Avis juridique important
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61994C0068
Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 6 février 1997. - République française et Société commerciale des potasses et de l'azote (SCPA) et Entreprise minière et chimique (EMC) contre Commission des Communautés européennes. - Contrôle communautaire des opérations de concentration entre entreprises - Position dominante collective. - Affaires jointes C-68/94 et C-30/95.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-01375
Conclusions de l'avocat général
1 Est-il possible d'appliquer aux oligopoles les dispositions du règlement (CEE) n_ 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1) (ci-après le «règlement»)? Et quelles sont les limites qui, à la lumière des dispositions du règlement, s'imposent à la Commission dans l'appréciation de la légalité des opérations de concentration?
L'occasion de donner une réponse, entre autres, à ces questions, incontestablement pertinentes aux fins de l'application du règlement, est fournie à la Cour par les affaires C-68/94 et C-30/95. Ces recours - l'un intenté par le gouvernement français, l'autre par la Société commerciale des potasses et de l'azote (ci-après «SCPA») et par l'Entreprise minière et chimique (ci-après «EMC») - mettent en doute, quoique sous des aspects en partie différents, la légalité de la décision 94/449/CE de la
Commission, du 14 décembre 1993 (2) (ci-après la «décision»).
2 Dans cette décision, la Commission a autorisé une opération ayant pour objet le regroupement des activités dans le domaine de la potasse et du sel gemme de la société Kali und Salz AG (ci-après «K+S») et de la société Mitteldeutsche Kali AG (ci-après «MdK») dans une entreprise commune créée par K+S et par la Treuhandanstalt. La déclaration de compatibilité a toutefois été subordonnée au respect, de la part de ces entreprises, de certaines conditions, consistant essentiellement dans l'interruption
des relations commerciales avec SCPA et EMC.
Le recours de SCPA et d'EMC (affaire C-30/95) est précisément destiné à obtenir l'annulation de la décision dans la partie dans laquelle elle prévoit ces conditions; celui du gouvernement français (affaire C-68/94) concerne également d'autres aspects et a donc une portée plus large. Néanmoins, puisque les objectifs des deux recours ne sont qu'en partie différents, que certains des moyens invoqués et des arguments développés sont en grande partie concordants, nous estimons possible et même
préférable, sous réserve des distinctions qui s'imposent, de les traiter conjointement.
3 Avant de rappeler les termes de la décision et donc de procéder à l'examen d'un litige qui, du fait des questions de principe qu'il soulève, peut constituer une étape importante dans la jurisprudence en matière de concurrence, nous estimons toutefois opportun de rappeler la genèse du règlement et ses caractéristiques essentielles, ainsi que la procédure à suivre pour le contrôle des opérations de concentration. Il sera ainsi plus facile de saisir certains aspects généraux qui seront ensuite
rappelés dans l'examen des différentes questions de recevabilité et de fond que posent les recours en cause.
Le règlement: genèse et contenu
4 A la différence du traité CECA (article 66), le traité CE ne contient aucune disposition spécifique en matière de concentrations d'entreprises. Cette lacune est le fruit d'une volonté politique précise destinée à encourager le renforcement, également par le biais de concentrations, des entreprises communautaires. La Commission elle-même, dans un mémorandum du 1er décembre 1965, affirmait une position de principe favorable aux concentrations, dans la mesure où elle les jugeait utiles au
renforcement de l'industrie européenne, encore trop faible pour faire face à la concurrence sur les marchés internationaux. Dans le même mémorandum, elle affirmait en outre son intention d'appliquer aux concentrations l'article 86 plutôt que l'article 85. Cette position a reçu l'aval de la Cour qui, dans son arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, a reconnu l'existence d'une pratique abusive, au sens de l'article 86, lorsqu'une entreprise, déjà en position dominante, renforce cette
position, par exemple par le biais d'une fusion, «au point que le degré de domination ainsi atteint entraverait substantiellement la concurrence» (3).
L'application de l'article 86 ne pouvait toutefois pas représenter une réponse totalement satisfaisante, ne fût-ce que parce que cette disposition ne permet d'intervenir qu'a posteriori, donc sur des positions dominantes existant déjà, alors qu'une réglementation des concentrations devrait surtout prévenir les effets anticoncurrentiels. Peu de temps après l'arrêt Europemballage et Continental Can/Commission, la Commission a donc présenté au Conseil une première proposition de règlement en ce sens.
Par ailleurs, sa pratique postérieure démontrait une volonté de reprendre l'application de l'article 85 aux concentrations, en utilisant le mécanisme d'«appréciation préalable» (4). Cette tendance a semblé trouver confirmation dans l'arrêt BAT et Reynolds/Commission (5), dans lequel la Cour a admis que la prise de participation minoritaire par une entreprise dans le capital d'une entreprise concurrente pouvait, dans certaines conditions, donner lieu à une restriction incompatible avec l'article 85.
5 L'arrêt précité a alimenté le débat sur la question et a donné une nouvelle impulsion à la Commission, qui a présenté en 1988 une nouvelle proposition. C'est sur la base de cette dernière que le Conseil a adopté le règlement, dont le texte final ne cache pas les divergences parfois profondes qui ont marqué sa phase d'élaboration (6).
Même avec l'adoption du règlement, l'appréciation positive des formes de regroupements entre entreprises, conçues comme le moyen de permettre à l'industrie européenne de faire efficacement face à la concurrence sur le marché international, n'a pas été abandonnée. Dans ses considérants, en effet, il est souligné que les opérations de concentration, destinées à s'intensifier du fait de la suppression des frontières intérieures en vue de la réalisation du marché unique, doivent être appréciées de
manière positive parce qu'elles correspondent aux exigences d'une concurrence dynamique et qu'elles sont de nature à augmenter la compétitivité de l'industrie européenne, à améliorer les conditions de la croissance et à relever le niveau de vie dans la Communauté. Toutefois, le processus de regroupement et de restructuration industrielle ne doit pas entraîner de préjudice durable pour la concurrence, de sorte que le droit communautaire doit pouvoir intervenir sur «les opérations de concentration
susceptibles d'entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci» (cinquième considérant).
6 Le règlement se base surtout sur l'article 87, dans la mesure où il contient des modalités d'application des articles 85 et 86. Cependant, puisque, ainsi que l'on peut le lire dans le sixième considérant: «les articles 85 et 86 ... ne suffisent pas pour saisir toutes les opérations qui risquent de se révéler incompatibles avec le régime de concurrence non faussée visé par le traité», il a également pour base juridique l'article 235.
Les opérations de concentration sont définies, à l'article 3, paragraphe 1, en recourant à une notion assez large, qui comprend en effet, en plus de la fusion, des situations dans lesquelles les parties intéressées peuvent conserver leur autonomie juridique, et même économique (7). Ce qui caractérise d'abord une opération de concentration, au-delà des cas de fusion au sens technique, est la prise de contrôle, définie à l'article 3, paragraphe 3, comme «la possibilité d'exercer une influence
déterminante sur l'activité d'une entreprise», par le biais notamment de «droits de propriété ou de jouissance sur tout ou partie des biens d'une entreprise» ou par l'intermédiaire «des droits ou des contrats qui confèrent une influence déterminante sur la composition, les délibérations ou les décisions des organes d'une entreprise». Les opérations rentrant dans le champ d'application de l'article 3 ne relèvent du règlement que si elles ont une «dimension communautaire» (8). Les autres hypothèses de
concentrations sont au contraire de la compétence des autorités nationales.
7 L'article 2, paragraphe 1, impose à la Commission de tenir compte, aux fins d'apprécier la compatibilité de l'opération de concentration visée, «de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché commun au vu notamment de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d'entreprises situées à l'intérieur ou à l'extérieur de la Communauté», ainsi que d'une série d'éléments utilisés pour établir le pouvoir effectif des
entreprises concernées sur le marché (9). L'énumération contenue dans cette disposition laisse une large marge discrétionnaire à la Commission, aussi parce qu'elle n'indique pas de hiérarchie entre les différents éléments à prendre en considération. Il est également significatif que le règlement ne contienne pas de présomptions d'illégalité liées aux parts de marché détenues par les entreprises ni de critères mathématiques utilisables pour l'évaluation, contrairement à d'autres législations
antitrust (10).
Ce même article 2 prévoit, dans ses paragraphes 2 et 3, que l'appréciation de la compatibilité, effectuée sur la base des critères précités, dépendra en dernière analyse de savoir si l'opération examinée crée ou renforce une position dominante «ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci» (11).
8 Quant à la procédure de contrôle, elle s'articule en deux phases. Au cours de la première, qui s'ouvre par la notification (12) et dure un mois, la Commission vérifie si l'opération de concentration soulève des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun (13). Si tel n'est pas le cas, ou si l'opération ne relève pas du règlement, la procédure se termine au stade de la première phase par la décision de la Commission [article 6, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement]. A défaut
de décision, l'opération est réputée compatible avec le marché commun (article 10, paragraphe 6).
Lorsque, par contre, l'opération soulève des doutes sérieux et que la Commission décide donc d'engager la procédure formelle [article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement], la décision doit intervenir dans un délai de quatre mois. Si tel n'est pas le cas, l'opération est réputée compatible. L'éventuelle décision (finale) peut déclarer l'opération compatible avec le marché commun, le cas échéant en la subordonnant au respect de conditions et de charges (article 8, paragraphe 2); ou la déclarer
incompatible. Dans cette dernière hypothèse, la Commission peut, si l'opération a déjà été réalisée, ordonner toute mesure apte à restaurer une concurrence effective (article 8, paragraphe 4).
La procédure et la décision
9 Le 14 juillet 1993, conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement, la Commission a reçu notification d'un projet de concentration entre la société allemande K+S, filiale du groupe chimique BASF, et MdK, société dans laquelle sont regroupées toutes les activités de l'ex-République démocratique allemande dans le secteur de l'extraction et de la transformation de la potasse et du sel gemme, dont l'actionnaire unique est la Treuhand, organisme de droit public chargé de restructurer les
anciennes entreprises d'État de la RDA.
Il est utile de préciser ici que, lors de la notification du projet de concentration, K+S était de loin le plus important producteur européen de potasse, avec plus de 2 000 000 de tonnes par an, suivi par MdK avec 1 430 000 tonnes par an. Au total la production allemande de potasse atteignait donc, au cours de l'année précédant immédiatement l'opération de concentration (1992), un niveau de 3 500 000 tonnes. En troisième position figurait, avec environ 1 000 000 de tonnes par an, la production des
Mines de potasse d'Alsace (ci-après «MPA»), propriété de l'organisme public français EMC, qui, par ailleurs, détient 100 % du capital de SCPA, société qui commercialise les produits en question. Suivaient, avec des quantités produites inférieures au million de tonnes par an, trois entreprises espagnoles, regroupées récemment dans un organisme public dénommé INI, qui commercialisent leurs produits par l'intermédiaire d'une même société: Coposa; et enfin la société britannique Cleveland Potash Limited
(ci-après «CPL»).
10 Sur la base du projet de concentration, toutes les activités d'extraction et de transformation de potasse et de sel gemme de K+S et de MdK devaient être transférées à la Mitteldeutsche Kali AG GmbH (ci-après «MdK GmbH»), entreprise commune de K+S et de la Treuhandanstalt. K+S aurait apporté à l'entreprise commune toutes ses activités dans le secteur visé, alors que la Treuhand aurait apporté un capital de plus d'un milliard de DM. K+S et la Treuhand auraient détenu respectivement 51 % et 49 % du
capital et des droits de vote.
Après examen du projet, la Commission a décidé, le 16 août 1993, d'engager la procédure prévue par l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement, dans la mesure où l'opération de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun. La Commission a donc adopté, le 14 décembre 1993, la décision autorisant la concentration (14), en la subordonnant toutefois, en application de l'article 8, paragraphe 2, du règlement, à des engagements déterminés.
11 Le marché du produit en cause, tel qu'identifié dans la décision, concerne essentiellement les produits à base de sels de potasse à usage agricole (15). Il s'agit d'engrais minéraux utilisés tels quels ou incorporés au sol en association avec d'autres éléments, notamment l'azote et le phosphate, dans ce que l'on appelle les engrais composés. Dans l'un et l'autre emplois, les sels de potasse ne peuvent être remplacés par d'autres éléments. De l'avis de la Commission, ces produits - quel qu'en soit
le contenu (différentes quantités de potasse), la forme (produit standard ou granulés) ou la destination (agriculture ou industrie pour la production d'engrais composés) - sont objectivement et dans une large mesure interchangeables pour l'utilisateur, de sorte qu'ils peuvent être examinés ensemble (16).
La Commission a en outre identifié un second marché concerné, autre que celui des produits à base de sels de potasse, constitué par l'ensemble des produits contenant du magnésium, et a par ailleurs constaté que dans ce secteur n'opèrent en substance - sur le marché communautaire considéré dans son ensemble - que K+S et MdK (17). Tout en parvenant à la conclusion que ces sociétés jouiraient, à la suite de la fusion, d'une position de monopole à l'intérieur de la Communauté, en ce qui concerne le
sulfate de magnésium et la kiesérite, et que donc l'entreprise commune à constituer détiendrait sur ce marché particulier, avec une part de 92 %, une position dominante (18), la Commission n'en a toutefois tiré aucune conséquence.
12 En ce qui concerne les produits à base de sels de potasse à usage agricole, sur lesquels est presque entièrement centrée la décision, la Commission a par contre opéré une distinction entre deux marchés géographiques: l'Allemagne et le reste de la Communauté (19).
En ce qui concerne le marché allemand, la Commission a constaté que la concentration visée aurait renforcé la position dominante de K+S, en créant un monopole de fait (20). Ayant pris acte de l'insolvabilité de MdK, appelée à sortir du marché si elle n'était pas reprise à brève échéance par une autre entreprise, avec pour conséquence que sa part serait en tout état de cause reprise par K+S, la Commission en a déduit que la position dominante se créerait aussi en cas d'interdiction de l'opération de
concentration projetée (21).
Dans ces conditions, la Commission a estimé devoir accueillir les thèses des parties fondées sur l'application de la théorie de la «failing company defence» (théorie de la défense de l'entreprise en état d'insolvabilité), sur la base de laquelle les autorités compétentes ne pourraient pas interdire une concentration si une des entreprises intéressées est au bord de la faillite. A la lumière de la situation qui se créerait en Allemagne de l'Est à la suite de la fermeture de MdK, cette conclusion,
toujours selon la Commission, doit en effet être jugée cohérente avec l'exigence de renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté, à laquelle le treizième considérant du règlement (22) fait référence.
13 En ce qui concerne le marché comprenant tous les États membres à l'exclusion de l'Allemagne, la Commission a relevé que, du fait de la concentration projetée, deux entreprises seraient en position dominante: K+S/MdK et SCPA (23).
L'appréciation de la Commission se fonde, d'une part, sur l'idée que l'offre autre que celle des deux principaux producteurs est fortement fractionnée et émane d'opérateurs qui ne sont pas en mesure de s'attaquer aux parts de marché détenues par le duopole (24) et, d'autre part, sur la présomption qu'entre K+S et SCPA il n'y a pas de concurrence effective, à la fois à cause des caractéristiques du marché en cause, du comportement passé des deux sociétés et enfin de leurs liens commerciaux étroits
(25). Ces liens consistent essentiellement: a) dans la collaboration au sein du cartel à l'exportation constitué par Kali-Export GmbH, société de droit autrichien établie à Vienne, qui coordonne la vente des produits à base de potasse de ses associés dans les pays tiers (font partie de ce cartel, avec chacune 25 % du capital, K+S, MdK, SCPA et Coposa), b) dans le contrôle d'une entreprise commune au Canada, Potacan, dont K+S et EMC/SCPA détiennent chacune 50 % du capital, et c) dans les rapports
anciens sur la base desquels SCPA distribue en France les produits de K+S.
14 Pour ces raisons, la Commission a donc estimé que l'opération se traduirait par une position dominante collective sur le marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne, de nature à affecter la concurrence de manière significative. Afin d'échapper aux conséquences négatives découlant de cette conclusion, les parties ont accepté de prendre certains engagements, indiqués dans le considérant 63 de la décision, que nous reproduisons textuellement:
«- Kali-Export GmbH, Vienne
K+S et l'entreprise commune se retireront sans délai de Kali-Export GmbH, sise à Vienne...
De même façon K+S et l'entreprise commune résilieront le contrat de représentation avec Kali-Export GmbH conformément aux dispositions relatives à la résiliation qui y sont prévues. Après cette date, l'entreprise commune entrera en concurrence avec Kali-Export GmbH au travers de son propre réseau de distribution.
- Distribution en France
K+S et l'entreprise commune mettront en place dans la Communauté leur propre réseau de distribution - dans la mesure où il n'existe pas déjà - et distribueront leurs produits à travers ce réseau de distribution selon les pratiques commerciales d'usage. Un réseau de distribution sera créé en France pour la potasse ainsi que pour les spécialités de la potasse. Il couvrira l'ensemble du marché français, sa nature et sa taille seront proportionnées à l'importance du marché français. Sa mise en place
s'effectuera dans le respect du principe de l'efficacité économique.
L'actuelle coopération avec SCPA en tant que distributeur associé sur le marché français prendra fin. Cela permettra, d'une part, à SCPA d'exécuter les contrats déjà conclus avec ses propres clients et, d'autre part, à l'entreprise commune de mettre en place son propre réseau de distribution. La conclusion de contrats de vente avec SCPA aux conditions normales du marché reste possible.»
15 Ayant pris acte des doutes de la Commission quant aux effets négatifs de l'opération de concentration sur les conditions de concurrence dans la Communauté, K+S s'est en outre engagée, comme l'indique le considérant 65 de la décision, «à adapter, avant le 30 juin 1994, la structure de Potacan de telle sorte que chaque partenaire soit en mesure de commercialiser la potasse produite par Potacan de façon indépendante l'un de l'autre sur le marché communautaire».
A cet égard, il est toutefois précisé dans le considérant 67 que: «La Commission a décidé de ne pas faire de l'engagement concernant Potacan une obligation formelle. Elle a pris note de cet engagement et part du principe que K+S déploiera tous ses efforts pour parvenir avec EMC/SCPA à un accord quant à une transformation de Potacan satisfaisant aux conditions susmentionnées.» Compte tenu du fait que EMC/SCPA n'est pas partie à la procédure et que, par ailleurs, K+S et EMC ont notifié à la
Commission, en application du règlement n_ 17, la constitution de l'entreprise commune Potacan, la Commission ajoute que, dans l'hypothèse où «K+S, en dépit de ses meilleurs efforts, ne serait pas en mesure de conclure un accord avec EMC, une solution appropriée aux problèmes de concurrence liés à la forme actuelle de l'entreprise commune Potacan devra être trouvée dans le cadre de la procédure engagée au titre du règlement n_ 17».
16 Estimant que les engagements en question dénoueraient les liens existant entre K+S et EMC/SCPA, la Commission a donc adopté une décision de compatibilité, dont l'article 1er dispose: «Sous réserve que les conditions et obligations comprises dans les déclarations d'engagement des parties vis-à-vis de la Commission qui sont énoncées au considérant 63 de la présente décision soient totalement remplies, le projet de concentration entre Kali und Salz AG, Mitteldeutsche Kali AG et la Treuhandanstalt
est déclaré compatible avec le marché commun.»
Les deux recours: termes du problème et plan des conclusions
17 Comme nous l'avons déjà dit, la décision a été attaquée à la fois par le gouvernement français (affaire C-68/94 (26)) et par SCPA et EMC (affaire C-30/95 (27)). Ces dernières demandent l'annulation partielle de l'article 1er, dans la partie dans laquelle il subordonne la déclaration de compatibilité de l'opération de concentration aux conditions énoncées au considérant 63. Ces sociétés demandent en outre l'annulation de la décision, dans la partie dans laquelle elle accepte l'engagement (visé au
considérant 65) pris par K+S de modifier, avant le 30 juin 1994, la structure de la société Potacan.
A l'appui de leur recours, ces sociétés ont avancé six moyens: par les deux premiers elles font valoir que les conditions visées au considérant 63 sont sans rapport avec le maintien d'une concurrence effective sur le marché communautaire; par le troisième, elles font grief à la Commission d'avoir accepté l'engagement concernant Potacan en violation de leurs droits; par le quatrième et le cinquième, elles allèguent que la Commission a commis des erreurs de fait et de droit, tant dans la détermination
du marché géographique composé par les États membres à l'exclusion de l'Allemagne, que dans son appréciation de l'existence d'une prétendue position dominante collective sur ce marché; enfin, elles invoquent l'inapplicabilité des dispositions du règlement à un cas de position dominante collective.
18 Nous estimons important de rappeler que, alors que l'affaire était encore pendante devant le Tribunal de première instance (28), SCPA et EMC ont présenté une demande de sursis à exécution de la décision attaquée, dans la partie dans laquelle cette dernière impose à K+S de vendre ses parts et/ou de se retirer de Kali-Export et de mettre fin aux rapports contractuels de distribution qui la liaient à SCPA, ainsi qu'une demande de suspension de la procédure engagée par la Commission, dans le cadre du
règlement n_ 17, relativement au cas Potacan.
Après une première ordonnance provisoire (29), le président du Tribunal a, par ordonnance du 15 juin 1994 (30), partiellement accueilli la demande des sociétés requérantes, en suspendant l'exécution de l'article 1er de la décision dans la partie dans laquelle elle impose le retrait de K+S et de l'entreprise commune de Kali-Export.
19 A la différence des sociétés SCPA et EMC, le gouvernement français demande l'annulation totale de la décision (affaire C-68/94). Il fait valoir que la Commission a violé l'obligation de rester en liaison étroite et constante avec les autorités des États membres, telle qu'imposée par le règlement, qu'elle a évalué de manière erronée les effets de la concentration sur le marché allemand, en particulier sous l'angle de l'application au cas d'espèce de la théorie de la failing company defence, et
qu'elle a aussi fait une appréciation erronée de l'opération de concentration sur le marché communautaire à l'exception de l'Allemagne.
Par ce dernier moyen, à son tour articulé en plusieurs branches, le gouvernement français conteste: a) la délimitation du marché géographique en cause constitué par les États membres à l'exclusion de l'Allemagne; b) l'applicabilité du règlement sur les concentrations aux positions dominantes collectives; c) l'utilisation erronée, en l'espèce, de la notion de position dominante collective; d) l'imposition de conditions et de charges à des tiers qui ne sont pas parties à l'opération de concentration.
20 A l'évidence, en ce qui concerne la prétendue appréciation erronée de l'opération de concentration sur le marché communautaire hormis l'Allemagne, les arguments de SCPA et d'EMC coïncident presque entièrement avec ceux avancés par le gouvernement français. Cela permet, comme nous l'avons déjà dit, d'examiner conjointement le fond des deux recours, en mettant en évidence, le cas échéant, les différents arguments présentés.
Avant de passer à l'examen détaillé des moyens de recours avancés par les parties, nous estimons toutefois opportun de faire quelques brèves remarques à caractère général, dans l'intention de faire ressortir, au-delà des intérêts considérables qui sont en jeu, les implications de principe de la présente procédure.
21 Nous commencerons par rappeler que, du fait de la matière qu'elles régissent, les règles de concurrence laissent en principe une large autonomie à l'autorité administrative, à laquelle il incombe d'apprécier les particularités du cas d'espèce pour prendre les décisions les plus opportunes. Il est de même constant que la mission du juge communautaire, en la matière, requiert une certaine marge d'appréciation sur la valeur économique des normes (31).
Ces remarques valent a fortiori en matière de concentrations, dont le contrôle, à caractère nécessairement préventif, exige une appréciation en soi discrétionnaire de la part de l'organe appelé à interpréter et à appliquer le règlement. Et en effet, dans tous les systèmes antitrust, même dans ceux dotés de formes de contrôle fondées sur des données structurelles (part de marché détenue par les entreprises intéressées et présomptions en résultant), on constate une tendance à formuler des jugements
reposant aussi sur des éléments qualitatifs et qui tiennent compte des spécificités du cas d'espèce (32). L'utilisation de critères «qualitatifs» ne doit cependant pas se transformer en une pratique imprévisible qui, il est inutile de le nier, aurait pour conséquence immédiate de réduire considérablement la portée du contrôle de légalité (33). Ce contrôle paraît d'ailleurs d'autant plus nécessaire si l'on considère que le dédoublement fonctionnel de la Commission, qui, outre un pouvoir d'enquête et
d'instruction, dispose d'un pouvoir de décision, devrait lui imposer une obligation encore plus rigoureuse de respecter les droits de la défense (34).
22 Nous formulons ces observations précisément parce que les problèmes spécifiques soulevés dans la présente procédure soumettent à l'examen de la Cour une question à caractère général touchant aux limites du pouvoir discrétionnaire de la Commission (35) et aux pouvoirs d'intervention de l'autorité juridictionnelle en la matière.
