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14/11/1995 | CJUE | N°C-197/94

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 14 novembre 1995., Société Bautiaa contre Directeur des services fiscaux des Landes et Société française maritime contre Directeur des services fiscaux du Finistère., 14/11/1995, C-197/94


Avis juridique important

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61994C0197

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 14 novembre 1995. - Société Bautiaa contre Directeur des services fiscaux des Landes et Société française maritime contre Directeur des services fiscaux du Finistère. - Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de gra

nde instance de Dax et Tribunal de grande instance de Quimper - France. - Art...

Avis juridique important

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61994C0197

Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 14 novembre 1995. - Société Bautiaa contre Directeur des services fiscaux des Landes et Société française maritime contre Directeur des services fiscaux du Finistère. - Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Dax et Tribunal de grande instance de Quimper - France. - Article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Fusion de sociétés -
Exonération. - Affaires jointes C-197/94 et C-252/94.
Recueil de jurisprudence 1996 page I-00505

Conclusions de l'avocat général

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Les deux questions préjudicielles que soumettent à la Cour le tribunal de grande instance de Dax (affaire C-197/94) et le tribunal de grande instance de Quimper (affaire C-252/94) portent sur l'interprétation de l'article 7 de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux (1) (ci-après la «directive 69/335»). Dans les deux cas, les juridictions nationales ont estimé nécessaire de poser les questions préjudicielles pour
décider de la compatibilité ou non avec la directive 69/335 de certaines dispositions du code général des impôts français (ci-après le «CGI») relatives au régime fiscal des fusions d'entreprises.

I - Le contexte factuel

A - L'affaire C-197/94

1 Aux termes d'un acte sous seing privé du 5 novembre 1990, la SARL Société nouvelle de matériaux et travaux publics (ci-après la «SNMTP») a apporté, à titre de fusion, à la société anonyme Bautiaa (ci-après «Bautiaa») la totalité des biens composant son actif, pour une valeur nette de 1 931 948 FF, moyennant l'attribution de 142 actions nouvelles de Bautiaa, d'une valeur nominale de 250 FF chacune. Il était prévu dans l'acte de fusion, notamment, que le droit d'enregistrement proportionnel de 1,20
% auquel sont soumises les opérations de fusion serait perçu sur la somme de 1 881 948 FF représentant la différence entre la valeur de l'actif net apporté par la SNMTP, d'une part, et le montant libéré mais non amorti de son capital social, d'autre part.

2 L'enregistrement de la fusion a été réalisé le 9 janvier 1991 à la recette de Dax Sud. Le même jour, Bautiaa a acquitté le droit proportionnel prévu pour cet enregistrement (2).

3 Par réclamation du 31 décembre 1991, Bautiaa a demandé à l'administration fiscale le remboursement de la somme, sans préjudice des intérêts produits, qu'elle avait versée à ce titre à raison de l'incompatibilité entre la disposition (l'article 816-I-2_ du CGI) qui soumet les opérations de fusion des entreprises au droit proportionnel d'enregistrement de 1,20 % et la directive 69/335, qui, après sa modification par la directive 85/303/CEE (3) (ci-après la «directive 85/303»), interdit, toujours
selon Bautiaa, la perception de droits sur les fusions réalisées depuis le 1er janvier 1986.

4 Après le rejet de sa réclamation par décision expresse du directeur des services fiscaux des Landes (4), Bautiaa a fait assigner ce dernier, par exploit du 9 juillet 1992, devant le tribunal de grande instance de Dax en restitution des droits qu'elle avait payés au titre du droit d'enregistrement proportionnel, avec les intérêts moratoires. En vue de la solution du litige en instance devant lui, le tribunal de grande instance de Dax a soumis à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 99 et suivants du traité et l'article 7 de la directive 69/335/CEE du 17 juillet 1969 (modifiée en dernier lieu par la directive 85/303/CEE du 10 juin 1985) doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à l'application d'une législation nationale maintenant un droit d'enregistrement de 1,20 % frappant les opérations de fusions de sociétés, comme le font les articles 812 à 816-I du code général des impôts?»

B - L'affaire C-252/94

5 La juridiction nationale est avare d'informations sur les conditions dans lesquelles est née l'obligation fiscale dont l'existence est contestée devant elle. Il résulte cependant de la combinaison des données très minces que contient à cet égard le jugement de renvoi et des éléments rapportés dans les observations écrites déposées devant la Cour par la demanderesse au principal, la Société française maritime, société anonyme (ci-après la «SFM»), éléments dont le contenu n'est pas contesté sur ce
point, que:

a) entre 1987 et 1991, quinze autres entreprises ont été absorbées par la SFM;

b) pour l'enregistrement des actes de fusion correspondants, la SFM a versé, le 27 janvier 1987, le 17 janvier 1989 et le 23 janvier 1991, un droit d'enregistrement proportionnel de 1,20 %, ainsi qu'un droit fixe;

c) les sommes qui ont été versées pour les motifs exposés ci-dessus se sont élevées au total à 1 406 940 FF.

6 Le 20 novembre 1992, la SFM a fait assigner la direction des services fiscaux du Finistère devant le tribunal de grande instance de Quimper en restitution des droits qu'elle avait payés au titre du droit d'enregistrement proportionnel sur les opérations de fusion évoquées ci-dessus. Selon les arguments avancés dans l'exploit, la disposition de l'article 816-I-2º du CGI, qui prévoit le droit litigieux, est incompatible avec la directive 69/335, dont l'article 7, tel qu'il est appliqué depuis son
remplacement par la directive 85/303, interdit, toujours selon la SFM, la perception d'un droit proportionnel sur les fusions de sociétés réalisées depuis le 1er janvier 1986.

7 Le recours a fait l'objet, le 9 avril 1994, d'un jugement par lequel le tribunal de grande instance de Quimper a déclaré que:

a) aux termes des dispositions pertinentes de la législation nationale (article R* 196-1 du Livre des procédures fiscales) la requête de la SFM, en tant qu'elle concernait la restitution des sommes versées au titre du droit d'enregistrement proportionnel en 1987 et 1989, est entachée de forclusion;

b) pour la solution de la partie du litige qui concerne le droit d'enregistrement proportionnel acquitté en 1991, il convenait de soumettre à la Cour la question préjudicielle suivante:

«La directive nº 85/303 du 10 juin 1985 qui détermine notamment le régime fiscal des fusions et qui prévoit que: "les États membres exonèrent du droit d'apport les opérations qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984" (article 7-1 de la directive), combinée avec la directive nº 73/80 du 9 avril 1973 qui a plafonné, avec effet au 1er janvier 1976, les droits perçus lors des fusions à 0,50 %, autorise-t-elle la perception d'un droit
proportionnel d'enregistrement de 1,20 % par l'administration fiscale d'un État membre, lors des opérations de fusion?»

II - Les dispositions nationales

8 Les jugements de renvoi ne citent pas in extenso les dispositions nationales litigieuses. Leur contenu n'est toutefois pas contesté par les parties qui ont déposé des observations écrites devant la Cour.

Plus particulièrement:

Le CGI, dans sa version en vigueur à l'époque pertinente en l'espèce, prévoyait à l'article 810-I et II que le taux du droit d'enregistrement perçu sur les apports mobiliers ainsi que le taux du droit d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière perçus sur les apports immobiliers étaient fixés à 1 %. Le même texte disposait à l'article 812-I-1º que:

«... le droit établi par l'article 810-I est perçu au taux de 3 % lorsqu'il s'applique aux actes portant augmentation, au moyen de l'incorporation de bénéfices, de réserves ou de provisions de toute nature, du capital des sociétés visées à l'article 108» (c'est-à-dire passibles de l'impôt sur les sociétés),

tandis que l'article 816-I prévoyait ce qui suit:

«Les actes qui constatent des opérations de fusion auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l'impôt sur les sociétés bénéficient du régime suivant:

1º il est perçu un droit fixe d'enregistrement ou une taxe fixe de publicité foncière de 1 220 F;

2º le droit proportionnel de 3 % prévu à l'article 812-I-1º est réduit à 1,20 %.

