Avis juridique important
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61996C0130
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 13 mars 1997. - Fazenda Pública contre Solisnor-Estaleiros Navais SA, en présence de Ministério Pùblico. - Demande de décision préjudicielle: Supremo Tribunal Administrativo - Portugal. - TVA - Article 33 de la sixième directive TVA - Maintien de droits d'enregistrement - Droit de timbre sur la valeur de contrats portant sur la construction d'un pétrolier. - Affaire C-130/96.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-05053
Conclusions de l'avocat général
1 La question qui vous est déférée par le Supremo Tribunal Administrativo vous invite à procéder, une nouvelle fois, à l'interprétation de l'article 33 de la sixième directive TVA (1) (ci-après la «sixième directive»), qui s'oppose au maintien ou à l'introduction par un État membre d'impositions ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires. Le juge portugais souhaite disposer des éléments qui lui permettront d'analyser, pour en apprécier la régularité, les caractéristiques d'une taxe
nationale.
I - Les faits et la procédure nationale
2 Le litige soumis à la juridiction de renvoi trouve son origine dans la liquidation d'une imposition instituée, sous la forme d'un droit de timbre, par l'article 91 de la «Tabela Geral do Imposto do Selo» (Tableau général du droit de timbre, ci-après la «TGIS»).
3 Le 4 juin 1992, Solisnor-Estaleiros Navais SA (ci-après «Solisnor») a acquitté ce droit, d'un montant de 43 586 400 ESC, au titre d'un contrat d'entreprise conclu, le 28 décembre 1989, avec Sociedades Portuguesa de Navios et Tanques SA (ci-après «Soponata»), pour la construction d'un pétrolier destiné au transport de pétrole brut.
4 Elle a ensuite sollicité, et obtenu, l'annulation de la liquidation de l'impôt, aux termes d'un arrêt rendu le 21 mars 1994 par le Tribunal Tributário de Primeira Instância de Setúbal. La Fazenda Pública (Trésor public) a formé appel de cette décision devant le Supremo Tribunal Administrativo.
5 Devant la juridiction de renvoi, la Fazenda Pública soutient que le droit de timbre n'est pas une taxe sur le chiffre d'affaires, de sorte qu'il n'est pas contraire à l'article 33 de la sixième directive (2).
6 Pour sa part, Solisnor fait valoir que, eu égard à ses caractéristiques d'imposition générale frappant la consommation et proportionnelle au prix des services, le droit de timbre est une taxe sur le chiffre d'affaires, au sens de l'article 33, ce qui le rend incompatible avec le système commun de TVA (3).
II - Le droit de timbre de l'article 91 de la TGIS
7 Selon le juge de renvoi, cette taxe frappe, d'une manière générale, «tous les documents, livres, papiers, actes et produits spécifiés dans la TGIS» (4) et, plus spécifiquement, «les contrats d'entreprise et de fourniture de matériaux ou de tous articles de consommation...» (5). Le montant du droit de timbre est calculé en fonction d'un taux, variable selon l'objet du contrat, appliqué à la valeur de l'acte.
8 L'article 91 de la TGIS a été abrogé par l'article 3 du décret-loi n_ 223/91, du 18 juin 1991, dont le préambule justifie la suppression des articles relatifs aux contrats d'entreprise, parmi lesquels l'article 91, par leur «incompatibilité avec l'imposition générale de la consommation, affectée à la taxe sur la valeur ajoutée» (6).
9 Le Supremo Tribunal Administrativo relève que, le 28 décembre 1989, date du fait imposable, l'article 91 de la TGIS était encore en vigueur, alors que l'État portugais était tenu, depuis le 1er janvier 1989, de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la sixième directive (7).
10 Il estime en conséquence utile de vous poser la question préjudicielle suivante:
«Le droit de timbre, ayant les caractéristiques précitées, doit-il être considéré, en vertu de l'article 33 de la sixième directive précitée, comme une taxe sur le chiffre d'affaires et est-il éventuellement couvert par l'exception au titre de l'article 378 de l'acte annexe ou d'une quelconque autre disposition du droit communautaire?»
