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17/10/1995 | CJUE | N°C-62/94

CJUE | CJUE, Ordonnance de la Cour, Mariette Turner contre Commission des Communautés européennes., 17/10/1995, C-62/94


Avis juridique important

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61994O0062

Ordonnance de la Cour (deuxième chambre) du 17 octobre 1995. - Mariette Turner contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Réaffectation d'office - Préjudice moral - Demande de réparation - Pourvoi manifestement irrecevable et non fondé. - Affaire C-62/94 P


Recueil de jurisprudence 1995 page I-03177

Parties
Motifs de ...

Avis juridique important

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61994O0062

Ordonnance de la Cour (deuxième chambre) du 17 octobre 1995. - Mariette Turner contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Réaffectation d'office - Préjudice moral - Demande de réparation - Pourvoi manifestement irrecevable et non fondé. - Affaire C-62/94 P
Recueil de jurisprudence 1995 page I-03177

Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1. Pourvoi ° Moyens ° Simple répétition des moyens et arguments présentés devant le Tribunal ° Irrecevabilité ° Rejet

(Statut de la Cour de justice CEE, art. 49 et 51; règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, c))

2. Fonctionnaires ° Réaffectation ° Devoir de sollicitude incombant à l' administration ° Conciliation avec l' intérêt du service

Parties

Dans l' affaire C-62/94 P,

Mariette Turner, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles, représentée par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Fiduciaire Myson, 1, rue Glesener,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes (cinquième chambre), en date du 16 décembre 1993, Turner/Commission (T-80/92, Rec. p. II-1465), et tendant à l' annulation dudit arrêt,

l' autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, en qualité d' agent, assisté de Me Denis Waelbroek, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de MM. G. Hirsch (rapporteur), président de chambre, G. F. Mancini et F. A. Schockweiler, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. R. Grass,

l' avocat général entendu,

rend la présente

Ordonnance

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 février 1994, Mme Turner a, en vertu de l' article 49 du statut CE et des dispositions correspondantes des statuts CECA et CEEA de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l' arrêt du Tribunal de première instance du 16 décembre 1993, Turner/Commission (T-80/92, Rec. p. II-1465), qui a rejeté son recours visant à l' octroi d' un écu symbolique en réparation du préjudice moral prétendument subi du fait d' une réaffectation d' office et des
conditions dans lesquelles celle-ci est intervenue.

2 Il ressort de l' arrêt attaqué que la requérante, médecin, était fonctionnaire de la Commission. Elle a atteint l' âge de la retraite à la fin de l' année 1992. De 1981 jusqu' au mois de février 1992, elle était affectée à l' unité "assurance maladie et accidents" de la direction B "droits et obligations" de la direction générale Personnel et Administration (DG IX).

3 Par lettre recommandée du 7 février 1992, reçue à son domicile le 10 février 1992 au cours d' un congé de maladie, la requérante a été formellement informée de la décision prise le 31 janvier 1992 par l' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l' "AIPN"), l' affectant d' office à l' unité "service médical-Bruxelles" (ci-après le "service médical") dans l' intérêt du service, à compter du 1er février 1992.

4 Le 6 mars 1992, elle a introduit une réclamation à l' encontre de cette décision.

5 La réclamation a été rejetée par décision de la Commission du 31 juillet 1992, notifiée à la requérante par lettre du 7 août 1992. La Commission a cependant reporté au 15 février 1992 la date d' effet de la décision de réaffectation.

6 Le 28 septembre 1992, la requérante a saisi le Tribunal d' un recours ayant donné lieu à l' arrêt attaqué.

7 Devant le Tribunal, elle a soulevé cinq moyens, tirés respectivement d' une erreur de procédure, de la violation de l' article 7 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le "statut"), de la violation de l' article 25 du statut, d' un détournement de pouvoir et d' une violation du devoir de sollicitude.

8 A l' appui de son pourvoi, la requérante invoque une violation du droit communautaire par le Tribunal en ce qu' il a rejeté les moyens précités.

9 La Commission soutient que le pourvoi est manifestement non fondé.

10 En vertu de l' article 119 du règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, rejeter le pourvoi lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement non fondé.