Il se calcule sur la valeur de l'actif net de la société absorbée sous déduction du montant libéré et non amorti de son capital social...»

9 Dans les observations écrites déposées devant la Cour par le gouvernement français, il est précisé que, postérieurement à la perception des droits litigieux à la charge des sociétés Bautiaa et SFM, les dispositions pertinentes du CGI ont été modifiées fondamentalement: la loi de finances pour 1992 (loi 91-1322 du 30 décembre 1991) a supprimé le droit d'enregistrement proportionnel de 1 % sur les apports prévu par l'article 810-I et II et l'a remplacé par un droit fixe de 430 FF, tandis que la loi
de finances pour 1994 (loi 93-1352 du 30 décembre 1993) a supprimé à la fois le droit d'enregistrement proportionnel de 3 % sur les augmentations de capital au moyen de l'incorporation des bénéfices, de réserves ou de provisions, prévu par l'article 812-I-1º, et le droit correspondant de 1,20 % sur les opérations de fusion, prévu par l'article 816-I-2º. La suppression des deux derniers droits s'étend à toutes les opérations (augmentations de capital et fusions) réalisées après le 15 octobre 1993.

III - Les dispositions communautaires

10 La directive 69/335, adoptée sur la base des articles 99 et 100 du traité CEE, prévoit à l'article 1er que les États membres perçoivent un droit sur les apports à des sociétés de capitaux, harmonisé conformément aux dispositions des articles 2 à 9 de ladite directive. L'article 4, paragraphe 1, sous c), de la même directive dispose qu'est soumise à ce droit («droit d'apport»), notamment, «l'augmentation du capital social d'une société de capitaux au moyen de l'apport de biens de toute nature»
tandis que le paragraphe 2, sous a), du même article prévoyait, dans sa version initiale, que peut également être soumise à ce droit, notamment, «l'augmentation du capital social d'une société de capitaux par incorporation de bénéfices, réserves ou provisions» (5). Les articles 5 et 6 concernent la base d'imposition, tandis que l'article 7, relatif aux taux applicables, était libellé initialement comme suit:

«1 ...

a) le taux du droit d'apport ne peut dépasser 2 % ni être inférieur à 1 %;

b) ce taux est réduit de 50 % ou plus lorsqu'une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine, ou une ou plusieurs branches de leur activité, à une ou plusieurs sociétés de capitaux en voie de création ou préexistantes.

...

4 Lorsqu'un État membre fait usage de la faculté visée à l'article 4, paragraphe 2, le droit d'apport peut être perçu à un taux réduit.»

Ont été adoptées ensuite:

a) la directive 73/80/CEE du Conseil, du 9 avril 1973 (6), (ci-après la «directive 73/80»), dont l'article 1er a prévu que le taux du droit d'apport visé à l'article 7 de la directive 69/335 est fixé à 1 % à partir du 1er janvier 1976 et l'article 2 que le taux réduit visé à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la même directive est fixé de 0 % à 0,50 % à partir du 1er janvier 1976;

b) la directive 85/303, dont l'article 1er, point 2), a remplacé l'article 7 de la directive 69/335 par le texte suivant:

«1. Les États membres exonèrent du droit d'apport les opérations, autres que celles visées à l'article 9, qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984.

2. Les États membres peuvent, soit exonérer du droit d'apport toutes les opérations autres que celles visées au paragraphe 1, soit les soumettre à un taux unique ne dépassant pas 1 %.

3. ...»

Enfin la directive 69/335 prévoit à l'article 9:

«Certaines catégories d'opérations ou de sociétés de capitaux peuvent faire l'objet d'exonérations, de réductions ou de majorations de taux pour des motifs d'équité fiscale ou d'ordre social, ou pour mettre un État membre en mesure de faire face à des situations particulières. L'État membre qui envisage de prendre une telle mesure en saisit la Commission en temps utile et aux fins de l'application de l'article 102 du traité»,

et dispose à l'article 10:

«En dehors du droit d'apport, les États membres ne perçoivent, en ce qui concerne les sociétés, associations ou personnes morales poursuivant des buts lucratifs, aucune imposition, sous quelque forme que ce soit:

a) pour les opérations visées à l'article 4; b) pour les apports, prêts ou prestations, effectués dans le cadre des opérations visées à l'article 4; c) pour l'immatriculation ou pour toute autre formalité préalable à l'exercice d'une activité, à laquelle une société, association ou personne morale poursuivant des buts lucratifs peut être soumise en raison de sa forme juridique.»

IV - Observation liminaire

11 Nous rapportant au contexte factuel de l'affaire C-252/94, nous avons indiqué (voir le point 7 ci-dessus) que le tribunal de grande instance de Quimper avait estimé, d'une part, qu'il était nécessaire, pour la solution du litige pendant devant lui au sujet de la légalité de la perception du droit d'enregistrement litigieux en 1991, de poser une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 7 de la directive 69/335, mais, d'autre part, que pour ce qui concernait la perception du
même droit en 1987 et 1989 la requête de la SFM était entachée de forclusion.

12 Afin de réfuter l'exception de forclusion avancée par l'administration des impôts, la SFM a invoqué devant le tribunal de grande instance l'arrêt de la Cour du 25 juillet 1991, Emmott (7). Dans cet arrêt, la Cour a déclaré (voir, en particulier, le point 23) que, jusqu'au moment de la transposition correcte d'une directive, un État membre défaillant, qui n'a pas transposé dans son ordre juridique interne les dispositions de cette directive, «ne peut pas exciper de la tardiveté d'une action
judiciaire introduite à son encontre par un particulier en vue de la protection des droits que lui reconnaissent les dispositions de cette directive et qu'un délai de recours de droit national ne peut commencer à courir qu'à partir de ce moment». Dans les observations écrites qu'elle a déposées devant la Cour, la SFM fait valoir à présent que le jugement de la juridiction nationale déclarant sa demande de restitution des droits acquittés en 1987 et 1989 entachée de forclusion enfreint la
jurisprudence Emmott et elle demande à la Cour d'indiquer dans sa réponse à la question préjudicielle posée par le tribunal de grande instance de Quimper que le délai de forclusion de l'action en restitution des droits litigieux indûment perçus ne saurait commencer à courir qu'après la transposition correcte de la directive 69/335 dans l'ordre juridique interne.

13 Il est évident que la Cour n'a pas à examiner cette dernière question.

Selon la répartition des compétences opérée par l'article 177 du traité dans le cadre de la procédure préjudicielle, il appartient à la seule juridiction nationale de définir l'objet des questions préjudicielles qu'elle entend poser. En conséquence, la Cour ne peut pas, à la suite d'une demande en ce sens d'une partie au litige principal, examiner une question qui ne lui a pas été soumise par le juge national, ou élargir l'objet de la question qui a été posée (8). Cela vaut évidemment d'autant plus
lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'une des parties au principal demande à la Cour d'examiner une question, soulevée devant la juridiction nationale, au sujet de laquelle cette dernière a refusé, fût-ce implicitement, de poser une question préjudicielle (9).

14 La question soulevée par la SFM ne peut du reste pas être examinée par la Cour pour une raison supplémentaire, encore plus fondamentale: ainsi qu'elle l'a jugé, la Cour n'a pas compétence pour connaître du renvoi préjudiciel lorsque, au moment où il est fait, la procédure devant le juge national est déjà clôturée (10). En l'espèce, le procès qui s'est ouvert par l'exercice de l'action de la SFM continue à être pendant devant le tribunal de grande instance de Quimper, mais seulement pour ce qui
concerne la demande de restitution des droits acquittés en 1991. En revanche, pour ce qui concerne la demande de restitution des droits acquittés en 1987 et 1989, il n'existe plus de litige en instance devant la juridiction précitée, puisque cette dernière a constaté qu'il convenait de rejeter cette partie de la requête de la SFM pour cause de forclusion. Or, la question que soulève la SFM (celle de savoir si le délai prévu par le droit national pour l'exercice d'une action en restitution des droits
indûment perçus commence à courir avant la transposition correcte de la directive concernée dans l'ordre juridique interne) concerne exclusivement la partie du litige relativement à laquelle la procédure devant la juridiction de renvoi est déjà clôturée, et la Cour est dès lors privée, en tout état de cause, de compétence pour statuer sur cette question. Ajoutons enfin, bien que cela soit évident, que l'article 177 du traité qui n'établit pas, entre la Cour et le juge national, de rapport
hiérarchique, mais un rapport de collaboration, n'autorise évidemment pas la Cour à contrôler, en qualité d'institution hiérarchiquement supérieure, la validité, à la lumière du droit communautaire, des motifs sur la base desquels le tribunal de grande instance de Quimper a été amené à conclure au rejet partiel de la requête de la SFM pour cause de forclusion (11).

