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24/02/1994 | CJUE | N°C-433/92

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 24 février 1994., Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung contre Otto Frick GmbH & Co. KG et Vinzenz Murr GmbH., 24/02/1994, C-433/92


Avis juridique important

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61992C0433

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 24 février 1994. - Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung contre Otto Frick GmbH & Co. KG et Vinzenz Murr GmbH. - Demandes de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Viande bovine - Ai

de au stockage privé - Moment du stockage - Sanction - Viande en l'état -...

Avis juridique important

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61992C0433

Conclusions de l'avocat général Darmon présentées le 24 février 1994. - Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung contre Otto Frick GmbH & Co. KG et Vinzenz Murr GmbH. - Demandes de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne. - Viande bovine - Aide au stockage privé - Moment du stockage - Sanction - Viande en l'état - Viande désossée - Taux forfaitaires de conversion - Application. - Affaires jointes C-433/92 et C-434/92.
Recueil de jurisprudence 1994 page I-01543

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les deux affaires jointes dont vous avez ici à connaître ont trait à l' interprétation de trois règlements de la Commission relatifs à l' octroi d' aides au stockage privé dans le secteur de la viande bovine.

2. Il s' agit des règlements (CEE) n 1071/68 du 25 juillet 1968 (1), n 2471/77 du 8 novembre 1977 (2) et n 1405/78 du 22 juin 1978 (3), ces deux derniers ayant été adoptés pour "adapter certaines des conditions prévues" (4) au premier quant à l' octroi des aides et étant à la base des litiges objets, respectivement, des affaires C-434/92 et C-433/92.

3. C' est sur l' interprétation de quelques-unes de ces conditions que portent les questions préjudicielles posées par le Bundesverwaltungsgericht.

4. Rappelons les dispositions qui sont au coeur du litige:

1) l' article 3, paragraphe 2, du règlement n 1071/68 indique que le contrat d' aide au stockage privé doit prévoir pour le stockeur les obligations suivantes:

"...

a) Mettre en stock et stocker, dans les délais prévus, la quantité convenue du produit en cause à son compte et à ses risques propres;

b) prévenir l' organisme d' intervention avec lequel il est engagé du jour et du lieu de l' entreposage ainsi que de la nature et de la quantité des produits à stocker;

c) transmettre incessamment audit organisme d' intervention les documents justificatifs des opérations d' entreposage;

...

e) permettre à l' organisme d' intervention de contrôler à tout moment le respect des obligations considérées."

2) prévoyant la possibilité de désosser et de découper la viande, l' article 4 du règlement n 2471/77 (carcasses, demi-carcasses et quartiers compensés) précise:

"...

3. Aux fins de l' application du présent règlement, 100 kilogrammes de viandes non désossées ... équivalent à:

a) 77 kilogrammes de viandes désossées, en cas de découpage et désossage de toute la quantité pour laquelle le contrat est conclu ou, en cas de découpage et désossage, du même nombre de quartiers avant et de quartiers arrière;

b) 70 kilogrammes de viandes désossées, en cas de découpage et désossage de tous les quartiers avant.

..."

3) la même possibilité de désosser et de découper la viande (quartiers avant), avant la mise en stock, fait l' objet de l' article 4 du règlement n 1405/78 qui dispose:

"...

2. Aux fins de l' application du présent règlement, 100 kilogrammes de viandes non désossées équivalent à 70 kilogrammes de viandes désossées.

..."

4) l' article 4, paragraphes 4 et 5, du règlement n 2471/77 et l' article 4, paragraphe 3, du règlement n 1405/78 disposent que si la quantité de viande désossée mise en stock est inférieure à 85 % de la quantité de viande non désossée pour laquelle le contrat a été conclu, l' aide n' est pas payée et, que si cette quantité est égale ou supérieure à ce pourcentage, le montant de l' aide est proportionnellement réduit.

5. C' est dans le cadre de l' application de ces textes que se sont déroulés les faits à l' origine des litiges au principal. Rappelons-les brièvement.