Il convient donc que la Cour apprécie avec la plus grande attention les conséquences, disons, «systématiques» que pourrait avoir sa décision, en premier lieu sur le plan de la sécurité juridique, de l'égalité de traitement et des garanties des droits des tiers, ainsi que ses répercussions sur la future pratique en matière de contrôle des concentrations. A cet égard, nous ne croyons pas qu'il soit superflu de rappeler que le contrôle du juge apparaît essentiel dans la définition des règles en matière
de concentrations; et ce également dans les systèmes dans lesquels, contrairement au nôtre, il existe déjà un critère d'évaluation préexistant, qui guide l'activité de l'autorité administrative, en rendant sa pratique claire et prévisible (36).
23 Dans les pages qui suivent nous analyserons les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la Commission à l'égard des recours des sociétés françaises (affaire C-30/95) et relatives a) à la possibilité d'annuler partiellement la décision, comme ces sociétés le demandent, b) à leur droit d'agir, c) à la possibilité d'attaquer la décision dans la partie dans laquelle elle prend acte de l'engagement pris par K+S de transformer la structure de Potacan (considérant 65), et enfin d) à l'intérêt à agir
des requérantes.
Nous passerons ensuite à l'analyse des deux affaires sur le fond. En premier lieu, nous traiterons des deux moyens soulevés uniquement par le gouvernement français, à savoir le non-respect de l'obligation de rester en liaison étroite et constante avec les autorités des États membres, qui incombe à la Commission en application de l'article 19 du règlement (a), et le bien-fondé de l'appréciation de la Commission sur les effets de la concentration sur le marché allemand (b). Puis suivra l'examen des
moyens avancés dans les deux recours, concernant l'évaluation des effets de la concentration sur le marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne (c). A cet égard, nous traiterons d'abord des aspects inhérents à la délimitation du marché géographique en cause (1), pour passer ensuite à la possibilité d'utiliser les dispositions du règlement pour intervenir sur les positions dominantes collectives (2), ainsi qu'à leur applicabilité au cas d'espèce (3), également à la lumière des critères élaborés
par la Commission dans ses précédentes décisions. Enfin, nous aborderons la question de savoir s'il est licite d'imposer des conditions à des tiers par rapport à l'opération de concentration (d).
I - La recevabilité (affaire C-30/95)
24 Il convient de vérifier d'abord le fondement des exceptions d'irrecevabilité soulevées par la Commission à l'égard du recours des sociétés françaises.
a) L'annulation partielle
25 La première exception porte sur la demande d'annulation partielle de la décision. La Commission soutient, en effet, que, en faisant disparaître les éléments sur lesquels se base la déclaration de compatibilité de la concentration avec le marché commun, l'annulation d'une ou de toutes les conditions la contraindrait inévitablement à révoquer intégralement la décision attaquée.
Les requérantes font au contraire valoir que les conditions litigieuses pourraient être séparées du reste de la décision et que leur annulation n'aurait pas d'autre effet que de rendre la décision inconditionnelle. Elles ajoutent que, l'article 8, paragraphe 5, du règlement, qui autorise la Commission à révoquer sa décision en cas de non-respect d'un engagement par les parties (37), n'étant pas applicable en l'espèce, la situation redoutée par la Commission ne pourrait en aucune façon se produire.
26 Nous estimons que cette exception doit être examinée en même temps que le fond du recours. Seule cette solution permettra de vérifier si, effectivement, l'éventuelle annulation des conditions est de nature à se répercuter sur le reste de la décision, en imposant l'annulation totale de cette dernière.
En théorie, d'autre part, il serait possible de procéder à la «scission» invoquée par les requérantes, également à la lumière de l'article 10, paragraphe 5, du règlement, qui vise expressément la possibilité d'annulation partielle. A cette fin, il faudrait établir si les conditions auxquelles la jurisprudence communautaire subordonne l'exercice du pouvoir d'annulation partielle sont réunies. Il s'agit, comme l'a affirmé le Tribunal dans l'arrêt SIV e.a./Commission (38) (ci-après l'«arrêt verre
plat»), «de vérifier que la portée du dispositif de la décision, lu à la lumière des motifs de celle-ci, est susceptible de faire l'objet d'une limitation ratione materiae, ratione personae ou ratione temporis, de manière à ce que ses effets soient limités sans pour autant que sa substance soit modifiée». Dans le cadre de cet examen, il convient de rechercher si, comme le dit la Cour, «une annulation partielle est possible et justifiée par la circonstance qu'il s'agit d'une décision favorable, dans
son ensemble, aux intérêts des entreprises concernées» (39).
27 Comme nous l'avons déjà exposé, la fixation des conditions auxquelles est subordonnée la compatibilité de la concentration repose sur la considération selon laquelle, d'après la Commission, la concentration provoquerait, sur le marché communautaire hormis l'Allemagne, la création d'un duopole susceptible d'affecter la concurrence, que seul le respect de ces conditions pourrait empêcher. Pour annuler partiellement la décision, donc, il faudrait démontrer l'absence de fondement de cette thèse,
c'est-à-dire que, la concentration n'ayant pas l'effet avancé par la Commission, il ne serait pas nécessaire, pour déclarer compatible l'opération, d'imposer de pareilles conditions.
Cela confirme que l'exception ne peut qu'être examinée avec le fond. Il y a lieu de souligner dès maintenant que l'éventuelle annulation partielle pourrait tout au plus impliquer l'application de l'article 10, paragraphe 5, du règlement (40), c'est-à-dire la réouverture des délais et un nouvel examen de la part de la Commission.
b) Le droit d'agir
28 La Commission soutient en outre que les requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par la décision attaquée. Des arguments analogues ont été soulevés par les sociétés K+S et MdK, qui estiment être les seules destinataires des conditions imposées par la décision.
L'exception ne nous semble manifestement pas fondée. Puisque les sociétés françaises attaquent une décision dont elles ne sont pas formellement destinataires, il convient de vérifier si celle-ci les concerne directement et individuellement, comme le requiert l'article 173. Nous relevons, d'abord, que la décision attaquée concerne assurément directement les requérantes, étant donné que le préjudice prétendument subi par les sociétés françaises dépend de cette décision.
29 Quant à la nécessité d'être concernées individuellement, il y a lieu de rappeler que, de jurisprudence constante, «les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire» (41). Dans le cas
d'espèce, il est évident que la situation de fait des requérantes les caractérisait de façon nette par rapport à toute autre personne.
Il est en premier lieu significatif que les requérantes ont été entendues au cours de la procédure précontentieuse. Il résulte en effet de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal sur le droit d'agir des tiers en matière de concurrence, de droits antidumping et d'aides que les personnes auxquelles un règlement ou le traité lui-même confère le droit de prendre part à une procédure administrative sont en droit d'intenter une action «pour la protection de leurs intérêts légitimes» (42).
30 En second lieu, la situation de la concurrence sur un des deux marchés jugés pertinents et les effets de l'opération de concentration ont été appréciés par la Commission en tenant essentiellement et spécifiquement compte de la situation d'EMC/SCPA, en tant qu'élément d'un duopole avec K+S (43).
31 En troisième lieu, toutes les conditions imposées aux entreprises impliquées dans la concentration pour pouvoir la déclarer compatible concernent directement et presque exclusivement les intérêts des requérantes et sont de nature à affecter de façon substantielle leur position sur le marché (44). On perçoit immédiatement que, en soumettant l'adoption d'une décision à l'égard d'une entreprise à la modification, voire à la cessation des rapports contractuels ou sociaux avec une société tierce, on
influence de manière significative l'activité des deux sujets concernés et non pas seulement celle du premier.
32 A cet égard, les arguments avancés par la Commission ne réussissent pas non plus à l'emporter. Quant à SCPA, on ne saurait valablement lui refuser tout droit d'agir au motif que l'autre société faisant partie du cartel d'exportation Kali-Export, la société espagnole Coposa, a également été intéressée par la décision.
D'abord SCPA est concernée directement et spécifiquement aussi par les autres conditions prévues dans la décision, conditions qui, par contre, n'affectent personne d'autre; et cela suffit à caractériser sa situation par rapport à toute autre personne, en l'individualisant d'une manière analogue à celle du destinataire de l'acte. En second lieu, il ne serait pas possible d'empêcher une personne indiscutablement (et individuellement) affectée par une décision d'agir pour protéger ses intérêts,
uniquement parce qu'une autre personne se trouve dans une situation analogue.
33 Accueillir la thèse que nous critiquons ici risquerait de porter atteinte au droit à la protection juridictionnelle. En outre, cette thèse ne nous semble pas davantage confortée par une interprétation correcte de la jurisprudence sur l'article 173, quatrième alinéa, du traité. En effet, rien, sinon une lecture trop restrictive (45), n'autorise à penser que la condition d'être concerné «directement et individuellement» doit être propre à une seule personne et ne peut être remplie par plusieurs
sujets, que l'on peut identifier exactement et concrètement, dans la mesure où ils sont immédiatement intéressés par la mesure. Pour faire naître le droit d'agir, il faut en réalité que cette condition soit respectée, c'est-à-dire que la situation de l'intéressé soit caractérisée spécifiquement et de manière distinctive par rapport à toute autre personne, condition qui, dans le cas d'espèce, n'est pas sérieusement contestable.
34 Nous observons en outre qu'en l'espèce le lien de causalité est aussi établi, dans le sens où la situation des requérantes a été spécifiquement prise en compte, au point d'être déterminante pour la décision de l'institution et de constituer la raison d'être de l'acte dans la partie attaquée (46). En d'autres termes, les éléments de fait de l'affaire mettent en évidence la caractérisation non fortuite de la situation des sociétés requérantes.
35 Enfin, le renvoi de la Commission à l'arrêt Zunis Holding e.a./Commission du Tribunal (47) ne paraît pas pertinent. Selon l'institution défenderesse, le simple fait d'être actionnaire d'une société impliquée dans une opération de concentration ne suffit pas à caractériser la situation de fait de manière analogue à celle du destinataire d'une décision, sous l'angle du droit d'agir.
A cet égard, nous observons d'abord que les principes énoncés dans l'arrêt Zunis Holding e.a./Commission valaient pour les sociétés requérantes qui étaient actionnaires des sociétés impliquées directement dans l'opération de concentration, donc dans une situation tout à fait différente de celle d'EMC et de SCPA dans l'affaire qui nous occupe. En outre, dans cet arrêt le Tribunal n'a pas du tout déclaré que le fait d'être titulaire d'un paquet d'actions ne suffit pas à caractériser la situation d'une
personne au sens de l'article 173, comme le soutient la Commission, mais s'est borné à relever que, à cette fin, l'incidence possible d'un acte sur les rapports existant entre les actionnaires d'une société n'est pas suffisante et qu'il faut au contraire des circonstances spécifiques permettant d'établir que la situation de l'un deux est «concernée de façon individuelle et directe». Et parmi ces circonstances, également sur la base d'une lecture en filigrane de l'arrêt précité, il ne serait pas
déraisonnable de comprendre l'étendue spécifique de la participation (48).
36 Les remarques que nous venons de faire valent tant pour SCPA que pour EMC. Par ailleurs, cette dernière est aussi identifiée par la Commission comme étant la destinataire de la condition liée à Kali-Export. En réalité, en dépit de la seule participation de SCPA à la société en question, la décision concerne conjointement EMC/SCPA, qui sont donc traitées - à tort ou à raison - comme une seule entité (49). En conséquence, il semble pour le moins abusif de tenter, comme le fait la Commission, de
distinguer la position d'EMC, pour exclure son droit d'agir, de celle de SCPA; et ce même indépendamment du fait qu'EMC a allégué avoir subi un préjudice «autonome» par rapport à SCPA, surtout à la suite de la dissolution du cartel d'exportation. Cette dissolution la prive en effet du réseau de vente vers les pays tiers, et fait ainsi obstacle à la «grande» exportation de sa part.
Il est à peine utile d'ajouter que l'ensemble des considérations développées jusqu'ici à l'égard de l'exception d'irrecevabilité relative aux conditions subjectives de recours contre l'acte vaut également pour réfuter les arguments des sociétés intervenantes, surtout fondés sur l'absence de droit d'agir des requérantes.
c) La possibilité d'attaquer le considérant relatif à Potacan
37 Dans la dernière exception qu'elle soulève, la Commission estime que la partie de la décision concernant la structure de Potacan n'est pas susceptible de recours, dans la mesure où elle ne peut pas produire d'effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts des requérantes.
A cet égard, nous rappelons d'abord que, selon la jurisprudence de la Cour, pour établir si un acte est susceptible de recours au sens de l'article 173, il convient de tenir compte de sa substance et de vérifier s'il est destiné à produire des effets juridiques obligatoires, de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant sensiblement sa situation juridique (50).
38 Or, il est certes singulier que, tout en ayant instauré une procédure ad hoc pour vérifier la compatibilité de Potacan avec le marché commun au regard de l'article 85 du traité, la Commission envisage, ou plutôt suggère, une solution déjà dans le contexte qui nous occupe, incitant en fait une des entreprises impliquées dans la concentration à «déployer tous ses efforts pour parvenir avec EMC/SCPA à un accord quant à une transformation de Potacan» satisfaisant aux conditions posées par la
Commission. Sur le caractère correct d'une telle approche, qui à l'évidence crée un mélange entre procédures qui, tout en ayant un objet et des parties qui diffèrent, finissent par s'influencer l'une l'autre, nous ne pouvons que nourrir de nombreux doutes.
Cela dit, il faut toutefois reconnaître que la partie de l'acte ici examinée ne semble pas répondre aux conditions requises par l'article 173 pour qu'un acte puisse faire l'objet d'un recours; plus précisément, elle n'est pas de nature à produire des effets juridiques obligatoires vis-à-vis des sociétés requérantes.
39 Dans la décision visée, dans la partie examinée ici, la Commission prend en effet simplement acte d'un engagement souscrit par K+S, même si elle le lui a explicitement suggéré, de résoudre le problème Potacan en se mettant d'accord avec EMC. Il n'est d'ailleurs mis à la charge de cette dernière aucune obligation d'entreprendre des négociations, et encore moins d'accepter les propositions avancées par K+S. La partie de la décision en question pourrait tout au plus produire un effet, bien
qu'indirect, comme nous l'avons relevé précédemment, sur la procédure instaurée en application du règlement n_ 17 (51); mais il s'agit de conséquences qui, même si elles se vérifiaient effectivement, seraient sans pertinence pour apprécier si l'acte objet de la présente procédure est ou non susceptible de recours.
Il ne nous semble pas davantage possible d'invoquer utilement, dans le cas d'espèce, la solution adoptée dans l'arrêt pâte de bois (52), dans lequel la Cour a assimilé une déclaration d'engagement des entreprises requérantes, aux fins de la possibilité de l'attaquer en justice, à des injonctions destinées à faire cesser une infraction au titre de l'article 3 du règlement n_ 17. Même si l'on veut faire abstraction des différences qui séparent les deux espèces, nous observons que la prémisse de cette
solution, à savoir que les requérantes n'ont fait qu'acquiescer à une décision que la Commission aurait pu adopter unilatéralement, n'existe pas dans l'affaire qui nous occupe.
40 En conséquence, nous suggérons d'accueillir l'exception formulée par la Commission et par les sociétés intervenantes et de déclarer irrecevable, relativement au point que nous venons d'examiner, le recours introduit par les sociétés françaises.
d) Le défaut d'intérêt à agir
41 Les sociétés intervenantes ont enfin invoqué l'irrecevabilité du recours des sociétés françaises également sous l'angle du défaut d'intérêt à agir, dans la mesure où elles ont déjà pleinement exécuté les engagements objet des conditions de la décision.
A cet égard, nous observons d'abord que, sur le plan de la procédure, l'exception est irrecevable car il n'y est pas fait allusion dans les arguments soulevés par la Commission. Cette exception est en tout état de cause écartée par le principe énoncé par la Cour, selon lequel, en application de l'article 176, même dans le cas où la mise en oeuvre de l'obligation imposée par cette disposition s'avérerait impossible, «le recours en annulation conserverait encore un intérêt en tant que base d'un
recours éventuel en responsabilité» (53).
II - Le fond
42 En abordant le fond de l'affaire, nous examinerons d'abord les moyens avancés par le gouvernement français, relatifs donc à l'affaire C-68/94. Plus précisément, nous commencerons par apprécier le bien-fondé de la violation alléguée de l'obligation de collaboration avec les autorités nationales (a), pour ensuite passer à l'examen des griefs concernant l'appréciation de la concentration sur le marché allemand (b). Enfin, nous étudierons les aspects liés à la prétendue mauvaise appréciation de la
concentration sur le marché communautaire à l'exclusion du marché allemand (c), y compris la question de la légalité de l'imposition de conditions et de charges qui se répercutent sur des tiers étrangers à l'opération de concentration (d), aspects soulevés dans les deux recours et qui seront par conséquent traités ensemble pour ce qui est des arguments communs.
a) Le non-respect de l'obligation de collaboration avec les autorités nationales (affaire C-68/94)
43 Par ce moyen, le gouvernement français fait grief à la Commission de n'avoir pas respecté, à plusieurs égards, le principe, prévu par l'article 19 du règlement, qui l'oblige à rester en liaison étroite et constante avec les autorités des États membres. En particulier, il fait valoir que les données relatives à la répartition des ventes des différents opérateurs dans chaque État membre et, en ce qui concerne SCPA, à la distinction entre les ventes de ses propres produits et celles de produits
d'autres entreprises - données qu'il juge essentielles pour apprécier en connaissance de cause tant les objections formulées par la Commission à l'encontre des parties à l'origine de la notification que le projet de décision - n'ont été communiquées aux États membres qu'au cours de la réunion du comité consultatif du 3 décembre 1993. En effet, le gouvernement français n'a reçu qu'une réponse partielle, par téléphone, le 5 novembre 1993, à ses demandes répétées en ce sens. Enfin, il allègue que le
caractère erroné du chiffre relatif aux ventes de SCPA en Belgique et au Luxembourg, tel que communiqué par la Commission au comité consultatif, a empêché les représentants des États d'apprécier correctement l'opération (54).
La Commission rappelle, en premier lieu, que le principe de la collaboration étroite et suivie avec les États membres, prévue par l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement, ne constitue pas un principe général et absolu, mais doit être concilié avec le respect tant des délais particulièrement brefs prescrits par la procédure de contrôle (article 10 du règlement) que du secret professionnel, invoqué en l'espèce justement en relation avec les ventes réalisées dans les différents pays. En second
lieu, il appartiendrait à la Commission, en application du règlement, de décider quels sont les documents les plus importants aux fins de leur transmission aux autorités des États membres. En tout état de cause, en l'espèce, tant les autorités des États membres que le comité consultatif ont été, selon elle, en possession de toutes les informations nécessaires pour procéder à une appréciation pondérée de l'impact de la concentration envisagée sur la concurrence. Enfin, le chiffre erroné mis en
évidence par le gouvernement français, qui d'ailleurs - et manifestement - ne saurait être qu'une grossière erreur de frappe, ne peut en toute hypothèse pas être considéré comme étant de nature à infirmer l'analyse du comité consultatif.
44 Il est d'abord utile de rappeler que l'article 19 du règlement impose à la Commission de transmettre «dans un délai de trois jours ouvrables aux autorités compétentes des États membres copie des notifications ainsi que, dans les meilleurs délais, les pièces les plus importantes qui lui sont adressées ou qui sont émises par elle en application du présent règlement» (article 19, paragraphe 1). En outre, il demande à la Commission de mener les procédures visées «en liaison étroite et constante avec
les autorités compétentes des États membres qui sont habilitées à formuler toutes observations sur ces procédures» (article 19, paragraphe 2). Cet article prévoit, pour ce qui nous intéresse ici, la participation de représentants des autorités nationales à un comité consultatif ad hoc, qui est chargé d'émettre un avis sur la base d'«un exposé de l'affaire avec indication des pièces les plus importantes et un avant-projet de décision» (article 19, paragraphe 5).
Or, il est constant en l'espèce que la Commission a transmis aux intéressés en temps utile, comme le prescrit l'article 19, paragraphe 1, à la fois les objections adressées aux parties ayant notifié le projet (14 octobre 1993) et le projet de décision relatif à l'opération de concentration visée (26 novembre 1993), projet qui contenait entre autres les données relatives aux parts détenues par les opérateurs du secteur sur le marché communautaire; en outre, le 5 novembre 1993, certaines données
relatives au volume des ventes de différents opérateurs dans chaque État membre ont été communiquées, à sa demande mais, il est vrai, par téléphone, au gouvernement français. Il est également constant que les données réclamées par ce dernier n'ont été intégralement communiquées à l'ensemble des États membres qu'au cours de la réunion du comité consultatif du 3 décembre 1993 et qu'une des données en question, celle relative aux ventes de SCPA en Belgique et au Luxembourg, était erronée.
45 Dans ces conditions, il convient d'établir si, comme l'a soutenu le gouvernement requérant, la communication tardive des données relatives au volume des ventes de potasse, s'ajoutant au caractère erroné de l'une d'entre elles, implique une violation de l'obligation, incombant à la Commission, de collaborer avec les autorités nationales.
A cet égard, commençons par relever que la communication tardive de ces données ne peut en l'espèce être justifiée ni par l'intérêt à la confidentialité qui aurait été invoquée par les entreprises impliquées dans la concentration, sinon ces données n'auraient pas dû être communiquées même pas avec retard (55), ni par un renvoi général au pouvoir discrétionnaire dont la Commission jouit pour décider quels sont les documents les plus importants au sens de l'article 19, paragraphe 1, du règlement. Il
est vrai que la communication dans les délais n'est pas une fin en soi, mais qu'elle est nécessaire pour garantir le déroulement correct de la procédure. Dans cette optique, l'important est de vérifier si les données ici visées étaient essentielles aux fins de l'appréciation des effets anticoncurrentiels de l'opération de concentration et si leur communication tardive a été de nature à fausser la procédure.
46 Nous avouons nourrir quelques doutes sur le fait que les données relatives au volume et à la répartition des ventes des différents opérateurs du secteur, certes importantes pour avoir une vue complète des effets de l'opération de concentration, sont à inclure parmi les pièces les plus importantes au sens de l'article 19, paragraphe 1, du règlement. Sur ce point, nous estimons qu'il n'est pas dénué de fondement d'affirmer, comme le fait la Commission, que les données relatives aux parts de marché
détenues par chaque opérateur, données contenues dans le projet de décision, étaient suffisantes pour apprécier en toute connaissance de cause l'opération de concentration projetée.
En tout état de cause, compte tenu des délais particulièrement brefs dans lesquels doit intervenir la décision de la Commission, ainsi que de la circonstance que ces données ont été communiquées au gouvernement français par téléphone dès le 5 novembre, nous estimons que l'on ne saurait faire grief à la Commission d'avoir violé, à l'égard de la République française, les obligations que lui impose l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement. A cela s'ajoute que la communication tardive de ces
informations ne peut pas être considérée en soi comme étant de nature à invalider la décision, puisqu'il est au contraire nécessaire, à cette fin, que l'irrégularité invoquée comporte une violation des formes substantielles. A cet égard, nous rappelons que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, «pour qu'une ... violation des droits de la défense entraîne une annulation, il faut ... que, en l'absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent» (56).
Or, en l'espèce, le gouvernement requérant n'a aucunement démontré que la décision de la Commission aurait été différente en l'absence de la violation alléguée de l'obligation de collaboration constante avec les autorités nationales; il se borne à affirmer qu'une telle possibilité ne pouvait pas être exclue.
47 Il reste à examiner la circonstance, également mise en évidence par le gouvernement français, selon laquelle le comité consultatif n'aurait reçu toutes les données pertinentes, dont celle erronée, qu'au cours de la réunion du 5 décembre, donc le jour où il a été appelé à exprimer son avis. L'article 19, paragraphe 5, du règlement exige toutefois que le projet de décision et toutes les pièces les plus importantes soient communiqués au comité consultatif lors de sa convocation, c'est-à-dire au
moins 14 jours avant la réunion au cours de laquelle l'avis est exprimé (57).
Le grief en question, qui, comme l'a souligné la Commission, concerne plutôt les modalités de convocation et de consultation du comité consultatif, ne semble pas pouvoir avoir des conséquences substantielles sur la décision attaquée. En premier lieu, en effet, on ne saurait sous-évaluer la circonstance selon laquelle le comité consultatif, composé par des experts du secteur, n'a formulé à cet égard aucune objection. En second lieu, le gouvernement requérant n'a aucunement démontré qu'une
communication dans les délais des données en question et l'absence d'erreur relative à l'une d'entre elles auraient conduit le comité consultatif à adopter un avis différent; et encore moins que la décision finale de la Commission aurait été différente (58). Au contraire, les arguments avancés par la Commission à cet égard et restés incontestés semblent exclure une telle éventualité.
b) Les effets de la concentration sur le marché allemand (affaire C-68/94)
48 Le gouvernement français avance deux moyens relativement à l'appréciation de la concentration sur le marché allemand: d'une part, il reproche à la Commission d'avoir en l'espèce appliqué de manière erronée ce que l'on appelle la théorie de la failing company defence, en vertu de laquelle l'acquisition d'une entreprise en situation de (pré)faillite doit, à certaines conditions, être autorisée, car elle ne créerait pas de problèmes de concurrence; d'autre part, il lui fait grief de n'avoir
subordonné à aucune condition, relativement au marché en question, l'autorisation de la concentration, bien que cela conduise à la création d'un véritable monopole (98 %) de l'entreprise commune sur ce marché.
