La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/04/1994 | CJUE | N°C-314/93

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 19 avril 1994., Procédure pénale contre François Rouffeteau et Robert Badia., 19/04/1994, C-314/93


Avis juridique important

|

61993C0314

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 19 avril 1994. - Procédure pénale contre François Rouffeteau et Robert Badia. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Reims - France. - Article 30 du traité CEE - Directive 88/301/CEE - Termina

ux de télécommunications - Interdiction des appareils téléphoniques non agr...

Avis juridique important

|

61993C0314

Conclusions de l'avocat général Tesauro présentées le 19 avril 1994. - Procédure pénale contre François Rouffeteau et Robert Badia. - Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Reims - France. - Article 30 du traité CEE - Directive 88/301/CEE - Terminaux de télécommunications - Interdiction des appareils téléphoniques non agréés - Réexportation. - Affaire C-314/93.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-03257

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. La présente procédure soulève, une fois encore, la question de la compatibilité avec le droit communautaire ° et particulièrement avec l' article 30 du traité et avec la directive 88/301/CEE de la Commission, du 16 mai 1988, relative à la concurrence dans les marchés de terminaux de télécommunication (1) ° de la réglementation française relative à l' agrément des appareils terminaux.

Le régime national en cause, que la Cour a déjà eu l' occasion d' examiner partiellement dans les arrêts Decoster (2) et Taillandier (3), est celui défini par le décret n 85-712 du 11 juillet 1985, ainsi que par la loi n 89-1008 du 31 décembre 1989. Rappelons-en les éléments essentiels.

Le décret n 85-712 prévoit, en ses articles 1er et 2, que les appareils terminaux fabriqués pour le marché intérieur, détenus en vue de la vente ou encore mis en vente ou distribués doivent répondre à certaines prescriptions à caractère technique ou visant à la sécurité, dont l' énumération détaillée figure aux articles 3 et 4 de ce même décret (4). L' article 6 impose aux fabricants, importateurs et distributeurs de tels appareils l' obligation de justifier de leur conformité aux prescriptions des
articles 3 et 4. Cette conformité peut être attestée soit par l' agrément délivré en application du code des postes et télécommunications, soit par d' autres documents justificatifs reconnus équivalents. L' article 7, enfin, fixe les peines applicables à celui qui contrevient à l' obligation de justifier de la conformité des appareils terminaux.

La loi n 89-1008 prévoit, en son article 8, l' interdiction, sanctionnée par une amende, de faire de la publicité pour des appareils terminaux susceptibles d' être raccordés au réseau des télécommunications de l' État, non munis des documents justificatifs prescrits.

2. Passons aux faits. MM. Rouffeteau et Badia, prévenus dans le cadre de la procédure au principal, sont des commerçants opérant dans la région de Reims. Il leur est reproché à tous deux d' avoir, en violation des dispositions du décret n 85-712, mis en vente des terminaux non munis de l' agrément ou d' un autre document justifiant de leur conformité. Il est également reproché à M. Rouffeteau d' avoir fait de la publicité pour de tels matériels, en violation des prescriptions de l' article 8 de la
loi n 89-1008.

Devant le juge national, les prévenus se sont défendus en invoquant, notamment, l' incompatibilité des dispositions nationales susdites avec le droit communautaire. A leur avis, l' obligation d' agrément des appareils, prévue par la réglementation française, ne serait pas justifiée dans l' hypothèse où les appareils mis dans le commerce (ou faisant l' objet d' une publicité) n' ont pas vocation à être raccordés au réseau public de télécommunications, dans la mesure, en particulier, où ils sont
destinés à être réexportés en dehors du territoire national.

Vu cette objection, le juge a suspendu la procédure et a adressé à la Cour une question préjudicielle par laquelle il lui demande de préciser si l' article 30 du traité et la directive 88/301 doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à une législation nationale qui interdit l' importation, la détention en vue de la vente et la mise en vente d' appareils terminaux non agréés, sans faire aucune réserve pour l' hypothèse où l' importateur, le détenteur ou le vendeur spécifie clairement
que ces appareils sont uniquement destinés à être réexportés et non à être raccordés au réseau public.

L' objet de la question préjudicielle

3. La question posée par le juge demande à être brièvement précisée. En premier lieu, il convient de faire observer que sa formulation pourrait donner à penser que le juge interroge la Cour seulement sur la légitimité de l' interdiction de la mise en vente des terminaux non agréés (prévue par le décret n 85-712) et non également sur l' interdiction de la publicité pour ces mêmes terminaux (prévue par l' article 8 de la loi n 89-1008). Toutefois, il est évident que ces deux aspects sont
indissolublement liés. L' interdiction de la publicité est, en effet, un accessoire de l' interdiction de la mise en vente, dont elle vise à renforcer l' efficacité. En outre, comme nous l' avons signalé, il est indispensable d' apprécier la légitimité de l' interdiction de la publicité pour juger de la situation de l' un des deux prévenus ° M. Rouffeteau ° à qui il est précisément reproché d' avoir violé l' article 8 de la loi n 89-1008. Eu égard à ces considérations et dans le but de fournir au
juge une réponse utile à la solution du litige dont il est saisi, nous estimons donc nécessaire que la Cour se prononce spécifiquement non seulement sur la légitimité de l' interdiction de la mise en vente de terminaux non agréés (destinés à la réexportation), prévue par le décret n 85-712, mais aussi sur celle de l' interdiction de la publicité pour ces mêmes terminaux, prévue par la loi n 89-1008.

