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24/10/1996 | CJUE | N°C-76/95

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, Commission des Communautés européennes contre Royale belge SA., 24/10/1996, C-76/95


Avis juridique important

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61995J0076

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 1996. - Commission des Communautés européennes contre Royale belge SA. - Fonctionnaires - Assurance accidents et maladies professionnelles. - Affaire C-76/95.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05501

Sommaire

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots c...

Avis juridique important

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61995J0076

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 24 octobre 1996. - Commission des Communautés européennes contre Royale belge SA. - Fonctionnaires - Assurance accidents et maladies professionnelles. - Affaire C-76/95.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-05501

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Assurance accidents et maladies professionnelles ° Litige relatif à l' exécution de la convention d' assurance collective conclue entre les Communautés européennes et les assureurs ° Exclusion de la voie judiciaire pour des litiges d' ordre médical ° Litiges d' ordre juridique ° Moyens

(Statut des fonctionnaires, art. 73; convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles, art. 5)

2. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Assurance accidents et maladies professionnelles ° Obligations de l' institution à l' égard de ses fonctionnaires ° Incidence sur les obligations des assureurs

(Statut des fonctionnaires, art. 73; convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles, art. 1er)

3. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Assurance accidents et maladies professionnelles ° Décision pouvant entraîner l' octroi d' une garantie ° Obligation de communication du projet de décision aux assureurs avant notification à l' intéressé ° Portée ° Décision adoptée à la suite de la consultation d' une commission médicale ° Exclusion

(Statut des fonctionnaires, art. 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, art. 19 et 21; convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles, art. 3)

4. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Assurance accidents et maladies professionnelles ° Expertise médicale ° Contrôle juridictionnel ° Portée ° Litige relatif à l' exécution de la convention d' assurance collective conclue entre les Communautés européennes et les assureurs

(Statut des fonctionnaires, art. 73; convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles, art. 5)

5. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Assurance accidents et maladies professionnelles ° Expertise médicale ° Pouvoir d' appréciation de la commission médicale

(Statut des fonctionnaires, art. 73; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, art. 23)

6. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Indemnité pour accidents et maladies professionnelles ° Pension d' invalidité ° Détermination du taux d' invalidité dans le cadre de la procédure d' invalidité ° Prise en compte dans le cadre de la procédure visant à l' octroi de l' indemnité ° Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 73 et 78; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, art. 25)

7. Fonctionnaires ° Sécurité sociale ° Indemnité pour accidents et maladies professionnelles ° Indemnité pour invalidité permanente totale ° Indemnité pour lésion ou défiguration permanente ° Cumul ° Admissibilité

(Statut des fonctionnaires, art. 73, § 2; réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, art. 12, 14 et annexe)

Sommaire

1. Dans le cadre du régime mis en place par l' article 5 de la convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles conclue entre les Communautés européennes et les assureurs, ces derniers, n' ayant renoncé à recourir à la voie judiciaire que pour des litiges d' ordre médical, peuvent toujours contester l' existence d' une obligation de remboursement en invoquant des moyens d' un ordre autre que médical, même si la décision de l' autorité investie du pouvoir de
nomination portant sur la liquidation des droits pécuniaires de la victime ou de ses ayants droit est conforme à l' avis émis par la commission médicale et si l' expert des assureurs a été médecin membre de cette commission.

2. Les stipulations de la convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles conclue entre les Communautés européennes et les assureurs ne peuvent en aucune manière affecter les obligations assumées par une institution à l' égard de ses fonctionnaires, telles qu' elles sont fixées par l' article 73 du statut et la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle. En vertu de cette convention, les assureurs ne se sont
engagés à couvrir les conséquences pécuniaires des obligations statutaires qu' aux conditions prévues par la convention. Il n' est pas exclu, dès lors, que de telles conditions limitent la possibilité pour une institution de se faire rembourser par les assureurs les sommes dont elle est redevable en vertu de ses obligations statutaires.

Toutefois, il ne saurait être admis qu' aux obligations statutaires soient substituées celles des assureurs en privant ainsi les fonctionnaires des garanties propres que leur assure le statut.

En outre, il convient d' interpréter la convention, qui, quant aux risques financiers que les assureurs se sont engagés à couvrir, renvoie aux obligations statutaires des Communautés, à la lumière de l' article 73 du statut et de la réglementation qui fixent ces obligations, pour autant que les stipulations de la convention n' excluent pas une telle interprétation.

3. L' obligation, inscrite à l' article 3, paragraphe 3, de la convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles du 28 janvier 1977, de communiquer aux assureurs les projets de décisions pouvant entraîner l' octroi d' une des garanties (frais médicaux ° invalidité ° décès) avant notification aux intéressés ne vise pas les décisions adoptées à la suite de la consultation d' une commission médicale.

4. Le contrôle juridictionnel de la régularité des avis émis par une commission médicale ne saurait s' étendre aux appréciations proprement médicales, qui doivent être tenues pour définitives dès lors qu' elles sont intervenues dans des conditions régulières, mais peut, en revanche, s' exercer sur la régularité de la constitution et du fonctionnement d' une telle commission ainsi que sur la régularité des avis qu' elle émet. A cet égard, la Cour est compétente pour examiner si l' avis de la
commission médicale contient une motivation permettant d' apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s' il existe un lien compréhensible entre les constatations médicales opérées par la commission et les conclusions auxquelles elle arrive.

Il en résulte que des griefs portant sur la régularité d' un avis émis par une commission médicale et formulés par les assureurs peuvent être examinés dans le cadre d' un litige soumis à la Cour sur la base de l' article 5 de la convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles.