49 Quant au premier grief, nous rappelons d'abord que la législation américaine antitrust admet, quoique dans des limites strictes pour éviter les abus, la possibilité d'autoriser l'acquisition d'une entreprise qui n'est pas solvable à condition que les entreprises parties à l'opération de concentration puissent, comme pour un examen de proportionnalité, démontrer que: a) l'entreprise objet de l'acquisition est dans une situation rendant probable sa faillite prochaine; b) elle est incapable de se
restructurer avec des chances de succès, au sens du chapitre 11 du Bankruptcy Act; c) il n'existe pas d'autres solutions moins dommageables pour les conditions de concurrence que celle de la concentration; d) l'entreprise «défaillante» disparaîtrait du marché si la concentration n'était pas réalisée (59).
Comme elle l'a explicitement mis en évidence dans sa décision, la Commission n'a pas appliqué la théorie en question telle quelle, mais elle y a apporté sa propre réponse. En particulier, tout en s'inspirant de cette théorie, elle s'est basée sur les trois critères suivants: 1) MdK aurait disparu du marché si elle n'avait pas été reprise par une autre société; 2) K+S aurait de toute façon absorbé la part de MdK, après sa sortie du marché; 3) il n'existait pas d'autres possibilités moins dommageables
pour la concurrence.
50 Le gouvernement français conteste essentiellement le choix de la Commission de recourir à une théorie élaborée dans et pour un autre système, en en modifiant en partie les critères. En particulier, il fait valoir que la Commission n'a aucunement tenu compte des critères sous a) et b) de la théorie américaine; qu'elle a arbitrairement introduit le critère de l'absorption des parts de marché; enfin, qu'elle n'a pas démontré à suffisance que MdK aurait été en tout état de cause contrainte de sortir
du marché ni qu'il n'existait pas d'autres possibilités.
Tout en admettant, en outre, l'opportunité de prendre en considération, dans l'appréciation d'une concentration, l'objectif de la cohésion économique et sociale visé aux articles J.2 et J.3 du traité, également rappelé au treizième considérant du règlement (60), le gouvernement français soutient que cela ne devrait en toute hypothèse pas se traduire par la négation du but premier du contrôle des concentrations, qui consiste dans la protection de la concurrence.
51 Or, il est certain que les critères à la lumière desquels il faut apprécier la compatibilité des concentrations avec le marché commun, tels que fixés par le règlement, s'inspirent d'une conception rigoureusement économique, axée donc - et essentiellement - sur des considérations de protection de la concurrence (61). Néanmoins, il est aussi certain que le treizième considérant, ainsi que le reconnaît le gouvernement français, révèle l'attention significative portée aux exigences de la cohésion
économique et sociale, justifiant ainsi la prise en considération, bien entendu dans la limite où la protection de la concurrence n'est pas compromise, d'objectifs considérés comme tout aussi fondamentaux par le traité.
Il va de soi, en outre, que l'on ne saurait voir un motif d'invalidité de la décision dans le fait que la Commission s'est inspirée d'une théorie élaborée dans un autre système mais en en modifiant partiellement les critères d'application. L'important ici est que cette théorie ne soit pas contraire au règlement, que l'analyse s'y rapportant dans la décision ne soit pas erronée et que, en définitive, les critères utilisés aient été correctement appliqués.
52 Comme il ressort de la décision, la Commission a estimé qu'une argumentation axée sur la théorie de la failing company defence peut effectivement être prise en compte «dans le cadre de l'article 2, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, du point de vue du lien de causalité entre une concentration et la création ou le renforcement d'une position dominante» (62).
Dans cette optique, l'introduction contestée du critère d'après lequel il convient de vérifier si l'entreprise qui procède à l'acquisition obtiendrait en tout état de cause la part de marché de l'entreprise acquise a précisément pour but de démontrer que le renforcement de la position dominante serait inévitable, en ce sens qu'il aurait lieu même si la concentration était interdite.
53 A cet égard, nous relevons d'abord que l'imperméabilité démontrée du marché allemand et le fait, également mis en évidence dans la décision, que K+S est en mesure d'augmenter la production sans augmentation des coûts et de réussir à être l'unique fournisseur sur le marché allemand conduisent inévitablement à la conclusion que la part de marché de MdK serait passée, dans l'hypothèse de sa disparition du marché, à K+S; cela n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté même pas par le gouvernement
français.
Le gouvernement français conteste plutôt l'application de ce critère en soutenant que de cette façon on permettrait à une entreprise déjà en position dominante de renforcer sa position, en considération de la seule probabilité qu'elle finisse quand même, dans un futur proche, par acquérir la part de marché de l'autre entreprise présente sur le marché: ce qui mènerait trop loin et serait contraire à l'objectif de protéger la concurrence. Cette affirmation, en soi irréfutable, fait toutefois
abstraction du fait que le critère en question suppose remplies deux autres conditions: que l'entreprise en question soit en tout état de cause destinée à disparaître du marché et qu'il n'existe pas d'autres solutions d'achat moins dommageables pour la concurrence.
54 Quant aux deux derniers critères, le gouvernement français soutient toutefois, comme nous l'avons dit, qu'ils n'ont pas été correctement appliqués en l'espèce. En ce qui concerne notamment la disparition probable de MdK du marché, il fait valoir que la Commission n'a aucunement démontré l'impossibilité de maintenir en vie MdK comme entreprise publique, par exemple grâce au versement d'aides compatibles avec les articles 92 et 93 du traité.
Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, il est vrai que la Treuhand, l'organisme public chargé de la privatisation des entreprises de l'ex-RDA et propriétaire de MdK, est présente dans l'entreprise créée du fait de la concentration avec 49 % du capital et que, par conséquent, la Treuhand (et donc l'État) a donné et donnera à cette entreprise une aide importante. Il est également vrai, toutefois, que l'analyse de la Commission est fondée sur les circonstances suivantes: a) les pertes
considérables de MdK ne peuvent pas être durablement couvertes par la Treuhand par des aides publiques, dans la mesure où il s'agirait d'une solution en toute hypothèse incompatible avec les dispositions du traité sur les aides d'État; b) les coûts d'une éventuelle restructuration seraient en tout cas supérieurs aux aides prévues par la concentration; c) la déclaration de la Treuhand, dans le cadre des privatisations entreprises, selon laquelle elle arrêtera toutes les activités de MdK, s'il elle ne
trouve pas une entreprise privée disposée à les reprendre. C'est donc en fonction des circonstances particulières du cas d'espèce (privatisation d'une entreprise d'État que l'on ne saurait considérer comme étant viable selon les principes normaux d'appréciation applicables aux sociétés) que la Commission a considéré qu'elle avait des preuves suffisant à établir que MdK était destinée à disparaître du marché à moyen terme.
55 Enfin, nous estimons que l'analyse de la Commission doit être partagée également sous l'angle de l'absence d'autres solutions moins dommageables pour la concurrence. Il est en effet incontesté, comme le montrent bien les documents relatifs à la procédure de privatisation transmis par la Treuhand à la Commission, que toutes les entreprises qui avaient manifesté un intérêt pour l'acquisition de MdK y avaient ensuite renoncé. En outre, la Commission a effectué une enquête supplémentaire et, en
particulier, a communiqué aux entreprises intéressées le montant exact des aides dont aurait bénéficié l'opération de concentration, aides qui auraient donc été octroyées aussi en cas d'achat par une entreprise privée. Malgré cela, aucune entreprise ne s'est déclarée disposée à acheter MdK.
Dans ces conditions, la conclusion à laquelle est parvenue la Commission nous semble pouvoir être partagée. Il reste cependant à examiner le fait que la Commission n'a pas considéré comme une alternative possible l'offre présentée, après la conclusion de l'accord sur le contrat de fusion, par le groupe Peine pour l'achat de la mine de Bischofferode, c'est-à-dire pour une des quatre mines de MdK en activité. Cela est dû au fait que Bischofferode ne constituerait pas une partie significative de MdK,
ainsi qu'à des motifs liés à la question de l'emploi.
56 Ce dernier aspect, qui a d'ailleurs fini par avoir un poids important dans l'application de la théorie de la failing company defence également aux États-Unis (63), est à notre avis déterminant, en particulier en fonction des exigences de cohésion économique et sociale que nous avons évoquées à plusieurs reprises.
La spécificité du cadre dans lequel les concentrations s'insèrent, qui comporte inévitablement des problèmes de politique industrielle, peut très bien autoriser, également à la lumière des objectifs de renforcement de la cohésion économique et sociale visés aux articles 2 et 130 B du traité, une prise en compte adéquate des questions d'emploi et, de manière générale, sociales dans le cadre de l'appréciation des concentrations. Cela vaut au moins pour les cas dans lesquels, comme en l'espèce, les
différentes solutions présentent des différences considérables précisément en termes de possibilités d'emploi (64).
57 A cet égard, nous rappelons en outre que, dans deux arrêts récents, même si le contexte et les objectifs étaient différents, s'agissant plus précisément de l'analyse du droit d'agir reconnu aux représentants syndicaux des travailleurs des entreprises impliquées dans la concentration, le Tribunal de première instance a lui aussi affirmé que, dans l'application du règlement, l'attention portée à la protection de la concurrence dans le cadre de l'appréciation de compatibilité d'une concentration
peut très bien être conciliée avec la prise en compte adéquate de ses conséquences sociales, dans la perspective de l'article 2 du traité. Dans ce sens, la Commission peut, selon le Tribunal, vérifier si la concentration peut avoir des effets sur la situation des travailleurs des entreprises intéressées, «de nature à affecter le niveau ou les conditions d'emploi dans la Communauté ou dans une partie substantielle de celle-ci» (65). Le Tribunal n'a pas manqué d'évoquer, dans ces arrêts, le treizième
considérant, précité, du règlement.
Enfin, il est significatif que dans le cas d'espèce la protection de l'emploi se situe dans un contexte plus large, caractérisé par la nécessité de combler les déficiences structurelles de l'Allemagne de l'Est, où est établie MdK. Même sous cet angle, donc, la décision est certainement conforme à l'objectif de la cohésion économique et sociale visé au treizième considérant.
58 Le second grief du gouvernement français, qui est étroitement lié à celui que nous venons d'examiner, a trait, comme nous l'avons dit, au fait que la Commission n'a subordonné à aucune condition ni/ou charges l'autorisation de l'opération de concentration en ce qui concerne le marché allemand, en dépit de la création de ce fait d'un monopole sur ce marché (98 % du marché). En particulier, la Commission aurait dû, de l'avis du gouvernement français, conditionner l'appréciation de la compatibilité
à un engagement précis des entreprises de laisser le marché allemand ouvert à la concurrence, sur le modèle de la décision Nestlé/Perrier (66).
La Commission réplique que la décision Nestlé/Perrier n'est aucunement pertinente, dans la mesure où, dans le cas présent, l'ouverture du marché à la concurrence ne dépend pas de la structure de ce dernier, comme dans ladite affaire, mais du comportement des acheteurs, donc de la demande et non de l'offre. Elle relève en outre que le gouvernement français n'a pas précisé quels engagements pourraient être imposés à K+S et MdK pour «ouvrir le marché à la concurrence».
59 Or, il est incontestablement vrai que, comme il le prétend, il n'appartient pas au gouvernement français de proposer des solutions à cet égard, s'agissant d'une compétence de la Commission, en tant qu'organe chargé de l'application de la réglementation antitrust. Néanmoins, l'absence de suggestions de sa part ne peut qu'indiquer la difficulté de trouver des conditions auxquelles assujettir l'opération de concentration sur le marché allemand, qui pourraient permettre de l'ouvrir à la concurrence.
A cet égard, il suffit d'observer que, même en voulant considérer que pour ouvrir à la concurrence le marché allemand, malgré les particularités évoquées par la Commission, il convient en tout état de cause d'agir sur sa structure, il n'en reste pas moins qu'une solution comme celle adoptée dans l'affaire Nestlé/Perrier n'était pas applicable. En effet, comme nous l'avons dit, dans l'affaire qui nous occupe ici il n'y avait pas d'autres solutions de rachat. Dans ces conditions, nous n'estimons pas
que les objections du gouvernement requérant sont de nature à réfuter les appréciations de la Commission.
60 En définitive, également compte tenu des considérations exposées plus haut en ce qui concerne les particularités socio-économiques du cas d'espèce, nous suggérons à la Cour de rejeter le moyen en question, l'appréciation des effets de la concentration sur le marché allemand effectuée par la Commission devant être approuvée dans son ensemble.
c) Les effets de la concentration sur le marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne (affaires C-68/94 et C-30/95)
61 Tant le gouvernement français (affaire C-68/94) que SCPA et EMC (affaire C-30/95) contestent la décision en ce qui concerne l'appréciation de la concentration par rapport au second marché géographique en cause, à savoir celui qui comprend tous les États membres à l'exception de l'Allemagne. En réalité, les griefs des requérants portent sur la délimitation même de ce marché, sur la possibilité d'appliquer le règlement aux positions dominantes collectives, sur la mauvaise utilisation, en l'espèce,
de la notion de position dominante collective et enfin sur l'imposition de conditions et de charges à des tiers étrangers à l'opération de concentration.
Il est utile de préciser que, puisque les arguments avancés par SCPA et EMC sont pour la plupart compris dans ceux invoqués par le gouvernement français (qui en a cependant fait une présentation plus large et plus détaillée), dans l'exposé qui suit nous nous référerons, en particulier, aux arguments de ce dernier. Bien entendu, nous ne manquerons pas de souligner les spécificités de chacun des recours en question.
1) La délimitation du marché géographique en cause
62 La détermination de la Communauté (hormis l'Allemagne) comme étant le deuxième marché géographique à prendre en considération pour apprécier l'opération de concentration n'est, selon le gouvernement et les entreprises requérantes, pas suffisamment motivée et repose sur une analyse erronée et, en tout cas, partielle des éléments à prendre en considération. En particulier, le gouvernement français observe que les critères utilisés par la Commission pour délimiter le marché géographique dont il est
question ici auraient dû la conduire, s'ils étaient conformes à ceux habituellement employés dans l'application du règlement, à nier l'existence d'un marché unique constitué par les autres États membres de la Communauté. Il s'agirait, en effet, d'un marché très hétérogène, pour plusieurs raisons.
La Commission réplique en affirmant qu'elle a légitimement et correctement défini l'ensemble de la Communauté, à l'exception de l'Allemagne, comme un marché géographique distinct, définition qu'elle a décidée en fonction du cas d'espèce, en particulier de la nature et des caractéristiques du produit en cause. C'est pourquoi, selon la Commission, le rappel aux critères utilisés dans d'autres cas n'est guère pertinent.
63 Nous remarquerons d'abord que la définition du marché géographique en cause, condition nécessaire et préalable à toute analyse d'un comportement prétendument anticoncurrentiel, revêt une importance encore plus grande lorsqu'on veut, comme en l'espèce, démontrer l'existence d'une position dominante (67).
Bien qu'il soit indéniable que la Commission jouit en la matière d'un large pouvoir discrétionnaire, il va de soi qu'il appartient en tout état de cause au juge communautaire de vérifier l'exactitude et le bien-fondé de l'analyse effectuée dans la décision et sur laquelle se fonde la constatation de l'existence, sur le marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne, d'une position dominante collective (68).
64 Il convient de préciser que le règlement ne fournit pas d'indications claires sur la définition du marché géographique en cause, et ne traite qu'à l'article 9, paragraphe 7, des critères nécessaires pour apprécier s'il existe un marché distinct à l'intérieur d'un État membre et donc si les conditions sont remplies pour que la Commission renvoie l'examen d'une concentration notifiée aux autorités compétentes de cet État. Ces critères ont été repris dans la section 5 du formulaire CO (69): «Le
marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans la vente de biens et de services, dans lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des zones voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable. Les facteurs pertinents pour la délimitation du marché géographique en cause sont la nature et les caractéristiques des produits ou des services
concernés, l'existence de barrières à l'entrée ou de préférences des consommateurs, des différences appréciables de parts de marché entre zones voisines ou des écarts de prix substantiels.»
Parmi les éléments à prendre en considération, selon les prescriptions du formulaire CO que nous venons de rappeler, il n'existe donc aucun ordre d'importance, permettant de considérer l'un d'entre eux comme prédominant ou en tout cas plus significatif que les autres. En conséquence, tout en ne pouvant pas admettre la prétention de la Commission de considérer comme sans influence, dans le cas d'espèce, les critères appliqués dans les décisions antérieures, il y a lieu de retenir que celles-ci ne
constituent qu'un élément de référence, le bien-fondé et la cohérence des décisions de la Commission devant être appréciés par rapport au contexte particulier dans lequel s'inscrit chaque cas d'espèce.
65 Cela étant, passons à l'examen des différents arguments invoqués. En premier lieu, de l'avis des requérants, la Commission a considéré comme étant homogène un marché composé de pays sans aucune production intérieure (Belgique, Pays-Bas, Danemark, Grèce), de pays producteurs dans lesquels la production est structurellement supérieure à la consommation (Espagne, Royaume-Uni) et d'autres dans lesquels la consommation est structurellement supérieure à la production (France). A cela s'ajoute que les
stratégies d'achat des États membres importateurs seraient substantiellement différentes, de sorte que la quasi-totalité des échanges intracommunautaires serait composée de flux à sens unique et non d'échanges réciproques, qui normalement caractérisent un marché véritablement homogène.
La Commission a donc, selon le gouvernement français, fait un amalgame de situations totalement différentes, alors qu'elle n'aurait pu établir une certaine homogénéité qu'à l'égard des pays non producteurs. Une autre preuve de l'absence d'homogénéité du marché considéré ressort, à son avis, de l'examen des parts de marché des fournisseurs, qui varient considérablement d'un pays à l'autre, ainsi que de la concentration de l'offre. Même l'analyse des caractéristiques de la demande confirme, selon le
gouvernement requérant, l'inexistence en l'espèce d'un marché géographique constitué par l'ensemble des États membres à l'exclusion de l'Allemagne. En effet, l'appréciation de la Commission sur l'interchangeabilité des produits est, à son avis, erronée, étant donné que le choix des produits à base de potasse dépend de la nature géologique du sol, de la superficie agricole, des habitudes des consommateurs et des politiques agricoles, ainsi que de la présence d'industries de potasse sur le territoire
(70).
66 La Commission rétorque que le fait d'inclure dans un même marché des pays producteurs et des pays non producteurs n'implique aucunement une délimitation erronée du marché géographique en cause, de même que la présence d'un seul producteur dans un État membre n'est nullement décisive. Par ailleurs, l'existence de flux commerciaux à sens unique n'exclut pas l'homogénéité du marché concerné, avec laquelle, elle est, selon la doctrine économique, parfaitement compatible. Il n'est, selon elle, pas
possible de parvenir à une conclusion différente à partir des différentes stratégies d'achat des États membres importateurs et encore moins au vu des parts de marché détenues dans les différents pays par les principaux opérateurs, celles-ci ne constituant pas un facteur décisif dans la détermination du marché en cause, puisqu'elles peuvent dépendre, par exemple, de barrières commerciales préexistantes ou d'habitudes des consommateurs.
Quant aux caractéristiques de la demande des produits en question, la Commission estime les avoir suffisamment prises en compte et avoir constaté, d'une part, un degré élevé d'interchangeabilité, étant donné que dans aucun pays, à l'exception de l'Allemagne, les utilisateurs n'ont une nette préférence pour les produits locaux et, d'autre part, la capacité de tous les producteurs communautaires de potasse d'en produire les différents types. A la différence d'autres cas dans lesquels on avait constaté
une préférence des consommateurs pour des marques connues (71), ou pour des produits nationaux (72), ou une demande extrêmement faible dans un marché en phase de démarrage (73), il n'existerait donc en l'espèce aucun élément de nature à établir que la structure de la demande est révélatrice de marchés nationaux distincts.
67 En second lieu, selon les requérants, l'examen des coûts de transport et des prix à l'intérieur du marché de référence, tel qu'effectué par la Commission, n'est pas du tout fiable. En ce qui concerne les premiers, la Commission n'aurait en réalité procédé à aucune analyse, se bornant à affirmer, de manière apodictique, que les coûts de transport ne constituent pas un obstacle aux flux commerciaux.
Quant à l'enquête sur les prix de la potasse à l'intérieur de la Communauté, elle serait tout aussi insuffisante: la Commission aurait omis de procéder, comme elle l'aurait dû, à un examen comparatif des prix pratiqués par les différents opérateurs dans chaque État membre. Pour prouver l'absence de différences substantielles du niveau des prix des différents pays concernés, elle aurait fourni des statistiques vieilles de cinq ans, donc sans valeur.
68 La Commission rejette les critiques adressées à son analyse, en objectant que l'absence de flux d'échanges entre pays producteurs et pays importateurs n'est pas toujours et pas nécessairement causée par les coûts de transport. D'autre part, la présence d'échanges entre certains pays non limitrophes (Allemagne et Portugal, Espagne et Belgique, Allemagne et Irlande) et l'absence, en revanche, de flux entre États voisins (Grande-Bretagne et Pays-Bas) démontrent, à son avis, que les coûts de
transport ne sont aucunement prohibitifs. A cet égard, la Commission rappelle les considérations développées dans la décision attaquée (considérant 42) qui mettent, selon ses dires, en évidence que le niveau de ces coûts n'est pas de nature à faire obstacle aux flux commerciaux pour le marché géographique en question.
Quant aux prix pratiqués dans les États membres à l'exclusion de l'Allemagne, la Commission relève qu'ils ne sont pas sensiblement différents. En effet, la différence maximale de prix à l'intérieur de la Communauté serait de 10 %, alors que pour l'Allemagne elle irait jusqu'à 20 %.
69 Enfin, selon les entreprises et le gouvernement requérants, la Commission aurait au moins dû isoler, dans l'appréciation du projet de concentration, les marchés français et espagnols, qui, du fait de leurs caractéristiques particulières, présentent des conditions de concurrence qui ne sont pas semblables à celles des autres partenaires communautaires. En particulier, selon le gouvernement français, le marché espagnol offre des caractéristiques analogues à celles du marché allemand, alors que le
marché français est dans une situation très particulière, déterminée par une production inférieure à la consommation et par la présence d'un grand opérateur unique.
Le fait même de ne pas avoir séparé le marché des deux États en question de celui du reste de la Communauté finit, de l'avis des requérants, par fausser complètement l'analyse des conditions de concurrence avant et après l'opération de concentration, en donnant une fausse image des rapports de force entre K+S et SCPA.
70 La Commission rappelle que la présence de flux commerciaux importants, même s'ils sont à sens unique, l'absence de différences sensibles entre les prix et l'interchangeabilité des différents produits à base de potasse ne pouvaient qu'inciter à inclure aussi l'Espagne et la France dans le marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne, d'autant plus que les méthodes de distribution utilisées dans ces deux pays sont identiques à celles employées dans le reste de la Communauté (hormis
l'Allemagne).
En ce qui concerne la France, la Commission conteste en outre que les conditions de concurrence sur le marché de ce pays sont différentes du reste de la Communauté, et elle précise que l'on ne peut attribuer aucune importance, à cette fin, au fait que K+S et SCPA/EMC ont, de manière artificielle, maintenu le marché français séparé du marché communautaire. En effet, cela ne modifierait en aucune façon l'homogénéité fondamentale des deux marchés, qui résulte de facteurs objectifs.
71 Cela étant, nous commencerons par relever que le caractère unilatéral des flux commerciaux, admis aussi par la Commission, est incontestablement un facteur important pour déterminer le marché géographique en cause, dans la mesure où il pourrait faire présumer la présence de barrières, à l'entrée des différents pays, susceptibles de faire obstacle à la commercialisation des produits et de prouver, par ce biais, l'existence de marchés nationaux (74). Cette question aurait donc mérité d'être
approfondie par la Commission, qui s'est au contraire bornée à relever la présence de flux commerciaux importants entre les États membres en question.
On reste aussi quelque peu perplexe en constatant que la Commission n'a pas pris en compte le fait que les importateurs les plus importants du secteur avaient et ont des parts de marché importantes dans leur pays et sensiblement différentes dans les autres, et qu'elle a accordé peu d'importance au degré de concentration de l'offre.
72 Les lacunes que nous venons de mettre en évidence ne sont toutefois pas de nature à invalider l'appréciation de la Commission, qui semble reposer sur des éléments objectifs restés en substance incontestés.
En premier lieu, les conditions ne semblent pas réunies en l'espèce pour considérer que la structure de la demande révèle l'existence de marchés nationaux distincts, d'autant plus que dans l'ensemble de la Communauté à l'exclusion de l'Allemagne il existe un degré élevé d'interchangeabilité des produits à base de potasse et il n'y a pas de préférences particulières des consommateurs pour des produits spéciaux qui ne peuvent être achetés que chez les producteurs locaux.
