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17/07/1997 | CJUE | N°C-354/95

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, The Queen contre Minister for Agriculture, Fisheries and Food, ex parte, National Farmers' Union e.a.., 17/07/1997, C-354/95


Avis juridique important

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61995J0354

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 juillet 1997. - The Queen contre Minister for Agriculture, Fisheries and Food, ex parte, National Farmers' Union e.a.. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Politique agricole co

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Avis juridique important

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61995J0354

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 17 juillet 1997. - The Queen contre Minister for Agriculture, Fisheries and Food, ex parte, National Farmers' Union e.a.. - Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni. - Politique agricole commune - Règlement (CEE) nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires - Modalités d'application - Interprétation et validité des sanctions. - Affaire C-354/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-04559

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 Agriculture - Politique agricole commune - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides - Aides liées à la superficie consacrée aux cultures arables et au gel des terres - Superficie déclarée en bonne foi, mais dépassant celle effectivement déterminée par plus de 20 % - Sanction sous le régime du règlement n_ 3887/92 - Suppression de tout paiement - Sanction sous le régime du règlement n_ 1648/95, s'appliquant rétroactivement - Calcul des paiements compensatoires
sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée

(Règlement du Conseil n_ 2988/95, art. 1er, § 2, et 2, § 2; règlements de la Commission n_ 3887/92, art. 9, § 2 à 4, et n_ 1648/95)

2 Agriculture - Politique agricole commune - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides - Aides liées à la superficie consacrée à l'alimentation de bovins ou à une culture arable spécifique - Superficie déclarée en bonne foi, mais dépassant celle effectivement déterminée par plus de 20 % - Sanction - Suppression de tout paiement - Violation des principes de proportionnalité, de sécurité juridique ou de non-discrimination - Absence

(Règlements de la Commission n_ 3887/92, art. 9, § 2 à 4, et n_ 1648/95)

Sommaire

3 L'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, avant l'entrée en vigueur du règlement modificatif n_ 1648/95, doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux surfaces arables lorsque l'écart entre la superficie des terres gelées déclarée et celle déterminée lors d'un
contrôle par les autorités compétentes dépasse 20 %. Toutefois, à la lumière des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, énonçant que les modifications ultérieures des dispositions communautaires instituant des sanctions moins sévères doivent s'appliquer de manière rétroactive, les modifications apportées à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92 par ledit règlement n_ 1648/95
s'appliquent aux faits survenus avant son entrée en vigueur. Par conséquent, le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables doit être effectué, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, tel que modifié par ce même règlement n_ 1648/95, sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures.$

4 L'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, même après l'entrée en vigueur du règlement modificatif n_ 1648/95, doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de toute prime pour les bovins aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure de
plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides «surfaces».$

Cette réglementation ne viole pas les principes de proportionnalité, de sécurité juridique ou de non-discrimination. En effet, s'agissant du premier de ces principes, et étant donné l'existence d'un large pouvoir d'appréciation des institutions communautaires en la matière, il ne saurait être considéré comme étant injustifié ou disproportionné d'infliger à ladite erreur, dont l'ampleur est considérable, une sanction dissuasive et efficace, d'autant plus que le régime instauré par l'article 9,
paragraphes 2 à 4, prévoit des sanctions échelonnées selon la gravité de l'irrégularité commise, de sorte qu'il apparaît adapté aux objectifs poursuivis et nécessaire pour les atteindre. S'agissant du principe de sécurité juridique, et si le règlement n_ 3887/92 présente des difficultés d'interprétation, celles-ci sont dues à la complexité de la matière, et une lecture attentive permet de saisir le sens et les conséquences de l'application de ses dispositions, qui sont destinées à des professionnels
en la matière. S'agissant enfin du principe de non-discrimination, il apparaît que les sanctions respectivement imposées, d'une part, aux exploitants ayant commis l'erreur en cause et, d'autre part, aux exploitants ayant fait une fausse déclaration délibérément ou par négligence grave sont différentes, de sorte que des situations différentes ne sont pas traitées de manière égale.$

Par ailleurs, et pour ces mêmes raisons, la réglementation en cause ne viole pas lesdits principes pour autant qu'elle inflige, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique, c'est-à-dire une superficie consacrée à une certaine culture arable, à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides.

