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05/03/1996 | CJUE | N°C-473/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 5 mars 1996., Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg., 05/03/1996, C-473/93


Avis juridique important

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61993C0473

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 5 mars 1996. - Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. - Manquement d'Etat - Libre circulation des personnes - Emplois dans l'administration publique. - Affaire C-473/93.
Recueil de juri

sprudence 1996 page I-03207

Conclusions de l'avocat général

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Avis juridique important

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61993C0473

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 5 mars 1996. - Commission des Communautés européennes contre Grand-Duché de Luxembourg. - Manquement d'Etat - Libre circulation des personnes - Emplois dans l'administration publique. - Affaire C-473/93.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-03207

Conclusions de l'avocat général

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1 Dans le cadre de son recours en manquement introduit le 17 décembre 1993, la Commission vous invite à

- constater que le grand-duché de Luxembourg, en maintenant l'exigence d'une condition de nationalité à l'encontre des travailleurs ressortissants des autres États membres pour l'accès aux emplois de fonctionnaire ou d'employé public relevant des secteurs publics de la recherche, l'enseignement, la santé, les transports terrestres, les postes et télécommunications, et les services de distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article
48 du traité CEE (1) et des articles 1er et 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (2),

- condamner le grand-duché de Luxembourg aux dépens.

2 La partie défenderesse s'oppose fermement au recours. Elle invoque d'abord une fin de non-recevoir et, au fond, conclut au rejet de la requête.

3 Il nous semble que ce recours, comme les deux autres dont vous avez à connaître (3), vous place à la croisée de plusieurs voies jurisprudentielles. Il devrait vous amener, si vous le déclarez recevable, à faire le bilan de votre jurisprudence actuelle et à en tirer les conséquences appropriées quant au domaine de la dérogation à la libre circulation des travailleurs, admise par l'article 48, paragraphe 4, du traité. En effet, le grand-duché de Luxembourg vous invite expressément, sur le fond, à
opérer un revirement complet de jurisprudence en ce qui concerne la définition de la notion «d'administration publique» visée par cette disposition et, subsidiairement, à exclure une analyse par secteurs entiers au profit d'une analyse emploi par emploi.

4 Nous rappellerons d'abord le cadre juridique du litige (I). Nous examinerons ensuite la fin de non-recevoir soulevée par le grand-duché de Luxembourg (II), puis nous nous demanderons si le recours en manquement est ou non fondé (III). Nous examinerons enfin la demande de délai présentée par la partie défenderesse (IV).

I - Sur le cadre juridique du litige

5 Après un rappel des dispositions communautaires invoquées par la Commission (A), nous ferons le bilan de votre jurisprudence en la matière (B). Sur la base de cette jurisprudence, la Commission a décidé de mener une «action systématique» (C), qui a abouti à la mise en cause de différentes dispositions du droit national luxembourgeois (D).

A - Les dispositions communautaires

6 L'article 48, paragraphes 1 à 3, du traité consacre le principe de la libre circulation des travailleurs et son corollaire, l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

7 L'article 48, paragraphe 4, dispose:

«Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique.»

8 L'article 1er du règlement n_ 1612/68 prévoit en ce qui concerne l'accès à l'emploi:

«1. Tout ressortissant d'un État membre, quel que soit le lieu de sa résidence, a le droit d'accéder à une activité salariée et de l'exercer sur le territoire d'un autre État membre, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux de cet État.

2. Il bénéficie notamment sur le territoire d'un autre État membre de la même priorité que les ressortissants de cet État dans l'accès aux emplois disponibles.»

9 Quant à l'article 7, paragraphes 1 et 2, du même règlement, relatif à l'exercice de l'emploi et à l'égalité de traitement, il énonce:

«1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.»

B - La jurisprudence communautaire

10 Dans votre arrêt du 12 février 1974, Sotgiu (4), vous avez jugé (5) que, «[...] compte tenu du caractère fondamental, dans le système du traité, des principes de libre circulation et d'égalité de traitement des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, les dérogations admises par le paragraphe 4 de l'article 48 ne sauraient avoir une portée qui dépasserait le but en vue duquel cette clause d'exception a été insérée.»

11 Vous avez ainsi consacré une interprétation stricte de cette disposition (6).

12 Vous avez ajouté (7), pour préciser la portée de l'exception:

«[...] en l'absence de toute distinction dans la disposition citée, il est sans intérêt de savoir si un travailleur se trouve engagé en qualité d'ouvrier, d'employé ou de fonctionnaire, ou encore si son lien d'emploi relève du droit public ou du droit privé;

[...] ces qualifications juridiques sont, en effet, variables au gré des législations nationales et ne sauraient, dès lors, fournir un critère d'interprétation approprié aux exigences du droit communautaire.»

13 Dans l'arrêt du 17 décembre 1980, Commission/Belgique (8), vous avez souligné (9):

«[...] la notion d'administration publique au sens de l'article 48, paragraphe 4 [...] doit comporter une interprétation et une application uniformes dans l'ensemble de la Communauté.

[...]

[...] la délimitation de la notion d'`administration publique', au sens de l'article 48, paragraphe 4, ne peut être laissée à la totale discrétion des États membres.»

14 La notion d'administration publique relève donc du droit communautaire.

15 Dans le même arrêt Commission/Belgique, vous avez jugé (10):

«[L'article 48, paragraphe 4] place en dehors du champ d'application des trois premiers paragraphes de ce même article un ensemble d'emplois qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques. De tels emplois supposent en effet, de la part de leurs titulaires, l'existence d'un rapport particulier de solidarité à l'égard de l'État ainsi que
la réciprocité de droits et de devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité.»

16 Était ainsi donnée une définition fonctionnelle (11) de l'emploi relevant de l'administration publique.

17 Vous excluiez en conséquence une définition simplement organique de la notion d'administration publique, soulignant que (12) «[...] le fait d'étendre l'exception prévue à l'article 48, paragraphe 4, à des emplois qui, tout en relevant de l'État ou d'autres organismes de droit public, n'impliquent cependant aucun concours à des tâches relevant de l'administration publique proprement dite aurait pour conséquence de soustraire à l'application des principes du traité un nombre considérable d'emplois
et de créer des inégalités entre États membres, en fonction des disparités qui caractérisent l'organisation de l'État et celle de certains secteurs de la vie économique».

18 Le caractère restrictif de l'exception de l'article 48, paragraphe 4, était renforcé par l'exigence de deux conditions cumulatives, liées à la participation à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques. Un arrêt ultérieur substitua à la conjonction «et» la conjonction «ou» (13). Cependant, l'exigence d'un cumul des deux conditions fut maintenue par les autres décisions rendues
antérieurement et postérieurement à cet arrêt (14). L'affirmation du grand-duché de Luxembourg selon laquelle les deux conditions seraient alternatives en vertu de votre jurisprudence ne nous paraît donc pas fondée.

19 Dans l'arrêt du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, précité, vous consacriez également le caractère restrictif de l'exception en excluant que l'on pût interdire aux ressortissants des autres États membres la généralité des emplois relevant de secteurs d'intervention de l'État ou des collectivités publiques au seul motif que, par suite de promotion ou de mutation, le nouvel emploi auquel l'agent pourrait accéder serait susceptible de comporter des fonctions et responsabilités propres de
l'administration publique (15):

«[...] l'article 48, paragraphe 4, en visant les emplois qui comportent l'exercice de la puissance publique et l'attribution de responsabilités pour la sauvegarde des intérêts généraux de l'État, permet aux États membres de réserver, par des réglementations appropriées, aux ressortissants nationaux l'accès aux emplois qui comportent l'exercice d'une telle puissance et de telles responsabilités à l'intérieur d'une même carrière, d'un même service ou d'un même cadre.

[...] l'interprétation [...] qui a pour effet d'exclure [les] ressortissants [des autres États membres] de la généralité des emplois dans l'administration publique, comporte une restriction des droits de ces ressortissants qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le respect des finalités poursuivies par cette disposition [...]»

20 En résumé, il se déduit de votre jurisprudence que:

- la condition de nationalité ne peut être exigée pour l'accès aux emplois qui n'impliquent aucune participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques; pour ces emplois doit s'appliquer le principe de libre circulation des travailleurs;

- la condition de nationalité ne peut être exigée même pour des emplois qui à l'origine ne remplissent pas les conditions de l'article 48, paragraphe 4, mais dont les titulaires peuvent être amenés, à la suite d'une mutation ou d'une promotion, à exercer des fonctions et des responsabilités propres de l'administration publique; les États membres ne peuvent réserver à leurs nationaux que ces seules fonctions et responsabilités.

21 A ce jour, vous avez déjà jugé que ne relèvent pas de l'exception de l'article 48, paragraphe 4, les emplois suivants:

- services des postes: ouvrier (16);

- chemins de fer: agent de triage, chargeur, conducteur, poseur de voies, signaleur, nettoyeur de bureau, manoeuvre de peinture, aide-garnisseur, ouvrier de l'entretien des batteries, préparateur de sections, préparateur d'induits, veilleur de nuit, nettoyeur, réfectoriste, manoeuvre atelier (17);

- communes: menuisier, aide-jardinier, infirmière, puéricultrice, surveillant, infirmière aux crèches, électricien, plombier (18);

- hôpitaux publics: infirmier, infirmière (19);

- enseignement public: enseignant stagiaire (20), professeur de l'enseignement secondaire (21), lecteur de langue étrangère dans les universités (22);

- recherche civile: chercheur (23).

C - L'action de la Commission

22 Le présent contentieux s'inscrit dans la phase finale d'une «action systématique» entreprise par la Commission sur la base d'une communication 88/C 72/02 (24).

23 Cette action visait à l'élimination des restrictions fondées sur la nationalité qui, dans chaque État membre, interdisent aux travailleurs des autres États membres l'accès aux emplois de certains secteurs publics bien déterminés, sur le fondement de l'article 48, paragraphe 4, du traité.