5. La commission médicale, saisie dans le cadre de l' article 23 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladies professionnelles des fonctionnaires, ayant pour mission de porter en toute objectivité et indépendance son appréciation sur des questions médicales, doit disposer d' une entière liberté d' appréciation, de sorte que c' est à elle qu' il appartient de décider dans quelle mesure il convient de prendre en considération les rapports médicaux établis
préalablement.

6. Aux termes de l' article 25 de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, la reconnaissance d' une invalidité permanente totale ou partielle en application de l' article 73 du statut et de cette réglementation ne préjuge en aucune façon l' application de l' article 78 du statut et réciproquement. L' indépendance de ces deux procédures n' empêche pas que la commission médicale, dans le cadre de la procédure prévue par l'
article 73, tienne compte des conclusions sur lesquelles a débouché celle prévue par l' article 78.

7. Dans le cadre du régime mis en place par l' article 73, paragraphe 2, sous b), du statut, les articles 12 et 14 et l' annexe de la réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, il est possible de cumuler l' indemnité pour invalidité permanente totale et l' indemnité pour lésion ou défiguration permanente qui, tout en n' affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l' intégrité physique de la personne et crée un
préjudice réel à ses relations sociales.

Parties

Dans l' affaire C-76/95,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Currall, membre du service juridique, en qualité d' agent, assisté de Me Jean-Luc Fagnart, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

Royale belge SA, agissant pour elle-même ainsi qu' en tant que mandataire et prête-nom des Assurances Générales de France SA, de la Caisse nationale de Prévoyance, des Mutuelles du Mans, de l' Assurantie van de Belgische Boerenbond SA, de Hannover SA, de Securitas AG et de Condor, et représentée par Me François van der Mensbrugghe, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Albert Wildgen, 6, rue Zithe,

partie défenderesse,

ayant pour objet le paiement par les assureurs du capital dont la Commission serait redevable, en vertu de l' article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, envers un de ses fonctionnaires, en raison d' une maladie professionnelle,

LA COUR (sixième chambre),

composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, C. N. Kakouris et P. J. G. Kapteyn (rapporteur), juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 14 mars 1996,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 mars 1995, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu d' une clause compromissoire au sens de l' article 181 du traité CE, un recours visant au paiement par la Royale belge SA, agissant tant en son nom propre que comme mandataire de sept autres assureurs, à savoir les Assurances Générales de France SA, la Caisse nationale de Prévoyance, les Mutuelles du Mans, l' Assurantie van de Belgische Boerenbond SA, Hannover SA, Securitas AG
et Condor, toutes parties à une convention d' assurance collective conclue avec les institutions des Communautés européennes (ci-après les "assureurs"), d' un capital dont la Commission serait redevable, en vertu de l' article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le "statut"), envers un de ses fonctionnaires en raison d' une maladie professionnelle. La Commission réclame également des intérêts de retard à partir du 6 mai 1994, date de mise en demeure des assureurs.

Cadre réglementaire

2 En vertu de l' article 73, paragraphe 1, du statut, le fonctionnaire est couvert contre les risques de maladie professionnelle et les risques d' accident dans les conditions fixées par une réglementation établie d' un commun accord des institutions des Communautés. Aux termes du paragraphe 2, sous b), de cet article, les prestations garanties consistent, en cas d' invalidité permanente totale, dans le paiement à l' intéressé d' un capital égal à huit fois son traitement de base annuel calculé sur
la base des traitements mensuels alloués pour les douze mois précédant l' accident.

3 La réglementation relative à la couverture des risques d' accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la "réglementation"), visée par l' article 73 du statut, énonce, en son article 12, paragraphe 1, que, en cas d' invalidité permanente totale du fonctionnaire résultant d' un accident ou d' une maladie professionnelle, le capital prévu à l' article 73, paragraphe 2, sous b), du statut lui est versé.

4 L' article 14 de la réglementation prévoit l' octroi d' une indemnité au fonctionnaire pour toute lésion ou défiguration permanente qui, tout en n' affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l' intégrité physique de la personne et crée un préjudice réel à ses relations sociales. L' indemnité doit être déterminée par analogie avec les taux prévus aux barèmes d' invalidité visés à l' article 12.

5 Lesdits barèmes d' invalidité figurent en annexe à la réglementation sous l' intitulé "Barème des taux d' invalidité permanente partielle visés à l' article 12, paragraphe 2, de la réglementation ...". Cette annexe dispose à son dernier alinéa que "L' indemnité totale résultant de plusieurs invalidités provenant du même accident s' obtient par addition, sans pouvoir dépasser ni le capital intégral assuré pour l' invalidité permanente ou totale ni la somme partielle assurée pour la perte totale ou
la perte complète de l' usage du membre ou de l' organe lésé".

6 Selon l' article 17, paragraphe 1, de la réglementation, le fonctionnaire qui demande l' application de la réglementation pour cause de maladie professionnelle doit faire une déclaration à l' administration de l' institution dont il relève. Aux termes du paragraphe 2 du même article, l' administration procède alors à une enquête en vue de recueillir tous les éléments permettant d' établir la nature de l' affection, son origine professionnelle ainsi que les circonstances dans lesquelles elle s' est
produite. Au vu du rapport d' enquête, le ou les médecins désignés par les institutions émettent les conclusions prévues à l' article 19 de la réglementation.

7 L' article 19 de la réglementation prévoit que les décisions relatives à la reconnaissance de l' origine professionnelle de la maladie ainsi qu' à la fixation du degré d' invalidité permanente sont prises par l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l' "AIPN"), suivant la procédure prévue à l' article 21, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à
l' article 23.

8 L' article 21 de la réglementation oblige l' AIPN, avant qu' elle prenne une décision en vertu de l' article 19, à notifier au fonctionnaire le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l' institution. Le fonctionnaire peut, dans un délai de 60 jours, demander que la commission médicale prévue à l' article 23 donne son avis. Si, à l' expiration de ce délai, aucune demande de consultation de la commission médicale n' a été déposée, l' AIPN prend la décision
telle que le projet en a été notifié.