11 L'article 378 de l'acte d'adhésion de la République portugaise se réfère à l'annexe XXXII, qui dresse une liste d'actes applicables à la République portugaise, parmi lesquels la sixième directive, pour en définir les conditions d'application. S'agissant de la directive précitée, l'annexe XXXII traite de la faculté reconnue à la République portugaise, à certaines conditions, d'accorder une franchise de taxe et de procéder à diverses exonérations. Ces deux textes ne sont donc pas susceptibles,
compte tenu de leur objet, de contribuer à la qualification juridique du droit de timbre portugais.
12 Votre jurisprudence a délimité le champ d'application de l'article 33 de la sixième directive, en dégageant les critères qui permettent de définir la notion de taxe sur le chiffre d'affaires. Il convient de les rappeler pour déterminer la nature exacte du droit de timbre litigieux.
III - La notion de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33 de la sixième directive
13 Aux termes de l'article 33 de la sixième directive:
«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires.»
14 Votre jurisprudence constante considère que cette disposition «... ne fait pas obstacle au maintien ou à l'introduction de droits d'enregistrement ou d'autres types d'impôts, droits et taxes, dès lors que ceux-ci n'ont pas les caractéristiques essentielles de la TVA» (8). Il est même permis aux États membres de cumuler la TVA avec des impôts, droits ou taxes autres que les taxes sur le chiffre d'affaires (9).
15 L'interdiction du cumul de la TVA avec des impositions ayant le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires s'explique par l'existence d'un système harmonisé constitué sous la forme d'un système commun d'imposition sur la valeur ajoutée.
16 La première directive TVA (10) (ci-après la «première directive») pose les principes de base de ce système. Elle annonce que l'objectif poursuivi est de «réaliser une harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ayant pour objet l'élimination, dans la mesure du possible, des facteurs qui sont susceptibles de fausser les conditions de concurrence...» (11). Dans la logique de ce texte, l'harmonisation suppose l'«élimination des systèmes de taxes cumulatives à
cascade» (12) en vigueur dans certains États de la Communauté, dont la caractéristique principale est de taxer, à chaque transaction, la totalité du prix, sans déduction possible de la taxe acquittée au stade antérieur. Une telle imposition est dépourvue de toute neutralité à l'égard du processus de production et de distribution puisque, par un effet mécanique, elle favorise les circuits économiques intégrés, et renchérit d'autant plus le prix des biens et des services que la valeur créée lors des
premières étapes de leur production est élevée.
17 La deuxième directive TVA (13) (ci-après la «deuxième directive») met en place ce système fondé sur une définition communautaire de la TVA, en remplacement des systèmes nationaux. Sauf dans le domaine particulier de la TVA, la compétence fiscale des États membres est préservée.
18 L'article 33 de la sixième directive vient garantir la cohérence et la pérennité du système commun en n'autorisant que les taxes autres que celles répondant aux critères de la taxe sur le chiffre d'affaires. Toutefois, le texte ne précise pas ce qu'il convient d'entendre par impôt ayant le «caractère de taxes sur le chiffre d'affaires».
19 Votre Cour a interprété cette notion dans l'arrêt Rousseau Wilmot:
«L'article 33 de la sixième directive, en laissant la liberté aux États membres de maintenir ou d'introduire certaines taxes indirectes, telles les accises, à condition qu'il ne s'agisse pas de taxes `ayant ... le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires', a pour but d'empêcher que le fonctionnement du système commun de TVA soit compromis par des mesures fiscales d'un État membre grevant la circulation des biens et services, et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à
celle qui caractérise la TVA» (14).
20 Vous avez ajouté que devaient «... être considérés comme grevant la circulation des biens et des services d'une façon comparable à la TVA les impôts, droits et taxes qui présentent les caractéristiques essentielles de la TVA» (15).
21 La définition de la TVA nous est donnée par l'article 2, paragraphes 1 à 3, de la première directive, qui dispose ce qui suit:
«Le principe du système commun de taxe sur la valeur ajoutée est d'appliquer aux biens et aux services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition.
A chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée, calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est exigible déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs du prix.
Le système commun de taxe sur la valeur ajoutée est appliqué jusqu'au stade du commerce de détail inclus.»
22 Votre jurisprudence a dégagé de cette définition les caractéristiques essentielles de la TVA. Elle relève que «la TVA s'applique de manière générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services; elle est proportionnelle au prix de ces biens et de ces services; elle est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution; enfin, elle s'applique sur la valeur ajoutée des biens et des services, la taxe due lors d'une transaction étant calculée après déduction de celle
qui a été payée lors de la transaction précédente» (16).
23 Il y a donc lieu d'examiner si chacun de ces éléments se retrouve dans une taxe du type de celle «ayant les caractéristiques indiquées à l'article 91 de la TGIS...» (17), qui serait, dans ce cas, soumise à l'interdiction de l'article 33.
IV - La nature juridique du droit de timbre de l'article 91 de la TGIS
24 Le gouvernement portugais et la Fazenda Pública, laquelle déclare faire intégralement siennes les observations écrites présentées par celui-ci (18), exposent que le droit de timbre «grève l'acte ou le contrat, et non le bien qui en est l'objet» et que, «Même si le contrat ne produit pas d'effets, est invalide ou n'est pas exécuté, le droit de timbre ... reste dû». Ils en déduisent que «ce n'est pas la transaction qui est grevée, ce qui fait qu'on ne peut logiquement pas considérer que le droit en
question est une taxe sur le chiffre d'affaires» (19).
25 Le fait que le droit de timbre frappe le contrat et non la transaction ne suffit pas, selon nous, à permettre d'écarter la qualification de taxe sur le chiffre d'affaires. Les stipulations écrites d'un contrat constituent des règles définies par les cocontractants dans le dessein de s'y soumettre. En faisant de la valeur stipulée au contrat l'assiette de l'impôt, la loi nationale se réfère donc au prix qui, dans la plupart des cas, sera le prix effectif de l'opération à l'origine de l'imposition.
26 En conséquence, il nous paraît excessif d'invoquer les risques de nullité ou d'inexécution des contrats, proportionnellement faibles en comparaison du nombre des contrats licites et régulièrement exécutés, pour prétendre qu'un décalage existe entre l'acte et la transaction qu'il organise. Nous sommes d'avis, en conséquence, que, en taxant un contrat, le droit de timbre frappe une transaction de façon comparable à une taxe directement appliquée sur l'opération économique elle-même.
27 Une imposition telle que le droit de timbre de l'article 91 pourrait être qualifiée de taxe sur le chiffre d'affaires, dans la plus large acception du terme, puisque sa base imposable est constituée par la valeur du contrat, laquelle représente, en principe, le chiffre d'affaires de l'entrepreneur. Cela se pourrait d'autant plus que le critère de proportionnalité n'est pas contestable, puisque le montant du droit de timbre est obtenu par l'application d'un pourcentage à une base d'imposition
(20). Pour reprendre le raisonnement développé au point précédent, la proportionnalité de l'impôt au prix des biens ou des services ne serait rompue que si des écarts fréquents et de valeur inégale, par rapport au prix contractuellement défini, rendaient ce dernier sans rapport avec la réalité du contrat finalement exécuté.
28 Ces éléments ne sont cependant pas suffisants. Les critères tirés de votre jurisprudence confèrent, en effet, à la notion de taxe sur le chiffre d'affaires un sens plus étroit.
29 Le gouvernement portugais et la Fazenda Pública soutiennent que la condition de généralité n'est pas remplie. Selon eux, l'assiette du droit de timbre n'est pas constituée par l'ensemble de l'activité économique, mais seulement par une prestation de services déterminée et spécifique (21). La Commission est d'un avis identique. L'imposition litigieuse frappe essentiellement la mise en forme de certains actes. De plus, même lorsqu'il touche des biens et des services, le droit de timbre ne grève pas
la généralité de ceux-ci, mais seulement certaines catégories bien précises, telles que le contrat d'entreprise (22).
