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05/10/1994 | CJUE | N°C-255/93

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 5 octobre 1994., Commission des Communautés européennes contre République française., 05/10/1994, C-255/93


Avis juridique important

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61993J0255

Arrêt de la Cour du 5 octobre 1994. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Emballages pour liquides alimentaires - Transposition d'une directive en droit national. - Affaire C-255/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-

04949

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les d...

Avis juridique important

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61993J0255

Arrêt de la Cour du 5 octobre 1994. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Emballages pour liquides alimentaires - Transposition d'une directive en droit national. - Affaire C-255/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-04949

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

Environnement ° Emballages pour liquides alimentaires ° Directive 85/339 ° Programmes de réduction des emballages contenus dans les déchets ménagers ° Obligations des États membres ° Portée

(Directive du Conseil 85/339, art. 3 et 4)

Sommaire

La directive 85/339, concernant les emballages pour liquides alimentaires, a laissé aux États membres le soin de déterminer, selon leurs priorités et leurs rythmes, leurs objectifs concrets pour réduire les tonnages et/ou les volumes des emballages contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement. Son article 3 leur imposait cependant, d' une part, d' établir avant le 1er janvier 1987 des programmes permettant d' atteindre lesdits objectifs, puis de les réviser et de les mettre
à jour régulièrement et au moins tous les quatre ans, et, d' autre part, de communiquer à la Commission, en temps utile et avant la fin de 1986, l' engagement d' atteindre les objectifs ainsi définis ainsi que les actions quantifiées qu' ils entendaient adopter ou mener, le cas échéant de concert avec les milieux professionnels et industriels, dans les domaines concernés. Ces précisions quantitatives et temporelles sont en effet indispensables à la Commission pour apprécier l' adéquation des mesures
envisagées en application de l' article 4 de la directive.

Parties

Dans l' affaire C-255/93,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Xavier Lewis, membre du service juridique, et Bernard Leplat, fonctionnaire national détaché auprès du service juridique de la Commission, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme Catherine de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Jean-Louis Falconi, secrétaire des affaires étrangères, à la direction des affaires juridiques du même ministère en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg, au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard du Prince Henri,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que, en omettant d' établir et de communiquer à la Commission dans les délais prescrits les programmes de réduction des tonnages et/ou des volumes des emballages pour liquides alimentaires contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement, prévus à l' article 3 de la directive 85/339/CEE du Conseil, du 27 juin 1985 concernant les emballages pour liquides alimentaires (JO L 176, p. 18), la République française a manqué aux obligations qui lui
incombent en vertu de cette disposition et du traité CEE,

LA COUR,

composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre faisant fonction de président (rapporteur), J. C. Moitinho de Almeida, M. Diez de Velasco, C. N. Kakouris, F. A. Schockweiler, F. Grévisse, M. Zuleeg, P. J. G. Kapteyn et J. L. Murray, juges,

avocat général: M. C. O. Lenz,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 1er juin 1994,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 23 avril 1993, la Commission des Communautés européennes a introduit, en application de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que, en omettant d' établir et de communiquer dans les délais prescrits les programmes de réduction des tonnages et/ou des volumes des emballages pour liquides alimentaires contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement, prévus à l' article 3 de la directive 85/339/CEE du
Conseil, du 27 juin 1985, concernant les emballages pour liquides alimentaires (JO L 176, p. 18, ci-après la "directive"), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition et du traité CEE.

2 L' article 3, paragraphe 1, de la directive impose aux États membres d' établir des programmes visant à réduire les tonnages et/ou les volumes des emballages pour liquides alimentaires, contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement. Le paragraphe 2 du même article précise que les premiers programmes couvrent la période commençant le 1er janvier 1987 et qu' ils sont communiqués à la Commission avant cette date. Au paragraphe 3, il est prévu qu' ils sont ensuite "révisés et
mis à jour régulièrement, au moins tous les quatre ans, compte tenu notamment du progrès technique et de l' évolution des conditions économiques".

3 En vertu de l' article 4, paragraphe 1, les États membres, dans le cadre de ces programmes, prennent, soit par la voie législative ou administrative, soit par la voie d' accords volontaires, des mesures visant notamment à faciliter le reremplissage et/ou le recyclage des emballages pour liquides alimentaires, à développer l' éducation des consommateurs en la matière, à favoriser la collecte et la transformation des emballages non reremplissables, à promouvoir de nouveaux types d' emballages ainsi
qu' à maintenir et, si possible, à augmenter les proportions d' emballages reremplis et/ou recyclés. En application de l' article 5, les États membres veillent à l' information du consommateur quant à la possibilité de reremplir les emballages et quant au montant de la consigne.

4 Enfin, l' article 7 oblige les États membres à communiquer à la Commission toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives édictées ainsi que tous les accords volontaires visés à l' article 4, paragraphe 1, et conclus en vue de l' application de la directive.

5 Le délai dont les États membres disposent pour adopter les mesures nécessaires en vue de se conformer à la directive est fixé, par l' article 8, à vingt-quatre mois à compter de sa notification.