La convention d' assurance collective

9 En concluant avec les Communautés européennes la "convention d' assurance collective contre les accidents et les maladies professionnelles", du 28 janvier 1977 (ci-après la "convention"), les assureurs se sont engagés à couvrir, aux conditions de cette convention, les conséquences pécuniaires des obligations statutaires que les Communautés assument du fait des accidents et maladies professionnelles dont seraient victimes les personnes auxquelles s' appliquent les dispositions de l' article 73 du
statut ainsi que la réglementation prise en application de cet article. Cette couverture est acquise aux Communautés, seules bénéficiaires de la convention, auxquelles les assureurs verseront, tant en capital qu' en intérêts de retard, les indemnités découlant de l' application de ces dispositions réglementaires (article 1er de la convention).

10 Selon l' article 3, paragraphe 1, de la convention, les autorités administratives compétentes des Communautés conviendront avec les assureurs des dispositions pratiques touchant les informations sur la survenance des accidents et maladies professionnelles ainsi que sur la gestion des dossiers afin de permettre aux assureurs de suivre l' évolution des cas et de leur faciliter l' exercice des recours contre le tiers responsable et l' établissement des réserves auxquelles ils sont tenus en vertu de
la législation sur le contrôle des assurances. Aux termes de l' article 3, paragraphe 3, de la convention, les projets de décisions pouvant entraîner l' octroi d' une des garanties (frais médicaux-invalidité-décès) sont, selon les dispositions pratiques visées à l' article 3, paragraphe 1, communiqués préalablement pour avis aux assureurs avant notification aux intéressés par l' autorité compétente des Communautés.

11 L' article 5 de la convention énonce:

"Tout litige relatif à l' exécution du présent contrat ainsi que de ses annexes, à défaut de règlement amiable, pourra être soumis à la Cour de Justice des Communautés européennes.

Toutefois, les assureurs renoncent à recourir à cette voie judiciaire sur des litiges d' ordre médical, lorsque la décision de l' AIPN portant sur la liquidation des droits pécuniaires de la victime ou de ses ayants droit est conforme à l' avis préalablement exprimé par l' expert des assureurs ou à l' avis émis par la Commission médicale prévue à l' article 23 de la réglementation visée à l' article 1.1. lorsque l' expert des assureurs a été médecin-membre de cette Commission; en pareil cas, les
assureurs remboursent aux Communautés l' intégralité des sommes versées par celles-ci à la victime ou à ses ayants droit, en exécution de la décision sus-indiquée de l' AIPN ..."

12 Aux termes de l' article 10, paragraphe 2, de la convention, la société anonyme J. Van Breda & Co. International (ci-après "Van Breda") a été désignée comme intermédiaire.

13 Une lettre du 27 janvier 1989 adressée par Van Breda aux Communautés européennes (ci-après la "lettre du 27 janvier 1989") confirme un accord intervenu entre les assureurs et les Communautés européennes, en exécution de la convention, sur la procédure à appliquer aux accidents et maladies professionnelles survenant à partir du 1er février 1989.

14 Selon le point I de cette lettre, intitulé "Désignation des médecins", il est convenu que le médecin désigné par l' AIPN et agréé par les assureurs agit en qualité d' expert au sens de l' article 5 de la convention actuellement en vigueur et que ce médecin ne saurait être le médecin-conseil de l' institution. Ce point I ajoute que les décisions de l' AIPN étant prises en conformité avec l' avis émis par le médecin désigné par elle et agréé par les assureurs ne sont dès lors pas susceptibles de
recours de la part de ces derniers, en application de l' article 5 de la convention, à condition que ces décisions aient fait l' objet d' un accord de la part des assureurs conformément aux règles de procédure établies dans le point II de la lettre.

15 Selon le point II de la lettre du 27 janvier 1989, intitulé "Projets de décision ° Communication préalable aux assureurs ° Délai de réponse", le projet de décision, qui est communiqué préalablement pour avis aux assureurs conformément à l' article 3, paragraphe 3, de la convention, fait l' objet d' un accord ou, le cas échéant, d' un désaccord de la part des assureurs dans le délai le plus court possible à compter de sa transmission.

16 Par ailleurs, aux termes du point II de cette lettre, il est également convenu:

"a) ° les assureurs font de leur mieux pour confirmer leur accord, ou le cas échéant, leur désaccord sur le projet de décision dans un délai maximum d' un mois à partir de la transmission du projet de décision pour avis au courtier.

° Lorsque, à l' expiration du délai d' un mois, les assureurs n' ont pas confirmé leur accord ou, le cas échéant, leur désaccord, ils en communiquent la raison à l' AIPN (par exemple: demande d' information complémentaire adressée par eux au médecin, attente du dossier répressif demandé par eux, etc.) et le délai est renouvelé d' un mois.

° Lorsque les assureurs constatent qu' ils ne seront pas en mesure de confirmer leur accord ou, le cas échéant, leur désaccord avant l' expiration du délai renouvelé, ils proposent à l' AIPN et au courtier l' ouverture d' une procédure de concertation afin de déterminer les modalités de la poursuite de la gestion et le nouveau délai à respecter; celui-ci ne saurait excéder quatre moi

b) Le médecin désigné par l' AIPN et agréé par les assureurs transmet son avis simultanément à l' Institution et aux assureurs."

Faits du litige

17 Le 26 novembre 1990, M. X, fonctionnaire à la Commission des Communautés européennes, a introduit une demande pour que deux maladies qu' il aurait contractées pendant son service auprès des Communautés européennes soient reconnues comme des maladies professionnelles. Il s' agissait d' un cancer du poumon et d' une bronchite chronique asthmatiforme. Selon lui, ces maladies trouvaient leur origine dans l' exposition à l' amiante dans le bâtiment Berlaymont à Bruxelles.

