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27/06/1996 | CJUE | N°C-192/95

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 27 juin 1996., Société Comateb (C-192/95), Société Panigua (C-193/95), Société Edouard et fils (C-194/95), Société de distribution de vins et liqueurs (C-195/95), Etablissements André Haan (C-196/95), Société Diffusion générale de quincaillerie (C-197/95), Société Diffusion générale (C-198/95), Société Cama Renault (C-199/95), Scp Ovide et Dorville (C-200/95), Société Ducros Guadeloupe (C-201/95), Société Comptoir commercial Caraïbes (C-202/95), Société Giafa (C-203/95), Société LVS (C-204/95), Société Catherine et Jean-Claude Tabar Nouval (C-205/95), Société L'Heure et L'Or (C-206/95), Société Général bazar bricolage (C-207/95), Société Grain d'or (C-208/95), Société Cash Service (C-209/95), Etablissements Efira (C-210/95), Société Farandole (C-211/95), Société Carat (C-212/95), Société Rio (C-213/95), Société guadeloupéenne de distribution moderne (SGDM) (C-214/95), Martinique automobiles SA (C-215/95), Socovi SARL (C-216/95), Etablissements Gabriel Vangour et Cie SARL (C-217/95), Simat Guadeloupe SARL (C-218/95) contre Directeur général des douanes et droits indirects., 27/06/1996, C-192/95


Avis juridique important

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61995C0192

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 27 juin 1996. - Société Comateb (C-192/95), Société Panigua (C-193/95), Société Edouard et fils (C-194/95), Société de distribution de vins et liqueurs (C-195/95), Etablissements André Haan (C-196/95), Société Diffus

ion générale de quincaillerie (C-197/95), Société Diffusion générale (C-198/95),...

Avis juridique important

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61995C0192

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 27 juin 1996. - Société Comateb (C-192/95), Société Panigua (C-193/95), Société Edouard et fils (C-194/95), Société de distribution de vins et liqueurs (C-195/95), Etablissements André Haan (C-196/95), Société Diffusion générale de quincaillerie (C-197/95), Société Diffusion générale (C-198/95), Société Cama Renault (C-199/95), Scp Ovide et Dorville (C-200/95), Société Ducros Guadeloupe (C-201/95), Société Comptoir commercial Caraïbes (C-202/95),
Société Giafa (C-203/95), Société LVS (C-204/95), Société Catherine et Jean-Claude Tabar Nouval (C-205/95), Société L'Heure et L'Or (C-206/95), Société Général bazar bricolage (C-207/95), Société Grain d'or (C-208/95), Société Cash Service (C-209/95), Etablissements Efira (C-210/95), Société Farandole (C-211/95), Société Carat (C-212/95), Société Rio (C-213/95), Société guadeloupéenne de distribution moderne (SGDM) (C-214/95), Martinique automobiles SA (C-215/95), Socovi SARL (C-216/95),
Etablissements Gabriel Vangour et Cie SARL (C-217/95), Simat Guadeloupe SARL (C-218/95) contre Directeur général des douanes et droits indirects. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris - France. - Octroi de mer - Répétition de l'indu - Obligation de répercussion de l'impôt - Départements d'outre-mer. - Affaires jointes C-192/95 à C-218/95.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-00165

Conclusions de l'avocat général

1 Les 27 renvois préjudiciels opérés par le tribunal d'instance de Paris, qui correspondent à autant de procédures pendantes devant cette juridiction et qui contiennent tous une seule et même question, offrent à la Cour l'occasion d'approfondir certains aspects de sa jurisprudence en matière de répétition de l'indu, en particulier en ce qui concerne la portée et l'incidence du critère de la répercussion sur le droit des particuliers à la restitution de taxes indûment perçues par l'État.

Le juge national demande, en effet, à la Cour si la circonstance qu'un État membre s'oppose à la restitution d'une taxe perçue en violation du droit communautaire, motif pris de la répercussion de cette taxe sur l'acheteur, peut être considérée comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention du remboursement, alors que c'est la législation même de cet État membre qui oblige l'entreprise à incorporer ladite taxe dans le prix de revient de la marchandise
vendue.

2 La taxe litigieuse n'est pas nouvelle pour la Cour, puisqu'il s'agit de celle connue sous le nom d'«octroi de mer», charge pécuniaire perçue dans les DOM français sur les marchandises introduites dans ces territoires, indépendamment de leur provenance et de leur origine, qui peut être un autre État membre de la Communauté, un pays tiers ou même une région française.

Comme on s'en souvient, la Cour a qualifié l'octroi de mer de taxe d'effet équivalant à un droit de douane dans l'arrêt Legros e.a. (1) (points 10 à 18). Les effets de cet arrêt ont cependant été limités dans le temps (points 28 à 36), de sorte que l'incompatibilité de l'octroi de mer avec le traité ne pouvait pas, et ne peut toujours pas, être invoquée à l'appui de demandes visant à obtenir la restitution des taxes d'octroi de mer payées avant le prononcé de cet arrêt, sauf par ceux ayant, avant
cette date, introduit un recours en justice ou soulevé une réclamation équivalente.

3 Ensuite, dans l'arrêt Lancry e.a. (2), la Cour s'est prononcée, d'une part, sur l'incompatibilité de l'octroi de mer avec le traité, même lorsqu'il est perçu sur des marchandises ayant pour origine et pour provenance d'autres régions de ce même État et, d'autre part, sur l'invalidité de la décision 89/688/CE (3) du Conseil - adoptée avant l'arrêt Legros e.a. - en tant qu'elle autorisait la République française à proroger le régime de l'octroi de mer jusqu'au 31 décembre 1992.

