Avis juridique important
|
61995J0282
Arrêt de la Cour du 18 mars 1997. - Guérin automobiles contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Concurrence - Plainte - Recours en carence - Communication au titre de l'article 6 du règlement nº 99/63/CEE - Prise de position mettant fin à la carence - Pourvoi incident limité aux dépens. - Affaire C-282/95 P.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-01503
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Parties
Dans l'affaire C-282/95 P,
Guérin automobiles, société de droit français, établie à Alençon (France), représentée par Me Jean-Claude Fourgoux, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Pierrot Schiltz, 4, rue Béatrix de Bourbon,
partie requérante,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 27 juin 1995, Guérin automobiles/Commission (T-186/94, Rec. p. II-1753), et tendant à l'annulation de cet arrêt,"A_TP", Font = F3, Tab Origin = Columnl'autre partie à la procédure étant:
LA COUR,
composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida et J. L. Murray, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann, H. Ragnemalm et M. Wathelet (rapporteur), juges,
avocat général: M. G. Tesauro,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales des parties à l'audience du 14 mai 1996,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 26 novembre 1996,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 août 1995, la société française Guérin automobiles (ci-après la «requérante») a demandé l'annulation de l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 27 juin 1995, Guérin automobiles/Commission (T-186/94, Rec. p. II-1753), en ce que le Tribunal a considéré qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur le recours en carence intenté par la requérante et en ce qu'il a déclaré irrecevable le recours en annulation des lettres de la
Commission du 21 janvier 1993 et du 4 février 1994.
Faits et procédure devant le Tribunal
2 Il ressort de l'arrêt attaqué que, par lettre du 3 août 1992, la requérante a présenté à la Commission, conformément à l'article 3, paragraphe 2, du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), une plainte visant à faire constater des infractions à l'article 85 du traité dont se serait rendue coupable la société Volvo France (ci-après «Volvo France»). La requérante reprochait à Volvo France d'avoir résilié
abusivement le contrat de concession qui les liait (point 2).
3 Dans une lettre du 29 octobre 1992, la Commission a indiqué à la requérante que, au vu du dossier tel qu'il se présentait à cette époque, l'affaire ne présentait pas un intérêt communautaire justifiant son traitement par la Commission. En conséquence, elle invitait la requérante à présenter ses observations dans un délai de quatre semaines, sous peine de voir le dossier classé sans suite (point 3).
4 Par lettre du 11 décembre 1992, la requérante a présenté des observations sur la lettre de la Commission du 29 octobre 1992 (point 4).
5 Dans une lettre adressée à la requérante le 21 janvier 1993, la Commission a constaté que la plainte portait en définitive sur le refus de vente qui lui était opposé, refus découlant d'un réseau de contrats de distribution exclusive et sélective qui, d'après elle, excédait les limites de l'exemption du règlement (CEE) n_ 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de
vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16). Elle soulignait en outre que, saisie du même problème dans une autre affaire, elle était en train de l'étudier. Elle promettait de lui communiquer le résultat de son examen (point 5).
6 Près d'un an plus tard, le 6 janvier 1994, la requérante a demandé à la Commission de lui faire connaître ses conclusions dans le dossier auquel faisait référence la lettre du 21 janvier 1993. Cette lettre étant restée sans réponse, elle a, le 24 janvier suivant, adressé à la Commission une lettre de mise en demeure au titre de l'article 175 du traité (point 6).
7 Par lettre du 4 février 1994, la Commission a confirmé à la requérante que l'examen de l'autre affaire était toujours en cours et qu'il aurait, le cas échéant, valeur de précédent pour des cas tels que le sien. Elle renouvelait l'assurance qu'elle serait tenue informée dès qu'une étape significative aurait été franchie dans ce dossier (point 7).
8 Le 5 mai 1994, la requérante a introduit devant le Tribunal de première instance un recours visant, à titre principal, à faire constater la carence de la Commission et, à titre subsidiaire, à faire annuler ses lettres des 21 janvier 1993 et 4 février 1994, à supposer qu'elles exprimassent une décision de ne pas instruire sa plainte (points 10 et 13).