18 Procédant à une enquête, l' administration a transmis, le 21 mai 1991, la demande, ainsi que d' autres documents y afférents, à Van Breda. Le 6 juin 1991, l' institution a demandé à Van Breda de lui faire connaître le nom du médecin auquel les assureurs souhaitaient confier l' examen de M. X. Le 3 juillet 1991, Van Breda a transmis le nom du docteur Dalem. A la demande de ce docteur, médecin désigné par l' institution, celle-ci a chargé le professeur Bartsch d' effectuer une expertise médicale.

19 Dans son rapport du 3 février 1992, cet expert est arrivé à la conclusion que M. X n' était pas atteint d' une maladie professionnelle. Tenant compte de cette expertise, le docteur Dalem a déposé le 14 février 1992 un rapport selon lequel il n' y avait pas état de maladie professionnelle.

20 Sur la base des conclusions émises par le médecin désigné, l' AIPN a, le 17 février 1992, notifié à M. X un projet de décision rejetant sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle. Le 23 février 1992, M. X a demandé que la commission médicale donne son avis et a chargé le docteur Cognigni de l' y représenter. Pour sa part, l' AIPN a, sur proposition des assureurs, désigné le professeur Brochard. Ces deux médecins ont désigné de commun accord le professeur Maltoni.

21 Le 25 février 1994, la commission médicale a établi et adopté son rapport à la majorité (le docteur Cognigni et le professeur Maltoni contre le professeur Brochard). Ce rapport concluait que le cancer broncho-pulmonaire dont était atteint M. X constituait une maladie professionnelle. De plus, l' invalidité permanente a été fixée à 100 % et, au vu de l' article 14 de la réglementation, une indemnité de 30 % a été accordée à M. X pour des signes permanents et des troubles psychologiques sévères. Le
professeur Brochard a exprimé son désaccord dans un rapport minoritaire daté du même jour. Selon lui, bien que le diagnostic de cancer bronchique ne puisse être exclu, la fibrose constatée n' était pas une asbestose. De plus, d' après le rapport minoritaire, l' exercice professionnel de M. X ne pouvait pas constituer la cause essentielle ou prépondérante de sa maladie.

22 Le 1er mars 1994, le professeur Maltoni a envoyé le rapport de la commission médicale à l' institution. Dans sa lettre d' accompagnement, il précisait que l' évaluation avait été fondée exclusivement sur des bases cliniques et scientifiques. Il invitait l' institution à prendre contact avec lui si elle avait besoin de détails supplémentaires sur le rapport. Le professeur Brochard a envoyé son rapport minoritaire à l' institution le 3 mars 1994. L' institution a transmis les deux rapports,
respectivement le 10 et le 18 mars 1994, à Van Breda qui les a communiqués aux assureurs.

23 Par lettre du 23 mars 1994, Van Breda a informé l' institution que les assureurs étudiaient les documents surtout sur le plan médical. Par lettre du 29 mars 1994, elle a ensuite fait savoir que les assureurs souhaitaient poser des questions complémentaires aux médecins de la commission médicale. Dans une lettre du 8 avril 1994, elle a enfin indiqué les différents points sur lesquels les assureurs souhaitaient réinterroger les membres de la commission médicale. Selon cette lettre, les assureurs
voulaient demander l' avis d' un collègue du docteur Dalem, en vue d' obtenir une formulation très précise des questions complémentaires qui devraient servir de base à une nouvelle saisine éventuelle de la commission médicale. Dans ces deux dernières lettres, Van Breda indiquait également que le délai renouvelé d' un mois visé dans la lettre du 27 janvier 1989 avait commencé à courir à partir du 29 mars 1994 et expirerait le 29 avril 1994.

24 Par lettre du 15 avril 1994, l' AIPN a informé M. X des conclusions de la commission médicale. Cette lettre disposait que l' AIPN était en mesure de lui "reconnaître le taux d' invalidité permanente totale de 130 % et qu' il s' agissait à ce stade de l' arbitrage définitif des questions de caractère médical soulevées par la reconnaissance de sa maladie professionnelle". Le 22 avril 1994, la somme de 25 794 194 BFR a été versée à M. X.

25 Par lettre du 6 mai 1994, la Commission a informé Van Breda qu' elle avait, en accord avec la décision majoritaire de la commission médicale, versé la somme susmentionnée à M. X Selon elle, le refus par les assureurs d' accepter la décision de la commission médicale ainsi que leur persistance à poser des questions complémentaires à cette commission apparaissaient comme une tentative, de la part des assureurs, d' esquiver leur responsabilité quant au remboursement auquel ils sont tenus en vertu
des termes de la convention. Dans sa lettre, la Commission considérait également les assureurs comme débiteurs des intérêts, à compter du 6 mai 1994, sur le capital versé à M. X.

26 Dans une lettre du 28 juillet 1994 à Van Breda, la Commission, tout en soulignant qu' elle n' avait jamais exprimé un refus explicite quant à la demande des assureurs de réinterroger les membres de la commission médicale, a constaté que, à défaut d' avoir transmis les questions complémentaires, les assureurs avaient renoncé à leur intention de saisir la commission médicale dont ils avaient donc accepté les conclusions.

27 Par lettre du 12 août 1994, Van Breda a répondu que, dès le début du mois de juin 1994, les assureurs étaient en possession d' une série de questions techniques qu' il leur paraissait indispensable de soumettre à la commission médicale. La décision de la Commission de reconnaître à M. X un taux d' invalidité permanente totale de 130 % et de verser le capital y correspondant aurait toutefois rendu l' envoi de ces questions à la commission médicale caduc.

