que leur formulation positive et négative ne rendait pas différent leur objet (à savoir la détermination de la responsabilité); voir en particulier le point 43.

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29 –
Loc. cit., point 31; voir également le point 14 des conclusions de l'avocat général M. Tesauro.

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30 –
Arrêt Tatry, point 32.

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31 –
Loc. cit., point 33 (c'est nous qui soulignons). Au moins en anglais, l'adjectif identical vise une chose qui est conforme en tous points à une autre (voir par exemple The Concise Oxford Dictionary , Oxford, 1990, p. 585).

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32 –
Arrêt Tatry, point 34 (c'est nous qui soulignons).

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33 –
Voir le point 28 de ses conclusions.

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34 –
Ibidem.

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35 –
Il faut peut-être ajouter, sans vouloir adresser la moindre critique à la cour d'appel, que le dossier ne comporte aucune indication selon laquelle sa constatation relative au droit néerlandais était basée soit sur un certificat de coutume, soit sur d'autres sources fiables de ce droit.

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36 –
Voir le point 19 de ses conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-351/96
Date de la décision : 15/01/1998
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - France.

Convention de Bruxelles - Interprétation de l'article 21 - Lis alibi pendens - Notion de "mêmes parties" - Société d'assurances et son assuré.

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968

Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 - Compétence


Parties
Demandeurs : Drouot assurances SA
Défendeurs : Consolidated metallurgical industries (CMI industrial sites), Protea assurance et Groupement d'intérêt économique (GIE) Réunion européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Fennelly
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1998:10

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