73 Quant à l'évaluation des coûts de transport, élément communément retenu parmi les facteurs les plus significatifs pour définir la notion de marché en cause, ainsi que la Cour l'a déclaré dans l'affaire Suiker Unie e.a./Commission (75), il est certes vrai que la Commission s'est souvent contentée d'affirmations générales (76). Toutefois, il ne nous semble pas que les objections du gouvernement requérant parviennent à démontrer que les différences de coûts sont de nature à représenter des
«barrières à l'entrée»: on sait, en effet, que, conformément à la jurisprudence de la Cour, des coûts de transport différents ne sont pas pertinents à cette fin s'ils ne sont «pas discriminatoires» (77).
Une remarque analogue peut valoir pour l'analyse des prix des produits en question, prix qui constituent un autre facteur important à prendre en considération, selon l'avis exprimé par la Commission dans des affaires précédentes (78). S'il est vrai, en effet, que les seules informations fournies par l'institution, pour démontrer l'absence de différences sensibles de prix d'État à État, consistent dans quelques données statistiques, provenant de la FAO, relatives à la période 1987-1989, ainsi que
dans l'indication des prix pratiqués par K+S en 1992 en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, il est également vrai que ni le gouvernement français ni les entreprises requérantes n'ont opposé à l'analyse de la Commission des éléments qui attestent le contraire. Ils ont plutôt affirmé l'absence de différence substantielle entre les prix, en l'attribuant cependant à la transparence du marché et non à l'homogénéité de ce dernier.
74 Si l'on ajoute aux considérations qui précèdent que les requérants n'ont pas contesté l'uniformité substantielle des méthodes de distribution adoptées dans les différents États, uniformité de nature à exclure l'existence de barrières à l'entrée semblables à celles existant en Allemagne, l'analyse de la Commission ne peut qu'être considérée comme exacte en substance et suffisamment motivée.
Il ne serait pas davantage possible de parvenir à une conclusion différente à partir des arguments avancés par le gouvernement français pour démontrer que la France et l'Espagne constituent des marchés autonomes, que l'on ne saurait amalgamer au reste des pays communautaires, bien que la position de la Commission ne soit pas exempte de quelques contradictions.
75 A cet égard, il faut en effet reconnaître que, dans l'analyse de ce que l'on appelle les «barrières à l'entrée» (79), l'existence du monopole légal de SCPA (même s'il est limité au transit des importations en provenance des pays tiers), considéré par la Commission comme une importante barrière à l'entrée du territoire français (80), n'est ensuite en aucune manière prise en considération pour établir si la France peut ou non constituer un marché distinct. Cette incohérence ne pourrait pas non plus
s'expliquer, comme le prétend la Commission, par la distinction entre barrières qui font obstacle au commerce intracommunautaire et barrières entravant les échanges avec les pays tiers. En effet, il semble pour le moins douteux que le monopole de distribution de SCPA produise des effets au niveau de l'entrée des produits des pays tiers dans le marché des autres États membres, dès lors que certaines données fournies par le gouvernement français, et non contestées par la Commission, démontrent le
contraire (81).
Les contradictions que nous venons de souligner ne paraissent toutefois pas suffisantes pour justifier de faire droit à la thèse du gouvernement français: en effet, selon les appréciations de la Commission, qui sont restées incontestées, tant la France que l'Espagne présentent, sur le plan de la concurrence, des caractéristiques analogues au reste du marché communautaire sous l'angle de l'interchangeabilité des produits, de l'ouverture des marchés (confirmée par les volumes importants des
importations), du niveau des prix et des systèmes de distribution. Même par rapport à ces deux pays, donc, il existe des éléments suffisants pour juger fondé le choix de la Commission de les inclure dans le marché de tous les États membres à l'exception de l'Allemagne.
76 A la lumière des considérations qui précèdent, nous estimons que la délimitation du marché géographique réalisée dans la décision doit être partagée dans ses lignes essentielles et, surtout, dans ses conclusions.
La Commission aurait pu et peut-être dû justifier de manière plus précise ses appréciations, qui, examinées de plus près, ne s'avèrent pas exemptes de quelques approximations. Toutefois, il ne nous semble pas qu'une certaine homogénéité des conditions de concurrence sur le marché constitué par tous les États membres à l'exclusion de l'Allemagne puisse être contestée de manière fondée, ni, surtout, que les objections du gouvernement français réussissent à convaincre du contraire. Il convient de ne
pas oublier, d'autre part, que, selon la jurisprudence de la Cour, l'«homogénéité» des conditions de concurrence aux fins qui nous intéressent ici ne signifie pas une parfaite égalité des conditions dans les différentes parties du territoire considéré comme le marché en cause. L'important est plutôt que les conditions de concurrence soient suffisamment homogènes pour apparaître non discriminatoires (82), c'est-à-dire soient telles qu'elles permettent aux opérateurs économiques de se faire
concurrence sur un pied d'égalité.
77 Dans le cas d'espèce, il ne nous semble pas que les arguments du gouvernement requérant permettent de considérer comme n'étant pas homogènes, dans le sens précisé, les conditions de concurrence à l'intérieur du marché défini comme pertinent par la Commission. Dans ces conditions, nous suggérons à la Cour de rejeter le moyen avancé par le gouvernement français.
2) La possibilité d'utiliser le règlement sur les concentrations pour intervenir sur les positions dominantes collectives
78 Les conditions auxquelles la décision a subordonné l'autorisation de la concentration examinée, rappelons-le, avaient précisément pour but, sur la base de l'analyse effectuée par la Commission, d'éliminer les prémisses d'une domination oligopolistique de K+S et de SCPA sur le marché en cause.
Tant le gouvernement français que SCPA et EMC, qui en tout état de cause contestent l'existence en l'espèce d'une position dominante collective, font valoir que le règlement ne s'applique même pas à des hypothèses de ce type.
79 Les requérants soutiennent en effet qu'il n'est pas possible, déjà sous l'aspect théorique et général, de recourir à la notion de position dominante collective dans le cadre de l'application des règles sur le contrôle des concentrations. Les motifs seraient nombreux:
- En premier lieu, un élément textuel s'y oppose: l'article 2 du règlement, à la différence de l'article 86 du traité («... une ou plusieurs entreprises...»), ne prévoit pas expressément l'hypothèse de position dominante collective.
- En second lieu, ni les bases juridiques du règlement - articles 235 et 87 du traité - ni l'intention du législateur ne permettent l'application des dispositions sur les concentrations à des situations de position dominante oligopolistique.
- Enfin, on trouve une autre confirmation dans les garanties procédurales offertes aux tiers par le règlement; en particulier, les entreprises faisant partie d'une position dominante collective, mais non de la concentration, auraient des moyens de protection insuffisants.
80 La Commission répond à cela:
- La teneur du règlement, en particulier le fait de ne pas prévoir expressément l'hypothèse de position dominante exercée par «plusieurs entreprises», ne permet aucunement d'en exclure l'application aux hypothèses de constitution ou de renforcement de positions dominantes collectives. A cet égard, il n'est pas dénué d'importance que l'article 2, paragraphe 3, lie la position dominante à l'opération de concentration, et non aux entreprises intéressées, en prenant en considération ses conséquences sur
la concurrence effective.
- Les bases juridiques du règlement indiquent que son objectif est de combler une lacune laissée dans les règles de concurrence par les articles 85 et 86 en ce qui concerne le contrôle de la position dominante oligopolistique. Rien dans les travaux préparatoires ni dans les déclarations rappelées par le gouvernement français n'autorise à considérer que le Conseil a entendu exclure l'application du règlement pour condamner ou éliminer les positions dominantes collectives.
- Une décision autorisant une concentration lie seulement et exclusivement les entreprises qui sont à l'origine de la notification. Dès lors que l'acte mettant fin à la procédure engagée au sens du règlement ne peut causer aucun préjudice à des tiers, même s'ils font partie de la position dominante collective en question, il est impropre de parler de carence ou d'insuffisance de garanties pour les tiers. En tout état de cause, les modalités procédurales d'application du règlement protègent largement
les droits et les intérêts des tiers.
- La possibilité d'interdire une concentration qui renforce le cadre oligopolistique du marché résulte de la théorie économique qui estime que la concurrence est en toute hypothèse affectée, dès lors que certaines conditions sont remplies, à l'intérieur d'un marché oligopolistique. L'utilisation du règlement pour intervenir en cas de position dominante collective est donc indispensable pour garantir une concurrence effective.
- La donnée textuelle
81 Nous commencerons par relever que la thèse des requérants est difficilement contestable: le règlement, et en particulier son article 2, ne contient aucune référence, pas même indirecte, au concept de position dominante oligopolistique. Cela est d'autant plus significatif si l'on considère, comme l'ont souligné les requérants, que l'article 86 du traité prévoit, par contre, et expressément, l'incompatibilité avec le marché commun de l'exploitation abusive d'une position dominante de la part d'«une
ou plusieurs entreprises».
A l'évidence, l'article 2, paragraphe 3, qui, comme le soutient la Commission, lie, il est vrai, la position dominante à l'opération de concentration et non aux entreprises intéressées, se réfère à la position dominante de la concentration et non à la position dominante qui comporte des entreprises tierces par rapport à l'opération de concentration. Dans ces conditions, il serait trop facile d'évoquer l'adage bien connu ubi lex voluit, dixit, ubi noluit tacuit.
82 S'il est vrai, toutefois, que la donnée textuelle ne peut pas ne pas conduire à la conclusion que le règlement vise uniquement à décourager les concentrations qui créent ou renforcent une position dominante d'une seule entreprise, et n'envisage pas celles qui aboutissent à une domination de plusieurs entreprises (83), il est également vrai que la lettre de l'article 2 du règlement ne peut pas être jugée décisive, cette disposition devant être lue à la lumière du règlement dans son ensemble et de
sa ratio.
Nous en arrivons ainsi aux autres arguments invoqués par les requérants et relatifs aux bases juridiques, à la volonté du législateur (telle qu'elle résulte des travaux préparatoires et qu'elle se traduit dans le texte du règlement) et aux garanties procédurales, ainsi qu'aux considérations à caractère économique avancées par la Commission, considérations strictement liées aux finalités des règles de concurrence.
- Bases juridiques et volonté du législateur
83 Disons tout de suite que nous ne partageons pas la thèse des requérants selon laquelle le choix des bases juridiques plaiderait en lui-même en ce sens que le règlement n'est pas applicable aux positions dominantes collectives. En principe, en effet, les articles 87 et 235 peuvent être utilisés à cette fin. En sens contraire, il nous semble que l'on ne peut invoquer ni la circonstance que le règlement est essentiellement fondé sur l'article 235, plutôt que sur l'article 87, ni la déclaration du
Conseil et de la Commission sur l'article 22 du règlement, dans la partie dans laquelle il exclut l'applicabilité des articles 85 et 86 aux concentrations (84).
Il est inutile d'ajouter que l'on voit difficilement quelle autre possibilité permettrait d'intervenir de manière préventive sur les positions dominantes collectives créées ou renforcées à la suite de concentrations, à moins de considérer, mais cela serait déraisonnable, que le traité exclut lui-même une telle possibilité.
84 D'une telle conclusion nous ne parvenons toutefois pas à déduire, à la différence de la Commission, que le règlement autorise effectivement, dans sa formulation actuelle, à intervenir sur les positions dominantes collectives. A cet égard, nous nous contenterons d'observer que le fait que le fondement juridique choisi est certainement de nature à attribuer des pouvoirs déterminés n'implique pas en soi que ces pouvoirs aient été effectivement attribués. Il n'en reste pas moins, en effet, que, en se
fondant sur cette base juridique, certains pouvoirs ont été prévus et non d'autres.
L'important, en définitive, est de savoir si le texte du règlement confirme, expressément ou même de manière implicite, que le pouvoir d'intervenir sur des positions dominantes collectives a été attribué à la Commission. Or, il nous semble que le texte dans son ensemble porte plutôt à avaliser une interprétation restrictive de l'article 2.
85 C'est en ce sens que plaide, par exemple, comme l'ont fait valoir les entreprises requérantes, la formulation du quinzième considérant du règlement, sur la base duquel «les opérations de concentration qui, en raison de la part de marché limitée des entreprises concernées, ne sont pas susceptibles d'entraver une concurrence effective peuvent être présumées compatibles avec le marché commun» et «une telle indication existe notamment lorsque la part de marché des entreprises concernées ne dépasse
[pas] 25 %». De l'avis des entreprises requérantes, le choix de ce pourcentage serait inadapté si le règlement était aussi applicable aux positions dominantes collectives (85).
Or, il est tout à fait vrai que la présomption d'incompatibilité d'une position dominante en fonction d'une part de marché globale supérieure à 25 %, telle qu'elle figure dans le considérant, n'est pas reprise dans le dispositif du règlement (86). Et il est également vrai que les parts de marché constituent, dans les décisions adoptées en application du règlement, seulement le point de départ pour apprécier les effets de l'opération, de nombreux autres éléments devant être pris en considération
(87). Or, si l'on veut donner au quinzième considérant une quelconque portée, il ne serait pas déraisonnable de le considérer comme l'indice d'une volonté du législateur de ne pas comprendre dans le règlement les hypothèses de domination collective, la part de 25 % étant certainement plutôt faible pour pouvoir concerner un oligopole (88).
86 A cela s'ajoute que les travaux préparatoires sembleraient plutôt confirmer la volonté du législateur de ne pas appliquer le règlement aux positions dominantes collectives. En effet, si l'on connaît bien la volonté de la Commission, manifestée durant le processus de formation de l'acte et exprimée à plusieurs reprises, d'appliquer le régime en question aux oligopoles (89), il est également vrai que la Commission a souligné que l'actuelle formulation de l'article 2, paragraphe 3, est le résultat
d'un difficile compromis atteint précisément sur la question des positions dominantes collectives (90).
Il n'est pas superflu de souligner ici qu'il résulte d'une comparaison entre la dernière proposition modifiée présentée par la Commission (91) et le texte définitif que la référence aux obstacles au maintien et au développement d'une concurrence effective, telle qu'elle est contenue dans la première, a été ensuite remplacée par la notion de «position dominante», notion qui rappelle indéniablement le texte de l'article 86. Dans ces conditions, force est de retenir que le texte définitif constitue le
fruit d'un choix conscient, déterminé, comme l'a admis la Commission, par la difficulté de parvenir à un accord sur ce point.
87 Or, on peut regretter que le Conseil ait pris sa décision en accord avec certains de ses membres et en désaccord avec d'autres, mais personne ne peut rien y changer sinon le législateur lui-même. La thèse de la Commission selon laquelle cette situation, en l'absence d'une disposition qui exclut expressément l'applicabilité du règlement aux positions dominantes collectives, implique que la question a été laissée ouverte, ne nous paraît pas convaincante. En tout état de cause, nous n'estimons pas
que la Commission puisse, comme elle le prétend, considérer qu'elle a le pouvoir de résoudre les problèmes délibérément laissés en suspens par les États membres.
Penser différemment, pour être plus clair, équivaudrait à avaliser un critère sui generis de subsidiarité en vertu duquel, à chaque fois qu'elle le jugerait opportun ou nécessaire, la Commission pourrait exercer un rôle de suppléance par rapport à d'autres institutions et, en particulier, au législateur. Il serait certainement plus conforme aux règles du jeu, sous cet angle, que la Commission prenne l'initiative de demander une modification du règlement dans le sens évoqué. Faute d'une telle
initiative, nous hésiterions beaucoup à affirmer que la Commission et la Cour peuvent, dans le cadre de l'application et/ou de l'interprétation d'une réglementation, en combler les lacunes dues à un choix délibéré du législateur (92).
88 En définitive, même les travaux préparatoires semblent confirmer que la volonté du législateur, telle qu'elle se traduit dans le texte du règlement, va dans le sens de la non-applicabilité de celui-ci aux positions dominantes collectives. Cette constatation n'est toutefois pas décisive aux fins qui nous intéressent ici. En effet, il reste que les travaux préparatoires peuvent au plus fournir quelques indications mais ne sont pas déterminants car, pour établir l'interprétation correcte d'une
disposition, il y a lieu de se référer à la lettre et à la finalité du texte en question.
- Les garanties procédurales
89 Et nous passons ainsi à l'examen d'un aspect qui revêt incontestablement dans ce contexte une importance fondamentale. Tant le gouvernement français que les entreprises requérantes soutiennent, en effet, comme nous l'avons déjà dit, que l'absence de volonté et l'impossibilité d'appliquer le règlement aux positions dominantes collectives sont confirmées de manière décisive par l'absence, dans ses dispositions, de garanties procédurales de nature à protéger les droits des entreprises qui, même si
elles ne sont pas impliquées dans l'opération de concentration, participent à une position dominante collective.
Nous avons déjà souligné, dans l'examen de la recevabilité du recours des entreprises requérantes, l'absence de fondement de la thèse de la Commission selon laquelle l'acte mettant fin à la procédure instaurée en application du règlement ne lierait que les parties à la concentration, avec pour conséquence qu'il ne pourrait en aucun cas porter préjudice aux tiers. Sans citer d'autres exemples, c'est précisément le cas d'espèce qui indique de manière extrêmement significative le contraire (93).
90 Cela étant, il s'agit ici d'établir si les garanties procédurales prévues par le règlement pour protéger les tiers peuvent être jugées adéquates même dans l'hypothèse dans laquelle les «tiers» font partie de l'oligopole sur lequel porte la décision de la Commission.
Nous dirons d'abord que la participation des tiers à la procédure, telle que prévue par le règlement, ne semble pas, par rapport à l'hypothèse visée ici, pouvoir assurer une protection appropriée des droits de la défense. En premier lieu, les entreprises qui sont présumées faire partie de l'oligopole et sont étrangères à la concentration ne sont destinataires d'aucune information spécifique. En second lieu, conformément à l'article 18, paragraphe 4, l'audition des tiers a lieu seulement dans
l'hypothèse où la Commission ou les autorités compétentes des États membres estiment nécessaire d'entendre aussi d'autres personnes physiques ou morales (parmi lesquelles il faut évidemment comprendre les entreprises étrangères à la concentration) ou, à l'initiative de celles-ci, lorsqu'elles prouvent y avoir intérêt. Il s'agit donc, comme le confirme le règlement n_ 2367/90 (94) (applicable, ratione temporis, au cas d'espèce), d'une procédure non obligatoire et ayant un caractère informel, étant
donné qu'elle se déroule sans la participation des représentants des autorités des États membres et sans la forme solennelle et les garanties prévues pour l'audition des parties. Il s'agit, en somme, d'une procédure de nature à protéger les droits des véritables «tiers» (dans tous les sens du terme), mais non de ceux qui sont «parties» à la position dominante.
91 L'analyse conduite par le gouvernement français, qui a comparé les modalités procédurales prévues par le règlement n_ 2367/90 en application de l'article 18, paragraphe 4, du règlement, avec le mécanisme prévu pour les procédures engagées au titre des articles 85 et 86, ne fait pas que confirmer l'insuffisance des garanties assurées aux droits de la défense des entreprises faisant partie d'un oligopole, mais étant étrangères à l'opération de concentration (95).
En effet, cette analyse montre bien que, à la différence des entreprises qui détiennent une position dominante collective au sens de l'article 86, les entreprises participant à un oligopole prétendument créé ou renforcé par une concentration, mais à laquelle elles sont étrangères, sont traitées comme des «tiers», avec les conséquences inévitablement négatives qui en dérivent sur le plan des droits de la défense.
92 Or, il est inutile de rappeler que le respect des droits de la défense dans les procédures administratives constitue une valeur incontournable de l'ordre juridique communautaire. En effet, comme l'a affirmé la Cour à maintes reprises, «le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré même en l'absence de toute
réglementation concernant la procédure en cause» (96).
Dans cette perspective, on pourrait accorder quelque crédit à la thèse de la Commission selon laquelle, puisque le respect des droits de la défense constitue un droit fondamental, l'éventuelle absence de garanties procédurales ad hoc dans le règlement serait sans importance aux fins de l'applicabilité du règlement aux positions dominantes collectives. En toute hypothèse, en effet, le droit des tiers, ainsi que des parties, à bénéficier de la nécessaire protection resterait entier.
93 Il s'agit d'une thèse certes dotée d'un certain pouvoir de suggestion, mais que nous ne parvenons toutefois pas à partager. S'il est vrai, en effet, que les prérogatives de la défense doivent en tout état de cause être respectées, au-delà des différentes dispositions explicites en ce sens par rapport à toute hypothèse susceptible de se présenter, il est néanmoins vrai qu'il serait paradoxal de permettre à la Commission de se réfugier derrière un tel paravent quand elle n'a pas prévu, tout en
ayant adopté une réglementation ad hoc en la matière, comme l'est certainement le règlement n_ 2367/90, les garanties nécessaires en faveur de ceux qui peuvent être lésés par l'application du régime en question.
Cela dit, nous reconnaissons que la Cour pourrait surmonter le problème en affirmant qu'il suffirait d'étendre les garanties prévues pour les parties à l'opération de concentration aux parties de l'oligopole présumé. Il n'en reste pas moins, toutefois, que l'absence de disposition en ce sens dans le règlement ne peut que confirmer, comme l'ont soutenu les requérants, que le règlement n'a pas, ou au moins n'avait pas dans l'intention du législateur, vocation à être appliqué aux positions dominantes
collectives. Enfin, il est presque superflu d'ajouter qu'en l'espèce le respect des prérogatives de la défense, auxquelles les entreprises requérantes auraient (selon la Commission) en tout état de cause eu droit, n'a certainement pas été garanti (97).
- Considérations économiques et finalités du règlement
94 Il reste à prendre en considération les arguments de nature économique avancés par la Commission, arguments qui sont étroitement liés à l'objectif d'assurer une concurrence effective.
En substance, la thèse de la Commission est qu'il serait indispensable de soumettre à un contrôle les situations oligopolistiques (98), dans la mesure où il pourrait en résulter un préjudice pour la concurrence au moins aussi grave que celui qu'engendre une position dominante individuelle. L'applicabilité du règlement aux positions dominantes collectives se fonderait, en définitive, sur la nécessité d'un contrôle des oligopoles afin de sauvegarder la concurrence (99).
95 A cet égard, nous commencerons par relever le bien-fondé de la préoccupation de la Commission, surtout si on l'analyse à la lumière des implications économiques et juridiques des situations oligopolistiques. Il n'est guère nécessaire de faire remarquer, en effet, que l'oligopole, c'est-à-dire le marché d'une poignée d'entreprises (100), peut produire des effets négatifs se rapprochant beaucoup de ceux généralement imputés au monopole (101). A cela s'ajoute qu'il est indéniable, d'une part, qu'il
existe une certaine corrélation entre concentration et pouvoir de marché, entendu précisément comme pouvoir d'augmenter les prix en contenant la production et en obtenant un profit supplémentaire, et, d'autre part, que les concentrations peuvent favoriser la collusion entre concurrents et l'adoption de comportements parallèles, même non concertés.
La Commission a en outre souligné que le problème ne pourrait pas non plus être résolu par le recours aux articles 85 et 86 du traité, étant donné que ces derniers ne permettent, ni toujours ni dans tous les cas, d'intervenir efficacement contre les oligopoles. Parfois, en effet, on ne peut contenir l'oligopole sur le plan de l'interdiction des ententes, dès lors que, comme l'a précisé la Cour dans l'arrêt pâte de bois, le parallélisme des comportements, dans lequel se résume l'idée même de
l'oligopole, «ne peut être considéré comme apportant la preuve d'une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible. Il importe, en effet, de tenir compte du fait que, si l'article 85 du traité interdit toute forme de collusion de nature à fausser le jeu de la concurrence, il n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents» (102). D'autre part, l'utilisation de l'article 86
trouve ses limites dans sa nature de disposition ne pouvant avoir d'incidence que sur des situations de domination préexistantes.
96 Les lacunes que nous venons de mettre en lumière ne nous semblent toutefois pas suffire à justifier l'application du règlement à la domination oligopolistique; l'arrêt pâte de bois ne nous paraît pas davantage contenir des éléments allant dans le sens voulu par la Commission: le fait qu'il existe des comportements parallèles qui ne peuvent être sanctionnés sur la base de l'article 85 (103) ne signifie pas en soi que ces comportements doivent en tout état de cause être sanctionnés et, surtout, ne
saurait justifier l'interprétation large du règlement proposée par la Commission.
Par ailleurs, la réflexion qui précède témoigne de manière très significative de l'incohérence de la position adoptée par la Commission dans le cas d'espèce: comme nous l'avons vu, elle invoque le caractère inapproprié des instruments normatifs fournis par les articles 85 et 86 pour intervenir sur les oligopoles, ce qui justifierait, à son avis, l'interprétation large de l'article 2, paragraphe 3, du règlement. Sauf que, à y bien regarder, l'intervention de la Commission sur le prétendu duopole
K+S/SCPA/EMC a consisté dans une «injonction» adressée à la première d'interrompre ses rapports contractuels avec les deux autres. Dans ces conditions, c'est-à-dire en présence d'évidents signes de «concertation», pourquoi ne pas utiliser l'article 85 (104)?