4. En second lieu, il convient de préciser que, ainsi qu' il ressort de l' ordonnance de renvoi, les prévenus dans la procédure au principal, renvoyant à un document émanant de la Commission (dont la référence n' est pas clairement indiquée), ont contesté qu' il soit légitime de soumettre à agrément les terminaux qui, d' une manière générale, n' ont pas vocation à être connectés au réseau public, ce qui comprend tant les terminaux destinés à être réexportés que ceux destinés à être raccordés à des
réseaux privés. Au cours de la procédure, cependant, personne n' a, à aucun moment, fait valoir que les terminaux litigieux étaient, ou pouvaient être, utilisés dans le cadre de réseaux privés. En particulier, le juge a quo limite expressément sa question aux seuls terminaux réexportés, sans faire aucune référence aux divers problèmes soulevés par les terminaux destinés à fonctionner sur des réseaux privés (5). En outre, tant la Commission que le gouvernement français se sont bornés à examiner s' il
était légitime ou non d' étendre l' obligation d' agrément aux terminaux destinés à la réexportation. Nous estimons, par conséquent, que, en l' espèce, il est opportun de ne se prononcer que sur cet aspect des choses et de laisser en suspens ° abstraction faite de certaines précisions figurant ci-après ° la question de la légitimité de l' obligation d' agrément pour les terminaux destinés à être connectés aux réseaux privés.

5. Pour être complet, il convient, enfin, de faire observer que, dans le cadre de la procédure au principal, les prévenus ont formulé aussi un autre grief à l' encontre de la réglementation nationale litigieuse. A leur avis, les autorités françaises n' auraient pas défini les caractéristiques techniques et les procédures d' agrément des appareils terminaux dans les délais fixés par la directive 88/301. Le juge national a, cependant, conclu à l' absence de fondement de cette objection (6), en faisant
remarquer que ces caractéristiques et procédures s' avéraient avoir déjà été décrites dans un avis, relatif à l' application du décret n 85-712, publié au Journal officiel de la République française le 1er novembre 1985 (avis ultérieurement complété en octobre 1991) (7).

6. Compte tenu de ces précisions, nous estimons que la question préjudicielle doit être ainsi définie: les dispositions de la directive 88/301 et de l' article 30 du traité s' opposent-elles à une législation nationale, telle que celle contenue dans le décret français n 85-712, ainsi que dans la loi française n 89-1008, qui interdit tant la commercialisation d' appareils terminaux non agréés que la publicité faite à leur égard, sans prévoir une dérogation à ces interdictions pour l' hypothèse où le
commerçant a clairement averti l' acquéreur que ces appareils sont destinés à la réexportation et que, pour ce motif, ils ne sont donc pas utilisables en vue de leur connexion au réseau national de télécommunications? Dans les observations qui suivent, la question sera examinée, d' abord, sous l' angle de la directive 88/301 et, ensuite, sous celui de l' article 30 du traité.

Sur la directive 88/301

7. A cet égard, il nous paraît que l' on peut faire observer que la directive 88/301 ne contient pas de règles qui soient spécifiquement pertinentes en vue de la solution de la question de droit soulevée par le juge a quo. La directive, adoptée par la Commission sur la base de l' article 90, paragraphe 3, du traité, a pour objectif de promouvoir des conditions de concurrence effective sur le marché des terminaux de télécommunication. A cette fin, la directive prévoit essentiellement: l' abolition
des droits spéciaux ou exclusifs octroyés par les États membres aux organismes de télécommunications (article 2); le droit pour les opérateurs économiques ° subordonné au respect de certaines exigences essentielles ° d' importer, de commercialiser, de raccorder et de mettre en service les appareils terminaux (article 3); l' accessibilité pour les utilisateurs des terminaisons du réseau public (article 4); la communication à la Commission, ainsi que la publication, des spécifications techniques et
des procédures d' agrément (article 5); la séparation, dans le secteur des télécommunications, de l' activité commerciale, d' une part, et des fonctions de réglementation et de contrôle, d' autre part (article 6); la possibilité de résiliation, avec préavis d' un an, des contrats de location ou d' entretien des appareils terminaux (article 7); la notification à la Commission des projets de spécifications techniques et de règles d' agrément (article 8); la communication de rapports annuels relatifs
au respect des dispositions des articles 2, 3, 4, 6 et 7 (article 9).

Il ressort de cette réglementation que, s' il est vrai que la directive reconnaît aux opérateurs économiques le droit d' importer et de commercialiser les appareils terminaux (article 3), il est tout aussi vrai qu' elle laisse intacte la faculté qu' ont les États membres de soumettre les terminaux à un contrôle de conformité, visant à vérifier s' ils satisfont à certaines exigences essentielles, concernant particulièrement la sécurité des usagers et des opérateurs, ainsi que la sécurité et le bon
fonctionnement du réseau public de télécommunications (exigences reconnues par l' article 2, point 17, de la directive 86/361/CEE du Conseil, à laquelle se réfère expressément l' article 3 de la directive 88/301 (8)). De la directive, on déduit aussi (en particulier, de ses articles 5 et 8) que ce contrôle de conformité doit être effectué selon des procédures d' agrément définies par les États membres et ° en attendant leur harmonisation au niveau européen (9) ° sur la base de spécifications
techniques nationales (10).

8. La directive se fonde donc sur la prémisse selon laquelle, pour garantir le respect de certaines exigences d' intérêt général, parfaitement compatibles avec l' ordre juridique communautaire, les États membres disposent de la faculté d' agréer les appareils terminaux. En ce qui concerne spécifiquement l' agrément, la directive se borne simplement à formuler deux conditions: i) les spécifications techniques et les procédures d' agrément doivent être dûment portées à la connaissance de la Commission
et des tiers (voir articles 5 et 8); ii) la formalisation des spécifications, le contrôle de leur application, ainsi que l' agrément, doivent être effectués par une entité indépendante des entreprises publiques ou privées offrant des biens et/ou des services dans le domaine des télécommunications (voir article 6).