Toutefois, la Cour n'a pas fait droit à la demande du gouvernement français tendant à obtenir la limitation dans le temps des effets de cet arrêt. En effet, elle a affirmé, à cet égard: «le gouvernement français ne pouvait pas, après le 16 juillet 1992, date de l'arrêt Legros e.a., continuer raisonnablement à estimer que la législation nationale en la matière était conforme au droit communautaire. En outre, les intérêts des collectivités locales sont suffisamment protégés par la limitation dans le
temps énoncée dans l'arrêt Legros e.a. Il n'y a pas lieu dès lors de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.» (4)

4 En d'autres termes, la limitation dans le temps décidée dans l'arrêt Legros e.a. s'applique aussi à des demandes de restitution des montants perçus, à titre d'octroi de mer, entre l'entrée en vigueur de la décision du 22 décembre 1989 et le 16 juillet 1992, date du prononcé de cet arrêt. En revanche, si les taxes d'octroi de mer ont également été perçues après cette date, elles doivent pouvoir être restituées aux opérateurs économiques qui les ont payées - naturellement, lorsque les conditions de
cette restitution sont réunies.

Les litiges qui sont à l'origine de la présente affaire concernent, précisément, la restitution des taxes d'octroi de mer perçues après le 16 juillet 1992, restitution refusée par les autorités douanières compétentes sur la base des dispositions pertinentes du droit français, qu'il convient donc de rappeler ici.

5 Aux termes de l'article 352 bis du code des douanes, tel que modifié par l'article 24-II de la loi du 30 décembre 1986, «lorsqu'une personne a indûment acquitté des droits et taxes nationaux recouvrés selon les procédures du présent code, elle peut en obtenir le remboursement à moins que les droits et taxes n'aient été répercutés sur l'acheteur».

Pour les besoins de la cause, il convient aussi de rappeler l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963, tel que modifié par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Cet article prévoit, en effet, des sanctions (amendes de 5 000 à 100 000 FF) à l'encontre de ceux qui revendent un produit à un prix inférieur à son prix d'achat effectif. Cette même disposition définit ensuite le prix d'achat effectif comme étant «le prix porté sur la facture d'achat, majoré des taxes sur le chiffre d'affaires,
des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport». Cela signifie que la vente à perte est interdite et que les marchandises ne peuvent donc pas être vendues à un prix inférieur à leur prix de revient.

6 Venons-en aux faits. La société Comateb et les autres parties demanderesses dans les affaires au principal sont toutes des sociétés qui ont payé l'octroi de mer sur des marchandises introduites en Guadeloupe et provenant d'autres États membres ou d'une autre partie du territoire français. A la suite de l'arrêt Lancry e.a., elles ont demandé la restitution des sommes indûment versées à l'administration des douanes entre le 17 juillet et le 31 décembre 1992. Le directeur des douanes fait valoir,
pour sa part, que, par application de l'article 352 bis du code des douanes, les taxes d'octroi de mer litigieuses ne peuvent pas donner lieu à un remboursement, ayant été répercutées sur l'acheteur.

Appelé à résoudre un tel contentieux, le tribunal d'instance de Paris a estimé nécessaire, pour chacune des affaires pendantes devant lui, d'opérer un renvoi préjudiciel à la Cour. Il demande, en substance, si le refus de restituer une taxe perçue en violation du droit communautaire, au motif que celle-ci a été répercutée sur l'acheteur des produits, alors que c'est la législation même de l'État membre concerné qui oblige les entreprises à incorporer ladite taxe dans le prix de revient de la
marchandise vendue, doit être considéré comme étant de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention du remboursement.

7 A ce stade, il est utile de préciser que, comme permet de le constater l'ordonnance de renvoi, le juge national est catégorique lorsqu'il affirme que «l'octroi de mer litigieux a été répercuté sur les acheteurs». Sur ce point, il relève, en outre, que les demanderesses elles-mêmes n'ont pas contesté la réalité de la répercussion sur les acheteurs de leurs produits.

La circonstance que la législation française oblige le contribuable à ajouter la taxe litigieuse au prix d'acquisition des produits nécessaires à son activité, et donc ensuite au prix de revient de la marchandise vendue, implique, en effet, selon le juge national, que cette législation «prévoit la perception de la taxe en amont sans déduction possible en aval, faute de facturation distincte telle que celle-ci existe en matière de TVA, et impose la répercussion sur laquelle l'administration fiscale
se fonde pour contester le remboursement». Le juge national en vient ainsi à conclure que «la législation française apparaî(t) avoir créé les conditions de la répercussion - et donc du non-remboursement».

8 Si le problème était posé en ces termes, c'est-à-dire en donnant pour acquise l'existence de la répercussion en aval de la taxe perçue en violation du droit communautaire, il resterait à déterminer si la circonstance que la répercussion a eu lieu est de nature à faire disparaître le droit à la répétition de l'indu ou si, eu égard aux caractéristiques particulières de l'espèce, un système aménagé de la sorte est incompatible avec le droit communautaire du seul fait qu'il rend pratiquement
impossible le remboursement des sommes indûment perçues par l'administration.

Toutefois, le gouvernement français et la Commission ont soutenu dans leurs observations écrites - et répété à l'audience - que l'obligation d'incorporer l'octroi de mer dans le prix de revient n'implique nullement, ou, en tout cas, pas automatiquement, qu'il y ait eu répercussion effective sur l'acheteur des produits (5). Et cela, essentiellement, parce qu'une entreprise peut parfaitement choisir, pour des raisons liées à sa stratégie commerciale, de diminuer sa marge bénéficiaire plutôt que de
répercuter la taxe.

