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02/06/1994 | CJUE | N°C-398/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 2 juin 1994., Lars Bo Rasmussen contre Commission des Communautés européennes., 02/06/1994, C-398/93


Avis juridique important

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61993C0398

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 2 juin 1994. - Lars Bo Rasmussen contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure de rotation - Recrutement d'un agent temporaire. - Affaire C-398/93 P.
Recueil de jurisprudence 199

4 page I-04043

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Pr...

Avis juridique important

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61993C0398

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 2 juin 1994. - Lars Bo Rasmussen contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure de rotation - Recrutement d'un agent temporaire. - Affaire C-398/93 P.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-04043

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Par le présent pourvoi, M. Rasmussen demande à la Cour d' annuler l' arrêt rendu par le Tribunal de première instance, le 6 juillet 1993, dans l' affaire T-32/92 (1) et de faire droit à la demande originaire visant à obtenir l' annulation de la décision par laquelle la Commission a rejeté sa candidature au poste de responsable du bureau de presse et d' information de la Communauté à Lisbonne, et l' annulation de la décision de pourvoir au poste en question par la nomination d' un agent
temporaire.

2. Rappelons brièvement les faits. Le 11 novembre 1990, la Commission a publié l' avis n 587 en vue de pourvoir au poste de chef de bureau à Lisbonne. Ainsi qu' il était précisé dans ledit avis, le poste en question relevait du système de rotation du personnel des bureaux de presse et d' information dans les États membres, système qui a été mis en place par la Commission par décision du 24 novembre 1976. Cette décision prévoit, entre autres, que la rotation doit se faire en principe par voie d' un
mouvement général et que, dans le cadre de ce mouvement, les fonctionnaires sont affectés avec leur poste budgétaire.

Le 28 novembre 1990, M. Rasmussen a posé sa candidature à l' emploi en question. L' autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l' "AIPN"), après avoir pris acte de l' avis du comité de rotation, selon lequel aucune des candidatures présentées ne remplissait les qualifications requises, a décidé de clôturer la procédure de rotation, d' affecter un emploi temporaire de grade A 3 au bureau de la Communauté au Portugal (Lisbonne) et de mettre en oeuvre la procédure destinée à pourvoir au poste
en question par la nomination d' un agent temporaire. M. Rasmussen a formé devant le Tribunal de première instance un recours dirigé contre cette décision de l' AIPN, en invoquant la violation des articles 4, 29 et 45 du statut, dispositions qui prévoient la procédure que l' administration est tenue de suivre, en cas de vacance d' emploi, pour les nominations et les promotions.

3. Le Tribunal a rejeté le recours, par l' arrêt du 6 juillet 1993, précité, en parvenant à la conclusion que "les dispositions des articles 4, 29 et 45 du statut ne s' appliquent pas à la procédure en cause en l' espèce" (point 42).

En particulier, le Tribunal, partant de la constatation que la procédure engagée par l' avis n 587 s' inscrit dans le cadre du système de rotation établi par la décision du 24 novembre 1976 et que ce système est fondé sur le principe selon lequel le fonctionnaire concerné est affecté avec son emploi (point 35), a conclu qu' il ne pouvait s' agir, en l' espèce, de pourvoir à une vacance d' emploi au sens des articles 4 et 29 du statut (point 37). De l' avis du Tribunal, cette conclusion ne saurait
être affectée ni par "l' existence d' une fonction, ayant un caractère permanent, de chef de bureau à Lisbonne (ni par la) nomination ultérieure d' un agent temporaire de grade A 3 à la fonction en question" (point 38).

C' est essentiellement à l' encontre de ces affirmations de l' arrêt attaqué que M. Rasmussen dirige ses griefs. Il reproche au Tribunal d' avoir considéré à tort que l' emploi à pourvoir à Lisbonne n' était pas un emploi vacant et d' avoir, de ce fait, violé les articles 4 et 29 du statut. Il soutient, en effet, que la procédure de rotation porte sur des emplois permanents qui sont inscrits au budget et doivent donc être considérés comme des "emplois" au sens de l' article 6 du statut (2), avec
cette conséquence que, après avoir procédé à la clôture de la procédure de rotation, l' AIPN avait l' obligation de recommencer la procédure de recrutement ab initio, c' est-à-dire selon les règles de procédure prévues aux articles 4 et 29 du statut. M. Rasmussen fait valoir en outre que, en opérant une distinction arbitraire entre les agents temporaires, selon qu' ils sont appelés à occuper un emploi permanent ou un emploi à caractère temporaire, le Tribunal aurait également violé l' article 9 du
régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le "RAA"), disposition qui ne fait aucune distinction, aux fins de la procédure de recrutement, entre les différentes catégories d' agents temporaires visées à l' article 2 du RAA.