9. La directive, par contre, ne contient aucune disposition concernant la portée de l' obligation d' agrément imposée par les États membres en vue de garantir la conformité des appareils aux exigences essentielles susmentionnées. Elle ne permet donc pas de décider si un État membre peut imposer l' agrément même pour des appareils destinés à la réexportation. En outre, comme il est évident, la directive ne contient aucune disposition concernant la publicité pour les terminaux, qu' ils soient agréés
ou non. Nous estimons, en conséquence, que la question soulevée par le juge national ne peut trouver une réponse dans les dispositions de la directive, mais doit être plutôt abordée par référence aux principes qui se déduisent du droit primaire et, particulièrement, de l' article 30 du traité.

Sur l' article 30 du traité

10. En résumé, l' analyse qui va suivre s' articule comme suit:

a) la réglementation nationale litigieuse n' entrave pas les importations intracommunautaires;

b) à supposer que l' on puisse conclure à l' existence d' une telle entrave, celle-ci paraît, de toute façon, proportionnée à la nécessité de garantir le respect d' exigences impératives parfaitement compatibles avec l' ordre juridique communautaire;

c) à titre subsidiaire, au cas où l' on considérerait que la réglementation litigieuse constitue une mesure d' effet équivalent interdite par l' article 30 du traité, il faudrait préciser que l' article 30 ne s' applique qu' à l' égard des importations de biens provenant d' autres États membres et non de pays tiers.

11. a) La réglementation nationale litigieuse n' entrave pas les importations intracommunautaires. A ce sujet, il convient de relever que, en l' espèce, il semble très douteux que l' application des règles nationales en question puisse se traduire par une entrave aux importations, interdite, comme telle, par l' article 30. Pour parvenir à la conclusion qu' une telle entrave existe, ou peut exister, il faut, en effet, partir d' une hypothèse qui, franchement, nous paraît beaucoup plus théorique que
réelle. Cette hypothèse est la suivante: i) d' une manière générale (et ce point est le seul que l' on puisse considérer comme acquis), si l' on impose l' obligation d' agrément à qui souhaite vendre des terminaux, ou même simplement faire de la publicité pour ceux-ci, cette mesure en rend la commercialisation plus difficile ou plus onéreuse; ii) en conséquence, si l' on impose cette obligation pour les terminaux réexportés, cela en entrave la vente; iii) l' entrave mise à la vente des terminaux
spécifiquement et uniquement destinés à la réexportation peut, à son tour, réduire l' importation des terminaux caractérisés par cette destination spécifique et unique. Par contre, si l' obligation d' agrément ne valait pas pour les terminaux réexportés, on pourrait supposer que l' importation de terminaux en vue de leur réexportation en serait favorisée.

12. Cette hypothèse complexe suppose, toutefois, qu' il y ait un intérêt quelconque à importer dans un État membre des terminaux qui, précisément parce qu' ils ne sont pas agréés, ne peuvent, de toute façon, pas être vendus sur le marché intérieur, mais peuvent exclusivement être réexportés. Or c' est précisément cette supposition qui paraît peu plausible. Quel intérêt a, en effet, un commerçant appartenant aux circuits normaux de distribution à acquérir des produits qui, par définition, ne peuvent
être revendus sur le marché intérieur (c' est-à-dire à sa clientèle habituelle) (11)?

13. A la lumière des considérations qui précèdent, on pourrait juger, par référence à la jurisprudence Krantz (12), que le cas qui nous occupe est l' un de ceux dans lesquels l' existence d' une entrave aux importations intracommunautaires est tellement aléatoire et indirecte qu' elle exclut, d' emblée, la possibilité d' appliquer l' article 30 du traité à la réglementation nationale litigieuse.

14. Cette conclusion pourrait être confirmée par la considération selon laquelle la réglementation française ° dans la mesure où, en réalité, elle s' applique aux produits (ré)exportés ° se prêterait à être plus adéquatement examinée dans le cadre de l' article 34 que dans celui de l' article 30 du traité. On soulignera, à cet égard, que, dans l' arrêt du 24 mars 1994, Commission/Belgique (13), la Commission avait contesté la légalité de la réglementation belge, qui ne soustrayait pas à l' agrément
certains appareils terminaux destinés à l' exportation, en se fondant précisément sur l' article 34 du traité (14).

15. b) L' entrave résultant prétendument de la réglementation litigieuse est, de toute façon, une entrave "proportionnée". Si l' on estime que la réglementation française est susceptible d' entraver les échanges, au sens de l' article 30 du traité, on devra vérifier si cette entrave est proportionnée à la nécessité de garantir le respect d' exigences impératives considérées comme compatibles avec les finalités de l' ordre juridique communautaire.

16. Rappelons brièvement quelles sont les positions des parties. La Commission et le gouvernement français conviennent que l' obligation d' agrément des appareils terminaux est, en principe, compatible avec l' article 30 du traité, dans la mesure où elle est indispensable en vue de garantir la conformité de ces appareils à certaines exigences essentielles relatives, en particulier, à la sécurité des utilisateurs et au bon fonctionnement du réseau public de télécommunications.