Parties

Dans l'affaire C-354/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par la High Court of Justice, Queen's Bench Division (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

The Queen

et

Minister for Agriculture, Fisheries and Food, ex parte: National Farmers' Union e.a.,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation et la validité de l'article 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. G. F. Mancini (rapporteur), président de chambre, J. L. Murray et P. J. G. Kapteyn, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour la National Farmers' Union e.a., par Mes E. H. Pijnacker Hordijk, avocat à Amsterdam, et T. P. J. van Oers, avocat à la Haye, et M. P. Duffy, barrister, mandatés par M. W. J. Neville, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme L. Nicoll, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, assistée de Mme P. Watson, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. J. MacDonald Flett, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la National Farmers' Union e.a., du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 22 janvier 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 mars 1997,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par ordonnance du 31 octobre 1995, parvenue à la Cour le 20 novembre suivant, la High Court of Justice, Queen's Bench Division, a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles sur l'interprétation et la validité de l'article 9 du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 391, p. 36).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant la National Farmers' Union, le syndicat professionnel national des exploitants agricoles en Angleterre et au pays de Galles (ci-après la «NFU»), ainsi que 120 exploitations agricoles individuelles au Minister for Agriculture, Fisheries and Food (ci-après le «MAFF») au sujet des sanctions qui leur ont été infligées par ce dernier en vertu de l'article 9 du règlement n_ 3887/92, dont ils contestent tant l'interprétation que
l'application qu'en fait le MAFF.

Sur la réglementation communautaire

Le régime d'aides applicable aux bovins

Le règlement n_ 805/68 du Conseil

3 Le règlement (CEE) n_ 805/68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24), dans sa version résultant du règlement (CEE) n_ 2066/92 du Conseil, du 30 juin 1992, modifiant le règlement n_ 805/68 et abrogeant le règlement (CEE) n_ 468/87 établissant les règles générales du régime de prime spéciale en faveur des producteurs de viande bovine ainsi que le règlement (CEE) n_ 1357/80 instaurant un régime de prime au maintien du
troupeau de vaches allaitantes (JO L 215, p. 49, ci-après le «règlement n_ 805/68»), prévoit, en ses articles 4a à 4l, l'octroi de différentes primes, dont la prime spéciale pour les bovins mâles et la prime à la vache allaitante.

4 Conformément à l'article 4g du règlement n_ 805/68, le nombre total des animaux pouvant bénéficier de ces dernières primes est limité par l'application d'un facteur de densité des animaux détenus sur l'exploitation, qui est exprimé en nombre d'unités de gros bétail (ci-après l'«UGB») par rapport à la superficie fourragère de cette exploitation consacrée à l'alimentation des animaux y détenus.

Le règlement n_ 3886/92 de la Commission

5 Le règlement (CEE) n_ 3886/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, établissant modalités d'application relatives aux régimes de primes prévus par le règlement n_ 805/68 et abrogeant les règlements (CEE) n_ 1244/82 et (CEE) n_ 714/89 (JO L 391, p. 20), prévoit, en son article 42, paragraphe 1, que, pour chaque producteur qui introduit une demande d'aides «surfaces» et une demande de prime spéciale ou de prime à la vache allaitante, les autorités compétentes établissent le nombre d'UGB
correspondant au nombre d'animaux pour lequel une prime peut être octroyée compte tenu de la superficie fourragère de son exploitation.

Le régime d'aides applicable aux cultures arables et au gel des terres

Le règlement n_ 1765/92 du Conseil

6 Le règlement (CEE) n_ 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992, instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables (JO L 181, p. 12), dispose, en son article 2, paragraphe 1, que les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire dans les conditions fixées dans le titre I dudit règlement. L'article 2, paragraphe 2, deuxième alinéa, prévoit que le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables
ou au gel des terres.

7 Pour bénéficier de ce paiement, les producteurs sont tenus, conformément à l'article 2, paragraphe 5, du règlement n_ 1765/92, de geler une partie des terres de leur exploitation moyennant une compensation.

Les modalités d'application des régimes d'aides

Le règlement n_ 3508/92 du Conseil

8 Le règlement (CEE) n_ 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires (JO L 355, p. 1), dispose, en son article 6, paragraphe 1, premier tiret, que, pour être admis au bénéfice d'un ou de plusieurs régimes communautaires, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides «surfaces» indiquant les parcelles agricoles, y compris les superficies fourragères, les parcelles agricoles
faisant l'objet d'une mesure de retrait de terres arables et celles qui ont été mises en jachère.

Le règlement n_ 3887/92 de la Commission

9 Selon le septième considérant du règlement n_ 3887/92, «le respect des dispositions en matière d'aides communautaires doit être contrôlé de façon efficace».

10 Son neuvième considérant indique qu'il y a lieu d'arrêter des dispositions visant à prévenir et à sanctionner de manière efficace les irrégularités et les fraudes mais que, compte tenu des particularités des différents régimes, il convient de prévoir des sanctions échelonnées selon la gravité de l'irrégularité commise allant jusqu'à l'exclusion totale du bénéfice d'un régime.

11 En vertu de l'article 4, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, la déclaration de gel de terres ainsi que la déclaration de culture sont introduites avec la demande d'aides «surfaces» ou font partie de celle-ci. L'article 4, paragraphe 1, précise les informations qui doivent être incluses dans une telle demande.