4. En substance, il s' agit donc d' établir si le Tribunal a correctement qualifié la procédure de recrutement engagée par la publication de l' avis n 587 et, plus précisément, s' il y avait lieu ou non de qualifier l' emploi à pourvoir d' emploi vacant.

Étant donné qu' il est incontesté en l' espèce que la disponibilité de l' emploi qui a été communiquée par l' avis n 587 s' inscrivait dans le cadre du système de rotation, nous rappelons que la Cour a admis, à plusieurs reprises, la légalité du système de réaffectation de fonctionnaires avec leur poste budgétaire dans le cadre des procédures de rotation mises en place par la Commission (3) et a expressément affirmé que les formalités prévues par les articles 4 et 29 du statut "ne sont pas
applicables en cas de réaffectation du fonctionnaire avec son emploi, en raison du fait qu' un tel transfert ne donne pas lieu à vacance d' emploi" (4). En d' autres termes, le mouvement des fonctionnaires organisé dans le cadre de la rotation ne constitue pas une mutation, mais une affectation à de nouveaux lieux de travail, précisément parce que l' emploi occupé par les fonctionnaires intéressés est transféré avec son titulaire.

Mais le seul fait qu' il s' agisse d' un emploi affecté aux bureaux de presse et d' information suffit-il à exclure l' existence d' une vacance d' emploi au sens du statut, même lorsqu' il n' est pas pourvu à l' emploi en question par voie de rotation, c' est-à-dire par le transfert du fonctionnaire avec son emploi? Telle est, en définitive, la question que soulève le présent pourvoi.

5. M. Rasmussen soutient en effet que, l' emploi de chef de bureau à Lisbonne étant, comme tous les emplois auxquels il est pourvu suivant la procédure de rotation, un emploi permanent inscrit au budget de l' institution concernée, qu' il convient donc de qualifier d' emploi vacant au sens du statut, il s' ensuivrait que, suite à l' abandon de la procédure de rotation, les articles 4 et 29 du statut seraient redevenus applicables.

A cet égard, le Tribunal, après avoir précisé que la question de "l' existence d' une 'fonction' donnée, par opposition à un 'emploi' , relève de la compétence interne de l' institution en matière d' organisation des services, alors que celle de l' existence d' un emploi vacant est déterminée par la question de savoir si un emploi n' est pas pourvu parmi le nombre total d' emplois permanents prévus par le budget" (point 39), a affirmé que "dans la mesure où le budget ne définit pas les fonctions
parmi lesquelles ce nombre total d' emplois est à répartir, l' existence à Lisbonne d' un emploi vacant au sens du statut ne peut être déduite du seul fait que la fonction de chef de bureau à Lisbonne est restée provisoirement inoccupée à la suite de la réaffectation du précédent chef de bureau avec son emploi" (point 39).

6. Or, cette argumentation n' est assurément pas affectée par l' affirmation de M. Rasmussen selon laquelle, étant donné que ce sont normalement des fonctionnaires qui occupent les postes relevant du système de rotation, la fonction de chef de bureau à Lisbonne serait comprise dans le tableau des effectifs prévus par le budget, avec cette conséquence supplémentaire qu' il s' agirait d' un emploi vacant au sens du statut. En réalité, la procédure de rotation ne donne pas lieu à vacance d' emploi,
précisément parce que, ainsi que la Cour l' a affirmé dans sa jurisprudence en la matière (5), elle concerne la réaffectation de fonctionnaires avec leur emploi.

Il s' ensuit que l' existence d' un emploi vacant au sens du statut ne peut pas non plus être déduite, ainsi que le Tribunal l' a à juste titre souligné, de la circonstance que dans le cas de l' espèce il n' a pas été pourvu à l' emploi en question par le transfert d' un fonctionnaire avec son emploi. Il reste, en effet, que l' emploi de chef de bureau à Lisbonne, dans la mesure où il s' inscrit dans le cadre de la procédure de rotation, ne pouvait en aucun cas donner lieu à une vacance d' emploi au
sens du statut.