11 Par son premier moyen, la requérante soutient que le Tribunal n' a pas, à tort, retenu l' erreur de procédure commise par la Commission en ce que la décision de réaffectation, notifiée seulement par lettre du 7 février 1992, a pris rétroactivement effet au 1er février 1992.

12 Il convient d' observer que, au point 38 de l' arrêt, le Tribunal a retenu que la décision litigieuse n' était pas susceptible d' avoir des effets pratiques pendant que la requérante était en congé de maladie. Cette appréciation est corroborée par la constatation, au point 22 du même arrêt, selon laquelle, sur réclamation de la requérante, la date d' effet de cette décision a été reportée au 15 février 1992. Le premier moyen doit donc être rejeté comme manifestement non fondé.

13 Dans le cadre de son deuxième moyen, la requérante estime que le Tribunal a méconnu l' article 7 du statut.

14 Elle se fonde sur les affirmations suivantes:

° le Tribunal a admis à tort que l' AIPN pouvait se prévaloir d' une raison objective et générale valable pour réaffecter la requérante dans l' intérêt du service;

° le Tribunal lui a reproché à tort d' avoir manqué à son devoir de loyauté et de coopération;

° il a retenu à tort qu' elle n' a pas démontré les conséquences négatives de sa réaffectation d' office sur le fonctionnement de son service antérieur;

° il n' était pas réellement urgent de transférer son emploi au service médical, cet emploi étant resté vacant après le départ de la requérante.

15 Aux termes de l' article 51 du statut CE de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l' incompétence du Tribunal, d' irrégularités de procédure devant le Tribunal ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal. L' article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure précise que le pourvoi doit contenir les moyens et arguments de droit invoqués.

16 Il résulte de ces deux dernières dispositions qu' un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l' arrêt ainsi que les arguments juridiques avancés au soutien de la demande d' annulation de celui-ci.

17 Selon une jurisprudence constante, ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction; en effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l' article 49 du statut CE de la Cour de
justice, échappe à la compétence de celle-ci (voir, en dernier lieu, ordonnance du 26 septembre 1994, X/Commission, C-26/94 P, Rec. p. I-4379, point 13).

18 S' agissant des première, troisième et quatrième affirmations de ce moyen, il suffit de constater que la requérante a omis d' avancer des arguments visant à établir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l' appréciation à laquelle il a procédé. Sur ces points, le moyen doit donc être rejeté comme manifestement irrecevable.

19 En ce qui concerne la deuxième affirmation au soutien du même moyen, le Tribunal a estimé (point 57, deuxième partie de la phrase) "... que la Commission, au moment où elle a adopté la décision litigieuse, était en droit de présumer que la requérante adopterait un comportement conforme à son obligation de coopération et de loyauté".

20 A cet égard, il importe de relever que le Tribunal s' est borné à rappeler le devoir fondamental de loyauté et de coopération dans une phrase qui n' était pas indispensable au rejet du recours. Cette considération du Tribunal ne saurait d' ailleurs constituer en soi le reproche effectif d' un manquement à ce devoir commis par la requérante. Sur ce point, le deuxième moyen doit par conséquent être rejeté comme manifestement non fondé.

21 A l' appui de son troisième moyen, tiré de la violation de l' article 25 du statut, la requérante fait valoir que la seule référence à "l' intérêt du service" et au "large pouvoir d' appréciation de la Commission" ainsi qu' à la note du 14 février 1992 du Dr Hoffmann ne constitue pas une motivation suffisante.

22 A cet égard, le Tribunal a constaté à bon droit que, en présence des différentes notes adressées par l' administration dans le contexte de la décision litigieuse, la requérante était parfaitement en mesure de comprendre la portée de celle-ci. Il convient dès lors de rejeter le troisième moyen comme manifestement non fondé.

23 Au soutien de son quatrième moyen, tiré d' un détournement de pouvoir, la requérante prétend que le Tribunal n' aurait pas procédé, dans l' arrêt attaqué, à l' examen et à la discussion des arguments qu' elle avait avancés à l' appui de ce moyen, mais qu' il se serait contenté, après les avoir énumérés, de conclure ° sans motivation ni justification quelconque ° qu' ils ne constituaient pas "des indices objectifs, pertinents et concordants, de nature à établir à suffisance de droit que la
réaffectation en cause a été décidée dans un but autre que celui de renforcer l' effectif du service médical" (point 72 de l' arrêt attaqué).