24 Elle devait porter en priorité sur les secteurs suivants:

- organismes chargés de gérer un service commercial (par exemple transports publics, distribution d'électricité ou de gaz, compagnies de navigation aérienne ou maritime, postes et télécommunications, organismes de radio-télédiffusion);

- services opérationnels de santé publique;

- enseignement dans les établissements publics;

- recherche à des fins civiles dans les établissements publics.

25 La Commission expliquait que les tâches et responsabilités caractérisant les emplois dans ces secteurs étaient en général suffisamment éloignées des activités spécifiques de l'administration publique telles que définies par votre Cour pour qu'elles ne puissent que très exceptionnellement relever de l'exemption prévue à l'article 48, paragraphe 4, du traité. Selon elle, pour chacune des activités en cause, on constatait soit qu'elle existait également dans le secteur privé, auquel cas l'article
48, paragraphe 4, ne s'appliquait pas, soit qu'elle pouvait être exercée dans le secteur public en dehors des conditions de nationalité.

26 La Commission annonçait qu'elle entendait communiquer les conclusions de son examen des secteurs choisis aux États membres concernés, en leur demandant d'ouvrir l'accès aux emplois relevant de ces secteurs aux travailleurs ressortissants des autres États membres. Elle comptait sur la coopération active et efficace de ceux-ci en vue d'éviter, dans la mesure du possible, tout contentieux. Elle se réservait la possibilité d'introduire au besoin un recours en manquement.

27 Au terme de ses échanges avec les États membres, elle a constaté que la plupart d'entre eux avaient pris des mesures législatives et/ou réglementaires afin d'adapter leur droit national aux exigences du droit communautaire, mais que trois États n'avaient pas entamé ou achevé un processus normatif en ce sens.

28 Elle a en conséquence décidé d'ouvrir une procédure en manquement contre chacun de ces trois États membres, dont le grand-duché de Luxembourg (25).

D - Le droit national en cause

29 Au vu des éléments du dossier, la condition de nationalité luxembourgeoise est exigée, dans les conditions ci-après résumées, pour l'accès aux emplois dans les secteurs visés par la requête.

1) Enseignement public

30 L'enseignement public préscolaire, primaire, secondaire, secondaire technique et supérieur constitue une administration dépendant du ministère de l'Éducation nationale et, en ce qui concerne l'enseignement préscolaire et primaire, également des administrations communales.

31 Le personnel de cette administration est en grande partie composé de fonctionnaires et d'employés de l'État ou des communes. Pour les fonctionnaires et employés de l'État, la condition de nationalité luxembourgeoise est exigée respectivement par l'article 2 de la loi du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État et par l'article 3 de la loi du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l'État. Pour les fonctionnaires et employés communaux, cette condition est
énoncée respectivement par l'article 2 de la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux et par l'article 3 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975 portant assimilation du régime des employés communaux à celui des employés de l'État.

32 Par exception, l'article 4 de la loi du 11 février 1974 prévoit que les membres du personnel enseignant du Centre universitaire de Luxembourg peuvent être de nationalité luxembourgeoise ou étrangère.

33 Par ailleurs, la condition de nationalité n'est pas requise pour le recrutement des employés privés et des ouvriers occupés dans l'enseignement public luxembourgeois.

2) Recherche civile

34 L'article 4 de la loi du 9 mars 1987 prévoit que peuvent être affectés par le ministre compétent à des activités de recherche et développement, pour une durée maximale de deux ans renouvelable dans la limite de la durée des tâches attribuées, des membres du personnel scientifique, technique et administratif des organismes, services et établissements d'enseignement supérieur ou universitaire publics autorisés par règlement grand-ducal à entreprendre de telles activités.

35 En vertu de l'article 5 de la même loi, des ressortissants communautaires peuvent être affectés à des tâches de recherche et développement dans le cadre d'une bourse de formation-recherche, dans le cadre d'un détachement par leur employeur, ou encore en vertu d'un rapport contractuel de droit privé.

36 Dans le cadre de l'article 4 susvisé, les restrictions subies par les ressortissants des autres États membres sont indirectes: ces ressortissants ne peuvent accéder à une activité de recherche que dans la mesure où, par exception, l'organisme, le service ou l'établissement d'enseignement supérieur ou universitaire public qui les emploie n'exige pas la condition de nationalité luxembourgeoise.

3) Santé publique

37 Tous les services et établissements relevant du ministère de la Santé, c'est-à-dire la direction de la Santé, l'action médico-socio-thérapeutique, le Laboratoire national de santé, l'hôpital neuropsychiatrique de l'État et les maisons de soins de l'État sont des administrations obéissant aux mêmes règles que les autres services étatiques. La condition de nationalité est requise en application des dispositions précitées du statut général des fonctionnaires et employés de l'État.

38 Le Centre hospitalier de Luxembourg est un établissement public géré dans les formes du droit privé. La condition de nationalité luxembourgeoise n'est pas requise pour le personnel.

39 En revanche, les établissements de santé relevant des communes sont soumis au même régime que les établissements étatiques et connaissent donc également la condition de nationalité.

4) Société nationale des chemins de fer luxembourgeois (ci-après la «SNCFL»)

40 La SNCFL est un organisme de droit public. L'article 2 du statut du personnel impose la condition de nationalité luxembourgeoise pour l'accès aux emplois d'agent du cadre permanent. Il ne peut être dérogé à cette règle, «[...] en dehors des exceptions prévues par les conventions internationales, que dans le cas où des candidats luxembourgeois idoines feraient défaut [et, dans ce cas, sur] autorisation du gouvernement [...]» Le gouvernement luxembourgeois précise qu'il en est de même pour l'accès
aux emplois du cadre hors statut.

41 Le contrat collectif applicable aux agents auxiliaires exige également la condition de nationalité luxembourgeoise.

5) Service public des transports urbains et interurbains

42 Il est assuré le plus souvent par les administrations communales. La nationalité luxembourgeoise est donc exigée pour l'accès aux emplois de fonctionnaire ou d'employé public, sur le fondement des articles 2 de la loi du 24 décembre 1985 et 3 du règlement grand-ducal du 26 mai 1975, précités.

43 En vertu de ces règles, le Service d'autobus de la ville de Luxembourg par exemple, qui occupe dans sa grande majorité des fonctionnaires, exige la condition de nationalité luxembourgeoise pour l'accès à l'emploi.

6) Postes et télécommunications

44 L'administration des Postes et Télécommunications a été transformée en «entreprise des Postes et Télécommunications» par la loi du 10 août 1992.

45 Cependant, l'article 24 de cette loi précise que les agents de l'entreprise sont soumis au statut général des fonctionnaires et employés de l'État, de sorte que la condition de nationalité est exigée pour l'accès aux emplois.

46 Des ressortissants communautaires ne peuvent être recrutés qu'en qualité d'employés privés ou d'ouvriers.

7) Distribution d'eau, de gaz et d'électricité

47 Au plan national, les services de distribution d'eau, de gaz et d'électricité sont assurés par l'État ou par des entreprises concessionnaires telles que la Société grand-ducale d'électricité du Luxembourg.

48 Au niveau local, ces services sont assurés soit par les communes, soit par des syndicats de communes.

49 En général, ils sont gérés selon un régime de droit public. La nationalité luxembourgeoise est alors obligatoire en vertu des dispositions précitées relatives aux fonctionnaires et employés de l'État, et de celles relatives aux fonctionnaires et employés communaux.

50 En revanche, lorsqu'ils sont gérés selon un régime de droit privé (par exemple la Compagnie grand-ducale d'électricité du Luxembourg), la nationalité luxembourgeoise n'est pas en principe requise.

II - Sur la fin de non-recevoir

51 La partie défenderesse soutient que la Commission ne lui a pas laissé un délai raisonnable pour se conformer aux avis motivés émis le 14 juillet 1992. Le délai de quatre mois imparti aurait été manifestement insuffisant pour lui permettre de procéder aux vastes réformes constitutionnelles, législatives et réglementaires nécessaires à cet effet.

52 Dans votre arrêt du 2 février 1988, Commission/Belgique (26), vous avez rappelé (27) «[...] que la procédure précontentieuse a pour but de donner à l'État membre concerné l'occasion, d'une part, de se conformer à ses obligations découlant du droit communautaire et, d'autre part, de faire utilement valoir ses moyens de défense à l'encontre des griefs formulés par la Commission».

53 Vous en avez déduit (28):

«Ce double objectif impose à la Commission de laisser un délai raisonnable aux États membres pour répondre à la lettre de mise en demeure et pour se conformer à un avis motivé ou, le cas échéant, pour préparer leur défense. Pour l'appréciation du caractère raisonnable du délai fixé, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des circonstances qui caractérisent la situation d'espèce. Des délais très courts peuvent ainsi se justifier dans des situations particulières, notamment [...] lorsque l'État
membre concerné a pleine connaissance du point de vue de la Commission bien avant le début de la procédure.»

54 Dès la publication, le 18 mars 1988, de la communication 88/C 72/02, précitée, le grand-duché de Luxembourg, comme tous les autres États membres, a été informé de la position de la Commission sur les limites de la dérogation de l'article 48, paragraphe 4, du traité dans des secteurs comme ceux visés par la requête. Il a donc eu pleine connaissance de cette position près de trois ans avant l'envoi des six lettres de mise en demeure du 12 mars 1991, envoyées au titre de l'article 169 du traité et
fixant un délai de six mois pour les observations de l'État destinataire.

55 Dès le 30 octobre 1990, il a déjà, en dehors de toute procédure en manquement, communiqué ses observations à la Commission en ce qui concerne l'action entreprise.

56 Il a bénéficié, en fait, d'un délai de près de quatorze mois pour formuler sa réponse aux lettres de mise en demeure.

57 Dans cette réponse, datée du 4 mai 1992, il a écrit:

«Le gouvernement, après avoir analysé et examiné en détail les arguments invoqués par la Commission, a décidé de maintenir la position qu'il a déjà communiquée à la Commission en date du 30 octobre 1990.

En effet, il estime que, dans les secteurs particuliers visés par l'action de la Commission, la libre circulation des travailleurs est déjà largement réalisée à l'heure actuelle» (29).