V - Les questions préjudicielles posées

15 Malgré les différences dans leur formulation, les demandes préjudicielles du tribunal de grande instance de Dax et du tribunal de grande instance de Quimper soulèvent exactement la même question: les dispositions de l'article 7 de la directive 69/335, tel qu'il s'applique depuis son remplacement par la directive 85/303, autorisent-elles la perception, par un État membre, d'un droit proportionnel de 1,20 % frappant les opérations décrites dans les deux jugements de renvoi et qualifiées par les
deux juridictions a quo d'«opérations de fusion de sociétés»?

16 Les sociétés Bautiaa et SFM, ainsi que la Commission, proposent de répondre à cette question par la négative. Le gouvernement français allègue au contraire qu'à l'époque pertinente en l'espèce la perception du droit précité était possible parce que ce dernier remplissait, dans le cadre du système fiscal français, une fonction spécifique, qui avait été invoquée par la France au stade de l'élaboration de la directive 69/335 pour obtenir un régime d'exception à l'égard de ce droit.

17 L'examen des questions qui se posent nécessite d'abord, à notre avis, une analyse de la nature du droit auquel se rapportent les questions préjudicielles à la lumière des dispositions de la directive 69/335 (voir ci-après, sous A). Nous examinerons ensuite les deux questions que soulève l'argumentation du gouvernement français, c'est-à-dire la question de savoir si la qualification du droit précité dans le cadre du régime de la directive 69/335 peut être influencée par la nature ou la fonction
(éventuellement particulières) qu'il revêtait dans le cadre du régime fiscal français (voir ci-après, sous B) et la question de savoir s'il existe, sous l'empire de la directive précitée, un régime spécial auquel est soumis ce droit (voir ci-après, sous C).

A - La nature du droit litigieux à la lumière de la directive 69/335

18 Ainsi que la Cour l'a indiqué dès son premier arrêt sur des questions préjudicielles relatives à l'interprétation des dispositions de la directive 69/335 (12), le préambule de cette directive indique de façon particulièrement claire les finalités que poursuivait le législateur communautaire en l'adoptant: en vue de promouvoir la libre circulation des capitaux, considérée comme essentielle à la création d'une union économique ayant des caractéristiques analogues à celles d'un marché intérieur, il
convenait d'éliminer les discriminations, les disparités et les doubles impositions auxquelles donnaient naissance les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, en vigueur dans les États membres. Afin d'atteindre cet objectif, il a été jugé nécessaire, d'une part, de supprimer le droit de timbre perçu par les États membres sur les titres et, d'autre part, de remplacer le droit perçu par les États membres sur les apports en société par un impôt perçu une seule fois dans le marché
commun et d'un niveau égal dans tous les États membres. La directive a ainsi prévu l'introduction d'un droit unique sur les apports en société («droit d'apport»), harmonisé en ce qui concerne tant sa structure que ses taux.

19 Nous avons déjà mentionné (voir le point III ci-dessus) que l'article 4 de la directive 69/335 énumère les opérations qui sont soumises au droit d'apport harmonisé (paragraphe 1) et les opérations que les États membres peuvent soumettre à ce droit (paragraphe 2), et que l'article 7, sur lequel portent les questions posées par les juridictions nationales, prévoit les taux de ce droit harmonisé.

20 La disposition de l'article 7, paragraphe 1, sous a), prévoyait dans sa version initiale que le taux du droit d'apport ne pouvait dépasser 2 % ni être inférieur à 1 %. Toutefois, le même paragraphe, sous b), prévoyait que ce taux «est réduit de 50 % ou plus», notamment, lorsqu'une ou plusieurs sociétés de capitaux apportent la totalité de leur patrimoine à une ou plusieurs sociétés de capitaux préexistantes, à la condition supplémentaire [voir le deuxième alinéa, premier tiret, dudit point b)]
que l'apport précité soit en principe rémunéré exclusivement par l'attribution de parts sociales. Ainsi, à partir du 1er janvier 1972 (date à laquelle, selon l'article 13 de la directive, devaient être mises en vigueur les dispositions nécessaires pour s'y conformer), les États membres avaient la possibilité soit d'exonérer du droit d'apport les opérations visées sous b) ci-dessus, soit d'instaurer, spécialement pour ces opérations, un taux réduit ne pouvant pas être supérieur à 50 % du taux
général. Le Conseil a adopté ensuite la directive 73/80, dont l'article 2 prévoyait que les États membres avaient la possibilité, à partir du 1er janvier 1976, soit d'exonérer du droit d'apport les opérations susvisées en leur appliquant un taux de 0 %, soit de les soumettre à un droit d'apport dont le taux ne pouvait toutefois pas dépasser 0,50 %. Enfin, l'article 1er, point 2, de la directive 85/303 a remplacé l'article 7 de la directive 69/335 par une disposition dont le paragraphe 1 prévoit que
les États membres (sous réserve de la disposition dérogatoire de l'article 9 de la directive 69/335) exonèrent du droit d'apport les opérations qui étaient exonérées ou taxées à un taux égal ou inférieur à 0,50 % à la date du 1er juillet 1984. Ainsi s'est achevée la réduction progressive du droit sur les opérations visées à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335 dans sa version originale: puisque, en vertu de la directive 73/80, ces opérations devaient, dès le 1er janvier 1976,
soit être exonérées du droit d'apport soit être imposées à un taux égal ou inférieur à 0,50 %, elles sont obligatoirement exonérées de ce droit au 1er janvier 1986, date limite pour l'introduction par les États membres des mesures nécessaires pour se conformer à la directive 85/303 (13).

21 Il ne fait aucun doute, à notre avis, qu'une opération ayant les caractéristiques de celle décrite dans le jugement de renvoi du tribunal de grande instance de Dax comme fait générateur du droit acquitté par Bautiaa doit être classée parmi les opérations visées à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, dans sa version initiale. Selon les éléments exposés dans ledit jugement de renvoi, cette opération consistait, en fait, dans l'apport, par la société SNMTP, de la totalité des biens
composant son actif à la société Bautiaa, avec pour contrepartie (exclusive, semble-t-il) l'attribution d'actions de cette dernière (14). Bien que le tribunal de grande instance de Quimper ne fournisse pas d'éléments analogues quant à la nature des opérations dont l'imposition a conduit la SFM à intenter l'action en instance devant lui, il convient, pensons-nous, de considérer comme acquis, eu égard principalement au fait que le jugement de renvoi dans cette affaire utilise, pour décrire les
opérations en question, les mêmes termes de droit national («opérations de fusion») qu'utilise le tribunal de grande instance de Dax lorsqu'il décrit les opérations pour lesquelles Bautiaa a acquitté des droits, que les opérations pour lesquelles la SFM a acquitté des droits présentaient elles aussi les mêmes caractéristiques (15).

22 Cela étant, on aboutit inévitablement à la conclusion que le droit proportionnel frappant, comme le droit litigieux, des opérations qui présentent des caractéristiques analogues à celles des opérations dont la taxation a été à l'origine des litiges en instance devant les juridictions a quo, c'est-à-dire des opérations qui consistent dans l'apport, par une société de capitaux, de la totalité de son patrimoine à une autre société de capitaux, avec pour contrepartie exclusive l'attribution de parts
sociales, constitue un droit d'apport dont l'imposition ou le maintien est, après le 1er janvier 1986, incompatible avec la directive 69/335 et, plus particulièrement, avec l'article 7, paragraphe 1, de cette directive, tel qu'il s'applique depuis son remplacement par la directive 85/303 (16) (17).