6. Dans la première affaire, la firme Otto Frick GmbH (ci-après "Frick") avait perçu une aide pour le stockage de 22 157,4 kg de viande désossée obtenus à partir de 29 571 kg avant désossage, soit avec un rendement de 74,93 %. A la suite du déstockage anticipé par cette dernière de 3 220,8 kg, la Bundesanstalt fuer landwirtschaftliche Marktordnung (ci-après "la BALM") lui a réclamé le remboursement de la totalité de l' aide accordée au motif que, du fait de ce prélèvement, le seuil de 85 % de la
quantité contractuelle à stocker imposé par le règlement n 1405/78 pour bénéficier d' une telle aide n' était plus atteint.

7. La BALM, pour en arriver à cette conclusion, applique aux 3 220,8 kg déstockés le taux de rendement "réel" de 74,93 % obtenu lors du désossage, ce qui donne 4 298 kg avant désossage. Si cette dernière quantité est déduite de celle mise en stock à l' origine - 29 571 kg -, il ne reste que la viande désossée provenant de 25 273 kg non désossés, c' est-à-dire une quantité inférieure, en pourcentage, au seuil de 85 % de la quantité contractuelle imposé par le règlement concerné.

8. Devant le juge a quo, et devant vous à l' audience, Frick conteste l' application de ce taux "réel" et prétend que c' est le taux de rendement "fictif" de 70 % (100 kg non désossés équivalent à 70 kg désossés) prévu par le règlement qui doit s' appliquer: en ce cas, le seuil de 85 % nécessaire à l' obtention d' une aide serait atteint et celle-ci ne devrait pas être supprimée mais simplement réduite.

9. S' agissant de la seconde affaire, la Firme Vinzenz Murr GmbH (ci-après "Murr") avait perçu une aide pour le stockage de 31 367 kg de viande désossée. S' étant avisée que 5 175,8 kg avaient été stockés avant la conclusion du contrat, la BALM, considérant que cette mise en stock n' avait pas été autorisée, a demandé la restitution de la totalité de l' aide au motif qu' en appliquant à cette dernière quantité le taux de rendement réel (77,09 %) résultant de l' opération de désossage et en déduisant
le poids ainsi obtenu de la quantité initiale, on obtenait une quantité restant en stock inférieure au seuil de 85 % imposé par le règlement concerné.

10. Murr soutient que le stockage de la viande peut commencer avant la conclusion du contrat et que, dans le cas d' espèce, la BALM avait la possibilité de contrôler les opérations de mise en stock aussi efficacement qu' après cette conclusion, puisqu' elle avait été prévenue par téléphone de l' intention de Murr - à laquelle elle n' a pas fait opposition - de découper et de désosser la quantité de viande considérée, le jour même où la demande d' aide de cette dernière lui est parvenue. De plus,
tout comme Frick, Murr estime que c' est le mode de calcul figurant dans le règlement (100 kg non désossés équivalant ici à 77 kg désossés) qui doit s' appliquer pour savoir si le seuil de 85 % est ou non atteint.

11. C' est sur le point de savoir quelle clé de conversion - taux réel ou taux "fictif" - doit s' appliquer pour déterminer, dans le cas de la viande désossée, la quantité minimale à stocker pour bénéficier de l' aide, en totalité ou en partie, que porte la question relative à la première affaire, ainsi que, à titre subsidiaire, la dernière des cinq questions qui vous sont posées dans la seconde.

12. Les quatre premières questions visent à déterminer si Murr peut ou non prétendre à une aide au titre du lot stocké avant la conclusion du contrat passé avec la BALM.

13. La première est relative au point de savoir si la mise en stock de la quantité convenue ne peut commencer qu' après la conclusion du contrat de stockage.

14. Le règlement n 1071/68 ne comportant pas de précision à cet égard, c' est par référence à certaines de ses dispositions concernant le contrat de mise en stock que la Commission vous demande de répondre par l' affirmative à cette interrogation. Nous partageons ce point de vue.

15. Aux termes de l' article 3, paragraphe 2, sous b) et c), le contrat doit faire obligation au stockeur de prévenir l' organisme d' intervention du jour et du lieu de l' entreposage ainsi que de la nature et de la quantité des produits à stocker et de lui transmettre "incessamment" les documents des opérations d' entreposage. Il en résulte que la mise en stock doit normalement avoir lieu après la conclusion du contrat.