97 Nous relevons, enfin, que la pratique suivie dans l'application du règlement, rappelée à plusieurs reprises au cours de la procédure, n'offre pas davantage d'arguments plaidant pour une solution différente. De fait, dans la décision Nestlé/Perrier, dans laquelle la Commission n'a pas caché son intention d'élaborer une notion autonome de domination collective, l'applicabilité du règlement aux oligopoles a été essentiellement fondée sur l'article 3, sous g), du traité (105).
Or, il est vrai que cette disposition est rappelée de manière générale dans le premier considérant du règlement et que, ayant comme objectif la protection d'une concurrence effective, elle ne peut que concerner toutes les hypothèses de situation faussant la concurrence, qu'elles soient le fait d'une ou de plusieurs entreprises. Il est toutefois également vrai que cette disposition prévoit aussi que son application, il ne faut pas l'oublier, intervient seulement «dans les conditions et selon les
rythmes prévus par le présent traité».
98 L'ensemble des éléments que nous avons examinés jusqu'ici soulève de nombreux doutes quant à la possibilité d'utiliser la notion de position dominante collective dans le cadre des dispositions du règlement sur les concentrations. En définitive, nous estimons que les dispositions du règlement ne sont pas applicables aux positions dominantes oligopolistiques et que cette interprétation est la plus conforme non seulement à leur formulation, mais aussi à la logique dont elles s'inspirent et, de
manière plus générale, à l'économie générale du système. Tout en trouvant quelques justifications sur le plan économique, la solution contraire aurait plusieurs conséquences négatives; et surtout, face aussi à l'absence de paramètres normatifs et/ou réglementaires de référence analogues à ceux existant dans d'autres systèmes antitrust, elle finirait par être cause d'incertitudes. Cela, d'ailleurs, serait contraire à l'exigence, maintes fois affirmée, que la norme communautaire soit claire et que son
application soit prévisible par ceux qui y sont soumis (106).
Naturellement, comme nous l'avons relevé précédemment, les préoccupations de la Commission liées aux conséquences négatives, sur le plan de la répression des comportements anticoncurrentiels, que la non-application du règlement aux oligopoles pourrait avoir, ne peuvent et ne doivent pas être oubliées. Cependant, il serait plus correct, à notre avis, de transposer de telles préoccupations dans leur cadre naturel et d'en faire l'objet d'une proposition de modification visant à compléter les
dispositions pertinentes.
3) L'utilisation erronée, dans le cas d'espèce, de la notion de position dominante collective
99 Par ce moyen, tant le gouvernement français que les sociétés requérantes invoquent une série d'erreurs de droit et de fait qui auraient été commises dans l'appréciation de la concentration sur le marché communautaire hormis l'Allemagne.
De manière générale, le gouvernement français reproche à la Commission de n'avoir suivi, pour apprécier l'existence d'une position dominante collective, ni les critères élaborés par la jurisprudence relative à l'article 86, ni les critères fixés dans ses précédentes décisions, du reste plus souples que ceux indiqués par le juge communautaire. A l'appui de sa thèse, le gouvernement français fait en outre une série de critiques précises qui visent tous les éléments d'analyse pris en compte dans la
décision, soulignant en même temps l'importance des critères que la Commission a omis de prendre en considération. Ces arguments mettent, selon lui, en évidence les erreurs dont est entachée la décision quant à l'existence d'une position dominante collective et, en tout état de cause, la motivation insuffisante de celle-ci.
Les sociétés requérantes, qui contestent aussi certains des facteurs pris en considération dans la décision par des arguments analogues à ceux du gouvernement français, invoquent en particulier l'absence de preuve, de la part de la Commission, de l'existence d'un lien de causalité entre la concentration et la prétendue création d'une position dominante collective.
100 La Commission rétorque que les critères qu'elle a utilisés dans la décision attaquée ne sont aucunement en contradiction avec ceux employés dans des décisions antérieures. En effet, pour établir en l'espèce l'existence d'une position dominante collective, elle affirme s'être essentiellement fondée sur trois critères: le degré de concentration du marché, tel qu'il résulterait de l'opération de concentration, les éléments structurels relatifs à la nature du marché et aux caractéristiques du
produit, ainsi que les liens structurels entre les entreprises intéressées.
En outre, elle fait valoir que le cas d'espèce se différencie, par certaines caractéristiques propres, d'autres cas dans lesquels elle est intervenue. En premier lieu, avant l'opération de concentration il n'existait déjà pas de concurrence effective entre les deux plus importants fournisseurs de produits à base de sels de potasse, à cause de l'absence de K+S du marché français et des liens existant entre cette dernière et SCPA. En second lieu, à la suite du renforcement du potentiel de concurrence
résultant de la concentration avec MdK, K+S et SCPA se trouveraient dans une position dominante par rapport aux autres fournisseurs de potasse.
101 De façon plus générale, la Commission, répondant aux objections du gouvernement français, soutient que les critères élaborés en relation avec l'article 86, tout en n'étant pas absents de la décision, n'ont pas un caractère décisif en matière de contrôle des concentrations. Dans ce contexte, en effet, l'existence d'une position dominante collective - à la différence de ce qui se passe dans le cadre de l'article 86, dans lequel elle est définie principalement sur la base des parts de marché - ne
peut qu'être le fruit d'une analyse basée sur le futur. Les parts de marché détenues ne constitueraient donc qu'un point de départ; pour le reste, il serait essentiel de vérifier la possibilité pour les concurrents actuels et potentiels de former un contrepoids par rapport à la position éventuellement dominante de la nouvelle entreprise. Et c'est précisément à l'issue d'une telle analyse que de nombreuses concentrations, bien qu'ayant des parts de marché significatives et presque certainement de
nature à conduire à une déclaration d'incompatibilité avec l'article 86, ont été approuvées en application du règlement.
En ce qui concerne les critères fixés dans sa pratique décisionnelle, la Commission relève, d'une part, que les décisions sur lesquelles se fonde le gouvernement français, exception faite de la décision Nestlé/Perrier (107), sont toutes postérieures à la décision attaquée et, d'autre part, que ce sont les caractéristiques de chaque cas concret qui font que l'on attribue plus de poids ou une valeur décisive à certains critères plutôt qu'à d'autres. C'est donc en fonction des particularités du cas
d'espèce qu'elle a accordé une valeur prépondérante aux critères mentionnés.
102 Nous commencerons par rappeler que la notion de position dominante collective, telle qu'élaborée en relation avec l'article 86 du traité, dont la teneur littérale est en ce sens que l'hégémonie, dont peut dériver l'abus, peut être le fait tant d'une seule entreprise que de plusieurs (108), a été précisée au cours des années. En particulier, avec l'arrêt verre plat, le Tribunal a précisé que plusieurs entreprises détiennent une position dominante collective lorsque, tout en étant indépendantes,
elles se présentent sur le marché unies par des liens économiques particulièrement intenses, en disposant par exemple en commun d'un avantage technologique leur permettant d'avoir des «comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients, et finalement des consommateurs» (109). La Cour a confirmé en substance cette notion dans l'arrêt Almelo e.a., en affirmant que la position dominante collective implique que les entreprises intéressées «soient
suffisamment liées entre elles pour adopter une même ligne d'action sur le marché» (110).
Quant aux critères élaborés dans la pratique décisionnelle en la matière, il est bien vrai que, comme le soutiennent les requérants, dans le cadre de l'appréciation des concentrations, la Commission a élaboré une notion de domination collective plus large, et en tout cas en partie différente, de celle définie par la jurisprudence en relation avec l'article 86. A cet égard, il faut toutefois reconnaître que, bien qu'il se réfère aux mêmes éléments que ceux utilisés par la Cour pour établir la
dominance collective, le règlement évite d'en donner une définition, en n'excluant donc pas la possibilité de faire prévaloir des appréciations «structurelles» et, donc, de recourir à une notion dans une certaine mesure autonome par rapport à celle élaborée dans le cadre de l'article 86 (111).
103 A l'évidence, une nouvelle notion de dominance collective, différente de celle élaborée par la jurisprudence relative à l'article 86, tout en pouvant se justifier par la spécificité du contrôle sur les concentrations, risque de rendre encore plus problématique et imprévisible l'application de la notion en question au régime des concentrations. S'il est vrai, en outre, que l'article 2, paragraphe 1, du règlement - toujours en admettant que les critères qui y sont énumérés pour évaluer la
compatibilité des opérations de concentration avec le marché commun soient applicables aussi à l'hypothèse visée ici - n'indique aucune hiérarchie entre les facteurs à prendre en considération, il n'en reste pas moins que la Commission ne peut faire abstraction des critères cités et que le pouvoir discrétionnaire que lui laisse le règlement ne peut aller jusqu'à l'arbitraire. En somme, il faut certainement exclure que la Commission puisse inventer les critères qu'elle estime les plus opportuns par
rapport à chaque cas d'espèce.
Dans ces conditions, par ailleurs, la pratique de la Commission, incontestablement complexe et pas exempte de quelques contradictions, peut néanmoins se révéler être un instrument utile pour mettre en évidence d'éventuelles incohérences et contradictions présentes dans la décision et dans la défense de la Commission et parvenir ainsi, par ce biais aussi, à conclure ou non à l'exactitude des critères utilisés en l'espèce. Si l'on pose le problème en ces termes, il nous semble que la Commission n'est
pas fondée à prétendre qu'il ne faut pas tenir compte des critères et appréciations contenus dans les décisions postérieures à celle qui nous occupe. En réalité, la pratique de la Commission, qu'il s'agisse de décisions antérieures - comme l'affaire Nestlé/Perrier souvent invoquée par les requérants (112) - ou ultérieures, ne constitue certainement pas un paramètre de légalité de la décision attaquée, mais est pour le moins indicative de la méthode suivie jusqu'à présent par la Commission dans
l'application du règlement aux positions dominantes collectives.
104 Cela étant, nous passons maintenant à l'examen des critiques adressées par le gouvernement français, ainsi que par les entreprises requérantes, aux critères appliqués dans la décision pour affirmer l'existence d'une position dominante collective, susceptible, sur la base de prévisions, de se traduire par une modification significative de la concurrence.
Nous estimons opportun d'aborder, tout de suite après l'aspect préliminaire du degré de concentration du marché, le problème des liens structurels qui, de l'aveu même de la Commission, représente l'élément essentiel sur lequel elle s'est fondée pour affirmer l'existence d'une position dominante commune de K+S/MdK et SCPA. Nous examinerons ensuite les autres critères utilisés dans la décision, ainsi que la pertinence de critères employés dans d'autres décisions, mais nullement utilisés en l'espèce.
- Le degré de concentration du marché
105 L'appréciation de la Commission est surtout fondée sur l'augmentation du degré de concentration du marché (déjà élevé), jugé apte à entraîner, dans le futur, le renforcement d'une position dominante collective susceptible d'entraver la concurrence de manière significative.
Le gouvernement français et les entreprises requérantes contestent cette appréciation, en affirmant que l'augmentation n'est pas substantielle, étant donné que les parts de marché détenues par K+S et SCPA sont passées, du fait de la concentration, de 54 à 61 %. Le gouvernement français fait en outre valoir que l'analyse de la Commission est arbitraire dans la mesure où, d'une part, elle ne tient pas compte du fait que, à la suite de l'opération de concentration, le nombre de fournisseurs de potasse
est passé de 10 à 9; d'autre part, elle n'a pas dûment pris en considération le rôle de deux opérateurs importants, que sont CPL et Coposa. Enfin, l'analyse de la Commission ne serait pas fiable car cette dernière calcule les parts de marché de deux façons différentes, en fonction du résultat à atteindre: sur la base d'une première méthode, elle ne prend en considération que le volume des ventes des différents opérateurs dans la Communauté; sur la base de la seconde méthode, les ventes effectuées
sur le marché français sont au contraire englobées dans le volume des ventes de SCPA et donc, corrélativement, déduites du volume des ventes de K+S.
106 Il y a lieu de dire tout d'abord que la simple augmentation quantitative des parts de marché détenues par les entreprises intéressées, sur laquelle la Commission a insisté de manière même excessive dans la décision, ne suffit en soi pas à établir la création d'une position dominante collective, comme l'a du reste rappelé le Tribunal dans l'arrêt verre plat, en étant très clair sur ce point. Et cela est d'autant plus vrai dans la présente affaire que la concentration n'a conduit qu'à une
augmentation de 7 %.
Il faut donc reconnaître que l'augmentation du degré de concentration du marché, du fait de l'acquisition, ne revêt pas une importance particulière, étant limitée à la fois sur le plan du nombre des concurrents présents sur le marché (passés de 10 à 9) et sur le plan de l'augmentation de la part de marché détenue au total par K+S et SCPA sur le même marché. Dans ces conditions, l'importance accordée dans la décision au critère examiné apparaît excessive (113). En tout état de cause, l'analyse
réalisée sur ce point peut tout au plus démontrer que le degré de concentration du marché n'est pas de nature à faire exclure a priori l'existence d'une position dominante collective.
- Les liens structurels entre K+S et SCPA
107 De l'avis concordant des parties, l'élément central de la décision attaquée est constitué par la constatation que des «liens exceptionnellement étroits entre les deux sociétés [K+S et SCPA] ... existent depuis longtemps» (114), au point de faire présumer qu'il n'existe pas de concurrence effective entre les deux entreprises. Et ce sont précisément ces liens qui ont constitué le facteur décisif sur lequel s'est basée la Commission pour formuler sa propre appréciation, d'autant plus que la
Commission a considéré que la dissolution de ces liens, à travers les conditions imposées, pouvait écarter l'existence de la prétendue position dominante collective.
108 Selon le gouvernement français, la Commission a commis une série d'erreurs d'appréciation dans l'examen des liens structurels entre K+S et SCPA, lesquels ne sont en réalité pas de nature à démontrer le lien de causalité entre la concentration et la création d'un duopole K+S/SCPA, car ils ne suffisent pas à prouver que l'opération en question a permis de créer les conditions pour un comportement collusoire des deux entreprises. En particulier, 1) bien que la Commission ait déterminé que la
Communauté hormis l'Allemagne constituait le marché en cause, les liens en question ont une incidence limitée à la France; 2) la décision aurait dû comprendre dans l'oligopole l'entreprise espagnole Coposa (115); 3) la faible présence de K+S sur le marché français ne suffit pas à démontrer l'existence d'une dominance de cette entreprise avec SCPA; 4) il n'a pas été prouvé que l'acquisition de MdK par K+S pourrait entraîner la création d'une position dominante duopolistique détenue par K+S et SCPA.
Les entreprises requérantes focalisent leur attention surtout sur ce dernier aspect, mettant en évidence l'existence de certaines contradictions de fond dans la position de la Commission, en particulier la circonstance que l'opération de concentration, selon cette même institution, aurait créé, et non pas simplement renforcé, une position dominante collective sur le marché pertinent.
109 En ce qui concerne le premier de ces arguments, nous observons, en effet, que les rapports entre les sociétés intéressées ne concernent directement ou indirectement que le marché français; ce n'est donc que dans ce marché qu'ils pourraient être considérés comme de nature à avoir une incidence sur le rapport de concurrence effective entre K+S et SCPA. Cela vaut, en premier lieu, pour la dissolution des liens de distribution entre K+S et SCPA, lesquels ont exclusivement pour cadre le marché
français. Mais cela s'applique, en second lieu, également à la participation au cartel Kali-Export. Selon la Commission, en effet, cette participation, tout en ne concernant pas les ventes sur le marché communautaire mais seulement l'exportation vers les pays tiers, est de nature à interférer avec les ventes en France. Cette affirmation n'est pas vérifiable, faute d'éléments de preuve (116); si toutefois elle était prouvée, elle démontrerait tout au plus l'absence de concurrence effective entre K+S
et SCPA sur le marché français, c'est-à-dire sur un marché qui, de l'avis de la Commission elle-même, ne constitue pas le marché en cause. Il en résulte que, si la thèse de la Commission était fondée, même la participation au cartel d'exportation n'aurait d'incidence, dans le cadre communautaire, que sur le marché français, qui, nous le répétons, ne constitue pas un marché pertinent aux fins de la décision.
A cet égard, la conclusion à laquelle est parvenu le gouvernement français, selon lequel la Commission n'a pas démontré comment l'acquisition de MdK par K+S déterminerait la naissance d'un duopole capable d'entraver la concurrence sur le marché de la Communauté à l'exclusion de l'Allemagne, semble fondée. Il n'est en effet pas suffisant, à cette fin, de se baser sur les rapports existant entre K+S et SCPA en France, qui ne constitue pas un marché autonome.
110 En ce qui concerne par contre le point relatif à la société espagnole Coposa, le gouvernement français fait valoir que la Commission a exclu à tort la société en question du prétendu oligopole constitué par K+S et SCPA. En tout cas, la Commission ne peut, selon lui, pas soutenir, afin de démontrer l'exactitude de la détermination du marché géographique communautaire hormis l'Allemagne, que Coposa exporte de manière significative en France et affirmer ensuite, mais pour démontrer l'existence
d'une position dominante collective, que Coposa est peu présente en France et qu'en tout état de cause ses ventes sont canalisées.
Sur ce point, nous dirons tout de suite que nous sommes peu convaincu par les arguments avancés par la Commission pour sa défense, selon lesquels les liens entre K+S et SCPA sont de nature à caractériser leurs rapports à l'égard de tous les autres opérateurs et l'éventuelle inclusion de Coposa dans l'oligopole n'est en tout cas pas déterminante aux fins de la décision, puisqu'elle provoquerait par hypothèse seulement un renforcement de la position dominante collective. En effet, il n'est que trop
évident que la détermination exacte des participants à un oligopole est une question prioritaire par rapport à son appréciation, de même que la vérification des conditions de concurrence en dehors de cet oligopole (117). En l'espèce, il semble donc difficile, sur la base des données disponibles et en appliquant les critères utilisés pour inclure K+S et SCPA dans la position dominante collective, d'exclure Coposa de cet oligopole. A cet égard, il suffit de rappeler ici que Coposa aussi participe au
cartel Kali-Export et qu'elle vend en France essentiellement par l'entremise de SCPA.
111 Il ne nous paraît pas non plus décisif, pour établir l'absence de concurrence entre K+S et SCPA, et donc l'existence à leur niveau d'une position dominante collective, que, comme l'allègue le gouvernement dans son troisième argument, K+S soit peu présente en France et qu'elle utilise, pour une partie de ses ventes dans ce pays, les réseaux de distribution de SCPA. La première circonstance pourrait en effet avoir plusieurs explications, par exemple la structure du marché français, les préférences
des consommateurs, la stratégie commerciale de la société allemande. D'ailleurs, si l'on voulait attribuer plus d'importance à cet aspect, il serait nécessaire de se demander pourquoi des situations analogues, c'est-à-dire l'absence sur d'importants marchés nationaux, se vérifient pour tous les plus grands opérateurs du secteur; en particulier, pourquoi dans la décision attaquée, s'agissant du marché allemand, la Commission a imputé l'absence de SCPA non aux liens avec K+S, mais à des facteurs
structurels propres à ce marché.
Quant aux ventes de produits de K+S par l'intermédiaire de SCPA, il y a lieu de souligner que, s'il est vrai qu'une large partie des importations françaises de produits de K+S passe par SCPA, il est également vrai que cela représente un volume tellement faible (1,4 % du marché en cause) qu'il ne saurait constituer une preuve suffisante du bien-fondé de la thèse de la Commission.
112 Et nous en venons, enfin, au dernier argument du gouvernement français, relatif aux implications de l'achat de MdK par K+S: en particulier, il soutient que la Commission n'a aucunement prouvé que cette acquisition a donné lieu à une position dominante duopolistique préjudiciable à la concurrence. Les entreprises requérantes ont aussi soulevé un argument analogue, en mettant surtout l'accent sur la contradiction que renferme la position de la Commission, laquelle, d'une part, a appliqué la
théorie de la failing company defence à partir de l'idée que MdK aurait en tout état de cause disparu du marché, sa situation de crise étant désormais irréversible, alors qu'elle a, d'autre part, estimé que le rachat de MdK par K+S - et la concentration qui en résulte - était de nature à créer une position dominante duopolistique susceptible d'entraver la concurrence.
Sur ce point, la Commission rappelle que la création de la position dominante commune de K+S/MdK et SCPA est effectivement une conséquence de l'opération de concentration, étant donné que celle-ci a considérablement modifié les conditions structurelles du marché. En particulier, la Commission souligne les éléments suivants: a) MdK assure 25 % de la production totale de potasse dans la Communauté; b) au moment de la décision le taux d'utilisation de la capacité de production de MdK était réduit de 50
%; c) enfin, la part de marché de 7 % constitue un élément crucial, compte tenu du fait que l'offre, en dehors du groupe K+S/MdK et SCPA, est atomisée et que la part de marché de ce groupe, selon l'analyse de la Commission, est destinée à augmenter.
113 Nous observons d'abord que les affirmations précitées de la Commission ne répondent pas aux objections des requérants. Tant le gouvernement français que les entreprises font en effet valoir l'absence de lien de causalité entre la création de la domination oligopolistique et l'opération de concentration, absence qui découle du fait que MdK, selon l'analyse effectuée sur ce point par la Commission, était de toute façon destinée à disparaître du marché. En définitive, comment le rachat de MdK
pouvait-il provoquer la création d'une position dominante collective, alors que - avec ou sans concentration - la part de marché de MdK aurait de toute manière été reprise, à la suite de sa sortie du marché, par les autres opérateurs du secteur?
Même en supposant exacte l'analyse de la Commission, selon laquelle il n'est pas raisonnable d'estimer que la part détenue par MdK sur le marché communautaire hormis l'Allemagne serait allée presque certainement à K+S (118) et que donc un des critères auxquels est subordonnée l'applicabilité de la théorie de la failing company defence n'est pas rempli, il n'en reste pas moins que toute la thèse échafaudée par la Commission semble, sous l'angle absolument incontournable du lien de causalité entre
concentration et création d'une position dominante commune de K+S et SCPA, plutôt fragile. Il en résulte que le poids attribué dans ce contexte à la part de 7 %, détenue par MdK sur le marché géographique en cause, ne s'avère absolument pas décisif.
- Les caractéristiques du concurrent éliminé
114 Selon le gouvernement français, la Commission a omis d'analyser, comme elle l'avait fait dans la décision Nestlé/Perrier, les caractéristiques du concurrent éliminé du marché du fait de la concentration, donc de MdK. De l'avis de ce gouvernement, l'examen de ces caractéristiques aurait nécessairement conduit à la conclusion que la disparition de MdK du marché ne pouvait avoir aucune influence sur la concentration, s'agissant, par ailleurs, selon l'analyse de la Commission, d'une entreprise de
toute façon destinée, quand bien même à moyen terme, à sortir du marché.
L'argument du gouvernement français n'est pas dénué de fondement. Dans la décision rendue dans l'affaire Nestlé/Perrier, dans laquelle le concurrent éliminé (Perrier) représentait une part oscillant entre 35,9 et 44,2 % du marché, la Commission avait estimé que «la réduction du nombre de producteurs de trois à deux (duopole) n'est pas une simple modification de pure forme de la structure du marché. La concentration entraînerait l'élimination d'un opérateur qui possède les plus grandes réserves de
capacité et les volumes de ventes les plus élevés du marché. Les marques et sources de Perrier seraient réparties entre les deux producteurs restants. De plus, la réduction du nombre de producteurs nationaux de trois à deux seulement faciliterait nettement des comportements parallèles anticoncurrentiels conduisant à des abus collectifs» (119). La Commission avait ainsi souligné la portée et les effets du rachat de Perrier, qui de par sa taille et sa part de marché était un facteur essentiel de
concurrence effective.
115 Dans le cas qui nous occupe, par contre, l'analyse de la décision semble comporter pour le moins quelques lacunes. Même sans vouloir accorder une importance excessive à la part détenue sur le marché communautaire par MdK (7 %) (120), on ne peut pas ne pas avoir quelques doutes sur l'incidence effective de la disparition de MdK sur la concurrence régnant sur le marché. De plus, dans la décision il n'est fait aucune référence aux «impressionnantes capacités de production» de MdK évoquées par la
Commission dans son mémoire en défense (121), qui du reste apparaissent difficilement conciliables avec la qualification de l'entreprise comme une entité économique plus viable (122). Enfin, la décision ne contient aucune indication dont on puisse déduire que MdK joue, même au-delà de son poids effectif, un rôle essentiel pour le maintien de la concurrence.
En définitive, nous estimons que la Commission n'a pas démontré que la disparition de MdK du marché communautaire à l'exclusion de l'Allemagne est de nature, ou pour le moins concourt, à déterminer la création d'un duopole constitué par K+S/MdK et SCPA et susceptible d'entraver de manière significative la concurrence.