B - L'incidence de la nature ou de la fonction éventuellement particulières du droit en cause dans le cadre du régime fiscal national

23 Le gouvernement français, pour qualifier juridiquement le droit litigieux (qu'il dénomme explicitement dans ses observations écrites, notons-le, «droit d'apport»), adopte une analyse dont le point de départ est la nature particulière qu'avait ce droit dans le cadre du régime fiscal français.

24 Pour un exposé complet de l'analyse du gouvernement français, il est nécessaire de rapprocher les éléments développés dans ses observations écrites devant la Cour et les éléments qu'avait fait valoir sous ce rapport l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Dax, tels qu'ils résultent du jugement de renvoi pertinent. Sur la base de ces données, la position du gouvernement français peut être résumée de la manière suivante: la disposition de l'article 816-I-2º du CGI, en
vertu de laquelle ont été taxées les opérations décrites dans les jugements de renvoi, frappait d'un droit de 1,20 % les opérations de fusion de sociétés. Ces opérations entraînent la dissolution de la société absorbée et le transfert de la totalité de son patrimoine à la société absorbante. L'apport, dans le cadre de ces opérations, d'éléments patrimoniaux à la société absorbante est frappé, selon le gouvernement français, d'un droit fixe, prévu par l'article 816-I-1º du CGI.

25 Une opération de fusion emporte toutefois également, toujours selon le gouvernement français, incorporation des réserves de la société absorbée au capital de la société qui l'absorbe ou à des éléments fiscalement assimilés. Pour cette raison, les opérations de fusion étaient soumises en France au droit proportionnel qui était prévu à l'article 812-I-1º du CGI en cas d'incorporation de réserves; simplement, au lieu du taux de 3 % prévu à cet article, on appliquait aux opérations de fusion, en
vertu de l'article 816-I-2º du CGI, un taux de 1,20 %.

26 Ces droits remplissaient par ailleurs, selon le gouvernement français, la fonction particulière suivante: l'incorporation de réserves est conçue en droit français comme une opération comprenant en réalité deux phases, à savoir une distribution des réserves aux associés et un apport immédiat par ceux-ci à la société des réserves distribuées. Cela se produit également lorsque l'incorporation de réserves s'effectue dans le cadre d'une fusion de sociétés; les réserves de la société absorbée sont
distribuées à ses associés qui les apportent immédiatement à la société absorbante. Or, la législation fiscale française exonère d'impôt la distribution de titres qui a lieu en raison d'une incorporation de réserves ou d'une fusion de sociétés, bien que cette distribution masque, pour les raisons exposées ci-dessus, une distribution de réserves. Le revenu des associés correspondant est imposé lors de l'éventuelle distribution ultérieure à ces derniers des réserves incorporées. Compte tenu de ces
considérations, le droit proportionnel qui frappe les incorporations de réserves et les fusions de sociétés (respectivement de 3 et 1,20 %) constitue, dans l'esprit du gouvernement français, un substitut de l'impôt non perçu sur la distribution de réserves qui a lieu dans les conditions exposées ci-dessus.

27 Ce qu'il convient, à notre avis, de retenir de l'analyse complexe présentée ci-dessus, c'est que, selon l'exposé fait par le gouvernement français, le droit litigieux, tel que le conçoit le régime fiscal français: a) frappait des opérations (fusions de sociétés) qui englobent des opérations d'incorporation de réserves et b) remplaçait l'impôt dont était exonérée la distribution de réserves masquée par les opérations précitées.

28 Pour apprécier l'incidence de ces données sur la qualification juridique du droit litigieux dans le cadre de la directive 69/335, il convient tout d'abord de relever que les opérations qui sont soumises ou peuvent être soumises par les États membres au droit d'apport harmonisé sont définies à l'article 4 de la directive de manière objective et uniforme pour tous les États membres, sans référence aux spécificités éventuelles des droits nationaux particuliers ou à l'organisation des régimes fiscaux
nationaux. L'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, dans sa version initiale, a défini de la même manière les opérations qui étaient soumises au régime particulier de taux réduits prévu par cette disposition. En conséquence, pour apprécier la question de savoir si, au regard des opérations frappées d'un droit perçu dans un État membre, ce droit constitue ou non un «droit d'apport» au sens de la directive 69/335, ainsi que la question de savoir s'il est soumis au régime général ou au
régime particulier prévus par cette directive, il convient de prendre en compte, exclusivement, des éléments d'interprétation tirés du libellé de la directive, de l'économie générale de ses dispositions et des objectifs qu'elle poursuit (18).

29 La fonction particulière que remplissait, selon les explications du gouvernement français, le droit litigieux, en tant que substitut d'une autre imposition dont le droit national exonère les opérations en cause, n'est certainement pas comprise dans ces éléments d'interprétation. Nous avons déjà indiqué (voir le point 18 ci-dessus) que l'introduction d'un droit d'apport harmonisé quant à la structure et aux taux visait à l'élimination des obstacles à la libre circulation des capitaux créés par la
diversité des impôts indirects dont les États membres frappaient les rassemblements de capitaux. Si, sous l'empire de la directive 69/335, les États membres avaient la possibilité, en invoquant (ainsi que le fait le gouvernement français en l'espèce - voir le paragraphe 5 de ses observations) «la logique et la cohérence» du système fiscal national, de soumettre les opérations de rassemblement de capitaux à des impositions dérogeant aux dispositions de la directive relatives à la structure et aux
taux du droit d'apport harmonisé, cela détruirait «la logique et la cohérence» du système instauré par la directive et irait à l'encontre des objectifs de l'harmonisation (19).

30 Pour les mêmes raisons, les explications du gouvernement français quant à la nature des opérations frappées du droit litigieux ne sauraient influencer la qualification juridique de ce droit dans le cadre de la directive 69/335 que si elles s'accordent à la lettre, à l'économie générale et aux objectifs de ladite directive. En effet, en alléguant que, selon la conception du droit français, les opérations susvisées constituent en substance des opérations d'incorporation de réserves, le gouvernement
français est amené à la conclusion inévitable que le droit perçu sur ces opérations est celui prévu par la disposition de l'article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive 69/335, selon laquelle les États membres peuvent soumettre au droit d'apport, notamment, l'augmentation du capital social d'une société de capitaux par incorporation de réserves. Bien que le gouvernement français n'expose pas les conséquences d'une telle qualification, ces dernières sont évidentes: si le droit litigieux est le
droit d'apport que la France avait la possibilité d'appliquer en vertu de l'article 4, paragraphe 2, sous a), précité, il n'était pas, dans ce cas, soumis obligatoirement au régime particulier de taux réduits instauré par la disposition de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335 concernant le droit d'apport frappant les opérations décrites dans cette disposition et, par conséquent, il ne devait pas nécessairement être supprimé à partir du 1er janvier 1986; il était soumis
simplement au régime de taux réduits que, conformément à l'article 7, paragraphe 2, de la directive précitée dans sa version initiale, l'État membre concerné avait la possibilité d'instaurer à l'égard des opérations qu'il avait soumises à un droit d'apport en exerçant la faculté que lui offrait l'article 4, paragraphe 2, de la même directive.