9 Le 13 juin 1994, la Commission a envoyé à la requérante une communication se référant à l'article 6 du règlement n_ 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n_ 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268) (point 8). Aux termes de cette disposition:
«Lorsque la Commission, saisie d'une demande en application de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n_ 17, considère que les éléments qu'elle a recueillis ne justifient pas d'y donner une suite favorable, elle en indique les motifs aux demandeurs et leur impartit un délai pour présenter par écrit leurs observations éventuelles.»
10 Cette lettre était rédigée comme suit: «Objet: Affaire IV/34-423 - Volvo France c. Guérin Réf.: votre lettre du 24.01.94 (mise en demeure)
Lettre au titre de l'article 6 du règlement (CEE) 99/63 Maître,
...
Votre plainte soulève la question, du point de vue des règles de concurrence, de la compatibilité avec le règlement (CEE) n_ 123/85 d'un contrat concernant la distribution exclusive et sélective des automobiles tel qu'il est appliqué par Volvo France. A ce sujet, et revenant sur ma lettre du 21 janvier 1993 à laquelle vous vous référez également, je vous confirme qu'un cas particulier est actuellement à l'instruction dans les services de la Commission, posant la question de la conformité au
règlement du contrat type de distribution automobile d'un autre constructeur.
Cette autre affaire met en cause plusieurs des clauses ou pratiques évoquées dans votre plainte. Comme vous le savez, la Commission est soumise à des impératifs dans le choix de ses priorités, en raison des moyens limités dont elle dispose. Dès lors, il est conforme à l'intérêt communautaire que soient sélectionnés les cas les plus représentatifs lorsque plusieurs affaires comparables lui sont soumises. Pour cette raison je vous confirme, me référant à l'article 6 du règlement (CEE) n_ 99/63, que
dans ces circonstances votre plainte ne peut pas faire l'objet d'un traitement individuel à l'heure actuelle.
Par ailleurs, le règlement n_ 123/85 est directement applicable par les tribunaux nationaux; dès lors, votre cliente peut porter son litige, ainsi que la question de l'applicabilité de ce règlement au contrat en question, directement devant ces tribunaux.
Il vous appartient de faire vos observations sur la présente lettre. En ce cas, elles devraient me parvenir dans un délai de deux mois» (point 8).
11 Le 20 juin suivant, la requérante a adressé à la Commission des observations sur la lettre du 13 juin 1994 (point 9).
L'arrêt du Tribunal
12 Devant le Tribunal, la requérante a fait valoir que la lettre de la Commission du 13 juin 1994 ne pouvait constituer une prise de position mettant fin à la carence de l'institution pour trois raisons. D'abord, une communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 ne constituerait pas une prise de position au sens de l'article 175, deuxième alinéa, du traité. Ensuite, la lettre ne constituerait pas un rejet de plainte. D'une part, elle ne contiendrait aucune déclaration expresse en ce
sens. D'autre part, en précisant que la plainte ne pouvait alors faire l'objet d'un traitement individuel, la Commission aurait voulu limiter dans le temps les effets de sa lettre du 13 juin 1994, de sorte que celle-ci présenterait un caractère provisoire (point 18). Enfin, ne s'appuyant que sur une clause de style, la lettre serait insuffisamment motivée (point 19).
13 Dans un second moyen, la requérante a soutenu que le flou des réponses de la Commission relevait d'une stratégie délibérée, visant à la priver de recours juridictionnel. L'institution chercherait à se soustraire tout à la fois à un recours en annulation, en qualifiant les lettres des 21 janvier 1993 et 4 février 1994 de simples «réponses d'attente», et à un recours en carence, en déclarant que sa lettre du 13 juin 1994 constituait une véritable prise de position (point 21).
14 Après avoir relevé, au point 22, que, au moment de l'introduction de la requête, les conclusions en carence étaient recevables et, au point 25, que, à la date à laquelle il statuait, il ne ressortait pas du dossier que la Commission aurait adopté une décision au sens de l'article 189 du traité, le Tribunal a constaté, au point 30, que, dans l'intervalle, la Commission avait néanmoins adopté une communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63. A cet égard, le Tribunal a relevé, au
point 28, que la lettre du 13 juin 1994 indiquait à la requérante les motifs pour lesquels la Commission n'envisageait pas de procéder à l'examen individuel de sa plainte, lui impartissait un délai de deux mois pour présenter, par écrit, ses observations et faisait référence à plusieurs reprises à l'article 6 du règlement n_ 99/63. Le Tribunal en a déduit, au point 29, que, à cette époque, la Commission considérait que les éléments qu'elle avait recueillis ne justifiaient pas qu'une suite favorable
soit donnée à la plainte.