6 La directive a été notifiée au gouvernement français le 3 juillet 1985. N' ayant pas reçu communication des programmes prévus à l' article 3, la Commission l' a, par lettre du 22 juillet 1987, invité à présenter ses observations conformément à l' article 169 du traité.

7 En réponse à cette mise en demeure, les autorités françaises ont, dans une lettre du 22 septembre 1987, indiqué que des programmes de réduction des tonnages et des volumes d' emballages pour liquides alimentaires étaient en train d' être négociés avec les milieux professionnels intéressés. Par lettre du 16 mars 1988, ces mêmes autorités ont transmis à la Commission des projets d' accords volontaires. Les accords, conclus le 9 mai 1988 entre les pouvoirs publics et des représentants des
professionnels intéressés, ont été communiqués à la Commission le 12 août 1988. Il s' agissait de six contrats, relatifs à six types d' emballage différents: le verre, le plastique, l' acier, l' aluminium, le complexe carton et le verre consigné.

8 Le 4 novembre 1988, la Commission a demandé aux autorités françaises si les projets de contrats notifiés le 16 mars 1988 avaient depuis lors été signés. Cette demande est restée sans réponse.

9 Le 2 octobre 1989, la Commission a adressé au gouvernement français un avis motivé au titre de l' article 169 du traité, dans lequel elle lui reprochait de ne pas lui avoir communiqué les programmes visés à l' article 3 de la directive. Selon la motivation de cet avis, ni les actions mentionnées dans la lettre du 22 septembre 1987 ni les projets d' accords ne correspondaient à la notion de programme figurant à cette disposition.

10 Les autorités françaises ayant soutenu, dans leur réponse du 26 octobre 1989, que les accords volontaires communiqués constituaient bien les programmes exigés par la directive, la Commission a décidé d' introduire le présent recours.

Sur la recevabilité

11 A titre principal, le gouvernement français conclut à l' irrecevabilité du recours, et ce pour deux raisons. D' une part, le manquement reproché aurait cessé avant l' envoi de l' avis motivé du 2 octobre 1989. D' autre part, en n' explicitant ses griefs contre les accords volontaires qu' au stade de la requête, la Commission aurait étendu l' objet du litige tel qu' il résultait de la lettre de mise en demeure et de l' avis motivé.

12 Ces deux moyens ne peuvent être accueillis.

13 Le bien-fondé du premier dépend de la réponse à la question de savoir si les actions entreprises et communiquées le 12 août 1988 par les autorités françaises à la Commission constituent des programmes au sens de l' article 3 de la directive. Or, cette question concerne le fond du litige.

14 Quant au second moyen, il n' est pas fondé. Le manquement décrit dans la requête consiste, en effet, à avoir omis de communiquer les programmes prévus à l' article 3 de la directive, deux griefs qui coïncident avec ceux énoncés dans la lettre du 22 juillet 1987 et dans l' avis motivé.

15 Le recours est dès lors recevable.

Sur le fond

16 Dans son recours, la Commission fait valoir, tout d' abord, que la directive établit une distinction entre les "mesures" et les "programmes". Les "mesures" au sens de l' article 4, paragraphe 1, de la directive seraient, en effet, à prendre par l' État membre "dans le cadre des programmes visés à l' article 3...". Cette distinction serait confirmée par le fait qu' il existe deux régimes différents de communication, l' un applicable aux programmes et prévu à l' article 3, paragraphe 2, l' autre
relatif aux mesures et figurant à l' article 7.

17 Selon la Commission, les accords volontaires communiqués par la République française constituent tout au plus des mesures au sens de l' article 4, paragraphe 1. A la différence des programmes établis en application de l' article 3, ces accords ne contiendraient ni un engagement de la part des autorités publiques, ni une présentation quantifiée des objectifs à atteindre, ni un calendrier, ni un catalogue des actions envisagées pour les réaliser.

18 La République française considère, en revanche, avoir satisfait à l' obligation d' établir des programmes au sens de l' article 3 de la directive par la conclusion d' accords volontaires répondant aux exigences de la directive et susceptibles donc de contribuer à la réalisation de ses objectifs.

19 En premier lieu, tous ces accords volontaires comporteraient des engagements à charge des autorités publiques. En deuxième lieu, la directive, contrairement à ce qu' affirme la Commission, n' imposerait pas de chiffrer les objectifs de réduction poursuivis. En troisième lieu, les accords volontaires, en obligeant les autorités compétentes à établir un bilan annuel au vu duquel un comité de suivi décidera des actions entreprises et des éventuelles orientations, établiraient indirectement l'
obligation de prévoir des calendriers pour chaque secteur.

20 Pour trancher le litige, il y a lieu de vérifier si les accords volontaires invoqués par la République française présentent toutes les caractéristiques des programmes de réduction visés à l' article 3.

21 A cet égard, il importe de constater tout d' abord que, contrairement à ce que prétend la Commission, la directive n' impose pas aux États membres de prendre des engagements unilatéraux.

