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27/05/1997 | CJUE | N°C-367/95

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 27 mai 1997., Commission des Communautés européennes contre Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink's France SARL., 27/05/1997, C-367/95


Avis juridique important

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61995C0367

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 27 mai 1997. - Commission des Communautés européennes contre Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink's France SARL. - Pourvoi - Aides d'État - Plainte d'un concurrent - O

bligations de la Commission relatives à l'examen d'une plainte et à la m...

Avis juridique important

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61995C0367

Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 27 mai 1997. - Commission des Communautés européennes contre Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink's France SARL. - Pourvoi - Aides d'État - Plainte d'un concurrent - Obligations de la Commission relatives à l'examen d'une plainte et à la motivation du rejet de celle-ci. - Affaire C-367/95 P.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01719

Conclusions de l'avocat général

A - Introduction

1 La présente procédure a pour objet le pourvoi formé par la Commission contre l'arrêt rendu par le Tribunal de première instance (ci-après le «Tribunal») le 28 septembre 1995 dans l'affaire T-95/94 (1). Par cet arrêt, le Tribunal avait annulé une décision de la Commission, du 31 décembre 1993, concernant des aides que la poste française (ci-après la «poste») aurait accordées à une entreprise de son groupe.

2 Les faits qui sont à l'origine de cette décision sont décrits comme suit dans l'arrêt attaqué:

«1 Jusqu'en 1987, la poste française (ci-après `poste') a assuré, au moyen de ses services internes, le transport de ses fonds et valeurs. En 1986, la poste a décidé d'exercer un certain nombre de ses activités par l'intermédiaire de sociétés à forme commerciale. C'est ainsi que, le 16 décembre 1986, la Société holding des filiales de la poste (ci-après `Sofipost'), contrôlée à 99 % par l'État français, a été constituée.

2 Le 16 avril 1987, Sofipost a créé Sécuripost SA (ci-après `Sécuripost') qu'elle contrôle à 99,92 %. Cette société a pour objet le transport de fonds sécurisé, le gardiennage et la protection, ainsi que la surveillance. La poste a détaché plus de 220 fonctionnaires auprès de Sécuripost.

3 Par convention privée datée du 28 septembre 1987, la poste a confié à Sécuripost les activités dans les domaines précisés ci-dessus, qu'elle réalisait elle-même auparavant. Sécuripost devait ensuite élargir sa clientèle et ses activités.

4 Le 30 septembre 1987, un accord-cadre a été conclu entre le ministre des Postes et Télécommunications (ci-après `P. et T.') et Sécuripost.

5 A la fin de l'année 1987, Sofipost a concédé une avance de 5 000 000 FF à Sécuripost. Ce prêt-avance a été incorporé au capital au cours du premier semestre 1988.

6 Le 1er janvier 1988, Sofipost a réalisé une augmentation du capital de Sécuripost, constituée, d'une part, de l'apport de la valeur nette de la branche d'activités transport de fonds filialisée de la poste, évaluée à 19 225 000 FF, et, d'autre part, d'un apport en numéraire de 9 775 000 FF.

7 Dans le courant de l'année 1989, Sofipost a concédé à Sécuripost un second prêt-avance de 15 000 000 FF, qui aurait été consenti au taux bancaire de base majoré d'un demi point» (2).

3 Le 4 septembre 1989, plusieurs entreprises et associations d'entreprises françaises ont saisi la Commission de deux demandes d'ouverture d'une procédure sur la base des articles 85, 86 et 90 du traité CE, d'une part, et des articles 92 et 93 du même traité, d'autre part. Parmi les auteurs de ces demandes figuraient la Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink's France SARL (ci-après collectivement désignées les «plaignantes»).

4 La présente procédure ne concerne que la demande fondée sur les articles 92 et 93 du traité.

5 Le 14 mars 1990, la Commission a invité le gouvernement français à prendre position sur cette plainte. Le gouvernement français a répondu par lettre du 3 mai 1990.

6 Le 28 juin 1991, la Commission a fait savoir aux plaignantes que leur plainte «soulève plusieurs questions de principe importantes, nécessitant, en l'occurrence, un examen approfondi de la part des services concernés de la Commission».

7 Le 9 octobre 1991, la Commission a encore indiqué aux plaignantes que leur dossier «paraît particulièrement complexe, nécessitant de nombreuses analyses techniques de la copieuse documentation produite tant par les plaignantes que par les autorités françaises ... S'il n'a pas été possible d'en finaliser l'instruction dans le délai [qu'elle leur] indiquai[t] dans [sa] lettre du 28 juin 1991, c'est à cause de la complexité du dossier et de la nécessité qui en dérive d'aboutir à une décision tenant
compte de tous les intérêts en présence» (3).

8 Le 5 février 1992, la Commission a adopté une décision dans laquelle elle exposait que si, selon ses constatations, «Sécuripost a assurément reçu le soutien de la maison mère et de l'État à l'occasion de sa constitution et de son installation dans le marché, il n'est pas possible de conclure à l'existence d'aides d'État selon les termes précisés à l'article 92, paragraphe 1, du traité». A cet égard, elle a notamment indiqué «que les circonstances donnant lieu, prima facie, à des aides tombant sous
l'article 92.1 ont été formellement démenties - le cas échéant, preuve documentaire à l'appui - par les autorités françaises» (4).

9 Le 13 avril, les plaignantes ont introduit contre cette décision un recours en annulation au titre de l'article 173 du traité. Ce recours est devenu sans objet dès lors que la Commission avait retiré, le 22 juin 1992, sa décision du 5 février 1992.

10 Le 24 juillet 1992, les plaignantes ont complété la plainte qu'elles avaient introduite auprès de la Commission.

11 Le 21 janvier 1993, la Commission les a informées qu'elle avait inscrit au registre des aides non notifiées, sous le numéro NN 5/93, les mesures prises par le gouvernement français à l'égard de Sécuripost.

12 Le 26 mars 1993, le gouvernement français a autorisé Sofipost à transférer au secteur privé la propriété de Sécuripost. Les plaignantes ont alors introduit, le 22 avril 1993, un nouveau complément de plainte. La Commission les a informées le 5 mai 1993 qu'elle avait décidé de séparer l'instruction de l'affaire en deux parties, celle antérieure à la privatisation et celle postérieure à celle-ci.

13 Le 11 octobre 1993, les plaignantes ont mis la Commission en demeure, en application de l'article 175 du traité, d'adopter une décision à la suite du dépôt de leur plainte du 4 septembre 1989 (5).

14 Le 31 décembre 1993, la Commission - représentée par son membre chargé des questions de concurrence - a adressé au gouvernement français une brève lettre l'informant qu'elle avait décidé de clore l'enquête ouverte à la suite de la plainte susmentionnée, les informations en sa possession permettant de conclure qu'il n'y avait pas d'aides étatiques au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Elle a toutefois souligné en même temps que cette décision ne s'étendait pas aux mesures prises depuis
1992 dans le cadre de la privatisation de Sécuripost (6).

15 Le même jour, la Commission - toujours représentée par son membre chargé des questions de concurrence - a adressé aux plaignantes une lettre circonstanciée prenant position sur les arguments développés par celles-ci et exposant que l'enquête à laquelle elle avait procédé ne permettait pas de conclure en l'espèce à l'existence d'aides étatiques au sens de l'article 92 du traité. Les affirmations en ce sens des plaignantes devaient en conséquence être rejetées. La Commission a dès lors décidé de
clore l'enquête ouverte à la suite de la plainte. Elle a toutefois souligné en même temps que cette décision ne s'étendait pas aux mesures prises depuis 1992 dans le cadre de la privatisation de Sécuripost (7).

16 C'est dans ces circonstances que les plaignantes ont introduit devant le Tribunal un recours visant à faire «annuler la décision de la Commission du 31 décembre 1993 avec toutes les conséquences de droit» (8).

17 Les plaignantes ont invoqué quatre moyens à l'appui de leur recours:

«Le premier est pris de la violation de l'article 93, paragraphe 2, du traité, en ce que la Commission aurait décidé à tort, eu égard aux circonstances de l'espèce, de ne pas ouvrir la procédure prévue par cette disposition. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense des requérantes, en ce que la Commission aurait retenu dans sa décision - qui ferait grief aux requérantes - des documents qui ne leur ont pas été communiqués, comme les observations du gouvernement français. Le
troisième moyen est pris de la violation de l'article 190 du traité CE, en ce que la Commission aurait omis de répondre dans la décision attaquée aux griefs formulés par les requérantes dans leur plainte, relatifs aux aides que constitueraient (1) le détachement de personnel administratif de la poste auprès de Sécuripost, (2) la mise à la disposition de cette dernière de locaux de la poste, (3) l'approvisionnement en carburant et l'entretien de véhicules à des conditions excessivement favorables et
(4) le prêt de 15 000 000 FF consenti par Sofipost à Sécuripost à un taux préférentiel. Le quatrième moyen est tiré de l'existence d'erreurs manifestes d'appréciation concernant (1) le traitement, dans la décision, de l'augmentation du capital de Sécuripost de 9 775 000 FF, (2) les avances sur commandes consenties par la poste au profit de cette dernière et (3) les tarifs et garanties anormaux pratiqués à son égard par la poste» (9).

18 Le Tribunal a estimé que, au vu des pièces du dossier, il convenait «de concentrer son examen sur les troisième et quatrième moyens confondus, tirés de la violation de l'article 190 du traité et de l'erreur manifeste d'appréciation» (10).

19 A cet égard, le Tribunal a considéré que l'acte attaqué était une décision «qui rejette la demande des requérantes de voir constater par la Commission que la République française a enfreint les articles 92 et 93 du traité en octroyant des aides à Sécuripost» (11).

20 En examinant la portée de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité, le Tribunal a souligné qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'«un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation comme celui portant sur l'examen de la compatibilité de mesures nationales d'ores et déjà qualifiées d'aides d'État, examen qui relève de la compétence exclusive de la Commission ... mais [d']un contrôle de l'interprétation et de l'application de la notion d'aide d'État visée à l'article 92 du
traité, opérées par la Commission en vue de déterminer si les mesures nationales dénoncées par les requérantes doivent ou non être qualifiées d'aides d'État» (12).