31 Il convient d'observer d'emblée que, si la qualification du droit litigieux proposée par le gouvernement français était admise, il s'ensuivrait, il est vrai, que la France n'était pas obligée de supprimer ce droit au 1er janvier 1986, mais cela ne suffirait pas pour justifier le maintien du taux de 1,20 % y afférent, étant donné que, selon l'article 7, paragraphe 2, de la directive 69/335, tel qu'il a été remplacé par la directive 85/303, les États membres ne peuvent, après la date précitée,
maintenir sur les opérations autres que celles visées au paragraphe 1 du même article un taux supérieur à 1 %. Indépendamment de cela toutefois, la qualification du droit proposée par le gouvernement français ne saurait, en tout état de cause, être admise. En effet, la conception du droit français avancée par le gouvernement français, selon laquelle les opérations frappées du droit litigieux (apport par la société A de l'ensemble de son patrimoine à la société B, en contrepartie de l'attribution de
parts sociales de cette dernière société) englobent une autre opération (incorporation des réserves de la société A au capital de la société B), qui constitue l'élément déterminant pour la qualification du droit qui frappe ces opérations, est sans incidence sur la qualification du droit dans le cadre de la directive 69/335, dans la mesure où cette dernière a fait des opérations qui consistent dans l'apport de la totalité du patrimoine d'une société à une autre société, et, par voie de conséquence,
du droit frappant ces opérations, l'objet d'une disposition spéciale: celle de l'article 7, paragraphe 1, sous b), dans sa version initiale (et, ensuite, de l'article 7, paragraphe 1, qui, tel qu'il s'applique depuis son remplacement par la directive 85/303, présuppose la version précédente de la disposition) qui poursuivait, par le biais de l'introduction d'un régime de taux d'imposition favorable, la réalisation d'objectifs particuliers, à savoir l'élimination des obstacles fiscaux entravant les
transferts d'actifs entre sociétés, de façon à favoriser la réorganisation des entreprises (20). En conséquence, les questions liées au taux du droit d'apport sur les opérations susvisées sont régies, exclusivement et uniquement, par cette disposition spéciale (21), qui exclut, par son existence même et la nécessité de servir autant que possible ses objectifs, que, sous l'influence de conceptions du droit national quant à leur vraie nature, ces opérations relèvent d'autres dispositions de la
directive.

C - La question de l'assujettissement du droit en cause à un régime d'exception, dérogeant aux dispositions de la directive 69/335

32 Nous avons déjà mentionné (voir le point 16 ci-dessus) que le gouvernement français allègue l'existence, à l'égard du droit litigieux, d'un régime d'exception qu'a obtenu la France au stade de l'élaboration de la directive 69/335, en invoquant la nature particulière de ce droit et la fonction particulière qu'il remplit dans le cadre du régime fiscal français. Le seul élément invoqué à ce sujet par le gouvernement français dans ses observations écrites est un document du Conseil, du 6 mars 1969,
ayant pour objet l'état d'avancement des travaux préparatoires au sujet de la proposition de directive qui est devenue finalement la directive 69/335. Ce document est adressé au comité des représentants permanents qui est appelé à décider, notamment, du sort à réserver à certaines déclarations émises au cours des travaux de préparation de la directive. Le comité des représentants permanents a été appelé plus particulièrement à décider s'il confirmerait l'accord des délégations des États membres sur
ces déclarations et s'il inviterait le Conseil à inscrire les déclarations précitées au procès-verbal de la session au cours de laquelle la directive devait être approuvée. Les déclarations sont annexées au document, et, à la page 4 de l'annexe, on lit notamment à propos de l'article 9 du texte de la directive en cours d'élaboration:

«Les délégations constatent ... que cet article (c'est-à-dire l'article 9 de la directive) permet à la France d'appliquer aux opérations visées par l'article 4, paragraphe 2, sous a), des taux différents de ceux prévus à l'article 7, paragraphe 4» (22).

33 Il n'est pas possible de déduire de cet élément que le droit litigieux est soumis à un régime spécial dérogeant aux prescriptions de la directive 69/335, et cela pour plusieurs raisons.

34 Nous relevons tout d'abord que le gouvernement français ne précise même pas si la déclaration citée figurait en définitive au procès-verbal de la session en cause du Conseil. Le dossier ne contient aucun élément autorisant une telle conclusion, tandis que, par ailleurs, la Commission a affirmé à l'audience que les recherches auxquelles elle avait procédé à cet égard s'étaient révélées infructueuses.

35 Mais, indépendamment de cela, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour (23), les déclarations inscrites au procès-verbal des sessions du Conseil (qu'il s'agisse de déclarations de cette institution ou de déclarations unilatérales émanant d'États membres) sont dépourvues de portée juridique lorsqu'elles ne trouvent aucune expression dans le texte de la disposition de droit dérivé en cause compte tenu de son contexte. En conséquence, même en admettant qu'une
déclaration ayant un contenu équivalent à celle consignée dans le document invoqué par le gouvernement français a été inscrite en définitive au procès-verbal du Conseil lors de la session au cours de laquelle la directive a été adoptée, cette déclaration ne pourrait toutefois être prise en compte que dans la mesure où elle serait compatible avec la lettre des dispositions de la directive 69/335; il serait donc impossible que la déclaration litigieuse serve de fondement à une dérogation à ces
dispositions.

36 Compte tenu de ces restrictions, la seule portée qui pourrait, en tout état de cause, être reconnue à la déclaration litigieuse serait que la République française avait la possibilité, en observant la procédure de l'article 9 de la directive, de maintenir ou d'établir, en ce qui concerne le droit d'apport sur les opérations énumérées à l'article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive, des taux supérieurs à ceux prévus à l'article 7, paragraphe 1, de la directive (24). En revanche, il ne serait
absolument pas possible d'admettre l'allégation du gouvernement français selon laquelle cette déclaration suffit pour justifier l'imposition de l'apport par une société déterminée de l'ensemble de son patrimoine à une autre société à des conditions qui dérogent aux prescriptions de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, d'une part, parce que, pour les raisons que nous avons déjà exposées (voir, directement ci-dessus, sous A et B), cette dernière opération ne saurait, dans le système de
la directive 69/335, être considérée comme une opération relevant de celles énoncées à l'article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive et auxquelles se réfère la déclaration susvisée, et, d'autre part, parce que, de toute façon, le gouvernement français n'allègue pas et le dossier ne fait pas apparaître d'une autre manière que la France a soumis ces opérations au droit litigieux en ayant suivi au préalable la procédure obligatoire de l'article 9 de la directive dont la déclaration invoquée ne
suffisait pas, ainsi que nous l'avons expliqué, à la dispenser.

37 Le gouvernement français s'est référé amplement, pour la première fois au cours de la procédure orale, à certains autres documents qui ne font pas partie des pièces du dossier et qui, selon lui, confirment le fait que le droit litigieux est soumis à un régime d'exception.

38 Indépendamment de la question de savoir s'il peut être fait référence à ces documents pour la première fois au cours de la procédure orale, nous ne voyons pas comment leur contenu, tel qu'il a été exposé à l'audience, pourrait exercer quelque influence sur l'affaire. Nous ne nous occuperons pas du premier en date de ces documents, qui a été décrit à l'audience comme un avis motivé, du 22 juin 1972, adressé par la Commission à la République française en raison de la non-transposition des
dispositions de la directive 69/335 dans le délai prescrit; ainsi que l'a admis l'agent du gouvernement français, la référence à ce document a été faite dans un simple souci d'exhaustivité. Dans le deuxième document, du 30 novembre 1972, la Commission est supposée avoir exprimé des doutes, notamment, sur la compatibilité avec la directive du maintien du droit litigieux de 1,20 %. Dans sa réponse, la République française a développé sa thèse de l'existence d'un régime particulier en ce qui concerne
ce droit et une autre lettre de la Commission, du 27 juillet 1973, a suivi, dans laquelle, toujours selon les éléments exposés à l'audience, bien qu'elle maintienne le reste de ses observations et objections à l'égard de divers autres aspects de la législation fiscale française, la Commission n'a pas effleuré du tout la question du taux du droit susvisé. Le gouvernement français estime que ces derniers éléments constituent une «approbation tacite», de la part de la Commission, du régime spécial,
dérogatoire à la directive 69/335, qu'elle invoque. Cette argumentation ne saurait être soutenue. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, un État membre n'a pas respecté la procédure prévue à l'article 9 de la directive 69/335, lors de l'introduction ou du maintien de dispositions qui dérogent à celles de ladite directive, il n'est pas possible d'admettre qu'un comportement déterminé de la Commission suffirait à lui seul à rendre ces dispositions compatibles avec le système de la directive (25).