15 Rappelant, aux points 26 et 32, que, bien qu'elle ne puisse faire l'objet d'un recours en annulation (arrêt du Tribunal du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission, T-37/92, Rec. p. II-285, point 30), une telle communication constituait toutefois une prise de position au sens de l'article 175 du traité (arrêt du 18 octobre 1979, Gema/Commission, 125/78, Rec. p. 3173, point 21), le Tribunal a jugé, au point 35, qu'il n'y avait plus lieu, dès lors, de statuer sur le recours en carence.
16 Au point 34, le Tribunal a également rejeté l'argument de la requérante, selon lequel une telle analyse de la lettre du 13 juin 1994 permettrait à la Commission de s'affranchir de tout contrôle juridictionnel. A cet égard, il a relevé que, ayant adressé, dans le délai imparti par la lettre du 13 juin 1994, des observations en réponse, la requérante était en droit d'obtenir de la Commission une décision définitive sur la plainte, laquelle décision pourrait faire l'objet d'un recours en annulation.
17 S'agissant des conclusions tendant à l'annulation des lettres des 21 janvier 1993 et 4 février 1994, le Tribunal les a déclarées irrecevables au point 42. Il a relevé, au point 40, que, étant de simples lettres d'attente, ces missives ne produisaient pas d'effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante.
18 Enfin, jugeant, au point 45, que l'introduction des recours en carence et en annulation était imputable à la Commission, le Tribunal a mis, au point 46, les dépens à sa charge. Il relève sur ce point que la Commission n'avait pas donné suite, dans le délai prévu à l'article 175 du traité, à la mise en demeure que la requérante lui avait adressée le 24 janvier 1994, alors qu'elle était dûment informée de la substance de la plainte depuis décembre 1992. Une communication au titre de l'article 6 du
règlement n_ 99/63 n'était intervenue que postérieurement à l'introduction du recours en carence.
Le pourvoi principal
19 A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque, en substance, cinq moyens tirés:
- du défaut de prise en considération par le Tribunal de la correspondance postérieure à la lettre du 13 juin 1994 de la Commission;
- de l'appréciation erronée de la nature juridique de la lettre du 13 juin 1994;
- de la prise en considération indue par le Tribunal de renseignements prétendument recueillis par la Commission, mais dont il n'existerait aucune trace dans le dossier;
- du défaut de sanction par le Tribunal de la violation du principe du contradictoire par la Commission, et
- de la violation par le Tribunal du principe général du droit au recours juridictionnel.
20 En premier lieu, le Tribunal aurait commis une irrégularité de procédure préjudiciable à la requérante en s'abstenant d'analyser les lettres que celle-ci aurait adressées à la Commission les 13 juin, 13 juillet et 20 juillet 1994. Dans ces lettres, la requérante aurait réclamé des précisions sur l'affaire analogue invoquée par la Commission. Elle aurait également demandé à la Commission si elle ordonnerait une jonction des dossiers afin de respecter les droits de la défense. Selon la requérante,
la prise en considération de ces lettres aurait permis au Tribunal de se prononcer sur la portée de la lettre de la Commission du 13 juin 1994.
21 En deuxième lieu, le Tribunal aurait commis une erreur de droit quant à la qualification de la lettre du 13 juin 1994 de la Commission. Écrire à un plaignant, sous le couvert de l'article 6 du règlement n_ 99/63, que la Commission n'a pas l'intention de traiter son dossier parce qu'elle a choisi d'en traiter un autre, sur lequel le plaignant ne peut exercer aucun contrôle, constituerait une manoeuvre dilatoire. Une lettre aussi évasive ne saurait être considérée comme une prise de position au
sens de l'article 175 du traité. La requérante se réfère à cet égard aux arrêts du 15 juillet 1970, Borromeo e.a./Commission (6/70, Rec. p. 815), du 22 mai 1985, Parlement/Conseil (13/83, Rec. p. 1513), du 27 septembre 1988, Parlement/Conseil (302/87, Rec. p. 5615), et du 16 février 1993, ENU/Commission (C-107/91, Rec. p. I-599).