21 Le Tribunal poursuit en indiquant que ce contrôle doit tenir compte également du contexte de la décision. A cet égard, le Tribunal relève quatre points. En premier lieu, il constate que plus de 51 mois ont été nécessaires à la Commission pour traiter la plainte déposée le 4 septembre 1989. Durant ce laps de temps, elle a pris deux décisions (celle du 5 février 1992 et la décision attaquée), séparées d'un intervalle de plus de 22 mois. En deuxième lieu, la Commission a précisé, dans la
correspondance avec les plaignantes, que leur plainte soulevait plusieurs questions de principe importantes nécessitant un examen approfondi. En troisième lieu, le Tribunal constate que la Commission a retiré sa première décision du 5 février 1992 à la suite du recours en annulation dont elle avait fait l'objet de la part des plaignantes, alors même que ce recours se limitait à reprendre les différents griefs déjà avancés, sans soulever de nouveaux griefs. Enfin, et en quatrième lieu, le Tribunal
relève que la Commission a inscrit les mesures litigieuses dans le registre des aides non notifiées. Par ailleurs, ajoute le Tribunal, dans sa lettre au gouvernement français du 31 décembre 1993, la Commission a regretté qu'aucune de ces mesures n'ait fait l'objet d'une notification préalable au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité. «A la lumière des constatations qui précèdent, il convient de rechercher si, en l'espèce, la motivation de la décision attaquée peut supporter la conclusion
que les mesures dénoncées par les requérantes ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 92 du traité» (13).

22 En ce qui concerne (1) le personnel administratif détaché par la poste, le Tribunal constate que, dans sa décision, la Commission s'est totalement abstenue d'examiner l'avantage particulier, dénoncé par les plaignantes, consistant dans le fait que les collaborateurs en question peuvent, en cas de besoin, être réaffectés à leur administration d'origine sans que Sécuripost ait à payer une quelconque indemnité de préavis ou de licenciement. En outre, le Tribunal relève que la Commission a constaté
que Sécuripost n'acquittait, pour ces collaborateurs, aucune cotisation aux caisses d'assurance chômage, sans toutefois fournir d'explication sur les raisons pour lesquelles cela ne devrait pas être considéré comme une aide d'État. Selon le Tribunal, il s'agit là d'une violation de l'article 190 (14).

23 En ce qui concerne (2) les locaux mis à la disposition de Sécuripost, le Tribunal constate que la Commission s'est bornée à indiquer que cette mise à disposition n'intervenait pas à titre gratuit - comme l'avait affirmé la plainte -, mais que Sécuripost était tenue de payer un loyer. Toutefois, selon le Tribunal, la Commission n'a fourni aucune précision quant au montant de ce loyer et ne l'a pas comparé à ce que doivent payer des concurrents dans une situation comparable. Cela constitue, selon
le Tribunal, un défaut de motivation. En outre, dès lors que la Commission décide de rejeter une plainte sans permettre au plaignant de se prononcer, avant l'adoption de la décision définitive, sur les éléments recueillis dans le cadre de son enquête, «elle a l'obligation d'examiner d'office les griefs que n'aurait pas manqué de soulever le plaignant s'il avait pu prendre connaissance de ces éléments». En conséquence, le Tribunal considère que, sur ce point également, la motivation de la décision
fait défaut (15).

24 En ce qui concerne (3) les approvisionnements en carburant, le Tribunal considère que c'est «à bon droit» que la Commission s'est ralliée, dans sa décision, aux explications fournies par le gouvernement français. En revanche, il estime que la motivation de la décision en ce qui concerne l'entretien des véhicules de Sécuripost est insuffisante, puisque la Commission s'est bornée à se référer au système de facturation appliqué à cet égard, sans examiner «si les tarifs pratiqués révélaient ou non
l'existence d'une aide d'État» (16).

25 Pour ce qui est (4) des prêts octroyés par Sofipost à Sécuripost, le Tribunal considère que c'est «à bon droit» que la Commission s'est ralliée aux explications fournies par le gouvernement français en ce qui concerne le prêt de 5 000 000 FF (17). En revanche, la motivation donnée en ce qui concerne l'avance de 15 000 000 FF est, selon le Tribunal, insuffisante, puisque la Commission s'est contentée de constater qu'il s'agissait d'une opération payante. Or, le Tribunal estime que, même dans un
pareil cas, on peut se trouver en présence d'une aide (18).

26 Le Tribunal relève ensuite que les plaignantes reprochent à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne les prix pratiqués par Sécuripost à l'égard de la poste. Sur ce point, le Tribunal estime que la Commission, dans le cadre de la comparaison à laquelle elle a procédé entre ces prix et ceux pratiqués par Sécuripost à l'égard d'un tiers, s'est limitée à l'année 1993, sans cependant le justifier ni le préciser. En l'absence de précisions relatives aux prix
correspondants pour les années 1987 à 1992, le Tribunal considère qu'il ne dispose pas d'éléments suffisants pour contrôler le bien-fondé de la décision attaquée et qu'il est nécessaire pour lui de soulever d'office ce défaut de motivation (19).

27 Le Tribunal fait ensuite état des difficultés de preuve éprouvées fréquemment par les plaignants dans de tels cas. Selon lui, les circonstances de l'espèce «renforcent l'obligation de motivation» incombant à la Commission (20).

28 Enfin, le Tribunal expose que l'obligation pour la Commission de motiver ses décisions peut «requérir, dans certaines circonstances, l'engagement d'un débat contradictoire avec le plaignant dès lors que, pour justifier à suffisance de droit son appréciation de la nature d'une mesure qualifiée par le plaignant d'aide d'État, la Commission a besoin de connaître la position de celui-ci sur les éléments qu'elle a recueillis dans le cadre de son instruction ... Dans de telles circonstances, cette
obligation constitue le prolongement nécessaire de l'obligation qui incombe à la Commission d'assurer un traitement diligent et impartial de l'instruction du dossier en s'entourant de tous les avis nécessaires» (21).

29 Le Tribunal déduit de ces considérations que la décision attaquée doit être annulée, sa motivation «ne pouvant supporter la conclusion que les mesures dénoncées par les requérantes ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 92 du traité» (22).

30 C'est contre cet arrêt que la Commission a introduit un pourvoi, dans lequel elle conclut à ce qu'il plaise à la Cour annuler l'arrêt attaqué et tirer de cette annulation toutes conséquences de droit, et en particulier renvoyer l'affaire devant le Tribunal afin qu'il soit statué sur le fond et condamner les parties requérantes aux dépens (23). Sont intervenus au soutien de ce pourvoi le royaume des Pays-Bas, la République fédérale d'Allemagne, le royaume d'Espagne et la République française (qui
était déjà intervenue devant le Tribunal au soutien des conclusions de la Commission). En revanche, les requérantes dans la procédure devant le Tribunal n'ont pas participé à la procédure de pourvoi devant la Cour.

B - Analyse juridique

I - Remarque préliminaire

31 Pour l'examen du pourvoi, il faut tenir compte du fait que le Tribunal a fondé l'annulation de la décision de la Commission sur plusieurs considérations. Le pourvoi ne pourrait dès lors être accueilli que si toutes ces considérations comportaient des erreurs de droit et que l'arrêt du Tribunal ne pouvait apparaître justifié également par d'autres motifs.

II - Règles communautaires en matière d'aides d'État

32 Pour la compréhension des problèmes soulevés par la présente affaire, il est nécessaire de décrire brièvement, à titre liminaire, les règles du traité applicables aux aides d'État et notamment les attributions de la Commission dans ce domaine. La Cour a récemment analysé ces règles dans l'arrêt qu'elle a rendu dans l'affaire C-39/94 (24) - concernant également la poste -, où elle a déclaré ce qui suit:

«35 L'article 92, paragraphe 1, du traité stipule que `Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions'.

36 Cette interdiction de principe des aides d'État n'est ni absolue ni inconditionnelle puisque notamment l'article 92, paragraphe 3, accorde à la Commission un large pouvoir d'appréciation en vue d'admettre des aides par dérogation à l'interdiction générale dudit paragraphe 1. L'appréciation, dans ces cas, de la compatibilité ou de l'incompatibilité avec le marché commun d'une aide d'État soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l'appréciation de faits et circonstances
économiques complexes et susceptibles de se modifier rapidement (arrêt du 14 février 1990, dit `Boussac', France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 15).

37 Pour ce motif, le traité a prévu, en son article 93, une procédure spéciale organisant l'examen permanent et le contrôle des aides par la Commission. En ce qui concerne les aides nouvelles que les États membres auraient l'intention d'instituer, il est établi une procédure préalable sans laquelle aucune aide ne saurait être considérée comme régulièrement instaurée. En vertu de l'article 93, paragraphe 3, première phrase, du traité, les projets tendant à instituer ou à modifier des aides doivent
être notifiés à la Commission préalablement à leur mise en oeuvre.

38 Celle-ci procède alors à un premier examen des aides projetées. Si, au terme de cet examen, il lui apparaît qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, elle ouvre sans délai la procédure d'examen contradictoire prévue à l'article 93, paragraphe 2. Il ressort de l'article 93, paragraphe 3, dernière phrase du traité que, tout au long de la phase préliminaire, l'État membre concerné ne peut mettre à exécution le projet d'aide. En cas d'ouverture de la procédure d'examen contradictoire,
cette interdiction subsiste jusqu'à l'adoption de la décision de la Commission sur la compatibilité du projet d'aide avec le marché commun (voir arrêt du 30 juin 1992, Italie/Commission, C-47/91, Rec. p. I-4145, point 24). En revanche, si la Commission n'a pas réagi dans les deux mois de la notification, l'État membre concerné peut alors mettre à exécution le projet d'aide après en avoir averti la Commission (arrêt du 11 décembre 1973, Lorenz, 120/73, Rec. p. 1471, point 4).»

