Avis juridique important
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61995J0344
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 20 février 1997. - Commission des Communautés européennes contre Royaume de Belgique. - Manquement - Article 48 du traité CE - Directive 68/360/CEE. - Affaire C-344/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-01035
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Droit de séjourner pour rechercher un emploi - Durée du séjour - Réglementation nationale obligeant les ressortissants des États membres à la recherche d'un emploi à quitter automatiquement le territoire national au terme d'un délai de trois mois - Inadmissibilité
(Traité CE, art. 48; directive du Conseil n_ 68/360)
2 Libre circulation des personnes - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres - Travailleurs engagés dans une relation de travail d'une durée supérieure à un an - Réglementation nationale prévoyant, pour les six premiers mois de séjour, la délivrance puis le renouvellement, assortis de la perception d'un droit d'une attestation d'immatriculation - Inadmissibilité
(Traité CE, art. 48; directive du Conseil n_ 68/360, art. 1, 4 et 9, § 1)
3 Libre circulation des personnes - Droit d'entrée et de séjour des ressortissants des États membres - Travailleurs salariés et saisonniers engagés dans une relation de travail d'une durée ne dépassant pas trois mois - Réglementation nationale prévoyant la délivrance, assortie de la perception d'un droit, d'un document relatif au séjour - Inadmissibilité
(Traité CE, art. 48; directive du Conseil n_ 68/360, art. 8, § 1, a) et c), et 8, § 2)
Sommaire
4 Le principe de libre circulation des travailleurs consacré à l'article 48, paragraphes 1 à 3, du traité, qui doit être interprété largement, implique le droit pour les ressortissants des États membres de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d'y séjourner aux fins d'y rechercher un emploi.$
L'effet utile de l'article 48 est garanti dans la mesure où la législation communautaire ou, à défaut de celle-ci, la législation d'un État membre accorde aux intéressés un délai raisonnable qui leur permet de prendre connaissance, sur le territoire de l'État membre concerné, des offres d'emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagés.$
En l'absence de disposition communautaire fixant un délai pour le séjour des ressortissants communautaires à la recherche d'un emploi, les États membres sont en droit de déterminer un délai raisonnable à cette fin. Toutefois, si, après l'écoulement de ce délai, l'intéressé apporte la preuve qu'il est toujours à la recherche d'un emploi et qu'il a de véritables chances d'être engagé, il ne saurait être contraint de quitter le territoire de l'État membre d'accueil.$
Il s'ensuit qu'un État membre manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité en obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi sur son territoire à quitter automatiquement ce dernier après l'expiration d'un délai de trois mois.$
5 Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité et de la directive 68/360, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté, l'État membre qui, pendant les six premiers mois de leur séjour, délivre aux travailleurs salariés qui occupent un emploi d'une durée d'au moins un an deux attestations d'immatriculation successives, et non pas le titre de séjour prévu par la
directive, et qui soumet chacune de ces délivrances à la perception d'un droit d'un montant égal à celui exigé de ses nationaux à l'occasion de la délivrance d'un titre d'identité.$
En effet, l'article 4 de ladite directive implique, pour les États membres, l'obligation de délivrer un titre de séjour à tout travailleur qui apporte la preuve, par les documents appropriés, à savoir le document sous le couvert duquel il est entré sur leur territoire, ainsi qu'une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail, de ce qu'il appartient à l'une des catégories déterminées par l'article 1er de la même directive. Or, un tel régime d'attestation d'immatriculation ne
tient pas compte du point de savoir si le travailleur d'un autre État membre, lors de la présentation de la première demande de délivrance d'un titre de séjour, présente déjà tous les documents exigés par ladite directive. En outre, cette organisation de la procédure et sa durée, un délai de six mois pouvant s'écouler avant la délivrance de la carte de séjour, entraînent des charges excessives et constituent, par conséquent, une entrave effective à la libre circulation des travailleurs, contraire à
l'article 48.$
Par ailleurs, il résulte clairement de l'article 9, paragraphe 1, de la directive que les documents de séjour accordés aux ressortissants communautaires sont délivrés et renouvelés à titre gratuit ou contre versement d'une somme ne dépassant pas les droits et taxes exigés pour la délivrance des cartes d'identité aux nationaux. Eu égard au système d'organisation des attestations d'immatriculation, un ressortissant communautaire doit passer par plusieurs étapes administratives avant d'obtenir un