30 Au contraire, Solisnor fait valoir que le droit de timbre n'est pas une imposition particulière ne frappant qu'une catégorie de personnes, mais qu'il est bien un impôt général (23) puisqu'il s'applique à toutes les personnes morales qui concluent des contrats d'entreprise.
31 Vous avez jugé que ne constituaient pas un impôt général les «... droits [qui] n'ont pas ... pour objet d'appréhender l'ensemble des opérations économiques dans l'État membre concerné» (24).
32 En l'espèce, il n'est pas douteux qu'un impôt tel que celui décrit par le juge de renvoi n'est pas général. S'il s'applique à un grand nombre d'actes - qu'il serait d'ailleurs plus juste de qualifier de «supports», tant l'énumération qui en est faite par la loi est large -, le droit de timbre ne concerne, toutefois, pas l'ensemble des opérations économiques dans l'État membre concerné. Le texte de l'article 1er du règlement sur le droit de timbre (25) désigne en effet les «documents, livres,
papiers, actes et produits spécifiés dans la TGIS» (26), ce qui révèle le caractère limitatif de l'impôt dans sa définition la plus large. A plus forte raison, le droit de timbre de l'article 91, applicable aux «contrats d'entreprises et fournitures de matériel ou de tous articles de consommation», ne peut être considéré comme ayant un caractère général, eu égard à la stricte limitation de l'objet des actes imposés.
33 Le caractère de généralité retenu par votre jurisprudence fait donc en l'espèce défaut. Il convient ensuite de rechercher si le droit de timbre est perçu chaque stade du processus de production et de distribution.
34 Le contrat litigieux porte sur la construction par Solisnor d'un pétrolier commandé par Soponata. Pour répondre à la condition précitée, chaque étape de la construction du pétrolier, de l'achat des matières premières à la livraison du bateau, devrait donc donner lieu au paiement de l'impôt.
35 Or, tel qu'il apparaît à la lecture du texte, et comme l'indique la Commission, le droit de timbre semble ne s'être appliqué qu'à une partie du processus de production (27). Pour apprécier la régularité juridique de l'article 91, le juge national devra, selon nous, vérifier si chacune des phases ayant concouru à la construction du bateau est susceptible d'entrer dans la catégorie des «contrats d'entreprise, ou des contrats de fourniture de matériaux ou de tous articles de consommation», pour
reprendre les termes de ce texte. Il lui revient, en particulier, d'examiner si les prestations de services réalisées dans le cadre de relations contractuelles nouées entre l'entrepreneur et d'autres corps de métiers ont été frappées du droit de timbre.
36 Pour que soit justifiée la qualification de taxe sur le chiffre d'affaires, il serait, en outre, nécessaire, selon votre jurisprudence, de démontrer que la taxe appliquée lors des transactions antérieures est déductible du droit finalement acquitté par l'entrepreneur.
37 Cependant, nous ne pensons pas que la déductibilité en amont d'une taxe doive constituer une condition impérative de sa qualification de taxe sur le chiffre d'affaires.
38 Il convient de relever que, en tout état de cause, les critères déjà examinés suffisent, en l'espèce, à écarter une telle qualification du droit de timbre litigieux.
39 Plus généralement, il nous semble que, en subordonnant la qualification de taxe sur le chiffre d'affaires à l'exigence d'un système de déduction, les objectifs poursuivis par le système commun de TVA, ou du moins une partie d'entre eux, risquent d'être méconnus.
40 Rappelons que, aux termes de la première directive, l'harmonisation des législations relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires «doit aboutir à l'élimination des systèmes de taxes cumulatives à cascade et à l'adoption par tous les États membres d'un système commun de taxe sur la valeur ajoutée» (28). A cet effet, son article 1er prévoit que «les États membres remplacent leur système actuel de taxes sur le chiffre d'affaires par le système commun de taxe sur la valeur ajoutée...».