VI - La question des effets dans le temps de l'arrêt de la Cour sur les questions préjudicielles posées

39 Le gouvernement français a demandé à titre subsidiaire pendant la procédure orale que la Cour limite dans le temps les effets de l'arrêt qu'elle prononcera sur les questions préjudicielles posées par le tribunal de grande instance de Dax et le tribunal de grande instance de Quimper si elle devait juger que l'introduction ou le maintien, après le 1er janvier 1986, d'une imposition ayant les caractéristiques du droit visé dans ces questions, sont contraires aux dispositions de la directive 69/335,
telles qu'elles étaient applicables à l'époque pertinente en l'espèce (26).

40 Selon une jurisprudence constante, l'interprétation que, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 177 du traité, la Cour donne d'une disposition de droit communautaire éclaire et précise la signification et la portée de la règle interprétée telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte qu'une règle de droit communautaire ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques créés avant
l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de la règle qu'a interprétée la Cour se trouvent réunies (27).

41 Des dérogations à cette règle ne sont admises que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, dans lesquelles la Cour estime que le respect de la règle heurte le principe de la sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire. Lorsqu'elle examine si ce principe impose une limitation des effets dans le temps d'un arrêt statuant sur une demande d'interprétation, la Cour vérifie: a) s'il existe un risque de répercussions économiques graves dues, en particulier, au nombre élevé
de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base d'une réglementation considérée comme étant validement en vigueur et b) si les particuliers et les autorités nationales ont été incités à un comportement non conforme au droit communautaire en raison d'une incertitude objective et importante quant à la portée exacte de la règle de droit communautaire interprétée par la Cour; la constatation éventuelle que l'attitude d'autres États membres ou de la Commission a contribué à créer ou à
alimenter cette incertitude a une incidence particulière sur l'appréciation portée à cet égard (28).

42 Le gouvernement français fait valoir tout d'abord que la limitation des effets dans le temps s'impose en l'espèce précisément par le fait que l'attitude des autres États membres et de la Commission a créé une «incertitude objective et importante» quant au point de savoir si le droit litigieux était soumis ou non à un régime d'exception dérogeant aux dispositions de la directive 69/335. Ainsi qu'il résulte de l'ensemble des observations orales présentées par le gouvernement français, cette
incertitude a été créée, à son avis, d'une part, par la déclaration des délégations des États membres, annexée au document du 6 mars 1969, dont il est question dans ses observations écrites, et, d'autre part, par le fait que, dans sa lettre de novembre 1972, la Commission a soulevé la question de la compatibilité du droit litigieux avec la directive 69/335 mais que, après la réponse de la république française à cette lettre, elle a gardé le silence jusqu'en août 1992, lorsqu'elle a de nouveau
soulevé la question par une nouvelle lettre.

43 Ainsi que le gouvernement français le relève lui-même au paragraphe 5 de ses observations écrites, «le maintien de droits d'apport sur les fusions ne correspond pas exactement à la lettre de l'article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335». Nous ne pouvons qu'ajouter qu'on ne saurait davantage comprendre l'article 9 de la directive comme pouvant valablement fonder une conception interprétative selon laquelle il serait possible de soumettre une imposition déterminée à un régime d'exception,
dérogeant à la directive, sans respecter la procédure prévue audit article. Par ailleurs, selon une jurisprudence constante qui remonte aux années 70 et a été maintenue jusqu'ici (29), la portée et les effets juridiques des actes des institutions communautaires sont déterminés avant tout par leur texte, de telle sorte que leur validité et l'étendue de leur champ d'application ne sauraient être soumis à des limitations résultant de réserves ou de déclarations formulées au stade des travaux
préparatoires de l'acte en cause; il s'ensuit que la déclaration invoquée par le gouvernement français ne saurait être considérée comme un élément lui permettant d'estimer raisonnablement qu'il avait obtenu, malgré le libellé du texte définitif de la directive 69/335, la garantie d'un régime spécial pour le droit litigieux. Dans ces conditions, le silence de la Commission entre 1972 et 1992 non seulement n'a pas suffi à exempter le gouvernement français des obligations qui lui incombaient en vertu
de la directive 69/335 (voir le point 38 ci-dessus), mais n'a même pas pu fonder, à lui seul, «une incertitude objective et importante» quant à la portée et l'étendue de ces obligations (30).

44 Enfin, le gouvernement français invoque, pour justifier la limitation dans le temps des effets de l'arrêt qui sera rendu sur les questions préjudicielles posées, les graves répercussions qu'aurait sur les finances publiques de la France une décision déclarant incompatibles avec la directive 69/335 l'imposition ou le maintien par un État membre d'un droit ayant les caractéristiques de celui qui a été acquitté par les sociétés Bautiaa et SFM. Selon les explications données à ce sujet à l'audience,
les sommes versées entre 1972 et 1993 au titre du droit litigieux frappant les «opérations de fusion» se sont élevées à 4,5 milliards de FF; à ces sommes, il convient d'ajouter un montant de 4,3 milliards de FF versés pendant la même période au titre du droit d'apport frappant les opérations d'incorporation de réserves des sociétés, puisque, toujours selon le gouvernement français, la légalité de la perception de ce dernier montant dépend de la réponse que donnera la Cour aux questions
préjudicielles posées dans le cadre de la présente affaire

45 Cette argumentation ne saurait être admise. En effet, indépendamment de la question de savoir s'il serait possible d'inclure la prise en compte, dans le cadre de la présente affaire, de sommes payées au titre d'impositions étrangères à celles qui ont été à l'origine des litiges pendants devant les juridictions de renvoi, indépendamment du fait que le gouvernement français n'a pas précisé à l'audience le montant des sommes perçues après le 1er janvier 1986, qui constitue, eu égard aux
développements qui précèdent, la date pertinente en l'espèce, et, enfin, indépendamment du fait que, selon la jurisprudence constante concernant la limitation dans le temps des effets des arrêts de la Cour relatifs à l'interprétation de dispositions communautaires (31), cette limitation ne s'étend pas aux demandeurs qui ont déjà introduit une réclamation ou un recours en justice, de sorte qu'il ne serait de toute façon pas possible de prendre en compte la partie des sommes susvisées, d'un montant
d'environ 2 milliards de FF, qui, selon les déclarations du gouvernement français à l'audience, a déjà fait l'objet de réclamations ou de recours en justice, la Cour a eu récemment l'occasion de souligner, dans l'arrêt Roders e.a. (32), que les conséquences financières qui pourraient découler pour un gouvernement de l'illégalité d'un impôt ne suffisent pas à justifier, par elles-mêmes, la limitation des effets d'un arrêt de la Cour. Dans ce même arrêt (point 48), la Cour a relevé que, s'il en était
autrement, «les violations les plus graves seraient traitées plus favorablement, dans la mesure où ce sont elles qui sont susceptibles d'avoir les implications financières les plus importantes pour les États membres» et a ajouté que «(e)n outre, limiter les effets d'un arrêt en s'appuyant uniquement sur ce type de considérations aboutirait à réduire de façon substantielle la protection juridictionnelle des droits que les contribuables tirent de la réglementation fiscale communautaire».

46 A la lumière des constatations qui précèdent, il n'est pas possible, à notre avis, de considérer que sont réunies les conditions exceptionnelles qui justifieraient une dérogation à la règle qui régit la question des effets dans le temps des arrêts de la Cour statuant sur une demande d'interprétation. Par conséquent, il n'y a pas lieu, en tout état de cause, de limiter les effets dans le temps de l'arrêt qui sera prononcé sur les questions préjudicielles posées par le tribunal de grande instance
de Dax et le tribunal de grande instance de Quimper.

VII - Conclusion

Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le tribunal de grande instance de Dax et le tribunal de grande instance de Quimper:

«L'introduction ou le maintien par un État membre, après le 1er janvier 1986, d'un droit proportionnel frappant l'apport par une société de capitaux de la totalité de son patrimoine à une autre société de capitaux, rémunéré exclusivement par l'attribution de parts sociales de cette dernière société, ne sont pas compatibles avec l'article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE du Conseil, du 17 juillet 1969, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, tel que
remplacé par l'article 1er, point 2, de la directive 85/303/CEE du Conseil, du 10 juin 1985.»