17. La seule divergence de vues concerne, comme nous l' avons dit, la portée que cette obligation devrait avoir. Selon la Commission, l' obligation d' agrément ne devrait pas valoir pour les appareils qui sont destinés à la réexportation et qui donc ne sont pas susceptibles de causer des dommages sur le territoire national ou de perturber le fonctionnement du réseau national de télécommunications. La Commission estime, à ce propos, suffisant d' imposer au commerçant l' obligation d' indiquer
clairement la destination du produit et d' adopter toute autre mesure utile pour avertir l' acquéreur que l' appareil ne bénéficie pas d' un agrément et ne peut donc être utilisé sur le territoire national. Ces précautions permettraient la commercialisation des terminaux non agréés destinés à la réexportation, sans préjudice, d' ailleurs, de la responsabilité de l' acquéreur dans le cas d' un éventuel usage impropre de l' appareil. Toujours d' après la Commission, la directive 91/263 du Conseil
aurait adopté une approche analogue, ce qui confirmerait le bien-fondé de cette interprétation de l' article 30.

18. A l' inverse, le gouvernement français estime que l' obligation d' agrément ne peut être considérée comme injustifiée que s' il est certain que les terminaux seront effectivement réexportés. Généralement, toutefois, aucune certitude n' existe sur ce point. En effet, lorsque les terminaux sont commercialisés (et font l' objet d' une publicité) sur le territoire national à travers les circuits normaux de distribution et qu' il n' existe aucune garantie spécifique quant au fait que l' acquéreur
exportera effectivement l' appareil, il faut considérer qu' il est plus que probable que l' acquéreur du terminal l' utilisera sur place, c' est-à-dire le raccordera au réseau national. Donc, permettre que des terminaux non agréés soient librement mis dans le commerce, même s' il est indiqué qu' ils sont destinés exclusivement à la réexportation, équivaudrait à mettre en péril le système du contrôle de conformité, contrôle effectué grâce à l' agrément des appareils, et, en même temps, à compromettre
le respect des exigences essentielles en matière de sécurité et de bon fonctionnement du réseau que ce contrôle a précisément pour but d' assurer.

19. Lorsque l' on analyse le problème, il convient, avant tout, de se rappeler que la Cour a déjà fait observer, dans la matière concernée, que l' obligation d' agrément des appareils terminaux, tout en pouvant, dans une certaine mesure, entraver les échanges intracommunautaires concernant ces appareils, est, néanmoins, indispensable pour assurer le respect d' exigences fondamentales d' intérêt public et que, par conséquent, cette obligation s' avère, en principe, parfaitement compatible avec l'
article 30 du traité. Selon la Cour:

"En l' absence d' une réglementation communautaire relative à l' établissement des réseaux publics de télécommunications et compte tenu de la diversité technique des réseaux dans les États membres, ces derniers conservent, d' une part, le pouvoir d' édicter les spécifications techniques auxquelles doivent répondre les appareils téléphoniques pour pouvoir être raccordés au réseau public et, d' autre part, le pouvoir de vérifier l' aptitude de ces appareils à être raccordés au réseau afin de
satisfaire aux exigences impératives tenant à la protection des usagers en tant que consommateurs de services ainsi qu' à la protection et au bon fonctionnement du réseau public" (15).

En outre, dans le même arrêt, la Cour, se fondant sur le principe de proportionnalité, a précisé que, étant donné que l' éventuel refus d' agrément de la part de l' autorité nationale chargée du contrôle pouvait, en pratique, interdire l' accès au marché d' un État membre aux appareils terminaux importés d' un autre État membre et donc entraver la libre circulation des marchandises, ce refus devait pouvoir être mis en cause par les opérateurs économiques dans le cadre d' un recours juridictionnel
(16).

20. Concernant la législation nationale qui fait l' objet de la présente procédure, il s' agira ci-après essentiellement de décider si le fait de soumettre à l' obligation d' agrément même les terminaux destinés à la réexportation (et antérieurement importés d' un autre État membre) ne se traduit pas par une entrave aux échanges qui soit disproportionnée et donc incompatible avec l' article 30 du traité.

Sur ce point, nous dirons immédiatement que la réponse à cette question doit, à notre avis, être négative, cela essentiellement pour trois raisons. En premier lieu, nous considérons que, en l' absence d' une telle obligation, le régime d' agrément et les exigences dont il vise à garantir le respect pourraient être systématiquement contournés par les opérateurs économiques. En deuxième lieu, il nous semble opportun de répéter, également dans le cadre de l' examen de la proportionnalité de la
réglementation en cause, ce que nous avons déjà dit ci-dessus au point a), à savoir que l' obligation d' agrément des terminaux destinés à la réexportation pourrait être la source d' entraves aux importations intracommunautaires d' une ampleur très réduite, sinon négligeable. En troisième lieu, enfin, le bien-fondé de la conclusion ici défendue nous paraît en harmonie ° contrairement à ce qu' affirme la Commission ° avec le système de vérification de la conformité des terminaux instauré par la
directive 91/263.

° Sur le risque que les opérateurs économiques se soustraient au régime d' agrément des terminaux

21. En ce qui concerne le premier point, il faut, avant tout, souligner que les appareils dont il s' agit, quoique prétendument destinés à la réexportation, demeurent cependant toujours des appareils parfaitement susceptibles d' être raccordés au réseau national de télécommunications. Comme le gouvernement français l' a fait remarquer à juste titre, ces appareils entrent dans le circuit normal de distribution commerciale ° dont, d' ailleurs, relèvent les prévenus dans la procédure au principal ° et
sont, par conséquent, offerts en vente à une clientèle dont le but est normalement, non pas de les exporter hors de France, mais bien de les utiliser sur le territoire français en les raccordant au réseau national. Si donc l' on permet de vendre des appareils non agréés en se bornant à indiquer que ces appareils sont destinés à la réexportation, il y a grand risque que les acquéreurs ° comme, peut-être, le vendeur lui-même le leur suggérera discrètement ° achètent le terminal non agréé, dont le prix
s' avère souvent plus intéressant, et le raccordent ensuite au réseau national. Les faits de l' espèce sont, du reste, assez éloquents. Les prévenus dans la procédure au principal sont, en fait, des commerçants opérant dans la région de Reims, qui se sont procuré des téléphones sans fil et des télécopieurs non munis de l' agrément réglementaire ou de tout autre document attestant leur conformité aux spécifications techniques en vigueur en France et qui ont ensuite offert ces produits à un public d'
acheteurs dont, vraisemblablement (et sauf exceptions absolument hypothétiques), le but sera d' utiliser les téléphones et télécopieurs concernés dans des habitations et des bureaux situés dans la région elle-même, ou dans des régions limitrophes, et non, certes, de les réexporter hors de France.