33 La Commission est tenue d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, non seulement si, à la suite d'un premier examen, elle considère l'aide comme contraire au traité, mais dès qu'elle «éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un
premier examen, que cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2» (25).

34 L'interdiction édictée à l'article 93, paragraphe 3, troisième phrase, a un effet direct. Cela signifie que, dans le cas d'une mesure d'aide mise à exécution sans avoir été notifiée à la Commission, les intéressés peuvent se prévaloir de cette disposition devant les juridictions nationales (26). En présence d'une telle situation, les juridictions nationales doivent garantir aux personnes intéressées «que toutes les conséquences en seront tirées, conformément à leur droit national, tant en ce qui
concerne la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d'aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition ou d'éventuelles mesures provisoires» (27).

35 Dans ce contexte, une juridiction nationale peut être amenée à interpréter la notion d'aide, visée à l'article 92, «afin d'être à même de déterminer si une mesure étatique instaurée sans tenir compte de la procédure d'examen préliminaire établie par l'article 93, paragraphe 3, devait ou non y être soumise». En effet, si la Commission est seule compétente - sous le contrôle de la Cour - pour apprécier la compatibilité d'une aide avec le marché commun, il n'en va pas de même pour la réponse à la
question de savoir si l'on se trouve ou non en présence d'une aide. En cas de doute, la juridiction nationale peut demander à la Commission des éclaircissements sur ce point. En outre, la juridiction nationale peut ou doit, conformément à l'article 177 du traité, poser une question préjudicielle à la Cour sur l'interprétation de l'article 92 (28).

III - Nature juridique de la décision attaquée de la Commission

36 Comme nous l'avons déjà mentionné, le Tribunal a, dans son arrêt, considéré l'acte attaqué comme une décision ayant rejeté une demande de voir constater que la République française avait enfreint les articles 92 et 93 du traité en octroyant des aides à Sécuripost (29).

37 Cette interprétation est critiquée tant par la Commission que par les États membres qui sont intervenus au soutien des conclusions de celle-ci.

38 La Commission fait valoir que la décision dont il s'agit en l'espèce était contenue dans sa lettre à la République française du 31 décembre 1993. Selon elle, les plaignantes ont seulement été informées, dans la lettre qui leur a été adressée le même jour, de l'adoption de cette décision. En se référant à l'opinion exprimée par l'avocat général M. Tesauro dans l'affaire Cook/Commission (30), la Commission estime que, dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 93, la seule décision qu'elle
est amenée à prendre consiste à statuer sur la compatibilité d'une aide avec le traité. En revanche, selon elle, on ne saurait concevoir une décision autonome et particulière par laquelle la plainte d'un concurrent du bénéficiaire de l'aide serait rejetée.

39 Le gouvernement français se rallie à la thèse de la Commission selon laquelle il s'agit en l'espèce d'une décision de la Commission dont il était le destinataire et non d'une décision par laquelle la demande des plaignantes a été rejetée. Le gouvernement néerlandais est d'avis que, selon le système résultant des dispositions du traité, seules sont possibles les décisions de la Commission ayant pour destinataires les États membres. Le gouvernement espagnol estime lui aussi que, dans ce domaine,
seul l'État membre concerné peut être considéré comme le destinataire d'une décision de la Commission. Les développements du gouvernement allemand - qui n'aborde pas expressément cette question - semblent également exclure la possibilité d'une décision ayant pour destinataires les plaignantes.

40 A titre liminaire, il convient de souligner - comme l'a d'ailleurs fait le Tribunal dans son arrêt (31) - «que ni le traité ni la législation communautaire n'ont défini le régime procédural des plaintes dénonçant l'existence d'aides d'État». En effet, le Conseil n'a pas encore fait usage, à cet égard, de la faculté, prévue à l'article 94 du traité, de «prendre tous règlements utiles en vue de l'application des articles 92 et 93». Ce domaine du droit se distingue sur ce point de celui des articles
85 et 86 du traité. On sait que le règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962 (32), visant à l'application de ces dispositions, prévoit en son article 3 que, outre les États membres, les «personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime» peuvent, elles aussi, demander à la Commission de constater une infraction aux dispositions des articles 85 et 86 et d'obliger les intéressés à mettre fin à l'infraction constatée. Si une telle plainte est rejetée par la Commission, cette
décision peut faire l'objet d'un recours en annulation de la part des plaignants (33).

41 L'absence de dispositions correspondantes ne signifie certes pas qu'il ne serait pas possible, en matière d'aides d'État, de s'adresser à la Commission au moyen d'une plainte. Il résulte au contraire indiscutablement du principe de bonne administration que la Commission est tenue d'examiner toutes les plaintes dont elle est saisie contre des aides - réelles ou supposées. Si elle parvient, dans le cadre d'un premier examen au titre de l'article 93, paragraphe 3, à la conclusion que l'aide est
contraire au traité ou si elle ne peut surmonter à cet égard toutes les difficultés, elle est tenue - comme nous l'avons déjà mentionné (34) - d'ouvrir la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2. Dans le cadre de cette procédure, la Commission doit mettre les «intéressés» en mesure de présenter leurs observations. Parmi ces intéressés se trouvent, outre les entreprises favorisées par l'aide, «les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par
l'octroi de l'aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles» (35).

42 Si, en revanche, la Commission parvient à la conclusion qu'il n'y a pas lieu d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, le plaignant n'est pas, là non plus, sans défense. En effet, lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, la Commission constate, sur le fondement de l'article 93, paragraphe 3, qu'une aide est compatible avec le marché commun, cette décision peut faire l'objet, selon la jurisprudence récente, d'un recours au titre de l'article 173 de la
part des «intéressés» visés à l'article 93, paragraphe 2 (36). Comme la Cour l'a exposé à juste titre dans sa motivation, ce n'est que de cette façon que ces personnes peuvent obtenir le respect des garanties de procédure que leur confère l'article 93, paragraphe 2 (37).

43 Ces principes s'appliquent non seulement dans les cas où la Commission refuse l'ouverture de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, au motif qu'elle est parvenue à la conclusion qu'une aide était indiscutablement compatible avec le marché commun, mais aussi lorsque, à son avis, l'existence même d'une aide doit être écartée (38). La Commission s'est, elle aussi, prononcée dans ce sens dans la présente affaire.

44 Dans chacun desdits arrêts, la Cour a considéré que le contenu de la décision de la Commission était constitué par le refus d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (39). Dans ces arrêts, elle est en outre partie du principe que c'est l'État membre concerné, et non le plaignant, qui était le destinataire de la décision attaquée (40). La Cour a dès lors recherché, dans chacun de ces cas, si le plaignant était concerné directement et individuellement par la décision. Dans la
présente affaire, il se pose donc la question de savoir si l'hypothèse retenue par le Tribunal, selon laquelle l'acte attaqué constitue une décision ayant pour destinataires les plaignantes et portant rejet de leur plainte, est compatible avec cette jurisprudence.

45 Nous sommes d'avis qu'il y a lieu de répondre à cette question par l'affirmative. En ce qui concerne, tout d'abord, la formulation choisie par le Tribunal, il convient de rappeler que la Cour elle-même s'est exprimée de façon très semblable dans l'affaire Irish Cement/Commission, jugée en 1988. Dans cette affaire également, il s'agissait d'une lettre adressée par la Commission à une entreprise qui s'était plainte d'une aide accordée à un concurrent. La Cour a déclaré, dans ce contexte: «La lettre
du 14 mai 1985 constitue donc une décision prise par la Commission rejetant la plainte concernant l'aide accordée à SQQL» (41). La Cour a fait observer, dans cet arrêt, que la plainte ne pouvait avoir d'autre finalité que l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2 (42). Dans ces conditions, la qualification concrète que l'on choisit de donner à une telle décision ne nous semble pas revêtir une grande importance.

46 En revanche, il convient d'accorder plus de poids à l'objection selon laquelle le destinataire d'une telle décision de la Commission ne peut être qu'un État membre. Il semble effectivement logique qu'une décision de la Commission statuant sur une aide accordée par un État membre ait, en principe, justement cet État membre pour destinataire. Cela vaut également lorsque, comme en l'espèce, la Commission est entrée en action sur la base d'une plainte et est parvenue à la conclusion que l'ouverture
de la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2, n'était pas nécessaire. Si la Commission adopte une telle décision et en informe le plaignant dans une lettre, celui-ci ne peut naturellement pas attaquer cette lettre, mais seulement la décision elle-même, et encore uniquement si les conditions visées à l'article 173, quatrième alinéa, sont remplies. C'est un tel cas de figure que l'on rencontre dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Cook/Commission et Matra/Commission (43).

Si l'on examine maintenant les autres arrêts de la Cour quant à la possibilité qu'une telle décision ait pour destinataire le plaignant, on constate que cette possibilité est bel et bien évoquée. Toutefois, on ne peut affirmer en toute certitude que la Cour l'ait jusqu'à présent effectivement reconnue. Cela vaut également pour l'arrêt Irish Cement/Commission, susmentionné. Dans cette affaire, le recours n'était pas dirigé contre la décision de la Commission «rejetant la plainte», mais contre une
lettre ultérieure qui, de l'avis de la Cour, ne faisait que confirmer cette décision (laquelle était entre-temps devenue définitive). La Cour a donc rejeté le recours comme irrecevable en laissant expressément ouverte la question de savoir si le plaignant était «directement et individuellement concerné» par la «décision» (éventuelle) contenue dans la deuxième lettre (44). On ne peut donc savoir avec certitude si, selon la Cour, la décision contenue dans la première lettre avait effectivement pour
destinataire le plaignant. Quelques années plus tard, dans l'arrêt CIRFS e.a./Commission, également susmentionné, la Cour a interprété une lettre comparable de la Commission aux plaignants comme constituant la communication d'une décision ayant pour destinataire la République française, par laquelle la Commission refusait d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2 (45).