7. Cette conclusion est d' ailleurs corroborée par la circonstance que l' administration, afin de pouvoir nommer un agent à l' emploi en question, a ajouté un emploi temporaire à l' organigramme de la direction générale concernée. En fait, l' agent temporaire qui a été ensuite nommé à Lisbonne a été engagé, ainsi que le Tribunal l' a constaté au point 40 de l' arrêt, sur la base de l' article 2, sous a), du RAA, c' est-à-dire "en vue d' occuper un emploi compris dans le tableau des effectifs annexé
à la section du budget afférente à chaque institution et auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire".

Le grief en question n' est, par conséquent, pas fondé, puisque dans le cas d' espèce l' interprétation fournie par le Tribunal n' est entachée d' aucune erreur de droit.

8. Quant au second grief, c' est-à-dire celui tiré de la prétendue violation de l' article 9 du RAA que le Tribunal aurait commise en opérant une distinction entre les agents temporaires selon qu' ils sont appelés à occuper un emploi permanent ou un emploi temporaire, la Commission soulève une exception d' irrecevabilité en application de l' article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure. L' institution défenderesse soutient, en effet, qu' il s' agit d' un nouveau moyen qui modifie l' objet du
litige devant le Tribunal, dans la mesure où M. Rasmussen prétend par ce moyen contester la légalité de la décision de la Commission de pourvoir à l' emploi en question par la nomination d' un agent temporaire. La Commission souligne, en outre, que la distinction contestée découle de l' article 2 du RAA, et non d' une question de droit soulevée par l' arrêt du Tribunal.

M. Rasmussen soutient au contraire que le grief en question vise à contester la légalité de la motivation du jugement attaqué et, dès lors, ne modifie pas l' objet du litige devant le Tribunal.

9. Compte tenu des considérations qui précèdent, nous estimons qu' il y a lieu de considérer que le grief en question vise en tout cas à contester l' affirmation du Tribunal selon laquelle le fait même d' avoir procédé à la nomination d' un agent temporaire en application de l' article 2, sous a), du RAA, c' est-à-dire à un poste auquel les autorités budgétaires ont conféré un caractère temporaire, serait de nature à exclure l' existence d' un emploi permanent et, partant, d' un emploi vacant au
sens du statut. Par conséquent, un problème de recevabilité, du point de vue de la nouveauté du moyen, ne se pose même pas, puisque le grief est dirigé contre une affirmation du Tribunal.

A cet égard, il suffit toutefois de relever que le Tribunal s' est borné à rappeler une distinction prévue à l' article 2 du RAA. En outre, la circonstance que l' article 9 du RAA n' opère aucune distinction, aux fins de l' engagement, entre les différentes catégories d' agents temporaires, ne revêt pas d' importance en l' espèce, dans la mesure où, s' agissant d' un emploi qui s' inscrit dans le cadre du système de rotation, elle n' a aucune incidence sur l' existence ou non d' un emploi vacant au
sens du statut.

Le second grief doit donc également être déclaré non fondé.

10. A la lumière des conclusions qui précèdent, nous suggérons donc à la Cour de rejeter le pourvoi de M. Rasmussen.

Quant aux dépens, nous proposons de condamner le requérant à l' ensemble des dépens, y compris ceux exposés par la partie défenderesse dans le cadre du pourvoi.

(*) Langue originale: l' italien.

(1) - Rasmussen/Commission (Rec. p. II-765).

(2) - Aux termes de cet article Un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe, pour chacune des catégories et chacun des cadres, le nombre des emplois par grade dans chaque carrière.

(3) - Voir arrêts du 24 février 1981, Carbognani et Coda Zabetta/Commission (161/80 et 162/80, Rec. p. 543), du 17 décembre 1981, Demont/Commission (791/79, Rec. p. 3105), et du 6 juillet 1983, Geist/Commission (117/81, Rec. p. 2191).

(4) - Arrêt Carbognani et Coda Zabetta, précité, point 19.

(5) - Voir arrêts précités, note 3.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-398/93
Date de la décision : 02/06/1994
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Pourvoi - Fonctionnaires - Procédure de rotation - Recrutement d'un agent temporaire.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Lars Bo Rasmussen
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Kapteyn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:228

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