41 Comme nous l'avons indiqué (29), l'article 33 de la sixième directive vise à préserver l'intégrité du système commun de TVA. Sa fonction principale est de garantir le dispositif communautaire contre l'introduction ou le maintien d'impositions du chiffre d'affaires qui, telles les taxes cumulatives à cascade, sont de nature à fausser les conditions de concurrence.
42 Or, l'absence de déductibilité d'une taxe en amont se traduit par un effet cumulatif de l'imposition (30), de sorte qu'une interprétation en vertu de laquelle l'article 33 s'opposerait aux seules taxes déductibles reviendrait, en définitive, à autoriser le rétablissement d'impositions du type de celles que les directives précitées se sont fixé pour mission, précisément, d'éliminer (31).
43 C'est pourquoi nous proposons à votre Cour de ne pas faire dépendre son appréciation de l'existence, dans le régime juridique de la taxe portugaise, de cet élément, et, ainsi, de considérer que la déductibilité d'une imposition ne conditionne pas sa nature de taxe sur le chiffre d'affaires au sens de l'article 33.
44 Celle-ci resterait définie par sa généralité, sa proportionnalité et - condition essentielle par la place qu'elle occupe dans la définition des taxes cumulatives à cascade (32) - la perception faite à chaque stade du processus de production et de distribution.
45 Les taxes sur le chiffre d'affaires répondant à ces seules caractéristiques sont, selon nous, parmi les plus susceptibles de compromettre le fonctionnement du système commun de TVA dans la mesure où, déductibles ou non, elles faussent les conditions de concurrence et nuisent à l'harmonisation (33).
46 En effet, en cas de déductibilité possible, «le maintien de taxes nationales, substantiellement analogues à la TVA, impliquerait l'application d'un taux distinct s'ajoutant aux taux communs, permettant ainsi d'éluder le régime harmonisé» (34). De même, les «discordances possibles de régime entre deux taxes ... qui ont cependant la même nature ... prouvent que la superposition entre TVA et taxes analogues est loin d'être sans influence sur l'uniformité du fonctionnement du système commun» (35).
47 Les impositions qui, en plus des caractéristiques précitées (36), n'offrent pas de possibilité de déduction en amont bouleversent, de la même manière, l'harmonisation fiscale poursuivie depuis la première directive. Elles portent atteinte au principe de neutralité posé par le système commun, et mis en oeuvre par la suppression des taxes nationales cumulatives à cascade (37).
48 Toutefois, au cas où vous considéreriez que la déductibilité d'une imposition doit rester déterminante dans l'appréciation de sa qualification juridique, il convient de constater que la taxe portugaise ne présente pas cette caractéristique. L'article 91 de la TGIS n'y fait aucune référence. Comme l'indique la Commission, le droit de timbre frappe le montant brut du prix du contrat et non la fraction du prix qui représente la valeur ajoutée par rapport aux dépenses supportées en amont par
l'entrepreneur (38). Aucune des parties intervenantes ne soutient, au demeurant, que le droit de timbre de l'article 91 est déductible.
49 Il suit de ce qui précède que le droit de timbre de l'article 91 ne remplit pas les conditions qui feraient de lui une taxe sur le chiffre d'affaires le rendant incompatible avec le système commun de TVA, de sorte que, de notre point de vue, l'article 33 de la sixième directive ne s'oppose pas à une imposition de cette nature.
Conclusion
Au regard de ces considérations, nous vous proposons de répondre à la question posée de la façon suivante:
«L'article 33 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'introduction ou au maintien d'une imposition nationale qui présente les caractéristiques du droit de timbre institué par l'article 91 de la `Tabela Geral do Imposto do Selo'.»
(1) - Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1).
(2) - Page 2 de la traduction en français de la décision de renvoi.
(3) - Ibidem.
(4) - Article 1er du règlement sur le droit de timbre, approuvé par le décret-loi n_ 12700 du 20 novembre 1926.
(5) - Article 91 de la TGIS.
(6) - Cité par le juge national, p. 4 de la traduction en français de la décision de renvoi.
(7) - Ibidem. La date du 1er janvier 1989 est fixée par l'annexe XXXVI dressant la liste prévue à l'article 395 de l'acte d'adhésion de la République portugaise à la Communauté européenne [Actes relatifs à l'adhésion du royaume d'Espagne et de la République portugaise aux Communautés européennes (JO 1985, L 302, p. 397)].