28 Par lettre du 16 septembre 1994, la Commission a répondu que la décision de l' AIPN du 15 avril 1994 ainsi que le versement du capital à M. X n' empêchaient nullement les assureurs de poser toutes les questions complémentaires qu' ils auraient considérées comme nécessaires avant de prendre une décision sur le remboursement du capital.

29 Par lettre du 13 octobre 1994, Van Breda a fait savoir que les assureurs n' étaient pas en mesure de donner une suite favorable à la demande de remboursement. La Commission a alors décidé d' introduire le présent recours.

Conclusions des parties

30 La Commission conclut à ce qu' il plaise à la Cour de condamner les assureurs

° au paiement du capital dont la Commission est ou serait redevable, en vertu de l' article 73 du statut, envers M. X,

° au paiement des intérêts de retard à partir du 6 mai 1994, date de la mise en demeure des assureurs par la Commission,

° aux dépens de l' instance.

31 Les assureurs concluent à ce qu' il plaise à la Cour

à titre principal,

° déclarer la demande de la Commission non recevable ou, à tout le moins, non fondée,

° condamner la Commission à la totalité des dépens,

à titre subsidiaire,

° déclarer la demande de la Commission non recevable ou, à tout le moins, non fondée en tant qu' elle tend à la condamnation des assureurs à lui rembourser un capital supérieur au capital plafonné à 100 % du montant dû en cas d' incapacité totale permanente;

° statuer comme de droit quant aux dépens.

Sur la recevabilité

32 Le moyen relatif à la recevabilité du recours, soulevé par les assureurs, doit être rejeté à défaut de motivation et d' éléments dans le dossier qui permettent de le justifier.

Sur le fond

33 La Commission fonde sa demande de remboursement sur l' article 5, deuxième alinéa, de la convention, selon lequel, dès le moment où la décision de l' AIPN portant sur la liquidation des droits pécuniaires de la victime ou de ses ayants droit est conforme à l' avis émis par la commission médicale, l' expert des assureurs ayant été médecin membre de cette commission, les assureurs seraient obligés de rembourser aux Communautés l' intégralité des sommes versées par celles-ci à la victime ou à ses
ayants droit en exécution de la décision de l' AIPN.

34 Selon la Commission, il ressort des termes clairs de cette clause que les assureurs ne sauraient se prévaloir d' aucun moyen pour justifier leur refus de rembourser la somme versée à M. X, dès lors que les conditions y prévues sont réunies. Tel serait le cas en l' espèce: le capital aurait été versé en exécution d' une décision de l' AIPN qui était conforme à l' avis de la commission médicale dont l' un des membres était l' expert des assureurs. A défaut d' avoir introduit eux-mêmes un recours
devant la Cour, ils ne pourraient pas se fonder sur la distinction entre "litiges d' ordre médical" et "litiges d' ordre juridique" qu' établirait ladite clause et invoquer ainsi des moyens juridiques pour s' opposer à la demande de remboursement.

35 En revanche, les assureurs estiment que l' article 5, deuxième alinéa, de la convention est totalement étranger au présent litige qui serait d' ordre purement juridique. Ils avancent trois moyens juridiques pour justifier leur refus de remboursement. En premier lieu, lors de l' adoption de sa décision du 15 avril 1994 d' indemniser M. X, la Commission aurait violé ses obligations contractuelles en ce qu' elle n' aurait pas respecté la procédure prévue par la convention et dans la lettre du 27
janvier 1989. En deuxième lieu, le rapport de la commission médicale serait irrégulier, rendant ainsi également irrégulière la décision de la Commission, fondée sur ce rapport, de payer l' indemnité à M. X En troisième lieu et à titre subsidiaire, l' indemnité totale accordée à M. X n' aurait pu en aucun cas dépasser le plafond de 100 %.

36 Il y a lieu de constater tout d' abord que la décision contenue dans la lettre de l' AIPN du 15 avril 1994 est conforme à l' avis émis par la commission médicale et que l' expert des assureurs a été médecin membre de cette commission.

37 Toutefois, contrairement à ce que soutient la Commission, les assureurs sont toujours en droit d' avancer des moyens juridiques pour refuser le remboursement de la somme de 25 794 194 BFR que la Commission a versée à M. X en application de la décision du 15 avril 1994 reconnaissant l' invalidité professionnelle de M. X.

38 En effet, l' article 5, deuxième alinéa, de la convention, relatif aux litiges d' ordre médical, constitue une exception à la règle générale, énoncée à son premier alinéa, selon laquelle tout litige relatif à l' exécution de la convention et de ses annexes pourra, à défaut de règlement amiable, être soumis à la Cour de justice.

39 Il en résulte que les assureurs, n' ayant renoncé à recourir à la voie judiciaire que pour des litiges d' ordre médical, peuvent toujours contester l' existence d' une obligation de remboursement en invoquant des moyens d' un ordre autre que médical, même si, comme en l' espèce, les conditions décrites au point 36 sont remplies.

40 Contrairement à ce que prétend la Commission, la distinction entre les "litiges d' ordre médical" et les "litiges d' ordre juridique" est donc pertinente en l' espèce, et ce quelle que soit la partie contractante qui soumet le litige à la Cour. Il est, en effet, inconcevable que les parties contractantes aient eu l' intention de permettre aux assureurs de soulever, dans le cadre d' un litige devant la Cour, des moyens d' ordre médical en tant que défendeurs, alors que cette faculté leur serait
refusée en tant que demandeurs.

41 Il y a donc lieu d' examiner les trois moyens avancés par les assureurs pour justifier leur refus de remboursement.

42 Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon son article 1er, la convention a pour objet la couverture, aux conditions y prévues, des conséquences pécuniaires des obligations assumées par les Communautés à l' égard de leurs fonctionnaires en matière d' accidents et de maladies professionnelles, telles qu' elles sont fixées par l' article 73 du statut et la réglementation (ci-après les "obligations statutaires").