22. Dans ces conditions, permettre aux opérateurs économiques de commercialiser des terminaux non agréés sur le marché national, en prenant seulement la précaution d' avertir le public que ces terminaux sont destinés à la réexportation, équivaut, purement et simplement, à autoriser, sur une échelle potentiellement très grande, le commerce d' appareils non agréés susceptibles d' être raccordés au réseau national. En d' autres termes, on offrirait aux opérateurs économiques et à leurs clients une
occasion commode d' éluder le régime d' agrément obligatoire des terminaux.

23. Or un tel résultat s' avère en contradiction avec la position adoptée, jusqu' à présent, tant par la Cour que par le législateur communautaire lui-même. En effet, il résulte de la jurisprudence citée ci-dessus et des directives 86/361 et 91/263 du Conseil, ainsi que de la directive 88/301 de la Commission elle-même, que l' obligation d' agrément des terminaux constitue une garantie essentielle, dans la mesure où elle est destinée à éviter que soient mis dans le commerce et raccordés au réseau
des appareils non satisfaisants sur le plan de la sécurité ou de l' efficacité technique.

Il s' ensuit que l' on ne peut faire de l' article 30 du traité une interprétation telle qu' elle permette aux opérateurs économiques et aux particuliers, par un simple "escamotage", d' éluder aisément cette obligation et d' en compromettre l' application effective.

24. Par ailleurs, il faut aussi rappeler que si, d' une part, cette solution vise à garantir le respect effectif de l' obligation d' agrément, d' autre part, elle ne fait pas courir aux opérateurs économiques et aux consommateurs le risque de se voir imposer des restrictions abusives par les autorités nationales. Outre le fait que, depuis l' adoption de la directive 91/263, l' agrément est effectué sur la base de spécifications techniques harmonisées et non d' origine nationale, il convient de faire
observer que, conformément à la jurisprudence citée ci-dessus, tant la définition des spécifications techniques, sur la base desquelles l' agrément est délivré, que les refus d' agrément doivent, de toute façon, pouvoir être mis en cause dans le cadre d' un recours juridictionnel, garantie qui permet, au moins, de remédier à un exercice éventuellement abusif de leur pouvoir d' agrément de la part des autorités nationales.

° Sur l' incidence limitée qu' a sur les échanges l' obligation d' agrément des terminaux prétendument destinés à la réexportation

25. En deuxième lieu, il faut répéter que l' extension de l' obligation d' agrément aux terminaux destinés à la réexportation ne peut avoir qu' une incidence très marginale (sinon tout à fait négligeable) sur les échanges intracommunautaires. Pour les raisons déjà indiquées [voir point a) ], il ne paraît pas que l' on puisse facilement imaginer un flux d' importations de terminaux qui, dans la mesure où ils sont dépourvus d' agrément, ne peuvent être vendus sur le marché intérieur, mais peuvent être
exclusivement destinés à la réexportation. Mais, s' il en est ainsi, on ne voit pas quel serait l' avantage de ne pas soumettre aussi à l' obligation d' agrément les terminaux destinés à la réexportation: d' un côté, le flux d' importations effectuées uniquement en vue de la réexportation s' avère être d' une importance tellement marginale, du point de vue économique, que l' on incline à penser que, même en l' absence de l' obligation d' agrément, il n' en pourra pas, de toute façon, résulter un
avantage significatif en termes d' accroissement des échanges et d' intégration des marchés; d' un autre côté, comme nous l' avons dit, autoriser la vente libre, dans les magasins, de terminaux non agréés, pourvus de la seule mention "destiné exclusivement à l' exportation" (ou de tout autre message équivalent) risque de rendre substantiellement inefficace le système même de l' agrément.

26. Sur ce point, il nous paraît utile aussi de préciser que le coût et la durée de la procédure d' agrément sont, en règle générale, raisonnables et supportables pour une entreprise souhaitant mettre sur le marché un nouveau type d' appareil (l' agrément n' est sollicité qu' une seule fois pour chaque type d' appareil; son coût se répartit donc sur les divers exemplaires de chaque type d' appareil agréé vendus sur le marché concerné; on rappellera que, en moyenne, le coût de l' agrément s' élève à
environ 100 000 BFR).

° Sur la directive 91/263

27. Enfin, il faut souligner que la solution ici proposée s' avère être dans la ligne de la directive 91/263 du Conseil concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux équipements terminaux de télécommunications, incluant la reconnaissance mutuelle de leur conformité (directive, d' ailleurs, entrée en vigueur postérieurement aux faits de l' espèce).