58 La «Prise de position du gouvernement luxembourgeois», document très motivé joint à cette réponse, concluait:

«Tous les arguments de fait et de droit développés ci-avant amènent le Luxembourg à ne pas envisager, pour l'instant en tout cas, des mesures particulières supplémentaires en vue de promouvoir la libre circulation des travailleurs dans le domaine de l'administration publique.»

59 Dix-sept mois se sont écoulés entre l'envoi des avis motivés et le dépôt de la requête en constatation de manquement, le 17 décembre 1993.

60 Le délai de quatre mois officiellement imparti par les avis motivés n'est pas un délai «très court» au sens de l'arrêt du 2 février 1988, Commission/Belgique, précité, et au regard des circonstances de l'espèce qu'il a jugée. Il correspond au double du délai de deux mois habituellement accordé par la Commission.

61 Par une analyse a fortiori de votre arrêt du 2 février 1988, précité, il y a lieu d'admettre qu'un État membre ne peut soutenir que la Commission lui a imparti un délai insuffisant, alors que, d'une part, ce délai était supérieur à ceux couramment accordés, et que, d'autre part, l'État a eu pleine connaissance du point de vue de l'institution près de trois ans avant le début de la procédure.

62 De surcroît, le grand-duché de Luxembourg fait valoir que le délai de quatre mois n'était pas de nature à lui permettre de procéder aux vastes réformes nécessaires, alors qu'il avait décidé de ne pas engager de réforme, à l'exception d'une mesure limitée aux chemins de fer qu'il se disait prêt à envisager et qu'il aurait pu arrêter dans un délai de quatre mois.

63 Il ne fait nullement grief à la Commission de l'avoir empêché de préparer utilement sa défense, second objectif visé par la procédure précontentieuse et qui justifie un «délai raisonnable» (30). Or, il doit être relevé que, même à cet égard, l'État défendeur a été largement mis en mesure de préparer sa défense et que celle-ci a pu l'être normalement.

64 Au bénéfice de ces observations, nous estimons que la requête de la Commission est recevable.

III - Sur l'existence d'un manquement

65 Comme nous l'indiquions au début de notre propos, votre juridiction se trouve à la croisée de plusieurs voies jurisprudentielles. Un choix s'impose, à la lumière des perspectives qui se présentent à vous (A). Ce choix opéré, il devra être mis en oeuvre en l'espèce, au regard des circonstances de celle-ci (B).

A - Les perspectives de la jurisprudence communautaire

66 Le grand-duché de Luxembourg vous demande à titre principal d'opérer un revirement complet de votre jurisprudence (1). Subsidiairement, il soutient que celle-ci exclut un raisonnement par secteurs entiers et nécessite toujours une analyse cas par cas (2).

67 Nous sommes d'avis que vous ne devriez suivre la partie défenderesse sur aucune de ces voies.

68 Il vous resterait alors à choisir entre deux développements logiques possibles de votre jurisprudence:

- ou bien considérer que la charge de la justification de la dérogation de l'article 48, paragraphe 4, incombe aux pouvoirs publics nationaux dans tous les domaines de leur activité et donc, notamment, ceux visés par la requête,

- ou bien consacrer une distinction entre, d'une part, les domaines ne relevant pas des fonctions spécifiques de l'administration publique, où les pouvoirs publics supporteraient une telle charge et, d'autre part, les domaines relevant de ces fonctions spécifiques, où la Commission ou un ressortissant communautaire devrait justifier qu'un emploi déterminé ne remplit pas les conditions d'un emploi dans l'administration publique au sens de votre jurisprudence (3).

1) Faut-il opérer un revirement de jurisprudence?

69 Le grand-duché de Luxembourg souligne que la conception fonctionnelle de la notion d'emploi dans l'administration publique a été consacrée «[...] au détriment de la conception institutionnelle pourtant revendiquée par de nombreux États membres» (31). Estimant que cette conception fonctionnelle pose des problèmes d'application, «Le gouvernement luxembourgeois demande dès lors qu'on en revienne au texte de l'article 48, paragraphe 4, et qu'il soit reconnu que les auteurs du traité ont effectivement
voulu exclure de la libre circulation des travailleurs `les emplois', c'est-à-dire l'ensemble des emplois dans l'administration publique et non pas seulement une partie de ceux-ci» (32).

70 La prémisse fondamentale de votre jurisprudence actuelle réside dans le classement de la notion d'emploi dans l'administration publique au rang des concepts de droit communautaire.

71 Ce classement a été opéré au nom des principes d'unité et d'efficacité du droit communautaire qui, depuis l'origine de votre juridiction, n'ont cessé de guider votre interprétation de ce droit et la construction de l'ordre juridique communautaire.

72 Un revirement de jurisprudence supposerait que vous décidiez que la notion d'emploi dans l'administration publique relève du droit national. La libre circulation des travailleurs serait exclue de tous les emplois relevant de l'administration publique au sens donné à cette dernière expression par les dispositions de l'ordre juridique interne. Chaque État se verrait reconnaître le droit, au moyen d'une définition extensive de l'exception, de restreindre le champ d'application des principes
fondamentaux de libre circulation et d'égalité de traitement des travailleurs édictés par l'article 48 du traité. Ces principes fondamentaux s'exerceraient dans des conditions très variables d'un État membre à l'autre, voire, au sein d'un même État, d'une époque à une autre, en fonction de la conception qu'auraient les pouvoirs publics de l'étendue de leurs interventions. La qualification juridique du rapport d'emploi retrouverait une importance particulière, que vous avez déniée dès l'arrêt Sotgiu,
précité (33).

73 Il est aisé d'imaginer à quel point la libre circulation des travailleurs serait affectée. Il suffit de se rappeler que, dans un certain nombre d'États membres, plusieurs millions de personnes relèvent du secteur public au sens large.

74 Un tel pas en arrière ne serait pas sans conséquences pour l'ordre juridique communautaire lui-même.

75 Nous estimons que vous ne devez pas le faire.

2) La jurisprudence a-t-elle consacré le principe d'une analyse emploi par emploi?

76 Le recours introduit par la Commission présente cette particularité qu'il procède d'une analyse systématique de plusieurs secteurs entiers d'intervention de l'État ou des collectivités publiques.

77 Selon la partie défenderesse, vous auriez consacré, notamment dans les arrêts des 17 décembre 1980 et 26 mai 1982, Commission/Belgique, précités, le principe d'une analyse cas par cas.

78 Dans l'arrêt du 17 décembre 1980, vous avez certes précisé (34):

«Il convient [...] de rechercher si les emplois visés par le recours peuvent être rattachés à la notion d'administration publique [...] cette qualification dépend de la question de savoir si les emplois en cause sont, ou non, caractéristiques des activités spécifiques de l'administration publique en tant qu'elle est investie de l'exercice de la puissance publique et de la responsabilité pour la sauvegarde des intérêts généraux de l'État.»

79 Vous avez repris ces considérations dans l'arrêt du 26 mai 1982 (35).

80 Cependant, nous ne pensons pas qu'il existe véritablement une jurisprudence imposant une analyse emploi par emploi.

81 Rappelons que l'affaire 149/79 est celle dans laquelle votre Cour a été amenée à définir précisément, pour la première fois, la notion d'emploi dans l'administration publique. Une approche pragmatique s'imposait déjà pour les besoins de cette définition. En outre, la requête en manquement reprochait au royaume de Belgique d'avoir imposé ou permis d'imposer «[...] la possession de la nationalité belge comme condition de recrutement dans des emplois non visés par l'article 48, paragraphe 4, du
traité [...]» (36). Compte tenu de cette formulation, votre Cour devait donc, pour statuer sur l'existence d'un manquement, vérifier si les «emplois» litigieux relevaient ou non de l'article 48, paragraphe 4. C'est pourquoi, en cours de procédure, elle dut inviter les parties à lui communiquer des informations complémentaires sur la liste des emplois en cause puis, dans l'arrêt interlocutoire du 17 décembre 1980, sur la nature effective des fonctions correspondant à ces emplois.

82 Quant aux arrêts ultérieurs, précités, s'ils ont examiné des emplois particuliers et non des secteurs entiers, c'est uniquement parce que votre Cour avait été saisie de renvois préjudiciels ou de recours en manquement visant ces emplois particuliers.

83 L'approche de la juridiction communautaire nous semble donc avoir été dictée par les conditions particulières de sa saisine plutôt que par la volonté de consacrer un principe d'interprétation.

84 En plaçant la notion d'emploi dans l'administration publique au rang des notions de droit communautaire, vous avez voulu éviter que la libre circulation des travailleurs et le principe de non-discrimination aient un contenu variable dans le temps et dans l'espace.

85 Or, consacrer un principe d'appréciation emploi par emploi permettrait à chaque État membre d'imposer en fait, à l'égard de tout secteur d'intervention de son choix, sa définition nationale de l'administration publique, tant que la Commission ou un ressortissant communautaire n'aurait pas soulevé une contestation pour un ou plusieurs emplois déterminés.

86 En s'appuyant ainsi sur le mécanisme de la charge de la preuve, les États membres pourraient recouvrir le principe de libre circulation du voile de l'exception.

87 La Commission ou les ressortissants communautaires supporteraient la charge de justifier en toutes circonstances, négativement, que les conditions d'une exception à une liberté communautaire ne sont pas remplies. Cette conséquence serait pour le moins contraire aux règles régissant l'interprétation d'un principe et de son exception.

88 La contribution de votre jurisprudence à la mise en oeuvre de l'une des libertés fondamentales du traité serait singulièrement limitée, compte tenu de l'importance des effets pratiques de la détermination du fardeau de la preuve.

89 En définitive, un État et ses collectivités publiques ne seraient tenus d'ouvrir leurs services que emploi par emploi, au gré des procédures introduites par la Commission ou par des ressortissants communautaires. C'est dire si une application uniforme du droit communautaire nécessiterait des décennies.