Une telle construction est indubitablement juste sur un plan abstrait, mais nettement en opposition avec la réalité, dans la mesure où elle postule une distinction qui se révèle impossible dans la pratique. En effet, dans le montant unique payé par le tiers, comment distinguer ce qui correspond à des coûts et à des frais de ce qui correspond au bénéfice de l'importateur? En outre, comme il est constant, en l'espèce, que le prix de revient du produit considéré inclut (de par la loi) l'octroi de mer
et que le prix de vente est composé du prix de revient et du bénéfice de l'importateur, comment vérifier si ce dernier a entendu prendre totalement ou partiellement à sa charge l'octroi de mer litigieux, en réduisant en contrepartie sa marge bénéficiaire?

9 Un minimum de réalisme impose, en vérité, de reconnaître dès à présent que la voie indiquée par la Commission et le gouvernement français est impossible à suivre. L'interdiction de vente à perte, imposée par la législation française, rend par trop manifeste que le prix de vente d'un produit inclut nécessairement la charge de l'octroi de mer, comme tous les autres coûts. Il s'ensuit qu'il apparaît comme une entreprise ardue et vaine de vouloir aller à la recherche de l'intention de chaque opérateur
économique, afin de vérifier s'il a entendu réduire sa marge ou répercuter la totalité de la taxe indûment payée.

Il ne nous semble pas davantage possible de mettre à exécution l'idée, également soutenue par la Commission, que, pour vérifier si la répercussion a eu lieu ou non, le juge national pourrait faire appel à un expert afin de déterminer si la marge bénéficiaire de l'opérateur concerné correspond à ce qui est admis comme étant une marge normale (nous nous demandons, d'ailleurs, s'il s'agit de normale par rapport à une moyenne des profits réalisés par d'autres opérateurs du même secteur, ou de normale
dans le sens de non excessive). De toute évidence, dans une économie de marché, le profit dépend de facteurs variables; en établir la normalité ne peut prouver quoi que ce soit, et l'existence ou l'absence de répercussion moins que toute autre chose.

Si l'on veut cerner la réalité, il faut donc reconnaître que les expédients en question, loin de prouver l'existence ou l'absence de répercussion, paraissent plutôt de nature à vider de toute substance le droit à la restitution d'une taxe indûment perçue par l'administration.

10 Dans ces circonstances, il nous semble que, non seulement l'affirmation du juge national selon laquelle «il est constant que l'octroi de mer litigieux a été répercuté sur les acheteurs» est fondée sur la situation juridique qui caractérise le cas d'espèce, mais qu'elle tient également compte d'une situation de fait qui se vérifie dans toutes les hypothèses dans lesquelles le droit ou la taxe non dû est une imposition indirecte sur les cessions de biens: l'impossibilité de distinguer, à
l'intérieur du prix de vente d'un produit, entre les coûts et le profit. A supposer même que l'opérateur considéré ait entendu diminuer sa marge bénéficiaire, il demeure, en effet, que le prix de vente comprend aussi la taxe indûment perçue par l'administration.

A partir d'une telle constatation, il ne nous semble pas que les solutions possibles soient nombreuses: on peut soit considérer que la taxe en question a été répercutée en aval, ce qui est «vraisemblable» dans la mesure où, par définition, elle est comprise dans le prix de vente, soit admettre qu'il est tout aussi impossible à l'administration de prouver que la répercussion a eu lieu qu'à l'importateur de prouver qu'elle n'a pas eu lieu; dans ce cas, il faudra choisir de privilégier l'un ou l'autre.
Un tel choix, s'il est opéré en faveur de l'administration, impliquera une présomption de répercussion qui videra de toute substance le droit à la répétition de l'indu; s'il est, au contraire, opéré en faveur de l'importateur, il impliquera que ce dernier ait toujours, et en tout état de cause, droit à la répétition de l'indu. Dans les deux cas, la conclusion sera la même: la répercussion n'a - ni ne devrait avoir - aucune incidence pour la restitution.

Pour revenir au cas de l'espèce, nous estimons que la Cour ne peut pas faire abstraction des appréciations de droit et de fait qui ont conduit le juge de renvoi à conclure que la taxe en question avait été répercutée sur les acheteurs des produits, appréciations d'ailleurs indiquées de manière précise et exhaustive dans l'ordonnance de renvoi. Le point de départ de notre analyse est donc l'idée qu'une répercussion sur les acheteurs a eu lieu, et non l'idée, suggérée par la Commission, que
l'incorporation d'un montant correspondant à celui de l'octroi de mer dans le prix de revient ne prouve pas que ladite répercussion a effectivement eu lieu. D'autre part, dans la perspective de la première conclusion à laquelle nous étions parvenu, à savoir qu'il n'est pas possible - en tout cas, pas dans une situation telle que celle qui nous occupe - de prouver que la répercussion a eu lieu ou non, les données du problème ne seraient pas sensiblement différentes, même si l'on adoptait le point de
vue de la Commission.

11 Cela dit, il nous paraît utile d'évoquer, avant tout, la jurisprudence de la Cour en matière de répétition de l'indu, en commençant par rappeler que «le droit d'obtenir le remboursement de taxes percues par un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires interdisant les taxes d'effet équivalant aux droits de douane ou, selon le cas, l'application discriminatoire de taxes
intérieures» (6).

Le fondement du droit à la restitution des sommes indûment perçues par l'administration est donc lié à l'effet direct des règles pertinentes du droit communautaire et à l'effectivité de la protection des positions juridiques individuelles créées par ces règles. Or, il n'est que trop évident que cette protection ne serait pas effective si l'arrêt déclarant une taxe illégale, parce que perçue en violation d'une règle communautaire d'effet direct, ne s'accompagnait pas de la possibilité, pour le
justiciable, d'obtenir le remboursement de ladite taxe.