28. Cette directive distingue entre les équipements terminaux destinés à être connectés à un réseau public (article 1er, paragraphe 2) et ceux qui, tout en étant susceptibles d' être connectés à un réseau public, ne sont pas expressément destinés à une telle utilisation (article 1er, paragraphe 3, et article 2, paragraphe 1). Les premiers sont soumis à un régime harmonisé d' évaluation de leur conformité aux exigences essentielles en matière de sécurité et de bon fonctionnement du réseau; cette
évaluation, qui est effectuée, notamment, grâce à l' agrément du type d' équipement concerné, permet l' apposition, sur les produits, de la marque "CE" et du symbole indiquant l' aptitude de l' équipement à être connecté au réseau (articles 9 et 11 et annexe VI). La seconde catégorie d' équipements ° ceux qui ne sont pas expressément destinés à être connectés au réseau public ° est, par contre, soumise à un régime que l' on pourrait qualifier d' "allégé": ce régime se fonde sur une déclaration du
fabricant ou du fournisseur relative à la destination de l' appareil (article 2, paragraphe 1) et permet l' apposition d' un symbole indiquant la non-aptitude de l' équipement à être connecté aux réseaux publics des États membres (article 11, paragraphe 4, et annexe VII). Les appareils de l' une ou de l' autre de ces catégories, pourvus des symboles prescrits, peuvent, en principe, circuler librement, sous réserve de l' application de mesures de sauvegarde nationales (il va de soi que les appareils
considérés comme aptes à être raccordés au réseau public bénéficient de débouchés commerciaux beaucoup plus importants et que, par conséquent, si l' appareil répond effectivement aux exigences techniques prescrites, les opérateurs économiques auront tout intérêt à donner la préférence au régime de droit commun plutôt qu' au régime "allégé").

29. Selon la Commission, le fabricant ou le fournisseur d' un appareil, qui a l' intention de le mettre en circulation dans la Communauté, serait entièrement libre de déterminer si cet appareil est ou non destiné à être raccordé au réseau public et donc s' il doit être soumis à un contrôle visant à vérifier sa conformité aux exigences essentielles ou au régime "allégé" dont nous avons parlé. Toujours selon la Commission, parmi les appareils non expressément destinés à être connectés au réseau
public, devraient être inclus ceux qui, en raison de l' indication expresse donnée par le fabricant ou le fournisseur, sont destinés à la réexportation (en dehors de la Communauté); dans le cadre du régime prévu par la directive donc, il serait possible de mettre en circulation dans la Communauté des appareils non agréés (ou dont la conformité aux exigences essentielles n' est pas autrement attestée), en indiquant simplement que l' appareil, dans la mesure où il est destiné à la réexportation, est
inapte à être connecté au réseau public. Cela prouve ° conclut la Commission ° que, même avant l' adoption de la directive, il aurait été possible au législateur national d' arrêter un régime moins restrictif et donc compatible avec le principe de proportionnalité.

Le gouvernement français a, par contre, soutenu, que, même dans le cadre de la directive, les appareils présentant objectivement les caractéristiques techniques et les fonctionnalités propres à un appareil terminal normal doivent, de toute façon, être soumis à l' agrément. L' opérateur économique ne pourrait opter pour le régime "allégé" prévu par la directive que si l' appareil concerné présente des caractéristiques particulières qui le rendent spécifiquement apte à être utilisé sur des réseaux
privés et non sur le réseau public. Une solution différente compromettrait l' effet utile du régime d' agrément que la directive elle-même considère comme primordial en vue de satisfaire aux exigences essentielles prescrites. Il s' ensuit que, même dans le cadre de la directive, on ne devrait pas reconnaître aux opérateurs économiques la faculté de vendre des appareils terminaux simplement pourvus d' un message indiquant qu' ils sont destinés exclusivement à la réexportation en dehors de la
Communauté.

30. L' interprétation proposée par le gouvernement français nous paraît plus convaincante. Il est exact, en effet, que la directive prévoit deux types de régime: l' un basé sur le contrôle de conformité, par le moyen de l' agrément (ou quelque autre) des appareils terminaux destinés au réseau public; l' autre, "allégé", pour les appareils non expressément destinés au réseau public. Il est exact aussi, toutefois, que l' application de l' un ou de l' autre type de régime s' avère n' être pas laissée à
un choix purement volontaire de l' opérateur économique, mais reposer sur des considérations de caractère objectif. Il résulte, en effet, de l' article 2, paragraphe 2, de la directive que le fabricant ou le fournisseur qui entend bénéficier du régime "allégé" doit être en mesure de justifier de la destination prévue de l' appareil en fonction de ses "caractéristiques techniques pertinentes", de ses "fonctionnalités" et du "segment de marché" visé. On devrait en déduire que, si l' appareil est un
appareil terminal normal, susceptible d' être connecté au réseau public, et qui ne présente aucune particularité objective qui le rende apte à une autre destination ° c' est-à-dire à une utilisation dans le cadre de réseaux privés ° alors, cet appareil devra être soumis au régime ordinaire et non au régime "allégé"; il devra, en conséquence, être soumis au contrôle de conformité et, le cas échéant, à la procédure d' agrément prescrite. Il faut encore ajouter que, en vertu de l' article 1er,
paragraphe 3, de la directive, les téléphones sans fil ° l' un des deux types de terminaux vendus par MM. Rouffeteau et Badia ° sont présumés "de jure" destinés à être connectés au réseau public et sont donc toujours soumis au régime correspondant.

31. Il ne vaut guère la peine de faire observer qu' une interprétation différente de la directive serait en contradiction, non seulement avec le texte de celle-ci, mais aussi avec sa finalité. Un des objectifs fondamentaux de la directive est de garantir (en même temps que la libre circulation des terminaux) le respect des exigences essentielles susmentionnées. Le moyen choisi pour atteindre cet objectif est celui de l' agrément obligatoire des appareils destinés à être connectés aux réseaux
publics. Or, si un opérateur économique pouvait mettre en circulation dans la Communauté des terminaux non agréés, simplement en déclarant que ces terminaux sont destinés à être réexportés dans un pays tiers, cela impliquerait que l' on pourrait mettre en vente dans des magasins européens des appareils qui ne sont rien d' autre que des terminaux normaux prévus pour être connectés au réseau public, en éludant le contrôle de leur conformité aux exigences essentielles définies par la directive. Pour
cette raison aussi, nous estimons donc que le régime "allégé" prévu par la directive doit être réservé aux appareils qui présentent des caractéristiques techniques et fonctionnelles objectives qui les rendent particulièrement aptes à être utilisés dans le cadre de réseaux privés; ce régime, par contre, ne peut être étendu à des appareils qui sont des appareils terminaux normaux et dont l' unique spécificité consiste dans une déclaration du fabricant ou du fournisseur selon laquelle l' appareil doit
être considéré comme destiné à être réexporté dans un pays tiers.