12 Conformément à l'article 6, paragraphe 1, de ce règlement, les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et des primes.

13 L'article 9 du règlement n_ 3887/92 était libellé comme suit:

«1. Lorsqu'il est constaté que la superficie effectivement déterminée est supérieure à celle déclarée dans la demande d'aides `surfaces', la superficie déclarée est prise en compte pour le calcul du montant de l'aide.

2. Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides `surfaces' dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée:

- de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 2 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée,

- de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée.

Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée.

Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave:

- l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause

et

- en cas d'une fausse déclaration faite délibérément du bénéfice de tout régime d'aides visé à l'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n_ 3508/92 au titre de l'année civile suivante pour une superficie égale à celle pour laquelle sa demande d'aides a été refusée.

...

Au sens du présent article, on entend par `superficie déterminée', celle pour laquelle toutes les conditions réglementaires ont été respectées.

3. Pour l'application des paragraphes 1 et 2, sont prises en compte seulement et séparément les superficies fourragères, les superficies relatives au gel des terres et celles relatives aux différentes cultures arables pour lesquelles un montant d'aides différent est applicable.

4. Les superficies établies en application des paragraphes 1 à 3 du présent article pour le calcul de l'aide sont utilisées:

- dans le cadre du gel des terres, pour le calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables,

- pour le calcul de la limite des primes visées aux articles 4g et 4h du règlement (CEE) n_ 805/68, ainsi que de l'indemnité compensatrice.

Toutefois, dans les cas visés au paragraphe 2, premier alinéa, premier et deuxième tirets, le calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables se fait sur base de la superficie effectivement déterminée de gel des terres.

5. ...»

14 Cependant, alors que toutes les autres versions linguistiques de l'article 9, paragraphe 4, premier alinéa, mentionnaient les paragraphes 1 à 3 ou l'article 9 dans son ensemble, les versions anglaise, finnoise et suédoise faisaient référence aux paragraphes 1 et 3.

15 Le règlement (CE) n_ 229/95 de la Commission, du 3 février 1995, modifiant le règlement n_ 3887/92 et le règlement (CE) n_ 762/94 (JO L 27, p. 3), a apporté une correction à ces dernières versions de l'article 9, paragraphe 4, premier alinéa, qui correspond désormais aux autres versions du règlement. Ladite disposition, telle que modifiée, se réfère désormais aux «paragraphes 1 à 3» de l'article 9 et non plus aux «paragraphes 1 et 3».

Les règlements n_ 229/95 et n_ 1648/95 de la Commission

16 L'article 1er, point 3, du règlement n_ 229/95, qui modifie l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92 dispose:

«4 a) Les superficies établies en application des paragraphes 1 à 3 pour le calcul de l'aide sont utilisées:

- dans le cadre du gel des terres, pour le calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables,

- pour le calcul de la limite des primes visées aux articles 4g et 4h du règlement (CEE) n_ 805/68, et le calcul de l'indemnité compensatrice.

Toutefois, dans les cas visés au paragraphe 2, premier alinéa, premier et deuxième tirets, le calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables se fait sur la base de la superficie effectivement déterminée de gel de terres et au prorata des différentes cultures.

b) ...»

17 Le règlement (CE) n_ 1648/95 de la Commission, du 6 juillet 1995, modifiant le règlement n_ 3887/92 (JO L 156, p. 27), prévoit, en son quatrième considérant, «que, dans un souci de simplification des sanctions `surfaces' et `animaux', il convient d'en modifier les modalités d'application; que, compte tenu des modifications des règles relatives au gel des terres intervenues depuis que le règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, modifié par le règlement (CE) n_ 229/95, a été arrêté, notamment
avec l'adoption de dispositions autorisant le transfert de l'obligation de gel entre producteurs et de la jachère volontaire, il convient de modifier les sanctions».

18 L'article 1er, points 5 et 6, du règlement n_ 1648/95 a modifié en ces termes l'article 9, paragraphes 2 et 4, du règlement n_ 3887/92:

«5) A l'article 9, paragraphe 2, premier alinéa, les premier et deuxième tirets sont remplacés par le texte suivant:

`(...) de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 3 % ou 2 hectares et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée.'

6) L'article 9, paragraphe 4, point a), est remplacé par le texte suivant:

`a) Les superficies établies en application des paragraphes 1, 2 et 3 pour le calcul de l'aide sont utilisées pour le calcul de la limite des primes visées aux articles 4g et 4h du règlement (CEE) n_ 805/68, ainsi que pour le calcul de l'indemnité compensatrice.

Le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures.'»

L'application dans le temps des sanctions administratives prévues par des actes communautaires

Le règlement n_ 2988/95 du Conseil

19 Le règlement (CE, Euratom) n_ 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), prévoit, en son article 1er, paragraphe 1, que, «Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire».