43 A cet égard, il convient de constater d' abord que les stipulations de la convention ne peuvent en aucune manière affecter les obligations statutaires d' une institution à l' égard de ses fonctionnaires.

44 Il est vrai que les assureurs ne se sont engagés à couvrir les conséquences pécuniaires des obligations statutaires qu' aux conditions prévues par la convention et qu' il n' est pas exclu, dès lors, que de telles conditions limitent la possibilité pour une institution de se faire rembourser par les assureurs les sommes dont elle est redevable en vertu de ses obligations statutaires.

45 Il ressort toutefois de la jurisprudence de la Cour qu' il ne saurait être admis qu' aux obligations statutaires soient substituées celles des assureurs en privant ainsi les fonctionnaires des garanties propres que leur assure le statut (voir, en ce sens, les arrêts du 16 juin 1971, Duraffour/Conseil, 18/70, Rec. p. 515, point 15, et du 16 mars 1978, Leonardini/Commission, 115/76, Rec. p. 735, point 11).

46 Il convient d' observer ensuite que la convention, qui, quant aux risques financiers que les assureurs se sont engagés à couvrir, renvoie aux obligations statutaires des Communautés, doit être interprétée à la lumière de l' article 73 du statut et de la réglementation qui fixent ces obligations, pour autant que les stipulations de la convention n' excluent pas une telle interprétation.

47 C' est à la lumière de ces considérations qu' il convient d' examiner les trois moyens avancés par les assureurs.

Quant à la prétendue violation de la procédure contractuellement prévue

48 Les assureurs reprochent en premier lieu à la Commission d' avoir adopté en tant qu' AIPN la décision du 15 avril 1994 sans respecter les règles contractuelles fixées par la convention, notamment son article 3, paragraphes 1 et 3, ni les procédures et dispositions pratiques, contenues dans la lettre du 27 janvier 1989.

49 Contrairement à ces règles et procédures, la Commission se serait abstenue d' adresser préalablement aux assureurs le projet de décision en cause. De plus, elle aurait notifié la décision à M. X dès le 15 avril 1994 et procédé ensuite à son exécution, sans même en informer préalablement les assureurs.

50 Cette argumentation soulève la question de savoir si, et dans quelle mesure, l' article 3, paragraphes 1 et 3, de la convention ainsi que la procédure visée à la lettre du 27 janvier 1989 s' appliquent en l' espèce.

51 Il n' est pas contesté que la Commission s' est acquittée de l' obligation, prévue à l' article 3, paragraphe 1, de communiquer aux assureurs les informations leur permettant de suivre l' évolution du dossier en cause.

52 En revanche, les assureurs font valoir que la Commission a manqué à son obligation, énoncée à l' article 3, paragraphe 3, de la convention, de communiquer un projet de décision fondé sur le rapport de la commission médicale du 25 février 1994, conformément à la procédure convenue dans la lettre du 27 janvier 1989.

53 Cette thèse des assureurs est fondée sur une interprétation erronée des dispositions de la convention et de la lettre du 27 janvier 1989.

54 En effet, il résulte des termes tant du point I que du point II, sous a), deuxième tiret, et du point II, sous b), de la lettre en cause que le projet de décision y visé est celui qui est rédigé par l' AIPN sur la base des conclusions émises par le médecin qu' elle a désigné et qui a été agréé par les assureurs.

55 Cette interprétation est corroborée par l' articulation de la procédure prévue aux articles 19 et 21 de la réglementation.

56 Il résulte de l' article 19 que les décisions relatives à la reconnaissance de l' origine professionnelle de la maladie sont prises par l' AIPN soit sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions, soit, si le fonctionnaire le requiert, après consultation d' une commission médicale.

57 Ce n' est que dans le premier cas qu' il est fait état, à l' article 21, d' un projet de décision que l' AIPN doit, avant de prendre une décision en vertu de l' article 19, notifier au fonctionnaire afin de lui permettre de demander, le cas échéant, la consultation d' une commission médicale dans un délai de 60 jours, et qui est susceptible d' être communiqué pour avis aux assureurs et de constituer, en cas de désaccord de leur part, l' objet de la concertation prévue au point II de la lettre du
27 janvier 1989.

58 En revanche, lorsqu' intervient la commission médicale dont les appréciations médicales proprement dites, émises dans des conditions régulières, doivent d' ailleurs être considérées comme définitives et ne peuvent être contestées tant que n' intervient pas un élément nouveau (voir, notamment, arrêts du 12 juin 1980, Schuerer/Commission, 107/79, Rec. p. 1845, point 10; du 19 janvier 1988, Biedermann/Cour des comptes, 2/87, Rec. p. 143, point 8, et du 18 février 1993, Tallarico/Parlement, T-1/92,
Rec. p. II-107, point 67), la réglementation ne prévoit pas la notification par l' AIPN d' un projet de la décision qui doit être prise sur la base des conclusions de cette commission.

59 Il résulte des considérations qui précèdent que le projet de décision visé à l' article 3, paragraphe 3, de la convention et dans la lettre du 27 janvier 1989 est celui préparé par l' AIPN sur la base des conclusions émises par le médecin ou les médecins désignés par elle et que, dès lors, la procédure contractuelle y prévue ne s' applique pas dans le cas d' espèce où la décision du 15 avril 1994 a été prise sur la base de l' avis de la commission médicale.

60 Il ne saurait être davantage reproché à la Commission d' avoir notifié, le 15 avril 1994, la décision à l' intéressé avant d' avoir reçu les questions que les assureurs souhaitaient poser à la commission médicale.

61 En effet, la Commission, qui avait transmis les conclusions de la commission médicale aux assureurs le 18 mars 1994, ne disposait, le 15 avril 1994, que de la lettre du 8 avril 1994 dans laquelle Van Breda indiquait les différents points sur lesquels les assureurs souhaitaient interroger les membres de la commission médicale et annonçait la communication d' un questionnaire à cette fin avant le 29 avril 1994.