90 Nous ne partageons donc pas l'analyse de votre jurisprudence que propose le grand-duché de Luxembourg.

91 En l'espèce, le manquement reproché a un objet différent de celui des affaires déjà jugées.

92 Il n'est pas fait grief à l'État défendeur d'avoir fermé aux ressortissants communautaires l'accès à des emplois déterminés. Il lui est reproché d'avoir consacré, sans justifications particulières, une interdiction d'accès à l'ensemble ou à la plupart des emplois d'un secteur d'activité, au lieu d'ouvrir ce secteur à la libre circulation sous la seule réserve d'emplois positivement mais limitativement déterminés sur le fondement de justifications tirées de la définition jurisprudentielle des
emplois dans l'administration publique.

93 Le manquement allégué tient donc à une erreur d'approche imputée à la partie défenderesse, laquelle aurait mal appliqué la distinction principe/exception. Comme l'ont souligné les lettres de mise en demeure, les avis motivés et la requête, l'approche par secteurs de la Commission garantirait «[...] aux États membres la possibilité de démontrer que, pour un emploi précis et contre toute prévision normale, il existe un rapport avec les activités spécifiques de l'administration publique.»

3) Les pouvoirs publics nationaux doivent-ils justifier de l'exception ab initio dans tous les secteurs de leur activité, ou bien faut-il distinguer selon les secteurs?

94 Si un revirement de jurisprudence ne paraît pas envisageable, si la consécration d'un principe d'examen emploi par emploi est susceptible de constituer une atténuation considérable de l'effet de votre jurisprudence actuelle, il reste à déterminer quelles sont les conséquences logiques de celle-ci à l'échelle des différents secteurs d'activité de l'État et des collectivités publiques.

95 Il y a lieu d'examiner d'abord la question d'une distinction selon les secteurs d'activité (a) avant de proposer les grandes lignes d'une telle distinction (b).

a) Sur la question d'une distinction selon les secteurs d'activité

96 Comme nous l'avons rappelé ci-dessus (37), vous avez consacré une définition fonctionnelle de l'emploi relevant de l'administration publique.

97 On pourrait déduire d'une approche fonctionnelle des seuls emplois que votre définition d'une exception à la libre circulation doit être appliquée uniformément à l'ensemble des secteurs d'activité des pouvoirs publics.

98 En vertu des règles d'application d'un principe et de son exception, les pouvoirs publics devraient dans tous les secteurs justifier ab initio des exceptions qu'ils invoqueraient. Ne seraient interdits à l'accès des ressortissants des autres États membres que les emplois positivement désignés par les pouvoirs publics comme remplissant les conditions de la définition communautaire, sous réserve d'un contrôle a posteriori du juge national et, le cas échéant, du juge communautaire.

99 Cette analyse apparaît séduisante au plan de la logique juridique, parce qu'elle aboutit à un raisonnement unique applicable indifféremment à toutes les activités de l'État et qu'elle respecte à la fois la règle selon laquelle les exceptions sont d'interprétation stricte et celle en vertu de laquelle celui qui invoque une exception doit en justifier.

100 Elle aurait pour avantage de garantir l'égalité d'accès des ressortissants communautaires, nationaux ou non-nationaux d'un État donné, à la majeure partie de tout secteur d'activité éloigné des activités spécifiques de l'administration, car les exceptions valablement fondées sur l'article 48, paragraphe 4, du traité y sont minoritaires.

101 Cependant, elle présenterait l'inconvénient, dans les secteurs des activités spécifiques de l'administration, de contraindre les pouvoirs publics concernés à recenser de très nombreuses exceptions. En effet, dans ces secteurs d'activité le nombre des emplois particuliers remplissant les conditions jurisprudentielles des emplois dans l'administration publique est important et de loin supérieur à celui des emplois relevant du principe de libre circulation.

102 Pareille contrainte imposée aux pouvoirs publics n'illustrerait peut-être pas une bonne technique juridique.

103 Nous ne vous proposerons donc pas de suivre cette voie, d'autant qu'une autre voie nous paraît possible, qui consiste à distinguer selon les secteurs d'activité.

104 Notons que, dès le premier arrêt Commission/Belgique, précité (38), vous aviez à l'esprit une analyse par secteurs:

«La détermination du champ d'application du paragraphe 4 de l'article 48 soulève cependant des difficultés particulières en raison du fait que, dans les divers États membres, la puissance publique a assumé des responsabilités de caractère économique et social, ou participe à des activités qui ne sont pas assimilables aux fonctions typiques de l'administration publique, mais qui relèvent par contre, en raison de leur nature, du domaine d'application du traité» (39).

105 A l'occasion de chaque affaire jugée, vous n'avez pas manqué de vous demander incidemment, en arrière-plan, si l'activité générale du secteur relevait des activités spécifiques de l'administration. Par exemple, en ce qui concerne les emplois d'infirmier ou d'infirmière, d'enseignant ou d'enseignante, vous vous êtes nécessairement interrogés sur le point de savoir si, d'une part, les activités de soins caractérisant le secteur des hôpitaux publics et, d'autre part, les activités d'enseignement
constituant l'essence du secteur de l'enseignement public relevaient des activités spécifiques de l'administration.

106 Aujourd'hui, vous êtes expressément invités à apprécier un manquement au regard de secteurs entiers.

107 Pour être accueillie, pareille demande suppose que vous admettiez explicitement le principe d'une analyse par secteurs que vous avez seulement esquissée en 1980 dans le premier arrêt Commission/Belgique, précité.

108 Nous sommes favorable à une solution en ce sens.

109 Nous vous suggérons de consacrer un raisonnement en deux étapes.

110 La première comporte l'analyse de l'activité générale du secteur concerné, ainsi que la détermination de ses conséquences en termes de charge de la preuve.

111 Elle peut être décrite comme suit:

- si l'activité d'un secteur compte parmi les activités spécifiques de l'administration, il y a lieu d'admettre que la plupart des emplois qu'il comprend remplissent les conditions de la définition communautaire des emplois dans l'administration publique; par suite, le secteur sera considéré comme relevant a priori du domaine de l'article 48, paragraphe 4, du traité et il appartiendra à la Commission ou à un ressortissant communautaire d'établir que les conditions de la dérogation ne sont pas
réunies;

- si au contraire l'activité d'un secteur est éloignée des activités spécifiques de l'administration, il y a lieu d'admettre que la plupart des emplois qu'il comprend ne remplissent pas les conditions de la définition communautaire; dans cette hypothèse, le secteur sera considéré comme relevant a priori du domaine de l'article 48, paragraphes 1 à 3, c'est-à-dire de la liberté de circulation des travailleurs et il appartiendra aux pouvoirs publics nationaux d'établir, pour des emplois déterminés,
qu'en réalité les conditions de l'article 48, paragraphe 4, sont remplies.

112 La seconde étape, en cas de litige relatif à un emploi déterminé, comporte l'analyse des fonctions propres à celui-ci: le juge national ou le juge communautaire saisi vérifie, dans le respect de la répartition de la charge de la preuve, si l'emploi comporte une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques, au sens de votre jurisprudence constante.

113 Examinons sans détour l'objection que l'on pourrait soulever, selon laquelle on ne saurait, sans artifice, introduire dans un secteur déterminé une présomption d'applicabilité soit de l'article 48, paragraphes 1 à 3, soit de l'article 48, paragraphe 4, en fonction de la nature de l'activité générale du secteur.

114 A cet égard, il importe de prendre conscience que, dans le cadre de la solution consistant à n'admettre qu'une analyse emploi par emploi, à l'exclusion de toute analyse par secteurs, il est nécessairement présumé que l'article 48, paragraphe 4, est a priori applicable tout emploi, quel que soit le secteur auquel il appartient, dès lors qu'il relève de l'action des pouvoirs publics nationaux. Or, une telle présomption laisse à ceux-ci le soin de déterminer dans un premier temps le domaine d'une
exception, par leur simple décision de faire dépendre un secteur de l'État ou d'une collectivité publique. Elle nous paraît donc plus discutable que celle tirée de la constatation objective que l'activité d'un secteur déterminé relève ou ne relève pas des activités spécifiques de l'administration et que, par suite, la plupart des emplois concernés répondent ou ne répondent pas aux conditions de la définition communautaire de l'administration publique.

115 En outre, il nous paraît utile de rappeler que votre Cour, dans le cadre des articles 30 et 36 du traité, a déjà consacré, d'une manière très comparable, un raisonnement en deux étapes intégrant une présomption.

116 Elle l'a fait dans deux arrêts du 21 mars 1991, Delattre (40), et Monteil et Samanni (41).

117 La question alors en cause était celle du monopole des pharmaciens, en tant qu'il était susceptible de constituer une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation, au sens de l'article 30 du traité (42).

118 Pour l'appréciation d'une justification du monopole, vous avez établi une distinction entre deux types de marchandises (43), à savoir entre les «médicaments» et d'autres produits, comme ceux dits de «parapharmacie».

119 S'agissant des médicaments, vous avez estimé que, compte tenu du «caractère très particulier du produit et du marché en cause» (44), le monopole des pharmaciens pouvait «être présumé constituer une forme adaptée de protection de la santé publique» (45), c'est-à-dire relever de l'exception de l'article 36 du traité. Cette présomption admise, vous avez précisé que «[...] la preuve contraire [pouvait] être rapportée pour certains médicaments, dont l'utilisation ne ferait pas courir de dangers
sérieux à la santé publique et pour lesquels la soumission au monopole des pharmaciens apparaîtrait manifestement disproportionnée [...]» (46).

120 S'agissant des autres produits, vous avez au contraire jugé que «si un monopole est conféré aux pharmaciens pour leur commercialisation, la nécessité de ce monopole, pour la protection de la santé publique ou des consommateurs, doit [...] tre établie dans chaque cas» (47).

121 En ce qui concerne les médicaments, votre Cour a ainsi attribué à la Commission ou à un opérateur économique la charge de la preuve contraire. En ce qui concerne les autres produits, elle a attribué aux États membres la charge d'établir positivement que le monopole des pharmaciens, en tant qu'exception à la libre circulation des marchandises, était justifié par les besoins de la protection de la santé publique au sens de l'article 36 du traité.