16. La lecture combinée de ces dispositions avec celle figurant sous e) du même paragraphe, laquelle impose au stockeur de permettre à l' organisme d' intervention de contrôler à tout moment le respect de ces obligations, va dans le même sens. Si la mise en stock a lieu avant la conclusion du contrat, le contrôle ne peut se faire qu' a posteriori, au risque d' en affecter la fiabilité.

17. En cas de réponse affirmative à cette première question, le juge a quo vous demande de dire quelle est l' opération qui marque le début de la mise en stock au sens de l' article 3, paragraphe 2, du règlement n 1071/68.

18. Le règlement n 2471/77 précise que la durée de stockage est de quatre ou cinq mois (article 5, paragraphe 1) et que son point de départ est le jour où la mise en stock est achevée (article 3, paragraphe 2, deuxième alinéa).

19. Si ce règlement, pas plus que le règlement n 1071/68, n' apporte pas de précision comparable sur le point de départ de la mise en stock, ces textes n' en fournissent pas moins des indications précieuses.

20. La première nous est donnée par l' article 5, paragraphe 1, du règlement n 1071/68 lequel dispose: "Le montant de l' aide est fixé par unité de poids et se réfère au poids constaté avant congélation lors de la mise en stock". La mise en stock se situe donc après pesage et avant congélation.

21. Aux termes du deuxième considérant de ce règlement, ne sont éligibles à l' aide que les stockeurs privés pouvant garantir "... que le stockage sera effectué de façon satisfaisante et qui disposent à l' intérieur de la Communauté d' une capacité frigorifique suffisante". Son article 3, paragraphe 2, se réfère à "l' entreposage ... des produits à stocker" (b) et mentionne l' obligation pour le stockeur d' "entreposer des produits en lots facilement identifiables" (d).

22. Cette indication, qui précise la précédente, permet de conclure que c' est l' entreposage dans une chambre froide qui marque le début de la mise en stock, étant observé que le processus de congélation ne pourra être déclenché que postérieurement, afin notamment de permettre à l' organisme d' intervention de procéder à tout contrôle utile.

23. Une fois posé le principe de l' obligation de ne commencer la mise en stock qu' après la conclusion du contrat de stockage, il y a lieu de déterminer - tel est l' objet de la troisième question préjudicielle - si le contractant qui a stocké un lot avant la conclusion du contrat perd tout droit à une aide au titre de ce lot.

24. En d' autres termes, cette obligation doit-elle être qualifiée d' obligation principale dont la violation peut entraîner la perte du droit à l' aide, ou simplement d' obligation secondaire qui ne justifie pas une telle sanction?

25. Vous avez précisé dans votre arrêt E. D. et F. Man (Sugar) (5) que

"... lorsqu' une réglementation communautaire établit une distinction entre une obligation principale, dont l' accomplissement est nécessaire pour atteindre l' objectif visé, et une obligation secondaire, à caractère essentiellement administratif, elle ne peut, sans méconnaître le principe de proportionnalité, sanctionner aussi sévèrement la méconnaissance de l' obligation secondaire et celle de l' obligation principale" (6).

26. Et dans votre arrêt Fromançais (7) que

"Afin d' établir si une disposition de droit communautaire est conforme au principe de proportionnalité, il importe de vérifier, en premier lieu, si les moyens qu' elle met en oeuvre pour réaliser l' objectif qu' elle vise s' accordent avec l' importance de celui-ci et, en second lieu, s' ils sont nécessaires pour l' atteindre" (8).

27. L' objectif des aides est avant tout d' inciter au stockage. Mais ce dernier doit s' effectuer dans le respect de certaines conditions propres à en assurer l' efficacité et à permettre à l' organisme d' intervention d' exercer son contrôle. Si tel n' est pas le cas, l' objectif des règlements ne peut pas être atteint.