12 Nous rappellerons également que, selon une jurisprudence constante, en l'absence de règles communautaires spécifiques (harmonisées) régissant la matière, le droit au remboursement doit être exercé devant les juges nationaux - auxquels «est confié le soin d'assurer la protection juridique découlant, pour les justiciables, de l'effet direct des dispositions du droit communautaire» (7) - selon les modalités déterminées par les règles nationales. Ces dernières ne peuvent, cependant, «être moins
favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne» ni aboutir à rendre «impossible l'exercice de droits que les juridictions nationales ont l'obligation de sauvegarder» (8).

Cela étant, s'il est exact que la restitution de taxes payées en violation du droit communautaire trouve sa raison d'être dans l'effectivité des dispositions pourvues d'effet direct et s'il est également exact que les règles et modalités prévues en la matière par les droits nationaux ne doivent pas aboutir à rendre pratiquement impossible le droit conféré par une règle communautaire, il serait logique d'en déduire que la personne qui demande le remboursement doit prouver l'illégalité de la taxe et
le fait qu'elle l'a payée, et rien de plus. La Cour a toutefois reconnu dans sa jurisprudence que le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce qu'un système juridique national refuse une restitution de taxes indûment perçues lorsque celle-ci entraînerait un enrichissement sans cause des ayants droit, en particulier «lorsqu'il est tabli que la personne astreinte au paiement de ces droits les a effectivement répercutés sur d'autres sujets» (9). Une condition supplémentaire est ainsi imposée à
celui qui demande le remboursement: la preuve que la taxe n'a pas été répercutée en aval.

13 C'est dans l'arrêt Just (10) que la Cour a affirmé, pour la première fois, que le droit communautaire «n'exige pas d'accorder une restitution de taxes indûment percues dans des conditions qui entraîneraient un enrichissement sans cause des ayants droit» et que cela «n'exclut pas qu'il soit tenu compte du fait que la charge [de ces] taxes ... a pu être répercutée sur d'autres opérateurs économiques ou sur les consommateurs».

Pour mieux comprendre les motifs qui ont conduit la Cour à une telle conclusion, il nous paraît utile de rappeler que, dans l'affaire en question, elle avait notamment été invitée à se prononcer sur la compatibilité, avec le droit communautaire, de la pratique jurisprudentielle danoise qui, en présence de demandes de remboursement de taxes payées mais non dues, consiste précisément à prendre en considération le fait que ces taxes ont été incorporées dans le prix des biens et répercutées sur les
acheteurs en aval. Cette pratique remonte à un arrêt du Højesteret de 1952 (11), dans lequel cette juridiction avait refusé le remboursement demandé par une entreprise de meunerie en retenant que la taxe indûment perçue avait été répercutée sur les acheteurs de pain, ce qui était prouvé par la circonstance que le prix de ce produit était fixé par l'autorité publique, laquelle l'avait augmenté - après l'introduction de la taxe ultérieurement déclarée illégale - d'un montant égal à celui de cette
taxe.

14 L'absence de droit à la répétition de l'indu, décidée par le juge danois, était donc liée à l'hypothèse particulière d'un prix de vente autoritairement imposé, d'une part, et augmenté, d'autre part, d'un montant égal à celui de la taxe (illégale) dont le remboursement était demandé. La situation dont il s'agissait dans l'affaire Just était très différente; néanmoins, comme nous l'avons vu, la Cour a admis, en termes généraux, que le droit communautaire ne s'oppose pas à ce que la répercussion
éventuelle sur les acheteurs soit prise en considération aux fins de la répétition de l'indu.

Or, c'est précisément sous cet aspect que l'arrêt Just a été vivement critiqué par la doctrine (12). Non seulement celle-ci a mis en évidence qu'avait ainsi été érigée en principe une possibilité prévue dans le seul ordre juridique danois et, d'ailleurs, dans des circonstances exceptionnelles et bien définies (13), mais elle a aussi contesté que la répercussion, si elle est effectuée, entraîne un enrichissement sans cause de l'opérateur économique ayant payé la taxe indue et, en tout cas, qu'elle
puisse être considérée comme de nature à faire disparaître la raison d'être de la répétition de l'indu. A cet égard, il a notamment été observé que, «s'il y a enrichissement sans cause, c'est plutôt au bénéfice de l'autorité publique (accipiens) qui a perçu la taxe illicite, puisque la base légale sur laquelle la perception a été effectuée est mise postérieurement à néant, ce qui lui fait perdre toute cause» (14).

15 Nous reviendrons ultérieurement sur cet aspect. A ce stade, ce qu'il est important de rappeler, c'est que la jurisprudence ultérieure, tout en répétant que les États membres sont autorisés à refuser la restitution de taxes indûment perçues lorsque celle-ci entraînerait un enrichissement sans cause des ayants droit, a apporté des précisions significatives en ce qui concerne les modalités de preuve de la répercussion, précisions qui, en pratique, en réduisent considérablement l'incidence sur le
droit à la répétition de l'indu.

En effet, la Cour a affirmé, dans l'arrêt San Giorgio, que «seraient incompatibles avec le droit communautaire toutes modalités de preuve dont l'effet est de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention du remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire. Tel est le cas notamment de présomptions ou de règles de preuve qui visent à rejeter sur le contribuable la charge d'établir que les taxes indûment payées n'ont pas été répercutées sur d'autres sujets, ou
de limitations particulières en ce qui concerne la forme des preuves à rapporter, comme l'exclusion de tout mode de preuve autre que la preuve documentaire» (15). Dans le même arrêt, la Cour a ajouté que, «dans une économie de marché fondée sur la liberté de concurrence, la question de savoir si et dans quelle mesure une charge fiscale imposée à l'importateur a pu être effectivement répercutée sur les échelons économiques successifs comporte une marge d'incertitude qui ne saurait être imputée
systématiquement à la personne astreinte au paiement d'une taxe contraire au droit communautaire» (16).