122 L'analogie entre cette analyse et la voie que nous vous proposons de suivre nous paraît de nature à lever une éventuelle hésitation.

b) Sur les grandes lignes d'une distinction selon les secteurs d'activité

123 La classification opérée par la Commission dans sa communication 88/C 72/02, précitée, constitue un élément de référence utile aux fins d'une distinction selon les secteurs d'activité des pouvoirs publics nationaux.

124 Comme la Commission, nous estimons qu'au sens de votre jurisprudence les activités spécifiques de l'administration publique exercées par l'État et les collectivités publiques sont liées essentiellement à la défense nationale, la sécurité intérieure, les finances publiques, la justice et les affaires étrangères, ainsi qu'aux emplois relevant des ministères de l'État, des collectivités régionales ou locales, des autres organes assimilés et des banques centrales. Dans ces secteurs, l'activité des
services s'articule en effet spécifiquement autour d'un pouvoir politique ou judiciaire.

125 Comme la Commission également, nous pensons que d'autres activités sont en revanche éloignées des activités spécifiques de l'administration publique, telle que définie par votre Cour. Il s'agit en particulier des activités des organismes chargés de gérer un service commercial (transports publics terrestres, aériens ou maritimes, distribution d'eau, d'électricité ou de gaz, postes et télécommunications, radio-télédiffusion, etc.), des services opérationnels de santé publique, de l'enseignement
dans les établissements publics, de la recherche à des fins civiles dans les établissements publics. En effet, pour chacune de ces activités, il peut être observé soit qu'elle existe également dans le secteur privé, soit qu'elle peut être exercée dans le secteur public sans condition de nationalité.

126 Nous ne pouvons nous ranger à l'avis de la partie défenderesse lorsqu'elle affirme (48):

«Dans des domaines aussi essentiels que la santé, l'enseignement, les postes et télécommunications, la distribution d'eau et de gaz et les transports publics, l'État a besoin de personnes qui se sentent totalement solidaires et pleinement responsables vis-à-vis de la communauté nationale.»

127 Vous avez en effet lié le «rapport particulier de solidarité à l'égard de l'État ainsi que la réciprocité de droits et de devoirs qui sont le fondement du lien de nationalité» aux seuls emplois «qui comportent une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques» (49). Or, la très grande majorité des emplois des secteurs en cause ne répondent pas à la
définition de tels emplois. Une condition de nationalité ne peut donc être exigée que pour les seuls emplois remplissant les conditions de cette définition et non pour l'ensemble de chaque secteur.

128 En ce qui concerne spécialement le secteur de l'enseignement, vous avez plusieurs fois jugé que cette activité ne remplit pas les conditions de votre définition de l'administration publique (50), quant à la participation à la puissance publique et à la sauvegarde d'intérêts généraux. La totalité du secteur considéré ne saurait donc être présumée relever de l'exception de l'article 48, paragraphe 4, du traité.

129 Le grand-duché de Luxembourg fait valoir (51) que «[...] la nationalité luxembourgeoise des enseignants est une garantie pour la transmission des valeurs traditionnelles et elle constitue pour un petit pays une condition essentielle pour la sauvegarde de l'identité nationale.»

130 Il ajoute:

«[...] il est difficilement concevable qu'un instituteur du primaire venant de l'étranger soit suffisamment familiarisé avec l'ambiance dans laquelle les enfants luxembourgeois ont passé les premières années de leur vie, qu'il connaisse les coutumes nationales, les chansons, les poèmes et tous autres éléments relevant de la psychologie nationale qui jouent un rôle à ce niveau de l'enseignement

Même dans l'enseignement secondaire, le travail de l'enseignant ne peut pas simplement être considéré comme une activité économique dans le cadre de laquelle du savoir serait vendu contre une rémunération.

La transmission de la culture nationale se poursuit aussi à ce niveau-là. Elle ne peut pas valablement être assurée par quelqu'un qui a passé les vingt-cinq ou trente premières années de sa vie dans un autre pays.

Si, par contre, il a effectivement passé l'essentiel de sa jeunesse dans le pays dans lequel il voudrait devenir enseignant, il n'aura pas de difficulté à se faire naturaliser. S'il ne veut pas franchir ce pas, cela prouve qu'il n'y a pas, à l'égard de son pays d'accueil, un lien affectif suffisant pour pouvoir prétendre en former la jeunesse.»

131 Bien que le rappel ci-dessus de votre jurisprudence suffise à écarter le moyen de la partie défenderesse, qu'il nous soit permis d'apporter un éclairage rassurant aux arguments invoqués à son soutien.

132 La liberté de circulation consacrée par le traité n'accorde aucun privilège aux ressortissants des autres États membres par rapport aux nationaux d'un État. Elle leur permet seulement d'accéder aux emplois existant sur le territoire de celui-ci, dans le strict respect de l'égalité de traitement qui constitue son corollaire. Elle les fait bénéficier d'une égalité des chances et non d'une certitude du résultat. Les ressortissants des autres États membres doivent, comme les nationaux, remplir
toutes les conditions exigées pour le recrutement, notamment celles de formation, d'expérience et de connaissances linguistiques (52).

133 En matière d'enseignement, la transmission des valeurs traditionnelles d'un pays est assurée d'abord par la détermination du contenu des programmes. Celle-ci est dans une très large mesure l'oeuvre des pouvoirs publics et non des enseignants eux-mêmes.

134 Notons que toutes les matières enseignées ne constituent pas des vecteurs de transmission des valeurs traditionnelles. Par exemple, les disciplines scientifiques et techniques, l'enseignement des langues étrangères, les disciplines sportives n'ont pas a priori une telle fonction. Seules des matières comme l'enseignement de la langue nationale, la littérature, l'histoire, la géographie, l'instruction civique sont incontestablement de nature à cultiver et à préserver l'identité nationale, à
condition que le contenu des programmes soit organisé en ce sens.

135 Dans l'enseignement secondaire et dans l'enseignement supérieur, où les enseignants sont en principe spécialisés par matières, la préoccupation du grand-duché de Luxembourg ne peut donc concerner que certaines matières et non toutes. Dans l'enseignement préscolaire et primaire, où le même enseignant a la responsabilité de l'essentiel des matières, cette préoccupation peut effectivement être plus large.

136 Cependant, quel que soit le type d'enseignement, les ressortissants d'autres États membres ne pourront participer utilement aux procédures de recrutement que s'ils ont une bonne connaissance de la ou des matières relevant des emplois offerts, ainsi que, en toute hypothèse, de la langue nationale (53) et/ou d'autres langues nécessaires à l'enseignement d'une matière déterminée.

137 Dans le cas d'un État comme le grand-duché de Luxembourg, il paraîtra donc fort peu vraisemblable que le ressortissant d'un autre État membre qui aurait passé sa jeunesse et sa scolarité dans son État d'origine puisse être en mesure de concourir avec quelques chances de succès dans une procédure de recrutement d'un instituteur, dès lors qu'il ne possédera pas la langue luxembourgeoise et n'aura pas étudié les matières concentrant les valeurs et la culture propres à l'État d'accueil. Dans
l'enseignement secondaire et supérieur, il en sera de même pour les emplois d'enseignants chargés de telles matières. En toute autre matière, le ressortissant non national pourra se heurter également à des exigences linguistiques, pour autant que le niveau de connaissance requis ne sera pas disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi (54).

138 En principe, seuls les ressortissants d'autres États membres qui auront passé leur jeunesse et leur scolarité au Grand-Duché ou qui, à tout le moins, y auront vécu plusieurs années, seront en mesure de concourir pour des postes couvrant l'une quelconque ou plusieurs des matières attachées à ceux-ci. Il ne pourra s'agir que de ressortissants parfaitement intégrés au pays, ayant comme les nationaux connaissance de la langue nationale et des deux autres langues pratiquées au Luxembourg. Ils auront
donc eux-mêmes été imprégnés des valeurs et de la culture de ce pays. En fonction de la matière enseignée, ils ne pourront que contribuer personnellement à leur transmission, en exécution des programmes établis par les pouvoirs publics compétents.

139 Le fait de leur ouvrir l'accès à des emplois dans l'enseignement ne représentera finalement pas une menace pour l'identité nationale.

140 Mais, en toute hypothèse, les ressortissants communautaires exerçant une liberté fondamentale reconnue par le traité, qui par ailleurs rempliraient toutes les conditions imposées pour l'accès à un emploi, ne sauraient se voir imposer, comme le suggère la partie défenderesse, une condition d'acquisition de la nationalité de l'État d'accueil.

141 Une telle exigence constituerait rien moins que la négation de la liberté invoquée.

B - La mise en oeuvre du choix opéré

142 Aux fins de l'application de l'article 48, paragraphe 4, du traité, nous vous avons proposé d'admettre une analyse par secteurs entiers d'activité de l'État ou des collectivités publiques, en fonction d'une distinction entre les activités qui comptent parmi les activités spécifiques de l'administration et celles qui en sont éloignées. Dans la présente affaire, il y a lieu à présent de procéder à l'analyse, sous l'angle d'une telle distinction, des secteurs visés par la requête de la Commission,
à l'effet d'en tirer toutes conséquences de droit quant à l'existence d'un manquement du grand-duché de Luxembourg (1). Avant de conclure sur ce dernier point, nous nous interrogerons sur le bien-fondé des moyens qui, selon la partie défenderesse, s'opposent à ce que vous accueilliez la requête (2).

1) Analyse des secteurs d'activité visés par la requête de la Commission

143 Au regard des critères de distinction que nous avons exposés (55), les six secteurs d'activité litigieux sont éloignés des activités spécifiques de l'administration publique.

144 Il y a donc lieu de considérer que la plupart des emplois qu'ils comprennent ne remplissent pas les conditions de la définition communautaire de l'administration publique. Par suite, ces secteurs d'activité relèvent a priori de l'article 48, paragraphes 1 à 3, du traité. Il appartient aux pouvoirs publics nationaux d'établir, pour des emplois déterminés, que les conditions de l'article 48, paragraphe 4, sont remplies.