20 En vertu du paragraphe 2 du même article, constitue une irrégularité toute violation d'une disposition du droit communautaire résultant d'un acte ou d'une omission d'un opérateur économique qui a ou aurait pour effet de porter préjudice au budget général des Communautés ou à des budgets gérés par celles-ci, soit par la diminution ou la suppression de recettes provenant des ressources propres perçues directement pour le compte des Communautés, soit par une dépense indue.

21 Aux termes de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, «Aucune sanction administrative ne peut être prononcée tant qu'un acte communautaire antérieur à l'irrégularité ne l'a pas instaurée. En cas de modification ultérieure des dispositions portant sanctions administratives et contenues dans une réglementation communautaire, les dispositions moins sévères s'appliquent rétroactivement».

Sur le litige au principal

22 Il ressort de l'ordonnance de renvoi que le litige au principal concerne des exploitants qui, de bonne foi, ont surestimé de plus de 20 % la superficie de leurs terres à l'occasion de déclarations de demandes d'aides, en sorte qu'ils ont subi de graves problèmes financiers en raison des sanctions infligées par le MAFF en application de l'article 9 du règlement n_ 3887/92.

23 Par ailleurs, selon la juridiction de renvoi, lorsque la superficie des terres gelées est surestimée de plus de 20 %, le MAFF n'octroie, en vertu de l'article 9 dudit règlement, aucune aide liée au gel de terres ou aux cultures arables. En outre, une surestimation excédant 20 % de la superficie fourragère ou des terres utilisées pour la production d'une culture arable spécifique prive les exploitants de toute indemnité qui s'y rattache.

24 Il résulte également du dossier au principal que, par lettre du 22 février 1995, les autorités britanniques ont informé la Commission qu'elles considéraient que le refus de tout paiement lié aux cultures arables constituait une sanction disproportionnée par rapport à la gravité de l'irrégularité commise. La Commission a répondu que de telles sanctions n'étaient pas trop sévères, ajoutant toutefois qu'elle avait déjà rédigé un projet pour modifier le règlement n_ 3887/92 afin que les exploitants
puissent percevoir les paiements compensatoires pour leurs cultures arables sur la base de la superficie de gel des terres effectivement déterminée.

25 La NFU ainsi que 120 exploitants individuels contestent l'application faite par le MAFF de l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92, en sorte qu'ils ont saisi la juridiction de renvoi.

Sur les questions préjudicielles

26 Considérant que la solution du litige dont elle était saisie exigeait l'interprétation du règlement n_ 3887/92 ainsi que l'appréciation de sa validité, la High Court of Justice a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) Y a-t-il lieu d'interpréter l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission (avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95) comme obligeant à refuser tout paiement lié à la superficie aux exploitants dont la superficie effectivement déterminée de gel des terres s'avère être inférieure à celle déclarée dans la demande d'aide, en présence d'un écart supérieur à 20 %, mais en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave?

2) L'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 de la Commission (avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95) doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit le versement de toute prime pour les bovins aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure à celle déclarée dans la demande d'aide `surface', en présence d'un écart supérieur à 20 %, mais en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave?

3) En cas de réponse affirmative à la première question et/ou à la deuxième, l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 de la Commission (avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95) est-il invalide, en tout ou en partie, pour violation d'un principe de droit communautaire, en particulier en matière de sécurité juridique, de non-discrimination et/ou de proportionnalité?

4) En cas de réponse négative à la première question et/ou à la deuxième, comment faut-il interpréter l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 de la Commission (avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95)?

5) Sans considération des réponses à donner aux première à quatrième questions, le règlement n_ 3887/92 de la Commission peut-il de manière valide et légale infliger la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être inférieure à celle déclarée dans la demande d'aide, en présence d'un écart supérieur à 20 %, mais en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave?»

Sur la première question et sur la première partie de la quatrième question

27 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si, avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95, l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux surfaces arables lorsque l'écart entre la superficie des terres gelées déclarée et celle déterminée lors d'un contrôle par les autorités compétentes dépasse 20 %. En cas de
réponse négative à cette question, elle cherche à savoir, par la première partie de sa quatrième question, comment lesdites dispositions doivent être interprétées.

28 A cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que, ainsi qu'il ressort des points 13 à 15 du présent arrêt, par l'adoption du règlement n_ 229/95, l'erreur figurant dans la version anglaise initiale de l'article 9, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement n_ 3887/92 a été corrigée.