16 Les décisions qui viennent d'être évoquées mettent en évidence, d'une part, que, si elle est mise à la charge de l'importateur à titre de condition de recevabilité de sa demande, la preuve de ne pas avoir répercuté la taxe en aval peut finir par rendre pratiquement impossible le remboursement et que, d'autre part et par voie de conséquence, il peut donc s'avérer nécessaire de renverser la charge de la preuve. En d'autres termes, la Cour a ainsi reconnu que, dans certains cas, en particulier dans
une économie de marché fondée sur la libre concurrence, c'est à l'administration qu'il pourra incomber de prouver que la répercussion a eu lieu, et non à l'importateur de démontrer qu'il n'a pas répercuté la taxe sur les acheteurs des produits.

Ensuite, dans l'arrêt Bianco et Girard, la Cour a d'ailleurs rejeté l'argument selon lequel, dans l'hypothèse d'un régime de prix réglementés, où les opérateurs économiques ne sont absolument pas libres de répercuter ou non la taxe sur les acheteurs, il serait compatible avec le droit communautaire d'imposer auxdits opérateurs la charge de la preuve. Après avoir posé en prémisse que les principes affirmés dans l'arrêt San Giorgio ne s'appliquent pas uniquement aux situations apparaissant dans une
économie de marché, la Cour a, en effet, observé que, même s'il est plus ou moins probable, selon le caractère du marché, que la répercussion ait lieu, il n'en demeure pas moins que «les nombreux facteurs qui déterminent la stratégie commerciale varient d'un cas à l'autre, de sorte qu'il devient pratiquement impossible de déterminer la part respective de leur influence effective sur la répercussion» (17).

17 Il est vrai que, dans le même arrêt, tout en affirmant que l'on ne saurait admettre que, en cas de taxes indirectes, il existe «une présomption selon laquelle la répercussion a eu lieu et qu'il incombe à l'assujetti de prouver négativement le contraire», la Cour a néanmoins précisé que «cette constatation ne préjuge en rien la solution du problème particulier qui se pose, du point de vue du fardeau de la preuve, lorsque le contribuable a été obligé, par la législation applicable elle-même, à
répercuter une taxe en aval» (18).

A moins de penser que la Cour a laissé la question en suspens, cette affirmation semblerait indiquer que, si l'importateur est obligé, par la législation nationale elle-même, à répercuter une taxe en aval, situation correspondant, en substance, à celle qui est à l'origine de la présente affaire, la charge de la preuve continuerait à lui incomber (19). Il s'ensuivrait, de manière que nous oserons qualifier de quasi automatique, que ledit importateur serait, en tout état de cause, dans l'impossibilité
d'obtenir le remboursement des taxes indûment perçues par l'administration.

18 Quelles conclusions est-il possible de tirer de la jurisprudence rappelée jusqu'à présent? Il est plus qu'évident - l'examen effectué le démontre - que l'incidence de la répercussion, telle qu'affirmée dans l'arrêt Just, a été considérablement redimensionnée dans la jurisprudence ultérieure. Nous ne croyons pas téméraire de relever que le fait d'avoir placé l'accent sur la marge d'incertitude qui accompagne le phénomène de la répercussion (20), ainsi que sur le caractère variable des divers
facteurs qui déterminent la stratégie commerciale, de sorte qu'«il devient pratiquement impossible» d'en déterminer l'influence effective sur la répercussion (21), revient au fond à reconnaître que la preuve de l'existence ou de l'absence de répercussion est une «probatio diabolica». Comme nous y avons d'ailleurs déjà fait allusion (voir points 9 et 10), elle l'est tant pour l'opérateur économique qui a versé la taxe indue, que pour l'administration elle-même.

Dans cette optique, le transfert de la charge de la preuve de l'importateur à l'administration, tel que la Cour l'a énoncé, constitue précisément un moyen permettant d'éviter de parvenir à la négation absolue du droit à la répétition de l'indu. Le choix de privilégier le contribuable par rapport à l'administration, du point de vue du fardeau de la preuve, implique que, en cas d'impossibilité, pour l'administration, de prouver que la répercussion a effectivement eu lieu, le premier aura toujours
droit à la restitution de ce qui aura été indûment versé; ce qui est confirmé par les décisions jurisprudentielles nationales rendues en application de la jurisprudence évoquée de la Cour.

19 A partir de là, peut-on déduire que l'importance de la répercussion et du principe de l'enrichissement sans cause, bien que constamment réaffirmée dans la jurisprudence en la matière, a été redimensionnée à un point tel qu'il n'en résulte plus aucune incidence pratique aux fins de la répétition de l'indu? La réponse ne peut être que négative. Il demeure, en effet, l'hypothèse dans laquelle c'est la législation même de l'État membre qui oblige l'importateur à répercuter en aval la taxe illégale,
hypothèse qui est au coeur de l'affaire qui nous occupe. Comme nous l'avons déjà indiqué, cette même jurisprudence semble, en effet, exclure la possibilité d'un renversement de la charge de la preuve dans un cas de ce genre, de sorte que, tout en ayant payé une taxe indue, l'opérateur économique n'aurait aucun droit à la restitution de l'indu (22).