145 La démarche du grand-duché de Luxembourg devrait ainsi consister à ouvrir l'accès aux secteurs litigieux aux travailleurs communautaires, sous la seule réserve d'exceptions positivement énoncées par référence à la définition communautaire de l'administration publique.

146 Force est de constater que telle n'est pas la solution retenue par le droit national mis en cause.

147 Notre description du droit positif luxembourgeois (56) montre que, dans les secteurs considérés, la condition de nationalité est la règle et que l'accès des ressortissants d'autres États membres demeure l'exception.

148 Les exceptions existent essentiellement pour certains établissements ou pour certains types d'emplois.

149 A la lumière de notre interprétation de l'article 48, paragraphe 4, du traité, le grand-duché de Luxembourg est donc susceptible de se voir imputer un manquement à ses obligations communautaires, en des termes cependant différents de ceux de la requête, dont la formulation, trop générale, est de nature à faire penser, à tort, que le droit luxembourgeois actuel n'admet aucune exception à la condition de nationalité.

150 Avant d'aboutir à cette conclusion, il nous reste à examiner les moyens que l'État défendeur oppose à la Commission.

2) Moyens opposés par la partie défenderesse

151 Le grand-duché de Luxembourg invoque quatre moyens qui, selon lui, sont de nature à entraîner le rejet de la requête. Le premier est tiré de sa constitution du 17 octobre 1868 (a). Les trois autres sont fondés sur des dispositions relevant du domaine de traités, à savoir l'article 13 de la convention européenne d'établissement du 13 décembre 1955 (57) (b), l'article 61 du traité du 3 février 1958 instituant l'Union économique Benelux (58) (c), et l'article 2 du protocole concernant le
grand-duché de Luxembourg, adopté le 25 mars 1957 et annexé au traité CEE (d).

a) Article 11 de la constitution du grand-duché de Luxembourg du 17 octobre 1868

152 L'article 11, paragraphe 2, de la constitution luxembourgeoise prévoit:

«Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi pour des cas particuliers.»

153 La partie défenderesse cite cette disposition au titre des obstacles juridiques qu'elle invoque.

154 Cependant, elle ajoute qu'elle est consciente de la primauté du droit communautaire sur le droit national des États membres.

155 Sur ce point, il suffira donc de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie (59), la primauté du droit communautaire existe à l'égard de toute norme nationale, même d'ordre constitutionnel.

156 En conséquence, l'article 11, paragraphe 2, précité, ne constitue pas un obstacle à la constatation d'un manquement.

157 En tout état de cause, nous soulignerons qu'il n'est pas exclu que l'expression «emplois civils et militaires» utilisée par cet article puisse être interprétée dans un sens parfaitement compatible avec votre définition de l'administration publique, auquel cas une réforme constitutionnelle ne s'imposerait pas dans l'ordre juridique interne.

b) Article 13 de la convention européenne d'établissement

158 La convention d'établissement, conclue dans le cadre du Conseil de l'Europe, a pour objet la détermination de règles communes concernant le traitement accordé aux ressortissants de chacun des États signataires sur le territoire des autres.

159 Au 1er juillet 1995, la convention était applicable dans dix États membres, à savoir le royaume de Belgique, le royaume de Danemark, la République fédérale d'Allemagne, la République hellénique, l'Irlande, la République italienne, le grand-duché de Luxembourg, le royaume des Pays-Bas, le royaume de Suède et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, ainsi que dans deux États tiers, à savoir le royaume de Norvège et la République turque.

160 L'article 13 invoqué par la partie défenderesse dispose à titre d'exception à la libéralisation de l'exercice d'activités lucratives prévue aux articles 10 à 12:

«Toute partie contractante peut réserver à ses nationaux les fonctions publiques et les activités concernant la sécurité ou la défense nationales ou en subordonner l'exercice par des ressortissants étrangers à des conditions spéciales.»

161 Il pose le problème des rapports entre le traité CEE et les conventions internationales conclues antérieurement au 1er janvier 1958 par un ou plusieurs États membres et un ou plusieurs États tiers.

162 Ces rapports sont régis par l'article 234, premier alinéa, du traité:

«Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du présent traité, entre un ou plusieurs États membres, d'une part, et un ou plusieurs États tiers, d'autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité.»

163 Depuis votre arrêt du 27 février 1962, Commission/Italie (60), vous interprétez cet article comme suit:

«[...] les termes `droits et obligations' de l'article 234 se réfèrent, en ce qui concerne les `droits', aux droits des États tiers et, en ce qui concerne les `obligations', aux obligations des États membres; [...] en vertu des principes du droit international, un État, en assumant une obligation nouvelle contraire aux droits qui lui sont reconnus par un traité antérieur, renonce par le fait même à user de ces droits dans la mesure nécessaire à l'exécution de sa nouvelle obligation.»

164 L'article 234 permet ainsi aux États membres de respecter les obligations souscrites à l'égard d'États tiers. En revanche, il ne permet pas aux États membres de se soustraire à l'exécution de leurs obligations à l'égard de la Communauté en faisant valoir des droits tirés d'une convention internationale antérieure.

165 L'article 13 de la convention d'établissement donne le droit, consistant en une simple faculté, de réserver aux nationaux les «fonctions publiques et les activités concernant la sécurité ou la défense nationales».

166 Cette disposition, à supposer même qu'elle doive être interprétée plus largement que l'article 48, paragraphe 4, du traité CEE, ne peut donc être opposée par l'un des États membres signataires de la convention d'établissement pour se soustraire à l'application de ses obligations communautaires.

167 Indépendamment de la règle énoncée à l'article 234 du traité, l'article 13 de la convention d'établissement doit être rapproché de l'article 25 de cette même convention, aux termes duquel:

«Les dispositions de la présente convention ne portent pas atteinte aux dispositions des législations nationales, des traités, conventions ou accords bilatéraux ou multilatéraux qui sont ou entreront en vigueur, en vertu desquels un traitement plus favorable serait accordé aux ressortissants d'une ou de plusieurs autres parties contractantes» (61).

168 Ce texte a expressément réservé l'hypothèse d'un traité postérieur plus favorable.

169 Or, l'article 48, paragraphe 4, du traité CEE, tel que vous l'interprétez strictement en faveur de la libre circulation des travailleurs, constitue une disposition plus favorable.

170 L'article 13 de la convention d'établissement ne saurait en conséquence faire obstacle à son application.

c) Article 61 du traité instituant l'Union économique Benelux (ci-après le «traité Benelux»)

171 Le traité Benelux, conclu entre le royaume de Belgique, le grand-duché de Luxembourg et le royaume des Pays-Bas, a institué «[...] l'Union économique envisagée par la convention douanière signée à Londres le 5 septembre 1944, précisée et interprétée conformément au protocole signé à La Haye le 14 mars 1947» (62).

172 L'article 2, paragraphe 2, ajoute:

«[Les ressortissants de chacune des parties contractantes] jouissent [sur le territoire des autres parties contractantes] du traitement accordé aux nationaux en ce qui concerne:

[...]

b) L'exercice d'activités économiques et professionnelles, y compris la prestation de services;

[...]»

173 Cependant, l'article 61, paragraphe 1, apporte une restriction à ce principe:

«Par dérogation à l'article 2, alinéa 2, sous b), du présent traité, chacune des hautes parties contractantes conserve le droit de réserver à ses nationaux l'exercice des activités économiques et professionnelles suivantes:

a) les fonctions, charges ou emplois publics, y compris les charges de notaire, d'avoué et d'huissier;

[...]»

174 L'article 233 du traité CEE dispose:

«Les dispositions du présent traité ne font pas obstacle à l'existence et à l'accomplissement des unions régionales entre la Belgique et le Luxembourg, ainsi qu'entre la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, dans la mesure où les objectifs de ces unions régionales ne sont pas atteints en application du présent traité.»

175 Cet article a été inséré dans le traité CEE à la demande expresse des gouvernements belge, luxembourgeois et néerlandais, afin que soit réglée la question des rapports entre les traités CEE et Benelux, dont le second était encore en voie de négociations et devait remplacer la convention douanière du 5 septembre 1944, précitée.

176 N'oublions pas que ce furent les trois États du Benelux qui prirent l'initiative d'une relance européenne lors de la réunion à Messine, les 1er et 2 juin 1955, des ministres des Affaires étrangères des six États membres de la CECA, en présentant un mémorandum à cet effet. C'est à la suite de ce mémorandum que fut décidée la réunion de la conférence intergouvernementale qui devait aboutir à la signature des traités de Rome, le 25 mars 1957.

177 Or, en 1955, l'Union Benelux était déjà particulièrement développée dans le cadre de la convention douanière de 1944. Le traité Benelux devait en réalité codifier les dispositions déjà acceptées par des instruments antérieurs et établir d'emblée le marché commun Benelux à un niveau d'achèvement que le traité CEE ne devait pas atteindre avant dix à quinze ans (63).

178 L'Union économique Benelux envisagée pouvait ainsi s'avérer plus avancée dans certains domaines que la Communauté économique européenne.

179 Pour les trois États du Benelux, «il importait de s'assurer la garantie juridique que leur oeuvre commune d'intégration pourrait être poursuivie dans le cadre de la nouvelle Communauté et y atteindre son plein épanouissement» (64).

180 L'article 233 visait «[...] l'Union Benelux tant dans sa forme [existant alors] que dans la forme qui [résulterait] de la conclusion et de la mise en oeuvre du traité d'Union, lequel [pouvait] être considéré effectivement comme le prolongement et le couronnement des accords existants» (65).

181 Les rédacteurs du traité CEE ont estimé «[...] qu'une intégration régionale sur une aire plus limitée [restait] possible, au sein de la Communauté européenne, pour autant qu'elle [serait] plus poussée dans la réalisation des objectifs économiques et sociaux visés» (66). Dans ces conditions, «Le rapport entre les deux communautés [était] donc non pas un parallélisme, ni une sujétion du Benelux par rapport à la Communauté économique européenne mais, au contraire, une priorité du Benelux sur la
Communauté économique européenne, dans la mesure où le Benelux [précédait] la Communauté des Six dans la direction de l'intégration» (67).