(1) - JO L 249 p. 25.

(2) - Selon le jugement de renvoi, le montant versé s'élève à 22 183 FF. Bautiaa allègue dans les observations écrites qu'elle a déposées devant la Cour que ce montant s'élèverait à 22 583 FF.

(3) - Directive du Conseil du 10 juin 1985 modifiant la directive 69/335/CEE concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, (JO L 156, p. 23).

(4) - D'après le jugement de renvoi, la date de cette décision est le 18 mai 1992. Les observations écrites déposées devant la Cour par Bautiaa mentionnent cette dernière date comme étant la date de la notification de l'acte qui aurait été arrêté le 27 avril 1992.

(5) - Selon l'article 1er, point 1), de la directive 85/303, cette opération, ainsi que les autres opérations énumérées au même paragraphe, «(p)euvent continuer à être soumises au droit d'apport ... dans la mesure où elles étaient taxées au taux de 1 % à la date du 1er juillet 1984».

(6) - Directive concernant la fixation des taux communs du droit d'apport (JO L 103, p. 15).

(7) - C-208/90, Rec. p. I-4269. Pour la portée exacte de la solution adoptée par la Cour dans cet arrêt, voir les arrêts ultérieurs du 27 octobre 1993, Steenhorst-Neerings (C-338/91, Rec. p. I-5475) et du 6 décembre 1994, Johnson (C-410/92, Rec. p. I-5483).

(8) - Voir les arrêts du 9 décembre 1965, Hessische Knappschaft (44/65, Rec. p. 1190); du 15 juin 1972, Grassi (5/72, Rec. p. 443, point 4); du 15 juillet 1982, Felicitas Riekmers-Linie (270/81, Rec. p. 2771, point 9); du 3 octobre 1985, CBEM (311/84, Rec. p. 3261, point 10); du 14 novembre 1985, Neumann (299/84, Rec. p. 3663, points 11 et 12); du 5 octobre 1988, Alsatel (247/86, Rec. p. 5987, points 7 et 8); du 9 janvier 1990, SAFA (C-337/88, Rec. p. I-1, point 20); du 11 octobre 1990, Nespoli et
Crippa (C-196/89, Rec. p. I-3647, point 23); du 24 mars 1992, Syndesmos Melon tis Eleftheras Evangelikis Ekklisias e.a. (C-381/89, Rec. p. I-2111, points 18 et 19); du 12 novembre 1992, Kerafina-Keramische-und Finanz-Holding et Vioktimatiki (C-134/91 et C-135/91, Rec. p. I-5699, point 16), et du 2 juin 1994, AC-ATEL Electronics Vertriebs (C-30/93, Rec. p. I-2305, points 18 et 19). Comparer également l'arrêt du 21 mai 1987, Deutsche Lebensmittelwerke/Commission (97/85, Rec. p. 2265, point 12).

(9) - Voir les arrêts Alsatel, point 8, et AC-ATEL Electronics Vertriebs, point 19, précités à la note précédente.

(10) - Voir les arrêts du 21 avril 1988, Pardini (338/85, Rec. p. 2041, point 11), et du 4 octobre 1991, Society for the Protection of Unborn Children Ireland (C-159/90, Rec. p. I-4685, point 12).

(11) - Comparer l'arrêt du 12 juin 1980, FNROM (1/80, Rec. p. 1937, points 5 et 6), ainsi que l'ordonnance de la Cour du 17 décembre 1986, Belkacem/Allemagne (276/86, Rec. p. 3975). Il convient de relever qu'il ressort du dossier, ce qui a été confirmé également à l'audience, que la SFM a formé contre le jugement du tribunal de grande instance de Quimper, dans la mesure où il a rejeté sa requête, un pourvoi devant la Cour de cassation. Par lettre du 2 mars 1995, le tribunal de grande instance de
Quimper a toutefois informé la Cour que, à son avis, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure à l'égard de la question préjudicielle qu'il a posée.

(12) - Arrêt du 27 juin 1979, Conradsen (161/78, Rec. p. 2221, point 11). Voir également les arrêts du 12 novembre 1987, Amro Aandelen Fonds (112/86, Rec. p. 4453, point 7), et du 20 avril 1993, Ponente Carni et Cispadana Costruzioni (C-71/91 et C-178/91, Rec. p. I-1915, points 19 et 20).

(13) - Comparer, à cet égard, l'arrêt du 13 octobre 1992, Commerz-Credit-Bank (C-50/91, Rec. p. I-5225, point 10).

(14) - Le droit d'apport harmonisé concerne, rappelons-le, des apports à des sociétés de capitaux, au sens de l'article 3 de la directive 69/335. Ainsi, la disposition favorable de l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, dans sa version initiale, se rapportait évidemment à l'apport de la totalité du patrimoine d'une société de capitaux à une société de capitaux. La nature des sociétés SNMTP et Bautiaa en tant que sociétés de capitaux au sens de la directive n'est pas mise en doute dans
le jugement de renvoi concerné. Il convient de relever en tout état de cause que la SNMTP est présentée comme une société à responsabilité limitée, tandis que Bautiaa est présentée comme une société anonyme, et que ces deux formes de sociétés de droit français sont considérées comme des sociétés de capitaux aux termes mêmes de l'article 3, paragraphe 1, sous a), premier et troisième tirets, de la directive.

(15) - La SFM est présentée comme ayant la forme de société anonyme. Eu égard à la disposition pertinente explicite de la directive 69/335, évoquée à la note précédente, elle constitue en conséquence une société de capitaux au sens de cette directive. En revanche, le fait que les sociétés absorbées par la SFM sont des sociétés de capitaux ne ressort pas du jugement de renvoi. Toutefois, ni les éléments exposés dans ce jugement ni ceux exposés dans les observations écrites déposées devant la Cour ne
permettent de penser que les opérations litigieuses sortent éventuellement du champ d'application de la directive 69/335 en raison de la nature des sociétés susvisées.

(16) - Le fait que les juridictions de renvoi utilisent pour décrire les opérations taxées des termes («opérations de fusion») que la directive 69/335, ainsi que l'observe à juste titre la Commission, ignore totalement, est, à notre avis, sans importance. Ce qui nous intéresse en l'espèce, c'est que les opérations litigieuses présentent les mêmes caractéristiques essentielles que les opérations visées par l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive, dans sa version initiale. Il n'est
toutefois pas inutile d'indiquer que des directives postérieures à la directive 69/335, qui réglementent des questions de fusions de sociétés, utilisent pour définir cette dernière notion des termes (transfert de l'ensemble du patrimoine d'une société A à une société B moyennant l'attribution de titres de la société B aux associés de la société A) que l'on rencontre également dans la disposition précitée de la directive 69/335: voir les définitions à l'article 3, paragraphe 1, de la directive
78/855/CEE du Conseil, du 9 octobre 1978, fondée sur l'article 54, paragraphe 3, sous g), du traité et concernant les fusions des sociétés anonymes (JO L 295, p. 36), et à l'article 2, sous a), premier tiret, de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (JO L 225, p. 1).

(17) - Il convient de rappeler que l'article 10 de la directive interdit, en dehors du droit d'apport, la perception de toute imposition, sous quelque forme que ce soit, à l'occasion des opérations visées à l'article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 69/335. Une possibilité de dérogation aux dispositions de l'article 10 existe uniquement pour les droits énumérés à l'article 12, paragraphe 1, de la même directive. Ainsi que l'a jugé la Cour, cette liste est exhaustive (voir l'arrêt Ponente
Carni et Cispadana Costruzioni, précité à la note 12, point 24, ainsi que l'arrêt du 2 février 1988, Investeringsforeningen Dansk Sparinvest, 36/86, Rec. p. 409, point 9).