- La position des concurrents
116 Le gouvernement français fait valoir le caractère contradictoire et insuffisant de l'analyse que fait la décision de la position des concurrents présents sur le marché en cause. Il souligne notamment l'incohérence de l'attitude de la Commission qui minimise la position sur le marché de CPL et Coposa, alors que, aux fins de la détermination du marché géographique en cause, elle met l'accent précisément sur les exportations de l'Espagne et du Royaume-Uni vers les autres États membres. Le
gouvernement conteste en outre la thèse de la Commission selon laquelle la canalisation à travers SCPA des importations en provenance de pays tiers démontrerait que la pression concurrentielle de ces pays sur le duopole serait presque nulle.
Sous cet angle aussi, l'argument du gouvernement français ne manque pas de mettre en lumière certaines lacunes objectives de la décision.
117 En premier lieu, on ne saurait accepter la méthode suivie par la Commission, qui, pour démontrer l'absence de pression concurrentielle sur l'oligopole présumé, avance comme preuve la canalisation des importations des pays tiers en France par l'intermédiaire de SCPA (123). Avant tout, en effet, la France ne constitue pas, aux fins qui nous intéressent ici, un marché autonome. En conséquence, l'analyse des éléments d'évaluation de la concentration ne peut tenir exclusivement compte du marché
français, et doit plutôt, et en tout état de cause, prendre en considération le territoire défini par la décision comme le marché pertinent, marché qui est constitué par toute la Communauté à l'exclusion de l'Allemagne.
Tout aussi insuffisantes et contradictoires semblent être les considérations de la Commission sur l'importance des importations de CSI, qui, selon les données fournies par le gouvernement français (124) et non contestées par la Commission, seraient progressivement augmentées, jusqu'à atteindre 11 % des ventes à l'intérieur de la Communauté, niveau qui n'est certes pas insignifiant. Il y a lieu de considérer, en outre, que les neuf opérateurs restés sur le marché à la suite de la concentration ont
des parts susceptibles de créer une situation dans laquelle le poids des concurrents du duopole prétendument constitué par K+S/MdK et SCPA semble incontestablement significatif (125).
- La comparaison entre la situation de K+S/MdK et celle de SCPA
118 Le gouvernement français conteste en outre, dans sa critique des critères appliqués en l'espèce pour affirmer l'existence d'une domination oligopolistique, tant le poids excessif attribué par la Commission à la part de marché détenue au total par K+S et SCPA, que le fait de ne pas avoir tenu compte de l'absence de symétrie entre les deux entreprises, absence qui, dans des décisions précédentes, a au contraire constitué un élément significatif pour nier l'existence d'une position dominante
oligopolistique.
La Commission rappelle qu'une part de marché de 60 % démontre bien l'existence d'une position dominante collective, en particulier lorsque, comme en l'espèce, il y a une différence sensible avec les parts de marché détenues par les concurrents. Tout en admettant, qu'il y a, entre les entreprises en question, des différences considérables, elle conteste la théorie selon laquelle un duopole ne serait concevable qu'en présence d'entreprises ayant des caractéristiques similaires.
119 Quant au premier aspect évoqué, nous observons d'abord que la Commission a dans le passé exclu la possibilité de fixer des seuils faisant présumer la dominance collective; et qu'elle a en tout cas autorisé, dans des décisions récentes (126), des concentrations avec des parts cumulées équivalentes à celles calculées en l'espèce. En conséquence, s'il est impossible en théorie de dénier toute importance à une part de 60 %, cette dernière ne peut pas, en tout cas pas à elle seule, avoir un poids
décisif et constituer une preuve de l'existence d'une position dominante oligopolistique.
A cela s'ajoute que les précédents jurisprudentiels cités par la Commission ne sont pas pertinents, dans la mesure où ils se réfèrent à des positions dominantes individuelles (127), ce qui justifie la valeur de présomption reconnue à une part comprise entre 45 et 80 % du marché. La part de marché est d'ailleurs analysée, dans ces arrêts, toujours avec d'autres facteurs, tels que l'écart (d'au moins 50 %) entre la première et la seconde entreprise présentes sur le marché.
120 Nous ne pensons pas non plus pouvoir partager l'opinion de la Commission sur le second aspect évoqué ici, c'est-à-dire l'absence de prise en considération du défaut de symétrie entre les entreprises qui sont présumées participer à la domination collective.
Nous remarquons d'abord que l'absence de symétrie entre les entreprises intéressées, laquelle est en l'espèce incontestée (128), a été jugée décisive par la Commission dans d'autres cas pour exclure l'existence d'un duopole (129); et ce tant du point de vue des parts de marché, considérées dans leur ensemble et en relation avec les marchés des différents pays, que sous l'angle de la «puissance économique», et qu'enfin sous l'aspect de la capacité de production. A cet égard, il y a lieu de rappeler
que dans la décision Nestlé/Perrier la Commission a précisé les implications de la symétrie des entreprises intéressées et les raisons de sa prise en compte pour évaluer les effets de la concentration (130), faisant notamment remarquer que la symétrie des entreprises a un effet clairement dissuasif pour la concurrence et facilite des comportements coordonnés et collusoires. En conséquence, nous estimons que la défense de la Commission, qui se borne à invoquer l'absence de pertinence de la différence
entre K+S et SCPA pour retenir l'existence d'un duopole, est inadaptée. Nous ne pensons pas davantage que la Commission ait raison de considérer comme dénuée de toute pertinence, en l'espèce, la pratique qu'elle a suivie dans l'application du règlement. En effet, s'il est vrai que la pratique ne constitue pas un paramètre de référence impératif, mais est susceptible d'adaptations en fonction du cas concret, il est aussi vrai qu'elle ne peut pas non plus être dénuée de toute valeur, surtout en
l'absence d'éléments permettant de contester sa pertinence.
121 L'ensemble des considérations développées jusqu'à présent met en lumière une série de lacunes et de contradictions dans l'appréciation et dans l'application des critères élaborés par la Commission, incitant à conclure que la motivation de la décision n'est pas cohérente. La Commission n'a en effet pas réussi à prouver de manière adéquate, pas même sur la base de sa pratique, l'existence sur le marché en cause d'une position dominante collective de K+S/MdK et SCPA, qui serait engendrée par la
concentration projetée.
Cela nous incite à ne traiter que rapidement les autres arguments avancés par le gouvernement français au sujet des autres éléments pris en considération dans la décision. Plus précisément, nous nous arrêterons sur la façon dont ont été examinés les aspects inhérents au pouvoir économique de la clientèle, aux barrières à l'entrée et aux caractéristiques du marché et du produit, ainsi qu'au parallélisme des comportements.
- Le pouvoir économique de la clientèle
122 Le gouvernement français reproche à la Commission de n'avoir aucunement tenu compte du critère relatif au pouvoir économique de la clientèle, en particulier de ne pas avoir analysé la nature et le poids des producteurs et des importateurs de sels de potasse, ce qui aurait pu (et dû) conduire à la conclusion que la création d'une position dominante oligopolistique de la part de K+S/MdK et SCPA était hautement improbable.
La Commission admet l'importance du pouvoir économique de la clientèle comme «contrepoids» au duopole, pouvant donc décourager un parallélisme de comportements; elle ajoute toutefois qu'il ne s'agit que d'un facteur parmi d'autres à prendre en considération pour parvenir à une appréciation définitive des effets de l'opération de concentration dont il s'agit.
123 Or, il est incontestable que dans le cas d'espèce il n'a été tenu aucun compte du poids et des caractéristiques des différents types de clientèle des produits considérés. Cela ne permet pas d'établir si effectivement, comme le soutient le gouvernement français, les grandes multinationales productrices d'engrais composés ont un pouvoir d'achat tel qu'elles peuvent empêcher les membres de l'oligopole de renforcer leur position ou si, au contraire, comme l'affirme la Commission, ce sont les
«bulk-blenders», c'est-à-dire les entreprises qui effectuent les mélanges d'engrais, qui occupent une place importante dans la clientèle. Il n'est pas non plus spécifié si ces «bulk-blenders» sont réellement de petites et moyennes entreprises qui ne sont pas en mesure d'exercer une pression adéquate sur les producteurs, ou si, comme l'affirme le gouvernement requérant, leur activité est exercée également par les filiales des grandes multinationales. A l'évidence, une réponse à cette question aurait
été indispensable pour déterminer si la clientèle a ou non un pouvoir économique effectif.
La position de la Commission semble donc faible, d'autant plus que le pouvoir de négociation des clients est un facteur incontestablement important pour déterminer les conditions de la concurrence, puisqu'il peut décourager l'adoption de comportements anticoncurrentiels. C'est du reste dans ce sens qu'il convient d'interpréter l'analyse de la Commission à la fois dans l'affaire Pilkington-Techint/SIV et dans l'affaire Nestlé/Perrier (131).
124 Les incertitudes mentionnées plus haut permettent de laisser de côté d'autres aspects, pourtant inhérents aux caractéristiques de la clientèle, évoqués par le gouvernement français. Nous ajouterons simplement, pour plus de clarté, que l'affirmation du Tribunal, contenue dans l'arrêt verre plat, selon laquelle la Commission «n'est pas tenue de discuter, dans ses décisions, chaque argument présenté par les entreprises concernées» (132), contrairement à ce qu'a soutenu cette même institution au
cours de la procédure, ne plaide pas pour la thèse de cette dernière.
Le pouvoir économique de la clientèle ne constitue, en effet, pas un argument invoqué par les requérants durant la phase administrative et non repris dans la décision, mais un élément d'analyse important pour déterminer s'il existe ou non une position dominante oligopolistique. En tant que tel, il doit nécessairement être examiné, faute de quoi la décision pourra contenir une lacune de nature à en affecter le fondement. Du reste, précisément dans l'arrêt que nous venons de citer, le Tribunal a
affirmé, par référence à l'article 86, que l'analyse des aspects du marché dont les requérantes avaient invoqué l'absence de prise en considération «était indispensable à l'appréciation de la question de la position dominante» (133), confirmant ainsi la nécessité pour la Commission de faire reposer ses constatations sur des enquêtes aussi complètes et exhaustives que possible.
- Les barrières à l'entrée
125 Il est reproché à la Commission de n'avoir effectué aucune analyse, dans la partie de la décision consacrée à l'existence d'une position dominante collective, sur l'existence de barrières à l'entrée, facteur considéré comme revêtant une grande importance dans la pratique de la Commission. Cela serait d'autant plus inexplicable que l'absence d'obstacles de ce type aurait été mise en évidence dans la décision aux fins de la délimitation du marché géographique en cause.
En réalité, la Commission admet l'absence de barrières à l'entrée à l'intérieur de la Communauté. Elle ajoute toutefois qu'en l'espèce il y a deux types de barrières à l'entrée pour les entreprises des pays tiers, à savoir: les mesures antidumping pour les importations provenant de CSI et le monopole légal de SCPA, en vertu duquel toutes les importations en France originaires de pays tiers passent par cette entreprise.
126 Nous dirons d'emblée que nous doutons fort que les éléments que nous venons de citer puissent constituer des barrières à l'entrée. Les droits antidumping n'en sont certainement pas, puisque, de l'aveu même de la Commission, ils tendent à rétablir la concurrence et non à entraver les échanges (134). A cela s'ajoute que leur véritable incidence sur le niveau des importations n'a été aucunement démontrée, encore moins en se fondant sur des données objectives. Bien au contraire, les appréciations
relatives aux différents marchés nationaux contenues dans la décision (considérant 64) sont plutôt de nature à faire présumer le contraire.
Quant au monopole de SCPA, nous observons en outre que sur ce point on retrouve le défaut déjà relevé à plusieurs reprises, c'est-à-dire la tendance de la Commission à réaliser une analyse limitée à la France, comme si le marché français constituait le marché géographique en cause au sens de la décision. Nous ajoutons que, même sans s'arrêter sur la portée des effets d'un tel monopole, la présence dans différents pays de la Communauté, reconnue par la Commission elle-même (135), de flux
d'importations en provenance de pays tiers importants au point de représenter une partie prépondérante du marché, conduit plutôt à conclure que la présence de barrières à l'entrée n'est pas démontrée.
- Les caractéristiques du marché et du produit
127 Enfin, sur les caractéristiques du marché et du produit, habituellement considérées comme des éléments d'analyse significatifs, nous nous bornerons à faire remarquer, avec le gouvernement français, que parmi les appréciations de la Commission, par ailleurs caractérisées par un certain laconisme, on ne trouve d'analyse approfondie et ponctuelle ni des prix pratiqués par K+S et SCPA (136), élément absolument essentiel pour établir la transparence du marché (qui, comme on le sait, facilite des
comportements uniformes) et apprécier l'élasticité de la demande, ni de la structure des coûts des deux entreprises, qui peuvent, s'ils sont différents, constituer une incitation à un comportement concurrentiel.
Il est inutile de rappeler que de telles omissions, portant sur des aspects déterminants, concourent à affaiblir l'analyse effectuée par la Commission ainsi que ses résultats. Nous estimons donc qu'il n'est pas nécessaire d'approfondir les autres éléments «structurels» mentionnés, comme ceux relatifs à l'homogénéité du produit, sur lesquels, d'ailleurs, nous ne partageons pas la position du gouvernement français, ainsi que nous l'avons déjà mis en lumière dans l'examen de la délimitation du marché
géographique en cause.
- L'existence de comportements parallèles
128 Les appréciations de la Commission sur ce point, comme l'a fait valoir à juste titre le gouvernement français, ne sont aucunement convaincantes. En réalité, les circonstances dont la Commission entend tirer des éléments probants concernant l'existence de la dominance commune de K+S/MdK et SCPA s'avèrent dépourvues de signification, surtout si on les compare à celles mises en valeur dans d'autres décisions.
En effet, il n'est que trop évident que l'accord entre K+S et SCPA, déclaré incompatible avec l'article 85 en 1973 (137), ne peut pas ne pas être considéré comme un indice trop faible pour faire présumer - à plus de 20 ans de distance - l'absence de concurrence entre K+S et SCPA (138). De même, les considérations sur la présence mineure de K+S sur le marché français ne sont pas décisives, sous l'angle ici considéré, et peuvent très bien avoir une explication différente, ainsi que nous l'avons
souligné en examinant les liens structurels entre K+S et SCPA.
129 Ces remarques sont d'ailleurs confortées par le fait que les éléments pris en compte, à ces fins, dans de précédentes décisions, ont été d'une toute autre nature. Dans la décision Nestlé/Perrier, par exemple, après avoir souligné le niveau très réduit de concurrence sous l'angle des prix, la Commission a constaté l'existence d'un degré élevé de parallélisme des prix pratiqués par les trois producteurs intéressés par la concentration, associé à la mise au point d'instruments de transparence
destinés à faciliter une coordination des politiques des prix et un contrôle réciproque sur ceux-ci (139). En outre, dans cette même affaire, la Commission a pris en considération, comme indice des liens entre les entreprises intéressées, leur réaction à la tentative d'achat par un opérateur extérieur, réaction considérée comme «une action commune de dissuasion à l'entrée sur le marché» (140). Dans l'affaire Pilkington-Techint/SIV, par contre, la Commission a estimé que des ententes entre les
entreprises intéressées, condamnées en 1988, donc seulement 5 ans avant la décision, et par le Bundeskartellamt seulement quelques mois avant la décision, étaient en mesure de favoriser des comportements parallèles anticoncurrentiels (141).
Il s'agit, à première vue déjà, d'éléments nettement plus significatifs et probants que ceux qui ont été pris en considération dans la présente espèce.
130 A la lumière de l'ensemble des considérations développées, nous estimons que la Commission n'a pas appliqué de manière cohérente, dans le cas d'espèce, les critères qu'elle a élaborés pour déterminer l'existence d'une position dominante collective. Ce n'est pas tout; tout en admettant, ainsi que nous l'avons déjà envisagé, qu'il soit possible d'adapter la notion de position dominante collective aux particularités du contrôle sur les concentrations, ainsi qu'aux caractéristiques du cas d'espèce,
il n'en est pas moins nécessaire que la Commission fournisse, dans le cadre du contrôle des concentrations, des éléments suffisants pour prouver le lien de causalité entre la concentration et la position dominante collective (142).
Le cas d'espèce ne contient aucun élément de ce type. Bien au contraire, certains indices non négligeables incitent à rejeter la thèse de la Commission. En définitive, nous estimons que la Commission n'a aucunement démontré que la concentration examinée crée une domination commune de K+S/MdK et SCPA susceptible d'entraver la concurrence de manière significative.
d) L'imposition de conditions et de charges qui se répercutent sur des tiers étrangers à l'opération de concentration (affaires C-68/94 et C-30/95)
131 L'appréciation du moyen relatif à la légalité de l'imposition de charges à des tiers par rapport à l'opération de concentration suppose évidemment, d'une part, que la position dominante collective soit pertinente aux fins de l'application du règlement et, d'autre part, que la Commission ait effectivement démontré l'existence en l'espèce d'une position dominante collective.
Compte tenu des conclusions auxquelles nous sommes parvenu, en particulier quant à l'utilisation en l'espèce de la notion de position dominante collective, il ne serait pas nécessaire d'examiner le moyen en question. Par souci d'exhaustivité, nous estimons toutefois opportun de nous arrêter aussi sur les arguments avancés par les requérants sur ce point.
132 Le gouvernement français soutient que, même en le supposant applicable aux positions dominantes collectives, le règlement ne permet pas de subordonner la déclaration de compatibilité à des conditions et charges qui, comme en l'espèce, ont une incidence directe sur la position de tiers étrangers à l'opération. A cette fin, il fait valoir que l'article 8, paragraphe 2, du règlement autorise la Commission uniquement à accepter, de la part des entreprises à l'origine de la notification, des
engagements concernant la concentration au sens strict et pas des engagements qui se répercutent substantiellement sur des tiers.
Les entreprises requérantes, qui sont d'accord avec le gouvernement français sur l'impossibilité, dans le cadre du règlement, d'imposer des conditions et charges qui se répercutent sur des tiers, font valoir en substance que, même en considérant comme prouvée en l'espèce l'existence d'une position dominante collective, il n'en resterait pas moins que les conditions prévues ne sont ni idoines ni appropriées pour maintenir une concurrence effective sur le marché en cause.
1) La possibilité d'appliquer l'article 8, paragraphe 2, à des entreprises étrangères à l'opération de concentration
133 Nous dirons d'abord que la thèse du gouvernement français ne peut qu'être partagée. L'article 8, paragraphe 2, du règlement autorise en effet la Commission uniquement à subordonner la déclaration de compatibilité à des «conditions et charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à l'égard de la Commission en vue de modifier le projet initial de concentration». Une telle formulation laisse entendre qu'il ne rentre aucunement dans les
pouvoirs de la Commission d'intervenir auprès d'opérateurs étrangers à la concentration, même si elle estime qu'ils forment un oligopole avec les entreprises ayant notifié le projet.
En d'autres termes, l'article 8, paragraphe 2, limite expressément et clairement le pouvoir de la Commission à la faculté d'obtenir de la part des entreprises intéressées des engagements destinés «à modifier le projet initial de concentration»; il exclut donc toute possibilité d'adopter des changements structurels du cadre concurrentiel dans lequel se déroule l'opération. Le pouvoir de modifier le projet ne peut donc pas être transformé, en l'absence de disposition expresse en ce sens, en un pouvoir
plus général de restructuration de tout un marché et/ou secteur industriel.
134 Cette solution ne nous semble pas pouvoir être sérieusement contredite par les arguments de la Commission selon lesquels: a) la décision n'a imposé de conditions et de charges qu'aux entreprises parties à la concentration, conditions et charges destinées à assurer le respect des engagements pris par les parties ayant notifié le projet; b) l'interdiction d'une concentration, en raison du fait que les conditions en question seraient susceptibles d'affecter les intérêts des tiers, est contraire aux
objectifs poursuivis par le règlement et n'est pas compatible avec le principe de proportionnalité.
Sur ce dernier aspect, nous renvoyons à ce que nous avons déjà dit en examinant l'applicabilité du règlement aux positions dominantes collectives, compte tenu de considérations à caractère économique et des finalités de ce règlement (143). Quant au premier aspect, il suffit d'observer que s'il est vrai, comme l'a soutenu la Commission, qu'il est dans la nature même du contrôle des concentrations que les engagements pris par les parties à l'origine de la notification puissent avoir des effets, même
indirects, sur des tiers, il est tout aussi vrai qu'en l'espèce il ne s'agit certainement pas de conditions qui ont une incidence sur des tiers, mais plutôt de conditions qui concernent objectivement et subjectivement des tiers; et ce au moins dans la même mesure qu'elles concernent les parties. La pratique invoquée par la Commission ne permet pas non plus de déplacer les termes du problème: il s'agit en effet de décisions qui n'imposent pas de conditions concernant directement les tiers et qui ne
sont donc pas comparables à la décision attaquée (144). En tout état de cause, en outre, il n'en reste pas moins qu'«une simple pratique ne peut prévaloir sur les dispositions du traité» (145), ni, nous ajoutons, sur des dispositions contenues dans un acte de droit dérivé qui contraste clairement avec la pratique de la Commission. Comme nous l'avons déjà relevé à une autre occasion, il serait en effet paradoxal d'admettre qu'une violation des règles devienne légitime uniquement par sa répétition!
2) Le caractère approprié des conditions imposées en l'espèce pour maintenir une concurrence effective
135 Ce point a été en particulier évoqué par les entreprises requérantes, qui font valoir que ces conditions ne sont ni nécessaires ni appropriées pour maintenir une concurrence effective sur le marché en cause; en tant que telles, ces conditions ne pourraient pas permettre d'atteindre l'objectif visé à l'article 2, paragraphe 2, du règlement.
En définitive, SCPA et EMC allèguent le caractère arbitraire des conditions prévues par la décision attaquée, qui ne concernaient et ne concernent en aucune façon le projet de concentration, mais ont exclusivement trait à des rapports contractuels entre sociétés, étrangers, subjectivement et objectivement, audit projet, et trouvent, qui plus est, application dans un cadre géographique différent du marché en cause (146).
136 A cet égard, nous observons à titre préliminaire que l'efficacité des conditions prévues sur le plan de la concurrence paraît douteuse, à la fois du fait de la différence géographique déjà soulignée entre l'objet des conditions et le marché en cause, et en raison de l'absence d'éléments de preuves démontrant que ces conditions sont propres à assurer que la concentration soit conforme aux dispositions du règlement. Sous cet angle, il nous semble qu'il y a lieu de partager l'opinion des
entreprises requérantes selon laquelle, dans la détermination des conditions à imposer en application de l'article 8, paragraphe 2, du règlement, la Commission doit se fonder sur des appréciations sérieuses et approfondies et non pas sur des considérations hypothétiques du type de celles utilisées par la Commission pour justifier les conditions imposées en l'espèce.
Étant donné que, nous le rappelons, nous avons considéré que le recours des entreprises requérantes est irrecevable dans la mesure dans laquelle il vise à obtenir l'annulation des conditions relatives à l'entreprise commune Potacan, la brève analyse qui suivra sera consacrée aux conditions concernant le retrait de la société Kali-Export et la résiliation des contrats de distribution, bien entendu en ne faisant que rappeler les points déjà traités de manière exhaustive dans l'analyse consacrée aux
liens structurels entre K+S et SCPA (147).
- La condition concernant le retrait de K+S du cartel Kali-Export
137 Les entreprises requérantes font en premier lieu valoir que l'existence de Kali-Export et la participation de K+S, MdK et SCPA au capital de cette entreprise ne sont pas susceptibles d'avoir le moindre effet sur les conditions de concurrence à l'intérieur de la Communauté. En tout cas, la Commission n'a aucunement démontré l'effet anticoncurrentiel de la participation de K+S au cartel Kali-Export.
La Commission rétorque que la structure du marché en question était telle que l'on ne pouvait exclure que la coopération de K+S et SCPA au sein du cartel Kali-Export ait un effet indirect sur le comportement anticoncurrentiel des membres du cartel sur le marché communautaire. En particulier, elle souligne que: a) K+S est présente de manière très marginale sur le marché français, b) CPL a eu accès au marché français, augmentant ses ventes sur ce marché de 13 % en 6 ans, seulement après être sortie du
cartel Kali-Export, et c) Coposa est peu présente sur le marché français, sur lequel, d'ailleurs, une partie importante de potasse produite par ses soins est vendue par SCPA.
138 Les arguments avancés par la Commission, tels que nous venons de les exposer, ne nous semblent pas de nature à répondre aux objections des entreprises requérantes. En effet, la Commission a omis de démontrer que la faible présence de K+S sur le marché français est due à son appartenance au cartel d'exportation Kali-Export, alors que cette situation, comme l'ont souligné les entreprises requérantes, pourrait bien s'expliquer par des facteurs historiques et géographiques. Par ailleurs, s'il est
vrai, comme l'a soutenu la Commission, que l'on ne peut appliquer aux concentrations les principes relatifs à l'application des articles 85 et 86, il est également vrai que la Commission ne peut certes pas fonder son appréciation sur de simples présomptions et probabilités. Il lui incombe, en tout cas, de démontrer que les conditions en question sont nécessaires pour assurer le maintien d'une concurrence effective.