182 Le souci de préserver la possibilité d'une évolution ultérieure au sein du Benelux explique finalement le choix, dans l'article 233 du traité CEE, de l'expression «accomplissement des unions régionales» (68).

183 Vous avez entièrement consacré cette analyse dans votre arrêt du 16 mai 1984, Pakvries (69):

«[L'article 233 du traité] a pour but d'éviter que l'application du droit communautaire ait pour effet de désintégrer l'union régionale entre [le royaume de Belgique, le grand-duché de Luxembourg et le royaume des Pays-Bas] ou de faire obstacle à son développement. Cette disposition permet donc aux trois États membres concernés d'appliquer les règles en vigueur dans le cadre de leur union par dérogation aux règles de la Communauté, dans toute la mesure où cette union se trouve en avance sur la mise
en oeuvre du marché commun.»

184 L'article 3, sous c), du traité CEE vise, au titre des objectifs fondamentaux de la Communauté, l'abolition, notamment, des obstacles à la libre circulation des personnes.

185 L'article 1er du traité Benelux précise que l'Union économique comporte «la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des services» (70).

186 La libre circulation des personnes est donc un objectif commun des deux traités.

187 Une interprétation stricte d'une exception à cette liberté, comme celle liée à la notion d'«administration publique» visée à l'article 48, paragraphe 4, du traité CEE se rapproche davantage de l'objectif commun poursuivi que ne le ferait une interprétation large des notions de «fonctions, charges ou emplois publics» contenues à l'article 61 du traité Benelux.

188 Par suite, l'interprétation stricte de l'exception de l'article 48, paragraphe 4, du traité CEE doit être retenue dans les rapports entre tous les États membres, y compris les trois États du Benelux.

189 Existe-t-il un risque de contrariété entre l'interprétation qui pourrait être donnée des notions de «fonctions, charges ou emplois publics» dans le cadre du régime Benelux et celle que vous donnez de la notion d'«administration publique»?

190 Nous ne le pensons pas.

191 Dans le cadre du traité Benelux, l'interprétation de celui-ci relève du Collège arbitral (71), à défaut de règlement du différend au sein du Comité de ministres (article 44 du traité Benelux).

192 L'article 41 du traité Benelux dispose:

«Le Collège arbitral a pour mission de régler les différends qui pourraient s'élever entre les hautes parties contractantes en ce qui concerne l'application du présent traité et des dispositions conventionnelles relatives à son objet.»

193 Un litige pourrait opposer entre eux les États du Benelux sur l'interprétation des notions de «fonctions, charges ou emplois publics».

194 Toutefois, dans la mesure où l'interprétation de ces notions serait susceptible de mettre en cause l'interprétation et l'application de l'article 48, paragraphe 4, du traité CE, les États du Benelux devraient, nous semble-t-il, respecter les dispositions de l'article 51, paragraphe 2, du traité Benelux, aux termes duquel:

SUITE DES CONCLUSIONS SOUS LE NUM.DOC: 693C0473.1

«[...] les hautes parties contractantes conviennent de soumettre les différends mettant également en cause l'interprétation ou l'application du traité instituant la Communauté économique européenne ou du traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, à la Cour de justice instituée par lesdits traités. Dans la mesure où la Cour de justice se déclare incompétente pour trancher le différend, le Collège arbitral, prévu à l'article 15 du présent traité, est compétent.»

195 Par ce mécanisme de renvoi du différend à votre juridiction, tout risque de contrariété devrait pouvoir être évité.

196 Il résulte donc des considérations qui précèdent que le grand-duché de Luxembourg n'est pas fondé à invoquer l'article 61 du traité Benelux.

d) Article 2 du protocole du 25 mars 1957 concernant le grand-duché de Luxembourg

197 Aux termes de cet article,

«Lors de l'établissement des règlements prévus par l'article 48, paragraphe 3, du traité, relatif à la libre circulation des travailleurs, la Commission tient compte, en ce qui concerne le grand-duché de Luxembourg, de la situation démographique particulière de ce pays.»

198 Le grand-duché de Luxembourg estime qu'il doit être tenu compte de sa situation démographique particulière dans le cadre de l'application de l'article 48, paragraphe 4, du traité, dans un but de préservation de son identité nationale. L'exigence de la nationalité luxembourgeoise serait la condition sine qua non de cette préservation (72).

199 L'État défendeur fait part de sa crainte que les ressortissants des autres États membres candidats à un emploi ne soient nécessairement plus nombreux que les nationaux.

200 Observons immédiatement que l'article 2 du protocole vise le droit dérivé édicté par la Commission en ce qui concerne le droit des ressortissants communautaires de demeurer sur le territoire d'un État membre après y avoir occupé un emploi.

201 Il ne s'applique donc pas au droit primaire constitué par les dispositions du traité lui-même et ne concerne pas l'accès aux emplois, que ceux-ci relèvent du secteur public ou du secteur privé.

202 En toute hypothèse, nous pensons que la crainte exprimée par le grand-duché de Luxembourg ne devrait pas se vérifier dans la réalité des faits.

203 Comme nous l'avons déjà souligné en ce qui concerne le secteur particulier de l'enseignement (73), la liberté de circulation des personnes permet seulement aux ressortissants des autres États membres de postuler les emplois offerts à égalité de chances avec les nationaux.

204 Dans les secteurs d'activité litigieux, l'accès à des emplois impliquant par nature des contacts avec le public pourra en particulier être assorti de conditions relatives à la connaissance de l'une, de deux ou des trois langues consacrées par le régime des langues résultant de la loi du 24 février 1984.

205 Les pouvoirs publics devront seulement se garder d'imposer des exigences linguistiques qui ne seraient pas «requises en raison de la nature de l'emploi à pourvoir» au sens de l'article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n_ 1612/68 (74).

206 Dans votre arrêt Groener, précité (75), vous avez en effet souligné de manière générale:

«Les dispositions du traité CEE ne s'opposent pas à l'adoption d'une politique qui vise la défense et la promotion de la langue d'un État membre [...] Toutefois, la mise en oeuvre de cette politique ne doit pas porter atteinte à une liberté fondamentale telle que la libre circulation des travailleurs. Dès lors, les exigences découlant des mesures destinées à mettre en oeuvre une telle politique ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport au but poursuivi et les modalités de leur
application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d'autres États membres.»

207 Selon nous, les exigences linguistiques auxquelles pourra être légitimement subordonné l'accès à de nombreux emplois des secteurs litigieux ne devraient donc permettre le plus souvent qu'à des ressortissants nés ou établis de longue date au Luxembourg de répondre aux offres d'emplois ou de se présenter aux concours organisés aux fins du recrutement.

208 Il paraît très difficile d'imaginer que des ressortissants des trois États voisins du Grand-Duché établis dans leur État d'origine puissent subitement et massivement venir concurrencer les ressortissants luxembourgeois dans les procédures de recrutement destinées à pourvoir les emplois nouveaux ou vacants dont la nature justifie des exigences linguistiques.

209 En toute hypothèse, nous sommes d'avis que l'article 2 du protocole susvisé ne peut être opposé à la partie demanderesse.

210 Aucun des moyens invoqués par le grand-duché de Luxembourg n'étant fondé, nous vous proposerons de constater le manquement dans les termes de notre conclusion finale.

IV - Sur la demande de délai

211 Le grand-duché de Luxembourg demande que, dans l'hypothèse où un manquement serait constaté, un large délai lui soit accordé pour se conformer aux exigences communautaires.

212 Il fait valoir que le principe de la nationalité des fonctionnaires est profondément ancré dans son système administratif et qu'une réforme sur ce point l'amènerait à opérer des réformes draconiennes au niveau tant constitutionnel que législatif (76).

213 Cette demande pose la question des pouvoirs dont dispose votre Cour lorsqu'elle prononce un arrêt de manquement.

214 L'article 171 du traité ne vise que la constatation du manquement.

215 Le juge communautaire, soit «reconnaît» qu'un État membre a manqué à l'une de ses obligations communautaires, soit rejette la requête.

216 Il est certain qu'il ne peut procéder lui-même à l'élimination de la violation ni exercer un pouvoir d'injonction.

217 L'article 171 dispose que l'État «[...] est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice».

218 Dans votre arrêt du 5 novembre 1986, Commission/Italie (77), vous avez relevé:

«Cet article ne précise pas le délai dans lequel lesdites mesures doivent intervenir. Toutefois, la mise en oeuvre de l'exécution d'un arrêt doit être entamée immédiatement et doit aboutir dans les délais les plus brefs [...]»

219 Par ailleurs, dans deux arrêts du 10 novembre 1981, Commission/Italie (78), vous avez déjà jugé, sur une demande de prorogation du délai imparti par l'avis motivé:

«Les attributions de la Cour dans le cadre de l'article 169 du traité ne comportent pas, sous réserve du contrôle de la légalité de l'avis motivé, la compétence de substituer un autre délai à celui fixé par la Commission, en vertu du même article 169, dans ledit avis. Il revient, sous cette même réserve, à la Commission d'apprécier si une demande en ce sens, de la part d'un État membre, doit être accueillie.»

220 Nous estimons qu'il n'appartient pas davantage à la Cour, dans l'arrêt de manquement, d'accorder in abstracto et par anticipation un délai à l'État défendeur pour l'exécution dudit arrêt.

221 Le suivi de l'exécution de l'arrêt incombe d'abord à la Commission. Si elle estime que cette exécution n'est pas intervenue dans le délai nécessaire à cet effet, elle introduit une nouvelle procédure en manquement dans le cadre de laquelle elle fixera un délai pour la réponse à sa mise en demeure, puis surtout, dans son avis motivé, un délai de régularisation.

222 La Cour ne pourra examiner la situation qu'a posteriori, en fonction des circonstances de la cause, lorsqu'elle devra apprécier si un nouveau manquement a eu lieu.