62 Dans ces circonstances, la Commission, compte tenu des délais déjà écoulés dans le traitement du dossier et de l' état de santé de l' intéressé, aurait manqué aux obligations statutaires qui lui incombaient à l' égard de celui-ci, si elle avait reporté sa décision dans l' attente d' un tel questionnaire et des réponses éventuelles de la commission médicale.

63 Par ailleurs, l' adoption de la décision du 15 avril 1994 et le versement du capital à M. X ne font nullement obstacle à la poursuite de l' examen du dossier dans le cadre de la relation contractuelle entre les assureurs et les Communautés ni, notamment, à la contestation, par les assureurs, de l' existence d' une obligation de remboursement dans leur chef.

64 Au vu de ce qui précède, il y a lieu d' écarter le premier moyen invoqué par les assureurs.

Quant à l' irrégularité du rapport de la commission médicale

65 Les assureurs contestent en deuxième lieu la régularité des conclusions de la commission médicale. La décision du 15 avril 1994, fondée sur ces conclusions irrégulières, serait également irrégulière. De ce fait, la Commission se serait placée hors du champ d' application de la convention et se serait privée du droit de remboursement sur la base de celle-ci.

66 Il convient de rappeler d' abord que les assureurs ont renoncé à recourir à la voie judiciaire sur des litiges d' ordre médical, ainsi qu' il résulte de l' article 5, deuxième alinéa, de la convention. La convention renvoyant aux obligations statutaires des Communautés à l' égard des fonctionnaires, victimes des accidents et maladies professionnelles, il y a lieu d' interpréter la portée de cette renonciation à la lumière de la jurisprudence relative au contrôle juridictionnel de la régularité
des avis émis par des commissions médicales.

67 Selon cette jurisprudence, l' examen de la Cour ne saurait s' étendre aux appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives lorsqu' elles sont intervenues dans des conditions régulières. Son contrôle juridictionnel ne peut s' exercer que sur la régularité de la constitution et du fonctionnement d' une telle commission, ainsi que sur la régularité des avis qu' elle émet. Sous cet aspect, la Cour est compétente pour examiner si l' avis contient une motivation
permettant d' apprécier les considérations sur lesquelles sont fondées les conclusions qu' il contient (arrêt du 12 janvier 1983, K./Conseil, 257/81, Rec. p. 1, point 17) et s' il a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales qu' il comporte et les conclusions auxquelles aboutit la commission médicale (arrêts du 10 décembre 1987, Jaensch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 15, et du 27 février 1992, Plug/Commission, T-165/89, Rec. p. II-367, point 75).

68 Il en résulte que des griefs portant sur la régularité du rapport du 25 février 1994 de la commission médicale peuvent être examinés dans le cadre d' un litige soumis à la Cour sur la base de l' article 5 de la convention.

69 Toutefois, en l' occurrence, il ressort du dossier que les assureurs ont eu la possibilité de faire réinterroger par la Commission les membres de la commission médicale sur certains aspects des considérations et de la motivation de l' avis de celle-ci qu' ils trouvaient critiquables. Or, ils se sont contentés d' annoncer cette intention sans y donner suite, manquant ainsi l' occasion d' obtenir des précisions et des éclaircissements sur les points de l' avis qu' ils considéraient comme douteux ou
irréguliers.

70 Dans ces conditions, la Commission doit être en droit de demander le remboursement du capital versé à M. X à la suite de sa décision fondée sur le rapport de la commission médicale, dans la mesure où ce rapport n' est pas entaché d' irrégularités manifestes.

71 C' est en tenant compte de ces considérations que doivent être examinés les trois griefs formulés par les assureurs à l' encontre du rapport de la commission médicale.

72 Par leur premier grief, les assureurs font valoir que, dès lors que les rapports antérieurs tant du docteur Dalem que du professeur Bartsch et le rapport minoritaire du professeur Brochard n' y sont pas réfutés, l' avis adopté par la commission médicale ne contient aucune explication quant à la contradiction patente entre ses propres conclusions et les conclusions contenues dans lesdits rapports, bien que ces dernières soient fondées sur des considérations scientifiquement étayées et développées.
Les conclusions de la commission médicale seraient dès lors entachées d' une insuffisance de motivation qui entraînerait leur irrégularité.

73 A cet égard, il y a lieu de rappeler d' abord que, selon une jurisprudence constante, la mission qui incombe à la commission médicale de porter en toute objectivité et indépendance une appréciation sur des questions médicales exige que sa liberté d' appréciation soit entière. Il appartient par conséquent à cette commission de décider dans quelle mesure il convient de prendre en considération les rapports médicaux établis préalablement (arrêt Biedermann/Cour des comptes, précité, point 19).

74 En l' espèce, il n' apparaît pas de l' avis de la commission médicale qu' elle n' ait pas pris en considération les opinions des trois experts. Au contraire, outre qu' il se réfère expressément au dossier de la Commission qui contient les opinions du docteur Dalem et du professeur Bartsch, la présence du professeur Brochard lui-même dans la commission médicale confirme, ainsi que l' a souligné M. l' avocat général au point 28 de ses conclusions, la thèse de la Commission selon laquelle la
commission médicale a pris en compte l' opinion de ce médecin ainsi que les rapports précédents des deux autres experts. Il résulte, par ailleurs, du dossier que le rapport minoritaire du professeur Brochard est fondé en partie sur des considérations semblables à celles de ces deux autres experts.

75 De plus, étant donné que le rapport médical expose, en renvoyant à des analyses effectuées en laboratoire, que M. X est atteint d' un cancer broncho-pulmonaire et que l' examen de son tissu pleuro-pulmonaire a révélé la présence de formes d' amiante en certains dosages, il ne saurait lui être reproché de ne contenir aucune explication de la divergence entre ses conclusions et celles des autres experts intervenus.