document définitif et est soumis, à chaque étape, à la perception d'un droit. Même si chaque droit, considéré individuellement, ne dépasse pas le montant qui est dû pour la délivrance d'une carte d'identité aux nationaux, leur somme totale est supérieure à ce montant, ce qui constitue une violation de l'article 9, paragraphe 1, de la directive.$
6 Manque aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité et de la directive 68/360, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté, l'État membre qui délivre aux travailleurs salariés et aux travailleurs saisonniers, dont la durée prévue d'activité ne dépasse pas trois mois, un document relatif à leur séjour et soumet la délivrance de ce document à la perception d'un
droit.$
En effet, l'article 8, paragraphe 1 de cette directive, qui dispose, sous a), que les États membres reconnaissent le droit de séjour au travailleur qui exerce une activité salariée d'une durée prévue ne dépassant pas trois mois, sans qu'il soit délivré de carte de séjour, l'autorisation pour le travailleur de séjourner résultant du document sous le couvert duquel il a pénétré sur le territoire et d'une déclaration de l'employeur indiquant la période prévue de l'emploi, et prévoit, sous c), que le
séjour du travailleur saisonnier est couvert lorsqu'il est titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel il vient exercer son activité, implique que tout ce qui va au-delà de la déclaration, prévue par l'article 8, paragraphe 2, de ladite directive, que les autorités compétentes de l'État d'accueil peuvent imposer au travailleur pour signaler sa présence, et revêt le caractère d'une autorisation ou d'une carte de séjour, n'est pas
compatible avec la directive. En outre, le fait d'exiger le paiement d'une taxe à l'occasion d'une telle déclaration constitue un obstacle pécuniaire à la circulation de ces travailleurs, contraire aux dispositions communautaires.
Parties
Dans l'affaire C-344/95,
Commission des Communautés européennes, représentée par M. Pieter van Nuffel, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
partie requérante,
contre
Royaume de Belgique, représenté par M. Jan Devadder, conseiller àgénéral au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Belgique, 4, rue des Girondins, Résidence Champagne,
partie défenderesse,
ayant pour objet de faire constater que:
- en obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi en Belgique à quitter le territoire après un délai de trois mois,
- en délivrant, pendant les six premiers mois de leur séjour, aux travailleurs salariés qui occupent un emploi d'une durée d'au moins un an deux attestations d'immatriculation successives, au lieu de la carte de séjour de ressortissant d'un État membre, et en exigeant le paiement de ces attestations, et
- en délivrant aux travailleurs salariés et aux travailleurs saisonniers dont la durée prévue de leur activité ne dépasse pas trois mois un document relatif à leur séjour et en exigeant le paiement de ce document,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CE et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre (rapporteur), C. N. Kakouris, G. Hirsch, H. Ragnemalm et R. Schintgen, juges,
avocat général: M. C. O. Lenz,
greffier: M. R. Grass,
vu le rapport du juge rapporteur,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 14 novembre 1996,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 octobre 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE, un recours visant à faire constater que:
- en obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi en Belgique à quitter le territoire après un délai de trois mois,
- en délivrant, pendant les six premiers mois de leur séjour, aux travailleurs salariés qui occupent un emploi d'une durée d'au moins un an deux attestations d'immatriculation successives, au lieu de la carte de séjour de ressortissant d'un État membre, et en exigeant le paiement de ces attestations, et
- en délivrant aux travailleurs salariés et aux travailleurs saisonniers dont la durée prévue de leur activité ne dépasse pas trois mois un document relatif à leur séjour et en exigeant le paiement de ce document,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CE et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 13, ci-après la «directive»).
2 Le séjour des ressortissants communautaires et des membres de leur famille qui se rendent en Belgique pour y exercer une activité salariée est régi par la loi du 15 décembre 1980 (telle que modifiée par la loi du 6 mai 1993, Moniteur belge du 21 mai 1993) qui a été mise en oeuvre par l'arrêté royal du 8 octobre 1981 (Moniteur belge du 27 octobre 1981) sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après l'«arrêté royal»).
3 L'article 45 de l'arrêté royal réglemente la procédure de délivrance des cartes de séjour aux ressortissants des autres États membres qui entendent exercer une activité salariée ou non salariée en Belgique pour une durée d'au moins un an. Le paragraphe 1 de cette disposition prévoit:
«L'étranger CE qui vient en Belgique pour y exercer une activité salariée ou non salariée dont la durée prévue est d'au moins un an est, sur le vu des documents requis pour son entrée, inscrit au registre des étrangers et mis en possession d'une attestation d'immatriculation ... valable trois mois à partir de la date de sa délivrance.
Au moment de son inscription, il est tenu d'introduire une demande d'établissement...