22 En tout état de cause, il apparaît que tous les accords volontaires communiqués à la Commission comportent des engagements à charge de tous les signataires et donc également des autorités publiques françaises. Dans le domaine de l' emballage en verre, les pouvoirs publics apportent leurs contributions sous diverses formes comme la promotion de la récupération, l' assistance technique aux collectivités locales, la mise en place d' un instrument statistique. Dans le domaine de l' emballage
plastique, les pouvoirs publics s' engagent à faciliter l' échange d' informations et la coordination des recherches et travaux entre les collectivités et les industries, ainsi que l' octroi des aides de l' État prévues dans ce secteur. Dans les domaines des emballages en acier, en aluminium et en complexe carton, ils s' obligent à faciliter autant que possible les rapports avec les collectivités locales, à favoriser notamment les projets d' investissement relatifs aux opérations de recyclage et à
faciliter en particulier l' octroi d' aides de l' État. Enfin, dans le domaine du verre consigné, les pouvoirs publics veillent en particulier à renouveler et à faire respecter les instructions concernant l' utilisation des emballages consignés dans les collectivités privées.

23 Dans ces conditions, on ne saurait considérer que les accords volontaires en cause ne constituent pas des programmes de réduction au sens de la directive au seul motif qu' ils ne contiennent pas d' engagement de la part des autorités publiques.

24 Il en va toutefois autrement du grief portant sur l' absence d' une quantification chiffrée des objectifs à atteindre ainsi que d' un calendrier précis.

25 Ainsi que l' avocat général l' a exposé au point 19 de ses conclusions, la directive, tout en laissant aux États membres le soin de déterminer, selon leurs priorités et leurs rythmes, leurs objectifs concrets pour réduire les tonnages et/ou les volumes des emballages, leur impose, pour atteindre ces objectifs, d' établir des programmes avant le 1er janvier 1987, puis de les réviser et de les mettre à jour régulièrement et au moins tous les quatre ans. Il importe à cet égard que les États membres
communiquent à la Commission, en temps utile et avant la fin de 1986, l' engagement d' atteindre ces objectifs et les actions quantifiées qu' ils entendent adopter ou mener, le cas échéant de concert avec les milieux professionnels et industriels, dans les domaines concernés. Ce n' est, en effet, qu' au vu de ces précisions quantitatives et temporelles que la Commission pourra ensuite apprécier si les mesures envisagées en application de l' article 4 contribuent réellement à la mise en oeuvre des
programmes destinés à réaliser les objectifs de la directive.

26 En l' occurrence, force est de constater que seul l' accord relatif au verre définit des objectifs quantifiés précis, les autres accords se limitant à établir des dispositions générales non chiffrées. Dans ces conditions, les exigences de l' article 3 ne sauraient être considérées comme satisfaites. Ces dernières concernent, en effet, tous les emballages visés à l' article 2, à savoir les emballages en verre, en métal, en plastique, en papier ou en toute autre matière.

27 Quant à l' obligation d' établir un calendrier pour la réalisation des programmes, il convient de relever que l' application d' au moins cinq des six accords en question a été limitée à une période de trente mois prenant cours le 10 mai 1988, date de leur signature, et qu' ils ne sont pas renouvelables automatiquement, tandis que le sixième, relatif au verre, ne peut être prorogé au-delà du 31 décembre 1992. Rien ne garantit, dès lors, que les accords seront révisés et mis à jour régulièrement,
au moins tous les quatre ans, conformément à l' article 3, paragraphe 3, de la directive.

28 Au vu de ces considérations, il y a lieu de considérer que les accords en cause ne présentent pas les caractéristiques des programmes visés à l' article 3 de la directive et, partant, de constater que, en n' ayant pas établi dans les délais prescrits les programmes de réduction des tonnages et/ou des volumes des emballages pour liquides alimentaires contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement, prévus à l' article 3 de la directive 85/339, la République française a
manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition et du traité CEE.

29 En revanche, contrairement à ce qu' a conclu la Commission, la Cour n' a pas à examiner le manquement consistant à n' avoir pas communiqué à la Commission les programmes en question, étant donné que la République française n' a précisément pas adopté ces programmes dans le délai fixé.

30 Il y a lieu, par conséquent, de constater que la République française, en n' ayant pas établi dans les délais prescrits les programmes de réduction des tonnages et/ou des volumes des emballages pour liquides alimentaires contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement, prévus à l' article 3 de la directive 85/339, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition et du traité CEE.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

31 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s' il est conclu en ce sens. La République française ayant succombé en l' essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête:

1) En n' établissant pas dans les délais prescrits les programmes de réduction des tonnages et/ou de volumes des emballages pour liquides alimentaires contenus dans les déchets ménagers devant être éliminés définitivement, prévus à l' article 3 de la directive 85/339/CEE, du 27 juin 1985, concernant les emballages pour liquides alimentaires, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cette disposition et du traité CEE.

2) La République française est condamnée aux dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-255/93
Date de la décision : 05/10/1994
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Manquement d'Etat - Emballages pour liquides alimentaires - Transposition d'une directive en droit national.

Environnement

Déchets

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Mancini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:366

Source

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