A cet égard, nous observerons, avant tout, que l'orientation de la Cour nous semble devoir être suivie, en ce sens que, dans une telle hypothèse, on ne saurait faire autrement que partir de l'idée que la répercussion a effectivement eu lieu et que, dès lors, le renversement de la charge de la preuve n'aurait aucun sens. En effet, dans ce cas, l'administration est, en tout état de cause, en mesure de prouver que la répercussion a bien eu lieu (23), comme l'a d'ailleurs relevé le juge de renvoi pour
l'affaire qui nous occupe.

20 En réalité, force est d'admettre que, en pareil cas, le problème ne peut, en tout cas, se résoudre, comme le suggère la Commission, par une vérification tendant à déterminer si la répercussion a effectivement eu lieu. Il ne s'agit nullement d'établir à qui incombe la charge de la preuve ni de vérifier si les modalités de preuve imposées aboutissent à rendre pratiquement impossible l'obtention du remboursement. Le problème est beaucoup plus radical: il s'agit, en effet, de décider si la
répercussion de l'octroi de mer - en tant que conséquence d'une obligation imposée par la réglementation nationale elle-même - doit être considérée comme étant de nature à rendre impossible l'obtention du remboursement et, partant, de dire si, par là même, une réglementation nationale qui produit un tel résultat est incompatible avec le droit communautaire. En dernière analyse, il s'agit de décider si la répercussion sur les tiers provoque effectivement un enrichissement sans cause de l'opérateur et
si elle est, par conséquent ou quoi qu'il en soit, de nature à constituer une cause d'extinction de l'obligation de restituer les sommes indûment perçues par l'administration.

Nous commencerons par rappeler que le prix de vente d'un produit donné est certes établi de manière à couvrir les coûts correspondants, mais il est aussi (et surtout) conditionné par le cours du marché, de sorte qu'il serait simpliste de l'envisager comme une simple addition des coûts supportés et du profit souhaité. Il en découle qu'il n'est pas possible d'en isoler une partie donnée, de rattacher celle-ci de manière exclusive au montant d'une taxe indûment payée et, par cette voie, de faire
disparaître le droit à la répétition de l'indu. Dans ces conditions, aucun doute ne nous paraît permis quant à l'impossibilité de démontrer que la perte patrimoniale subie par celui qui a payé la taxe illégale a été compensée par l'incorporation de cette taxe dans le prix du produit considéré. En effet, il est évident, et même trop à notre avis, que l'on ne pourrait avoir la certitude qu'il y a eu répercussion sur des tiers qu'en présence d'une offre élastique et d'une demande rigide, ce qui ne se
produit pas dans la réalité économique. Le juriste doit, lui aussi, tenir compte de cette réalité élémentaire et en tirer des conséquences raisonnables.

21 De manière plus générale, à supposer même que l'opérateur économique individuel puisse parfois tirer un bénéfice par suite de la restitution d'une taxe indûment payée, qu'il a partiellement ou totalement répercutée en aval, il faut encore se demander si, en pareille hypothèse, il est raisonnablement possible d'utiliser la notion d'enrichissement sans cause. C'est déjà sur le plan de la théorie générale du droit que notre réponse est négative: en effet, nous ne pensons pas qu'il puisse être juste
de qualifier d'enrichissement sans cause le bénéfice tiré par le particulier de la restitution d'une taxe indûment exigée et perçue par l'administration. Surtout, nous ne pensons pas que l'État, qui - lui - s'est réellement enrichi sans cause de manière indue en percevant, et même pendant des années, une taxe illégale, puisse ensuite précisément invoquer un tel principe pour refuser la restitution des sommes indûment perçues (24).

Qui plus est, si l'on admettait qu'un État membre puisse s'opposer à la répétition de l'indu au motif qu'il y a eu répercussion, d'ailleurs imposée par la législation nationale elle-même, il se pourrait bien que l'État en cause s'abstienne de se conformer rapidement à l'arrêt de la Cour ayant déclaré illégale la taxe concernée, et ce, précisément, parce qu'il ne serait pas appelé, en tout état de cause, à restituer les sommes indûment perçues. Ce serait là une prime qui nous paraîtrait franchement
excessive.

22 En définitive, il nous semble que, tout au moins dans un cas tel que celui qui nous occupe, la restitution de l'indu ne réussit qu'à compenser un ... appauvrissement sans cause de l'opérateur économique qui a versé à l'administration des taxes indues. Peu importe qu'il les ait répercutées sur l'acheteur (ce à quoi l'obligeait la réglementation nationale elle-même), car il est, en effet, à présumer qu'il a alors été contraint de diminuer sa marge bénéficiaire ou de subir une réduction du volume de
ses ventes. En tout cas, nous n'éprouvons pas le moindre doute quant au fait que, à choisir entre l'administration d'un État membre qui a violé le droit communautaire pendant des années et un contribuable qui lui a versé des taxes indues, ce n'est assurément pas le second qui peut être pénalisé.

De plus, il doit être bien clair qu'une solution de sens opposé aboutirait à priver de tout contenu une position juridique individuelle garantie au justiciable par le droit communautaire, ce qui poserait réellement un problème de protection juridictionnelle effective de cette position juridique. Il ne s'agit pas d'un problème mineur.

23 Une dernière observation. Comme on le sait, une jurisprudence récente a admis l'obligation de réparation de l'État, à l'égard des particuliers ayant subi un dommage à cause de la lésion d'un droit directement conféré par une norme communautaire, lorsque cette lésion est provoquée par une violation de ladite norme imputable à cet État. A cette occasion, la Cour a précisé, en particulier, que, «dans cette hypothèse, le droit à réparation constitue le corollaire nécessaire de l'effet direct reconnu
aux dispositions communautaires dont la violation est l'origine du dommage causé» (25).