24 En rejetant en ces termes les arguments qui lui étaient soumis, à savoir

"° le fait qu' il a existé, en 1990 et 1991, une divergence importante de vues entre la requérante et son chef de division à propos d' une décision de réorganisation du service auquel elle était alors affectée;

° le fait que, selon la requérante, la décision de réaffectation a été prise à l' initiative du directeur général de la DG IX et non à la demande du service médical;

° le fait que les arguments avancés par la requérante à l' encontre de la décision de réaffectation la concernant n' ont pas trouvé une réponse satisfaisante selon elle; et

° le fait que, malgré l' opposition manifestée par la requérante à sa réaffectation, la Commission a refusé la possibilité d' une solution amiable du conflit" (point 71 de l' arrêt attaqué),

le Tribunal s' est livré à une appréciation de simples allégations de fait dénuées de tout commencement de preuve, dont le rejet ne nécessitait aucune motivation particulière. Reposant sur un défaut de motivation et de justification d' une telle appréciation, le moyen est donc manifestement non fondé.

25 Quant aux affirmations avancées par la requérante, dans le cadre du pourvoi, au soutien du même moyen, à savoir que

° s' il est sans doute vrai qu' un renforcement du service médical pouvait s' avérer nécessaire, cette situation était connue depuis longtemps et que s' il convenait, à ce moment, de nommer un nouveau médecin, une autre personne que la requérante aurait dû être choisie;

° les tâches confiées à la requérante sont restées inconsistantes, imprécises et dénuées de tout contenu réel;

° les responsables de la Commission, tant à l' administration qu' au service médical, n' ayant pu obtenir un renforcement des effectifs dudit service malgré une demande datant de plus de trois ans, ont imaginé transférer d' office la requérante avec son poste afin que celui-ci reste disponible au sein du service médical après le départ de la requérante,

elles constituent de nouvelles allégations de fait dépourvues de tout argument de droit. Comme telles, elles sont manifestement irrecevables.

26 Enfin, dans le cadre de son cinquième moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude, la requérante fait valoir qu' il est illogique et contraire au bon sens de réaffecter un fonctionnaire, contre son gré, quelques mois avant sa retraite. En effet, la durée d' une réaffectation de quelques mois, comme en l' espèce, limiterait sérieusement la possibilité de confier un travail utile et efficace à quelqu' un. Par ailleurs, la requérante aurait ressenti son départ dans de telles conditions
comme un geste de mépris, sinon comme une sanction disciplinaire déguisée, à son encontre.

27 A cet égard, le Tribunal a constaté à bon droit que la Commission n' a pas dépassé les limites de son large pouvoir d' appréciation dans l' évaluation tant des exigences de l' intérêt du service que de celui de la requérante. En effet, il ne saurait être soutenu qu' une réaffectation, même quelques mois avant la retraite, à un service dans lequel la requérante avait travaillé pendant une dizaine d' années (voir point 56 de l' arrêt du Tribunal), était contraire au devoir de sollicitude incombant
à l' administration ou constituait une sanction disciplinaire déguisée. Le moyen doit par conséquent être rejeté comme manifestement non fondé.

28 Il résulte de l' ensemble des considérations qui précèdent que les moyens présentés par la requérante à l' appui de son pourvoi sont soit manifestement irrecevables, soit manifestement non fondés. Le pourvoi doit dès lors être rejeté en application de l' article 119 du règlement de procédure.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

29 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Aux termes de l' article 70 dudit règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours de fonctionnaires restent à la charge de celles-ci. Cependant, en vertu de l' article 122 de ce règlement, l' article 70 n' est pas applicable aux pourvois formés par un fonctionnaire ou autre agent d' une institution contre celle-ci. Mme Turner ayant succombé en ses moyens, il
y a donc lieu de la condamner aux dépens de la présente instance.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre)

ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Mme Turner est condamnée aux dépens de la présente instance.

Fait à Luxembourg, le 17 octobre 1995.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : C-62/94
Date de la décision : 17/10/1995
Type d'affaire : Pourvoi - irrecevable, Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Fonctionnaire - Réaffectation d'office - Préjudice moral - Demande de réparation - Pourvoi manifestement irrecevable et non fondé.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Mariette Turner
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cosmas
Rapporteur ?: Hirsch

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1995:327

Source

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