Avant la fin du troisième mois qui suit la demande, l'étranger CE doit produire soit une attestation patronale ... s'il exerce ou entend exercer une activité salariée, soit les documents requis pour l'exercice de la profession s'il exerce ou entend exercer une activité non salariée. S'il échet, l'administration communale vérifie la réalité de l'activité lucrative de l'étranger CE; elle dresse rapport du contrôle et en communique un exemplaire au Ministère qui a l'accès au territoire, le séjour,
l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences.
Si les documents visés à l'alinéa 3 ont été produits avant l'expiration du délai prévu, l'administration communale proroge l'attestation d'immatriculation pour une nouvelle période de trois mois. Dans la négative elle remet à l'étranger un document...»
4 L'article 45, paragraphe 2, de l'arrêté royal dispose:
«Le Ministre ... ou son délégué décide l'octroi ou le refus du titre d'établissement dans les plus brefs délais et au plus tard dans les six mois qui suivent la demande d'établissement et donne les instructions nécessaires à l'administration communale.
Si le Ministre ... ou son délégué octroie le titre d'établissement ou si aucune instruction n'a été communiquée avant l'expiration du sixième mois, l'administration communale procède à l'inscription de l'étranger CE au registre de la population et lui remet la carte de séjour de ressortissant d'un État membre des Communautés européennes.
Si le Ministre ... ou son délégué refuse l'établissement, il peut donner l'ordre à l'étranger de quitter le territoire. L'étranger reçoit notification de la décision...»
5 L'article 47 de l'arrêté royal régit la situation des ressortissants des autres États membres qui entendent exercer en Belgique une activité salariée ou non salariée dont la durée prévue ne dépasse pas trois mois, y compris les travailleurs saisonniers. Il dispose:
«L'étranger CE qui vient en Belgique pour y exercer une activité salariée ou non salariée dont la durée prévue ne dépasse pas trois mois, de même que le travailleur saisonnier CE occupé pour une durée de trois mois maximum, reçoit de l'administration communale, sur le vu des documents requis pour son entrée et sur production soit d'une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail, soit des documents requis pour l'exercice de sa profession, un document...»
6 En vertu de l'article 49 de l'arrêté royal, les articles 45 à 47 de ce dernier sont applicables aux membres de la famille des ressortissants communautaires.
7 Par ailleurs, l'article 2 de la loi du 14 mars 1968 abrogeant les lois relatives aux taxes de séjour des étrangers coordonnées le 12 octobre 1953 (Moniteur belge du 5 avril 1968) autorise les communes à percevoir des rétributions destinées à couvrir les frais administratifs résultant de la délivrance, du renouvellement, du remplacement ou de la prorogation des documents de séjour. Cette disposition prévoit expressément que ces rétributions sont égales à celles exigées des citoyens belges lors de
la délivrance de cartes d'identité.
8 Enfin, une circulaire ministérielle du 24 avril 1989 relative à la taxe sur la délivrance de documents administratifs à des étrangers (Moniteur belge du 23 mai 1989) rappelle aux administrations communales le principe de non-discrimination en la matière.
9 La Commission a, par lettre du 3 août 1993, mis le gouvernement belge en demeure de présenter, conformément à l'article 169 du traité, ses observations sur la compatibilité de cette réglementation avec le droit communautaire.
10 Cette lettre étant restée sans réponse, la Commission a, le 4 août 1994, adressé au gouvernement belge un avis motivé par lequel elle l'invitait à prendre les mesures nécessaires pour se conformer au droit communautaire dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
11 Dans une communication du 12 août 1994, le gouvernement belge a reconnu que, s'agissant des demandeurs d'emploi, la réglementation n'était pas conforme aux obligations communautaires, en sorte qu'il a annoncé son intention de la modifier. En revanche, ce gouvernement, s'agissant des deuxième et troisième griefs, a, dans un premier temps, contesté la position de la Commission. Toutefois, dans deux lettres ultérieures du 9 novembre 1994 et du 18 avril 1995, il a reconnu qu'une adaptation de la
réglementation serait également nécessaire. Aucune mesure n'ayant été prise, la Commission a introduit le présent recours.
Sur le premier grief concernant l'obligation de quitter le territoire après un délai de trois mois
12 Par ce premier grief, la Commission soutient que, en disposant qu'un ressortissant communautaire qui n'a pas trouvé d'emploi à la fin d'une période de trois mois suivant sa demande d'établissement et qui n'a pas fourni à l'autorité communale une attestation établissant qu'il exerce une activité salariée reçoit automatiquement un ordre de quitter le territoire, l'article 45 de l'arrêté royal viole manifestement l'article 48 du traité, tel qu'il a été interprété par la Cour dans l'arrêt du 26
février 1991, Antonissen (C-292/89, Rec. p. I-745).