32. Il résulte des observations qui précèdent que, même dans le cadre de la directive 91/263, les appareils tels que ceux qui font l' objet de la procédure au principal ne pourraient être mis dans le commerce sans agrément préalable (ou toute autre procédure de certification équivalente prévue par cette directive). En effet, comme nous l' avons dit, en l' espèce, la Cour n' est pas appelée à se prononcer au sujet des appareils qui, en raison de leurs caractéristiques objectives, sont destinés à être
utilisés sur des réseaux privés, mais seulement à propos des appareils qui, d' un point de vue technique et fonctionnel, ont vocation à être connectés aux réseaux publics et qui, cependant, sont supposés être destinés à la réexportation. Or la directive prévoit que des appareils de cette nature ne peuvent circuler dans la Communauté sans qu' en ait été préalablement attestée, par le moyen de l' agrément ou de toute autre procédure de certification équivalente, la conformité aux exigences
essentielles en matière de sécurité des personnes (usagers et travailleurs) et de bon fonctionnement du réseau, exigences définies dans le détail par l' article 4 de la directive. Cela vaut, à plus forte raison, pour les appareils, tels que les téléphones sans fil, qui, dans la mesure où ils ont recours au spectre des fréquences radio, sont présumés "de jure" destinés à être connectés au réseau public et sont, en conséquence, soumis à l' obligation d' agrément.

33. Par conséquent, nous considérons que l' on ne peut tirer argument du régime institué par la directive en vue de démontrer que la législation nationale antérieure était incompatible avec le principe de proportionnalité.

34. A la lumière de toutes les considérations développées jusqu' ici, nous estimons que l' obligation d' agréer les terminaux destinés à la réexportation est pleinement justifiée dans la mesure où elle est indispensable pour assurer le respect d' exigences impératives parfaitement compatibles avec les finalités de l' ordre juridique communautaire. Il s' ensuit que tant l' interdiction de commercialiser des terminaux non agréés, prévue par le décret n 85-712, que l' interdiction accessoire de faire
de la publicité pour ces terminaux, prévue par l' article 8 de la loi n 89-1008, dans la mesure où elles s' appliquent aussi aux terminaux réexportés, ne sont pas incompatibles avec l' article 30 du traité.

35. c) A titre subsidiaire, si l' on considérait que la réglementation litigieuse constitue une mesure d' effet équivalent interdite par l' article 30 du traité, il faudrait préciser que l' article 30 ne s' applique qu' aux importations de biens provenant d' autres États membres et non de pays tiers. A cet égard, il suffira de rappeler que, conformément au traité (17) et à la jurisprudence de la Cour (18), l' article 30 ne peut être invoqué qu' au bénéfice de la libre circulation des marchandises
"entre les États membres". Par contre, cette disposition ne peut être invoquée si la mesure nationale concernée s' applique non pas à des produits importés d' autres États membres, mais bien à des produits importés directement de pays tiers (ou à des produits d' origine nationale).

Il en résulte que des opérateurs économiques prévenus ° comme MM. Rouffeteau et Badia ° d' avoir commercialisé des terminaux dépourvus d' agrément (et d' avoir fait de la publicité pour ceux-ci) ne pourront invoquer l' article 30 du traité pour s' opposer à ce que les règles nationales litigieuses leur soient appliquées que s' il s' agit de terminaux importés d' un autre État membre; par contre, les règles nationales, et les sanctions qu' elles prévoient, seront pleinement applicables si les
opérateurs économiques concernés ont mis en vente des terminaux importés directement de pays tiers (ou, éventuellement, des terminaux de fabrication nationale).

Il appartient, naturellement, au juge national de déterminer si les procès-verbaux dressés aux prévenus ont pour objet la commercialisation d' appareils terminaux (et la publicité faite pour ceux-ci) importés d' autres États membres ou de pays tiers.

Conclusion

36. A la lumière des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre au juge national dans les termes suivants:

"La directive 88/301/CEE et l' article 30 du traité ne s' opposent pas à l' application d' une législation nationale, telle que celle contenue dans le décret français n 85-712, ainsi que dans la loi française n 89-1008, qui interdit tant la commercialisation d' appareils terminaux non agréés que la publicité faite à leur égard, sans prévoir une dérogation à ces interdictions pour l' hypothèse où le commerçant a clairement averti l' acquéreur que ces appareils sont destinés à la réexportation et que,
pour ce motif, ils ne sont donc pas utilisables en vue de leur connexion au réseau national de télécommunications."

(*) Langue originale: l' italien.

(1) - JO L 131, p. 73.

(2) - Arrêt du 27 octobre 1993, Decoster (C-69/91, Rec. p. I-5335).

(3) - Arrêt du 27 octobre 1993, Taillandier (C-92/91, Rec. p. I-5383).