47 Nous sommes cependant d'avis que l'on ne devrait pas exclure la possibilité qu'une telle décision ait pour destinataire direct le plaignant. Le texte du traité n'impose pas de conclure qu'une décision de la Commission portant refus d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 3, ne peut intervenir qu'à l'égard de l'État membre ayant pris la mesure d'aide concernée. Sur ce point, nous ne pouvons nous rallier à la thèse soutenue par l'avocat général M. Tesauro dans l'affaire
Cook/Commission, selon laquelle la Commission ne peut répondre à une plainte «qu'après avoir statué sur la compatibilité, et la réponse ne pourra avoir pour contenu que la simple communication de la décision relative à la compatibilité» (46).

48 Il est certes exact que l'objet de la procédure devant la Commission porte sur la légalité du comportement de l'tat membre (47). Il convient toutefois d'observer que, dans des cas comme celui de l'espèce, l'État membre joue, dans la procédure, un rôle très limité par rapport à celui du plaignant. La République française n'a pas notifié la mesure litigieuse à la Commission et n'a donc pas sollicité de décision de la part de cette dernière. C'étaient au contraire les plaignantes qui, par leur
plainte, ont déclenché l'enquête. Comme nous l'avons déjà mentionné, la jurisprudence récente confère à un plaignant qui fait partie des intéressés visés à l'article 93, paragraphe 2, le droit de former un recours contre une décision de la Commission refusant d'ouvrir la procédure prévue dans cet article. Cela implique - comme nous devrons encore le montrer - l'obligation pour la Commission de motiver sa décision. La question de savoir si la Commission a satisfait en l'espèce à cette obligation se
trouve au centre des énonciations de l'arrêt attaqué. Il convient toutefois de souligner dès à présent que, dans sa lettre aux plaignantes du 31 décembre 1993, la Commission a exposé en détail les motifs de sa décision, ce qu'elle n'a pas fait dans sa lettre à la République française en date du même jour (48). Or, si l'on suppose que la décision de la Commission était contenue, en l'espèce, dans sa lettre à la République française, on peut difficilement échapper à la conclusion que cette décision ne
contient pas de motivation suffisante. Si, en revanche, la décision est contenue dans la lettre de la Commission aux plaignantes, rien n'indique, à notre avis, qu'il se serait agi (contrairement à ce que l'on aurait pu penser à première vue) d'une décision ayant pour destinataire la République française. La lettre aux plaignantes n'était accompagnée d'aucune copie de la lettre à la République française. Il apparaît au demeurant que cette dernière lettre n'est même pas mentionnée dans la lettre aux
plaignantes. La thèse selon laquelle les plaignantes n'ont reçu, en l'espèce, que la communication d'une décision intervenue par ailleurs nous apparaît donc éloignée de la réalité. Une telle interprétation sonnerait faux. La Commission a d'ailleurs elle-même admis qu'il s'est agi, en l'espèce, d'une «présentation malheureuse» de sa décision.

49 Ce qui nous apparaît donc le plus proche de la réalité, c'est d'interpréter la lettre de la Commission comme l'a fait le Tribunal. Il convient à notre avis de reconnaître à la Commission la faculté d'adresser des décisions du type de celle en cause directement au plaignant. N'oublions pas, en effet, que ce sont essentiellement les arguments du plaignant que la Commission analyse dans une telle décision. En outre, c'est principalement le plaignant qui est intéressé par cette décision, car il peut
avoir, à la différence de l'État membre concerné, un intérêt à l'attaquer en justice. Cette conception nous semble présenter l'avantage d'être proche de la réalité.

50 A l'objection éventuelle selon laquelle cette conception ne tiendrait pas suffisamment compte des intérêts de l'État membre concerné nous répondrons que la Commission a la faculté, mais non l'obligation, d'adresser une telle décision au plaignant (49). Si, par exemple, la mesure d'aide visée par la plainte a été notifiée par l'État membre concerné, il nous apparaît, à nous aussi, plus normal que la Commission adresse sa décision à celui-ci. Elle aurait pu procéder de la sorte également dans la
présente affaire. Si elle ne l'a pas fait, cela ne nous semble pas poser de problème.

51 Même si l'on ne devait pas être ouvert à cette conception, il conviendrait de souligner que les personnes concernées directement et individuellement peuvent attaquer une pareille décision, ayant pour destinataire un État membre, et que la Commission a expressément (et à très juste titre) reconnu que les plaignantes remplissaient ces conditions. Dans ces conditions, il nous apparaîtrait erroné de vouloir annuler l'arrêt attaqué au seul motif qu'il aurait pu mal identifier le contenu et le
destinataire de la décision, alors que la finalité du recours ne laisse place à aucun doute.

IV - Violation de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 du traité

52 Selon ses propres déclarations, le Tribunal s'est limité, dans son arrêt, aux deux moyens des requérantes tirés respectivement d'une violation de l'article 190 du traité et d'une erreur manifeste d'appréciation de la Commission. Le gouvernement français a toutefois souligné à juste titre que le Tribunal avait finalement fondé l'annulation de la décision de la Commission sur la seule violation de l'article 190 (50). A cet égard, le Tribunal a relevé, d'une part, que la motivation avancée par la
Commission n'était pas suffisante. D'autre part, il a estimé que la Commission avait violé l'article 190 en omettant de prendre certaines mesures (à savoir l'examen de griefs que les plaignantes n'avaient pas soulevés mais qu'elles auraient certainement soulevés sous certaines circonstances, ainsi que l'engagement d'un débat contradictoire avec elles). Il y a lieu de traiter séparément ces deux aspects.

1. Portée de l'obligation de motivation

53 Dans un arrêt récent, la Cour a défini comme suit la portée des obligations découlant de l'article 190:

«Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître d'une façon claire et non équivoque le raisonnement de l'institution, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. Toutefois, il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation satisfait aux
exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée» (51).

Le Tribunal est, lui aussi, parti de ce principe dans son arrêt (52).

54 Le gouvernement néerlandais, qui interprète l'acte attaqué comme une décision ayant pour destinataire la République française, a souligné, dans ses observations, que la définition de la portée de l'obligation de motivation devait tenir compte également des intérêts des tiers (comme ceux des plaignantes dans la présente affaire). Il y a lieu d'approuver ce point de vue (53). Comme nous l'avons déjà mentionné, une décision de la Commission de ne pas ouvrir la procédure prévue par l'article 93,
paragraphe 2, peut être attaquée par les «intéressés» visés par cette disposition (54). Or, les personnes concernées ne peuvent faire valoir utilement ce droit que si elles peuvent «connaître les justifications de la mesure prise». La Commission doit donc être considérée comme tenue de motiver de telles décisions conformément à l'article 190. La thèse contraire soutenue par le gouvernement allemand, selon laquelle une telle obligation de motivation ne peut être déduite ni de l'article 190 ni de
l'article 93, ne nous semble pas conciliable avec la jurisprudence récente (sur laquelle le gouvernement allemand ne s'explique pas dans ses observations). Pour la même raison, nous ne croyons pas non plus devoir nous rallier à l'opinion défendue par le gouvernement néerlandais, selon laquelle, puisque la Commission n'était pas tenue, dans le cadre de l'article 93, paragraphe 3, d'entendre les plaignantes (il conviendra de revenir sur ce point), elle n'était pas non plus tenue de donner les motifs
du rejet d'arguments pourtant présentés.

Le fait que, dès lors, la Commission devait tenir compte, pour la motivation de sa décision, des intérêts des plaignantes retire à notre avis encore davantage d'importance à la question, déjà discutée, de savoir quel était le destinataire de cette décision.

55 Il convenait donc effectivement pour le Tribunal de vérifier «si, en l'espèce, la décision attaquée fait apparaître, de manière claire et non équivoque, le raisonnement qui a conduit la Commission à considérer que les mesures dénoncées par les requérantes ne constituaient pas des aides d'État au sens de l'article 92 du traité de façon à permettre aux plaignantes de connaître les justifications du rejet de leur plainte afin de défendre leurs droits et au Tribunal d'exercer son contrôle» (55).

56 Comme nous l'avons déjà mentionné, le Tribunal a fait en outre valoir, dans son arrêt, que le contrôle que doit permettre en l'espèce la motivation de l'acte attaqué ne portait pas sur l'appréciation de mesures d'ores et déjà qualifiées d'aides d'État. Selon le Tribunal, il s'agit au contraire de l'interprétation et de l'application de la notion d'aide (56). Sur ce point également, il y a lieu d'approuver le Tribunal. Le gouvernement français souligne certes à juste titre que la réponse à la
question de savoir si, dans un cas d'espèce donné, on se trouve en présence d'une aide peut, elle aussi, présenter des difficultés et que le contrôle doit donc être fonction du point de savoir si cette constatation implique ou non des évaluations techniques ou économiques complexes. La Cour a elle aussi reconnu, dans son arrêt SFEI e.a., que l'appréciation de la question de l'existence d'une aide supposait une «analyse économique» tenant compte de tous les facteurs pertinents (57). Cela est
assurément exact. Nous sommes néanmoins d'avis que la marge d'appréciation est ici beaucoup plus étroite que pour la question de savoir si une aide est compatible avec le marché commun, ne serait-ce que parce que l'interprétation de la notion d'«aide» ne relève pas, comme cette dernière question, de la compétence exclusive de la Commission (58). Cette question n'a pas besoin d'être résolue ici, car elle est dépourvue de signification pour la présente affaire. Si l'on devait privilégier la thèse que
nous rejetons, on devrait en tout état de cause aboutir à la conclusion que la motivation de la décision de la Commission revêt encore plus d'importance. Comme la Cour l'a souligné dans l'affaire Allemagne e.a./Commission, dite «Bremer Vulkan» (59) - où il s'agissait également de la qualification de certaines mesures comme des aides -, l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce. Il en découlait, selon la Cour, que la Commission «devait tenir compte de
toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents de l'espèce» (60).

57 En ce qui concerne la portée de la motivation exigée en l'espèce de la Commission, il faut certes tenir compte du fait que la décision est intervenue sur la base de l'examen informel effectué en application de l'article 93, paragraphe 3. On ne saurait donc attendre de la Commission qu'elle analyse, dans sa décision, toutes les circonstances pertinentes pour le cas d'espèce (61). On doit cependant attendre de sa part qu'elle examine et apprécie les arguments avancés par les plaignants.