29 Selon la NFU, l'expression «aucune aide liée à la superficie» figurant à l'article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 3887/92 signifie qu'aucune aide n'est octroyée en relation avec la superficie surestimée, à savoir celle mise en jachère. Elle fait valoir que cette interprétation est confirmée par l'article 9, paragraphe 3, qui prévoit que les superficies fourragères, les superficies relatives aux terres gelées et celles relatives aux différentes cultures arables sont prises en
compte séparément. Par conséquent, si l'exploitant perdait le bénéfice de tous les paiements compensatoires liés à sa superficie de terres gelées, il conserverait en revanche son droit, sur la base de la superficie de terres gelées effectivement déterminée lors d'un contrôle, d'obtenir des aides au titre de ses superficies arables cultivées, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92. Selon la NFU, les amendements introduits par le règlement n_ 1648/95 ne font que clarifier
l'application de l'article 9, paragraphe 4, et n'entraînent aucune modification substantielle.

30 En revanche, le gouvernement du Royaume-Uni estime qu'il ressort de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 que, lorsqu'une surévaluation excède 20 % de la superficie des terres gelées, il n'y a aucune détermination de superficie de terres gelées. Il considère donc qu'une telle surévaluation aurait le même effet que la constatation de l'absence de toute superficie au sens du règlement. Étant donné que la superficie des terres gelées déterminée conformément à l'article 9, paragraphe 2,
est utilisée comme base de calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires, aucune aide liée à la surface ne pourrait être octroyée.

31 A cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi qu'il ressort clairement de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 et notamment des termes «aucune aide liée à la superficie n'est octroyée», si l'écart entre la superficie effectivement déterminée des terres gelées lors d'un contrôle et celle déclarée dans la demande d'aides excède 20 %, l'exploitant sera censé n'avoir gelé aucune terre au sens du règlement. Étant donné que la superficie effectivement déterminée des terres gelées est
utilisée comme base de calcul de la superficie éligible au titre de l'aide aux cultures arables, l'exploitant perd tout droit à cette dernière.

32 Même s'il est vrai que l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92 prévoit que le calcul de la superficie maximale éligible aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la superficie effectivement déterminée des terres gelées, il n'en reste pas moins que cette disposition s'applique seulement lorsque l'écart entre la superficie des terres gelées effectivement déterminée et celle déclarée, résultant d'une erreur commise de bonne foi, se
situe entre 2 % et 20 %. L'article 9, paragraphe 4, ne s'applique donc pas à des erreurs, même commises de bonne foi, excédant 20 %, telles que celles mentionnées en l'espèce au principal.

33 En outre, il convient de constater que les modifications apportées à l'article 9 du règlement n_ 3887/92 par le règlement n_ 1648/95 reposent sur l'interprétation selon laquelle, avant l'entrée en vigueur de ce dernier règlement, lorsque la déclaration de la superficie des terres gelées dans la demande d'aides excédait de plus de 20 % celle déterminée lors d'un contrôle, il n'y avait aucune détermination de superficie des terres gelées et, par conséquent, aucune base sur laquelle les paiements
compensatoires pour les cultures arables pouvaient être calculés.

34 Il résulte de ce qui précède que, avant l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95, l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux surfaces arables lorsque l'écart entre la superficie des terres gelées déclarée et celle déterminée lors d'un contrôle par les autorités compétentes dépasse 20 %.

35 Toutefois, il y a également lieu de rappeler que l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, tel que modifié par le règlement n_ 1648/95, prévoit des sanctions atténuées lorsque l'exploitant a commis, de bonne foi, une erreur en déclarant sa superficie des terres gelées dans sa demande d'aides. Ladite disposition prévoit, en effet, que le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables est effectué sur la base de la
superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures. Ces dispositions sont entrées en vigueur postérieurement aux faits dont est saisie la juridiction de renvoi.

36 Par lettre du 9 décembre 1996, la Cour a demandé à la NFU, au gouvernement du Royaume-Uni ainsi qu'à la Commission s'ils estiment que, à la lumière des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, qui énonce que les modifications ultérieures des dispositions communautaires instituant des sanctions moins sévères doivent s'appliquer de manière rétroactive, les modifications apportées par le règlement n_ 1648/95 avaient une incidence sur les réponses à apporter aux
questions préjudicielles.

37 Selon la NFU, au cas où l'interprétation de l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 qu'elle a soutenue ne serait pas retenue, la Cour pourrait et devrait même juger, sur le fondement de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, que les sanctions moins sévères prévues par le règlement n_ 1648/95 doivent s'appliquer de manière rétroactive aux exploitants qui ont surestimé de bonne foi leur superficie de terres gelées de plus de 20 %. La Commission soutient également qu'une
pénalité allégée doit être appliquée dans le cas d'une déclaration dans laquelle la superficie des terres gelées a été surestimée de plus de 20 % puisque, en vertu de l'article 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, une surestimation de bonne foi de plus de 20 % dans un tel cas ne conduit plus à la perte de tous les paiements pour les cultures arables.

38 En revanche, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir qu'aucune disposition du règlement n_ 2988/95 ne prévoit l'application rétroactive des dispositions du règlement n_ 1648/95 à des situations nées antérieurement à son adoption.