(4) - L' article 3 prévoit, à cet égard, que les appareils terminaux doivent:

a) posséder des caractéristiques compatibles avec celles du réseau;

b) ne pas perturber le fonctionnement du réseau;

c) assurer dans des conditions normales l' échange de signaux de toute nature avec le réseau;

d) émettre ou restituer fidèlement les communications;

e) ne pas être la source d' influences électromagnétiques extérieures anormales et ne pas être perturbés par de telles influences;

f) posséder des caractéristiques propres à assurer l' utilisation conjointe des matériels de même nature parmi lesquelles figurent celles permettant d' assurer la permanence du service;

g) être munis d' un dispositif de raccordement approprié au réseau.

L' article 4 prévoit, en outre, que les appareils doivent:

a) assurer la protection des personnes, des animaux domestiques et des biens, contre les risques provoqués par les surcharges électriques pouvant apparaître accidentellement sur le réseau;

b) ne pas transmettre au réseau des surcharges électriques accidentelles;

c) assurer la protection contre les choc acoustiques.

(5) - Voir le point II de l' ordonnance de renvoi, qui est précisément intitulé Sur l' incompatibilité par rapport au droit communautaire de l' exigence d' un agrément pour des terminaux destinés à la réexportation .

(6) - Voir point I de l' ordonnance de renvoi.

(7) - Il faut aussi souligner que, toujours selon le juge a quo, par la loi n 90-568 du 2 juillet 1990 ° loi qui a doté l' exploitant public France Télécom d' une personnalité morale autonome ° la France aurait consacré, conformément aux prescriptions de l' article 6 de la directive 88/301, une nette séparation entre, d' une part, les fonctions de réglementation et de contrôle, relevant du ministère des Postes et Télécommunications, et, d' autre part, l' activité commerciale, exercée par France
Télécom. Il en résulte que, à l' époque des faits de l' espèce (septembre 1991) et contrairement à ce qu' a constaté la Cour dans les arrêts Decoster et Taillandier, précités, les spécifications techniques et les procédures d' agrément appliquées en France paraissaient conformes aux dispositions de la directive 88/301.

(8) - La directive 86/361 (JO L 217, p. 21) a été, ensuite, remplacée par la directive 91/263/CEE (JO L 128, p. 1) ° dont nous parlerons ci-après ° qui a ultérieurement précisé (article 4) les exigences essentielles auxquelles doivent satisfaire les terminaux.

(9) - Voir la directive 91/263.

(10) - L' article 3, deuxième alinéa, premier tiret, de la directive 88/301 précise aussi que, en l' absence de spécifications techniques, [les États membres peuvent] refuser que soient raccordés et mis en service des appareils terminaux ne respectant pas, selon un avis circonstancié émis par l' entité visée à l' article 6, les exigences essentielles telles que précisées à l' article 2 point 17 de la directive 86/361/CEE .

(11) - La situation pourrait être différente s' il s' agissait:

i) de commerçants établis dans une zone frontalière;

ii) d' entreprises spécialisées dans des opérations triangulaires d' import-export.

Toutefois, il y a lieu de faire observer, concernant le premier cas, que la possibilité pour un commerçant de vendre des terminaux non agréés à des utilisateurs résidant dans un autre État membre (ou à des touristes de passage) est très réduite du fait de l' incertitude dans laquelle l' acquéreur peut se trouver (à moins qu' il ne s' agisse d' un expert) quant à l' aptitude de cet appareil (dont le coût n' est pas dérisoire) à fonctionner correctement sur le réseau de son pays. Quant au second cas,
on peut faire observer, d' une part, que des opérations triangulaires de ce type paraissent, en principe, peu intéressantes du point de vue commercial (pourquoi l' opérateur commercial établi dans l' État membre de réexportation devrait-il se fournir auprès d' une entreprise établie dans un deuxième État membre, laquelle a, à son tour, importé le produit d' un troisième État membre, plutôt que de se fournir directement?) et, d' autre part, que, comme le confirme le gouvernement français, de telles
opérations pourraient, de toute façon, être soustraites à l' obligation d' agrément, étant donné que, dans ce cas, il est effectivement assuré que les appareils ° qui ne sont pas véritablement introduits dans le circuit de distribution national ° seront, avec certitude, réexportés et ne seront, donc, pas raccordés au réseau national.

(12) - Arrêt du 7 mars 1990 (C-69/88, Rec. p. I-583).

(13) - C-80/92, Rec. p. I-1019.

(14) - Il faut, d' ailleurs, souligner que, au moins à première vue, la réglementation française, tout comme la réglementation belge visée dans l' arrêt Commission/Belgique, ne semble pas contraire à l' article 34, tel qu' interprété par la Cour (voir également l' arrêt du 7 février 1984, Jongeneel Kaas, 237/82, Rec. p. 483); elle se borne, en fait, à imposer aux produits exportés le même traitement que celui appliqué aux produits commercialisés sur le marché intérieur.

(15) - Voir arrêt du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM (C-18/88, Rec. p. I-5941).

(16) - Voir, dans le même sens, le récent arrêt du 27 octobre 1993, Lagauche e.a. (C-46/90 et C-93/91, Rec. p. I-5267).

(17) - Article 9, paragraphe 2.

(18) - Voir arrêt du 15 juin 1976, EMI Records/CBS Schallplaten (96/75, Rec. p. 913).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-314/93
Date de la décision : 19/04/1994
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de grande instance de Reims - France.

Article 30 du traité CEE - Directive 88/301/CEE - Terminaux de télécommunications - Interdiction des appareils téléphoniques non agréés - Réexportation.

Libre circulation des marchandises

Ententes

Mesures d'effet équivalent

Restrictions quantitatives

Concurrence


Parties
Demandeurs : Procédure pénale
Défendeurs : François Rouffeteau et Robert Badia.

Composition du Tribunal
Avocat général : Tesauro
Rapporteur ?: Zuleeg

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:158

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award