58 Plusieurs des États membres qui sont intervenus dans la procédure ont fait valoir que, eu égard à la jurisprudence de la Cour, notamment à son arrêt Lorenz (62), la Commission ne disposait, dans le cadre de la procédure d'examen préliminaire, que d'un bref délai pour examiner un projet d'aide. Cette circonstance doit effectivement avoir une incidence sur l'étendue de la motivation. Toutefois, cette considération est dépourvue de pertinence pour la présente affaire. En effet, d'une part, plus de
quatre années se sont écoulées en l'espèce jusqu'à ce qu'intervienne la décision attaquée. D'autre part - et cet élément est décisif -, ladite jurisprudence (et le bref délai en découlant) n'est pas applicable lorsqu'un État membre a mis à exécution des projets de mesures sans les avoir préalablement notifiés à la Commission (63). Telle a été la situation dans la présente affaire.

59 Néanmoins, même si, en conséquence, la motivation à fournir par la Commission doit être soumise à des exigences rigoureuses, il nous semble que le grief soulevé par tous les intervenants à la présente procédure, selon lequel le Tribunal a nettement excédé le cadre normal de ces principes et a finalement examiné non pas l'existence d'une motivation suffisante, mais l'exactitude matérielle de ces motifs, est dans une large mesure justifié.

1) Détachement de personnel administratif

60 En ce qui concerne le personnel détaché par la poste auprès de Sécuripost, il est constant, au vu des constatations du Tribunal, que, dans leur plainte, les plaignantes avaient dénoncé également le fait que, en cas de besoin, Sécuripost pouvait se séparer de ces collaborateurs sans avoir à payer pour autant des indemnités de préavis ou de licenciement. Le Tribunal a exposé dans son arrêt que la Commission avait admis elle-même n'avoir pas examiné ce grief dans sa décision. Cette constatation
n'est mise en doute ni par la Commission ni par les autres parties à la procédure devant la Cour.

61 Au cours de la procédure devant le Tribunal, la Commission avait exposé qu'il ne s'était agi, en l'occurrence, que d'un «aspect secondaire» d'un grief portant sur la prise en charge de frais de personnel de Sécuripost par l'État. Le Tribunal n'a pas considéré cette explication comme suffisante, la Commission étant tenue, selon lui, de répondre à chacun des griefs, «ne fût-ce que, le cas échéant, en se référant à une règle de minimis». Il a donc estimé que, à cet égard, la décision était dépourvue
de motivation (64).

62 Nous estimons que ce raisonnement est juste. Si l'exigence de motivation contenue dans l'article 190 du traité doit permettre au juge communautaire de contrôler la légalité de la décision, la Commission doit être considérée comme tenue de prendre expressément position sur tous les points de la plainte (65). Cela ne revient pas, au demeurant, à élargir outre mesure les exigences établies par l'article 190. Si un aspect d'une plainte apparaît secondaire ou moins important, on peut attendre de la
Commission qu'elle s'exprime en ce sens, fût-ce de façon succincte. Tel n'a pas été le cas. La motivation fournie a posteriori par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal ne peut remédier à ce vice.

63 A seule fin d'être complet, nous observerons que nous ne voulons naturellement pas dire par là que la Commission doit expressément se prononcer sur tous les griefs. Si un grief apparaît comme étant manifestement hors de propos ou dépourvu de signification, il serait excessif de vouloir attendre de la Commission qu'elle se prononce à tout prix à son sujet. Toutefois, nous ne nous trouvons certainement pas dans une telle situation en l'espèce. La possibilité de se séparer sans lourdes charges de
certains collaborateurs ne constitue pas une circonstance pouvant être considérée comme manifestement dépourvue de pertinence pour la question de l'existence d'une aide.

64 Il en va différemment du sort réservé au grief des plaignantes selon lequel Sécuripost n'a pas eu à payer pour ces collaborateurs de cotisations aux caisses d'assurance chômage. Sur ce point, la Commission avait indiqué dans sa décision que de telles cotisations n'étaient pas dues, au motif que les fonctionnaires concernés bénéficiaient, par leur statut, d'une garantie d'emploi. Le bien-fondé de cette motivation apparaît douteux. Il convient toutefois d'observer que l'article 190 du traité oblige
seulement la Commission à exposer les motifs d'une décision. Il ne découle pas de l'article 190 que ces motifs doivent aussi être exacts. L'examen de l'exactitude matérielle d'une décision doit être distingué de la question de savoir si cette décision est suffisamment motivée. En effet, l'obligation de motivation d'un acte doit justement permettre - comme nous l'avons déjà maintes fois mentionné - de vérifier son exactitude matérielle; elle ne peut donc se confondre avec celle-ci. A cet égard,
l'appréciation faite par le Tribunal est en conséquence entachée d'une erreur de droit.

2) Mise à disposition de locaux

65 En ce qui concerne la mise à la disposition de Sécuripost de locaux de la poste, les plaignantes avaient affirmé, dans leur plainte, que Sécuripost bénéficiait gratuitement de cet avantage. La Commission s'était fondée, dans sa décision, sur le fait que Sécuripost était tenue de payer un loyer. Le Tribunal a jugé que la Commission avait omis de déterminer le montant des loyers payés par Sécuripost et de le comparer aux loyers que doivent payer les concurrents dans une situation comparable. Le
Tribunal a considéré que cela constituait un défaut de motivation (66).

66 Nous ne croyons pas pouvoir nous rallier à cette appréciation. La Commission a fourni, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle ne considérait pas le grief en question comme établi. Cette motivation permet de contrôler l'exactitude de la thèse de la Commission. Il est effectivement manifeste que l'obligation de payer un loyer exclut l'hypothèse d'une mise à disposition gratuite.

67 Il est certes tout aussi évident que le seul fait que Sécuripost était tenue de payer un loyer ne suffit pas à exclure que la mise à disposition des locaux litigieux puisse comporter un élément d'aide. Cela pourrait être le cas si ces loyers étaient moins élevés que ceux devant être payés par des concurrents. Toutefois, cette possibilité n'a pas été invoquée par les plaignantes dans leur plainte. Il se pose naturellement la question de savoir si la Commission pouvait se contenter de cette
constatation ou si elle n'aurait pas dû, au contraire, examiner de plus près le montant des loyers payés par Sécuripost. Il s'agit là toutefois d'une obligation découlant (éventuellement) de l'article 93 et de la procédure qu'il prévoit. Il ne s'agit pas, en revanche, de la violation de l'obligation de motivation prévue par l'article 190 (67). Sur ce point également, l'appréciation faite par le Tribunal est donc entachée d'une erreur de droit.

68 Il faut toutefois reconnaître que, dans l'arrêt Allemagne e.a./Commission, dit «Bremer Vulkan», précité, la Cour semble avoir suivi, elle aussi, une approche semblable à celle adoptée par le Tribunal dans la présente affaire. Dans l'affaire jugée par la Cour, il s'agissait d'une décision de la Commission constatant l'existence d'une aide contraire au traité. La procédure avait essentiellement pour objet l'évaluation de certaines actions. La Commission avait estimé, dans sa décision, qu'il y avait
lieu de se fonder exclusivement sur le cours de bourse, puisque la valeur d'actions est déterminée par le marché. La Cour a estimé, en revanche, que la Commission aurait dû prendre en considération également d'autres facteurs (par exemple la valeur «intrinsèque» de l'entreprise concernée). Comme elle ne l'a pas fait, la Cour a «considéré que, sur ce point, l'acte attaqué est insuffisamment motivé» (68). Force est de constater que, dans cette affaire également, le contrôle porte sur l'exactitude
matérielle de la décision, et non sur l'exigence de motivation en tant que telle.

3) Entretien de véhicules

69 Le contenu exact du grief soulevé par les plaignantes dans leur plainte en ce qui concerne l'entretien de véhicules ne ressort pas de l'arrêt du Tribunal (69). Selon la prise de position de la Commission qui y est citée, les plaignantes auraient fait valoir que les véhicules de Sécuripost étaient entretenus par le Service national des ateliers et garages des PTT (ci-après le «SNAG»). La Commission a exposé à cet égard dans sa décision que le SNAG facturait à Sécuripost toutes les prestations
fournies et utilisait à cette fin un système de facturation analogue à celui en vigueur dans les garages privés. Le Tribunal a estimé que la Commission n'avait pas répondu au grief des plaignantes, puisqu'elle n'avait pas examiné si les tarifs pratiqués révélaient ou non l'existence d'une aide (70).

70 Sur ce point également, nous sommes d'avis - comme le gouvernement néerlandais - que le Tribunal n'a pas contrôlé le respect de l'article 190, mais au contraire l'exactitude matérielle des motifs avancés par la Commission. Nous prions la Cour de bien vouloir se reporter aux considérations déjà développées sur ce point dans le cadre de l'examen de la question relative à la mise à disposition de locaux (71).

4) Avance de 15 000 000 FF

71 En ce qui concerne l'avance d'un montant de 15 000 000 FF octroyée à Sécuripost, la Commission avait exposé dans sa décision que le taux d'intérêts y appliqué correspondait au taux de base bancaire majoré d'un demi point. Elle en avait déduit que le grief des plaignantes devait être rejeté, puisque ce prêt représentait une opération payante. Le Tribunal a estimé «que le fait qu'il s'agit d'une opération payante ne saurait suffire à démontrer qu'il ne s'agit pas d'une aide d'État au sens de
l'article 92 du traité, puisqu'une telle opération payante peut encore être pratiquée à un taux qui représente un avantage particulier pour Sécuripost par rapport à ses concurrents». Selon le Tribunal, la motivation de la décision est, sur ce point, insuffisante (72).