39 A cet égard, il convient de relever que, ainsi qu'il ressort du dixième considérant du règlement n_ 2988/95, l'un des objectifs de ce règlement est de prévoir, «dans le respect de l'acquis communautaire et des dispositions prévues par les réglementations communautaires spécifiques existant au moment de l'entrée en vigueur du présent règlement, des dispositions appropriées pour éviter un cumul de sanctions pécuniaires communautaires et de sanctions pénales nationales imposées pour les mêmes faits
à la même personne». Par conséquent, il ressort de ce règlement qu'il s'applique également aux règlements communautaires existant au moment de son entrée en vigueur, y compris le règlement n_ 3887/92.

40 La fausse déclaration visée à l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 étant une irrégularité au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95 et la privation des aides aux cultures constituant une sanction administrative au sens de l'article 2, paragraphe 2, ce dernier règlement est donc applicable dans l'affaire au principal.

41 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la première question que l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92, avant l'entrée en vigueur du règlement n_1648/95, doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux surfaces arables lorsque l'écart entre la superficie des terres gelées déclarée et celle déterminée lors d'un contrôle par les autorités compétentes dépasse 20 %. Toutefois, à
la lumière des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, du règlement n_ 2988/95, énonçant que les modifications ultérieures des dispositions communautaires instituant des sanctions moins sévères doivent s'appliquer de manière rétroactive, les modifications apportées à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92 par le règlement n_ 1648/95 s'appliquent aux faits survenus avant son entrée en vigueur. Par conséquent, le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements
compensatoires pour les producteurs de cultures arables doit être effectué, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, tel que modifié par le règlement n_ 1648/95, sur la base de la superficie gelée effectivement déterminée et au prorata des différentes cultures.

Sur la deuxième question et la seconde partie de la quatrième question

42 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux bovins en faveur des exploitations dont la superficie fourragère effectivement déterminée à la suite du contrôle effectué par les autorités compétentes s'avère inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande
d'aides. En cas de réponse négative à cette question, la juridiction de renvoi cherche, par la seconde partie de sa quatrième question, à savoir comment ces dispositions doivent être interprétées.

43 Étant donné que la superficie fourragère effectivement déterminée doit être utilisée, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, pour le calcul des primes, et que, pour les raisons mentionnées aux points 31 à 33 du présent arrêt, au cas où l'écart entre ladite superficie et la superficie fourragère déclarée dans la demande d'aides excéderait 20 %, l'exploitant sera censé n'avoir gelé aucune terre au sens dudit règlement et toute prime pour les bovins sera refusée auxdits
exploitants, la réponse à cette question doit être affirmative, ce que les parties n'ont d'ailleurs pas contesté.

44 Bien que le règlement n_ 1648/95 ait atténué les sanctions applicables aux exploitants ayant surestimé de plus de 20 % leurs superficies des terres gelées, il n'a pas modifié la situation à l'égard des exploitants qui ont commis une erreur de bonne foi portant sur plus de 20 % de la superficie fourragère, de sorte que les sanctions applicables à de telles erreurs sont restées les mêmes.

45 Par conséquent, même après l'entrée en vigueur du règlement n_ 1648/95, toute prime pour les bovins est refusée aux exploitants qui surestiment leur superficie fourragère de plus de 20 %. Dès lors, la seconde partie de la quatrième question est sans objet.

46 Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de toute prime pour les bovins aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides «surfaces».

Sur la troisième question

47 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 est valide au regard, en particulier, des principes de sécurité juridique, de non-discrimination et de proportionnalité.

48 A cet égard, il convient de rappeler que, compte tenu des réponses à la première question, ainsi qu'à la première partie de la quatrième question, la validité de l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 n'est pas mise en question en ce qui concerne les exploitants ayant, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, surestimé de plus de 20 % la superficie des terres gelées déclarée dans leurs demandes d'aides. Par conséquent, la troisième question vise, en substance, à
savoir si ladite disposition est valide pour autant qu'elle impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de toute prime pour les bovins aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides «surfaces».

49 S'agissant d'abord du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme à ce principe, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1995, Allemagne/Conseil, C-426/93, Rec. p. I-3723, point 42).

50 La Cour a également précisé à maintes reprises que, s'agissant de l'évaluation d'une situation complexe, les institutions communautaires jouissent d'un large pouvoir d'appréciation. En contrôlant la légalité de l'exercice d'une telle compétence, le juge doit se limiter à examiner si elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si cette institution n'a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d'appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 29 février 1996,
France et Irlande/Commission, C-296/93 et C-307/93, Rec. p. I-795, point 31).