Or, en l'espèce la Commission n'a non seulement pas expliqué de manière convaincante comment l'absence de collaboration au sein du cartel qui produit ses effets sur le marché extracommunautaire est de nature à garantir une concurrence effective sur le marché communautaire à l'exception de l'Allemagne, mais elle n'a pas davantage prouvé que la faible présence de K+S ou de Coposa sur le marché français est due à l'appartenance au cartel en question. Quant au fait que CPL aurait augmenté ses
exportations en France seulement après sa sortie de Kali-Export, il va de soi qu'une telle circonstance pourrait précisément être due à un choix de CPL de se concentrer sur le marché communautaire ou, comme l'ont allégué les requérantes sans dénégation de la Commission, aux difficultés d'exploitation que CPL a dû affronter au cours de la période pendant laquelle elle faisait partie de Kali-Export.
- La condition relative à la résiliation des contrats de distribution entre K+S et SCPA
139 De l'avis des entreprises requérantes, la Commission n'a aucunement démontré de quelle façon et pourquoi la résiliation des contrats de distribution entre K+S et SCPA serait de nature à garantir le maintien d'une concurrence effective sur le marché communautaire à l'exception de l'Allemagne. Selon elles, ces liens ne produisent en réalité d'effets que sur le seul marché français.
Par ailleurs, les liens en question consisteraient en un contrat du 28 juin 1985 portant sur la distribution de produits ne contenant pas de potasse, mais de la kiesérite. Pour le reste, SCPA se limiterait à acheter de la potasse utilisée par EMC ou destinée à la vente en dehors du marché français. Enfin, SCPA achète à K+S des produits potassiques contenant du magnésium et qui sont vendus en France, mais ces produits, ainsi qu'il résulte de la décision, ne sont pas compris dans le marché du produit
en question.
140 Compte tenu de la situation que nous venons de décrire, et qui n'a d'ailleurs pas été contestée par la Commission, laquelle s'est en réalité bornée à invoquer l'importance de la création, par K+S, de son propre réseau de distribution sur le marché français, il n'est que trop évident que K+S et SCPA n'avaient aucun rapport privilégié pour la distribution de produits à base de potasse. Toutefois, il n'est pas superflu de le rappeler, la formulation de la décision a conduit K+S à mettre fin à
l'unique lien de distribution existant avec SCPA: le contrat relatif à la kiesérite, c'est-à-dire, nous le répétons, à un produit que la décision a considéré comme non compris dans le marché en cause.
Cet élément, au-delà de toute autre appréciation, contribue à confirmer le bien-fondé de la thèse des requérantes sur l'incidence directe de la décision sur leurs intérêts, et renforce aussi les doutes quant à l'utilité des conditions imposées aux fins de l'élimination de la position dominante duopolistique prétendument créée par la concentration.
Conclusions
141 Les considérations qui précèdent font apparaître, à notre avis, qu'en l'espèce des erreurs ont été commises dans l'interprétation et dans l'application des dispositions du règlement «concentrations».
Il s'agit, à ce stade, d'établir si ces erreurs justifient l'annulation totale de la décision ou son annulation seulement partielle, c'est-à-dire limitée à la partie contenant les conditions concernant les sociétés requérantes. Pour les raisons que nous allons expliquer, nous estimons que cette dernière solution est la plus appropriée.
142 Nous relevons d'abord le caractère non fondé de la thèse de la Commission selon laquelle l'annulation partielle de la décision constituerait une forme d'altération de l'équilibre institutionnel, le juge communautaire n'étant pas compétent pour réformer la décision de la Commission, en se substituant à elle dans l'évaluation de l'opération de concentration.
A cet égard, nous nous bornerons à observer que c'est du règlement lui-même, ainsi que d'une jurisprudence bien établie de la Cour (148), que résulte la faculté pour la Cour de n'annuler que partiellement une décision rendue in subjecta materia. Il serait d'ailleurs paradoxal de soutenir que l'exercice par la Cour d'un pouvoir qui lui a été expressément attribué porte atteinte aux prérogatives et aux compétences de la Commission. Nous rappelons plutôt que, aux fins d'une annulation partielle, il
faut que soient remplies les conditions établies en la matière par la jurisprudence et tendant, en définitive, à garantir que l'annulation partielle n'aboutisse pas à vider de tout contenu la décision attaquée (149).
143 Compte tenu de ce qui précède, nous estimons qu'il est possible de procéder à l'annulation partielle de la décision et que cette solution peut être retenue quel que soit le moyen, parmi ceux invoqués par les parties et jugés fondés par nous, que la Cour entende accueillir. En effet, que la Cour penche pour l'inapplicabilité, en principe, du règlement aux positions dominantes collectives, ou qu'elle juge inexistante ou en tout état de cause non suffisamment prouvée l'existence d'une position
dominante collective, cela ferait disparaître la prémisse sur la base de laquelle la Commission a imposé les conditions attaquées aux entreprises requérantes. Nous rappelons en effet que celles-ci ont été prévues pour éviter que la concentration ne crée une situation de domination oligopolistique susceptible d'entraver la concurrence sur le marché communautaire.
Ces remarques valent aussi, à notre avis, pour le cas où, une fois écartés les problèmes liés à l'application des dispositions du règlement aux oligopoles et établie l'existence d'une position dominante collective, la Cour parviendrait à la conclusion que l'article 8, paragraphe 2, du règlement n'autorise pas la Commission à imposer des conditions qui ont une incidence directe sur les intérêts de tiers étrangers à l'opération de concentration. Le résultat serait évidemment le même si les conditions
en question étaient jugées inaptes à garantir le maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause. De même, si les conditions en question étaient jugées inaptes à garantir le maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, la solution la meilleure serait, encore une fois, l'annulation des conditions, donc l'annulation partielle de la décision.
144 En définitive, dans toutes les hypothèses que nous venons d'envisager, il serait possible d'annuler les conditions sans priver de toute substance la décision dans son ensemble (150). A cet égard, il n'est pas tout à fait inutile de souligner la pleine autonomie objective de l'appréciation des effets de la concentration sur le marché communautaire - dans le cadre de laquelle les conditions litigieuses s'inscrivent - par rapport à celle relative au marché allemand, autonomie en raison de laquelle
une limitation ratione materiae du dispositif est concevable, limitation destinée à remplir les conditions requises par la jurisprudence en la matière.
D'autre part, l'annulation partielle de la décision ne serait pas non plus susceptible d'en bouleverser la portée. Nous ajoutons qu'en l'espèce la décision attaquée est dans l'ensemble favorable aux entreprises intéressées; ce qui constitue, conformément à la jurisprudence de la Cour, un élément pertinent pour accueillir un recours en annulation partielle (151).
145 Quant aux dépens, nous suggérons, en application de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure, qu'ils soient compensés en ce qui concerne l'affaire C-68/94. Pour ce qui est de l'affaire C-30/95, nous sommes, par contre, d'avis, sur la base de la même disposition, que le fait que la Commission succombe pour l'essentiel impose sa condamnation aux dépens, y compris ceux exposés par les entreprises intervenantes. Les gouvernements intervenus dans les affaires en question supporteront en
revanche chacun leurs propres dépens.
146 A la lumière des observations qui précèdent, nous concluons donc en vous suggérant de:
- dans l'affaire C-68/94:
a) annuler l'article 1er de la décision 94/449/CE de la Commission, du 14 décembre 1993, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n_ 4064/89 du Conseil (Affaire n_ IV/M308 - Kali et Salz/MdK/Treuhand), dans la partie dans laquelle il subordonne la déclaration de compatibilité de l'opération de concentration au respect des conditions et des charges citées dans le considérant 63;
b) rejeter le recours pour le reste;
c) compenser les dépens entre les parties, les frais exposés par le gouvernement allemand pour son intervention restant à sa charge;
- dans l'affaire C-30/95:
a) déclarer recevables les recours intentés par les sociétés SCPA et EMC, à l'exclusion du moyen relatif à l'engagement concernant la société canadienne Potacan;
b) annuler l'article 1er de la décision 94/449/CE de la Commission, du 14 décembre 1993, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n_ 4064/89 du Conseil (Affaire n_ IV/M308 - Kali et Salz/MdK/Treuhand), dans la partie dans laquelle il subordonne la déclaration de compatibilité de l'opération de concentration au respect des conditions et des charges citées dans le considérant 63;
c) condamner la Commission aux dépens, y compris ceux exposés par les entreprises intervenantes. Le gouvernement français supportera ses propres dépens.
(1) - JO L 395, p. 1.
(2) - Décision relative à une procédure d'application du règlement n_ 4064/89 (Affaire n_ IV/M308 - Kali et Salz/MdK/Treuhand) (JO 1994, L 186, p. 38).
(3) - Arrêt du 21 février 1973 (6/72, Rec. p. 215, point 26).
(4) - Dans ce sens voir, par exemple, Santamaria: Diritto commerciale communitario, Milan, 1995, p. 92 et suiv., qui cite comme premier exemple de cette pratique la décision 85/78/CEE de la Commission, du 12 décembre 1984 (affaire Mechaniver - PPG) (JO 1985, L 35, p. 54).
(5) - Arrêt du 17 novembre 1987 (142/84 et 156/84, Rec. p. 4487). Voir, toutefois, comme exemple du refus de reconnaître à l'arrêt BAT et Reynolds/Commission une portée dépassant le cas d'espèce, entre autres, Bellamy: «Mergers outside the Scope of the New Merger Regulation. Implications of the Philip Morris Judgment», dans Fordham Corp. Law Institute, 1988, p. 22.
(6) - Voir résumé de Frignani-Waelbroeck: Disciplina della concorrenza nella CE, Turin, 1996, p. 685 et 686.
(7) - Textuellement: «a) lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, ou b) lorsque - une ou plusieurs personnes détenant déjà le contrôle d'une entreprise au moins, ou - une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises».
(8) - Cette condition est remplie lorsque «le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'écus» ou que «le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'écus», à moins que «chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à
l'intérieur d'un seul et même État membre» (article 1er, paragraphe 2).
(9) - Il s'agit de «la position sur le marché des entreprises concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources d'approvisionnement ou aux débouchés, de l'existence en droit ou en fait de barrières à l'entrée, de l'évolution de l'offre et de la demande des produits et services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals ainsi que de l'évolution du progrès technique et économique
pour autant que celle-ci soit à l'avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence».
(10) - Aux États-Unis, le «Merger Guidelines» de 1984 a introduit ce que l'on appelle l'Herfindhal-Hirschman Index (HHI) qui additionne les parts de marché de chaque entreprise impliquée dans la concentration, après les avoir élevées au carré. Pour déterminer l'augmentation effective du degré de concentration du marché suite à l'opération, on double le produit des parts de marché des entreprises visées. Si l'indice HHI est, après la concentration, inférieur à 1 000, l'opération sera en principe
autorisée. S'il est compris entre 1 000 et 1 800, l'opération sera examinée et pourra être interdite lorsqu'elle comporte une augmentation supérieure à 100. Si, enfin, l'HHI s'avère supérieur à 1 800, la concentration pourra être interdite même si elle entraîne une augmentation inférieure à 50.
(11) - L'incise «de manière significative» a suscité de vifs débats dans la doctrine: parmi les interprétations les plus autorisées, on trouve celle qui la rattache au critère «de minimis», dans le sens où ne peuvent être déclarées incompatibles que les concentrations qui ont des effets substantiels sur la concurrence, en la réduisant de manière importante et durable. Voir en ce sens: Langeheine: «Substantive Review under the EEC Merger Regulation», dans Fordham Corporate Law Institute, 1990, p. 484
et suiv. Sur ce point voir aussi Bellamy et Child: Common Market Law of Competition, 4e édit., Londres, 1993, p. 336 et suiv. Quant à la signification de la concurrence effective, la jurisprudence de la Cour fait référence aux conditions réelles dans lesquelles la concurrence se développerait en l'absence de la limitation en question: voir, sur ce point, arrêt du 10 décembre 1985, ETA (31/85, Rec. p. 3933, point 11). Voir aussi Dechery: «Le règlement communautaire sur le contrôle des
concentrations», dans Revue trimestrielle de droit européen, 1990, p. 317, en particulier p. 323.
(12) - La notification de l'opération de concentration doit être effectuée dans le délai d'une semaine à compter de la conclusion de l'accord ou de la publication de l'offre d'achat ou d'échange ou de l'acquisition d'une participation de contrôle.
(13) - L'appréciation d'une concentration de dimension «communautaire» suppose à l'évidence la délimitation du secteur économique de référence, tant en ce qui concerne le produit que par rapport au secteur géographique à prendre en compte. On recourra, à cet égard, aux indications contenues dans le formulaire CO, prévu par l'annexe I au règlement (CEE) n_ 2367/90 de la Commission, du 25 juillet 1990, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions conformément au règlement n_ 4064/89 (JO L
219, p. 5), abrogé entre-temps et remplacé par le règlement (CE) n_ 3384/94 de la Commission, du 21 décembre 1994 (JO L 377, p. 1). Ce formulaire énumère en fait toutes les informations à communiquer à la Commission lors de la notification.
(14) - L'avis favorable du comité consultatif en matière de concentrations, exprimé à la majorité au cours de la réunion du 3 décembre 1993, est publié au JO 1994, C 199, p. 5.
(15) - La Commission a en effet exclu que la concentration dans les secteurs des sels et dans celui des produits à base de sels de potasse à usage industriel puisse aboutir à créer ou à renforcer une position dominante pouvant fortement entraver la concurrence effective dans la Communauté ou dans une partie substantielle de celle-ci (onzième considérant de la décision).
(16) - Voir considérants 13 à 29 de la décision.
(17) - Voir considérants 30 et 45 de la décision.
(18) - Voir considérant 69 de la décision.
(19) - Voir considérants 31 à 44 de la décision.
(20) - Sans les quantités destinées à ses besoins propres (qui sont presque entièrement constituées par des livraisons internes de K+S au groupe BASF), la part de marché de K+S atteint environ 79 % et celle de MdK 19 %; la part de marché totale de MdK GmbH est donc de 98 % (considérant 46 de la décision).
(21) - Voir considérant 70 de la décision.
(22) - Voir considérant 95 de la décision.
(23) - En effet, comme précisé dans les considérants 51 et 52 de la décision, l'entreprise résultant de la fusion K+S/MdK et la société française SCPA assureraient 80 % de la production de sels de potasse dans la Communauté (K+S 35 %, MdK 25 % et SCPA 20 %). En excluant la consommation interne des entreprises intéressées, et donc sur la seule base des ventes, on arrive à une part de marché totale d'environ 50 % (K+S 17 %, MdK 8% et SCPA 25 %). Toutefois, comme SCPA commercialise aussi de grandes
quantités de potasse d'autres producteurs, également de pays tiers, on aboutit, compte tenu de toutes les ventes contrôlées par K+S, MdK et SCPA dans les États membres hormis l'Allemagne, à une part totale de 60 % (K+S 16 %, MdK 7 % et SCPA 37 %).
(24) - Voir considérants 54 et 56 de la décision.
(25) - Voir considérants 57 à 62 de la décision.
(26) - Dans cette affaire, le gouvernement allemand est intervenu à l'appui des conclusions de la Commission.
(27) - Dans cette affaire, le gouvernement français est intervenu à l'appui des conclusions des requérantes, tandis que K+S et MdK ont été autorisées à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.
(28) - Le recours des sociétés SCPA et EMC a en effet été introduit devant le Tribunal et renvoyé par ce dernier à la Cour pour cause de litispendance, devant cette dernière, du recours déposé par le gouvernement français (affaire C-68/94) relativement à la même décision. En réalité, les deux sociétés requérantes ayant demandé que les deux affaires soient traitées ensemble par la Cour, le Tribunal a, par ordonnance du 1er février 1995, décliné sa compétence en application de l'article 47, troisième
alinéa, du statut et il a transmis le dossier à la Cour.
(29) - Ordonnance du 10 mai 1994, Société commerciale des potasses et de l'azote et Entreprise minière et chimique/Commission (T-88/94 R, Rec. p. II-263).
(30) - Société commerciale des potasses et de l'azote et Entreprise minière et chimique/Commission (T-88/94 R, Rec. p. II-401).
(31) - Sur le rôle de la Cour en matière de concurrence, les réflexions de M. Trabucchi restent précieuses: «Sviluppo della giurisprudenza e suo significato nella disciplina comunitaria sulla concorrenza», dans Rivista di diritto civile, 1973, I, p. 497 et suiv.
(32) - Voir, par référence aux États-Unis, Leddy: «The 1992 US Horizontal Merger Guidelines and Some Comparisons with EC Enforcement Policy», dans ECLR, 1993, p. 15.
(33) - Sous l'angle de la légalité formelle, un tel contrôle conduit à vérifier les aspects liés à la compétence, à la motivation, à la régularité procédurale, et au respect des droits de la défense; sous l'angle de la légalité au fond, par contre, il se traduit par le contrôle de l'exactitude de l'analyse économique, du marché, des effets anticoncurrentiels et des conséquences juridiques (sous l'aspect de la qualification des faits, par exemple) qui ont été tirés de cette analyse, sans bien sûr
toucher à la marge d'appréciation discrétionnaire dont jouit la Commission dans l'application des règles de concurrence. Voir à ce sujet les exposés de MM. Canivet et Biancarelli dans Le contrôle juridictionnel en matière de droit de la concurrence et des concentrations (actes du séminaire organisé par le Tribunal de première instance des Communautés européennes, les 22 et 23 novembre 1993), Luxembourg, 1994, p. 25 à 38 et 55 à 65.
(34) - Arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825).
(35) - A cet égard, nous observons que l'accueil favorable fait aux opérations de concentration, que nous avons décrit plus haut, a trouvé confirmation dans l'approche pragmatique suivie par la Commission dans l'application du règlement, caractérisée par la préférence pour l'adoption de solutions «négociées», en tout état de cause favorables aux projets examinés. En définitive, elle a fréquemment recouru au pouvoir d'approuver les opérations sous réserve du respect de certaines conditions et charges
et a, au contraire, fait un usage très limité du pouvoir d'interdiction. Sur ce point voir Van Bael-Bellis: Il diritto della concorrenza nella CE, 1995, p. 555 et 556.
(36) - Voir, sur l'expérience des États-Unis, les remarques de Hawk: «Public Private Enforcement of Merger Law in the United States», dans Le contrôle juridictionnel en matière de droit de la concurrence et des concentrations, cité à la note 33, p. 81 et suiv., spécialement p. 83 et 84, lequel rappelle que «The Legality of Mergers is ultimately determined in the Courts according to the judicial standards developped under Section 7 of the Clayton Act, although the Guidelines are increasingly
consulted.»
(37) - Aux termes de cette disposition: «La Commission peut révoquer la décision qu'elle a prise au titre du paragraphe 2: a) si la déclaration de compatibilité repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable, ou si elle a été obtenue frauduleusement, ou b) si les entreprises concernées contreviennent à une charge dont est assortie la décision.»
(38) - Arrêt du 10 mars 1992 (T-68/89, T-77/89 et T-78/89, Rec. p. II-1403, point 320).
(39) - Arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission (17/74, Rec. p. 1063, point 21).
(40) - Textuellement: «Lorsque la Cour de justice rend un arrêt qui annule en tout ou en partie une décision de la Commission en vertu du présent règlement, les délais qui sont fixés dans le présent règlement s'appliquent à nouveau à compter de la date du prononcé de l'arrêt.»
(41) - Arrêts du 15 juillet 1963, Plaumannn/Commission (25/62, Rec. p. 197, en particulier p. 223); du 19 mai 1993, Cook/Commission (C-198/91, Rec. p. I-2487), et du 28 octobre 1993, Zunis Holding e.a./Commission (T-83/92, Rec. p. II-1169, point 36).
(42) - Arrêts du 25 octobre 1977, Metro/Commission (26/76, Rec. p. 1875, point 13); du 4 octobre 1983, FEDIOL/Commission (191/82, Rec. p. 2913, points 28 et suiv.), et du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission (169/84, Rec. p. 391, point 23). Dans la jurisprudence plus récente, voir arrêts du 18 mai 1994, BEUC et NCC/Commission (T-37/92, Rec. p. II-285, point 36), et du 24 janvier 1995, BEMIM/Commission (T-114/92, Rec. p. II-147, point 26).
(43) - Arrêts du 6 novembre 1990, Weddel/Commission (C-354/87, Rec. p. I-3847, points 20 à 23), et du 19 mai 1994, Air France/Commission (T-2/93, Rec. p. II-323, point 45), dans lequel le Tribunal a jugé recevable le recours de la société Air France contre une décision de la Commission, concernant une concentration entre deux de ses concurrents, également en raison du fait que «la situation concurrentielle sur les deux marchés identifiés comme étant les marchés concernés, suite à l'opération de
concentration, a été appréciée par la Commission en tenant compte surtout de la situation d'Air France».
(44) - Voir, quoique par référence à un cas d'espèce différent, l'arrêt Cofaz e.a./Commission, précité à la note 42, en particulier points 28 et 29.
(45) - Comme l'a précisé la Cour dans l'arrêt Plaumann/Commission, précité à la note 41, «la lettre et le sens grammatical de la disposition précitée justifient l'interprétation la plus large. D'ailleurs, les dispositions du traité concernant le droit d'agir des justiciables ne sauraient être interprétées restrictivement» (Rec. p. 219).
(46) - Voir sur ce point Barav et Vandersanden: Contentieux communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1977, p. 172.
(47) - Arrêt précité à la note 41.
(48) - Voir arrêt Zunis Holding e.a./Commission, précité, points 34 à 36, ainsi que Cook-Kerse, EC Merger Control, Londres, 1996, p. 200 à 201.
(49) - Voir considérant 60 de la décision.
(50) - En matière de concurrence, voir arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie/Commission (53/85, Rec. p. 1965), et du 11 novembre 1981, IBM/Commission (60/81, Rec. p. 2639); de manière plus générale, sur la notion d'acte attaquable au sens de l'article 173, voir, dans le sens du texte, arrêts du 16 juin 1993, France/Commission (C-325/91, Rec. p. I-3283, point 9), et du 23 novembre 1995, Nutral/Commission (C-476/93 P, Rec. p. I-4125, point 28).
(51) - Règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962 (JO 1962, 13, p. 204).
(52) - Arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85, C-125/85, C-126/85, C-127/85, C-128/85 et C-129/85, Rec. p. I-1307, point 181).
(53) - Arrêt du 5 mars 1980, Könecke/Commission (76/79, Rec. p. 665, point 9).
(54) - Le total des ventes de SCPA en Belgique et au Luxembourg s'élevait en réalité à 22 000 tonnes, alors que les documents communiqués par la Commission faisaient état de 221 000 tonnes.
(55) - La Commission a elle-même affirmé dans ses mémoires qu'il s'agissait pour la plupart de données statistiques faciles à trouver et qu'en tout état de cause l'article 19 du règlement garantit aux États membres l'accès au dossier.
(56) - Arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission (C-142/87, Rec. p. I-959, point 48). Dans le même sens voir, entre autres, arrêts du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission (30/78, Rec. p. 2229, point 26), et du 10 juillet 1986, Belgique/Commission (234/84, Rec. p. 2263, point 30).
(57) - L'article 19, paragraphe 5, prévoit cependant que la Commission peut abréger ce délai «de manière appropriée en vue d'éviter un préjudice grave à une ou plusieurs entreprises concernées par une opération de concentration».
(58) - A cet égard, il n'est pas superflu de rappeler que «la Commission tient le plus grand compte de l'avis émis par le comité. Elle informe le comité de la façon dont elle a tenu compte de cet avis» (article 19, paragraphe 6). La Commission peut donc ne pas observer l'avis du comité, ou revoir sa propre position et adopter une décision finale différente du projet de décision soumis à l'avis du comité. En la matière, le cas qui a conduit à la décision 94/208/CE de la Commission, du 31 janvier
1994, déclarant une concentration compatible avec le marché commun (Affaire n_ IV/M.315 - Mannesmann/Vallourec/Ilva) (JO L 102, p. 15), nous paraît exemplaire. En effet, dans cette affaire, le projet de décision sur lequel le comité consultatif a exprimé son avis allait dans le sens de l'incompatibilité de la concentration avec le marché commun (voir l'avis du comité consultatif au JO 1994, C 111, p. 6), alors que la décision finale de la Commission est allée ensuite en sens opposé, sans que l'on
sache si c'est aussi à la suite de l'opinion minoritaire d'une partie des membres du comité consultatif. Sur le point examiné dans le corps du texte, voir en outre, en ce qui concerne le comité consultatif institué sur la base du règlement n_ 17, l'arrêt du 10 juillet 1991, Radio Telefis Eireann/Commission (T-69/89, Rec. p. II-485, points 21 à 27).
(59) - Voir, sur les «Guidelines» de 1992, Leddy, précité à la note 32.
(60) - Ce considérant, nous le rappelons, prévoit que: «la Commission se doit de placer son appréciation dans le cadre général de la réalisation des objectifs fondamentaux visés à l'article 2 du traité, y compris celui du renforcement de la cohésion économique et sociale de la Communauté visé à l'article 130 A du traité».