72 Ici encore, le Tribunal n'a pas contrôlé, à notre avis, le respect de l'article 190, mais l'exactitude matérielle de la décision. La Commission a indiqué les raisons l'ayant amenée à conclure que le prêt litigieux ne représentait pas une aide. La question de savoir si ces motifs étaient exacts est une autre affaire. Si, par exemple, les plaignantes étaient en mesure de démontrer que les taux habituellement pratiqués sur le marché pour un tel prêt étaient en réalité nettement supérieurs à ceux
demandés à Sécuripost, la motivation fournie par la Commission dans sa décision serait privée de fondement. Il ne s'agit cependant pas de la question de l'obligation de motivation, mais de celle du bien-fondé matériel de celle-ci.

5) Prix pratiqués par Sécuripost à l'égard de la poste

73 Les plaignantes avaient fait valoir, dans leur plainte, que les conventions conclues entre la poste et Sécuripost, notamment en ce qui concerne la prestation de services de transport de fonds, avaient prévu des prix nettement supérieurs à ceux habituellement pratiqués dans la profession. La Commission s'était livrée dans sa décision à une comparaison entre les tarifs pratiqués par Sécuripost à l'égard de la poste et ceux pratiqués à l'égard des magasins Casino. Le Tribunal a exposé dans son arrêt
que la Commission s'était basée exclusivement sur les données relatives à l'année 1993, sans cependant le justifier ni le préciser. En l'absence d'indications relatives aux années 1987 à 1992, le Tribunal a considéré qu'«il ne dispose pas des éléments lui permettant d'exercer son contrôle sur le bien-fondé de la décision attaquée». Selon le Tribunal, la décision est dès lors entachée d'un défaut de motivation devant être soulevé d'office.

74 Si l'on considère le passage correspondant de la décision de la Commission, on constate que la méthode appliquée pour la comparaison des prix n'est pas, à première vue, très facile à comprendre. Il convient cependant de souligner que le Tribunal ne reproche pas à cet égard à la décision attaquée d'être entachée d'un défaut de motivation (73). Il reste que la Commission s'est fondée exclusivement sur les chiffres relatifs à l'année 1993.

75 On pourrait considérer que la Commission n'a ainsi traité le grief en question que pour l'année 1993 et qu'elle n'y a pas répondu pour le reste. On ne disposerait donc pas, pour les années 1987 à 1992, d'une motivation expliquant pourquoi la Commission a conclu à l'absence d'aide au cours de cette période. Une telle façon de voir n'est pas dénuée de fondement. Il nous semble toutefois qu'une interprétation différente doive être privilégiée. Si la Commission a fondé sa conclusion sur les chiffres
de 1993, mentionnés dans la décision, il faut en déduire qu'elle a considéré ces chiffres comme pertinents. La Commission semble donc, en d'autres termes, avoir cru que les chiffres relatifs à 1993 étaient représentatifs de l'ensemble de la période considérée. La question de savoir si tel était bien le cas relève à nouveau de l'exactitude matérielle, et non de la motivation, de la décision. Sur ce point également, les moyens soulevés par la Commission et par les autres parties à la procédure sont
donc fondés (74).

76 Nous mentionnerons seulement à titre accessoire que le fait, souligné par le Tribunal, que la Commission a repris littéralement, à cet endroit de sa décision, les explications que lui avait adressées le gouvernement français nous semble dépourvu de pertinence dans ce contexte. Il ne s'agit ici que de vérifier si l'on se trouve en présence d'une motivation suffisante. Tel est à notre avis le cas. Le fait que la Commission n'a pas élaboré elle-même cette motivation, mais l'a empruntée au
gouvernement français est sans importance, puisqu'il est clair que la Commission a fait siennes ces explications.

77 Il convient toutefois d'observer que la différence de prix pour l'année 1993, constatée grâce à la comparaison, a été supérieure à 10 %. Selon les constatations du Tribunal - qui s'imposent à la Cour en sa qualité de juge du pourvoi -, les prix payés par la poste à Sécuripost ont en outre diminué de façon continue, mais étaient cependant encore, en 1993, d'au moins 10 % plus élevés que ceux payés par des clients comparables. Cela signifie que les différences de prix invoquées par les plaignantes
pour les années antérieures ont été encore plus grandes. Selon le Tribunal, la Commission n'a pas contesté, elle non plus, l'existence de ces différences de prix durant les années 1987 à 1992 (75). Eu égard à ces circonstances, la Commission ne pouvait, à notre avis, se fonder purement et simplement sur lesdits chiffres de 1993 pour conclure à l'inexistence d'une aide. On se trouve donc en présence, sur ce point, d'une erreur (manifeste) d'appréciation, comme les plaignantes l'avaient d'ailleurs
fait valoir dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de première instance. La décision du Tribunal apparaissant dès lors matériellement fondée à cet égard malgré l'erreur commise par celui-ci - on se trouve en présence d'une erreur (manifeste) d'appréciation et non d'un défaut de motivation -, le pourvoi ne peut être accueilli (76).

2. Aspects procéduraux

78 Le Tribunal a estimé que, dès lors que la Commission décide de ne pas ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité sans permettre au plaignant de se prononcer au préalable sur les résultats de l'enquête, elle avait l'obligation «d'examiner d'office les griefs que n'aurait pas manqué de soulever le plaignant s'il avait pu prendre connaissance de ces éléments» (77).

79 Le gouvernement néerlandais a souligné les difficultés que ne manquerait pas d'entraîner une telle façon de voir. Il devrait en effet être extrêmement difficile, pour la Commission, de remplir la tâche qui lui est assignée par le Tribunal. Cela vaut notamment dans les cas où la Commission ne dispose que d'un délai limité pour son examen préliminaire prévu par l'article 93, paragraphe 3 (78).

80 A notre avis, il n'est cependant pas nécessaire d'approfondir cette question en l'espèce. En effet, comme le gouvernement français l'a exposé à fort juste titre, cette question concerne l'étendue des obligations que l'article 93 et la procédure qu'il prévoit imposent à la Commission. Selon lui, le Tribunal a contrôlé, sous le couvert de l'examen au regard de l'article 190, le respect d'une nouvelle règle de procédure, postulée par lui. Nous ne pouvons que nous rallier à cette thèse. L'obligation
de motivation prévue par l'article 190 ne permet certainement pas de conclure à une obligation d'examiner des arguments non avancés. Les moyens soulevés en ce sens par les parties à la procédure de pourvoi sont en conséquence fondés.

81 Le Tribunal a en outre émis la thèse que l'obligation de motivation prévue par l'article 190 pouvait imposer à la Commission, dans certaines circonstances, de permettre à un plaignant de faire connaître son point de vue dès le stade de l'article 93, paragraphe 3, et d'engager un débat contradictoire (79).

82 On ne voit pas exactement quel rang devrait être attribué à cette considération dans le cadre de la motivation fournie par le Tribunal. Le point en question est introduit par une formule («en outre») permettant de penser qu'il s'agit d'une considération plutôt accessoire. S'il s'agissait effectivement d'un motif non essentiel, les moyens s'y rapportant ne pourraient naturellement entraîner une annulation de l'arrêt et seraient en conséquence inopérants (80). Toutefois, comme la conclusion du
Tribunal, figurant au point 80 de l'arrêt, se trouve presque immédiatement après ce passage et renvoie à tout ce qui précède, il faut sans doute admettre que ladite motivation du Tribunal ne constitue pas une considération purement accessoire.

83 Quant au fond, il est ici encore manifeste que le Tribunal ne peut se fonder, à cet égard, sur l'article 190, et qu'il va nettement au-delà des exigences posées par cette disposition. Le Tribunal le laisse finalement entendre lui-même lorsqu'il expose que l'obligation postulée par lui «constitue le prolongement nécessaire de l'obligation qui incombe à la Commission d'assurer un traitement diligent et impartial de l'instruction du dossier en s'entourant de tous les avis nécessaires» (81). Ce
faisant, le Tribunal n'examine pas si la Commission a régulièrement motivé sa décision, mais si elle a satisfait à ses obligations procédurales.

84 Puisque le Tribunal avait fondé sa décision, (également) sur ce point, uniquement sur la violation de l'article 190, il ne serait normalement pas nécessaire d'examiner si la thèse retenue à cet endroit par le Tribunal ne peut être néanmoins considérée comme exacte pour d'autres raisons. Nous sommes toutefois d'avis qu'un tel examen est indiqué en l'espèce. D'une part, toutes les parties à la procédure de pourvoi ont consacré d'importants développements à cette question. D'autre part, il convient
d'observer que le Tribunal lui-même a manifestement voulu, moyennant sa conception nettement affirmée, déclencher une discussion et donner une nouvelle orientation à la jurisprudence.

85 Il est justifié de parler d'une nouvelle orientation parce que, selon la jurisprudence intervenue jusqu'à maintenant, une obligation d'entendre les personnes concernées par un projet d'aide n'existe que dans le cadre de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2. Pour illustrer cette jurisprudence, il nous suffira de citer les énonciations faites en ce sens par la Cour dans son arrêt Matra/Commission:

«Comme la Cour l'a déjà jugé ... il faut distinguer, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides, instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause et, d'autre part, la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Ce n'est que dans le cadre de cette phase d'examen, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une
information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations» (82).

«Le traité n'a pas, en revanche, prévu une telle obligation lorsque la Commission peut légalement se borner à constater la compatibilité de l'aide dans le cadre de la phase préliminaire instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité» (83).

Le Tribunal a lui-même confirmé à nouveau cette jurisprudence dans une décision récente (84).

86 Comme l'ensemble des parties à la procédure de pourvoi l'ont relevé à juste titre, le Tribunal n'a pas tenu suffisamment compte, dans son arrêt, de cette distinction fondamentale entre les deux phases d'examen (85). Certes, le traité n'interdit pas à la Commission d'entendre un intéressé dès le stade de la procédure d'examen préliminaire prévue par l'article 93, paragraphe 3, et de porter par exemple à sa connaissance - en respectant les nécessités légitimes de la confidentialité - les
observations de l'État membre concerné, comme la Commission l'a déjà fait, selon les constatations du Tribunal, dans certains cas (86). On peut laisser à la Commission le soin de décider, dans le cadre normal de son pouvoir d'appréciation, si elle veut faire usage ou non de cette possibilité. Cependant, une obligation d'entendre les intéressés n'existe que dans la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2.