51 S'agissant du règlement n_ 3887/92, il ressort clairement du point 10 du présent arrêt que son objectif est d'introduire des dispositions visant à prévenir et à sanctionner de manière efficace les irrégularités et les fraudes. En outre, le but du système intégré, selon le premier considérant de ce règlement, est de permettre la mise en oeuvre efficace de la réforme de la politique agricole commune et, notamment, de résoudre les problèmes administratifs relevant de l'établissement de plusieurs
régimes d'aides liés à la superficie.

52 Il y a donc lieu d'apprécier si le système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires s'accorde avec l'importance des objectifs ainsi décrits et s'il est nécessaire pour les atteindre.

53 A cet égard, il convient de relever que la sanction instaurée, à savoir la perte du droit à la prime pour les bovins, n'est pas forfaitaire, mais est fonction de l'ampleur de l'erreur commise. Bien qu'un exploitant commettant une erreur de bonne foi fasse sa déclaration sans intention de fraude, il n'en reste pas moins que l'ampleur de son erreur est considérable. Étant donné l'existence d'un large pouvoir d'appréciation des institutions communautaires en la matière, il ne saurait être considéré
comme étant injustifié ou disproportionné d'infliger à une telle erreur une sanction dissuasive et efficace telle que celle prévue à l'article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 3887/92.

54 Au regard des particularités des différents régimes, le règlement n_ 3887/92 prévoit des sanctions échelonnées selon la gravité de l'irrégularité commise. A cet égard, même si la sanction imposée à un exploitant ayant fait une déclaration qui surestime de plus de 20 % sa superficie de terres gelées ou de terres fourragères constitue l'une des pénalités les plus lourdes établies par ce règlement, il n'en reste pas moins que des sanctions encore plus lourdes, à savoir l'exclusion du bénéfice du
régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause pour les exploitants qui ont fait une fausse déclaration par négligence grave et la perte de toute aide pendant deux ans pour ceux qui ont fait délibérément une fausse déclaration, ont été prévues par l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, et ceci quelle que soit la surestimation constatée.

55 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le régime de sanctions instauré par l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 applicable aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée de bonne foi dans la demande d'aides «surfaces» est adapté aux objectifs poursuivis et nécessaire pour les atteindre. Dès lors, cette disposition n'est pas contraire au principe de proportionnalité, dont l'importance
est, d'ailleurs, rappelée au neuvième considérant dudit règlement.

56 S'agissant ensuite du principe de sécurité juridique, la NFU fait valoir, d'une part, que l'interprétation de l'article 9, paragraphe 2, du règlement n_ 3887/92 soutenue par le MAFF est ambiguë quant au point de savoir si une surestimation de 20 % de la superficie de terres gelées entraîne ou non la perte de tous les droits aux paiements liés à la surface arable et, d'autre part, que les termes «aides liées à la surface» utilisés au deuxième alinéa ne sont pas définis.

57 Ainsi que la Cour l'a itérativement constaté, le principe de sécurité juridique constitue un principe fondamental de droit communautaire qui exige notamment qu'une réglementation imposant des charges au contribuable soit claire et précise, afin qu'il puisse connaître sans ambiguïté ses droits et ses obligations et prendre ses dispositions en conséquence (arrêt du 13 février 1996, Van Es Douane Agenten, C-143/93, Rec. p. I-431, point 27).

58 Même si le règlement n_ 3887/92 présente des difficultés d'interprétation, il n'en résulte pas pour autant qu'il viole le principe de sécurité juridique. D'une part, ces difficultés sont dues à la complexité de la matière en cause et, d'autre part, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 104 de ses conclusions, une lecture attentive du règlement permet de saisir le sens et les conséquences de l'application de ses dispositions qui sont destinées à des professionnels en la matière.

59 Eu égard à ces considérations, il y a donc lieu de constater que l'article 9 du règlement n_ 3887/92 ne viole pas le principe de sécurité juridique.

60 S'agissant enfin du principe de non-discrimination, la NFU fait valoir que, en traitant de la même manière, d'une part, les erreurs commises de bonne foi surestimant de plus de 20 % la superficie fourragère ou la superficie des terres gelées et, d'autre part, les fausses déclarations commises par négligence grave ou de façon délibérée par des exploitants, l'article 9 du règlement n_ 3887/92 viole ce principe.

61 Il est de jurisprudence constante que le principe de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu'un tel traitement soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 1995, SCAC, C-56/94, Rec. p. I-1769, point 27).

62 Il ressort clairement de l'article 9, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n_ 3887/92 qu'aucune aide liée à la superficie n'est octroyée si l'exploitant a, dans sa déclaration, surestimé de plus de 20 % sa superficie de terres gelées ou de terres arables, ou si l'éleveur a surestimé de plus de 20 % sa superficie fourragère. En revanche, conformément à l'article 9, paragraphe 2, troisième alinéa, dudit règlement, et ainsi qu'il ressort du point 54 du présent arrêt, des exploitants ayant
fait une fausse déclaration délibérément ou par négligence grave sont, en tout état de cause, exclus du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause et, dans le cas d'une fausse déclaration faite délibérément, ils sont même exclus du régime d'aides au titre de l'année civile suivante. Ces sanctions s'imposent quelle que soit la surestimation constatée entre les superficies déclarées et celles constatées lors d'un contrôle.