Il se peut parfaitement, comme nous l'avons précédemment laissé entendre, que le particulier subisse un préjudice ... du fait même de ... répercuter en aval la taxe perçue par l'administration en violation du droit communautaire, en ce sens que la majoration du prix du produit - si l'on veut y voir la répercussion effectuée sur les tiers qui l'ont acheté - pourra entraîner une diminution du volume des ventes. En pareille hypothèse, le particulier pourra utilement engager une action en responsabilité
contre l'État pour obtenir la réparation du préjudice qu'il a subi à cause de la taxe perçue en violation du droit communautaire.

On pourrait nous objecter là que la possibilité qui vient d'être mise en évidence supprime le risque, précédemment évoqué, de voir refuser au justiciable la protection pleine et entière à laquelle il a droit. Nous nous demandons, néanmoins, s'il ne serait pas beaucoup plus simple, et pas seulement pour l'opérateur considéré, de reconnaître à ce dernier le droit à la répétition de l'indu.

24 Et c'est précisément le résultat qui doit aussi être garanti aux parties demanderesses au principal. Si la Cour souhaite l'atteindre, comme nous le lui suggérons, il nous semble qu'elle dispose de deux voies. La première consiste à répondre au juge national qu'une législation nationale aménagée de manière à contraindre à la répercussion sur les tiers ayant acheté les marchandises aboutit à rendre pratiquement impossible l'obtention du remboursement de taxes indûment perçues par l'administration
et est, de ce fait même, incompatible avec le droit communautaire. La seconde, plus radicale, consiste à affirmer que la répercussion sur les tiers ayant acheté les marchandises n'est, en tout cas, pas de nature à faire disparaître le droit du justiciable à la répétition de l'indu.

Compte tenu des précédents jurisprudentiels en la matière, nous ne pouvons, cependant, nous abstenir d'observer que la première solution finit, elle aussi, même si c'est de manière moins patente, par dénier toute portée et toute incidence pratique au critère de la répercussion. De fait: soit l'administration n'est pas en mesure de prouver que la répercussion a eu lieu (étant donné le renversement de la charge de la preuve décidé dans les arrêts Giorgio et Bianco et Girard), soit le système normatif
qui impose la répercussion - et qui correspond donc à la seule hypothèse dans laquelle l'administration est en mesure de prouver que la répercussion a eu lieu - est considéré comme étant de nature à rendre pratiquement impossible le droit au remboursement. Le résultat final reste le même: le particulier a toujours, et en tout état de cause, droit à la restitution des taxes perçues par l'État en violation du droit communautaire.

Dans ces conditions, nous ne pouvons que suggérer à la Cour la solution la plus directement visible: dire en termes explicites que la répercussion sur les tiers ayant acheté les marchandises n'a aucune incidence sur le droit du justiciable à la répétition de l'indu. Non seulement un tel choix occasionne moins d'incertitudes entre les opérateurs et les interprètes du droit, mais il correspond même mieux à la réalité économique.

25 Compte tenu des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit au tribunal d'instance de Paris:

«La circonstance qu'une taxe perçue en violation du droit communautaire a été répercutée sur les tiers ayant acheté les marchandises n'est pas de nature à faire disparaître le droit du justiciable à la répétition des sommes indûment perçues par l'administration.»

(1) - Arrêt du 16 juillet 1992 (C-163/90, Rec. p. I-4625).

(2) - Arrêt du 9 août 1994 (C-363/93, C-407/93, C-408/93, C-409/93, C-410/93 et C-411/93, Rec. p. I-3957).

(3) - Décision du 22 décembre 1989 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer (JO L 399, p. 46).

(4) - Arrêt Lancry e.a., précité, point 45.

(5) - En fait, lors de l'audience, les demanderesses ont elles-mêmes soutenu, quoique sur la base de motifs différents, que la répercussion de l'octroi de mer sur l'acheteur de la marchandise ne pouvait pas être considérée comme une conséquence automatique de l'incorporation d'un montant égal à celui de l'octroi de mer dans le prix de revient.

(6) - Arrêt du 9 novembre 1983, San Giorgio (199/82, Rec. p. 3595, point 12).

(7) - Arrêts du 16 décembre 1976, Rewe (33/76, Rec. p. 1989, point 5), et Comet (45/76, Rec. p. 2043, point 12).

(8) - Arrêt Rewe, précité, point 5; arrêt Comet, précité, points 13 et 16. Comme on le sait, ces principes généraux n'ont pas seulement été répétés dans toute la jurisprudence ultérieure en matière de répétition de l'indu (arrêts du 27 février 1980, Just, 68/79, Rec. p. 501, point 25; du 27 mars 1980, Denkavit, 61/79, Rec. p. 1205, point 25; du 10 juillet 1980, Ariete, 811/79, Rec. p. 2545, point 12; du 10 juillet 1980, Mireco, 826/79, Rec. p. 2559, point 13; arrêt San Giorgio, précité, point 12;
arrêts du 25 février 1988, Bianco et Girard, 331/85, 376/85 et 378/85, Rec. p. 1099, point 12, et du 24 mars 1988, Commission/Italie, 104/86, Rec. p. 1799, point 7); ils constituent désormais la jurisprudence constante de la Cour (voir, en dernier lieu, arrêt du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5/94, non encore publié au Recueil, point 31).

(9) - Arrêt San Giorgio, précité note 6, point 13; souligné par nous.

(10) - Précité note 8, points 26 et 27.

(11) - Voir UfR 1952, 974 H.

(12) - Voir, notamment, Hubeau: «La répétition de l'indu en droit communautaire», dans Revue trimestrielle de droit européen, 1981, p. 442; Waelbroeck: «La garantie du respect du droit communautaire par les États membres. Les actions au niveau national», dans Cahiers de droit européen, 1985, p. 37.