13 Le gouvernement belge ne conteste pas ce grief et expose qu'il entend modifier l'arrêté royal en vue de permettre que le séjour des demandeurs d'emploi soit prorogé dans les conditions prévues par la Cour dans l'arrêt Antonissen, précité.
14 Il convient d'abord de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe de la libre circulation des travailleurs, consacré à l'article 48, paragraphes 1 à 3, du traité, fait partie des fondements de la Communauté et, dès lors, les dispositions qui consacrent cette liberté doivent être interprétées largement (voir, notamment, arrêt Antonissen, précité, point 11).
15 En outre, la Cour a précisé dans l'arrêt Antonissen, précité, point 13, que la libre circulation des travailleurs implique le droit pour les ressortissants des États membres de circuler librement sur le territoire des autres États membres et d'y séjourner aux fins d'y rechercher un emploi.
16 A cet égard, il y a lieu ensuite de souligner que l'effet utile de l'article 48 est garanti dans la mesure où la législation communautaire ou, à défaut de celle-ci, la législation d'un État membre accorde aux intéressés un délai raisonnable qui leur permet de prendre connaissance, sur le territoire de l'État membre concerné, des offres d'emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagés (voir arrêt
Antonissen, précité, point 16).
17 Il convient enfin de relever que, en l'absence de disposition communautaire fixant un délai pour le séjour des ressortissants communautaires à la recherche d'un emploi, les États membres sont en droit de déterminer un délai raisonnable à cette fin. Toutefois, si, après l'écoulement de ce délai, l'intéressé apporte la preuve qu'il est toujours à la recherche d'un emploi et qu'il a de véritables chances d'être engagé, il ne saurait être contraint de quitter le territoire de l'État membre d'accueil
(voir arrêt Antonissen, précité, point 21).
18 Au vu de ce qui précède, il suffit de constater que la réglementation belge viole le droit communautaire en ce qu'elle oblige les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi à quitter automatiquement le territoire après l'expiration du délai imparti.
19 Il convient dès lors de considérer que le grief invoqué à cet égard par la Commission est fondé.
Sur le le deuxième grief relatif au régime de l'attestation d'immatriculation
20 Par ce deuxième grief, la Commission fait valoir que la délivrance d'un document autre que la carte de séjour n'est pas prévue par la directive et que, en vertu de l'article 4 de cette dernière, les autorités de l'État membre d'accueil sont obligées de délivrer une carte de séjour au travailleur qui présente les documents requis par cette disposition. Eu égard à ces considérations, la Commission estime que l'arrêté royal est contraire au droit communautaire. En outre, étant donné qu'un paiement
peut être exigé d'un ressortissant communautaire lors de la délivrance et lors de chaque renouvellement de l'attestation d'immatriculation, cette réglementation ne serait pas conforme au principe de non-discrimination en matière de taxe établi à l'article 9, paragraphe 1, de la directive.
21 Le gouvernement belge fait valoir, en premier lieu, qu'il envisage une modification de l'arrêté royal en vue de prévoir la délivrance d'une seule attestation d'immatriculation et, en second lieu, qu'une circulaire destinée aux communes est en cours de rédaction afin de leur expliquer que le montant total des droits et taxes relatifs à la procédure de délivrance de la carte de séjour ne peut dépasser celui exigé pour la délivrance d'une carte d'identité à un citoyen belge.
22 Conformément à la jurisprudence de la Cour, l'article 4 de la directive implique, pour les États membres, l'obligation de délivrer le titre de séjour à tout travailleur qui apporte la preuve, par les documents appropriés, à savoir le document sous le couvert duquel il est entré sur leur territoire, ainsi qu'une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail, de ce qu'il appartient à l'une des catégories déterminées par l'article 1er de la directive (voir arrêt du 8 avril
1976, Royer, 48/75, Rec. p. 497, point 37).
23 A cet égard, il y a lieu de relever que le régime belge d'attestation d'immatriculation ne tient pas compte du point de savoir si le travailleur d'un autre État membre, lors de la présentation de la première demande de délivrance d'un titre de séjour, présente déjà tous les documents exigés par la directive. En outre, en vertu de ce régime, un délai de six mois peut s'écouler avant la délivrance de la carte de séjour.
24 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 11 de ses conclusions, cette organisation de la procédure et sa durée jusqu'à la délivrance de la carte de séjour entraînent des charges excessives et constituent, par conséquent, une entrave effective à la libre circulation des travailleurs, contraire à l'article 48 du traité.