223 La demande de délai présentée par le grand-duché de Luxembourg ne devrait donc pas être accueillie.

Conclusion

224 En conséquence, nous concluons à ce qu'il plaise à votre Cour déclarer et arrêter:

«1) En ne limitant pas l'exigence d'une condition de nationalité luxembourgeoise à l'égard des travailleurs ressortissants des autres États membres pour l'accès aux seuls emplois de fonctionnaire et d'employé public comportant une participation, directe ou indirecte, à l'exercice de la puissance publique et aux fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'État ou des autres collectivités publiques, dans les secteurs publics de la recherche, de l'enseignement, de la santé,
des transports terrestres, des postes et télécommunications et dans les services de distribution de l'eau, du gaz et de l'électricité, le grand-duché de Luxembourg a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 48 du traité CEE et des articles 1er et 7 du règlement (CEE) n_ 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté.

2) Le grand-duché de Luxembourg est condamné aux dépens.»

(1) - La requête vise à juste titre l'article 48 du traité CEE et non CE, puisque les avis motivés sont antérieurs au 1er novembre 1993, date d'entrée en application du traité sur l'Union européenne, et que l'existence d'un manquement aux obligations découlant de l'article 48 doit en principe s'apprécier à l'époque desdits avis motivés. La différence de libellé n'est ici que formelle, dans la mesure où l'article 48 n'a pas été modifié. Une telle différence pourrait en revanche être associée à des
conséquences au fond si le texte visé par la requête avait été modifié.

(2) - JO L 257, p. 2.

(3) - Voir nos conclusions séparées de ce jour dans les affaires Commission/Belgique (C-173/94) et Commission/Grèce (C-290/94).

(4) - 152/73, Rec. p. 153.

(5) - Attendu 4.

(6) - Voir, également, arrêt du 16 juin 1987, Commission/Italie (225/85, Rec. p. 2625, point 7).

(7) - Arrêt Sotgiu, précité (attendu 5).

(8) - 149/79, Rec. p. 3881.

(9) - Points 12 et 18.

(10) - Point 10, souligné par nous.

(11) - Qualificatif utilisé expressément dans l'arrêt du 3 juin 1986, Commission/France (307/84, Rec. p. 1725, point 12): «[...] le critère d'applicabilité de l'article 48, paragraphe 4, du traité doit être fonctionnel [...]»

(12) - Arrêt Commission/Belgique, précité (point 11).

(13) - Arrêt Commission/Italie, précité (point 9).

(14) - Arrêt Commission/France, précité (point 12); arrêts du 3 juillet 1986, Lawrie-Blum (66/85, Rec. p. 2121, point 27); du 30 mai 1989, Allué et Coonan (33/88, Rec. p. 1591, point 7, ainsi que point 12 des conclusions de l'avocat général M. Lenz, qui souligne la conjonction «et»), et du 27 novembre 1991, Bleis (C-4/91, Rec. p. I-5627, point 6, qui vise expressément, outre l'arrêt Commission/Belgique, précité, l'arrêt Commission/Italie, également précité, à titre de précédent consacrant le
caractère cumulatif des deux conditions).

(15) - Points 21 et 22, souligné par nous.

(16) - Solution implicite dans l'arrêt Sotgiu, précité (attendu 4, quatrième alinéa).

(17) - Arrêt du 26 mai 1982, Commission/Belgique (149/79, Rec. p. 1845).

(18) - Ibidem.

(19) - Arrêt Commission/France, précité.

(20) - Arrêt Lawrie-Blum, précité.

(21) - Arrêt Bleis, précité.

(22) - Arrêt Allué et Coonan, précité.

(23) - Arrêt Commission/Italie, précité.

(24) - Libre circulation des travailleurs et accès aux emplois dans l'administration publique des États membres - Action de la Commission en matière d'application de l'article 48 paragraphe 4 du traité CEE (JO 1988, C 72, p. 2).

(25) - Voir, pour les références des deux autres affaires, la note 3 ci-dessus.

(26) - 293/85, Rec. p. 305.

(27) - Point 13.

(28) - Point 14, souligné par nous.

(29) - Souligné par nous.

(30) - Voir point 51 ci-dessus.

(31) - Mémoire en défense, p. 12.

(32) - Ibidem, p. 16.

(33) - Point 5.

(34) - Point 12.

(35) - Point 7.

(36) - Arrêt du 17 décembre 1980 (point 1, souligné par nous).

(37) - Point 16, et la note y afférente.

(38) - Point 11, souligné par nous.

(39) - Souligné par nous.

(40) - C-369/88, Rec. p. I-1487.

(41) - C-60/89, Rec. p. I-1547.

(42) - Voir points 50 et 51 de l'arrêt Delattre et points 37 et 38 de l'arrêt Monteil et Samanni. Votre arrêt du 24 novembre 1993, Keck et Mithouard (C-267/91 et C-268/91, Rec. p. I-6097), pourrait désormais exclure qu'un monopole de commercialisation, en tant que relevant des modalités de vente d'un produit, puisse entrer dans le domaine d'application de l'article 30 du traité. Cette observation n'enlève cependant rien au fait que, dans les deux arrêts analysés, vous avez eu recours à une
présomption dans le cadre de l'article 30 du traité, relatif à l'une des grandes libertés reconnues par celui-ci à côté de la libre circulation des travailleurs.

(43) - De façon comparable dans la présente affaire, nous vous proposons de distinguer entre deux types d'activités.

(44) - Point 54 de l'arrêt Delattre et point 41 de l'arrêt Monteil et Samanni.

(45) - Point 56 de l'arrêt Delattre et point 43 de l'arrêt Monteil et Samanni, souligné par nous.

(46) - Ibidem.

(47) - Point 57 de l'arrêt Delattre et point 44 de l'arrêt Monteil et Samanni, souligné par nous.

(48) - Mémoire en défense, p. 15.

(49) - Voir le point 15 ci-dessus.

(50) - Arrêts Lawrie-Blum (points 27 et 28), Allué et Coonan (point 7) et Bleis (points 6 et 7), précités.

(51) - Mémoire en défense, p. 9.

(52) - Sur ce dernier point, soulignons que l'article 3, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n_ 1612/68 réserve la possibilité d'imposer des «[...] conditions relatives aux connaissances linguistiques requises en raison de la nature de l'emploi à pourvoir».

(53) - Au grand-duché de Luxembourg, en vertu des articles 1er, 2 et 3 de la loi du 24 février 1984 sur le régime des langues (Mémorial A, 1984, p. 196), la langue nationale est le luxembourgeois, la langue de la législation le français et les langues administratives et judiciaires le français, l'allemand ou le luxembourgeois.

(54) - Arrêt du 28 novembre 1989, Groener (C-379/87, Rec. p. 3967, points 20 et 21).

(55) - Points 124 et 125 ci-dessus.

(56) - Points 30 et suiv.

(57) - Série des traités et conventions européens, n_ 19.

(58) - Moniteur belge du 27 octobre 1960. Voir également Codes Larcier, tome IV, édition 1995, p. 33.

(59) - Ordonnance du 22 juin 1965, San Michele/Haute Autorité (9/65, Rec. 1967, p. 35, 37); arrêts du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, Rec. p. 1125, point 3), et du 13 juillet 1972, Commission/Italie (48/71, Rec. p. 529, points 8 et 9).

(60) - 10/61, Rec. p. 1, 22, souligné par nous. Voir également arrêts du 14 octobre 1980, Burgoa (812/79, Rec. p. 2787, points 8 et 9), et du 11 mars 1986, Conegate (121/85, Rec. p. 1007, point 25).

(61) - Souligné par nous.

(62) - Préambule du traité Benelux, reproduit dans Karelle J. et de Kemmeter F.: «Le Benelux commenté», éditions Bruylant, 1961, p. 57.

(63) - Voir baron Snoy et d'Oppuers: «Le Benelux dans la Communauté économique européenne», Bulletin trimestriel Benelux, 1959, n_ 9, p. 8, 9, deuxième alinéa.

(64) - Rasquin, G.: «Considérations sur l'article 233 du traité CEE (La `clause Benelux')», Revue trimestrielle Benelux, 1982, n_ 3, p. 57, 59.

(65) - Karelle J. et de Kemmeter F., op. cit., p. 58.

(66) - Ibidem, p. 59, souligné par nous.

(67) - Ibidem.

(68) - Souligné par nous.

(69) - 105/83, Rec. p. 2101, point 11, souligné par nous.

(70) - Souligné par nous.

(71) - La Cour de justice Benelux, instituée par le traité du 31 mars 1965 relatif à l'institution et au statut d'une Cour de justice Benelux (Codes Larcier, tome IV, édition 1995, p. 44), a, en application des articles 6, paragraphe 1, et 11, paragraphe 1, de ce traité, compétence pour connaître des questions d'interprétation des seules règles juridiques désignées en vertu de l'article 1er de celui-ci, c'est-à-dire de règles désignées soit par une convention, soit par une décision du Comité des
ministres.

(72) - Mémoire en défense, p. 20.

(73) - Point 132 ci-dessus.

(74) - Voir note 52.

(75) - Point 19.

(76) - Mémoire en défense, p. 18.

(77) - 160/85, Rec. p. 3245, point 9, souligné par nous. Jurisprudence constante: voir, notamment, arrêts du 12 février 1987, Commission/Italie (69/86, Rec. p. 773, point 8); du 14 janvier 1988, Commission/Belgique (227/85, 228/85, 229/85 et 230/85, Rec. p. 1, point 11); du 13 juillet 1988, Commission/France (169/87, Rec. p. 4093, point 14); du 30 janvier 1992, Commission/Grèce (C-328/90, Rec. p. I-425, point 6), et du 23 mars 1993, Commission/Allemagne (C-345/92, Rec. p. I-1115, point 6).

(78) - 28/81, Rec. p. 2577, point 6, et 29/81, Rec. p. 2585, point 6.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-473/93
Date de la décision : 05/03/1996
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Libre circulation des personnes - Emplois dans l'administration publique.

Libre circulation des travailleurs


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : Grand-Duché de Luxembourg.

Composition du Tribunal
Avocat général : Léger
Rapporteur ?: Jann

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1996:80

Source

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