(13) - Sur ce point, il convient, en effet, de formuler deux observations; d'une part, à l'exception de l'ordre juridique danois, la répercussion sur des tiers n'était, avant cette date, considérée comme une cause d'extinction du droit à la répétition de l'indu dans aucun des ordres nationaux, puisque les dispositions contenant une règle en ce sens n'ont été adoptées, par exemple en France et en Italie, qu'après l'arrêt Just; d'autre part, la jurisprudence même du Højesteret danois tendait, au
contraire, vers un autre sens: si le prix d'un produit grevé d'une taxe n'était pas fixé par l'autorité publique mais déterminé par le marché, il n'y avait pas de raison, selon cette jurisprudence, d'estimer que ce prix avait été augmenté de manière à compenser ladite taxe, de sorte que le demandeur avait droit au remboursement (arrêt du 28 mai 1965, affaire II 214/1964, U 1965, 492 H).

(14) - Hubeau, op. cit., p. 451.

(15) - Arrêt San Giorgio, précité note 6, point 14.

(16) - Ibidem, point 15.

(17) - Arrêt Bianco et Girard, précité note 8, point 20; souligné par nous.

(18) - Ibidem, point 17.

(19) - Cette interprétation n'affecterait d'ailleurs pas les hypothèses du type tranché au Danemark par le Højesteret dans l'arrêt de 1952, précité, qui, comme nous l'avons déjà indiqué, a certainement conditionné l'arrêt Just de la Cour.

(20) - Voir, en particulier, arrêt San Giorgio, précité note 6, point 15, et arrêt Bianco et Girard, précité note 8, point 17.

(21) - Arrêt Bianco et Girard, précité, point 20.

(22) - A ce stade, il nous paraît utile de rappeler que, pour un cas analogue mais concernant une demande de restitution de sommes versées sur la base de règlements communautaires invalides, la Cour a affirmé, dans un arrêt du 13 mai 1981, que l'existence «d'un système spécialement agencé en vue de l'étalement des effets d'une mesure de politique économique prive de fondement une action en répétition des montants des cautions constituées et déclarées acquises, même si elle pourrait être exercée avec
succès en vertu du seul droit national. Il est à cet égard indifférent que l'opérateur ait effectivement répercuté cette charge ou qu'il se soit abstenu de le faire pour des raisons tenant à la stratégie économique de son entreprise» (International Chemical Corporation, 66/80, Rec. p. 1191, point 24; c'est nous qui soulignons). Il suffit donc que la réglementation communautaire dont il s'agit soit conçue de manière à permettre (il n'est même pas nécessaire qu'elle l'impose) la répercussion de la
charge en cause pour que la restitution des sommes indûment versées soit refusée. N'ayant pas de raison de penser que les opérateurs économiques bénéficient d'une protection différente selon que leur demande de répétition de l'indu est liée à des taxes nationales ou communautaires, nous sommes enclin à penser que, dans la mesure où elle est en contradiction avec les arrêts San Giorgio et Bianco et Girard, cette jurisprudence est désormais caduque. Si tel n'était pas le cas, il va de soi qu'il
faudrait au moins une réflexion approfondie sur ce sujet.

(23) - En l'espèce, par exemple, il a suffi à l'administration douanière de vérifier que les entreprises demanderesses avaient effectivement incorporé un montant égal à celui de l'octroi de mer dans le prix de revient, comme l'exigeait la réglementation interne en vigueur, et que, comme l'avaient déclaré les entreprises elles-mêmes, le prix de vente avait ensuite été déterminé par ajout d'une marge bénéficiaire au prix de revient.

(24) - Voir, sur ce point, les conclusions de l'avocat général M. Mancini dans l'arrêt San Giorgio, précité (Rec. 1983, p. 3616 et plus particulièrement p. 3627, ainsi que le point 14 et la note 14 des présentes conclusions.

(25) - Arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, non encore publié au Recueil, point 22).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-192/95
Date de la décision : 27/06/1996
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'instance de Paris - France.

Octroi de mer - Répétition de l'indu - Obligation de répercussion de l'impôt - Départements d'outre-mer.

Mesures d'effet équivalent

Taxes d'effet équivalent

Restrictions quantitatives

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Départements français d'outre-mer


Parties
Demandeurs : Société Comateb (C-192/95), Société Panigua (C-193/95), Société Edouard et fils (C-194/95), Société de distribution de vins et liqueurs (C-195/95), Etablissements André Haan (C-196/95), Société Diffusion générale de quincaillerie (C-197/95), Société Diffusion générale (C-198/95), Société Cama Renault (C-199/95), Scp Ovide et Dorville (C-200/95), Société Ducros Guadeloupe (C-201/95), Société Comptoir commercial Caraïbes (C-202/95), Société Giafa (C-203/95), Société LVS (C-204/95), Société Catherine et Jean-Claude Tabar Nouval (C-205/95), Société L'Heure et L'Or (C-206/95), Société Général bazar bricolage (C-207/95), Société Grain d'or (C-208/95), Société Cash Service (C-209/95), Etablissements Efira (C-210/95), Société Farandole (C-211/95), Société Carat (C-212/95), Société Rio (C-213/95), Société guadeloupéenne de distribution moderne (SGDM) (C-214/95), Martinique automobiles SA (C-215/95), Socovi SARL (C-216/95), Etablissements Gabriel Vangour et Cie SARL (C-217/95), Simat Guadeloupe SARL (C-218/95)
Défendeurs : Directeur général des douanes et droits indirects.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1996:258

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