25 Quant à la réglementation relative au paiement de droits pour la délivrance des attestations, il résulte clairement de l'article 9, paragraphe 1, de la directive que les documents de séjour accordés aux ressortissants communautaires sont délivrés et renouvelés à titre gratuit ou contre versement d'une somme ne dépassant pas les droits et taxes exigés pour la délivrance des cartes d'identité aux nationaux.
26 Eu égard au système d'organisation des attestations d'immatriculation, un ressortissant communautaire doit passer par plusieurs étapes administratives avant d'obtenir un document définitif et est soumis, à chaque étape, à la perception d'un droit. Même si chaque droit, considéré individuellement, ne dépasse pas le montant qui est dû pour la délivrance d'une carte d'identité aux nationaux, leur somme totale est supérieure à ce montant, ce qui constitue une violation de l'article 9, paragraphe 1,
de la directive.
27 En conséquence, il convient de considérer que le grief invoqué à cet égard par la Commission est fondé.
Sur le troisième grief concernant les attestations délivrées aux travailleurs dont le séjour est inférieur à trois mois
28 Par ce troisième grief, la Commission considère que la délivrance d'un document couvrant le séjour d'un travailleur d'un autre État membre qui se rend en Belgique pour y exercer une activité salariée ne dépassant pas trois mois ainsi que celui couvrant le séjour d'un travailleur saisonnier constitue un obstacle administratif et pécuniaire à leur encontre, en sorte qu'elle est contraire à l'article 8, paragraphe 1, de la directive, qui ne prévoit pas la délivrance d'un tel document.
29 Le gouvernement belge déclare qu'il envisage de supprimer l'obligation pour les travailleurs saisonniers et les ressortissants communautaires qui entendent exercer en Belgique une activité salariée, dont la durée prévue ne dépasse pas trois mois, de produire une déclaration d'engagement de l'employeur ou une attestation de travail.
30 A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 8, paragraphe 1, sous a), de la directive dispose que les États membres reconnaissent le droit de séjour au travailleur qui exerce une activité salariée d'une durée prévue ne dépassant pas trois mois, sans qu'il soit délivré de carte de séjour, l'autorisation pour le travailleur de séjourner résultant du document sous le couvert duquel il a pénétré sur le territoire et d'une déclaration de l'employeur indiquant la période prévue de l'emploi. En
vertu de l'article 8, paragraphe 1, sous c), de la directive, le séjour du travailleur saisonnier est couvert lorsqu'il est titulaire d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente de l'État membre sur le territoire duquel il vient exercer son activité.
31 Bien que l'article 8, paragraphe 2, de la directive prévoie que les autorités compétentes de l'État d'accueil peuvent imposer au travailleur de signaler sa présence, il résulte de ce qui précède que tout ce qui va au-delà d'une telle déclaration et revêt le caractère d'une autorisation ou d'une carte de séjour n'est pas compatible avec la directive.
32 En outre, le fait d'exiger le paiement d'une taxe à l'occasion d'une telle déclaration constitue un obstacle pécuniaire à la circulation de ces travailleurs, ce qui est également contraire aux dispositions communautaires.
33 En conséquence, il y a lieu de considérer que le grief invoqué à cet égard par la Commission est fondé.
34 Dès lors, il convient de conclure que:
- en obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi en Belgique à quitter le territoire après un délai de trois mois,
- en délivrant, pendant les six premiers mois de leur séjour, aux travailleurs salariés qui occupent un emploi d'une durée d'au moins un an deux attestations d'immatriculation successives, au lieu de la carte de séjour de ressortissant d'un État membre, et en exigeant le paiement de ces attestations, et
- en délivrant aux travailleurs salariés et aux travailleurs saisonniers dont la durée prévue de leur activité ne dépasse pas trois mois un document relatif à leur séjour et en exigeant le paiement de ce document,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité et de la directive.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
35 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Le royaume de Belgique ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre)
déclare et arrête:
1) - En obligeant les ressortissants des autres États membres qui cherchent un emploi en Belgique à quitter le territoire après un délai de trois mois,
- en délivrant, pendant les six premiers mois de leur séjour, aux travailleurs salariés qui occupent un emploi d'une durée d'au moins un an deux attestations d'immatriculation successives, au lieu de la carte de séjour de ressortissant d'un État membre, et en exigeant le paiement de ces attestations, et
- en délivrant aux travailleurs salariés et aux travailleurs saisonniers dont la durée prévue de leur activité ne dépasse pas trois mois un document relatif à leur séjour et en exigeant le paiement de ce document,
le royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CE et de la directive 68/360/CEE du Conseil, du 15 octobre 1968, relative à la suppression des restrictions au déplacement et au séjour des travailleurs des États membres et de leur famille à l'intérieur de la Communauté.
2) Le royaume de Belgique est condamné aux dépens.