(18) - Comparer, sur l'interprétation d'autres dispositions de la directive 69/335, l'arrêt Conradsen, précité à la note 12, point 12 et l'arrêt Felicitas, précité à la note 8, point 14. Comparer également, sur l'interprétation de dispositions d'autres directives d'harmonisation des législations fiscales, les arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113, points 10 et 11); du 5 février 1981, Cooeperatieve Aardappelenbewaarplaats (154/80, Rec. p. 445, point 9);
du 27 novembre 1985, Rousseau Wilmot (295/84, Rec. p. 3759, point 14), et du 13 juillet 1989, Wisselink e.a. (93/88 et 94/88, Rec. p. 2671, point 10). Comparer, enfin, également les arrêts du 29 avril 1982, Pabst & Richarz (17/81, Rec. p. 1331, point 18), et du 18 janvier 1984, Ekro (327/82, Rec. p. 107, point 11).

(19) - Comparer l'arrêt Ponente Carni et Cispadana Costruzioni, précité à la note 12, point 30.

(20) - Voir l'arrêt Commerz-Credit-Bank, précité à la note 13, point 11, ainsi que l'arrêt du 13 décembre 1991, Muwi-Bouwgroep (C-164/90, Rec. p. I-6049, points 22 et 23). La disposition de l'article 4, paragraphe 2, sous a), de la directive 69/335, à laquelle se réfère le gouvernement français, concerne, en revanche, l'augmentation de capital provenant des ressources propres de la société (voir l'arrêt Investeringsforeningen Dansk Sparinvest, précité à la note 17, point 13, ainsi que les
considérations exposées au point 31 des conclusions de l'avocat général M. Jacobs dans l'affaire Muwi-Bouwgroep qui vient d'être citée).

(21) - Voir l'arrêt Muwi Bouwgroep, cité à la note précédente (notamment le point 24), selon lequel, dès lors qu'une opération fait l'objet d'une disposition spéciale de la directive 69/335, elle ne saurait être également régie par une autre disposition de la même directive.

(22) - Selon le gouvernement français, le paragraphe 4 de l'article 7 du texte auquel se réfère la déclaration correspondait au paragraphe 1 du même article de la version définitive de la directive.

(23) - Voir les arrêts du 26 février 1991, Antonissen (C-292/89, Rec. p. I-745, point 18); du 23 février 1988, Commission/Italie (429/85, Rec. p. 843, point 9), du 15 avril 1986, Commission/Belgique (237/84, Rec. p. 1247, point 17), du 30 janvier 1985, Commission/Danemark (143/83, Rec. p. 427, points 12 et 13), et du 18 février 1970, Commission/Italie (38/69, Rec. p. 47, point 12).

(24) - Rappelons que, selon le gouvernement français, la disposition du paragraphe 4 de l'article 7 du texte auquel se réfère la déclaration litigieuse correspondait à la disposition du paragraphe 1 du même article de la version définitive.

(25) - Comparer l'arrêt du 27 mai 1981, Essevi et Salengo (142/80 et 143/80, Rec. p. 1413). Conformément à cet arrêt (point 17), «la Commission ne saurait, dans les prises de position et les avis qu'elle est amenée à émettre en vertu de l'article 169, dispenser un État membre de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du traité. De telles assurances ne peuvent avoir pour effet, en particulier, d'empêcher les justiciables de faire valoir, en justice, les droits que leur confère le
traité, à l'encontre d'actes législatifs ou administratifs d'un État membre éventuellement incompatibles avec le droit communautaire».

(26) - Il convient d'observer que, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, une demande de limitation des effets dans le temps d'une décision préjudicielle de la Cour peut être introduite même pendant la procédure orale: voir, en particulier, l'arrêt du 14 septembre 1995, Simitzi (C-485/93 et C-486/93, non encore publié au Recueil, point 29). Comparer également les arrêts du 17 mai 1990, Barber (C-262/88, Rec. p. I-1889, point 40), et du 31 mars 1992, Dansk Denkavit et Poulsen Trading (C-200/90,
Rec. p. I-2217, point 20).

(27) - Voir les arrêts du 27 mars 1980, Denkavit italiana (61/79, Rec. p. 1205, point 16), et Salumi Meridionale Industria e.a. (66/79, 127/79 et 128/79, Rec. p. 1237, point 9). Voir également les arrêts du 10 juillet 1980, Ariete (811/79, Rec. p. 2545, point 6), et MIRECO (826/79, Rec. p. 2559, point 7), ainsi que les arrêts du 13 décembre 1983, Apple and Pear Development Council (222/82, Rec. p. 4083, point 38); du 2 février 1988, Barra (309/85, Rec. p. 355, point 11); du 5 octobre 1988, Padovani
e.a. (210/87, Rec. p. 6177, point 12); du 14 décembre 1988, Ventura (269/87, Rec. p. 6411, point 15), et du 6 juillet 1995, BP Soupergaz (non encore publié au Recueil, point 39).

(28) - Voir les arrêts du 8 avril 1976, Defrenne II (43/75, Rec. p. 455, points 69 et suiv.), et du 11 mars 1981, Worringham et Humphreys (69/80, Rec. p. 767, points 29 et suiv.), l'arrêt Essevi et Salengo, précité à la note 25, points 30 et suiv., l'arrêt du 2 février 1988, Blaizot (24/86, Rec. p. 379, points 28 et suiv.), les arrêts Barber, précité à la note 26, points 40 et suiv., et Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité à la note 26, points 20 et suiv.; les arrêts du 16 juillet 1992, Legros
e.a. (C-163/90, Rec. p. I-4625, points 28 et suiv.), du 11 août 1995, Roders e.a. (C-367/93 à C-377/93, non encore publié au Recueil, points 41 et suiv.); l'arrêt Simitzi, précité à la note 26, points 29 et suiv., et l'arrêt du 19 octobre 1995, Richardson (non encore publié au Recueil, points 32 et suiv.).

(29) - Voir la note 23 ci-dessus.

(30) - Il est vrai que l'on rencontre dans la jurisprudence des cas dans lesquels le défaut de la Commission d'engager contre un État membre la procédure en manquement ou de poursuivre la procédure éventuellement engagée est pris en compte, en même temps que d'autres éléments (caractère particulier du cadre réglementaire, comportement d'autres États membres), lorsque la Cour examine s'il existait «une incertitude objective et importante» quant à la portée de la disposition communautaire pertinente
(voir les arrêts Defrenne II et Legros e.a., précités à la note 28, respectivement, points 72 et 73 et 31 et 32). Nous n'estimons pas cependant que l'on puisse en conclure que le seul défaut de la Commission d'engager ou de poursuivre la procédure en manquement ou, de manière plus générale, d'indiquer à un État membre l'existence d'une situation contraire au droit communautaire suffit à provoquer l'«incertitude objective et importante» mentionnée ci-dessus en l'absence de tout autre élément (se
rapportant, par exemple, à la formulation sibylline de la règle de droit communautaire pertinente ou à des actes positifs de la Commission) de nature à créer ou à renforcer une telle situation d'incertitude (voir, dans cette direction, l'arrêt Richardson, précité à la note 28, point 35; comparer également l'arrêt du 14 juillet 1993, Commission/Royaume-Uni, C-56/90, Rec. p. I-4109, point 15).

(31) - Comparer, au sujet des effets dans le temps des arrêts de la Cour statuant sur des questions préjudicielles relatives à la validité d'une règle communautaire, l'arrêt du 26 avril 1994, Roquette Frères (C-228/92, Rec. p. I-1445, point 25, et la jurisprudence qui y est citée).

(32) - Précité à la note 28. Voir également l'arrêt Richardson, précité à la même note, point 37, et l'arrêt Dansk Denkavit et Poulsen Trading, précité à la note 26.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-197/94
Date de la décision : 14/11/1995
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Dax et Tribunal de grande instance de Quimper - France.

Article 7, paragraphe 1, de la directive 69/335/CEE - Impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux - Droit d'apport - Fusion de sociétés - Exonération.

Impôts indirects

Fiscalité


Parties
Demandeurs : Société Bautiaa
Défendeurs : Directeur des services fiscaux des Landes et Société française maritime

Composition du Tribunal
Avocat général : Cosmas
Rapporteur ?: Ragnemalm

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1995:380

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