(8) - Voir, récemment, l'arrêt du 16 décembre 1992, Beaulande (C-208/91, Rec. p. I-6709, point 13).
(9) - Arrêts du 8 juillet 1986, Kerrutt (73/85, Rec. p. 2219, point 22), et du 13 juillet 1989, Wisselink e.a. (93/88 et 94/88, Rec. p. 2671, point 14).
(10) - Première directive 67/227/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires (JO 1967, 71, p. 1301).
(11) - Troisième considérant.
(12) - Quatrième considérant.
(13) - Deuxième directive 67/228/CEE du Conseil, du 11 avril 1967, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 1967, 71, p. 1303).
(14) - Arrêt du 27 novembre 1985 (295/84, Rec. p. 3759, point 16) et, plus récemment, arrêt du 7 mai 1992, Bozzi (C-347/90, Rec. p. I-2947, point 9), souligné par nous.
(15) - Arrêt du 31 mars 1992, Dansk Denkavit et Poulsen Trading (C-200/90, Rec. p. I-2217, point 11), souligné par nous.
(16) - Arrêt Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité, point 11. Voir également les arrêts du 3 mars 1988, Bergandi (252/86, Rec. p. 1343, point 15); Wisselink e.a., précité, point 18; du 19 mars 1991, Giant (C-109/90, Rec. p. I-1385, points 11 et 12); Bozzi, précité, point 12, et Beaulande, précité, point 14.
(17) - Page 4 de la traduction en français de la décision de renvoi.
(18) - Point 1 de ses observations écrites.
(19) - Page 10 de la traduction en français des observations écrites du gouvernement portugais. Voir également les points 2.1 à 2.5 des observations écrites de la Fazenda Pública.
(20) - En l'espèce, le taux est de 6 pour 1 000.
(21) - Point 18 des observations écrites du gouvernement portugais.
(22) - Point 12 de ses observations écrites.
(23) - Page 14 de la traduction en français de ses observations écrites.
(24) - Arrêt Beaulande, précité, point 16.
(25) - Point 7 des présentes conclusions.
(26) - Souligné par nous.
(27) - Point 12 de ses observations écrites.
(28) - Quatrième considérant. Point 16 des présentes conclusions. Voir également les conclusions de l'avocat général M. Mischo dans l'affaire Wisselink e.a., précitée, points 19 à 21.
(29) - Point 18 des présentes conclusions.
(30) - Point 16 des présentes conclusions.
(31) - Voir, notamment, Berlin, D.: «Droit communautaire et fiscalité. Harmonisation des fiscalités», Traité de droit européen, dans Juris-classeur «Europe», 1996, volume 4, fascicule 1630, points 10 et suiv.; Farmer, P. et Lyal, R.; EC Tax Law, 1994, p. 132 et suiv.
(32) - Point 16 des présentes conclusions.
(33) - Précisons que le sens des arrêts rendus par votre Cour, en interprétation de l'article 33, n'aurait pas été différent en l'absence de critère portant sur la déductibilité. Ainsi, cette situation n'aurait pas changé la qualification donnée à une taxe telle que la contribution fiscale décrite dans l'affaire Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précitée, puisque les autres conditions permettant de caractériser sa nature de taxe sur le chiffre d'affaires se trouvaient réunies. De même, le défaut
d'exigence de ce critère n'aurait pas modifié le contenu des arrêts déniant à certaines taxes la qualité de taxe sur le chiffre d'affaires, dans la mesure où toutes ces décisions, à notre connaissance, se sont fondées sur la constatation de l'absence d'au moins une condition autre que celle liée à la déductibilité.
(34) - Conclusions de l'avocat général M. Tesauro dans l'affaire Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précitée, point 8.
(35) - Ibidem.
(36) - Point 44 des présentes conclusions.
(37) - Point 16 des présentes conclusions.
(38) - Point 12 de la traduction en français des observations écrites.