22 En troisième lieu, le Tribunal aurait jugé à tort que la Commission avait valablement pu considérer que les éléments qu'elle avait recueillis ne justifiaient pas qu'une suite favorable soit donnée à la plainte de la requérante. Contrairement à ce que l'article 6 du règlement n_ 99/63 lui impose, la Commission n'aurait en effet recueilli aucun élément avant d'adresser sa lettre du 13 juin 1994 à la requérante. La meilleure preuve en serait que la Commission a simplement évoqué le traitement d'un
autre dossier. Elle aurait choisi un argument extérieur, sans procéder à l'examen de la plainte de la requérante.
23 En quatrième lieu, le Tribunal se serait abstenu de sanctionner une violation du principe du contradictoire par la Commission en admettant que cette dernière ait pu invoquer, dans la lettre du 13 juin 1994, une procédure similaire, alors que les agents de la Commission auraient refusé de donner à la requérante et ultérieurement au Tribunal la moindre information sur celle-ci.
24 Enfin, en cinquième lieu, le Tribunal aurait violé le principe général du droit au recours juridictionnel à un double titre. D'une part, l'analyse de la communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 comme un acte préparatoire constituant toutefois une prise de position priverait la requérante de toute voie de recours tant que la Commission n'adopte pas une décision définitive. D'autre part, le Tribunal aurait considéré à tort que la requérante était en droit d'obtenir une décision
définitive sur la plainte et, par conséquent, susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. En effet, rien n'empêcherait la Commission de perpétuer son inaction.
Le pourvoi incident
25 Outre qu'elle conclut au rejet du pourvoi de la requérante, la Commission soulève un moyen tiré de l'erreur de droit à l'encontre de sa condamnation aux dépens.
26 Tout d'abord, elle estime que ce moyen ne peut être déclaré irrecevable au motif que, en vertu de l'article 51, deuxième alinéa, du statut CE de la Cour, un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens.
27 Selon la Commission, l'article 51, deuxième alinéa, vise à éviter que la Cour soit saisie d'un recours uniquement pour statuer sur les dépens. Par contre, lorsque la condamnation aux dépens n'est pas le seul point litigieux, elle pourrait être contestée dans un pourvoi. A plus forte raison, cette disposition ne s'appliquerait-elle pas lorsque la Cour doit connaître de l'ensemble d'une affaire dans le cadre d'un pourvoi principal et que la question des dépens est soulevée par la défenderesse.
28 Ensuite, quant au fond, la Commission fait grief au Tribunal d'avoir mis les dépens à sa charge au seul motif qu'elle n'a envoyé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 qu'après l'expiration du délai prévu à l'article 175 du traité. Selon la Commission, une institution n'aurait en effet aucune obligation de respecter ce délai. L'inobservation de celui-ci serait seulement une condition de recevabilité du recours en carence. Dès lors, le Tribunal aurait dû
apprécier au moins prima facie le bien-fondé du recours en carence avant de lui faire supporter les dépens.
Sur le pourvoi principal
Sur les quatre premiers moyens
29 S'agissant du deuxième moyen, il convient d'abord de constater que le Tribunal a valablement pu qualifier de communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 la lettre de la Commission du 13 juin 1994 pour les motifs évoqués ci-dessus au point 14.
30 Il y a lieu ensuite de rappeler que, dans l'arrêt Gema/Commission, précité, point 21, la Cour a dit pour droit qu'une lettre adressée au plaignant, qui est conforme aux conditions de l'article 6 du règlement n_ 99/63, constitue une prise de position au sens de l'article 175, deuxième alinéa, du traité.
31 Le Tribunal a, dès lors, jugé à bon droit que la lettre du 13 juin 1994 avait mis fin à l'inaction de la Commission et privait d'objet le recours en carence introduit par la requérante.
32 Le deuxième moyen devant être rejeté, il y a également lieu de déclarer inopérants les premier, troisième et quatrième moyens. A les supposer établis, ils ne sont pas, en effet, de nature à infirmer la constatation du Tribunal que, par sa lettre du 13 juin 1994, la Commission a pris position au sens de l'article 175 du traité.
Sur le cinquième moyen (violation du principe général du droit à un recours juridictionnel)
33 Il convient de constater que, en considérant que la communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 constituait une prise de position sans qu'elle puisse faire l'objet d'un recours en annulation, le Tribunal n'a pas violé le principe du droit au recours juridictionnel.