87 Cette distinction entre les deux stades de la procédure est d'ailleurs justifiée. La procédure d'examen préliminaire vise à permettre à la Commission de se former à bref délai une opinion (provisoire) sur le point de savoir si une mesure d'aide est compatible ou non avec le traité. Si l'on obligeait la Commission à procéder, dans ce contexte, à une consultation des intéressés, voire à mener avec ceux-ci un débat contradictoire, cet objectif serait réduit à néant. La praticabilité de la procédure
d'examen préliminaire - et notamment de sa mise en oeuvre dans un bref délai - serait alors remise en question.

88 L'arrêt du Tribunal est manifestement sous-tendu par l'intention de protéger les intérêts des plaignants et d'autres intéressés (au sens de l'article 93, paragraphe 2) en obligeant la Commission à entendre ceux-ci, «dans certaines circonstances», dès le stade de la procédure d'examen préliminaire. Le Tribunal fait d'ailleurs fort justement observer, dans ce contexte, que les plaignants éprouvent en général de grandes difficultés, dans une telle situation, à se procurer les éléments de preuve
nécessaires à l'appui de leur plainte. L'intention du Tribunal de protéger ces personnes est donc parfaitement légitime. Toutefois, la nouvelle obligation mise par le Tribunal à la charge de la Commission n'est à notre avis pas nécessaire pour atteindre cet objectif.

89 La jurisprudence récente de la Cour offre en effet d'ores et déjà un moyen de garantir les droits des intéressés d'une manière aussi simple qu'efficace. A cet égard, la Cour a déclaré ce qui suit dans son arrêt Cook/Commission:

«Comme l'a précisé la Cour dans l'arrêt Allemagne/Commission, précité (point 13), la procédure de l'article 93, paragraphe 2, revêt un caractère indispensable dès que la Commission éprouve des difficultés sérieuses pour apprécier si une aide est compatible avec le marché commun. La Commission ne peut s'en tenir à la phase préliminaire de l'article 93, paragraphe 3, pour prendre une décision favorable à une aide que si elle est en mesure d'acquérir la conviction, au terme d'un premier examen, que
cette aide est compatible avec le traité. En revanche, si ce premier examen a conduit la Commission à acquérir la conviction contraire, ou même n'a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun, la Commission a le devoir de s'entourer de tous les avis nécessaires et d'ouvrir, à cet effet, la procédure de l'article 93, paragraphe 2» (87).

A cet égard, il appartient à la Commission «de déterminer, sous le contrôle de la Cour, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à l'affaire, si les difficultés rencontrées dans l'examen de la compatibilité de l'aide nécessitent l'ouverture de cette procédure» (88).

90 Si l'on considère dès lors que la Commission est tenue, dans une telle situation, de mettre en oeuvre la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, qui prescrit une consultation des intéressés, les droits de cette catégorie de personnes sont suffisamment pris en compte. Si, à l'issue de l'examen préliminaire, la Commission a encore des doutes sur la compatibilité d'une mesure d'aide avec le traité, elle a l'obligation d'ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2. Si, en revanche,
elle a acquis la conviction que cette mesure est compatible avec le traité, elle peut décider de ne pas ouvrir cette procédure. Dans ce dernier cas, elle doit naturellement exposer ses motifs, pour permettre aux intéressés d'attaquer le cas échéant cette décision devant les juridictions communautaires.

91 Cette façon de voir évite du même coup certaines discordances concernant le régime procédural, auxquelles la thèse du Tribunal ne manquerait pas de conduire. Le gouvernement français a souligné à juste titre que, dans le cadre de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, il était considéré comme suffisant, aux fins de la consultation, que la Commission invitât les intéressés, au moyen d'une publication au Journal officiel, à présenter leurs observations, tandis que le Tribunal exige ici
que, dans le cadre de la procédure d'examen préliminaire, la Commission transmette personnellement au plaignant, afin de recueillir ses observations, les explications fournies par l'État membre concerné. Qui plus est, comme l'a souligné la Commission, on ne voit pas en quoi consiste, selon la thèse du Tribunal, la différence entre les circonstances qui justifient l'ouverture de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, et celles qui imposent à la Commission d'ouvrir un débat contradictoire
avec le plaignant dans le cadre de l'article 93, paragraphe 3.

92 En ce qui concerne la présente procédure, il convient de souligner que, par leur premier moyen, les plaignantes avaient fait valoir que la Commission avait décidé à tort de ne pas ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2 (89). Eu égard aux circonstances de l'espèce, décrites par le Tribunal, il ne nous paraît au demeurant pas faire de doute que ce moyen était fondé. Les explications fournies par la Commission au cours de la procédure ont fait nettement ressortir que celle-ci
avait éprouvé, lors de son examen, des «difficultés sérieuses». Elle n'était donc pas en droit de prolonger la phase préliminaire jusqu'à ce que ces difficultés lui parussent surmontées, mais était tenue d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2. En outre, même en tenant compte du fait que les plaignantes ont complété par la suite leur plainte initiale et que la Commission a adopté le 5 février 1992 une première décision, retirée peu après, le laps de temps qui lui a été nécessaire
ne peut plus être considéré comme raisonnable pour une procédure d'examen préliminaire. Il aurait dès lors été plus convaincant, à notre avis, que le Tribunal fondât l'annulation de la décision de la Commission sur ce moyen, au lieu d'accorder aux plaignantes un nouveau droit procédural sur la base de l'article 190 (90).

V - Autres aspects

93 Le gouvernement néerlandais a fait valoir, dans ses observations, que le Tribunal s'était lui-même abstenu de motiver suffisamment son arrêt, de sorte que celui-ci devrait être annulé également pour cette raison. Le gouvernement néerlandais se réfère à cet égard, d'une part, à la question de la recevabilité du recours et, d'autre part, à la considération du Tribunal selon laquelle les circonstances de l'espèce «renforcent l'obligation de motivation incombant à la Commission». Comme nous avons
déjà pris position sur ces aspects dans leur contexte respectif (91), il n'est plus nécessaire d'examiner ce grief séparément.

VI - Résumé

94 En résumé, on peut donc constater que la plupart des moyens dirigés contre la motivation de l'annulation de la décision de la Commission par le Tribunal doivent être accueillis, dans la mesure où ils font valoir que les considérations correspondantes du Tribunal ne peuvent être fondées sur l'article 190 du traité. Il en résulte que l'arrêt attaqué est entaché d'erreurs de droit. Toutefois, le Tribunal a, à notre avis, constaté à juste titre un défaut de motivation en ce qui concerne le
détachement de personnel administratif auprès de Sécuripost (92). En ce qui concerne les prix pratiqués par Sécuripost à l'égard de la poste, on se trouve non pas en présence d'un défaut de motivation, mais d'un vice (manifeste) d'appréciation affectant la décision de la Commission (93). Ces deux points étant suffisants pour établir le caractère irrégulier de la décision de la Commission et pour justifier l'arrêt d'annulation du Tribunal, le pourvoi, malgré le bien-fondé d'un grand nombre des moyens
qu'il articule, ne peut finalement être accueilli.

95 La décision sur les dépens découle des dispositions combinées de l'article 122, premier alinéa, et de l'article 69 du règlement de procédure de la Cour. Puisque le pourvoi de la Commission n'est pas fondé, mais que les requérantes en première instance n'ont pas participé à la procédure de pourvoi et n'ont donc pas conclu sur les dépens, l'article 69, paragraphe 2, n'est pas applicable. A notre avis, dans un tel cas de figure - tout à fait inhabituel -, la Commission doit être tenue, conformément
à l'idée exprimée à l'article 69, paragraphe 5, troisième alinéa, de supporter ses propres dépens. Les États membres intervenus au litige supporteront leurs propres dépens, conformément à l'article 69, paragraphe 4.

C - Conclusion

96 Nous proposons en conséquence à la Cour de rejeter le pourvoi et de dire que chacune des parties supportera ses propres dépens.

(1) - Sytraval et Brink's France/Commission (Rec. p. II-2651).

(2) - Arrêt précité à la note 1, points 1 à 7.

(3) - Arrêt précité à la note 1, points 9 à 12.

(4) - Arrêt précité à la note 1, point 13. Le Tribunal a qualifié cet acte de «décision rejetant la plainte des requérantes» (loc. cit.).

(5) - Arrêt précité à la note 1, points 14 à 21.

(6) - La Commission a également souligné que l'instruction de la plainte fondée sur une violation des dispositions combinées des articles 90 et 86 du traité se poursuivait.

(7) - Dans cette lettre également, la Commission a précisé en outre que cette décision intervenait sans préjudice de la plainte fondée sur une violation des dispositions combinées des articles 90 et 86 du traité.

(8) - C'est en ces termes que sont relatées les conclusions du recours dans l'arrêt attaqué, précité à la note 1, point 28.

(9) - Arrêt précité à la note 1, point 31. Les chiffres entre parenthèses ont été ajoutés par nous à des fins de clarté.

(10) - Arrêt précité à la note 1, point 32.

(11) - Arrêt précité à la note 1, point 22. Cette formulation est pratiquement identique à celle utilisée au point 1 du dispositif de l'arrêt.

(12) - Arrêt précité à la note 1, point 54.

(13) - Arrêt précité à la note 1, points 55 à 60.

(14) - Arrêt précité à la note 1, points 62 et 63.

(15) - Arrêt précité à la note 1, points 64 à 66.

(16) - Arrêt précité à la note 1, points 67 à 69.

(17) - Ces énonciations sont surprenantes puisque, selon le contenu de la requête relaté par le Tribunal (point 31 de l'arrêt; voir ci-dessus, point 17), cette partie de la décision de la Commission n'avait pas été attaquée.

(18) - Arrêt précité à la note 1, points 70 à 72.

(19) - Arrêt précité à la note 1, points 73 à 75.

(20) - Arrêt précité à la note 1, point 77.

(21) - Arrêt précité à la note 1, point 78.

(22) - Arrêt précité à la note 1, point 80.