(61) - Voir article 2, paragraphe 3. La pratique de la Commission semble avoir suivi cette direction. En effet, jusqu'à la décision attaquée en l'espèce, on ne relève pas de décisions dans lesquelles les considérations de type social rappelées ont prévalu sur l'exigence de préserver la concurrence. Nous rappelons, à cet égard, la décision Aérospatiale-Alenia/de Havilland, dans laquelle la Commission n'a pas accueilli l'argument des parties fondé sur l'élimination probable du marché de la société de
Havilland, la jugeant en fait improbable, dans l'hypothèse où la concentration ne serait pas approuvée [décision 91/619/CEE de la Commission, du 2 octobre 1991, affaire n_ IV/M.053 - Aérospatiale-Alenia/de Havilland (JO L 334, p. 42)].
(62) - Voir considérant 71 de la décision; c'est nous qui mettons en italique.
(63) - La théorie de la «failing company defence» est née de préoccupations de politique économique et d'efficacité des entreprises. Par la suite, toutefois, dans son application sont apparues des considérations politiques et sociales, liées entre autres à l'exigence de sauvegarder l'emploi. Voir, sur ce point, l'arrêt United States/General Dynamics Corp., 415, US 486, 507 (1974); et Areeda Turner, précité, vol. IV, 1980, p. 941.
(64) - Dans le cas d'espèce, alors que la concentration implique une activité représentant au total 3 000 emplois, l'offre du groupe Peine était limitée à l'achat d'une activité intéressant seulement 536 emplois, c'est-à-dire 18 % des emplois garantis par l'opération de concentration. L'équilibre entre les objectifs de politique de concurrence et d'autres finalités du traité, bien que relevant surtout du législateur, n'est pas non plus étranger à la jurisprudence de la Cour: voir, par exemple,
l'arrêt Europemballage et Continental Can/Commission (précité à la note 3), ainsi que l'arrêt du 18 mars 1980, Valsabbia e.a./Commission (154/78, 205/78, 206/78, 226/78, 227/78, 228/78, 263/78, 264/78, 39/79, 31/79, 83/79 et 85/79, Rec. p. 907).
(65) - Arrêts du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission (T-96/92, Rec. p. II-1213, points 28 et 29) et CCE de Vittel e.a./Commission (T-12/93, Rec. p. II-1247, points 38 et 39).
(66) - Décision 92/553/CEE de la Commission, du 22 juillet 1992, relative à une procédure au titre du règlement n_ 4064/89 du Conseil (Affaire n_ IV/M.190 - Nestlé/Perrier) (JO L 356, p. 1).
(67) - Par rapport à la notion de marché en cause tout court, le Tribunal a, dans son arrêt du 21 février 1995, SPO e.a./Commission (T-29/92, Rec. p. II-289), souligné que cet aspect est plus important aux fins de l'application de l'article 86 qu'aux fins de l'application de l'article 85. Les remarques formulées à cette occasion nous paraissent aussi applicables à la position dominante résultant d'une concentration.
(68) - Arrêt verre plat, précité à la note 38, point 360.
(69) - Formulaire CO, tel que prévu par le règlement n_ 2367/90, précité à la note 13.
(70) - Les entreprises requérantes semblent au contraire d'accord avec la Commission sur le caractère interchangeable des produits, mais font valoir que cela dépend de la façon dont on définit le marché du produit concerné et n'a donc aucune incidence sur la détermination du marché géographique en cause.
(71) - Décision 91/403/CEE de la Commission, du 29 mai 1991 (affaire n_ IV/M043 - Magneti Marelli/CEAc) (JO L 222, p. 38).
(72) - Décision de la Commission du 6 novembre 1990 (affaire n_ IV/M004 - Renault Volvo) (JO C 281, p. 2).
(73) - Décision Nestlé/Perrier, précitée à la note 66.
(74) - D'autre part, a contrario, la réciprocité des courants d'échanges a toujours été considérée par la Commission comme un indice important, quoique non décisif, de l'appartenance à un même marché géographique: voir décision Mannesmann/Vallourec/Ilva, précitée à la note 58, considérants 33 à 37. Sur ce point, dans ce sens, voir Cook et Kerse, précité à la note 48, p. 145 et suiv.
(75) - Arrêt du 16 décembre 1975 (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 372).
(76) - Elle affirme, par exemple, dans la décision que «les coûts de transport ... ont tendance à varier... Dans aucun cas, ils n'apparaissent constituer un empêchement aux flux commerciaux à l'intérieur de la Communauté, hormis l'Allemagne» (point 42 de la décision).
(77) - Voir arrêt du 14 février 1978, United Brands/Commission (27/76, Rec. p. 207, points 52 et 53).
(78) - Voir par exemple décision Magneti Marelli/CEAc, précitée à la note 71.
(79) - Parmi les barrières à l'entrée, les monopoles publics de distribution figurent en bonne place: voir, par exemple, décision de la Commission du 29 avril 1991 (affaire n_ IV/M063 - ELF/Ertoil) (JO C 124, p. 13).
(80) - Voir point 53 du mémoire en défense.
(81) - Rappelées au point 78 de la réplique.
(82) - Arrêt United Brands/Commission, précité à la note 77, points 44, 52 et 53.
(83) - Dans ce sens, voir, par exemple, Siragusa-Subiotto: «Il controllo delle concentrazioni a livello CEE: una prima analisi critica delle decisioni della Commissione», dans Giurisprudenza Commerciale 1992, I, 233, en particulier p. 271 et 272. La position de certains est plus nuancée, dans la mesure où ils se bornent à souligner la difficulté qu'il y aurait à accueillir la thèse opposée: ainsi, entre autres, Cook et Kerse, précité à la note 48, p. 134 et suiv.; Korah: EC Competition Law and
Practice, Londres, 1994, p. 242; Bellamy et Child: Common Market Law of Competition, Londres, 1993, p. 343 et 344.
(84) - Outre le fait que, selon une jurisprudence constante de la Cour, les déclarations verbales ont une valeur limitée (voir, par exemple, arrêt du 26 février 1991, Antonissen, C-292/89, Rec. p. I-745, point 18) et que la déclaration en question ne peut en tout état de cause être interprétée de façon à restreindre le champ d'application des articles 85 et 86, il reste qu'une telle déclaration ne peut certainement pas être utilisée pour parvenir à la conclusion que la base juridique constituée par
l'article 87 du traité aurait en réalité une portée réduite, avec la conséquence qu'il ne serait pas possible de relier le concept de position dominante collective à l'article 86.
(85) - Dans ce sens, voir également Cook et Kerse, précité à la note 48, p. 134.
(86) - La Commission l'a mis en évidence, par exemple, dans la décision du 18 décembre 1991 (affaire n_ IV/M165 - Alcatel/AEG Kabel) (JO 1992, C 6, p. 23), considérant 22.
(87) - Voir, par exemple, la décision 94/359/CE de la Commission du 21 décembre 1993 (affaire n_ IV/M358 - Pilkington-Techint/SIV) (JO L 158, p. 24). Nous rappelons, par ailleurs, que, aussi dans la jurisprudence de la Cour sur l'article 86, la part de marché, tout en constituant un indice significatif d'une position dominante si elle est égale ou supérieure à 80 %, n'est pas nécessairement un élément déterminant, mais doit être appréciée parmi d'autres facteurs: dans ce sens, voir, entre autres,
arrêt du 5 octobre 1988, Alsatel (247/86, Rec. p. 5987, point 19).
(88) - A cet égard, par exemple, la loi allemande sur les restrictions à la concurrence, qui est justement fondée sur une conception structurelle liée à un système de présomptions en fonction des parts de marché détenues par les entreprises, prévoit un seuil d'au moins 50 %. Plus précisément, la section 23, article 2, paragraphe 2, de cette loi dispose: «Aux fins du contrôle des concentrations, un ensemble d'entreprises est aussi considéré comme étant en position dominante lorsque:
1. il regroupe trois entreprises ou moins, qui détiennent la plus forte part de marché et représentent au total une part de 50 %, ou
2. il regroupe cinq entreprises ou moins, qui détiennent la plus forte part de marché et représentent au total une part de deux tiers, à moins qu'elles ne démontrent que les conditions de la concurrence permettent de s'attendre à une concurrence significative entre elles même postérieurement à la concentration, ou lorsque l'ensemble de ces entreprises ne détient pas une position dominante par rapport aux concurrents restants...»
(89) - Il suffit de rappeler, à cette fin, le XVIe Rapport sur la concurrence, de 1986, en particulier le point 333.
(90) - Voir p. 36 de la duplique.
(91) - COM(88) 734/Rév. final.
(92) - M. Trabucchi déjà, précité à la note 31, p. 503, se référant à la jurisprudence en matière de concurrence, déclarait que «la fréquente référence aux données économiques et la signification qu'on leur attribue pour les décisions judiciaires ne sont aucunement contraires à la fonction essentielle de la Cour, qui est de respecter et faire respecter le traité et le droit qui en dérive ... Lorsque la norme existe, elle doit être respectée intégralement...»
(93) - Il n'est que trop évident, en effet, que le préjudice subi par les sociétés requérantes du fait de la décision est la conséquence directe du comportement adopté par les entreprises impliquées dans l'opération de concentration conformément aux exigences de la Commission. Cela a du reste déjà été confirmé par le président du Tribunal de première instance saisi par voie de référé. Dans l'ordonnance du 15 juin 1994, Société commerciale des potasses et de l'azote et Entreprise minière et chimique
(citée à la note 30), qui a suspendu l'exécution de l'article 1er de la décision attaquée, dans la partie dans laquelle elle impose le retrait de la société Kali-Export, le président relève que l'on ne saurait exclure que la condition en question «soit de nature à léser les droits des tiers, en l'occurrence ceux des deux autres associés de Kali-Export, lesquels n'étaient pas partie à la procédure devant la Commission» (point 28).
(94) - Précité à la note 13. En effet, ce règlement régit de manière analogue au règlement n_ 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n_ 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268) uniquement les auditions des parties à l'opération (articles 13 et 14), tandis que pour les tiers - comme les entreprises requérantes en l'espèce selon la Commission - il prévoit un régime d'audition, à leur demande, sans aucune garantie
procédurale (article 15). Le gouvernement français a sur ce point souligné que ces auditions sont en pratique de simples contacts avec les fonctionnaires de la Commission, ne pouvant aucunement satisfaire les exigences d'information et de protection des personnes impliquées pleinement dans la procédure, comme les «parties» à l'oligopole qui se serait créé à la suite de la concentration. Il y a lieu de préciser que le règlement n_ 2367/90 a été remplacé par le règlement n_ 3384/94 (cité à la note
13), dont les dispositions sont, à certains égards, plus protectrices. Pour ce qui nous intéresse ici, toutefois, les termes du problème sont restés pour l'essentiel inchangés. S'il est vrai, en effet, que les tiers qui ont présenté des observations écrites peuvent, en application de l'article 16 du nouveau règlement, participer à une audition officielle, il est également vrai qu'une telle possibilité relève du pouvoir discrétionnaire de la Commission.
(95) - Comme le rappelle le gouvernement français (p. 20 à 23 de la requête), la procédure au titre de l'article 86 est, en effet, conformément aux règlements n_ 17 (cité à la note 51) et n_ 99/63 (cité à la note précédente), constamment contradictoire avec les entreprises censées être en position dominante, qui sont dès le début informées de la procédure engagée contre elles et mises en mesure de se défendre.
(96) - Arrêt Belgique/Commission, précité à la note 56, point 27. Cela signifie, comme la Cour l'a souligné, que «la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l'appui de son allégation quant à l'existence d'une violation du droit communautaire».
Voir dans le même sens déjà arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, Rec. p. 461, points 9 et 11).
(97) - En effet, il est bon de rappeler que les représentants des sociétés requérantes n'ont été reçus par des fonctionnaires de la Commission, à la suite de demandes répétées de leur part, que le 1er décembre, c'est-à-dire deux jours avant la réunion du comité consultatif et donc lorsque les jeux étaient déjà faits. Même s'il était vrai que, comme l'affirme la Commission - mais comme le démentent les requérants - les représentants de SCPA ont été reçus par les fonctionnaires de l'institution dès le
3 novembre 1993, la situation ne changerait pas, la substantielle «opacité» de toute la procédure pour les tiers restant confirmée. Cela est d'autant plus vrai que la Commission affirme que ce n'est que le 1er décembre qu'il a été discuté avec les représentants de la société française des engagements pris par K+S.
(98) - Cette exigence trouverait confirmation dans la circonstance que tous les principaux systèmes antitrust appliquent les règles de contrôle des concentrations également à la domination oligopolistique: pour une analyse comparative voir Briones: «Oligopolistic dominance: is there a common approach in different juridictions? A Review of the decisions adopted by the Commission under the Merger Regulation», dans ECLR, 6, 1995, p. 334 et suiv.
(99) - C'est précisément dans cette perspective que certains auteurs n'ont pas du tout exclu que le règlement puisse être appliqué aussi à des situations de domination oligopolistique, dès lors que la concurrence effective est entravée de manière significative par plusieurs entreprises qui, ensemble, sont en mesure d'agir de façon indépendante de leurs concurrents et des clients. Voir, par exemple, Jones, Gonzales-Diaz: The EEC Merger Regulation, Londres 1992, p. 168 et suiv.; ainsi que Venit: «The
Evaluation of Concentrations under Regulation 4064/89: The nature of the beast», dans International Mergers and Joint Ventures, Annual Proceedings of the Fordham Corporate Law Institute, 1991, p. 519, en particulier p. 540 et suiv.
(100) - A partir de l'étude pionnière en la matière de Cournot: Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, Paris, 1848, la théorie économique de l'oligopole a donné lieu à un grand nombre de contributions remarquables: voir en résumé Pigassou: Les oligopoles et le droit, Paris, 1983, Cap. III, p. 151 à 260.
(101) - Areeda et Turner: Antitrust Law, vol. III, Boston/Toronto, 1978, p. 359: «oligopoly with monopoly - like results». Cette thèse trouve appui dans la théorie économique qui met en lumière dans pareilles situations les mêmes conditions d'exercice du pouvoir de marché justifiant l'application des dispositions antitrust aux situations de monopole; et qui considère même que l'oligopole peut être source de plus grands dangers pour la concurrence que les positions dominantes individuelles, dans la
mesure où ces dernières tendent à se réduire dans le temps sous l'effet de la concurrence des entreprises de moindre importance, alors qu'un oligopole fort peut, dans certaines conditions, durer une longue période. Voir, sur ce point, Scherer et Ross: Industrial Market Structure and Economic Performance, Boston, 1990.
(102) - Arrêt pâte de bois, précité à la note 52, point 71.
(103) - Sur cette question, dans toutes ses implications, voir les conclusions approfondies de l'avocat général M. Darmon sous l'arrêt pâte de bois (Rec. 1993, p. I-1445). Voir aussi, pour une étude exhaustive récente de la jurisprudence en la matière, Soames: «An Analysis of the Principles of Concerted Practice and Collective Dominance: A Distinction without a Difference», dans ECLR 1996, p. 24.
(104) - Il est possible que la réponse à cette question se trouve dans l'exigence de rapidité. On pourrait trouver une confirmation de cette hypothèse, par exemple, dans le fait qu'un des engagements prévus à l'origine, celui relatif à l'entreprise Potacan, qui s'est ensuite transformé en une solution informelle analysée plus haut (à propos de la recevabilité), constituait en réalité l'objet d'une procédure engagée en application du règlement n_ 17.
(105) - Décision 92/553, précitée à la note 66. Dans cette décision, elle ajoute que, si le règlement n'était pas applicable aux situations oligopolistiques, il s'ensuivrait que les autorités nationales, qui avant son introduction auraient pu sanctionner de telles situations en application de leurs dispositions internes, auraient complètement renoncé à leur rôle de contrôle à cet égard «sans qu'il soit remplacé au niveau communautaire» (point 115).
(106) - Arrêt du 22 février 1984, Kloppenburg (70/83, Rec. p. 1075, point 11).
(107) - Décision précitée à la note 66.
(108) - Malgré cela, la Cour a semblé initialement réticente à reconnaître la notion de domination collective, également à cause de la difficulté de déterminer, dans le silence de la norme, les éléments nécessaires à sa définition concrète. Ainsi, à une occasion elle a semblé réserver l'application de l'article 86 aux hypothèses de positions dominantes individuelles. Dans l'arrêt Hoffmann-La Roche (précité à la note 96), la Cour a en effet affirmé qu'«une position dominante doit également être
distinguée des parallélismes de comportements propres aux situations d'oligopoles, en ce que, dans un oligopole, les comportements s'influencent réciproquement tandis qu'en cas de position dominante le comportement de l'entreprise qui bénéficie de cette position est, dans une large mesure, déterminé unilatéralement». Voir sur ce point Korah: «Concept of a dominant position within the meaning of Article 86», dans Common Market Law Review, 1980, p. 395, en particulier p. 398.
(109) - Arrêt verre plat, précité à la note 38, point 358. Dans le même sens, voir arrêt Hoffmann-La Roche, précité à la note 96, points 38 et 48.
(110) - Arrêt du 27 avril 1994 (C-393/92, Rec. p. I-1477). Les principes énoncés dans cet arrêt ont été ensuite rappelés par la Cour dans l'arrêt du 17 octobre 1995, DIP SpA e.a.(C-140/94, C-141/94 et C-142/94, Rec. p. I-3257, points 24 à 26). Voir, sur ce point, les conclusions présentées sous cet arrêt par l'avocat général M. Fenelly, lequel a relevé, entre autres, que le concept de position dominante collective ne peut pas être employé pour combler l'absence de toute preuve directe de
l'existence, et encore moins de l'abus, d'une position dominante (point 64).
(111) - En ce sens, voir Venit, cité à la note 99, p. 527 et suiv., en particulier p. 530 à 531. Une telle opinion est également confortée par l'idée que la notion de «concurrence entravée», telle qu'elle figure dans l'article 2, paragraphe 3, du règlement, permettrait à la Commission d'élaborer un nouveau concept de «dominance», fondé sur une analyse de probabilités en relation avec les caractéristiques du marché. Voir Brittan: «The Law and Policy of Merger Control in the EEC», dans European Law
Review, 1990, p. 354.
(112) - A cet égard, nous observons par ailleurs que la formulation et la méthode utilisées dans la décision Nestlé/Perrier ne semblent pas exemptes de critiques, principalement parce qu'elles tendent à élaborer un critère de contrôle de la position dominante collective aux contours juridiques plutôt incertains. Voir sur ce point les remarques de Winckler et Hansen: «Collective dominance under the EC Merger Control Regulation», dans Common Market Law Review (1993) 30, p. 787 et suiv., en particulier
p. 828, pour lesquels «if the standard used in Nestlé/Perrier is, as suggested, one of `probability' or `facilitation', then the Commission has not explained in sufficient detail what types of economic conduct (`collective abuses') it wishes to avoid making `much easier'» (cette affirmation se réfère au point 120 de la décision).
(113) - Voir considérants 52 à 56.
(114) - Considérant 57 de la décision.
(115) - Nous rappelons qu'il s'agit de la société qui commercialise le potasse produit par certaines entreprises espagnoles, récemment regroupées dans un organisme public dénommé INI.
(116) - En fait, la Commission a affirmé dans ses mémoires avoir suffisamment démontré, dans les considérants 57, 59, 61 et 67 de la décision, l'existence de telles interférences. La lecture des considérants en question met toutefois en évidence que la Commission s'est bornée dans ceux-ci à souligner les liens structurels existant entre K+S et SCPA.
(117) - A ce propos, nous rappelons, par exemple, que la liste des éléments à vérifier dans le cadre du contrôle des concentrations, adoptée en 1990 par l'Office fédéral des ententes en Allemagne (en version anglaise publiée dans Fordham Corporate Law Institute, 1991, p. 161 et suiv.), considère l'absence de concurrence entre les membres d'un oligopole et les concurrents «extérieurs» comme un élément essentiel pour qualifier l'oligopole de dominant.
(118) - Voir considérant 79.
(119) - Décision 92/553, précitée à la note 66, considérant 120.
(120) - Cette part, d'ailleurs, est égale à celle détenue par la société SIV, dont le rachat par Pilkington et par Techint a été autorisé, sans conditions, par la décision 94/359, précitée à la note 87.
(121) - Voir p. 32.
(122) - Voir considérant 76 de la décision.
(123) - Voir p. 33 et 34 du mémoire en défense, ainsi que p. 54 de la duplique.
(124) - Voir p. 42 de la duplique.
(125) - Voir les données du tableau figurant à la p. 43 de la réplique du gouvernement français que la Commission n'a pas contestées.
(126) - Voir, par exemple, la décision 94/359, précitée à la note 87.
(127) - Il s'agit des arrêts Hoffmann-La Roche/Commission, précité à la note 96; du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461), et du 3 juillet 1991, AKZO/Commission (62/86, Rec. p. I-3359).
(128) - Voir mémoire en défense de la Commission, p. 37 à 58.
(129) - Par exemple, dans la décision Pilkington-Techint/SIV, précitée à la note 87, considérant 55; a contrario, dans la décision Mannesmann/Vallourec/Ilva (précitée à la note 58), la symétrie des entreprises impliquées dans la concentration, détenant des parts s'élevant respectivement à 36 et à 33 %, a été considérée par la Commission comme une incitation à adopter des comportements parallèles.
(130) - Décision précitée à la note 66, considérant 123.
(131) - Dans cette décision, citée à la note 66, le poids de la clientèle a été considéré, après une analyse ponctuelle qui fait défaut en l'espèce, comme n'étant pas susceptible d'exercer une pression réelle sur les producteurs (voir en particulier les considérants 77 à 89).
(132) - Arrêt verre plat, précité à la note 38, point 36.
(133) - Idem, point 363.
(134) - Voir p. 61 de la duplique.
(135) - Voir p. 61 de la duplique.
(136) - Voir sur ce point ce que nous avons déjà souligné à propos de la détermination du marché géographique en cause.
(137) - JO 1973, L 217, p. 3. Sur ce point voir considérant 57 de la décision.
(138) - Et cela même sans tenir compte, sur le plan systématique, du principe énoncé dans l'arrêt verre plat, dans lequel il est précisé que «aux fins d'établir une infraction à l'article 86 du traité, il ne suffit pas ... de `recycler' les faits constitutifs d'une infraction à l'article 85 en en tirant la constatation que les parties à un accord ou à une pratique illicite détiennent ensemble une part de marché importante, que de ce seul fait elles détiennent une position dominante collective et que
leur comportement illicite constitue l'abus de celle-ci» (arrêt précité à la note 38, point 360).
(139) - Voir considérants 59, 121 et 122 de la décision.
(140) - Voir considérant 127 de la décision.
(141) - Décision 94/359, précitée à la note 87, considérant 32. Il n'est pas superflu d'ajouter ici que l'élément en question n'a pas été jugé susceptible de conduire à imposer des conditions, et encore moins à refuser l'autorisation de la concentration.
(142) - S'il n'en était pas ainsi, on finirait par faire dépendre la constatation de l'existence d'une position dominante collective, dommageable pour la concurrence, d'un examen fondé sur de simples suppositions, détachées de tout élément concret, et donc pas du tout fiables.
(143) - Voir points 94 à 98 ci-dessus.
(144) - La Commission se réfère notamment aux décisions du 4 mai 1993, affaire KNP/BT/VRG (JO L 217, p. 35); du 19 décembre 1991, affaire Courtaulds/SNIA (JO C 333, p. 16), ainsi que du 31 juillet 1991, affaire Varta/Bosch (JO L 320, p. 26).
(145) - Arrêt du 9 août 1994, France/Commission (C-327/91, Rec. p. I-3641, point 36).
(146) - La portée de ces conditions démontre plutôt que la Commission aurait pu agir, si elle l'avait jugé opportun, contre les participants présumés au duopole (SCPA/EMC et K+S) en utilisant d'autres instruments et notamment l'article 85, comme elle l'a par ailleurs fait, parallèlement à l'affaire qui nous occupe, en relation avec la filiale commune canadienne Potacan, qui fait l'objet d'une enquête au titre du règlement n_ 17 (cité à la note 51).
(147) - Voir points 107 à 113 ci-dessus.
(148) - Arrêt du 20 mars 1957, Comptoir de vente du charbon de la Ruhr/Haute Autorité (2/56, Rec. p. 9).
(149) - Voir, en ce sens, déjà l'arrêt du 28 juin 1972, Jamet/Commission (37/71, Rec. p. 483, points 11 et 12).
(150) - Dans ce cas surtout, on pourrait envisager que la Commission, du fait de la réouverture des délais prévus à l'article 10, paragraphe 5, du règlement, détermine de nouvelles conditions différentes ou établisse, de manière plus approfondie et documentée, l'efficacité des conditions initiales sur le plan de la protection de la concurrence. Une telle éventualité, tout en étant tout à fait envisageable en théorie, ne nous semble toutefois pas probable, car elle implique le réexamen d'une
opération qui a déjà produit ses effets et qui rendrait donc très difficile une appréciation à la lumière du status quo ante.
(151) - Arrêt Transocean Marine Paint/Commission, précité à la note 39, point 21.