34 Selon une jurisprudence constante, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, notamment au terme d'une procédure interne telle que celle instaurée par le règlement n_ 99/63, ne constituent en principe un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de la Commission ou du Conseil au terme de cette procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (arrêt du 11 novembre
1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 10). Il convient de considérer que la communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 constitue un acte préparatoire au sens de cette jurisprudence.
35 Si, par conséquent, le plaignant ne peut introduire un recours juridictionnel contre ladite communication, il est toutefois en droit, en vertu de l'article 6 du règlement n_ 99/63, de présenter, par écrit, ses observations éventuelles sur celle-ci. En effet, cette phase intermédiaire de la procédure administrative devant la Commission vise à sauvegarder les droits du plaignant qui ne peut se voir adresser une décision défavorable sans avoir eu la possibilité de présenter ses observations sur les
motifs que la Commission entend retenir.
36 En outre, contrairement à la thèse de la requérante, la Commission n'est pas ainsi autorisée à perpétuer un état d'inaction. En effet, à l'issue de cette phase de la procédure, la Commission est tenue soit d'engager une procédure contre la personne faisant l'objet de la plainte - procédure à laquelle peut participer le plaignant en vertu de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n_ 17 et de l'article 5 du règlement n_ 99/63 -, soit de prendre une décision définitive rejetant la plainte,
susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation devant le juge communautaire. Dans le cadre d'un tel recours, le plaignant peut invoquer toute illégalité éventuelle qui entacherait les actes préparatoires à la décision définitive (voir arrêt IBM/Commission, précité, point 12).
37 Il convient d'ailleurs d'observer que la décision définitive de la Commission doit, conformément aux principes de bonne administration, intervenir dans un délai raisonnable à compter de la réception des observations du plaignant.
38 Si la Commission s'abstient soit d'engager une procédure contre la personne qui faisait l'objet de la plainte, soit de prendre une décision définitive dans un délai raisonnable, le plaignant peut se prévaloir des dispositions de l'article 175 du traité pour introduire un recours en carence. En effet, le fait que le plaignant ait déjà introduit un recours en carence pour obtenir la communication au titre de l'article 6 du règlement n_ 99/63 n'empêche nullement qu'il introduise, par la suite, un
nouveau recours en carence dont l'objet serait différent. Dans une telle situation, si elle n'avait pas agi en temps utile, la Commission encourrait le risque d'être condamnée, en raison de son inaction, aux dépens exposés par le plaignant.
39 Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu'il est toujours loisible à une entreprise, qui s'estime lésée par un comportement anticoncurrentiel, de faire valoir devant les juridictions nationales, particulièrement lorsque la Commission décide de ne pas donner une suite favorable à sa plainte, les droits qu'elle tire des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité, lesquels produisent des effets directs dans les relations entre particuliers (voir arrêt du 30 janvier 1974, BRT et SABAM, 127/73, Rec. p.
51, point 16).
40 Le cinquième moyen, tiré de la violation du principe général du droit à un recours juridictionnel, n'est dès lors pas fondé.
41 Aucun des moyens avancés par la requérante n'ayant pu être retenu, il y a lieu de rejeter le pourvoi principal.
Sur le pourvoi incident
42 Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du pourvoi de la Commission limité à la charge des dépens, il convient de constater d'emblée que celui-ci n'est pas fondé.
43 La prise de position de la Commission est en effet intervenue le 13 juin 1994, soit plus de deux mois après la date limite prévue par l'article 175 du traité et après l'introduction du recours, ce qui a occasionné des frais inutiles à la requérante dont la première lettre à la Commission date du 3 août 1992 (arrêt du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C-15/91 et C-108/91, Rec. p. I-6061, point 33).
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
44 En vertu de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n'est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Il résulte de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, tout d'abord, que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens et, ensuite, que, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens. Selon l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut décider que chaque
partie supporte ses propre dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
45 La requérante et la Commission ayant toutes deux succombé dans leurs prétentions et moyens, il y a lieu de décider qu'elles supporteront chacune leurs propres dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête:
1) Les pourvois sont rejetés.
2) Guérin automobiles et la Commission des Communautés européennes supporteront leurs propres dépens.