28. Ces conditions, et notamment le respect de l' obligation, dont nous avons relevé l' importance, de ne procéder aux opérations de mise en stock qu' après la conclusion du contrat de stockage, doivent, dès lors, être qualifiées d' obligations principales dont la violation justifie en principe, pour les quantités concernées, la perte du droit à l' aide.

29. Redisons-le: au vu des considérations qui précèdent, cette sanction nous paraît appropriée et nécessaire pour atteindre les objectifs essentiels de la réglementation en cause qui sont d' inciter au stockage tout en prévenant les irrégularités et les fraudes.

30. Ceci étant posé, que doit-il en être si l' administration avait eu néanmoins la possibilité de contrôler la mise en stock aussi efficacement que si celle-ci avait eu lieu régulièrement, c' est-à-dire après la conclusion du contrat de stockage?

31. C' est, en pareille hypothèse, à "une approche plus nuancée des problèmes" (9) posés par la présente affaire, que nous invite le Bundesverwaltungsgericht par sa quatrième question préjudicielle, approche partagée par la Commission et par Murr et à laquelle nous croyons difficile de ne pas souscrire.

32. Rappelons que la BALM aurait été informée par téléphone - pratique courante suivie dans ce domaine par son antenne locale - de l' intention de Murr de commencer la mise en stock anticipée d' une certaine quantité de viande et qu' elle n' aurait émis aucune réserve à cet égard.

33. Si cette "anticipation" n' a pas affecté les possibilités d' exercice du contrôle par la BALM, circonstance qui relève de l' appréciation souveraine du juge national, il y a lieu de considérer que le stockeur n' a pas perdu son droit à l' aide pour la quantité litigieuse.

34. Venons-en à la question commune aux deux instances. Elle ne s' y pose pas de la même manière. En effet, si vous suivez notre proposition s' agissant de la quatrième question de l' affaire Murr, le juge a quo n' aura nul besoin de répondre à sa dernière interrogation pour régler le litige dont il est saisi (10).

35. Mais cette question conserve tout son intérêt dans le cas contraire et, de toute façon, la réponse que vous lui apporterez est seule de nature à permettre au juge de renvoi de résoudre l' affaire Frick.

36. Le problème, rappelons-le, est celui de la clé de conversion à retenir lorsque la viande est découpée et désossée. Si vous adoptez la solution qui vous est suggérée par les entreprises et faites le choix du taux forfaitaire prévu par les règlements précités, le droit aux aides litigieuses sera en toute hypothèse assuré. Si, par contre, vous considérez, avec la BALM et la Commission, que seul le taux "réel" doit être retenu, ce droit leur sera refusé, à coup sûr pour Frick, sous réserve de ce qui
a été précisé pour Murr.

37. C' est, à notre avis, la première solution qui doit être retenue tant au regard de la lettre des textes elle-même que de l' absence de base juridique au soutien de la seconde.

38. La lettre des textes, tout d' abord: les articles 4, respectivement paragraphes 3 et 2 des règlements n s 2471/77 et 1405/78, précisent qu' "Aux fins de l' application du présent règlement ..." x kilogrammes de viandes non désossées équivalent à y kilogrammes de viandes désossées.

39. Il nous apparaît donc que, faute d' exception expresse à cette règle, celle-ci doit recevoir pleine application pour la mise en oeuvre des règlements précités.

40. En conséquence, dans le cas où une certaine quantité de viande désossée est irrégulièrement déstockée, ou stockée dans des conditions irrégulières, en sorte que, dans les deux cas, elle ne puisse être prise en considération pour l' octroi d' une aide, il y a lieu d' appliquer, pour savoir à quelle quantité de viande non désossée elle correspond, la clé de conversion explicitement prévue par les textes des règlements concernés et non un quelconque taux réel auquel ceux-ci ne font aucune
référence.

41. Il nous semble logique, en effet, qu' une matière aussi technique que le stockage des viandes bovines fasse l' objet de dispositions précises. Or, s' il existe bien une précision concernant le taux forfaitaire dans les règlements n s 2471/77 et 1405/78 (100 kg non désossés équivalent, selon le cas, à 77 ou 70 kg désossés), il n' en est rien pour le taux réel dont l' application est préconisée par la Commission.