76 Ce grief ne saurait dès lors être retenu.

77 Par leur deuxième grief, les assureurs font valoir que la commission médicale n' a pas motivé de façon satisfaisante la conclusion selon laquelle M. X était atteint d' une maladie d' origine asbestosique dans la mesure où elle s' est fondée sur le seul fait de l' exposition aux fibres d' amiante et de la présence de ces fibres dans le poumon de l' intéressé, alors que, dans l' état actuel de la science médicale, ces constatations n' autorisent pas une telle déduction.

78 Ce grief ne saurait davantage être retenu.

79 Il convient en effet de relever que, dans son avis, la commission médicale a considéré que M. X était atteint d' un cancer broncho-pulmonaire, associé à une fibrose, y compris de siège septal, qui, sur la base des faits détaillés, devait être considéré comme une maladie professionnelle.

80 En établissant son diagnostic du cancer broncho-pulmonaire sur la base des résultats d' un examen effectué antérieurement et de son propre réexamen des lames et en se fondant, parmi d' autres considérations de faits circonstanciées, sur la présence de différentes formes d' amiante dans le tissu pleuro-pulmonaire ainsi que sur l' exposition à l' amiante pour conclure à l' origine professionnelle de la maladie dont est atteint M. X, la commission médicale a suffisamment motivé ses conclusions.

81 Les assureurs soutiennent que cette conclusion de la commission médicale ne peut pas, dans l' état actuel de la science médicale, être fondée sur les constatations qu' elle a faites.

82 Or, les questions relatives à l' origine d' une maladie sont, par définition, de nature médicale (arrêt du 4 octobre 1991, Commission/Gill, C-185/90 P, Rec. p. I-4779, point 25).

83 Il en résulte qu' il n' appartient pas à la Cour d' étendre son contrôle à ces appréciations de la commission médicale qui doivent être tenues pour définitives dès lors qu' elles sont intervenues dans des conditions régulières.

84 Dans leur troisième grief, les assureurs critiquent l' avis de la commission médicale en ce que celle-ci a retenu une invalidité permanente de 100 % sans indiquer si elle s' était référée au barème annexé à la réglementation ni quelles bases de calcul l' avaient conduite à retenir un tel taux.

85 A cet égard, il convient d' observer que l' invalidité permanente et totale avait déjà été établie par la commission d' invalidité dans le cadre de la procédure prévue par l' article 78 du statut et que le recours à la procédure de l' article 73 visait à déterminer si M. X était atteint d' une maladie professionnelle.

86 Or, s' il est vrai que, aux termes de l' article 25 de la réglementation, la reconnaissance d' une invalidité permanente totale ou partielle en application de l' article 73 du statut et de la réglementation ne préjuge en aucune façon l' application de l' article 78 du statut et réciproquement, l' indépendance de ces deux procédures n' empêche pas, ainsi que l' a souligné M. l' avocat général au point 29 de ses conclusions, que la commission médicale, dans le cadre de la procédure prévue par l'
article 73, tienne compte des conclusions sur lesquelles a débouché celle prévue par l' article 78.

87 Ce grief doit donc également être rejeté.

Quant à l' allocation d' une indemnité de 130 %

88 En troisième lieu et à titre subsidiaire, les assureurs font valoir, sur la base du dernier alinéa du barème figurant en annexe de la réglementation, que l' indemnité totale accordée à M. X ne pourrait en aucun cas dépasser le plafond de 100 % et que, dès lors, la décision de la Commission est illégale dans la mesure où elle accorde une indemnité de 130 %.

89 Ce moyen est fondé sur une interprétation erronée du dernier alinéa dudit barème.

90 En effet, cet alinéa se réfère explicitement au cumul de plusieurs invalidités provenant du même accident, à savoir les indemnités visées à l' article 12, paragraphe 2, de la réglementation, et ne concerne donc pas l' indemnité qui, en vertu de l' article 14 de la réglementation, peut être accordée au fonctionnaire pour toute lésion ou défiguration permanente qui, tout en n' affectant pas sa capacité de travail, constitue une atteinte à l' intégrité physique de la personne et crée un préjudice
réel à ses relations sociales. C' est seulement par analogie que l' article 14, deuxième alinéa, renvoie aux taux prévus par le barème d' invalidité et visés à l' article 12, paragraphe 2.

91 Au vu de l' ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que les assureurs ne sont pas fondés à refuser d' indemniser la Commission du montant que cette dernière a versé à M. X au titre de l' article 73 du statut.

92 En conséquence, il convient de condamner les assureurs à payer à la Commission la somme de 25 794 194 BFR, majorée des intérêts au taux de 8 % à compter du 6 mai 1994, date à laquelle ils ont été mis en demeure par cette institution.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

93 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu dans ce sens. Les défenderesses ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre)

déclare et arrête:

1) La SA Royale belge, les Assurances Générales de France SA, la Caisse nationale de Prévoyance, les Mutuelles du Mans, l' Assurantie van de Belgische Boerenbond SA, Hannover SA, Securitas AG et Condor sont condamnées au paiement, à la Commission, de la somme de 25 794 194 BFR, majorée des intérêts au taux de 8 % à compter du 6 mai 1994.

2) La SA Royale belge, les Assurances Générales de France SA, la Caisse nationale de Prévoyance, les Mutuelles du Mans, l' Assurantie van de Belgische Boerenbond SA, Hannover SA, Securitas AG et Condor supporteront les dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-76/95
Date de la décision : 24/10/1996
Type d'affaire : Clause compromissoire

Analyses

Fonctionnaires - Assurance accidents et maladies professionnelles.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Royale belge SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : La Pergola
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1996:406

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