(23) - Il convient de souligner dès à présent que ces conclusions concernant les dépens ne sont pas conciliables avec les conclusions au fond. En effet, selon l'article 122 du règlement de procédure, la Cour, en matière de pourvoi, ne statue sur les dépens que lorsque le pourvoi n'est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige.

(24) - Arrêt du 11 juillet 1996, SFEI e.a. (Rec. p. I-3547).

(25) - Arrêt du 19 mai 1993, Cook/Commission (C-198/91, Rec. p. I-2487, point 29); voir aussi l'arrêt plus ancien du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (84/82, Rec. p. 1451, point 13).

(26) - Il en va de même lorsqu'une mesure d'aide, bien que notifiée à la Commission, a déjà été mise à exécution au cours de la phase préliminaire ou - en cas d'ouverture d'une procédure formelle par la Commission - avant l'adoption de la décision définitive.

(27) - Arrêt du 21 novembre 1991, Fédération nationale du commerce extérieur des produits alimentaires et Syndicat national des négociants et transformateurs de saumon (C-354/90, Rec. p. I-5505, point 12).

(28) - Voir l'arrêt SFEI e.a., précité à la note 24, points 49 à 51.

(29) - Voir ci-dessus, point 19.

(30) - Conclusions du 31 mars 1993 précédant l'arrêt Cook/Commission, précité à la note 25 (Rec. p. I-2502, I-2509 et suiv.).

(31) - Arrêt précité à la note 1, point 50.

(32) - Premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204).

(33) - Voir, par exemple, l'arrêt du 18 mars 1997, Guérin/Commission (C-282/95 P, Rec. p. I-1503, point 36).

(34) - Voir ci-dessus, point 32.

(35) - Arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission (323/82, Rec. p. 3809, point 16).

(36) - Voir les arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, points 26 et 27), et Cook/Commission, précité à la note 25, point 23.

(37) - Arrêts Cook/Commission, précité à la note 25, point 23, et du 15 juin 1993, Matra/Commission (C-225/91, Rec. p. I-3203, point 17).

(38) - Cette conception est également à la base de l'arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission (T-471/93, Rec. p. II-2537).

(39) - Elle s'est prononcée expressément dans ce sens dans l'arrêt CIRFS e.a./Commission, précité à la note 36, point 26.

(40) - Voir, par exemple, l'arrêt Cook/Commission, précité à la note 25, point 15.

(41) - Arrêt du 15 décembre 1988, Irish Cement/Commission (166/86 et 220/86, Rec. p. 6473, point 11).

(42) - Arrêt précité à la note 41, point 9.

(43) - Arrêts Cook/Commission, précité à la note 25, points 8 et 13, et Matra/Commission, précité à la note 37, points 5 et 6.

(44) - Arrêt précité à la note 41, point 16.

(45) - Arrêt précité à la note 36, points 26 et 28. Le recours a cependant été considéré comme recevable, l'un des plaignants au moins étant concerné directement et individuellement par la décision ainsi comprise (loc. cit., points 29 et suiv.).

(46) - Conclusions précitées à la note 30, Rec. p. I-2510.

(47) - Nous avons nous-même encore considéré ce facteur comme déterminant dans nos conclusions du 17 septembre 1992 précédant l'arrêt CIRFS e.a./Commission, précité à la note 36 (Rec. p. I-1148, p. I-1160).

(48) - Sur le contenu de cette lettre, voir ci-dessus, point 14.

(49) - Cela permet aussi de prévenir le danger de voir accorder à tout plaignant (donc aussi, par exemple, à ceux qui ne sont nullement concernés par une aide) un droit de recours contre une décision correspondante de la Commission. Au demeurant, on pourrait également envisager de limiter l'obligation de la Commission d'instruire les plaintes en ce sens que cette obligation ne vaudrait qu'à l'égard des plaignants qui font partie des «intéressés» visés à l'article 93, paragraphe 2, du traité.

(50) - Sur cette question, voir ci-dessus, point 26. Il convient de rappeler à cet égard que, à cet endroit de son arrêt, où il examine le moyen tiré par les plaignantes d'une erreur manifeste d'appréciation de la Commission, le Tribunal soulève d'office la question d'une violation de l'article 190 et déclare la partie correspondante de la décision comme illégale pour ce motif.

(51) - Arrêt du 15 avril 1997, The Irish Farmers Association e.a. (C-22/94, Rec. p. I-1809, point 39).

(52) - Arrêt précité à la note 1, point 52.

(53) - Voir l'arrêt plus ancien du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19) (dans lequel la Cour a considéré comme digne de protection, outre l'intérêt du destinataire d'un acte, celui que «d'autres personnes concernées directement et individuellement par l'acte ... peuvent avoir à recevoir des explications»).

(54) - Voir ci-dessus, point 42.

(55) - Arrêt précité à la note 1, point 53.

(56) - Voir ci-dessus, point 20.

(57) - Arrêt précité à la note 24, point 61.

(58) - L'arrêt Tiercé Ladbroke/Commission (précité à la note 38), cité par le gouvernement français et dont il ressort, au point 55, que les deux examens devraient être soumis aux mêmes critères, ne nous convainc pas non plus à cet égard.

(59) - Arrêt du 24 octobre 1996 (C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151).

(60) - Arrêt précité à la note 59, points 31 et 32.

(61) - Donc également celles, par exemple, qui nécessiteraient encore une enquête de sa part.

(62) - Voir ci-dessus, point 32, in fine.

(63) - Cela a été précisé par l'arrêt SFEI e.a., précité à la note 24, point 48.

(64) - Arrêt précité à la note 1, points 61 et 62.

(65) - On peut laisser en suspens la question de savoir si, dans son arrêt Tiercé Ladbroke/Commission, précité à la note 38, le Tribunal a retenu sur ce point un critère moins rigoureux (loc. cit., points 31 à 34). En effet, il n'apparaît pas que, dans la décision qui est à l'origine de cet arrêt, la Commission se soit totalement abstenue d'aborder un grief.

(66) - Arrêt précité à la note 1, points 64 à 66.

(67) - Sur ce point, voir également les points 78 et suiv., ci-après.

(68) - Arrêt précité à la note 59, points 28 à 37.

(69) - Voir point 36 de l'arrêt précité à la note 1, d'une part, et point 42, d'autre part.

(70) - Arrêt précité à la note 1, points 67 et 69.

(71) - Voir ci-dessus, points 66 à 68.

(72) - Arrêt précité à la note 1, point 72.

(73) - Cela devrait être dû au fait que les plaignantes avaient déclaré, au cours de la procédure de première instance, qu'elles pouvaient désormais comprendre ces calculs à la suite des explications produites par la Commission dans son mémoire en défense, mais qu'elles maintenaient toutefois leur grief (tiré d'une erreur manifeste d'appréciation), notamment en ce qui concerne l'année choisie par la Commission (arrêt précité à la note 1, point 46).

(74) - Dans l'affaire Allemagne e.a./Commission, dite «Bremer Vulkan», déjà citée maintes fois (voir note 59), la Commission ne semble pas non plus avoir motivé davantage le choix du moment pertinent pour l'évaluation de la mesure d'aide (l'octroi d'un cautionnement par le Land de Brême). La Cour a cependant jugé que la Commission avait «évidemment» choisi ce moment parce que l'autorité compétente avait fait procéder alors «à l'appréciation finale des éléments et circonstances qui l'ont conduite à
accorder le cautionnement. Sur ce point, la motivation de l'acte attaqué est suffisante» (loc. cit., point 30).

(75) - Arrêt précité à la note 1, point 74.

(76) - Voir, par exemple, l'arrêt du 15 décembre 1994, Finsider/Commission (C-320/92 P, Rec. p. I-5697, point 37).

(77) - Arrêt précité à la note 1, point 66. Voir également le point 72 de l'arrêt, qui renvoie au point 66.

(78) - Sur ce point, voir ci-dessus, point 58.

(79) - Arrêt précité à la note 1, point 78.

(80) - Voir, par exemple, l'arrêt du 22 avril 1997, Geotronics/Commission (C-395/95 P, Rec. p. I-2271, point 23).

(81) - Arrêt précité à la note 1, point 78, in fine.

(82) - Arrêt précité à la note 37, point 16.

(83) - Arrêt précité à la note 37, point 53.

(84) - Voir l'arrêt de la troisième chambre élargie du Tribunal du 22 octobre 1996, Foreningen af Jernskibs- og Maskinbyggerier i Danmark, Skibsværftsforeningen e.a./Commission (T-266/94, Rec. p. II-1399, point 257). L'arrêt attaqué dans la présente affaire a été rendu par la quatrième chambre élargie du Tribunal.

(85) - Dans le même sens, voir Slot, P.J.: «De concurrentie waakt. Het aanvechten van steunmaatregelen», dans NJB 1996, p. 797, p. 800.

(86) - Arrêt précité à la note 1, point 79.

(87) - Arrêt précité à la note 25, point 29 (sur l'arrêt Allemagne/Commission, cité à cet endroit, voir ci-dessus, note 25); dans le même sens, arrêt de la première chambre élargie du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission (T-49/93, Rec. p. II-2501, point 58).

(88) - Arrêt précité à la note 25, point 30; dans le même sens, arrêt SIDE/Commission, précité à la note 87, point 59.

(89) - Voir ci-dessus, point 17.

(90) - Voir dans le même sens Sottili, V.: «Partecipazione ai procedimenti comunitari di controllo nel settore della concorrenza», dans: Foro Amministrativo 1996, p. 2812 et suiv., p. 2824.

(91) - Voir les points 36 à 51 (notamment le point 51), d'une part, et les points 90 et 92, d'autre part.

(92) - Voir ci-dessus, points 60 à 63.

(93) - Voir ci-dessus, point 77.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-367/95
Date de la décision : 27/05/1997
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi - Aides d'État - Plainte d'un concurrent - Obligations de la Commission relatives à l'examen d'une plainte et à la motivation du rejet de celle-ci.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Chambre syndicale nationale des entreprises de transport de fonds et valeurs (Sytraval) et Brink's France SARL.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Gulmann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1997:249

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