42. Dès lors, la lecture de ces textes nous conduit à penser que seul le taux forfaitaire qui y figure doit s' appliquer.

43. Vous avez rappelé, en ce sens, dans votre arrêt Allemagne/Commission (11) que:

"... la législation communautaire doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables. Cet impératif de sécurité juridique s' impose avec une rigueur particulière lorsqu' il s' agit d' une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l' étendue des obligations qu' elle leur impose".

44. Et l' absence de toute base juridique de la solution proposée par la Commission, selon laquelle c' est le taux réel qui devrait être retenu, nous conforte dans notre opinion.

45. En effet, pas plus qu' il n' existe, dans les textes, de disposition expresse relative à une clé de conversion réelle, il n' est possible à notre sens, d' en solliciter les termes pour aboutir à une interprétation venant au soutien de la position de la Commission.

46. Cette dernière vous demande de déduire des articles 4, paragraphes 1, des règlements n s 2471/77 et 1405/78, lesquels précisent que toute la viande qui fait l' objet d' une opération de désossage doit être mise en stock (et pas seulement 77 ou 70 kg désossés pour 100 kg non désossés), que c' est la quantité résultant effectivement du désossage qui doit être prise en considération pour la détermination de l' aide à octroyer. Une telle interprétation interdirait au stockeur qui a choisi de
désosser la viande et qui a obtenu un rendement supérieur de prétendre à l' octroi de la totalité de l' aide tout en gardant la possibilité de vendre les morceaux en excédent. De plus, le cinquième considérant du règlement n 1071/68, précise qu' "... en vue de tenir compte des usages commerciaux, il convient d' admettre certaines marges de variation de la quantité stockée convenue". C' est ce qui justifierait les pourcentages prévus par les règlements n s 2471/77 et 1405/78 (90 % ou 85 % selon que
la viande a été stockée en l' état ou désossée). On ne saurait, dès lors, par la prise en compte du taux fictif, offrir, pour le calcul de l' aide, un surcroît de flexibilité au contractant qui a obtenu un excédent après désossage.

47. Nous ne partageons pas ce point de vue.

48. L' obligation faite aux opérateurs de stocker toute la viande résultant de l' opération de désossage correspond certes à l' un des principaux objectifs des règlements susvisés qui est de conduire au stockage d' une quantité maximale de viande bovine (12) et d' éviter toute fraude. Elle n' est nullement incompatible avec l' existence de clés de conversion forfaitaires destinées à déterminer par avance et avec précision les conditions d' attribution des aides.

49. Ces clés de conversion ne peuvent pas avoir comme seule finalité, contrairement à ce que soutient la Commission, d' établir un taux de rendement minimal applicable aux opérations de désossage. Elles constituent l' un des éléments essentiels des règlements puisque leur application conditionne le droit aux aides.

50. De même, il ne nous semble pas que le cinquième considérant du règlement n 1071/68 puisse être interprété dans le sens indiqué par la Commission et nous ne croyons pas possible d' en déduire une quelconque interdiction faite aux opérateurs concernés de bénéficier, en cas de désossage, de l' application du taux forfaitaire.

51. Mais, plus encore, nous estimons que l' application à une partie de la viande désossée, déstockée par anticipation ou stockée irrégulièrement, du taux réel, aux fins de déterminer à quelle quantité de viande non désossée elle équivaut, est de nature à provoquer de graves erreurs d' évaluation.

52. En effet, ce taux réel résulte du désossage de la totalité de la viande mise en stock, c' est-à-dire tous morceaux confondus. En ce sens, il s' agit d' un taux réel moyen résultant de l' opération globale de désossage.

53. Dès lors, appliquer ce taux réel moyen à une petite quantité de viande - celle déstockée par anticipation ou stockée irrégulièrement - constituée seulement de certains morceaux, serait inapproprié puisque ce taux n' est réel que par référence au rendement obtenu lors du désossage de la totalité de la viande mise en stock.

54. Ceci nous renforce dans notre opinion que c' est le taux forfaitaire, tel qu' indiqué dans les règlements, qui doit s' appliquer.