63 Par conséquent, il y a lieu de constater que les sanctions respectivement imposées, d'une part, aux exploitants ayant, dans leur déclaration, surestimé de plus de 20 % leur superficie de terres gelées ou de terres arables, ou aux éleveurs ayant, dans leur déclaration, surestimé de plus de 20 % leur superficie fourragère et, d'autre part, aux exploitants ayant fait une fausse déclaration délibérément ou par négligence grave sont différentes, en sorte que l'article 9, paragraphes 2 à 4, du
règlement n_ 3887/92 ne viole pas le principe de non-discrimination.

64 Il y a donc lieu de constater que l'examen de l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 n'a pas révélé d'éléments de nature à mettre en cause sa validité au regard des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de non-discrimination.

Sur la cinquième question

65 Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 est valide pour autant qu'il inflige, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique, c'est-à-dire une superficie consacrée à une certaine culture arable, à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande
d'aides.

66 Il y a lieu de constater que, tandis que la troisième question concerne la validité de la suppression de toute prime pour les bovins en raison d'une surestimation de la superficie fourragère et de tout paiement lié aux surfaces arables à cause d'une surestimation de la superficie mise en jachère, la cinquième question concerne l'hypothèse dans laquelle un exploitant a surestimé de plus de 20 % une superficie de culture arable spécifique et a, de ce fait, été privé de tout paiement au titre de
cette culture.

67 A cet égard, il suffit de relever que, pour les mêmes raisons que celles mentionnées aux points 51 à 64 du présent arrêt, l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 ne viole pas les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de non-discrimination pour autant qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être
inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides.

68 Il y a donc lieu de répondre à la cinquième question que l'examen du règlement n_ 3887/92 n'a pas révélé d'éléments de nature à mettre en cause la validité de l'article 9, paragraphes 2 à 4, de ce règlement pour autant qu'il inflige, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande
d'aides.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

69 Les frais exposés par le gouvernement du Royaume-Uni et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par la High Court of Justice, Queen's Bench Division, par ordonnance du 31 octobre 1995, dit pour droit:

1) L'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement (CEE) n_ 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, avant l'entrée en vigueur du règlement (CE) n_ 1648/95 de la Commission, du 6 juillet 1995, doit être interprété en ce sens qu'il impose,en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de tout paiement lié aux surfaces arables lorsque l'écart
entre la superficie des terres gelées déclarée et celle déterminée lors d'un contrôle par les autorités compétentes dépasse 20 %. Toutefois, à la lumière des articles 1er, paragraphe 2, et 2, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n_ 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, énonçant que les modifications ultérieures des dispositions communautaires instituant des sanctions moins sévères doivent s'appliquer de manière
rétroactive, les modifications apportées à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92 par le règlement n_ 1648/95 s'appliquent aux faits survenus avant son entrée en vigueur. Par conséquent, le calcul de la superficie maximale donnant droit aux paiements compensatoires pour les producteurs de cultures arables doit être effectué, conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement n_ 3887/92, tel que modifié par le règlement n_ 1648/95, sur la base de la superficie gelée effectivement
déterminée et au prorata des différentes cultures.$

2) L'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 doit être interprété en ce sens qu'il impose, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la suppression de toute prime pour les bovins aux exploitants dont la superficie fourragère effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides «surfaces».$

3) L'examen de l'article 9, paragraphes 2 à 4, du règlement n_ 3887/92 n'a pas révélé d'éléments de nature à mettre en cause sa validité au regard des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de non-discrimination.

4) L'examen du règlement n_ 3887/92 n'a pas révélé d'éléments de nature à mettre en cause la validité de l'article 9, paragraphes 2 à 4, de ce règlement pour autant qu'il inflige, en l'absence d'intention délibérée ou de négligence grave, la perte de l'intégralité du paiement lié à une superficie spécifique à un exploitant dont la superficie effectivement déterminée s'avère être inférieure de plus de 20 % à celle déclarée dans la demande d'aides.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-354/95
Date de la décision : 17/07/1997
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice, Queen's Bench Division - Royaume-Uni.

Politique agricole commune - Règlement (CEE) nº 3887/92 - Système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires - Modalités d'application - Interprétation et validité des sanctions.

Ressources propres

Viande bovine

Dispositions financières

Agriculture et Pêche

Structures agricoles


Parties
Demandeurs : The Queen
Défendeurs : Minister for Agriculture, Fisheries and Food, ex parte, National Farmers' Union e.a..

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1997:379

Source

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