55. Quant au risque de voir les stockeurs qui ont procédé au désossage vendre les morceaux qui seraient en excédent, il nous suffira de relever que les règlements concernés (en leurs articles 4, paragraphes 1) n' autorisent le désossage qu' à la condition que toute la viande résultant de cette opération soit mise en stock.

56. En conséquence, nous concluons à ce que vous disiez pour droit:

"1) L' article 3, paragraphe 2, du règlement (CEE) n 1071/68 de la Commission, du 25 juillet 1968, concernant les modalités d' application de l' octroi d' aides au stockage privé dans le secteur de la viande bovine, doit être interprété en ce sens que le stockeur privé ne peut commencer la mise en stock de la quantité convenue qu' après la conclusion du contrat de stockage.

2) L' opération qui marque le début de la mise en stock au sens de cette disposition est, préalablement à toute congélation, l' entreposage de la viande à stocker dans la chambre froide de l' entrepôt frigorifique.

3) L' obligation de ne commencer la mise en stock qu' après la conclusion du contrat constitue une obligation principale dont la violation entraîne en principe la suppression du droit à l' octroi d' une aide pour la quantité de viande concernée.

4) Ce droit n' est cependant pas perdu lorsque, sans se voir opposer la moindre réserve de leur part, le stockeur privé a informé par téléphone les services de l' organisme d' intervention de son intention de procéder à la mise en stock anticipée de ladite quantité, et que cette opération n' a pas affecté la possibilité pour cet organisme de pratiquer un contrôle effectif du respect par le stockeur des obligations qui lui incombent.

5) Pour calculer, en cas de désossage, la quantité de viande à prendre en considération quant au droit à l' aide au stockage, il y a lieu de faire application des taux forfaitaires respectivement prévus aux articles 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) n 2471/77 de la Commission, du 8 novembre 1977, prévoyant l' octroi d' une aide au stockage privé de carcasses, demi-carcasses et quartiers compensés, fixée forfaitairement à l' avance, dans le secteur de la viande bovine, et 4, paragraphe 2, du
règlement (CEE) n 1405/78 de la Commission, du 22 juin 1978, prévoyant l' octroi d' une aide au stockage privé des quartiers avant, fixée forfaitairement à l' avance, dans le secteur de la viande bovine."

(*) Langue originale: le français.

(1) - Règlement concernant les modalités d' application de l' octroi d' aides au stockage privé dans le secteur de la viande bovine (JO L 180, p. 19).

(2) - Règlement prévoyant l' octroi d' une aide au stockage privé de carcasses, demi-carcasses et quartiers compensés, fixée forfaitairement à l' avance, dans le secteur de la viande bovine (JO L 286, p. 20).

(3) - Règlement prévoyant l' octroi d' une aide au stockage privé des quartiers avant, fixée forfaitairement à l' avance, dans le secteur de la viande bovine (JO L 170, p. 20).

(4) - Voir, respectivement, cinquième et quatrième considérants de ces règlements.

(5) - Arrêt du 24 septembre 1985 (181/84, Rec. p. 2889).

(6) - Point 20.

(7) - Arrêt du 23 février 1983 (66/82, Rec. p. 395).

(8) - Point 8.

(9) - Ordonnance de renvoi, II, 1, sous d).

(10) - Ibidem, II, 1, premier alinéa.

(11) - Arrêt du 15 décembre 1987 (332/85, Rec. p. 5143, point 23).

(12) - Voir votre arrêt du 1er février 1994, Irsfeld (C-374/92, non encore publié au Recueil, point 24).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-433/92
Date de la décision : 24/02/1994
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Bundesverwaltungsgericht - Allemagne.

Viande bovine - Aide au stockage privé - Moment du stockage - Sanction - Viande en l'état - Viande désossée - Taux forfaitaires de conversion - Application.

Viande bovine

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Bundesanstalt für landwirtschaftliche Marktordnung
Défendeurs : Otto Frick GmbH & Co. KG et Vinzenz Murr GmbH.

Composition du Tribunal
Avocat général : Darmon
Rapporteur ?: Edward

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1994:74

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